quelques résultats de la recherche menée au Cameroun
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GOURLOT J.-P., FRYDRYCH R., éditeurs scientifiques, 2001. Improvement of the Marketability of Cotton Produced in Zones Affected by Stickiness. Actes du séminaire, 4–7 juillet 2001, Lille, France, CFC – ICAC – Cirad – IFTH – SCC - ARC. Montpellier, France, Cirad, CFC - Technical report. Influence de la plante sur Aphis gossypii : quelques résultats de la recherche menée au Cameroun JEAN-PHILIPPE DEGUINE ET BERNARD HAU Cirad-ca, Programme coton, TA 72/09, 34398 Montpellier Cedex 5, France Résumé : Des études ont été réalisées au Cameroun dans les années 90 afin d’évaluer le développement des populations de Aphis gossypii Glover sur différents types de plantes-hôtes appartenant à la famille des Malvacées. Plusieurs caractéristiques des plantes-hôtes peuvent affecter l’infestation par les pucerons. En premier lieu, il est intéressant de noter l’influence de plusieurs caractéristiques morphologiques variétales. C’est le cas de la feuille okra dont la surface est très vite saturée en cas de pullulation de pucerons. Cependant, cette caractéristique morphologique implique des modifications de certains éléments de la séquence de gestion des cultures. La composition chimique de la plante est une autre voie intéressante dans la lutte contre A. gossypii. Les taux de certains composants comme les acides aminés et les sucres peuvent définir en partie le potentiel de développement de A. gossypii. Il est possible d’envisager de telles méthodes de contrôle variétal dans le cadre de programmes de lutte intégrée et leur étude mérite d’être poursuive et menée à bien. Introduction Le puceron Aphis gossypii Glover est devenu un ravageur sérieux du coton en Afrique centrale, comme dans la plupart des autres régions de production du coton à travers le monde (Leclant et Deguine, 1994). La dynamique de population des pucerons est le résultat de facteurs favorables correspondant à l’éclosion des œufs et de facteurs défavorables provoquant la mort (Robert, 1981). L’équilibre entre ces facteurs entraîne l’augmentation ou la diminution de leurs effectifs. La nature de la plante elle-même peut avoir un effet sur la dynamique de A. gossypii en modifiant ses capacités de développement ou de reproduction. Les études rapportées plus bas ont été menées au Cameroun de 1989 à 1994 et avaient pour objet d’évaluer le développement des pucerons sur différents types de plantes-hôtes appartenant à la famille des Malvacées. Quatre niveaux de comparaison étaient prévus. D’abord, l’effet de A. gossypii sur le cotonnier et le gombo, les deux plantes-hôtes les plus gravement infestées au Cameroun, était évalué dans l’environnement naturel de l’insecte et en laboratoire (Ekukole, 1990). Ensuite, les deux espèces de coton les plus couramment cultivées au monde, à savoir Gossypium hirsutum L. en culture pluviale et Gossypium barbadense L. en culture irriguée, étaient comparées. Le troisième niveau de comparaison consistait à étudier le collage de la fibre dans différentes variétés de coton qui pouvaient s’appliquer au Cameroun. Enfin, la feuille okra, qui possède une caractéristique variétale souvent mentionnée comme présentant des avantages en termes de contrôle de A. gossypii, était étudiée. 