Station assise et appareillage chez l`enfant et l`adulte
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Station assise et appareillage chez l`enfant et l`adulte
Mission Missi n HANDICAPS HANDIC APS 2ème journée du polyhandicap de l’enfant et de l’adulte Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte polyhandicapés Objectifs, conséquences et qualité de vie 28 septembre 2001 on s Sous la direction du Dr Philippe Denormandie et du Pr Brigitte Estournet su Ré mé 'i sd nt e erv i nt Mission Missi n HANDICAPS HANDIC APS 2ème journée du polyhandicap de l’enfant et de l’adulte Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte polyhandicapés Objectifs, conséquences et qualité de vie 28 septembre 2001 Sous la direction du Dr Philippe Denormandie et du Pr Brigitte Estournet Assistance Publique - Hôpitaux de Paris 3, avenue Victoria 75100 Paris RP Réalisation : Secteur Editions - Direction de la Communication de l’AP-HP © 2002 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris Imprimé en France Sommaire Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Première partie : Objectifs de la station assise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 • Point de vue du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 • Point de vue des professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 • Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Deuxième partie : Retentissement orthopédique du polyhandicap . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 • Chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Troisième partie : L’appareillage : objectifs, moyens, problématiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 - Chez l’enfant : • Point de vue du médecin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 • Point de vue du kinésithérapeute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48 • Point de vue du psychologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 • Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 - Chez l’adulte • Point de vue du médecin, de l’ergothérapeute et de l’orthoprothésiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 • Point de vue du kinésithérapeute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63 • Point de vue des parents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Quatrième partie : La spasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 • Evaluation clinique de la spasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69 • Spasticité de l’enfant : traitements médicamenteux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 • Utilisation thérapeutique de la toxine botulique chez l’enfant handicapé . . . . . . . . . . . . . . . . . 76 • Chirurgie de la spasticité chez l’enfant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Cinquième partie : La complémentarité chirurgie/appareillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 • Handicap et station assise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 Sixième partie : Table ronde : appareillage et qualité de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 3 Introduction La station assise est primordiale pour tous, car elle va permettre la communication et la socialisation. Outre son intérêt médical chez le polyhandicapé en diminuant les complications digestives et respiratoires, elle favorisera la stimulation sensorielle et cognitive et surtout l'exploitation des possibilités motrices. Cette journée permet de rappeler les objectifs, les moyens mais aussi les difficultés de la station assise vue par les professionnels et les parents. Nous évoquerons les moyens médicaux anciens ou récents permettant de faciliter cette station assise en luttant en particulier contre la spasticité : - médicaments, chirurgie orthopédique ou neurochirurgie, injections intrathécale de liorésal Malgré ses difficultés de réalisation, la station assise doit rester l'un des objectifs majeurs de la prise en charge des polyhandicapés, car d'elle dépend son intégration dans la société. 4 PREMIÈRE PARTIE Objectifs de la station assise Les différents points de vue : • du médecin • des professionnels • des parents 5 Objectifs de la station assise Les différents points de vue du médecin Docteur Marie-Christine Rousseau Chef du service de polyhandicapés adultes Hôpital San Salvadour - AP-HP La définition du polyhandicap n’est pas univoque ; selon l’annexe 24 ter, c’est un handicap grave à expression multiple associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. Ce polyhandicap éventuellement aggravé d’autres déficiences ou troubles nécessite le recours à des techniques spécialisées pour le suivi médical, l’apprentissage des moyens de relation et de communication, le développement des capacités d’éveil sensori-moteur et intellectuelles concourant à l’exercice d’une autonomie optimale. Le patient polyhandicapé est un patient dont le cerveau a été atteint précocement pendant sa période de développement (de la conception à l’âge de 5 ans). Il en résulte une encéphalopathie chronique. La plupart des patients polyhandicapés sont diagnostiqués avant l’âge de 2 ans. Cela aboutit à des états mal formatifs complexes dont les étiologies sont très diverses : (30 à 40% d’encéphalopathies chroniques d’origine indéterminées). • Les différentes causes - causes prénatales : génétiques, - causes périnatales : maladies maternelles (métaboliques : diabète-néphropathies, infections : rubéoletoxoplasmose viroses, prématurité, anoxie de cause maternelle, traumatisme obstétrical), - causes postnatales : traumatismes crâniens, infections méningées, anoxie d’autre cause. Ces patients vont présenter un certains nombre de troubles directement et indirectement liés à l’encéphalopathie : déficience mentale, gros troubles moteurs confinant souvent à la dépendance complète, comitialité souvent difficile à équilibrer, troubles de la déglutition, complications orthopédiques, pulmonaires, digestives, cutanées, ophtalmologiques, stomatologiques. • Il existe plusieurs types cliniques de patients polyhandicapés : - les patients présentant peu de troubles moteurs mais chez qui les troubles de la personnalité sont au premier plan avec notamment des traits psychotiques (repli autistique), - les patients présentant des troubles moteurs massifs allant souvent jusqu’à la quadriplégie spastique avec retard intellectuel mais contact préservé, - les patients présentant des syndromes polymalformatifs avec hypotonie. Les objectifs de la station assise sont multiples. I - Les objectifs cognitifs Historiquement le problème de la verticalisation des patients polyhandicapés est récent 15-20 ans environ. La verticalisation en assurant l’horizontalité du regard permet de mettre le patient polyhandicapé face à la vie. La verticalisation en ouvrant le champ de la perception, de l’association, de l’interaction, de la coopération et permet la socialisation. 6 1. Prévenir le handicap secondaire Le patient "encéphalopathe" présente un "double handicap" : celui de l’encéphalopathie chronique additionnée de celui de la carence d’apprentissage. Pour qu’un apprentissage se fasse, il est indispensable que l’individu soit soumis à des stimulations multiples, variées et répétées. Ces stimulations sont naturellement effectuées auprès des enfants dits normaux. Par contre, chez l’enfant polyhandicapé, ces conditions sont rarement réunies du fait des déficits sensoriels, des appareillages, des difficultés de communication (infra verbale). Ceci a pour résultat de créer un handicap secondaire consécutif aux expériences rendues impossibles du fait des atteintes motrices, sensitives et sensorielles, à cela s’ajoute la difficulté d’éduquer ces enfants. Cela est difficile et ce d’autant plus que le désir de tenir assis (manque d’appétence motrice) ou de communiquer chez ces patients peut être absent. 2. Faciliter la prise en charge La station assise ouvre le champ de la perception. Ils voient les autres, ils voient leur propre corps. L’installation permet la socialisation, évite l’aliénation. • Permet de réaliser le projet de vie en utilisant et en dégageant les possibilités motrices exploitables, la verticalisation peut aboutir à une certaine indépendance fonctionnelle (cela va de la préhension à l’utilisation d’un fauteuil électrique). La verticalisation facilite la mobilisation de ces patients et permet quelques activités : les déplacements, les promenades, la prise en charge éducative, l’installation aux ateliers, diminuer la dépendance etc. • Favorise la communication : - avec le personnel, - avec les familles, - avec les autres patients. La verticalisation n’a de sens que si on l’exploite : cela ne doit pas être un élément isolé de rééducation mais doit tenir compte de l’état de dépendance maximal. On ne peut espérer un progrès de personnification que si on inscrit la station assise dans quelque chose qui a un sens, il faut en faire un acte intégré dans une prise en charge globale du patient. • Facilite le nursing : toilette périnéale plus facile des enfants aux hanches luxées, bains. Prévention des complications du décubitus permanent A - Les complications œsophagiennes La plupart des patients polyhandicapés entre 40 et 50 % suivant les études souffrent de RGO et de complications œsophagiennes. 1. Les causes sont multiples • Neurologiques : par déficience de la commande centrale, atonie du sphincter œsophagien inférieur, troubles de la déglutition. • Anatomiques : estomac intra thoracique, malformations rachidiennes majorant ces perturbations anatomiques et entraînant des perturbations de la dynamique du diaphragme. La principale complication de ce reflux est l’œsophagite qui peut, elle-même, se compliquer d’hémorragies digestives. 7 2. Le diagnostic • Clinique Le RGO est très souvent occulte chez le patient polyhandicapé : - vomissements à répétition, - infections respiratoires à répétition, - douleur (grille), - malaise après le repas, - refus alimentaire, - toux aux changements de position. Le plus souvent le diagnostic sera porté au stade d’œsophagite qui, elle-même, peut rester pauci symptomatique sur ce type de patients : - douleur, - amaigrissement, - anémie chronique, - dysphagie, - méléna, hématémèse. • Para clinique Pour le RGO, le diagnostic est la Ph-métrie. Pour l’œsophagite, c’est la fibroscopie qu’il ne faudra pas hésiter à faire, qui nécessitera chez ce type de patients une anesthésie générale. Les lésions retrouvées sont des lésions d’œsophagite souvent ulcérée, volontiers associées à une gastrite : penser à rechercher H. pilori. 3. Le traitement • La posturation +++. • Des traitements hormonaux et les neuroleptiques sont à éviter • Des aliments qui diminuent le tonus du sphincter œsophagien inférieur (graisses) sont à éviter • Alimentation fragmentée (difficile à réaliser à l’hôpital) • Traitements médicaux : les épaississeurs (alginates), les prokinétiques (dompéridone, metoclopramide mais souci principal = augmentation de la prolactine, risques de troubles du rythme cardiaque), et en cas d’œsophagite un anti-acide (inhibiteur de la pompe à protons et anti-histaminique H2). En cas d’alimentation entérale, il faut utiliser des débits assez bas, verticaliser le patient pendant et après l’alimentation, éviter les aliments qui diminuent le tonus du sphincter œsophagien inférieur. Ces traitements doivent être associés à fortes doses et au long cours. • Le traitement chirurgical (fundoplicature de Nissen) Il est invasif et non dénué de risques chez ces patients à la fonction respiratoire précaire. A San Salvadour, nous ne le pratiquons pas. 20 % de décès dans l’année qui suit. En complément dans la prévention des complications digestives de l’état grabataire lié au polyhandicap, la position orthostatique en est le principal moyen de prévention, mais elle est souvent difficile à instaurer et à maintenir à cause des appareillages et à la douleur liée à la verticalisation. 8 B - Les complications pulmonaires 1. Les causes sont multiples et intriquées • Troubles respiratoires directement liés à l’encéphalopathie responsables d’hypoventilation alvéolaire. Atteinte partielle des centres respiratoires entraînant un dysfonctionnement du rythme respiratoire avec souvent des pauses respiratoires aggravées par la prise de traitements anticomitiaux ou neuroleptiques ou tout autre sédatif . Il faut donc veiller à prescrire des doses minimales efficaces. • Les atteintes musculaires Paralysies musculaires diffuses pouvant nécessiter la mise en jeu permanente de la musculature accessoire. • Ossature thoracique Déformations thoraciques et rachidiennes aggravant le syndrome restrictif respiratoire. • Obstacle de la région pharyngée Souvent proche de l’apraxie de la déglutition : - fausses routes alimentaires ou à la salive ; - inhalation de liquide gastrique en cas de RGO ; - glossoptose. • Disparition ou diminution du réflexe de toux • Distribution anormale de la vascularisation pulmonaire avec hyper vascularisation des zones déclives • Trachéo et broncho-malacie qui peut être favorisé par la fuite calcique due à l’état grabataire Tous ces facteurs souvent additionnés font qu’en cas d’agression pulmonaire supplémentaire ou d’élévation des besoins métaboliques, on aboutit à la détresse respiratoire. 2. La station assise • Agit sur les obstacles à la région pharyngée en diminuant le RGO, les fausses routes alimentaires ou à la salive. • Facilite l’admission d’air dans les poumons en diminuant la glossoptose, en facilitant l’ouverture de la trachée et des bronches malgré la trachéo bronchomalacie. • Rétablit la vascularisation pulmonaire. Mais elle n’a pas d’action sur les déformations thoraciques et les déficit musculaires ni sur le réflexe de toux Elle doit s’intégrer dans un ensemble de mesures préventives des complications pulmonaires réalisées quotidiennement (drainage bronchique, traitement du RGO, posturation lors de l’alimentation, aspirations, etc.). C - Les complications cutanées Les patients polyhandicapés sont principalement victimes de nécroses cutanées ou d’escarres provoquées par les points d’appui permanents aggravés par la dénutrition et les troubles vasomoteurs. La dégrabatisation en soulageant les pressions locales contribuera à améliorer la trophicité cutanée. Elle doit bien sûr s’ajouter à la mobilisation (côté à côté pluriquotidienne), massages, alimentation riche en protéines. D - Prévention des thromboses veineuses profondes (TVP) La verticalisation qui permet une mobilisation du patient, permet de diminuer le risque de TVP. Cependant, malgré de nombreux facteurs de risques observés chez ces patients (immobilisation, chirurgie orthopédique), les TVP restent exceptionnelles. La spasticité explique sans doute partiellement cela, peut-être aussi l’hypogonadisme lié à l’encéphalopathie. Ainsi ces patients ne reçoivent-ils pas de prophylaxies contre les thromboveineuses profondes. Cependant, il me semble important de réaliser une prophylaxie après une chirurgie orthopédique ou abdominale : surélévation des membres inférieurs et contention de classe II, mobilisation passive, pendant 6 semaines en postopératoire. 9 E - Les complications osseuses La station assise ne prévient pas la déminéralisation osseuse, source de fractures et de douleurs. Le poids du corps est indispensable au développement morphologique notamment de la hanche. La position couchée est donc mauvaise aussi sur le plan orthopédique : luxation de hanches, déviation rachis-bassin, aplatissement du thorax. Cela entraîne un handicap moteur secondaire qui s’aggrave rapidement au cours de la période de croissance et plus lentement par la suite. Les patients polyhandicapés qui sont actuellement adultes ont été verticalisés tardivement (cf. historique) et présentent des déformations et des états de contactions généralisés qui dans l’avenir ne devraient plus se rencontrer. L’aplatissement du thorax, les scolioses aux impressionnantes angulations qu’ils présentent et les luxations difficilement évitables des hanches obligent à «négocier» des installations qui auront pour objectif non pas la réduction des anomalies orthopédiques mais l’antalgie, la verticalisation, la mise en œuvre de la motricité résiduelle. Ceci passe par l’analyse des différents schémas de contractures, des déformations osseuses, car chaque cas est particulier et en fonction de tous ces paramètres on s’efforcera de construire autour du patient l’appareillage le plus adapté (confort pour les mousses de nuit, verticalisation la plus tolérable possible pour les coquilles de station assise). Cependant, comme nous le verrons dans les communications suivantes, la verticalisation ou à défaut la station assise, dès l’enfance, de ces patients permet de prévenir partiellement les déformations du rachis et de la cage thoracique et dans une certaine mesure la luxation des hanches. Pour qu’elle soit efficiente, la verticalisation doit donc être précoce et s’inscrire dans la prévention. On doit essayer de préserver des hanches mobiles et si possible en place, l’horizontalité du bassin, un rachis équilibré. Conclusion • Du point de vue cognitif La verticalisation en assurant l’horizontalité du regard permet de mettre le patient polyhandicapé face à la vie. La verticalisation en ouvrant le champ de la perception, de l’association, de l’interaction, de la coopération permet la socialisation. • Du point de vue somatique Ne pas laisser le patient polyhandicapé en décubitus permanent, c’est éviter une dégradation physiologique progressive. Quel que soit l’état mental, le pronostic de marche éventuel a fortiori pour ceux qui ne marcheront jamais, le problème de la verticalisation ne doit pas être abandonné. 