Quelques clés pour relaxer

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Quelques clés pour relaxer
Quelques clés pour relaxer
Paru dans Travail et santé, vol 24 no 2, juin 2008
Par Jacques Lafleur, psychologue
Les ventes d’antidépresseurs ne cessant de croître, il me semble pertinent de proposer ici
quelques autres moyens de régulariser sa tension intérieure. En fait, on peut regrouper les
stratégies de réduction de la tension physique et psychologique en quatre grandes catégories.
La première concerne la résolution des problèmes qui créent la tension. Sans véritable
problème à résoudre, les chances sont en effet grandes qu’on se retrouve le corps plutôt
détendu et l’esprit serein. Régler ses problèmes, c’est donc un moyen de vivre le corps et
l’esprit plus détendus.
La deuxième concerne la vie intérieure et les attitudes; on lira souvent que ce ne sont pas tant
les choses extérieures qui nous troublent que la façon avec laquelle on les aborde qui nous les
rendent stressantes. Le remède sera ici d’apprendre à voir les choses autrement : recadrage,
affirmation de soi, capacité de décrocher, restructuration cognitive, modification du
comportement, vie spirituelle, intelligence émotionnelle, programmation neuro linguistique,
etc., on trouve de nombreuses écoles pour nous aider à changer certaines attitudes ou pour
nous présenter des façons de voir la vie qui nous la rendent moins éprouvante.
Le troisième regroupement de moyens de réduire la tension est axé sur la biochimie du stress.
On réduit ici sa tension en consommant des produits ayant des propriétés relaxantes :
anxiolytiques, antidépresseurs, relaxants musculaires, somnifères, alcool (en petite quantité).
Finalement, la quatrième catégorie regroupe les stratégies psychocorporelles de relaxation.
C’est ce que je veux aborder sommairement ici.
La relaxation
Le but avoué des méthodes de relaxation est de nous amener à diminuer notre état de tension
corporelle et psychique. Relaxer, au sens scientifique du terme, c’est donc consacrer
volontairement du temps à utiliser une méthode pour se détendre. Cette définition un peu
stricte n’exclut pas que d’autres moyens puissent donner des résultats semblables (activité
physique, cinéma ou théâtre, lectures, rencontre d’amis, etc.). Cela signifie simplement que la
science a confirmé que l’utilisation de certaines méthodes précises amenait une détente
bénéfique.
Les huit ingrédients de la relaxation
Chaque méthode de relaxation est composée d’une combinaison particulière de huit
éléments : respiration, position physique, détente volontaire des muscles, étirements ou
massages, concentration, attitude « laisser-être » (attitude d’observation de ce qui se passe
dans son esprit), autosuggestion ou visualisation et, finalement, réduction de la stimulation
extérieure. Selon les méthodes, certains de ces ingrédients sont plus présents que d’autres.
Par exemple, le hatha-yoga met l’accent sur la respiration, les étirements et la détente
volontaire des muscles; le training autogène (Schultz) mise sur la détente volontaire des
muscles, la concentration, l’attitude « laisser-être » et l’autosuggestion; la relaxation
progressive (Jacobson) propose la concentration sur des contractions musculaires spécifiques
et des étirements, le tout suivi de détente; la méthode du docteur Benson est axée sur la
détente volontaire, sur la respiration accompagnée de mots ou de sons, sur la concentration et
sur l’attitude laisser-être. Un environnement propice au calme est aussi un ingrédient commun
à toutes les méthodes ci-haut mentionnées.
Bien que chaque méthode particulière mette l’accent sur certains éléments, toutes ont en
commun de donner le même bloc de résultats lié à la réduction du stress, laquelle amène une
foule de bénéfices tant préventifs que curatifs, tout autant dans le corps que dans l’esprit. La
liste de ces bienfaits étant passablement longue, je me contenterai de dire que le
fonctionnement de tout ce qui réagit mal au stress (concentration, équilibre émotif, humeur,
sommeil, digestion, systèmes cardiovasculaire, immunitaire, respiratoire, digestif ou musculosquelettique, etc.) sera amélioré par la pratique de la relaxation. Cela a aussi d’immenses
avantages au plan préventif, parce que la relaxation agit en soutenant les mécanismes
d’équilibre du corps. En fait, dans les moments sereins et paisibles, le corps utilise son énergie
à se rééquilibrer et à refaire ainsi sa santé.
Les méthodes associées
Contrairement aux médicaments dont les molécules induisent des changements artificiels dans
le système nerveux, les méthodes de relaxation ne font que favoriser l’arrivée d’un réflexe
naturel de l’organisme. Quand, plusieurs fois par jour, nos animaux de compagnie s’abstraient
de toute activité non pas pour dormir mais pour simplement se détendre, ils font de même : ils
relaxent, comme ils « savent » spontanément le faire. La relaxation est en fait une réponse
organique au même titre que le stress ou le sommeil; elle se produit naturellement quand les
conditions sont propices. Les méthodes de relaxation ne font donc que procurer des conditions
favorables à cette réponse organique.
Et comme les méthodes sont faites d’ingrédients spécifiques, chacun pourrait se créer des
façons de relaxer particulières : se concentrer sur de la musique en détendant ses muscles dans
son bain, feuilleter sans but précis des livres d’images de la nature ou de reproductions de
toiles des grands peintres en prenant soin de garder une respiration profonde, marcher
tranquillement en détendant sa nuque et ses épaules tout en dirigeant son attention sur les
images ou les sons qui nous parviennent et en y revenant dès que notre esprit se met à
« penser », etc. Il ne resterait plus qu’à utiliser sa méthode une trentaine de minutes par jour,
et on obtiendrait selon toute probabilité les mêmes résultats qu’avec une méthode officielle.