86 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness Matériel et méthodes Etude au niveau du genre Les observations concernant l’infestation du coton et de l’okra ont été réalisées en 1993 sur trois sites différents : Maroua, Mokong et Touboro. Des plants de gombo situés en bordure d’une parcelle de cotonniers non protégés (un demi-hectare) ont fait l’objet d’une surveillance hebdomadaire. Lors de chaque observation, il était procédé au comptage du nombre de pucerons présents sur 20 plants de cotonniers et 20 plants de gombo. Etude au niveau de l’espèce Des variétés de coton « sauvage » (espèces ou races non cultivées) ont été plantées à des fins ornementales près des bureaux du centre de recherche de l’IRA à Maroua. Les espèces ou races sont les suivantes : G. hirsutum (race punctatum), Gossypium arboreum (race soudanense) L., Gossypium herbaceum (race acerifolium) L. et G. barbadense. Ces espèces sont récoltées dans le nord du Cameroun, généralement à des fins artisanales (Seignobos & Schwendiman, 1991). Deux plants de chaque espèce semés l’un à côté de l’autre en août 1992 sur une surface de 3 m sur 7 m ont été irrigués pendant la saison sèche et sont ainsi restés « verts ». Ces cotonniers ont constitué le matériel principal de l’étude. Observations au champ Les observations au champ ont d’abord consisté à compter les pucerons présents sur toutes les feuilles de chaque cotonnier ornemental lors de la pullulation (23 décembre 1992). Ensuite, après une évaluation qualitative de l’infestation par les pucerons de six cultivars barbadense au champ en août 1993, le cultivar 1284 a été choisi pour les études ultérieures. Une étude comparant l’infestation par les pucerons de l’espèce G. hirsutum (race latifolium, variété IRMA BLT) and G. barbadense (cultivar 1284) a été semée le 5 septembre 1993 à Maroua. C’était un essai couple avec cinq répétitions. La parcelle élémentaire consistait en une ligne de 5 mètres. Les cotonniers n’étaient pas traités et ils étaient arrosés à la fin de l’hivernage. Vingt-trois observations consistant à établir le décompte des pucerons sur les cinq feuilles terminales de cinq cotonniers successifs de chaque ligne étaient effectuées deux fois par semaine (du 20 octobre 1993 au 13 janvier 1994). Etudes de fertilité Les études de fertilité sur A. gossypii ont été réalisés au laboratoire en août 1993 vis-à-vis de chaque espèce et pour l’espèce vulgarisée G. hirsutum (race latifolium, varieté IRMA BLT). Cette espèce a été semée le 10 juin 1993 à côté des autres. Le but de ces études était essentiellement comparatif et ils étaient effectués de la manière suivante. Cinq feuilles terminales étaient prélevées sur chaque espèce de cotonnier le matin. Les pucerons étaient retirés des feuilles à l’aide de fines pinces à épiler. La température (25 °C), l’humidité relative (55,5 %) et l’éclairage (12 heures par jour) étaient maintenus à des valeurs constantes dans le laboratoire. Une fois le pétiole enveloppé dans du coton hydrophile humide, chaque feuille était placée dans une boîte de Pétri, face inférieure vers le haut. Quinze pucerons adultes de la troisième génération de pucerons élevés en laboratoire étaient ensuite placés sur chaque feuille. L’opération était réalisée avec des individus adultes aptères et ailés. Un comptage des larves produites en 24 heures était effectué le jour suivant. Les observations étaient renouvelées à neuf reprises entre le 19 et le 30 août 1993 en utilisant des feuilles et des pucerons différents. Les résultats des études de fertilité étaient soumis à une analyse de variance utilisant des blocs de Fisher avec cinq objets (espèce Gossypium) et neuf répétitions (dates d’observation). Analyse chimique des feuilles Ces études au champ et au laboratoire ont été complétées par l’analyse de certaines substances chimiques présentes dans les feuilles de cotonnier. Les espèces hirsutum (IRMA 1243) et barbadense (1284) ont été utilisées. Les analyses concernaient les substances protéiques (acides aminés) et les glucides (sucres), ceux-ci étant particulièrement importants dans le développement de A. gossypii (Slosser et al., 1989). A Actes du séminaire, 4-7 juillet 2001, Lille, France 87 cette fin, deux petites parcelles ont fait l’objet de semis de chaque espèce à Maroua le 10 août 1994. Une protection chimique était assurée (de façon à ne pas doser de substances dans les déjections