10 Interaction avec l’environnement Les différents points de vue des professionnels Monique Pouget, Agnès Rousselle Éducatrices spécialisées Annick Defaque Ergothérapeute moniteur-cadre Service de soins à domicile 95 Cesap Montigny-lès-Cormeilles Préambule Présentation du service Le service de soins à domicile du Val d’Oise (95) a été créé par une association, le Cesap. Il accueille 40 enfants polyhandicapés du département âgés de 0 à 12 ans (1/3, environ étant âgés de 0 à 3 ans, 1/3 de 3 à 7 ans et 1/3 de 7 à 12 ans). la prise en charge globale des enfants et l’accompagnement de leurs familles sont assurés par une équipe pluridisciplinaire ; selon les besoins de l’enfant, elle élabore, puis propose à la famille un projet individualisé qui sera régulièrement réactualisé en collaboration avec celle-ci. Les interventions s’effectuent dans les différents lieux de vie de l’enfant : domicile et groupes organisés par le service, crèche et crèche familiale, halte-garderie et école maternelle. La station assise, un projet d’équipe C’est avec intérêt que l’équipe du SSAD s’est interrogée sur le thème de cette journée d’étude : en effet, chacun de ses membres se sent concerné dans son travail par les différents aspects humains et matériels qu’implique la position assise de l’enfant polyhandicapé ; chacun est partie prenant, selon sa fonction, dans les processus visant à la mettre en place. Cet exposé qui va mettre l’accent sur les points de vue des éducatrices spécialisées et de l’ergothérapeute rend compte de cette réflexion commune et de la collaboration des différents acteurs professionnels de l’équipe qui jouent aussi un rôle déterminant et complémentaire dans cette accession à la position assise : pédiatre, médecin de rééducation fonctionnelle, ortho-prothésiste, kinésithérapeutes et psychomotriciens, en particulier par leurs attentes et leur participation, les parents, l’enfant et son entourage, sont évidemment les partenaires primordiaux et dynamiques du projet thérapeutique et éducatif de la station assise envisagée. I - Point de vue des éducatrices La station assise, une étape structurante dans la vie de l’enfant polyhandicapé • Motivations d’éducatrices : une longue histoire... Si ce sujet de la station assise tient particulièrement à cœur aux éducatrices, c’est que nous nous rappelons avec émotion nos débuts professionnels dans le secteur, il y a plus de vingt ans : à l’époque, l’équipe ne comportait, comme intervenants à domicile, que des kinésithérapeutes et éducateurs ; le service s’occupait aussi d’adolescents et de jeunes adultes qui n’avaient, jusqu’alors, pu bénéficier de prise en charge, faute de structures adaptées ou d’information. Il nous arrive encore d’évoquer, entre collègues, notre effarement devant les impressionnantes déformations orthopédiques de ces jeunes qui passaient le plus clair de leur temps allongés dans leur lit, avec la télévision, heureusement, comme source de stimulations, ou dans les bras de leur mère pour les soins et repas quotidiens : dépourvus d’installation, leur dépendance permanente et leur isolement social, ainsi que celui de leur entourage, dévoué et disponible jusqu’à l’épuisement souvent, nous avaient bouleversées. Rompre cet isolement, faciliter la vie quotidienne et les déplacements, conquérir l’autonomie possible dans des situations de confort variées, nous étaient apparus alors comme les objectifs de notre travail éducatif avec ces jeunes pour améliorer leur qualité de vie. Prévenir au mieux l’avenir des tout-petits et de leur famille de ces évolutions restrictives et préjudiciables physiquement et psychiquement dont nous avions été témoins, fut l’autre impératif qui orienta l’action de l’équipe. C’est la raison pour laquelle, nous avons toujours été convaincues du bien-fondé de la nécessité de proposer la station assise aux enfants polyhandicapés et de surmonter nos réticences devant les appareillages nécessaires à la prévention et à la correction orthopédique, malgré leurs caractéristiques contraignantes et parfois «spectaculaires» (d’autant plus à cette époque que les kinés ne disposaient alors que de bandes plâtrées comme matériau pour réaliser les sièges moulés !). 11 A - La station assise au sol Au cours du développement psychomoteur, généralement, le stade de la station assise s’acquiert graduellement entre le sixième et le neuvième mois ; cette étape ne peut advenir naturellement chez les enfants que nous suivons. Kinésithérapeutes, psychomotriciennes, ergothérapeute et éducatrices, chacune avec son approche spécifique, nous proposons, si possible, aux enfants que nous suivons, des stimulations répétées et des enchaînements posturaux visant à cette étape de l’évolution motrice. Dans les jeux de tiré-assis, par exemple, l’enfant est incité à coopérer à son redressement et à son changement de posture en initiant un mouvement de la tête, des épaules ou une tension tonique des bras ; en jouant à «bateau sur l’eau», les éducatrices seront plus attentives aux manifestations de sa reconnaissance de la comptine (expressions du visage de l’enfant et son anticipation du mouvement) et à sa capacité relationnelle à jouer sur l’alternance éloignement et rapprochement corporel. Certains enfants, mais pas tous, arrivent progressivement à passer, seuls ou avec aide, de la position allongée à une position assise, plus ou moins « orthodoxe » ; d’autres arrivent à maintenir plus ou moins longtemps une station assise stabilisée par ses parachutes ou un soutien latéral. Sur les recommandations du kiné, l’éducatrice est vigilante à aider l’enfant à s’asseoir au sol en tailleur et avec un redressement de l’axe, pour que son attitude soit la moins pathologique possible pour ses hanches, sa colonne et ses articulations. Mais malgré les progrès positifs de certains, la plupart des enfants que nous suivons ont besoin, à certains moments de la journée, ou presque en permanence, d’une assistance pour être assis avec le maintien corporel par un tiers ou la suppléance d’un appareillage, en raison de leur fatigabilité, de leur fragilité somatique (épilepsie, encombrement bronchique, fausses-routes) et de leurs atteintes neurologiques, (hypotonicité, spasticité, spasmes en extension, mouvements involontaires, etc.). Le médecin de rééducation fonctionnelle prescrit pour la majorité des enfants un siège moulé, confectionné en polypropylène et mousse de confort par le prothésiste ; sa réalisation tient compte aussi des remarques et avis de la famille et des intervenants pour qu’il puisse évoluer selon ses différentes fonctions. B - Station assise et objectifs éducatifs Éducatrices, nous avons bien sûr en tête la nécessité orthopédique des sièges moulés et les améliorations qu’ils offrent aux enfants dans la journée au niveau respiratoire et de la déglutition. Mais, outre ses indications orthopédiques et médicales premières, l’installation de l’enfant polyhandicapé en position assise, le plus souvent passive grâce à un siège moulé, va concourir à son éveil et transformer sa vie quotidienne. Les nouvelles modalités de soins qu’elle apporte, notamment au moment des repas, vont avoir des incidences sur sa maturation psychique et l’évolution de ses relations familiales. La station assise va lui offrir des occasions d’expériences vestibulaires, proprioceptives et kinesthésiques variées, des possibilités d’interrelations nouvelles avec son entourage et d’interactions sur son environnement. Adapté à une poussette, le siège moulé va lui apporter une mobilité facilitant les déplacements qui lui ouvriront de nouveaux horizons sociaux. Ces arguments peuvent favoriser l’acceptation et l’investissement (autant que faire se peut) d’un matériel qui souligne le handicap, mais qui fait du passage à la station assise un auxiliaire du projet d’accompagnement éducatif. Ces bénéfices secondaires de l’installation, qui interfèrent entre eux, concernent les différentes dimensions du développement de l’enfant. 1. Au niveau sensoriel et psychomoteur La station assise va contribuer à la maturation de la vision et de l’audition de l’enfant polyhandicapé. L’enfant allongé reçoit des messages sonores latéralement ; sa vision est limitée au plan horizontal et balaie le plafond. La station assise a de nombreux avantages. Assis, les perceptions des enfants se modifient, s’enrichissent et sont plus sécurisantes ; les stimulis sonores et visuels qui lui arrivent sur un plan vertical peuvent contribuer à son orientation vers leurs sources, à son redressement axial, à la tenue de sa tête et l’amélioration de sa poursuite oculaire. Assis, l’enfant peut découvrir de nouveaux repères spatiaux, un ressenti différent de sa position dans l’espace. Il peut mieux suivre les déplacements et activités des personnes de son entourage. Il est moins surpris par les soins dont il est l’objet, quand il assiste à leur prémices et que la parole l’annonçant précède l’acte de soins. Sa compréhension de l’univers peut mieux commencer à s’organiser et devenir moins angoissante. La motricité incontrôlée et débordante de certains enfants, très désorganisante au niveau psychique, trouve dans l’installation en siège moulé, complété parfois par le port d’un corset, une possibilité de contenant rassurante : celle-ci permet à l’enfant d’éprouver les limites de son corps, l’aide à construire son enveloppe corporelle et une image du corps moins éclatée en prolongement durable d’un corps à corps réunifiant expérimenté dans les bras de sa mère, les câlins de son entourage, pendant les séances de psychomotricité et le travail relationnel avec l’éducatrice. Complétant les techniques pratiquées au cours des séances ponctuelles de kinésithérapie (mobilisations, massages, étirements, stimulations), le siège moulé assoit correctement l’enfant polyhandicapé de façon durable dans la journée. 12 Son effet positif sur le maintien de l’axe permet à l’enfant de se redresser avec moins d’efforts. Il contribue à l’inhibition de certains mouvements parasites et du rejet de l’axe ; il peut atténuer le réflexe des bras en chandeliers, la tablette pouvant constituer un appui. Les membres supérieurs de l’enfant polyhandicapé sont alors libérés. Il peut ainsi canaliser son énergie sur les activités proposées par l’éducatrice en fonction de ses possibilités et centres d’intérêt. Il lui est plus facile aussi de se concentrer. Ses gestes fonctionnels vont être sollicités pour toucher, saisir, tenir ou manipuler un objet : faire des expériences tactiles et produire un son, une lumière, un mouvement ou une trace lui permettront d’avoir une action sur son environnement, de développer son intentionnalité, d’améliorer sa précision du geste et ses possibilités de préhension. L’utilisation de contacteurs et la reconnaissance d’images, puis de pictogrammes pratiquées en position assise peuvent amener certains enfants vers une communication non-verbale et des apprentissages cognitifs. Possibles grâce aux déplacements en poussette, les promenades sont également des occasions enrichissantes pour les perceptions sensorielles ; les odeurs, bruits et impressions visuelles sont différentes au dehors. L’enfant y découvrent aussi les effets sur sa peau et son visage du vent, du froid, de la chaleur ou de l’humidité ambiante. Les sorties offrent aussi des situations pour expérimenter avec le soutien de l’adulte une station assise hors du siège l’incitant à un redressement tonique, à se mouvoir ou à rechercher son équilibre : se balancer, glisser sur un toboggan, tourner sur un manège, tenir sur un poney, s’asseoir sur l’herbe, le sable ou dans l’eau d’une piscine, s’enfoncer dans une piscine de balles etc. Toutes ces activités contribuent à son éveil et favorisent les échanges avec son entourage, puis avec ses pairs dans les regroupements qui lui seront proposés. 2. Au niveau relationnel et social La station assise est une étape structurante dans le développement de l’enfant polyhandicapé : elle concourt à son indépendance psychique par rapport à son environnement familial. La distance physique qu’elle instaure permet, en effet, à chacun de trouver une certaine autonomie et contribue à la défusion corporelle, en dehors des moments précieux de câlins et de portages lors des transferts l’enfant, installé confortablement et en sécurité, peut observer et se montrer attentif à la vie de la maison ; il peut s’intéresser aux diverses stimulations sensorielles émises par son environnement et participer aux conversations par ses manifestations personnelles. Quand cela est possible, il peut s’occuper de façon autonome avec des objets et jouets adaptés disposés sur sa tablette, regarder la télévision ou écouter de la musique, tandis que les parents peuvent vaquer à leurs propres activités. Le repas de l’enfant se déroule en face à face et non plus dans les bras du parent présent, ce qui devient difficile physiquement quand l’enfant grandit et devient lourd. Selon les habitudes familiales, il peut être installé au même niveau que les autres membres de la famille et assister à leurs regroupements lors des repas ou loisirs communs, ce qui favorise son intégration et sa participation à la vie familiale. Quand l’enfant est prêt à se séparer momentanément de sa famille et que celle-ci a suffisamment confiance pour être d’accord avec un tel projet, l’équipe propose son inscription dans l’un des groupes de socialisation organisé par le service. Au cours des activités et repas collectifs, la réunion des enfants polyhandicapés autour d’une table, possible grâce à leurs installations, favorise la convivialité et les interractions ; les repas en collectivité peuvent être l’occasion de découvrir de nouvelles saveurs et textures alimentaires dans un contexte de partage de l’attention des adultes référents. Moyen pour l’enfant et sa famille de continuer à sortir du domicile, la poussette est un vecteur d’intégration sociale. La sécurité de l’enfant et son confort sont garantis par le siège moulé qui y est fixé par des sangles. Les sorties ouvrent des horizons nouveaux et distrayants à l’enfant. Comme la rencontre avec ses pairs dans les activités de groupes, les sorties préviennent le repli sur soi, participent à l’épanouissement et suscitent la réactivité de l’enfant. Son installation lui permet de fréquenter les lieux publics tels que la forêt, les squares, les salles de spectacles, les magasins, la boutique du coiffeur ou les restaurants. Accompagner ses parents pour faire les courses peut l’amener à manifester ses préférences pour certains achats. Ses multiples expériences sociales et son plaisir renouvelé dans certaines situations particulières contribuent à la formation de sa personnalité et à l’émergence de ses désirs ; son entourage peut apprendre à identifier ses goûts et à reconnaître, quand cela est possible, sa capacité à s’exprimer et à choisir. L’installation assise de l’enfant polyhandicapé est aussi un facteur favorisant son inscription et son intégration dans les structures ordinaires d’accueil de la petite enfance, crèche, halte-garderie et école maternelle où il peut bénéficier de stimulations positives pour son éveil et sa socialisation. Son appareillage lui permet d’être associé aux activités collectives avec une certaine autonomie sans solliciter en permanence l’attention d’un personnel trop souvent restreint, de faciliter ses déplacements grâce à la poussette ou une chaise à roulettes, ce qui préserve aussi le dos des adultes. 