Trente minutes par jour!!! Êtes-vous fou? On n’a déjà pas le temps de respirer…
La nécessité d’un entraînement
À l’instar de l’activité physique, la relaxation peut difficilement donner des résultats
intéressants sur la santé si elle n’est pas conçue comme un entraînement. La « dose » varie
quelque peu selon les méthodes, mais on peut difficilement s’attendre à une réduction
significative de la tension corporelle et psychique si on ne consacre pas environ une demiheure par jour (cinq ou six jours par semaine), à une méthode ou à une autre.
Il existe cependant quelques variations importantes; certaines méthodes de méditation seront
pratiquées deux fois par jour, environ 20 minutes à chaque fois. Au minimum, le training
autogène propose trois sessions quotidiennes d’environ 10-12 minutes. Le yoga, utilisé plus
longtemps, pourrait donner des résultats anti-stress significatifs tout en étant utilisé moins
souvent (de 45 minutes à une heure, 3 ou 4 fois par semaine). Il s’agit ici de doses
thérapeutiques, destinées à réduire ou à éliminer des symptômes et des maladies liés au stress.
Si on ne vise pas à guérir d’une maladie liée à la tension, on peut se contenter de moins : il
pourra par exemple nous être utile de prendre des pauses détente (respirer profondément à
quelques reprises, ou détendre ses muscles, ou faire quelques étirements, etc.) durant une ou
deux minutes. Répétées plusieurs fois par jour, ces pauses auront un effet intéressant sur la
tension, ne serait-ce qu’en stoppant son accumulation et en nous rappelant que nous existons,
ce que nous avons tendance à oublier quand nous nous mettons corps et âme au service des
« choses » à faire.
Méditer
On regroupe sous le nom de méditation une série de techniques, tirées des grandes traditions
religieuses, destinées à se poser en observateur de son propre fonctionnement mental soit pour
mieux saisir la nature de l’esprit, soit pour se rendre plus réceptif ⎯ au sens large ⎯ sur le
plan spirituel. Ces techniques comportant toutes plusieurs éléments favorisant la relaxation,
on peut donc aussi les utiliser en ayant pour but de se détendre. De nombreuses études ont
d’ailleurs confirmé la capacité qu’ont ces méthodes d’induire la réponse de relaxation, si bien
qu’on trouve aujourd’hui des instituts scientifiques de réduction du stress qui proposent
d’intégrer la pratique de la méditation dans son quotidien. Ils laissent de côté, pour la plupart,
l’aspect spirituel de ces pratiques.
En pratique…
Le plus facile consiste à utiliser des méthodes simples et très brèves plusieurs fois par jour.
Par exemple : bien expirer, inspirer profondément en redressant le corps, expirer ensuite en
gardant le corps droit tout en détendant la nuque, les épaules, les bras et les mains; bouger la
tête quelque peu et la tenir comme si elle était un ballon d’hélium. Le tout prend une dizaine
de secondes, et nous voilà un peu plus frais et dispos. On peut aussi simplement se donner
une respiration abdominale, plusieurs fois par jour. Cela peut être intéressant et utile en
situation d’attente (salle d’attente, attente au téléphone, feu rouge, etc.).
Un autre moyen relativement facile à utiliser consiste à ajouter des moments de relaxation à
certaines activités du quotidien. Par exemple, on profitera d’un bain d’abord destiné à se laver
pour aussi détendre ses muscles ou pour masser ses pieds, chevilles et mollets. Ou , une fois
dans son lit, on profitera du moment qui précède le sommeil pour détendre ses membres un à
un, pour se donner une respiration abdominale ou encore pour s’aider à induire le sommeil
avec une technique ou une autre (par exemple, on dirige son attention sur sa respiration; on
compte la première (un) la deuxième (deux) la troisième (trois) la quatrième (quatre); rendu à
la cinquième, on recommence à un (cinquième : un, sixième : deux, septième : trois, etc.) et
ainsi de suite par cycles de quatre. Si on perd le compte, on recommence à un. Quand les
idées arrivent (elles arrivent vite!), on les laisse passer et on revient à sa respiration dès qu’on
en prend conscience. On refuse de s’attarder à des pensées ou d’essayer de résoudre des
difficultés : on dit stop, on laisse passer, on revient à sa respiration).
La détente
Sans être classées dans les méthodes de relaxation formelles, les activités de détente ont un
effet anti-stress et, conséquemment, un effet bénéfique sur la santé. Elles constituent des
moyens simples de prendre soin de son corps et de son esprit : lecture de romans, écoute de
musique, promenade dans la nature, activité physique ou sportive, jeu de société, casse-tête,
cinéma, bref toute activité à laquelle on se livre sans autre but que de passer un moment
agréable pourra avoir un effet bénéfique sur la tension. Il serait sage de réserver du temps
quotidiennement à ce type de détente.
Évidemment, pour avoir du temps désencombré, du temps qui ne sert pas à « faire ce qu’on a
à faire », il sera fort utile de réviser quelque peu son mode de vie si on a tendance à remplir
son temps d’obligations. Un mode de vie très serré ne peut en effet faire autrement qu’être
stressant, même si on peut réduire les effets néfastes de ce stress en prenant du temps pour
soi, en relaxant ou encore en méditant.
Des choix
La pratique de la relaxation ou de la méditation ainsi que l’intégration de périodes « libres »
dans son quotidien constituent d’excellentes façons de contrer le déséquilibre organique lié au
stress. Comme ils prennent du temps, il semble cependant relativement difficile d’intégrer ces
moyens à son quotidien dans une vie où le temps manque déjà.
Nous revoilà donc encore une fois à la question des priorités…