des arthropodes, notamment dans ceux de A. gossypii et B. tabaci, dont les miellats sont particulièrement sucrés). Cinquante feuilles de chaque variété ont été prélevées le 13 octobre 1994 (à partir du 10ème nœud en partant de la base de la plante). Une fois prélevées, les feuilles étaient conservées au frais (feuilles placées entre deux tampons humides et pétiole enduit de cire) pour l’analyse des acides aminés. Les analyses étaient effectuées dans le laboratoire de l’UR Biotrop du Cirad-gerdat. La préparation consistait à broyer les feuilles dans de l’azote liquide. Le poids sec était mesuré après chauffage à 105 °C pendant 24 heures. Les acides aminés libres étaient extraits de 5 g de matière sèche à l’aide de 20 ml de citrate de sodium 0,2N à un pH de 2,3. L’hydrolyse des protéines était réalisée à l’acide chlorhydrique 6N à 110 °C pendant 24 heures. Après évaporation, les aliquots étaient remis en suspension dans un tampon de borate de sodium 0,4 N à un pH de 9,5. Les acides aminés étaient ensuite analysés par chromatographie liquide de haute performance (CLHP) à l’aide de la méthode suivante. Après dérivatisation des acides aminés sur une pré-colonne à l’orthophtaldialdéhyde, la séparation était effectuée sur une colonne de silice greffée C18. Les acides aminés étaient détectés par fluorescence (excitation à 360 nm, émission à 455 nm) et calibrés selon l’étalon PIERCE 20290. L’analyse des sucres dans les feuilles desséchées a été effectuée dans le laboratoire de l’URA du Cirad-gerdat. La préparation utilisée était une dilution simple après broyage à 200 µm. Une fraction de 1 à 3 g était prélevée. La méthode de chromatographie ionique a été employée, reposant sur l’échange d’anions suivi par une détection par ampérométrie pulsée. La méthode a été décrite en détail par Peschlet et Giacalone (1991). L’analyse des sucres était réalisée deux fois. Etude du caractère de la feuille okra Pendant le cycle végétatif Trois expériences relatives au déroulement de la campagne ont été effectuées. Deux études ont été lancées en 1992, l’une à Gaklé et l’autre à Djalingo, dans le but étant d’évaluer le comportement d’une variété à feuille okra dans des conditions d’exploitation et de fournir des informations concernant l’effet du caractère de la feuille okra. Sur chaque site, une parcelle d’un 1/4 d’hectare a été divisée en deux. Les semis consistaient en IRMA 1234 (feuilles normales), la variété vulgarisée, dans une partie et de la variété IRMA BOKA (feuilles okra) dans l’autre partie. Les deux variétés sont isogéniques, à l’exception du caractère de la feuille okra. Toutes les pratiques culturales recommandées par SODECOTON ont été mises en application sur la parcelle élémentaire et la protection de la culture s’est effectuée par lutte étagée ciblée (une approche associant des objectifs de seuils et le ciblage de ravageurs précis) (Deguine et al., 1993). Dans un deuxième temps, une comparaison des variétés IRMA 1243 et IRMA BOKA a été entreprise sur une parcelle non protégée de500 m2 à Maroua en 1994. Il s’agissait d’évaluer deux parcelles élémentaires sans répétition. Les observations étaient effectuées deux fois par semaine dans les deux cas et concernaient 50 cotonniers par parcelle (25 plants le long de chacune des deux diagonales) en 1992 et 15 plants de chaque variété en 1994. Sur chaque plante examiné, 15 feuilles (cinq dans le haut, cinq au milieu et cinq à la base) ont fait l’objet d’observations en 1992 et toutes les feuilles ont été observées en 1994. Le comptage des pucerons a été réalisé sur chaque feuille. En fin de campagne L’étude en fin de campagne a été menée à Maroua en 1992 sur une parcelle de propagation qui avait auparavant reçu un traitement de protection classique de type UBV (ultra bas volume). L’infestation par les pucerons était très forte en dépit de la protection