13 C - La station assise à l’usage 1. Réalités familiales et médiation de l’éducatrice Dans le séjour, la place de l’enfant polyhandicapé est au milieu des autres. Installé au sol, il peut prendre part aux jeux de ses frères et sœurs. assis sur le canapé, entouré de coussins protecteurs, l’enfant participe à la sociabilité familiale ; sa «différence» est alors moins marquée et parfois plus supportable pour recevoir des visiteurs. Quand les parents signalent que le transat devient trop petit, que les observations cliniques des kinésithérapeutes et bilans des médecins anticipent sur l’évolution orthopédique de l’enfant, il faut rechercher avec la famille les solutions adaptées aux besoins de l’enfant et à sa croissance. Il faut prendre en compte, aussi, d’autres critères dans la fabrication du siège tels que la compatibilité avec l’espace disponible dans le domicile et l’ascenseur, le type de chaise, de poussette et de véhicule sur lequel il s’adaptera successivement et aux différentes utilisations envisagées du siège selon les temps de la journée (repas, détente, activités) impliquant des possibilités de variations d’inclinaison du siège, de la tablette, ainsi que différents appuis-tête. Les professionnels sont parfois en décalage avec le ressenti de la famille attachée de façon compréhensible à l’aspect normalisé et ordinaire du canapé familial et du transat. Le temps et le dialogue sont nécessaires pour partager ensemble les questions que suscite la proposition d’un siège moulé : ce signe visible du handicap fait resurgir les inquiétudes des parents sur l’avenir de leur enfant, les projets familiaux modifiés et la crainte du regard de l’autre. Il arrive que certaines familles privilégient l’éducatrice comme interlocutrice pour exprimer leurs interrogations, réserves, mécontentements ou rejets, vis à vis des installations ou des interventions chirurgicales prévues : elles peuvent être plus difficilement formulables d’emblée auprès des médecins et paramédicaux directement impliqués dans l’indication et la prescription. Nous les encourageons à s’adresser ensuite aux professionnels compétents pour leur apporter les réponses médicales précises, les médecins, les kinésithérapeutes ou l’ergothérapeute. Nous pouvons servir aussi parfois d’intermédiaires pour transmettre leurs soucis et leurs remarques concernant des modifications à apporter au matériel livré ou bien leur souhait d’une acquisition nouvelle pouvant faciliter leur vie quotidienne. Pendant la fabrication du siège, les familles sont sollicitées à plusieurs reprises pour les séances de mesures, moulage, essayages et livraisons. Les parents nous font part parfois de leur soulagement quand cette étape exigeante est finie. Malgré leur vécu éprouvant, certains reconnaissent avoir apprécié d’être impliqués, aussi dans le choix des couleurs et motifs du polypropylène correspondant aux goûts esthétiques de leur famille. À la demande des familles, les séances éducatives sont souvent l’occasion d’expérimenter ces nouvelles installations pour permettre à l’enfant de s’y habituer progressivement dans un contexte ludique, de l’aider à surmonter son inquiétude et le malaise initial qu’il peut ressentir dans cette contention. Il permet également aux parents et à l’intervenant de partager ensemble la difficulté physique contraignante d’installer l’enfant dans le siège, les émotions que cela provoque et la modification du regard sur l’enfant qu’elle entraîne. A l’extérieur, les installations attirent davantage les regards étonnés ou inquisiteurs des passants. Malgré leur envie ou les nécessités, certains parents hésitent à sortir avec leur enfant installé dans leur appareillage, de crainte, bien légitimement, d’être confrontés à cette situation blessante pour eux et leur enfant. Pour avoir perçu des regards et réflexions gênantes lors de sorties dans le cadre de leur travail éducatif, bien que ce ne soit pas de la même place, les éducatrices peuvent proposer d’accompagner les familles pour des courses ou promenades pour partager cette situation et aider celles qui le souhaitent à se sentir moins démunies. Il arrive que des familles nous font part de leur sentiment d’être envahies par la somme d’appareillages nécessaire. D’autres nous montrent des utilisations inédites d’un siège moulé réformé transformé après bricolage en chaise haute pour le repas d’un cadet, siège de balançoire ou siège-pot. De nombreux petits frères et sœurs guettent l’instant opportun où il est vacant pour essayer à leur tour le siège dévolu à leur aîné sous notre regard ; cela peut être une occasion d’évoquer avec les parents et leurs enfants l’histoire, le vécu ou la place respective de chacun. 2. Contraintes techniques Les caractéristiques des installations peuvent limiter, cependant, les avantages éducatifs escomptés. Quand elles ne sont pas réglables, certaines inclinaisons de siège et têtière optimales pour la correction orthopédique, certaines hauteurs de fixation de la tablette ne sont pas appropriées à l’utilisation recherchée (repas, repos, trajets, activités diverses). La coordination oculo-manuelle possible de l’enfant ne peut être opérante si les objets posés trop bas n’entrent pas dans son champ visuel ; certains objets ne peuvent tenir en vertical sur un chevalet. Les découpes du siège au niveau des aisselles présentent parfois un inconvénient quand elles restreignent ou contrecarrent l’aisance ou l’amplitude des mouvements des membres supérieurs que peuvent imposer certaines activités. Malgré les astuces matérielles et la gymnastique à laquelle se livre l’intervenant, il lui est parfois compliqué de gérer tout à la fois les stimulations et activités proposées, avec la facilitation du geste de l’enfant, sa détente musculaire des bras, la tenue de sa tête et l’ouverture de la main. 14 La transpiration de l’enfant, parfois liée à son émotivité est accentuée par la chaleur et les matériaux du siège ; de même, sa fatigue possible ou l’apparition de douleurs ne sont pas compatibles avec une installation assise prolongée et fixe. Ces faits limitent la durée de certaines activités. Les sorties tournent hélas parfois à l’exploit sportif en raison de l’exiguïté d’un ascenseur, d’escaliers ou de la difficulté physique de soulever l’enfant assis dans son siège pour l’installer de sa poussette à la banquette d’une voiture. Pour que la station assise soit la plus confortable et profitable à l’enfant, des solutions pratiques et modulables sont à envisager par l’équipe qui doit prendre en compte les différents points de vue. II - Point de vue de l’ergothérapeute Lorsque l’on regarde la vie de l’individu du 21ème siècle, on se rend vite compte qu’il passe la majorité de son temps assis : pour manger, pour se déplacer, pour travailler, pour ses loisirs. Nous sommes des individus essentiellement assis. Pour être acteur dans la vie actuelle, il faut pouvoir bien asseoir sa position et chaque station assise a sa position et son siège. C’est ce que nous essayons de proposer aux jeunes personnes polyhandicapées que nous accompagnons dans notre service de soins à domicile. L’enfant qui n’a pas acquis la station assise et réduit en quelque sorte à l’état “grabataire” : souvent lorsque nous arrivons à son domicile il est dans son lit, sur le canapé du salon, ou pour les plus jeunes sur un tapis avec des jouets. Lui permettre d’être assis va changer considérablement son statut, ses expériences, sa place dans la société (famille, groupe). Une personne couchée (dans notre société) est une personne fatiguée ou malade. Une personne assise est une personne qui est à l’écoute, qui regarde, qui est en relation (une communication) face à face, qui a les membres supérieurs libérés pour toucher, pour faire, pour agir sur son environnement. Le siège moulé avec corrections orthopédiques va être l’orthèse de la position assise. L’installation de l’enfant polyhandicapé est très complexe et jamais satisfaisante. Elle doit permettre à l’enfant d’avoir un maintien orthopédique le plus harmonieux possible. Elle doit être la moins contraignante possible pour l’enfant mais aussi pour les transferts effectués par la famille ou la tierce personne. Elle doit permettre l’éveil et si possible ne pas entraver la personne dans le peu de mobilité dont elle dispose (ce qui n‘est pas vraiment le cas pour les sièges moulés). Le rôle de l’ergothérapeute dans l’installation assise du jeune enfant est triple : - essayer de trouver l’installation assise la meilleure possible en fonction des difficultés de l’enfant et de ses besoins, - personnaliser cette installation, - et surtout accompagner la famille et l’entourage de l’enfant à comprendre, accepter, choisir, s’approprier l’installation assise. À quoi servirait un magnifique siège ou une magnifique poussette si elle restait au fond du placard ? A - Le siège moulé Il est la base de la station assise assistée. En tant qu’ergothérapeute nous participons avec l’équipe à sa conceptualisation. Notre rôle se situe à deux niveaux : - établir avec les parents une sorte de cahier des charges des exigences environnementales “écologiques” auxquelles doit répondre ce siège, - l’accompagnement de la famille lors de la réception du siège. 15 B - Le cahier des charges C’est par exemple : - cerner avec la famille dans quelles pièces il sera le plus installé ; - sera-t-il déplacé d’une pièce à l’autre ? ; - à quelle activité l’enfant est-il susceptible de participer dans ce siège : repas, télévision, jeu sur la tablette ; - quels sont les membres de la famille qui vont l’installer ? ; - les parents partent-ils en week-end ou pour de longues vacances ; - l’enfant bouge-t-il beaucoup, a-t-il des schèmes en hyperextension ? L’ensemble de ces questions permettent de définir s’il faut un siège muni de roulettes, si le pied doit être télescopique avec vérin, blocable ou non, s’il faut qu’il soit incliné, avec une tablette... Dans notre service, nous partons du principe que l’enfant doit être installé dans son siège orthopédique progressivement jusqu’à 4h par jour. Cette installation apporte de nombreux avantages mais elle a aussi ses limites. Un enfant ne reste pas 12h par jour assis, sans bouger le rachis, le bassin et les hanches, généralement légèrement incliné vers l’arrière, le regard perdu dans le lointain, sanglé, figé au fond de son siège. Les enfants ont comme la plupart des enfants de leur âge un certain nombre d’activités. Je vais au travers de quelques-unes de celles-ci aborder les exigences de la position assise et les installations que nous proposons. C - L’arrivée du siège dans la famille C’est un temps important, qui va conditionner l’utilisation ultérieure. Nous allons alors expliquer, faire, accompagner les gestes qui vont permettre d’installer la PPH en protégeant le dos de la tierce personne, en décontractant la PPH, en ménageant sa participation. Nous adaptons ce siège pour qu’il soit plus confortable, qu’il ne blesse pas, ou nous encourageons la famille à le faire, le père et ou la mère se l’appropriant un peu plus. C‘est initier l’entourage à repérer les signes de douleurs : rougeurs, irritations, augmentation du tonus. Le cas échéant nous voyons avec le prothésiste des modifications possibles. Mais notre rôle est surtout d’accompagner la famille dans cette nouvelle aventure qui bien souvent n’est pas facile à vivre. Mettre toutes ces sangles, ces “velcros” à son enfant, nécessite écoute, persévérance, compréhension... En dehors du temps de posture dans le siège moulé : 1. Position assise de détente Afin de soulager les points d’appui, de diminuer la pression sur le rachis due à la pesanteur, d’éviter la chute de la tête lorsque le maintien n’est pas automatique, nous proposons aux familles une installation alternative dans un siège “poire” : • L’installation sur la “poire” (sac rempli de billes de polystyrène) permet d’être comme dans un fauteuil avec son entourage au salon par exemple ; les billes de polystyrène permettent de modeler une position assise en fonction des possibilités de l’enfant : maintien de la tête, inclinaison du tronc, abduction des membres supérieurs, flexion des membres inférieurs. Lorsque le maintien dans le siège moulé est un élément de réassurance (référence postérieure), ou lors d’un temps calme après le repas, nous modelons la poire pour que l’enfant puisse y être installé dans son siège. Ainsi il se trouve dans une position beaucoup moins exigeante au niveau du maintien postural de la tête et les points d’appui sont redistribués différemment. 16 • Le bain C’est un moment privilégié de détente qui doit être assisté par une aide technique, permettant ainsi à l’enfant d’être “autonome” dans la baignoire pour jouer, pour bouger ses membres avec l’aisance que lui procure l’eau. Mais aussi libérer la personne qui assiste la toilette. En effet celle-ci n’est plus obligée de faire une gymnastique périlleuse, où courbée au-dessus de la baignoire elle doit tenir l’enfant tout en le savonnant... La plupart des enfants préfèrent la position assise à la position couchée. Il existe un certain nombre de sièges pour les enfants sur le marché qui bénéficient pour la majorité d’une prise en charge. Exemple : ce siège en tubes plastiques et filets permet une installation en position assise dans le bain, mais aussi dans le jardin ou dans une petite piscine (l’été). Rehaussé sur un cadre à roulettes il permet aussi une position assise à hauteur d’une table pour une activité de groupe. Il est particulièrement intéressant pour les enfants ayant un maintien de tête difficile. 2. Position d’activité • Repas L’installation assise au repas a pour premier avantage comme pour le bain : de libérer la maman du portage (mal de dos), limiter les fausses routes et réinstaurer la convivialité du repas. L’enfant a souvent une alimentation qui est complètement assistée par un adulte. L’installation assise dans le siège moulé est en général la meilleure, la flexion des hanches permettant d’inhiber l’hyperextension du rachis, le maintien du tronc libère les mouvements de la tête et celle-ci doit afin d’éviter les fausses routes faire avec le tronc un angle de 30 à 40° possible grâce au réglage de la têtière ou un petit coussin ou encore la main de l’adulte. Passé les premiers temps où l’enfant et l’adulte vont quitter les bras l’un de l’autre cette installation réclame peu d’adaptation de la position assise car c’est souvent celle du siège moulé. Actuellement, notre recherche avec les familles se fait autour de l’installation assise de l’adulte qui donne à manger. Il faut que son siège soit réglable en hauteur afin de maintenir la tête de l’enfant sans trop d’effort, par ex. il faut que l’assise soit suffisamment large pour un bon confort si possible avec un petit dossier permettant un maintien lombaire. Il vaut mieux éviter les roulettes qui apportent une certaine instabilité. • École La scolarisation en maternelle exige de l’installation : - que l’enfant soit installé avec ses camarades à la même table basse ; - qu’il soit en sécurité en position assise, ne risque pas de tomber ou qu’on le fasse tomber ; - que sa station assise soit suffisamment stable pour libérer ses membres supérieurs afin de participer aux activités de graphisme et autres manipulations ; - enfin il faut que cette installation permette les déplacements dans la classe d’un atelier à l’autre. C’est pourquoi nous avons fabriqué une petite chaise avec des roulettes blocables et une assise suffisamment large pour recevoir le socle du siège moulé. • Jeux et manipulations Pour que la manipulation soit efficace il faut : - une bonne coordination œil-main. Pour certains enfants l’espace fonctionnel de cette préhension n’est pas sur la tablette mais bien en dehors parfois dans un plan vertical décalé sur le côté ; - le maintien postural tronc-tête étant défaillant, les sangles et le maintien en arrière sont nécessaires le regard se situant bien au-dessus de la tablette où sont les jeux. Dans certains cas l’intervention à domicile ne nous permet pas des installations trop compliquées. Il faut que celles-ci restent facilement accessibles à la famille et compatibles avec les habitudes de chacune d’elle. Les petits réglages : hauteur du siège et de la tablette, inclinaison de l’assise et de la têtière. Les aides techniques classiques : éclairage amplifié, lutrin, tapis antidérapant, aimants sont facilement utilisé dans les différents lieux de vie avec une coopération importante de l’entourage. 