Obsessions et décalages au rayon CD 16 musique

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Obsessions et décalages au rayon CD 16 musique
16 musique
Obsessions et décalages au rayon CD
Reprendre AC/DC nuitamment avec un piano, faire du vrai rock’n’roll en virant la basse et la
voix, emprunter un slogan à Jean-Paul Sartre pour faire une chanson: ça peut se faire. Par Nic Ulmi
Hells Bells, Highway to Hell, You Shook Me All Night Long: prenez les chansons d’AC/DC (dont
vous étiez très fan quand vous aviez 15 ans), tirez la prise électrique, virez les guitares et la
batterie, asseyez-vous au piano et attendez la nuit. C’est ce que fait le jazzman allemand Jens
Thomas sur cet album entièrement consacré au répertoire des hard-rockeurs australiens.
Jens caresse les touches, chante entre murmures, basses profondes et falsetto, se fait
accompagner à la trompette par Verneri Pohjola. Le résultat est étonnant, envoûtant,
subtilement menaçant, hypnotiquement lyrique et parcouru de bout en bout par une
atmosphère de tension suspendue. Stellaire.
Jens Thomas, Speed of Grace. A Tribute to AC/DC (CD ACT/Musikvertrieb).
Le groupe parisien sur lequel on buzze le plus ce printemps est composé d’une Japonaise
(Narumi, repérée au sein de Télépopmusik), d’un Suédois (Léo, ancien guitariste de Jay Jay
Johanson), d’un Anglo-Jamaïcain (Maik, figure culte du trip-hop des nineties avec Earthling)
et de zéro Français... Tristesse contemporaine tire son nom d’un livre paru en 1900 et sa
sonorité d’une obsession apparente pour une new wave entêtante et poisseuse à la Cure,
dopée à l’électronique et au groove urbain. C’est très beau, malgré la hype. En prime, le trio
tourne en chanson le célèbre «L’enfer, c’est les autres» (Hell Is Other People) issu du Huis clos
de Jean-Paul Sartre, pièce chiante quintessenciée en un slogan coup de poing.
Tristesse contemporaine, Tristesse contemporaine (CD Pschent/Disques Office).
«S’il y a deux obstacles majeurs à la simplicité du rock’n’roll, ce sont clairement les chanteurs
et les bassistes.» C’est avec cette déclaration fracassante que les Fribourgeois de Hubeskyla
présentent leur premier album, entièrement bâti sur le vrombissement lancinant de deux
guitares et sur le roulement rocailleux d’une batterie. «La musique de Hubeskyla se situe
quelque part dans le désert du Nevada», expliquent les principaux intéressés. Obsédant et
psychédélique à la manière du rock stoner des seventies, le résultat est implacable comme
une démonstration mathématique, et palpitant comme une autoroute pendant une coursepoursuite. «Ça sent le gravier, l’essence et le pneu brûlé.» Oui.
Hubeskyla, Spencer’s Return (CD Saiko/Irascible). www.hubeskyla.ch.
«Il y a des gens qui disent que la musique te libère / Moi, toute ma vie, la musique m’a gardé
prisonnier», chantent The 2 Bears. Obsédés par leur collection de disques (dont ils récitent
un inventaire non exhaustif sur le morceau Be Strong), les deux hommes (Raf Daddy et Joe
Goddard, également membre de Hot Chip) pratiquent le mélange des genres de manière
irrésistiblement décomplexée, comme seuls les Anglais savent le faire – et les Londoniens en
particulier: 2-step, house, R’n’B, hip-hop, soul, ska, pop mélancolique, électro eighties,
calypso: Les Deux Ours vont chiper leur miel partout, pour en propager le distillé avec une
ferveur quasi sacrée: «Nous ne sommes pas religieux – déclaraient-ils au Guardian – mais en
tant que DJ, nous sommes toujours en train de créer le sentiment d’une communion.»
The 2 Bears, Be Strong (CD Southern Fried).

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