préalable. Deux variétés étaient étudiées, à savoir la variété vulgarisée IRMA 1243 et une variété à feuille okra, IRMA Z332 (IRMA 1243 x IRMA B1F4 Okra). Les deux variétés ont une généalogie commune, sont proches et diffèrent essentiellement par le caractère okra. L’étude n’avait pas été organisée en fonction d’un plan statistique, les deux parcelles de 100 m2 étaient contiguës et partageaient les mêmes conditions de culture et de sol/climat. Les observations menées du 26 novembre au 5 décembre 1992 consistaient à compter, feuille par feuille, les pucerons sur 63 cotonniers de chaque variété. 88 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness Analyse et présentation des résultats Les résultats des essais avec plan statistique ont été soumis à une analyse de variance. Les chiffres présentés dans les tableaux correspondent aux moyennes réelles, les moyennes transformées étant indiquées entre parenthèses. Les autres critères présentés sont le test de Fisher sur les traitements (F), le coefficient de variation (CV), la significativité du test (probalité) et l’écart-type (ET). Des transformations (T) des variables ont été effectuées si nécessaire (%, log) afin d’homogénéiser la variance. La classification des objets a été réalisée à l’aide du test de Newman-Keuls et des lettres ont été attribuées en ordre décroissant d’intérêt. Résultats et discussion Infestation de l’okra et du coton L’évolution comparative des populations des deux plantes est illustrée aux figures 1, 2 et 3. La dynamique s’est avérée être semblable et la pullulation en début de campagne est survenue au même moment. Une différence de population a été observée d’un site à l’autre pendant cette phase. Lorsque le coton avait été semé bien avant l’okra (Maroua), sa plus grande surface foliaire abritait un nombre plus élevé de pucerons. Par contre, à Mokong, l’infestation de l’okra était plus prononcée parce que la levée des semis était intervenue plus tôt. Une situation intermédiaire a été observée à Touboro (dates de levée des semis rapprochées). En outre, le décompte des pucerons infectés par des parasites ou des champignons et le décompte des prédateurs donnent des résultats identiques pour le coton et l’okra (Deguine, 1995). Développement et reproduction sur G. hirsutum et G. barbadense Le tableau 1 présente les résultats d’une comparaison effectuée en termes de taille de population de pucerons le 23 décembre 1992 sur les quatre espèces ornementales. Les différences d’infestation entre G. hirsutum punctatum et les autres espèces sont très marquées. Les résultats obtenus pour G. hirsutum punctatum et G. barbadense, dont l’apparition dans le champ est très dissemblable, sont présentés dans le détail au tableau 2. Les feuilles de la seconde espèce sont bien plus grandes que celles de la première espèce. Ces résultats ont été confirmés par des observations réalisées en 1993/1994 comparant les effectifs cumulés des pucerons sur G. hirsutum latifolium (cultivé) et G. barbadense pendant l’intercampagne (tableau 3). Les résultats des études de fertilité menées en laboratoire sur les espèces ornementales et sur G. hirsutum latifolium sont présentés au tableau 4. La reproduction de A. gossypii s’est révélée significativement inférieure sur G. barbadense et meilleure sur G. hirsutum latifolium. Les analyses chimiques (tableaux 5 et 6) ont montré que les taux d’acides aminés et de sucres étaient environ deux fois supérieurs dans les feuilles de G. hirsutum que dans les autres feuilles. Les acides aminés obtenus par hydrolyse des feuilles de coton sont équivalents dans les feuilles des deux espèces (22,2 % pour G. hirsutum et 19,8 % pour G. barbadense). Les résultats de ces expériences affichent tous la même tendance. A. gossypii se développe et se reproduit mieux sur G. hirsutum que sur G. barbadense, ce qui confirme les résultats