17 • Ordinateur Lorsque l’enfant a compris qu’en agissant sur un contacteur cela provoque une réaction à distance. Nous pouvons lui proposer d’utiliser l’ordinateur. Outre les divers intérêts qu’apporte l’ordinateur au niveau du jeu, de l’apprentissage pré-scolaire et de la communication, le fait que l’écran soit dans le plan frontal est moins exigeant sur le plan coordination visuo-motrice. La coordination oculo-manuelle est alors moins nécessaire. L’installation en position assise se fait en général dans le siège moulé habituel, seuls les réglages de la hauteur de l’écran et du contacteur sont nécessaires mais indépendamment l’un de l’autre. 3. Position assise et déplacement Le siège moulé avec ses corrections maximales devient vite incompatible avec une vie sociale ordinaire. La largeur de l’assise est souvent trop grande par rapport aux assises de poussettes ou de fauteuil roulant. L’abduction des hanches rend difficile : le passage des portes, les transferts et le regard des autres. Il convient alors de fabriquer un deuxième siège avec des corrections minimales mais actuellement seul, un siège par an est pris en charge. • Position assise en voiture L’installation dans le siège moulé permet un maintien assez satisfaisant pour les petits trajets. Elle permet à l’enfant d’être maintenu avec la ceinture de sécurité, elle évite une nouvelle installation (gain de place et de transfert). Mais elle n’est pas pratique : - pour l’entourage parce qu’il faut porter l’enfant dans son siège dans la voiture, ce qui est très exigeant au niveau poids et torsion du rachis - pour l’enfant lorsqu’il s’agit de grands trajets, car le siège moulé est fait avec les amplitudes maximales de correction (c’est donc beaucoup trop exigeant pour lui et rend les trajets trop fatigants), amenant : transpiration, macération, rougeurs crampes... Il faut donc un siège que l’on puisse laisser dans la voiture, qui pivote pour se mettre face à la portière, qui soit réglable en largeur, en hauteur et en profondeur afin de maintenir l’enfant le mieux possible et soit inclinable pour décharger le plus possible le rachis. • La poussette La poussette est l’aide technique qui va sortir du domicile, il faut que la maman (en général c’est elle) soit à l’aise lors des sorties avec son enfant. L’achat de la poussette va marquer une nouvelle étape dans le long cheminement des familles. Notre rôle va consister à essayer de cerner tous les paramètres que doit rassembler cette poussette. De permettre aux parents de faire un vrai choix et des essais, puis viendra la recherche du financement avec l’aide de l’assistante sociale de service. Il faut un certain temps entre le début et la réalisation totale du projet entre 3 et 6 mois. Pendant ce temps le relais est assuré par un prêt de matériel par un organisme émanant de la caisse de sécurité sociale dans le 95. 18 Critères de choix de la poussette 1. Au niveau de l’enfant • sa croissance staturo-pondérale le choix se fera en fonction de la taille et du poids de l’enfant mais aussi sur l’importance de la croissance pressentie. • sa motricité en général l’enfant ne peut pas ou n’a pas les possibilités « mentales » de se propulser lui-même, sa station assise peut exiger une certaine inclinaison vers l’arrière. • ses problèmes orthopédiques exigent une installation complexe avec siège moulé membres inférieurs en abduction, corset, têtière. C’est pourquoi dans certains cas, nous sommes obligés de faire un siège moulé en position intermédiaire pour que l’installation soit suportable de longues heures et aussi pour que la poussette soit facilement maniable (exp. abduction des membres inférieurs et passage de porte). 2. Au niveau des parents • leurs déplacements : à quoi va servir la poussette ? pour les déplacements dans la maison, les petits déplacements en terrain plat (dans un super marché, à l’école), les grands déplacements (les parents n’ayant pas de voiture), les déplacements tout terrain • leur voiture - type de voiture (hayon arrière, break, espace ou petite berline) - taille de la famille - type du coffre : essai obligatoire - parfois le choix d’une poussette intermédiaire sera retenu pour permettre à toute la famille de se déplacer au supermarché une fois par semaine... • le domicile (marche, escaliers, ascenseur) - l’accès au domicile est déterminant pour le poids lorsqu’il y a des marches à monter - la taille de l’ascenseur détermine l’empâtement au sol de la poussette. • l’entretien : selon le bavage, les régurgitations il faut une toile facilement lavable et facilement déhoussable. • Le fauteuil roulant Le passage au fauteuil roulant est une étape difficile à vivre pour les familles. Mais petit à petit, le regard des autres changent vis-à-vis du fauteuil roulant. Le Téléthon, les dessins animés qui ont comme héros des enfants en fauteuil roulant, l’intégration scolaire facilitée ces dernières années, font qu’il s’insère mieux dans notre quotidien. Tous les enfants ne peuvent pas être installés en fauteuil roulant. Mais pour certains qui peuvent en bénéficier, le temps de passage se raccourcit. Il est maintenant plus guidé par l’intérêt de l’enfant, son autonomie que par la peur du regard des autres. Conclusion Ces dernières années, l’installation assise du jeune enfant polyhandicapé a beaucoup évolué : matériaux plus légers, plus esthétiques, choix plus important, meilleure prise en charge financière... mais elle reste encore complexe, car il faut à l’enfant des installations différentes en fonction de ses activités. Si chez le tout jeune enfant, le changement régulier de positions par un tiers ne pose pas trop de difficultés et se fait relativement facilement. Pour l’enfant grandissant, tous les transferts deviennent difficiles et pénibles autant pour la personne polyhandicapée que pour son entourage et le personnel. Face à toutes ces limites, on pourrait réfléchir à la conception de “sièges dynamiques“: c’est-à-dire avec des paramètres programmables de façon à permettre dans la journée de passer aisément des temps de correction stricte (orthopédique, avec des amplitudes bien définies) à des temps de détente et des temps d’activité. Il devrait être facilement maniable par l’entourage et aussi bien sûr esthétique. 19 Station assise et appareillage chez l’enfant et l’adulte polyhandicapés Les différents points de vue des parents Mme Ignacio-Vic Maman de Albert, 8 ans, Externe à l’IMP des Amis de Karen Marie-Christine Tézenas du Montcel, Maman de Grégoire, 16 ans, Externe à l’IMP des Amis de Karen I - Intervention de Mme Ignacio-Vic Je souhaite évoquer devant l’arrivée de la coque moulée d’Albert, notre fils polyhandicapé âgé actuellement de 8 ans, dans la vie de notre famille : c’est-à-dire en tout premier lieu dans la vie d’Albert, mais aussi dans la vie de sa sœur aînée Marie, actuellement âgée de 11 ans et dans la vie de ses parents. Albert a été accueilli tout à fait normalement à l’âge de 6 mois à la crèche de la rue Thorel (Paris) puis vers l’âge de 9 mois il a été suivi parallèlement au CAMPS de la rue Rozanoff. Vers l’âge de 3 ans il a quitté la crèche pour être accueilli à l’hôpital Saint Maurice qu’il a quitté à l’âge de 7 ans pour rejoindre l’IMP les Amis de Karen. Je souhaiterais vous dire que cette coque moulée a été pour nous beaucoup plus qu’un simple appareillage et que nous avons vécu son arrivée dans la famille de façon tout à fait particulière qui n’a rien eu à voir avec les attelles de nuit par exemple ou les attelles qu’Albert porte aux pieds pour limiter la déformation de ses chevilles. A - Arrivée de la coque moulée dans la vie de notre fils et dans la vie de la famille 1. Préparation de la famille par les professionnels du CAMPS de la rue Rozanoff (Paris) • Préparation psychologique. Nous avons tout d’abord bénéficié d’une préparation “en douceur” à l’arrivée de cet appareillage dans la vie de la famille. Le vocabulaire employé était extrêmement rassurant. On nous a parlé de soutien, de confort, d’un siège, d’une aide au maintien, de dynamisme, d’un autre regard sur la vie, d’une meilleure appréhension du monde. Tout cela était très positif et nous ne pouvions qu’adhérer à de telles perspectives. Je ne me rappelle pas que le mot appareillage ait été prononcé. Peut-être l’a-t-il été ? Je ne me souviens pas davantage avoir évoqué les vertus orthopédiques de la coque moulée. Sans doute nous en a-t-on parlé. • Préparation pratique. Le matériel nous a été présenté, nous avons été invités lors des moulages (nous avions été prévenus : le moulage pourrait nous sembler barbare), la coque a été essayée et rectifiée au CAMPS puis Albert l’a utilisée, toujours au CAMPS, avant que nous la recevions à la maison. 2. Arrivée de la coque moulée dans la famille : moment de bonheur pour chacun d’entre nous pour des raisons différentes - pour notre fils : il était radieux, il vocalisait et avait un petit air de défi et de conquête dans le regard que nous ne lui connaissions pas. - pour notre fille qui avait trois ans et qui était tout sourire ; enfin chacun à sa place autour de la table et non plus le petit frère sur les genoux des parents comme cela était auparavant. - pour les parents : partager la joie d’Albert, le voir “petit garçon” et non plus “bébé”, le regarder droit dans les yeux et non plus penchés au-dessus de lui dans une attitude enveloppante et accentuant sa dépendance, dîner sans enfant sur les genoux (et devrais-je dire sans avoir les deux enfants sur les genoux…) sans que cela nous empêche de faire un câlin si nous le souhaitions. Nous avons pris des photos d’Albert pour son cahier de vie, nous avons même téléphoné aux grands-parents pour leur apprendre la bonne nouvelle. 20 3. Sortie de l’appartement : le choc - c’est dons en toute confiance que nous sommes sortis de l’appartement le lendemain matin pour accompagner Albert à la crèche et nous avons dû faire face à des réactions intriguées, choquées, consternées. Ce fut tout d’abord une voisine croisée au bas de l’escalier qui nous dit : “Jamais je n’aurais pensé que vous lui auriez fait cela. L’attacher comme cela c’est vraiment barbare, c’est une honte.” Albert ne manifestait pourtant aucune souffrance, au contraire il était souriant lorsque nous avons croisé cette dame. - décontenancée par cette première réaction, je souhaitais parvenir à la crèche le plus discrètement possible, mais Albert en avait décidé autrement. Comme il était fier et content, il n’a cessé de vocaliser, de babiller ce qui réduisait à néant tous mes espoirs de discrétion. J’avais l’impression que tous les regards convergeaient vers nous, ce qui n’était probablement pas tout à fait le cas. - arrivée à la crèche je fus soulagée, mais mon répit n’a été que de courte durée. En entrant dans la pièce où les enfants étaient accueillis à leur arrivée, j’ai annoncé bien fort : “Bonjour, voici Albert et son nouveau siège.” Et là, un silence suivi de réactions : “Je n’avais pas compris que c’était si encombrant, ça a l’air d’être compliqué toutes ces sangles, mais il est attaché, il va avoir ça toute sa vie…” (Je tiens à préciser que le personnel de la crèche a fait un travail remarquable auprès d’Albert et de nous-mêmes pendant plus de trois ans, sans formation spécifique à l’accueil des enfants polyhandicapés, en devant gérer des contraintes pratiques, notre propre désarroi lors de la découverte du handicap d’Albert et avec pour seule aide, mais elle fût heureusement de qualité, celle du CAMPS). En l’occurrence, alors que nous avions nous-mêmes été extrêmement bien préparés à l’arrivée de la coque moulée, nous n’avons pas su faire bénéficier les personnes de la crèche de cette préparation. 4. Ce que je retiens de cette expérience quelques années plus tard - nous n’avons pas pleinement anticipé le changement de statut d’Albert. Nous avons été extrêmement bien préparés à l’arrivée du siège. Albert était heureux. Nous avions le sentiment qu’il avait franchi un cap essentiel. Avant l’arrivée de la coque, Albert était soit “un bébé” ce qui ne nous convenait pas puisque Albert grandissait, soit “un enfant grabataire”. Ces deux images se superposaient sans être satisfaisantes puisqu’elles nous empêchaient, en fait, de la voir grandir. - dans l’entourage proche ou lointain la coque moulée avait une signification tout autre. Avant l’arrivée de la coque, tous les espoirs étaient permis. Albert était petit, tout pouvait encore s’arranger : C’est un enfant un peu en retard, qui n’est pas très tonique…, entendions nous dire. Nous-mêmes confortions notre entourage dans cette idée : “Albert est encore jeune, le cerveau est quelque chose de très compliqué, on ne peut pas préjuger de l’avenir.” Après l’arrivée de la coque moulée, il devenait évident qu’Albert avait un problème. Avant l’arrivée de la coque tout était possible. Après, le handicap ne pouvait être nié. L’image d’un bébé est autrement moins dérangeante que l’image d’un enfant handicapé. Moi-même au début je reconnais avoir préféré promener Albert avachi dans sa poussette (après tout, lui aussi a le droit d’être fatigué) plutôt que de le promener bien installé dans sa coque moulée mais devoir affronter tous les regards. - cette confrontation au regard des autres est d’autant plus douloureuse que la découverte du handicap est récente, les parents étant eux-mêmes dans leur toute première phase d’acceptation du handicap. Il nous a donc fallu gérer des réactions différentes : la nôtre, notre fils vient de passer une étape essentielle, il est un petit garçon, et celle des “autres”, quel malheur Albert est un enfant handicapé. Cette confrontation était inévitable mais heureusement nous étions convaincus que grâce à sa coque Albert pouvait grandir plus facilement. Voilà pourquoi je commençais en vous disant que cette coque moulée a été pour notre fils et pour sa famille beaucoup plus qu’un simple appareillage à tel point qu’aujourd’hui je n’imagine pas Albert passer une journée sans sa coque. Je pense également que cette première expérience réussie d’appareillage nous a permis d’aborder plus facilement l’arrivée des autres appareillages, postures et attelles dans la vie d’Albert. B - Beaucoup plus brièvement, quelques remarques - tout d’abord un grand merci aux professionnels de nous avoir aussi étroitement associés à chaque étape de la vie d’Albert à la mise en place des appareillages, attelles, postures,… Qu’il s’agisse du CAMPS, de l’hôpital national de Saint Maurice (service du Docteur Quentin), de l’IMP les Amis de Karen ou du Docteur Khouri (hôpital Saint Joseph). Le fait de nous en parler, de nous y préparer, d’échanger afin de trouver la meilleure solution pour l’enfant en tentant de trouver le juste équilibre entre un appareillage à la fois confortable et orthopédique fait que l’appareillage est d’autant mieux supporté et donc d’autant plus souvent utilisé. - un espoir : celui de voir les matériaux utilisés de plus en plus légers car les enfants grandissant et les parents vieillissant… 21 - au-delà de la coque moulée, il serait intéressant de pouvoir alterner les positions assises en utilisant d’autres sièges dont les objectifs orthopédiques seraient présents mais moins essentiels et qui permettraient aux enfants handicapés de profiter d’une position “plus relax” sans pour autant être dans une position totalement avachie. II - Intervention de Mme Marie-Christine Tézenas du Montcel Mon fils aîné, 16 ans, est polyhandicapé de naissance, à la suie d’une malformation du cortex. La médecine dit “microgyries”. La médecine conclut encéphalopathie convulsivante, tétraplégie spastique, déficience mentale. La famille dit impossibilités, limitations, manques. Pour lui comme pour nous. Absence totale de facilité. La famille conclut inventivité, obstination, entêtement, courage. Difficulté, fatigue. Pour lui comme pour nous. Et le plus beau sourire du monde. Et beaucoup d’amour, de part et d’autre... Chez lui, comme chez nous, une même volonté de s’en sortir. Pour ce qui nous intéresse dans le cadre de ce colloque, il n’a pas, aujourd’hui, acquis de station assise autonome. En clair, il ne peut pas tenir assis tout seul sans aide, humaine ou matérielle. C’est de ce que représente cette station assise “assistée” que je veux parler. Avant lui, il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’en dehors de quelques pathologies transitoires ou de maladie gravissime, on puisse ne pas pouvoir s’asseoir. Cela n’existait simplement pas. En tant que parent, j’ai fait un apprentissage inattendu : toute ma vie j’avais considéré que la station assise était antagoniste de la station debout. (“Mais ne restez pas debout, prenez donc un siège, etc”) ; qu’elle était le contraire du mouvement. J’ai découvert peu à peu que chez certaines personnes, dont mon propre enfant, la station assise est antagoniste de la position allongée. Que sa maîtrise n’est pas si évidente ; et enfin qu’elle n’est pas simplement un repos mais aussi une victoire. Et une victoire, pour nous, chèrement acquise, une défaite transformée en victoire. La station assise est au cœur des problèmes du polyhandicap et je suis très frustrée de ne disposer que de 12,5 minutes de temps de parole alors que je pourrais bavarder avec vous jusqu’à ce soir sur un quotidien de plus de 6 000 jours !. Je vais donc essayer, à partir de mon expérience de parent, de dégager quelques points essentiels. A - L’apprentissage du handicap et la station assise Très rapidement, alors que je ne supposais pas la gravité de sa pathologie, malgré quatre mois d’hôpital, je l’ai assis. Je l’ai assis pour lui donner à manger, pour le poser, pour lui permettre de regarder autour de lui. Je l’ai assis et calé quand je ne l’avais pas dans les bras comme n’importe quel nourrisson qu’on assied quand on ne veut pas le coucher Comme n’importe quel enfant. Je ne savais pas que ce n’était pas un enfant ordinaire. Il a eu son transat comme les copains à une époque où je n’imaginais pas qu’à un problème qui n’était à mes yeux qu’un problème de convulsions allait se surajouter, se révéler devrais-je dire, un problème moteur et neurologique de cette ampleur, qui irait jusqu’à l’empêcher d’acquérir une station assise autonome. Consciemment ou pas on nie le plus longtemps possible l’évidence, surtout lorsque l’on ne dispose pas de diagnostic, et donc de pronostic, ce qui est d’ailleurs très fréquent. Pour peu que l’enfant tienne un peu assis tout seul, voire debout avec un peu d’aide on croit au progrès possible et l’on n’y pense pas plus que ça. Mais tout cela ne dure guère. Un jour on finit par comprendre qu’il ne marchera peut-être pas. Alors la station assise… On ne se pose même pas la question. C’est finalement autour d’elle que se cristallisera une bonne partie des problèmes liés au handicap. B - La négation du handicap et les bricolages de la petite enfance à la maison Dans le cas de mon fils, il y avait –il y a toujours- plusieurs difficultés lorsqu’on tentait de l’asseoir. Il glissait en avant ou s’effondrait sur le côté. Hypotonie axiale et schème d’extension, disent les professionnels. Pour moi c’était pareil ; je n’ai 22 compris que plus tard cette affaire de schème d’extension qui le faisait s’étendre, poussant son bassin en avant comme dans un toboggan. Moi je croyais simplement qu’il glissait et que ça allait s’arranger. Cela ne s’est pas arrangé. Grégoire a été pris en charge par un service de soins à domicile du CESAP. Il avait un an et j’entends encore la directrice de l’époque, Madame Darretche lui dire : “mais comme c’est difficile de s’asseoir quand on est raide !”. J’étais médusée. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien vouloir dire ? Après la période transat, il y a eu la période chaise haute avec aménagements, sangle de bassin et grand dossier en mousse, puis une sorte de bergère que j’avais fabriqué en contreplaqué, inclinée en arrière, posée sur la structure même du transat, avec un pied de sommier en guise de cale d’entrejambes, le tout douillettement capitonné de mousse. J’ai découvert après coup que Coram faisait ça beaucoup mieux que moi ! Tout cela restait du mobilier de jeune enfant. Puis on est passé, avec le CESAP, au siège moulé en plâtre que les parents peignaient ou décoraient pour leur donner un petit air guilleret. C’était le début de l’appareillage, mais là encore, je ne l’ai pas compris tout de suite. Après deux sièges “classiques” le kiné qui le suivait avait opté pour une “chaise de fumeur”, avec un dossier devant, si j’ose dire et qui était bien la chose la plus vilaine qui soit jamais rentrée à la maison. Je lui avais alors fabriqué, avec du papier journal, des bandes plâtrées, des yeux et un nez prélevés sur une peluche une sympathique tête de brave toutou, qui en faisait plutôt un jouet décoratif qu’un appareillage orthopédique. Entre temps, la famille s’était agrandie de deux petits frères. Nous avons installé un grand tapis de sol dans le salon et on vivait par terre ou à peu près. Puis l’un a pris place dans la chaise haute. Puis l’autre. Grégoire, lui, avait un fauteuil Coram, sur pied, et une immense poussette, dans laquelle il était face à nous, une poussette suédoise dont nous avions acheté, une fortune, le premier modèle importé, découvert dans un salon “Autonomic”. J’emmenais Grégoire, âgé de 5/6ans aux journées de regroupement du CESAP, tout près de chez moi, son frère de 18 mois assis sur le marchepied. Ils étaient craquants ! Cette poussette, outre sa fonction première, remplissait également une fonction de fauteuil relativement confortable qu’elle partageait avec le siège Coram. Elle remplissait également une fonction que je n’ai comprise que plus tard. Son allure à la fois normale et géante, son confort en faisaient là encore un objet suffisamment original pour nous donner l’illusion de ne pas appartenir au monde du handicap. C’étaient les années d’illusion entretenue où l’on s’imaginait que tout pouvait sinon s’arranger du moins aller mieux. On trouvait à peu près dans le commerce ce dont on avait besoin et pendant tout ce temps-là, on a joué en trompe-l’œil. D’abord, on n’avait pas accès au matériel spécialisé, et puis ça nous a permis de nous habituer à la situation, de continuer à utiliser du matériel d’enfant, simplement, en XXL. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque nous n’avions pas encore de diagnostic ; et que nous étions, par la grâce des deux petits frères, maintenus dans le monde de la petite enfance. Je ne sais pas comment se passe, dans les autres familles, la découverte et l’acceptation du handicap ; mais il me semble, d’après ce que j’ai entendu, que dans notre cas ce temps de progression très lent en termes de matériel, ces mesures dilatoires, ont sans doute été bénéfiques dans la mesure où les choses se sont faites, sinon en douceur, du moins à leur rythme, pour le plus grand bonheur de tout le monde. C - Station assise avec appareillage Vers 6/7 ans, il y a eu l’IMP des “Amis de Karen”. En inscrivant mon fils, sous la pression du CESAP, je faisais, objectivement, pour lui, la bonne démarche. Moi, je savais que j’entérinais définitivement l’inacceptable. Et qu’il n’y avait rien d’autre à faire. Tout cela pour vous dire que j’ai eu un peu de mal avec les premiers sièges moulés, les corset-sièges. Cela me paraissait dur, inconfortable, barbare en un mot. D’autant que là, il nous a fallu passer au fauteuil roulant, le passage poussette-fauteuil étant, bien sûr, difficile à gérer. Je pense que Grégoire, lui, a eu moins de mal. Ce qu’il a pensé, éprouvé du corset-siège, je ne sais pas bien le mesurer. Il y a eu, bien sûr, les inévitables rougeurs, les tâtonnements. L’équipe des professionnels a été formidable, attentive aux sensations de Grégoire, à l’écoute ; nous avions vraiment la sensation de travailler en équipe, et je pense que Grégoire l’a vraiment ressenti aussi. Donc nous sommes passés au matériel spécialisé qui, cette fois, avait l’air de ce qu’il était, c’est-à-dire du matériel pour enfant handicapé, malgré les efforts des fabricants et appareilleurs pour le rendre le plus attrayant possible. 23 Il faut bien se rendre compte que pour le parent “débutant”, le regard des autres, famille proche comprise, et la perception que l’on en a est parfois décisif dans l’acceptation du handicap de son enfant. Et que l’attitude du parent est capitale dans l’évolution de l’enfant, de son caractère et de son bien-être. C’est dire à quel point, et je le souligne, nous, parents de jeunes enfants, avons besoin pour l’enfant de l’aide et de la compréhension des professionnels. Nous avons besoin que les appareillages soient vraiment sympathiques ; jolis, discrets ou rigolos mais attirent plutôt la sympathie ou l’admiration que le rejet. Vous connaissez ce vieux dicton : “il vaut mieux faire envie que pitié”. Il faut vraiment arriver à ce que le parent ait envie d’utiliser ce matériel au maximum car sans ce matériel, vous n’avez pas de station assise possible ; vous le privez alors d’autonomie, j’irais presque jusqu’à dire d’existence propre. D - Aspects fondamentaux de la station assise Et quand je dis d’existence... Je voudrais vous raconter une anecdote récente qui m’est arrivée à moi, adulte et qui m’a permis de comprendre bien des choses. Avec un tout petit peu d’imagination, vous comprendrez vous aussi. Cela se passe chez un dentiste, un nouveau dentiste, les autres ayant jeté l’éponge. Je suis installée sur le fauteuil, semi allongée après l’examen de mes dents ; et le praticien, assis à côté de moi, me fait un bilan plutôt sombre et un plan de traitement si formidablement déprimant que je ne peux pas le supporter et que je l’arrête de manière assez vive. J’écarte le scialytique et le plateau, le repousse en disant “laissez-moi m’asseoir” ; et je me retrouve assise face à lui. Là je peux à nouveau l’entendre, voire lui parler. Je ne suis pas venue pour vous parler de moi, vous interpréterez donc la chose à votre guise. En tout cas cette affaire m’a donné beaucoup à penser ; et j’en suis arrivée à la conclusion que la station assise était un acte fondateur de l’expression, de l’affirmation de la personnalité et donc de sa construction. C’est maintenant, avec le recul, que je le comprends, que je le souligne. Être assis seul et de façon autonome, même s’il s’agit d’une autonomie assistée, est quelque chose de fondamental. C’est un peu “Je suis assis donc j’existe”. Assis, pour nos enfants, c’est le “debout” des damnés de la terre, c’est le “debout” du président américain après le drame de Manhattan. Cela peut vous faire sourire mais je suis sûre qu’au-delà des avantages physiques et matériels cités plus haut, elle est psychologiquement indispensable à nos enfants qui sont, ne l’oubliez pas, si dépourvus de moyens. Je n’y avais jamais pensé avant, mais je l’ai comme Monsieur Jourdain, appliqué sans le savoir. Aujourd’hui, Grégoire a 16 ans. C’est un peu moins difficile depuis que ses pieds touchent le sol, mais il ne peut être vraiment assis seul, sauf quelques minutes sur une bergère enveloppante ou un canapé à haut dossier ; mais il ne tarde pas à basculer sur le côté et continue à se pousser en avant. La solution réside dans son corset siège, qui lui permet d’être assis en voiture ou dans son fauteuil roulant. En tout cas assis de façon autonome. Aujourd’hui, je ne peux plus le porter, ou seulement sur des courtes distances. Avec le fauteuil, je peux l’emmener se promener, prendre l’ascenseur, aller chez un dentiste, chez des amis même si rien n’est prévu pour lui, déjeuner chez sa grand-mère, en un mot lui offrir une vie à peu près ordinaire avec des relations à d’autres personnes, des sorties, des distractions, des activités éducatives et j’en passe, que ce soit dans le cadre familial ou à l’IMP. Et c’est clair, il aime ça ! Il peut être assis à table avec nous au cours d’un repas ou d’un jeu de société. La station assise a un peu facilité le mouvement de ses mains même s’il ne peut pas saisir ni manipuler. Il peut être assis seul, face à face et ainsi développer une relation que j’appellerai d’égal à égal. Conclusion À vous, personnel de santé, personnel éducatif, je ne vais pas énumérer les avantages digestifs, orthopédiques, éducatifs de la station assise, le mieux-être, la facilité accrue pour se nourrir ou boire, ni bien entendu, les avantages pratiques pour les sorties, les transports et j’en passe. Tout cela tombe sous le sens dès qu’on y réfléchit un peu. En centre comme à la maison. Quand on est parent d’un très jeune et premier enfant, on ne le perçoit pas la difficulté d’acquisition et le caractère indispensable de cette station assise, on ne mesure pas tout de suite les enjeux. 24 Quand on a un enfant handicapé, on a parfois tendance à le surprotéger, à le prendre dans les bras, à ne pas lui demander d’efforts. Il a, c’est vrai, besoin de tendresse et de câlins, sans doute plus qu’un autre. Mais il a aussi besoin qu’on l’aide à acquérir, au sein de son extrême dépendance, les moyens d’un minimum d’autonomie. Il a besoin qu’on l’aide à grandir, et l’aider à grandir, c’est aussi l’aider à s’asseoir. La station assise est un moyen d’affirmer son autonomie, son existence, sa personnalité. C’est un moyen de créer des liens, face à face, d’égal à égal. Cela est probablement si vrai dans l’inconscient collectif que pour désigner l’impossibilité de s’asseoir ou de se lever, on a forgé un terme à connotation misérabiliste à partir de grabat qui n’évoque pas précisément des draps de soie et des édredons de duvet choisi ! .. Donc, avant même de passer à toute activité ludique, éducative, sociale, il faut pouvoir bénéficier d’une station assise confortable. C’est pourquoi je veux souligner à quel point nos enfants ont besoin de vous, non pas seulement dans votre travail, mais aussi par le biais des rapports que vous entretenez avec nous. Vous connaissez mieux le polyhandicap que nous, car vous avez l’expérience de beaucoup d’enfants, d’adolescents, d’adultes et le recul du temps. Nous connaissons mieux notre enfant que vous, malgré toute la subjectivité qui parasite parfois cette connaissance, mais qui parfois l’exacerbe. C’est pourquoi il est indispensable que dans les centres, professionnels et parents, appareilleurs et parents se rencontrent et que l’élaboration de quelque chose qui va faire partie de la vie quotidienne de votre enfant ne soit pas simplement laissée aux seuls professionnels. Le soir, le week-end, les vacances, l’enfant est chez ses parents. Il ne peut pas y être bien dans un appareillage seulement conçu sur des observations de jour. Son confort, son bien-être en dépendent, et avec eux, son ouverture au monde. L’observation des parents est précieuse, complémentaire et inséparable de celle des professionnels. Sinon cela revient à amputer l’enfant d’une partie de son vécu. Il ne faut pas hésiter à demander des choses plus légères, plus maniables. La vie et l’aide en centre ne sont pas la vie et l’aide à la maison. Cela fait aussi partie de notre boulot de parents, et en plus, les appareilleurs l’apprécient. Certaines choses sont de la compétence des professionnels, kinésithérapeutes, médecins rééducateurs, appareilleurs. D’autres sont du domaine des parents. Il ne faut pas confondre domaine et compétence, qui ne doivent pas s’exclure mais bien au contraire former un tout dans l’intérêt de jeune handicapé Ces enfants sont exactement comme vous et moi. Il n’y a qu’une chose qui les intéresse vraiment, c’est d’être reconnus et aimés. Mais comme ils sont moins sollicités que vous et moi par des activités parasites, chez eux, cela prend plus d’ampleur. L’amour, quoi qu’en dise Saint-Exupéry, c’est aussi parfois se regarder l’un l’autre. Les yeux dans les yeux. À la même hauteur. Et assis. 