de comparaisons antérieures en Afrique (Khalifa et Sharaf-El-Din, 1964; Ghovanlou, 1976; Silvie et Deguine, 1987). Même s’il s’agit encore d’une hypothèse de recherche, ces études semblent indiquer un effet possible des substances testées dans les feuilles de coton. Compte tenu du rôle établi de ces substances dans le développement de A. gossypii (Slosser et al., 1989; Leclant, 1990), leur taux relativement faibles dans les feuilles de G. barbadense peuvent expliquer, en partie, que l’infestation par les pucerons observée y soit moins importante. Si cela devait être confirmé, l’hypothèse permettrait de rechercher une réponse génétique au problème des pucerons. Il serait ainsi possible d’envisager les gènes ou les groupes de gènes impliqués dans la métabolisation des acides aminés et des sucres. Ceci demande que soient préalablement trouvés des marqueurs moléculaires. Cependant, d’autres substances (flavanols, flavonols et tanins), dont Actes du séminaire, 4-7 juillet 2001, Lille, France 89 l’importance a été mise en évidence par Slosser et al. (1989), devront également être prises en compte à l’avenir. De plus, certaines substances sont connues pour limiter les capacités biologiques de A. gossypii. Le caractère de la feuille okra Le caractère de la feuille okra est de fait très particulier et semble répondre à la condition nécessaire, mais insuffisante, citée plus haut. Les deux variétés ne différant que par le caractère okra ont des aspects très dissemblables, la surface foliaire la moins importante définie par le caractère devant a priori se traduire par une infestation moins importante, comme c’est le cas pour l’aleurode (Deguine et Leclant, 1997). Les figures 4, 5 et 6 illustrent la dynamique de population au cours de la campagne 1992 à Gaklé sur la base de trois critères d’observation. Il n’a été mis en évidence aucune différence entre les deux variétés vis-à-vis du pourcentage de plants ou de feuilles infestées lors de la pullulation tôt dans la campagne (4 août 1992). A l’inverse, une différence importante, s’avérant significative du fait du nombre de feuilles observées (750 par objet) a été notée en termes d’effectifs de pucerons sur les feuilles. La même remarque vaut pour l’expérimentation de Djalingo en 1992 (figure 7). Il a également été observé un arrêt de l’augmentation du nombre de pucerons sur la parcelle de plants à feuille okra à cet endroit avant le pic de pullulation avec stagnation des effectifs pendant plusieurs jours (du 27 juillet au 4 août 1992). Une observation similaire (du 13 au 17 juillet 1994, figure 8) a été faite lors de l’étude de Maroua en 1994. Le manque d’espace est probablement responsable de cette stagnation au cours de cette phase de très forte infestation. La surface foliaire peut par conséquent être le facteur limitant en termes d’effectifs de pucerons lors de la saturation spatiale des limbes. Les mesures des surfaces foliaires réalisées le 4 août 1992 à Gaklé montrent que la surface foliaire de la variété à feuille okra correspondait à 61,2 % de celle du coton courant (données issues du Programme Cultures Cotonnières Paysannes, IRA Maroua). Ce pourcentage est très proche de la proportion des effectifs de pucerons sur le coton à feuille okra par rapport aux effectifs de pucerons sur le coton courant à la même date (60,7 %). Ce résultat tend à confirmer que la pullulation des pucerons est limitée par la saturation spatiale des populations. A l’inverse, lorsque les populations sont réduites en milieu de campagne (c’est-à-dire lorsque l’infestation par les pucerons est négligeable), les courbes des effectifs des pucerons sont très semblables pour les deux variétés alors que celles des pourcentages de plants infestés montrent des différences. Les populations de pucerons tendent à s’étendre à la surface des plants, les plants de surface foliaire plus importante (variété courante) étant alors plus fortement infestés. Ces observations effectuées en campagne nous amènent à conclure que le caractère de la feuille okra limite les populations de A. gossypii en phase de pullulation, si l’on considère le critère le plus adapté (effectifs des pucerons). La conclusion est différente si l’on se base sur les critères plus classiques et plus couramment utilisés (pourcentage de plants ou de feuilles infestées). Ces résultats sont cohérents avec ceux des études effectuées à ce jour sur la culture du coton en Afrique francophone et qui n’ont mis en évidence aucun effet direct du caractère de la feuille okra sur les pucerons (Renou et al. (1984) au Cameroun, Silvie et Deguine (1986) au Tchad, Lemarchand (1992) en Côte d'Ivoire). Les chiffres moyens de fin de campagne pour la surface foliaire des feuilles et des plants et pour les pucerons et le collage sont présentés aux tableaux 10, 11 et 12. La surface foliaire est moindre dans la variété okra (33 cm2 au lieu de 55 cm2 en moyenne). A l’échelle du plant, la présence d’un grand nombre de feuilles (34 au lieu de 26) compense (et gomme en partie) la différence de surface foliaire (1 126 cm2 au lieu de 1 428 cm2) par comparaison avec des cotonniers courants. Les effectifs de pucerons dépendent d’abord de la surface que les insectes peuvent occuper lors de la pullulation et suivent par conséquent la même tendance, avec une moyenne de 253 au lieu de 292 pucerons par feuille (il a été observé jusqu’à 658 pucerons sur une seule feuille d’un cotonnier situé en bordure de parcelle !) mais de 8577 pucerons contre 7541 par plante. Enfin, dans les conditions de l’étude et en prenant en compte la pullulation de A. gossypii en fin de campagne, le seul emploi des variétés à feuille okra ne réduit pas significativement le collage de la fibre. Il est néanmoins important de remarquer que l’incorporation du caractère de la feuille okra dans le coton nécessite l’adaptation des éléments de la séquence de gestion de la culture (densité, fertilisation, lutte contre les mauvaises herbes et protection contre les ravageurs). 90 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness Conclusion Ces études montrent que plusieurs caractéristiques de la plante-hôte sont susceptibles d’affecter l’infestation par les pucerons. En outre, les taux de certaines substances comme les acides aminés et les sucres peuvent, en partie, avoir une incidence sur le potentiel de développement de A. gossypii. Des recherches génétiques doivent ainsi être envisagées de façon à modifier la composition de ces substances. Un caractère variétal responsable d’une modification des conditions de développement des pucerons au champ peut limiter les populations. C’est le cas du caractère de la feuille okra qui limite la surface foliaire disponible, cet effet n’étant toutefois pas suffisant pour diminuer les dommages provoqués par A. gossypii. Ceci semblerait être également le cas du caractère poilu de la feuille, dans la mesure où l’absence de poils sur les feuilles est connue pour réduire la protection de A. gossypii contre ses ennemis naturels (Khalifa et Sharaf El-Din, 1964; Vaissayre, 1970; Ullah, 1978; Castella et al., 1992). Néanmoins, il serait probablement possible de conclure comme pour les feuilles okra (effet insuffisant). Par conséquent, dans le contrôle variétal de A. gossypii, la ligne à suivre est de porter les efforts de recherche sur la composition de la plante vis-à-vis de différentes substances plutôt que d’étudier les caractères morphologiques variétaux dont les effets sont inadéquats. Cependant, cette dernière voie peut s’associer à d’autres méthodes dans le cadre d’une véritable protection intégrée contre le puceron du coton. Il est de fait bien connu que des techniques, si elles s’avèrent impropres lorsqu’elles sont utilisées isolément, peuvent permettre des résultats intéressants au plan agricole lorsqu’elles se juxtaposent (Lecoq et Pitrat, 1983). Références bibliographiques CASTELLA J.