25 DEUXIÈME PARTIE Retentissement orthopédique du polyhandicap 27 Le retentissement orthopédique du polyhandicap chez l’enfant Docteur C. Jaubert-Brisse Praticien hospitalier Rééducation fonctionnelle Groupe hospitalier Cochin - Saint-Vincent-de-Paul - La Roche Guyon I - Introduction Le retentissement orthopédique du polyhandicap doit s’entendre bien sûr en terme de déformations orthopédiques et nous savons tous combien elles sont fréquentes et multiples notamment au niveau des hanches et du rachis conditionnant par là les possibilités de station assise, mais ce retentissement doit surtout s’entendre en termes de qualité de vie immédiate et future. Cette notion de futur complexifie considérablement notre approche. Pour maintenir la possibilité d’une station assise suffisamment prolongée et confortable, l’enfant, sa famille et l’équipe vont devoir parcourir ensemble un long chemin, véritable parcours du combattant parfois. Il faut repérer et cibler l’ennemi actuel et ceux à venir, ré ajuster constamment les objectifs en fonction de l’évolution de l’enfant, de sa pathologie mais aussi de nos techniques sans discrimination, avec réalisme, chaque sujet étant un cas particulier. • La littérature nous laisse dans l’expectative du devenir douloureux d’une luxation de hanche, un sur deux semble-t-il, sans qu’aucun caractère prédictif n’ait été repéré. • Nos techniques chirurgicales s’élargissent et s’allègent, cependant nous connaissons tous les contraintes opératoires et post opératoires chez ces enfants particulièrement fragiles. • Actuellement les douleurs d’appui sont de mieux en mieux prévenues par des installations adaptées et un nursing soigneux y compris pour des déformations importantes. • Enfin, les progrès thérapeutiques permettent de voir désormais souvent s’amender les périodes de décompensations somatiques de la première enfance après l’adolescence, laissant alors une situation orthopédique très dégradée sans doute du fait de notre « frilosité » interventionniste. Compte tenu de toutes ces considérations, cette journée de partage de nos expériences, de notre savoir faire à travers les âges était véritablement indispensable. II - Physiopathologie Chez l’enfant polyhandicapé la lésion cérébrale précoce est responsable d’une multi déficience mentale, sensorielle, comitiale et motrice. Cette atteinte motrice couplée aux autres déficiences survenant sur un sujet en croissance va engendrer des troubles orthopédiques, véritable surhandicap que nous nous efforçons tous d’éviter par des mesures préventives et curatives plus ou moins lourdes. Ces déformations orthopédiques vont évoluer dans le temps pouvant devenir source d’inconfort et de douleur, elles augmentent la morbidité, voire la mortalité de ces jeunes. Le devenir orthopédique est devenu une préoccupation constante dans leur accompagnement pour l’ensemble de l’équipe sans que cela prenne toujours un sens pour le jeune et sa famille. Le déficit moteur se traduit d’abord par : - des troubles du tonus et de sa régulation avec souvent l’association d’une hypotonie axiale à une hypertonie périphérique pouvant toucher les 4 membres, prédominant classiquement sur les fléchisseurs de hanches et les adducteurs de hanches, les triceps mais aussi les fléchisseurs de coudes … 29 - des déséquilibres de la force musculaire - des troubles de la coordination et de l’équilibre • Ces troubles surviennent sur un squelette en croissance, ils entraînent des postures asymétriques ou anormalement prolongées, couplés à l’absence de sollicitation de la marche ils retentissent sur les cartilages de croissance, générant des déformations osseuses, articulaires mais aussi des rétractions musculaires qui vont évoluer tout au long de la croissance avec une recrudescence au moment de l’adolescence. • Le dépistage et la lutte contre toute asymétrie entre les deux hémicorps commence dès le plus jeune âge pendant la phase hypotonique des premières semaines de vie (attitude en grenouille écrasée décrite par M. le Dr Grenier) par un coussinage adapté, relayé par une coque de maintien postural du tronc et du bassin que l’on inclinera plus ou moins ainsi que par des mobilisations et des étirements des groupes musculaires associés à une stimulation en postural et motrice, encore faut-il que le diagnostic ait été effectué, précocémment. • Chez le sujet polyhandicapé, particulièrement celui présentant une atteinte de type quadriplégique les déformations vont s’installer progressivement au niveau des hanches, du rachis, des pieds, des genoux et des membres supérieurs. III - Au niveau des hanches On constate souvent une dysplasie avec anté version augmentée et coxa valga qui pourront évoluer avec la bascule du bassin et la fixation de l’attitude en coup de vent vers une excentration de la tête fémorale jusqu’à la luxation postéro externe avec un retentissement fonctionnel très variable mais presque toujours problématique. Dans certains cas les rétractions se feront vers l’abduction rotation externe et pourront conduire à des luxations antérieures toujours douloureuses dans notre expérience. La prévention passera par un positionnement alterné limitant cette bascule du bassin et maintenant une abduction symétrique et nécessaire au bon recentrage grâce à diverses contentions allant du corset siège +/- abducté +/- incliné, aux installations nocturnes, coussin de mousse, attelles pelvi pédieuses, sans oublier bien sûr la verticalisation et les séances de rééducation. Dans un certain nombre de cas et malgré tous nos efforts les attitudes vicieuses vont se fixer imposant le recours à la chirurgie : • Ténotomie, neuroclasie suivie de posture plâtrée ou de mise en traction chez les plus jeunes, classiquement avant 8/10 ans. • Geste osseux : ostéotomie de varisation +/- dérotation et ostéotomie pelvienne, avec immobilisation plâtrée au décours en cas de subluxation avancée voire de luxation avérée. Le vécu autour de ces interventions s’est bien amélioré ces dernières années du fait d’une meilleure communication inter équipe, d’une prise en charge plus efficace de la douleur, du 1er jour à la sortie de plâtre, et sans doute des verticalisations plus précoces autorisées par les chirugiens. Cependant la fragilité cutanée, somatique et relationnelle de ces jeunes rendent ces périodes de séparation difficiles avec une récupération souvent longue pouvant atteindre de 6 mois à un an pour les gestes osseux. Une étude de la littérature sur la prévalence et la morbidité de l’excentration de la hanche de l’Infirme Moteur Cérébral, réalisée fin 99 par l’équipe de Lyon, retrouvait 50 % de hanches luxées, douloureuses sans précision sur le caractère des douleurs ni sur leurs circonstances de survenue et surtout sans qu’aucun caractère prédictif ne soit retrouvé. Les difficultés d’installation assise étaient seulement évoquées par les différents auteurs. Bien que ces études aient été effectuées sur des populations très différentes, les « IMOC quadriplégiques », non marchants, étaient jugés les plus à risque. Pour mieux appréhender le retentissement fonctionnel et douloureux du parcours orthopédique de nos jeunes, j’ai repris les dossiers des enfants pris en charge à l’hôpital de La Roche-Guyon âgés de 6 à 26 ans en répertoriant leurs atteintes neuro motrices, orthopédiques, leurs installations actuelles, les douleurs éventuelles récentes ou anciennes, leur appareillage, leur parcours chirurgical. A - Présentation des enfants et adolescents pris en charge à l’hôpital de La Roche-Guyon Notre mission sanitaire nous amène à accompagner des enfants et grands adolescents sévèrement polyhandicapés dont le plus jeune a actuellement 6 ans et le plus âgé 28 ans. Quinze de nos plus âgés devraient être très prochainement orientés vers des structures d’adultes, la vocation de l’hôpital restant pédiatrique. Sur 80, 57 ont moins de 20 ans. 30 - 10 sur 79 (12 %) seulement ont accès à une marche plus ou moins assistée - 43 sur 79 (60 %) ont une atteinte majeure des 4 membres avec trouble du tonus axial, hypertonie périphérique, absence ou mauvaise tenue de tête parmi ce groupe 25 présentent un schèma d’hyper extension - 8 sur 79 (12 %) présentent une atteinte plutôt de type paraparésie avec hypertonie des membres inférieurs - 7 sur 79 (11 %) ont plutôt une atteinte de type hémiplégique - 5 sur 79 n’ont pas accès à la marche sans déficit évident - 70 % présentent une comitialité sévère - 23 sur 79 ont une alimentation entérale (21 gastrostomies – 2 sondes) - 79 % présentent plus de 4 déficiences associées - la dépendance est extrême pour la plupart (cf tableau et graphique p. 37 sur l’atteinte neuromotrice) Parmi cette population on retrouve ce jour sur 79 jeunes : • 38 jeunes ayant des hanches dites en place et fonctionnelles - dont 10 sujets marchants dont 1 opéré - et 9 sujets parmi les non marchants ayant bénéficié d’une intervention osseuse (2 au prix de 3 interventions) Cela représente 50 % de notre population mais seulement 40 % de la population non marchante • 19 jeunes présentent une ou deux hanches subluxées, indolores et fonctionnelles - 7 d’entre eux ont bénéficié d’interventions osseuses sur les parties molles - ils représentent 27 % de la population non marchante Ce qui élève à 67 % le nombre de sujets ayant des hanches sans retentissement majeur sur la station assise. • 22 sujets ont des hanches luxées ou presque, ce qui représente 30 % de la population non marchante - tous sont assis, cela devient impossible pour un de nos jeunes ces dernières semaines - 3 jeunes présentent des enraidissements majeurs et bénéficient d’installation dite 1/3 assise - des corsets-sièges de maintien ou répartissant les appuis autorisent la station assise au moins 1 heure 30 pour tous les autres. - dans ce groupe 4 jeunes ont des douleurs intermittentes jusqu’à présent répondant aux antalgiques de palier 1. La plupart doivent être mobilisés en douceur surtout le matin au réveil - 11 jeunes ont été opérés avec récidive au décours (6 gestes osseux : 5 sur les parties molles) - 1 seul garde une bonne mobilité de hanches - à noter que 19 d’entre eux sont porteurs d’une scoliose majeure associée (7 ayant été arthrodésés). Parmi les jeunes ayant une atteinte de type quadriplégique (60 %) on peut très schématiquement distinguer 2 grands groupes : - 26 ont un schème d’hyper extension majeure, asymétrique dans 20 cas ayant entraîné une luxation ou une subluxation de hanches , 10 ont dû être opérés, 4 ont un schème symétrique avec plutôt un tableau dystonique dyskinétique et des hanches qui restent en place , 12 jeunes restent luxés ; - 21 ont essentiellement une grande hypotonie axiale ; parmi eux 10 ont présenté des subluxations, voire luxations majeures ; - 6 sont subluxés ; - 10 ont des hanches correctes. (cf tableau et graphique p. 28 sur la déformation au niveau des hanches) 31 B - Interventions chirurgicales • 27 jeunes ont bénéficié d’interventions autour du bassin soit 37 % des sujets non marchants - 24 ténotomies diverses (adducteurs, droit interne, un demi tendineux …) avec neuroclasie dans 4 cas ; - 22 interventions osseuses ce qui correspond à 17 enfants ; - En ce qui concerne les ténotomies dans 4 cas la ténotomie a suffi pour maintenir des hanches fonctionnelles, indolores et à peu près en place (3 grands adolescents et un jeune avec un recul de seulement un an) - 18 jeunes ont bénéficié de ténotomie avant leur arrivée à La Roche-Guyon ;12 avant l’âge de 7 ans ; 21 avant l’âge de 10 ans ; - dans 8 cas ce geste a été suivi d’une deuxième intervention osseuse. • Au niveau osseux sur les 17 enfants opérés, 11 ont des hanches en place et fonctionnelles soit les 2/3. Les périodes post opératoires ont souvent été complexes surtout au moment de la sortie des plâtres. On note de nombreuses complications : (1 fois nécrose, 3 fois désunion de la cicatrise, fracture supra condylienne 6 fois, escarre 3 fois, ostéome …) avec des vécus jugés très douloureux de façon subjective pour 12 d’entre eux. Avec une récupération d’une situation assise jugée confortable, là encore de façon très subjective autour d’un an. En ce qui concerne les fractures post opératoires on observe une nette diminution puisqu’on en a eu qu’une seule depuis 1992. Ceci est à rapporter à la reprise de verticalisations plus précoce sous plâtre autorisées chirurgicalement, à la supplémentation en vitamine D systématique de façon prolongée pour tous les jeunes ayant un traitement anti comitial et sans doute aussi à la formation des équipes aux techniques de mobilisation et de manutention. Pour conclure sur ce chapitre des fractures sur lequel nous ne reviendrons pas, j’ai retrouvé 16 fractures au total dans le parcours de nos jeunes, 6 en période post opératoire, 6 fractures spontanées dont 4 cette année rapportées à l’utilisation sans doute inadéquat du lève-patient pour des jeunes ayant des raideurs en extension des genoux et 4 fractures traumatiques. (cf tableau et graphique p. 39 interventions sur le bassin) C - Vécu douloureux • 7 enfants ont présenté une symptomatologie douloureuse à rapporter à une subluxation de hanches avec recours aux morphiniques pour 3 d’entre eux et aux antalgiques de palier 2 pour les autres. - 3 hanches douloureuses étaient instables avec une luxation antérieure. - 4 étaient en rapport avec une subluxation appuyée et une souffrance de la tête fémorale. Tous ont bénéficié d’interventions chirurgicales. - 5 sont indolores avec le recul - 2 restent douloureux mais de façon très intermittente, l’un ayant récidivé, l’autre étant subluxé ; • 4 jeunes présentent des douleurs de type intermittentes, rattachées à la mobilisation des hanches, notamment au moment de l’installation en position assise Nous reviendrons sur les douleurs d’appui indissociables des autres déformations. 1. Installation et appareillage Il n’est pas toujours simple de retrouver la trace des installations initiales. Depuis les années 80, les installations en corset-siège semblent plus précoces. L’étude est encore plus complexe en ce qui concerne les attelles d’abduction, notamment nocturnes. Actuellement • Installations nocturnes (1/4) - 3 jeunes sont équipés d’attelles cruro pédieuses en abduction - 10 bénéficient de dauphins ou de gouttières en mousse 32 - 6 sont installés dans des lits de mousse - 18 jeunes ont bénéficié pendant plusieurs années d’attelles, le plus souvent plâtrées dans notre expérience, notamment autour des interventions. (1/4) • Verticalisation - 18 ont été régulièrement verticalisés parmi eux 15 ont des hanches préservées - 11 autres le sont encore régulièrement avec une bonne tolérance IV - Les déformations rachidiennes Les déformations rachidiennes, scolioses et/ou cyphoses sont excessivement fréquentes chez l’enfant polyhandicapé particulièrement chez le quadriplégique. Découvertes parfois précocement dans la 1ère enfance, devant l’apparition d’une asymétrie para vertébrale puis d’une gibbosité, le plus souvent sur un bassin oblique, elle s’aggrave presque toujours à l’adolescence, notamment dès l’apparition des premiers poils pubiens. L’aggravation est d’autant plus à craindre que cette apparition est précoce. On retrouve le plus souvent des scolioses dorso lombaires en C ou en S, sur un bassin oblique avec souvent une composante d’effondrement en cyphose dû à l’hypotonie axiale qui peut évoluer seule parfois. Dans certains cas, l’évolution se fait vers un dos creux avec hyper lordose en rapport avec l’hypertonie des spinaux. Les radios répétées en position couchée, tous les 6 mois, au premier doute permettent de juger de l’évolutivité et de la nécessité devant l’aggravation régulière sur les premières années de quelques degrés, de prescrire un corset bien sûr en plus de la kinésithérapie et du bon positionnement dans le siège. Lorsque la rotation n’est pas majeure et que la composante hypotonique est importante, le TLSO garde des indications mais le plus souvent on a recours au corset garchois moulé en position de correction qui respecte les ampliations thoraciques et abdominales qui reste compatible avec une gastrostomie. Une minerve est souvent nécessaire pour améliorer la correction axiale et le bon positionnement de la tête mais pas toujours acceptée par l’entourage. L’efficacité de nos corsets est relative. Ils permettent essentiellement de limiter l’évolution de la déformation et ses répercutions viscérales, de garder une certaine souplesse et d’atteindre ainsi le temps de l’arthrodèse éventuelle. On espère ainsi pouvoir souvent se contenter d’un seul temps d’instrumentation postérieure sans avoir obligatoirement en recours au temps de libération antérieure préalable. Classiquement autour de 13 ans d’âge osseux chez les filles et 15 ans chez les garçons on est parfois amené à intervenir plus précocement en fonction de l’évolutivité. Il s’agit d’une décision collective bien sûr en fonction de l’état général et de l’avis des parents et des anesthésistes. Elle nécessite des équipes entraînées pendant et après l’intervention, notamment au niveau réanimation. Ces interventions permettent le plus souvent de faciliter la station assise avec ou sans corset siège. (cf graphiques p. 40 sur la déformation rachidienne) Dans notre population - 45 jeunes sont porteurs de scoliose importante dont 3 marchant - 20 jeunes ont bénéficié d’arthrodèse - 25 n’ont pas été traités chirurgicalement parmi lesquels * 5 doivent être opérés prochainement * 10 sont corsetés garchois pour la plupart Parmi les sujets récusés on note - 2 refus de la famille - 5 sujets porteurs de pathologie très évolutive - 5 sujets jugés trop fragiles avec pour certains un questionnement tardif sur les intérêts antérieurs compte tenu des déformations problématiques 33 - 3 au moment de l’adolescence sont jugés équilibrés dont 2 jeunes marchant - on doit rajouter 7 cyphoses isolées dont 2 ont été corsetées (population hémiplégique) - sur les 45 sujets présentant une scoliose importante 34 appartiennent au groupe des sujets tétraplégiques, 14 ont été arthrodésés • Types de déformation - 11 présentent une triple courbure (1/4) - 22, la moitié, ont une scoliose thoraco lombaire, de plus souvent dans les grandes hypotonies axiales - 6 présentent des dos creux lombaires ou dorsal - enfin 6 sont des scolioses lombaires sur bassin oblique Les formes lombaires avec télescopage des dernières cotes sur la crête iliaque gênent considérablement la station assise surtout lorsqu’il y a des renforcements toniques à la moindre stimulation. Les formes avec dos creux sur hypertonie des spinaux (6) sont rapidement évolutives particulièrement au moment de l’adolescence, souvent impossible à tenir, elles sont sources de douleurs en station assise, et les résultats des arthrodèses (4) sont moins spectaculaires que dans les autres formes. 1. Appareillages • 28 jeunes ont été corsetés antérieurement et parmi cela - 19 ont été arthrodésés • 10 sont actuellement corsetés, la plupart à l’aide de corset garchois avec pour objectif essentiel de freiner l’évolution, de garder une certaine réductibilité pour atteindre le temps en chirurgical (cf graphiques p. 41 sur les sujets laxés 12 jeunes et déformations 12 jeunes) Le port des corsets reste malheureusement limité dans le temps, souvent diurne et reste aléatoire, à la merci du moindre épisode somatique. Il est le plus souvent bien toléré lorsque adapté, ce d’autant lorsqu’il est mis en place précocement. Le garchois malgré son aspect rébarbatif ne fait plus peur et est d’installation aisée, la gastrostomie n’est pas un obstacle, il nécessite cependant une parfaite mise en place sous peine d’être source de douleur et d’inconfort. Il faut pouvoir le coupler au corset siège ; l’idéal étant d’avoir deux installations, ce qui n’est pas toujours notre cas. 2. Interventions chirurgicales L’arthrodèse a été pratiquée chez 20 jeunes, - 10 fois avec un temps de libération antérieure préalable - 10 fois avec un seul temps, l’arthrodèse postérieure - 6 fois on a pu laisser le bassin libre - 14 jeunes font partie du groupe des quadriplégiques Les plus jeunes avaient 10 ans, le plus âgé 22 ans, la plupart ont eu lieu entre 14 et 16 ans (12) L’instrumentation la plus fréquente a été de type Coterel-Dubousset. 3 jeunes seulement ont porté un corset plâtré dans les suites. La rééducation a été réalisée pour la plupart dans l’établissement avec reprise immédiate de la station assise dans un fauteuil modulable, type Solaris. On note peu de symptomatologie douloureuse, répondant le plus souvent aux antalgiques de palier 1, excepté dans les complications : - 3 infections à bas bruit ayant nécessité l’ablation du matériel après la prise des greffons 15 mois à 2 ans après l’intervention. 34 - 1 hématome surinfecté évacué à J20 - 1 recrudescence des troubles du transit - 1 escarre sous plâtre Pour tous nos jeunes la station assise a été grandement facilitée, 9 d’entre eux pouvant désormais se contenter d’une assise simple en fauteuil. 28 jeunes ont présenté l’association d’une scoliose majeure et d’une subluxation de hanches (5 ont été athrodésés, 8 ont bénéficié d’une ostéotomie efficace). - 16 d’entre eux, particulièrement ceux qui restent luxés présentent une limitation de la durée de la station assise, 1 heures 30 et de grosses difficultés d’installation. Enfin on retrouve les raideurs du rachis cervical souvent en extension dans plus de 23 cas, y compris jeunes, essentiellement chez les sujets tétraplégiques, cela participe certainement à l’aggravation des troubles de déglutition et nécessite la poursuite de notre réflexion sur les appuis-tête et le positionnement précoce. Une remarque à part concernant les sujets jugés très souples, laxes - 12 jeunes font partie de ce groupe à travers les différents classements (on retrouve 5 marchants, 5 tétra hypotoniques, 1 hémiplégique, 1 sans déficit organisé) - 9 jeunes ont développé des scolioses importantes - 5 ont dû être arthrodésés - 1 est en attente - 1 est corseté - 2 scolioses sont jugées stables chez des sujets marchants après l’arrêt du corset - 2 jeunes ont présentés des hanches instables qui ont dû être opérées V - Les déformations des genoux Elles se font souvent vers la flexion. Dans notre pratique, 2 rétractions des ischio jambiers ont considérablement gêné la station assise. On retrouve un flexum dans 22 cas (30 %) avec des répercussions essentiellement sur la verticalisation et l’installation allongée. Les raideurs en extension ne sont pas rares (10 sur 69 [15 %]) souvent au delà de nos ressources thérapeutiques. Elles complexifient l’installation assise impliquant des reposes jambes divers qui augmentent considérablement l’empâtement du fauteuil. Elles ont été la source de fracture supra condylienne lors de manutention avec le lève patient. Enfin, les schèmes d’hyper extension peuvent être eux aussi très gênants lors du passage des portes notamment avec les installations d’abduction surtout chez l’adolescent. VI - Au niveau des membres supérieurs L’attitude en chandelier doit être prévenue sous peine de générer des difficultés traumatiques. VII - Les déformations des pieds Constantes, elles retentissent peu sur la station assise, une répartition de l’appui étant toujours possible. • Traitement antispastique 23 jeunes en bénéficie avec pour la plupart, entre autre, l’objectif de faciliter l’installation dans le siège. 35 • Les répercussions cutanées Elles sont globalement moins fréquentes qu’on ne pourrait l’imaginer compte tenu d’un nursing soigneux et d’un changement de position fréquent. - 14 jeunes ont présenté des escarres débutants rapportés à la station assise, rapidement résolutifs, justifiant une grande vigilance et des installations à réajuster constamment - 5 lésions ont été observées au niveau ischiatique - 4 au niveau du sacrum - 4 en sous axillaire - et 1 au niveau d’une saillie costale sur une gibbosité Les problèmes les plus complexes se trouvent au niveau de la crête iliaque lors du téléscopage du tronc sur le bassin (3 cas). Actuellement la station assise : - 53 jeunes (67 %) ont des assises de type coquille * 4 coques coram * 8 corsets sièges avec mousse expansée * 41 corsets sièges dont 21 sont réalisés à visée de confort en respectant les déformations, répartissant au mieux les appuis, en essayant de préserver l’excitant et de limiter les attitudes vicieuses Dans plus de la moitié des cas, la mise au fauteuil reste très délicate nécessitant plusieurs personnes et plusieurs manœuvres. - 16 jeunes (23 %) sont installés en fauteuil avec assise confortable et système de maintien, parmi cela 9 sujets sont porteurs d’une arthrodèse (cf graphique p. 42 sur la station assise, ce jour, 69 jeunes) VIII - Conclusion • Une seule certitude sur le devenir orthopédique des personnes polyhandicapées et son retentissement : chaque sujet est un cas particulier. • Il ne faut pas être défaitiste, tous «nos» jeunes ont accès a une station assise : - Dans notre expérience, la prise en charge orthopédique et chirurgicale des déformations rachidiennes, bien que non dénuée de risque et nécessitant des équipes entraînées, apporte une amélioration certaine des possibilités et du confort de la station assise ; - Les résultats au niveau de l’accompagnement des déformations des hanches pour maintenir le confort assis sont plus aléatoires mais non négligeables. Il faut savoir constamment réajuster objectifs et moyens, maintenir nos efforts en allégeant au maximum les contraintes ; - Un ratio supérieur de kinésithérapeutes faciliterait ce travail au long cours. • Nos regards se tournent avec impatience vers les nouvelles approches qui, nous l’espérons, permettront un jour de limiter ces évolutions asymétriques au niveau du bassin afin de maintenir avec de moindre contrainte des hanches fonctionnelles et un rachis +/- aligné : - toxine botulinique - traitement anti spastique - «colle chirurgicale osseuse» 36 Atteinte neuromotrice 79 sujets polyhandicapés Nombre % Marche +/- assistée 10 13,0 % Atteinte majeure des 4 membres 47 59,5 % Atteinte type paraparésie 8 10,0 % Atteinte hémiparésie 8 10,0 % Non déficitaire - non marchant 6 7,5 % Marche +/- assistée 13 % Non déficitaire non marchant 8% Atteinte hémiplégique 10 % Atteinte type paraparésie 10 % Atteinte majeure des 4 membres 59 % 37 Déformations au niveau des hanches 79 sujets Marchant Non marchant Total Non opéré Opéré Non opéré Opéré Total % marchant % non marchant 9 1 19 9 38 48 40 Hanche subluxées 12 7 19 24 28 Hanches luxées 11 11 22 28 32 Hanche en place Sujets non marchant Hanches en place 40 % Hanches luxées 32 % dont 86 % avec scoliose Hanches subluxées 28 % 38 Interventions sur le bassin 27/69 jeunes Nombre d’intervention Nombre d’enfants Tenotomies 24 19 Ostéotomies 22 17 Les 2 interventions successivement 8 Tenotomies Non opérés 60 % Ostéotomies Les deux interventions successivement 39 Déformation rachidienne Type de scoliose 45 jeunes Dos creux 13 % Scoliose triple courbure 24 % Scoliose lombaire 13 % Scoliose thoraco-lombaire 50 % Traitement Corset actuel 22 % Corset antérieur 62 % dont 42 % arthrodésé Autres 16 % Arthrodèse 19 jeunes Temps postérieur 53 % dont 31 % bassin libre 40 Temps antérieur et postérieur 47 % Sujets laxés 12 jeunes Tétraplégique hypotonique 42 % soit 5 Non marchant sans déficit 8 % soit 1 Hémiparésie 8 % soit 1 Marchant 42 % soit 5 Déformations 12 jeunes Scoliose arthrodésés 42 % soit 5 Luxation instable opérée 17 % soit 2 Scoliose 33 % soit 4 RAS 8 % soit 1 41 Station assise ce jour 69 jeunes Corset siège dit de maintient 43 % Corset siège 28 % Coram 6 % Fauteuil 23% 42 TROISIÈME PARTIE L’appareillage Objectifs, moyens, problématiques Chez l’enfant, les différents points de vue : - du médecin - du kinésithérapeute - du psychologue - des parents Chez l’adulte, les différents points de vue : - du médecin, de l’ergothérapeute et de l’orthoprothésiste - du kinésithérapeute - des parents 43 Chez l’enfant Le point de vue du médecin Docteur Elisabeth Porsmoguer Médecine physique et réadaptation Hôpital San-Salvadour La station assise est bénéfique au plan général (digestif, respiratoire) comme l’a très bien démontré Madame le Dr Rousseau. Etre assis, c’est aussi regarder, être face à face, communiquer, manipuler, jouer, apprendre, se déplacer, être un peu plus autonome, être regardé. L’appareillage doit essayer de répondre à beaucoup d’exigences. Une évaluation factorielle rigoureuse, non seulement neuromotrice mais globale, permettra de définir les objectifs : - Neuromoteurs, - Orthopédiques, - Fonctionnels, - Educatifs, - A visée antalgique parfois, - Familiaux. Ces objectifs souvent associés, parfois contradictoires et toujours évolutifs. Ils sont établis en collaboration avec la famille et l’équipe. I - Neuromoteurs Un examen rigoureux définira le type de corset-siège, en fonction de l’atteinte neuromotrice. 75 % de la population accueillie à l’hôpital San Salvadour, présente des atteintes de degré IV, avec une grande insuffisance des capacités antigravitaires, des schèmes pathologiques obligatoires asymétriques, associés fréquemment à de fortes contractions en extension. Pour cet enfant, la pesanteur aggrave les contractions et entraîne un effondrement. Ainsi, trop verticalisé, cet enfant se place en hyper-lordose cervicale, élévation des épaules, les contractions diffusent aux muscles antérieurs du cou, ce qui entrave une bonne déglutition. Il est nécessaire d’incliner de façon à obtenir un relâchement des contractions, souvent jusqu’à 45° ou plus si cela est nécessaire. Une attention particulière est portée à la tête, aux épaules, au placement des membres supérieurs. La tête est fléchie aux environs de 30°, les épaules sont placées en rotation interne, les avant-bras en pronation, position nécessaire à une bonne déglutition. Cette position n’empêche pas l’horizontalisation du regard. • Les troubles visuels Dans l’élaboration du corset-siège, on doit les considérer avec attention. La posture de la tête ne doit pas empêcher la prise d’informations visuelles, mais les faciliter. On tient compte d’une éventuelle amputation du champ visuel inférieur, d’une paralysie de l’élévation du regard. On pourra même supprimer un appui-tête pour certaines activités. II - Orthopédiques A - Hanche Le corset-siège doit assurer la prévention des luxations de hanches et le maintien des amplitudes acquises après chirurgie. C’est avant tout la recherche de la position de recentrage de la hanche, en établissant un diagramme précis. La position est évaluée par la palpation de la tête fémorale. Ainsi, sont définis des secteurs de mobilité dans lesquels la tête est recentrée. Souvent une forte flexion est nécessaire pour contrôler l’hyper-extension. Cette flexion impose une augmentation d’abduction nécessaire au recentrage. 45 Cette installation, avec forte flexion, illustre bien, comme l’a démontré le Docteur A. Lespargot, l’importance de la position des pieds. Ici, en haut, la force qui tend à éjecter le bassin, replaque dans le corset-siège. Cette installation a permis la suppression de diverses sangles (brachiales, pelviennes….). B - Rachis L’équilibre du bassin garantit l’alignement du rachis dans les 3 plans de l’espace. La rétroversion responsable de cyphose sera contrôlée par la détente des ischio-jambiers en ouvrant l’angle de flexion tronc/cuisse ou chirurgicalement quand ils sont trop rétractés. Dans les autres plans, il faudra savoir respecter une asymétrie lors de la fabrication du siège. L’objectif pendant le moulage est d’obtenir un bassin en position de référence. Si l’enfant présente des possibilités de redressement actif, il bénéficiera d’un siège de stimulation (ex. : siège court plaçant le bassin en antéversion). Si les capacités motrices le permettent, une selle de Vaucresson sera proposée. Moulée à cheval sur un rouleau, elle permet un contrôle orthopédique par l’abduction des hanches et l’érection du rachis, en associant un éventuel déplacement par l’appui au sol. En fonction des capacités de redressement et de la fatigabilité de l’enfant, on alternera siège de repos, avec appui-tête et siège de stimulation. Des appuis thoraciques antérieurs peuvent, par exemple, faciliter les activités manuelles, des soutiens partiels de tête peuvent être proposés si l’enfant l’accepte pour faciliter l’utilisation des membres supérieurs. Dans les atteintes neuro-motrices très sévères, un coutil élastique, tendu sur l’appui-tête, favorisera la rotation de la tête. Dans le même esprit, des appuis-pieds «élastiques» souples, des articulations de genoux (en veillant à l’axe) procurent du confort en évitant aux forces d’éjection de s’exprimer. L’aggravation d’une scoliose peut imposer un corset dans l’attente d’une arthrodèse. Le corset-siège est un des moyens de prévention orthopédique. Cette prévention repose sur l’alternance des positions, guidée par des bilans cliniques réguliers. Par contre, une installation en corset-siège, des heures durant, est néfaste. Il faut toujours préserver une motricité active, quel que soit le niveau moteur de l’enfant. La prévention, c’est l’alternance des positions et des installations, bien intégrée dans la vie quotidienne, en collaboration avec la famille. III - Fonctionnels Ils ne sont pas toujours parfaitement conciliables avec les impératifs orthopédiques (installation sur un fauteuil roulant électrique, par exemple, due à l’encombrement, etc…). Il est nécessaire de définir, dans ce cas, une prévention orthopédique en jouant sur la durée et la variété des installations bénéfiques. Pour les plus dépendants, l’installation en corset doit être facile, sinon il serait mal ou peu utilisé : - échancrure pour faciliter les prises, allégement de la hauteur des bords cruraux, pas forcément - symétriques en interne et externe (selon le schéma moteur), butées amovibles si l’état orthopédique le permet pour faciliter un transfert, si la réaction d’appui existe, butée large permettant un éventuel appui, etc…. Ne pas multiplier les réglages, selon les contextes institutionnels. Quelques principes importants pour la réalisation : les appuis. • les appuis à favoriser - l’appui des pieds, sauf exception (cf ci dessus), - l’appui des coudes (par l’utilisation d’une tablette), - les appuis pré-ischiatiques, qui empêchent le glissement, ils sont souvent associés à un fond capitonné épais, - les appuis sur la face interne des cuisses, - les appuis pré-tibiaux, plus utilisés chez l’adolescent (risque d’augmentation de la laxité du genou chez l’enfant) associés à un retour jambier, 46 • les appuis à supprimer - le sommet de la cyphose, - les appuis pubiens : ils doivent être verticaux, arrondis et échancrés éventuellement. Ils évitent la rétroversion, le sacrum et le coccyx. IV - Educatifs Il est important de faire participer l’équipe éducative qui prend en charge l’enfant et qui l’observe dans toutes les situations de la vie quotidienne, les situations d’apprentissage ou ludiques. Le corset-siège doit favoriser l’activité des membres supérieurs, faciliter les repas, autonomiser le plus possible l’enfant dans les différentes activités, faciliter sa socialisation. V - A visée antalgique L’arrivée des mousses expansées et réalisées sur mesure, a considérablement amélioré la qualité de vie de ces jeunes ou moins jeunes adultes, qui présentent des troubles orthopédiques gravissimes, n’ayant pu bénéficier d’une prévention orthopédique précoce. La qualité de ces orthèses, dont on peut choisir la densité, a transformé la qualité de vie de ces personnes surhandicapées, dont les installations, jusque-là précaires, engendraient inconfort et douleur. VI - Familiaux Dans tous les cas, le corset-siège est élaboré en partenariat avec la famille. Il est important d’expliquer progressivement les exigences orthopédiques, mais d’élaborer avec les parents les différentes adaptations (poignée, inclinaison, appuitête amovible ….) en tenant compte de l’utilisation dans la vie quotidienne, loisirs (corset-siège adaptable à un vélo, selle de moto, du cavalier, etc.). Une grande importance est accordée à l’esthétique. Conclusion Le corset-siège est le résultat d’une analyse multifactorielle et d’un travail transdisciplinaire réalisé avec la famille. Ses objectifs sont multiples, parfois difficiles à associer, et surtout variables dans le temps. Les priorités doivent être régulièrement redéfinies, selon l’évolution de l’enfant. 