-C., CARON H., GENAY J.-P., PHUPHROMPHAN P., WEERATHAWORN P., TREBUIL G., 1992- Rapport d'activités. Protection de la culture cotonnière 1991/1992. Development oriented Research on Agrarian System Project, Kasetsart University (Thailand). CIRAD-CA, Montpellier, 58 p. DEGUINE J.-P., 1995- Bioécologie et épidémiologie du puceron Aphis gossypii Glover, 1877 (Hemiptera, Aphididae) sur cotonnier en Afrique centrale. Vers une évolution de la protection phytosanitaire. Thèse Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier, Montpellier, 138 p. 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ULLAH K., 1978- The behaviour of several cotton cultivars to the attack of Aphis gossypii Glov. Analele Institutului de Cercet|ri pentru Protectia Plantelor, Academia de Stiinte Agricole si Silvice, 14, 94-99. VAISSAYRE M., 1970- Biologie du puceron du cotonnier Aphis gossypii Glover en conditions naturelles. Rapport de stage, ORSTOM, Montpellier, 53 p. Tableau 1 : Comparaison des effectifs de pucerons par plante des quatre espèces « sauvages » Gossypium. Maroua (23/12/1992), observations de deux plants de chaque espèce. Espèce et race Gossypium hirsutum punctatum arboreum soudanense herbaceum acerifolium Barbadense 92 Pucerons par plante 3 698,5 37,7 252,5 343,5 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness Tableau 2 : Comparaison de l’infestation par deux espèces « sauvages » Gossypium. Maroua (23/12/1992), observations de deux plants de chaque espèce. Numéros des cotonniers et moyenne par espèce Nombre de branches Nombre de feuilles Pourcenta ge de feuilles infestées Nombre de pucerons sur le plant Plant n° 1 Plant n° 2 Moyenne G. hirsutum punctatum Plant n° 1 Plant n° 2 Moyenne G. barbadense moyenne par feuille 33 29 31 129 122 125 82,2 86,9 84,5 3634 3763 3698 28,2 30,8 29,5 28 28 28 268 252 260 43,7 36,5 40,2 436 248 342 1,6 1,0 1,3 Maximu m par feuille 268 294 294 24 13 24 Tableau 3 : Comparaison de l’infestation par G. hirsutum latifolium (IRMA BLT) et G. barbadense (1284) pendant l’intersaison. Maroua (23/10/93-10/01/94), champ irrigué. Analyse de variance par méthode d’appariement (5 répétitions). Observations de 25 feuilles par parcelle. Gossypium Espèce et race Pucerons sur 25 feuilles (23 observations cumulées) Hirsutum latifolium Barbadense 340,7 (2,51) b 136,2 (2,11) a F CV Probabilité Ecart-type T 35,24 5,1 0,2 % (0,05) Log Tableau 4 : Fertilité de A. gossypii sur plusieurs espèces Gossypium. Maroua (9 observations du 19/08 au 30/08/1993). Analyse de variance utilisant un plan à blocs de Fisher avec 5 objets (espèces) et 9 répétitions (Nombre de tests). Gossypium Espèce et race Nombre de larves produites par jour Pour 75 individus aptères adultes pour 75 individus ailés adultes Hirsutum latifolium Arboreum soudanense Herbaceum acerifolium Barbadense Hirsutum punctatum 227,3 (2,34) c 171,3 (2,19) b 212,2 (2,30) c 124,3 (2,07) a 227,7 (2,34) c 167,2 (2,20) c 131,2 (2,09) b 156,1 (2,17) c 104,4 (1,99) a 167,4 (2,21) c F CV Probabilité Ecart-type T 25,79 3,1 < 0,01 % (0,02) log 12,01 3,7 < 0,01 % (0,03) Log Actes du séminaire, 4-7 juillet 2001, Lille, France 93 Tableau 5 : Comparaison de la teneur en acides aminés libres dans les feuilles de G. hirsutum (IRMA 1243) et de G. barbadense (1284). Maroua (1994), feuilles prélevées le 13/10 (environ 60 jours après la levée), unité : cg pour 100 g de matière sèche (%). Acide aminé Teneur (%) G. hirsutum G. barbadense acide aspartique acide glutamique Asparagine Sérine Glutamine Histidine Glycine Thréonine Arginine Alanine Acide gammaaminobutyrique Tyrosine Méthionine Valine Phénylalanine Isoleucine Leucine Lysine 267,4 81,2 558,1 57,9 16,8 50,7 12,0 55,2 70,1 37,8 14,2 191,2 113,1 273,3 33,1 16,0 26,6 7,4 21,0 38,2 15,7 7,8 43,4 1,1 31,6 75,3 23,9 12,5 29,1 17,1 0,8 16,1 42,1 13,8 6,9 16,5 Total 1438,2 856,7 Tableau 6 : Comparaison de la teneur en sucre des feuilles de G. hirsutum (IRMA 1243) et de G. barbadense (1284). Maroua (1994), feuilles prélevées le 13/10 (environ 60 jours après la levée), unité : cg pour 100 g de matière sèche (%). Sucres Teneur (%) G. hirsutum Sorbitol Galactose Glucose Xylose Fructose Mélibiose Sucrose 94 0,25 0,17 0,65 0,14 0,24 0,79 1,02 G. barbadense 0,16 0,07 0,26 0,00 0,21 0,43 0,51 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness Tableau 7 : Comparaison de la surface des feuilles courantes et des feuilles okra et comparaison des effectifs de pucerons qu’elles abritent. Maroua (du 26/11 au 05/12/1992). 1 631 feuilles courantes (variété IRMA 1243), 2 121 feuilles okra (variété Z 332). Minim 1 er um quartile Feuille Variété Moyenn e Ecarttype Surface foliaire (cm2) IRMA 1243 54,8 32,3 2,0 28,4 Z 332 33,4 21,1 1,1 IRMA 1243 292,2 202,2 Z 332 253,5 171,8 Effectif des pucerons Médiane 3ème quartile Maximu m 53,2 75,6 184,2 17,3 30,7 46,0 170,0 0,0 120,0 269,0 434,0 1411,0 0,0 120,0 225,0 359,0 1040,0 Tableau 8 : Comparaison de la surface foliaire du cotonnier courant et du cotonnier à feuilles okra et comparaison des effectifs de pucerons présents sur les plantes. Maroua (du 26/11 au 05/12/1992). (63 cotonniers IRMA 1243, 63 cotonniers Z 332). Cotonnier Variété Moyen ne Ecarttype Minim um Nombre de feuilles IRMA 1243 Z 332 26.0 7,6 11,0 33,7 8,8 IRMA 1243 1428,4 644,2 Z 332 1125,7 IRMA 1243 Z 332 Surface foliaire (cm2) Effectif des Pucerons 1er quartile Médiane 3ème quartile Maximu m 20,0 26,0 30,0 49,0 28,0 33,0 38,0 58,0 458,7 903,6 1389,6 1726,6 3724,9 488,5 326,8 684,2 1155,2 1500,9 2018,4 7541,5 2963,5 2184,0 5328,0 7349,0 9226,0 16872,0 8577,1 3866,6 1009,0 5682,0 8587,0 11627,0 18475,0 Actes du séminaire, 4-7 juillet 2001, Lille, France 12,0 95 20 milliers de pucerons sur 20 plants coton okra 15 Figure 1. 10 5 0 26/7 10 23/8 6/9 20/9 4/10 18/10 milliers de pucerons sur 20 plants coton okra 8 6 Figure 2. 9/8 4 2 0 21/7 8 4/8 18/8 1/9 15/9 29/9 13/10 milliers de pucerons sur 20 plants 6 coton okra 4 Figure 3. 2 0 23/6 7/7 21/7 4/8 18/8 1/9 15/9 29/9 Figures 1 (Maroua, 1993), 2 (Mokong, 1993) et 3 (Touboro, 1993). Evolution des effectifs de pucerons sur le coton et l’okra. 20 plantes observées. Maroua : Levée des semis le 18/06 (coton) et 20/07 (okra) Mokong : Levée des semis le 26/06 (coton) et 18/06 (okra) Touboro : Levée des semis le 14/07 (coton) et 17/07 (okra) 96 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness 8 milliers de pucerons IRMA 1243 IRMA BOKA (okra) 6 Figure 4. 4 2 0 14/7 100 28/7 11/8 25/8 8/9 6/10 20/10 % de feuilles infestées IRMA 1243 IRMA BOKA (okra) 80 Figure 5. 22/9 60 40 20 0 14/7 100 28/7 11/8 25/8 8/9 6/10 20/10 % de plants infestés IRMA 1243 IRMA BOKA (okra) 80 Figure 6. 22/9 60 40 20 0 14/7 28/7 11/8 25/8 8/9 22/9 6/10 20/10 Figures 4, 5 et 6 : Evolution de l’infestation par les pucerons de deux variétés de coton à l’aide de trois critères d’observation. Gaklé, 1992. 750 feuilles observées par objet et par date. Actes du séminaire, 4-7 juillet 2001, Lille, France 97 16 milliers de pucerons sur 750 feuilles IRMA 1243 IRMA BOKA (okra) 14 12 10 8 Figure 7. 6 4 2 0 3/7 20 10/7 17/7 24/7 4/8 11/8 18/8 25/8 milliers de pucerons sur 15 cotonniers IRMA 1243 IRMA BOKA (okra) 15 10 Figure 8. 5 0 23/7 30/7 6/8 13/8 20/8 27/8 3/9 7/9 14/9 21/9 28/9 Figures 7 (Djalingo, 1992) et 8 (Maroua, 1994). Evolution des effectifs de pucerons sur des cotonniers classiques et des cotonniers à feuilles okra. Djalingo (1992) : 750 feuilles observées Maroua (1994) : 15 cotonniers observés 98 Séminaire de fin de projet ‘Improvement of the marketability of cotton produced in zones affected by stickiness