47 Le point de vue du kinésithérapeute Christian Valette Cadre kinésithérapeute formateur Hôpital San Salvadour I - Introduction Les objectifs d’installer une personne polyhandicapée en station assise sont multiples et les avantages nombreux (cf. les exposés des docteurs Marie Christine Rousseau Médecin - Chef de Service et d’Élisabeth Porsmoguer, Médecin rééducateur). Bref historique de la mise en station assise à San Salvadour. Il y a près de vingt ans maintenant, sous l’impulsion et grâce aux prescriptions du Docteur Élisabeth Porsmoguer, les kinésithérapeutes de l’équipe de rééducation de l’hôpital San Salvadour ont pu progressivement procéder à l’installation dans des coquilles en plâtre de station assise, des patients qui jusque-là étaient bien nourris et maintenus bien propres, mais dont l’horizon était la plupart du temps vertical pour ne pas dire zénithal, puisqu’ils ne pouvaient guère contempler plus que les plafonds -parfois picturalement couverts de scènes allégoriques très en vogue à la fin du XIX siècle - des salles communes. À la belle saison, qui fort heureusement commence en général tôt et se prolonge assez longtemps dans notre région, nos patients pouvaient plonger leur regard dans l’azur... Asseoir des patients jusque-là grabataires a été, à l’époque, une révolution en soi, dans notre monde un peu à part du polyhandicap. Il a fallu changer le regard des équipes soignantes sur la personne polyhandicapée: un être humain qui n’était pas considéré en tant que tel, c’est-à-dire une personne à part entière. Ce travail de “dégrabatiser” les patients n’a pas été simple. Mais la volonté et la conviction de médecins novateurs ayant su fédérer autour de leur projet des équipes soignantes, éducatives et rééducatives enthousiastes, avec l’appui des décideurs de l’Administration, ont eu raison des réticences et des doutes. II - Kinésithérapeute et station assise du patient Le/la kinésithérapeute peut et doit évaluer les capacités de son patient polyhandicapé à tenir assis, à supporter une aide à la station assise, à développer ses potentialités. Cela peut aller de la simple stimulation à partir d’exercices au tapis faisant appel aux techniques de sollicitation neuromotrices, ou assis en bord de table en favorisant le redressement du tronc, jusqu’à la recherche et à la confection de sièges moulés parfois très complexes compte tenu des déformations, en passant par la réalisation de petits sièges de stimulation en plâtre ou dans d’autres matériaux, découpés dans des blocs de mousse, pour faire des installations qui répondent à des demandes afin de favoriser certaines postures, ou pour des prises en charge éducatives. Dans ce cas, il s’agira bien souvent de réaliser une adaptation favorisant telle ou telle fonction dans un but bien défini. III - Formation des kinésithérapeutes Il n’existe pas de réelle formation des kinésithérapeutes sur le polyhandicap dans le programme des études préparant au Diplôme d’État (D.E.). Tout au plus, et au mieux, quelques heures de cours, ou quatre semaines estivales de stage dans notre établissement pour répondre à quelques demandes. Des stages complémentaires sur le polyhandicap font partie de formations sur l’I.M.C. (infirmité motrice cérébrale) proposées aux rééducateurs. 48 On y apprend à transposer ce qui peut l’être, de l’I.M.C. au polyhandicap. Cela va, dans le domaine de la pratique, à l’apprentissage des manœuvres de détente (techniques de monsieur Michel Le Métayer) à la conception et à la réalisation d’installations : en charge (“verticalisations”), de nuit (lits mousses) et de sièges moulés avec leurs adaptations (appuie-tête, repose-bras, repose-pieds). Tous les kinésithérapeutes de l’hôpital San Salvadour ont pu bénéficier de ces formations complémentaires. L’apprentissage de la réalisation des installations se fait “sur le tas”, avec le médecin rééducateur et les collègues déjà formés qui transmettent leur savoir-faire. IV - Le bilan orthopédique Le bilan orthopédique est essentiel. Il est réalisé par le médecin rééducateur, avec le kinésithérapeute du patient. Les problèmes de la station assise et de l’appareillage sont examinés avec soin. Un diagramme de mobilité de la hanche est fait, si besoin est, selon le protocole du Docteur Alain Lespargot, pour évaluer dans quelles amplitudes la hanche est couverte et ce qui est en deçà du seuil douloureux. Les chiffres obtenus lors de cet examen permettent de concevoir un siège qui sera adapté au mieux des capacités et de la tolérance du patient. V - Réalisation du siège moule : vigilance et suivi Le siège : siège moulé, siège assis tailleur, petit siège de stimulation pour ramener le bassin en antéversion pour lutter contre l’attitude cyphotique ou pour inverser une attitude scoliotique, siège demi assis pour le décubitus etc...Il est prescrit par le médecin rééducateur. A - Diagramme de hanche Nous sommes parfois amenés à effectuer ce type d’investigation lorsque l’installation peut se révéler délicate. Les points reportés sur le diagramme nous donnent une précieuse indication de l’espace de mobilité de la hanche en délimitant les amplitudes où la tête fémorale n’est pas couverte (zones à risque) et celles où elle est recentrée (zones de sécurité). Nous savons alors quels angles de flexion -ou de déflexion et d’abduction nous pouvons donner au siège moulé pour qu’il soit bien réalisé. B - La vigilance et le suivi La vigilance du rééducateur s’impose lors du moulage, puis plus tard avec les essayages en dehors de la présence du médecin rééducateur. Il faut souvent apporter des modifications et des adaptations. Il faut alors prendre le temps et savoir retenir l’orthoprothésiste... Lorsque l’appareillage semble convenir, il ne faut pas relâcher la vigilance. En effet, les troubles neuromoteurs et orthopédiques sont parfois difficiles à contrôler et très vite, nous pouvons passer d’une situation satisfaisante à une situation où l’installation n’est plus supportée, voire est devenue douloureuse. Cela exige de notre part, un suivi permanent de l’installation en observant le comportement de notre patient, mais aussi en étant à l’écoute des autres membres des équipes de soins et éducatives, ainsi que des familles. C - Contrôle radiologique de la station assise Le/la kinésithérapeute réalise le moulage, selon les cas avec l’orthoprothèsiste et le médecin rééducateur. Pour les autres réalisations, elles sont faites soit seules ou avec l’aide d’un(e) collègue kinésithérapeute et/ou de l’ergothérapeute. Nous avons la chance de disposer d’un service de radiologie. Ainsi pouvons-nous contrôler s’il le faut et après discussion avec le médecin rééducateur si le bassin et les hanches sont convenablement positionnés. 49 VI - L’installation Bien installer les personnes polyhandicapées en station assise fait appel à des techniques de détente. Nous pratiquons pour notre part les techniques citées plus haut de monsieur Michel Le Métayer. Il est nécessaire de détendre préalablement tout patient, de l’amener dans une posture de relâchement maximum, que ce soit pour une prise en charge en rééducation ou dans d’autres situations : habillage/déshabillage, temps éducatifs etc. Ainsi, dans la manutention du patient pour l’installer dans son siège moulé, il est indispensable de faire appel à ces techniques pour le poser dans son installation. • La posture - tête fléchie, - tronc enroulé bras en avant si possible en rotation interne, - hanches fléchies, genoux fléchis. permet de bien placer les fesses au fond du siège ainsi que le bassin. • La douleur Il arrive que l’installation ne soit plus supportée et soit cause d’inconfort pour le moins et de douleurs. Le rééducateur en rend compte au médecin. Un nouveau bilan permet de s’orienter sur une nouvelle conduite à tenir. Parfois l’orthopédie n’est pas en cause. Si un geste chirurgical est pratiqué, le kinésithérapeute assure le suivi, post opératoire sur le plan des installations. Il est souvent amené à réaliser ou à aménager des installations provisoires. Les changements de positions sont à faire régulièrement pour prévenir les douleurs ou l’inconfort en rapport avec les points d’appui. VII - Un travail d’équipe pluridisciplinaire Asseoir le patient polyhandicapé répond, nous l’avons vu à des objectifs bien définis : sur le plan orthopédique, mais aussi sur le plan de la stimulation de l’éveil et du regard que l’on porte sur cette personne. Pour y parvenir, ces objectifs doivent remporter l’adhésion de l’équipe en s’intégrant au projet de soins du patient. Il est nécessaire que chaque acteur du projet de soins puisse faire valoir son point de vue. Nous devons tenir compte de l’avis des équipes de soins qui, chaque jour et plusieurs fois par jour, doivent manutentionner ces patients. Ainsi avons-nous dû rediscuter avec le médecin rééducateur et l’orthoprothèsiste, la conception de sièges qui demandaient de la part des soignants des manutentions difficiles, dangereuses pour leur dos et pouvant entraîner des risques pour les patients. De même, nous devons prendre en compte les avis des membres de l’équipe éducative qui recherchent une adaptation pour une activité précise comme permettre l’activité peinture. Le/la kinésithérapeute se doit d’être bricoleur et inventif certes, mais pour certaines adaptations délicates il faut faire appel à l’ergothérapeute. Dans certains cas, des installations doivent être remplacées assez rapidement pour diverses raisons, entre autres : - le patient a grandi et son siège n’est plus adapté, - une intervention chirurgicale a été nécessaire et l’installation précédente ne convient plus, - les déformations du patient, sous l’influence des troubles neurologiques et orthopédiques, sont telles qu’il ne supporte plus son installation. Il nous faut alors argumenter une demande de rallonge budgétaire, si les limites de notre crédit sont atteintes. Enfin, si le patient rentre périodiquement dans sa famille, il faut prévoir avec elle une installation -si elle est acceptée au domicile qui puisse être transportée dans un véhicule, dans un ascenseur, passer les portes et être installée dans une pièce d’habitation. Bien souvent également, les équipes de soins et/ou éducatives donnent leur avis sur les coloris des revêtements du siège moulé... ainsi que quelques patients qui sont en mesure de s’exprimer ou de se faire comprendre ! VIII - Station assise et repas Une des applications directes de la station assise à la vie quotidienne de nos patients est la prise des repas. 50 Être assis, en d’autres termes, être bien installé pour prendre ses repas, entre dans la prévention des fausses-routes et/ou du reflux gastro-œsophagien, au-delà de la notion de confort proprement dite. Là aussi, la recherche de la détente, par la conception du siège moulé est une de nos préoccupations. Pour cela, nous recherchons : - une flexion optimum supportable et non douloureuse des hanches, - un bon positionnement des accoudoirs qui maintiennent les épaules abaissées et en rotation interne, - un appuie-tête qui permet de posturer la nuque (et la tête) dans un angle de sécurité de 35 à 40° par rapport au tronc pour déglutir sans risque de fausse route, ou pour prévenir la glossoptose responsable de décès par étouffement (la nuque est en hyperextension, la base de la langue qui est plus lourde bascule en arrière et obture les voies respiratoires. - une inclinaison de l’ensemble du siège moulé pour permettre un champ de vision plus orienté à l’horizontale. IX - Former les soignants à la manutention Nous avons sorti des lits nos patients pour les installer dans des coquilles de station assise réalisées d’abord en plâtre, puis, au fur et à mesure que des moyens budgétaires nous ont été accordés pour répondre aux besoins de nos patients, dans des appareillages tels que les sièges moulés en matériaux thermoformables. Au passage, nous remercions les décideurs qui ont prêté une oreille attentive à nos demandes soutenues et justifiées. Ils ont répondu et agi avec conviction en défendant et en partageant nos objectifs pour nos patients. Les manutentions répétées tout au long de la journée par les différentes équipes, pour effectuer les transferts : - lit/fauteuil avec siège moulé/lit, - fauteuil avec siège moulé/table de change/fauteuil avec siège moulé - fauteuil avec siège moulé/tapis de sol/fauteuil avec siège moulé - fauteuil avec siège moulé/table de radiologie, fauteuil de soins dentaires, - en balnéothérapie, à l’équitation, - sorties diverses et séjours en camps, etc. - prises en charge éducatives nombreuses et diversifiées ont amené une charge de travail supplémentaire et accru notablement les risques pour le dos des personnels des équipes soignantes et éducatives. Le médecin du travail a enregistré une augmentation sensible des déclarations d’accidents du travail en rapport avec les manutentions. Parallèlement, nous avons constaté plus de fractures au niveau des membres supérieurs (fractures du tiers supérieur de l’humérus et sous capitales) et aux membres inférieurs (fractures supra condyliennes et de l’extrémité supérieure du tibia). Ces localisations de fractures sont caractéristiques de prises mal faites lors de manutentions. Aussi est-il devenu urgent de mettre en place : • des formations longues et complètes de kinésithérapeutes qui en faisaient la demande, pour apprendre la bonne gestuelle de manutention des malades. Ils se sont formés à ces techniques afin de les diffuser au sein de l’établissement aux personnes qui travaillent quotidiennement auprès des patients. Ces kinésithérapeutes se sont formés aux techniques “classiques” de manutention des malades élaborées par Paul Dotte, mais aussi et surtout aux techniques de manutention, de détente et/ou de stimulation de Michel Le Métayer, basées sur des réponses neuromotrices automatiques et programmées à des sollicitations. Elles sont tout à fait adaptées à la personne polyhandicapée. • des actions de formation : - chaque année, au centre de formation des aides-soignants, - de l’ensemble des personnels, - ponctuelles et ciblées dans chaque unité de soins, - des personnels nouvellement recrutés, - des personnes qui effectuent des remplacements vacances. La prévention des risques pour le dos des soignants et des fractures chez nos patients sont deux priorités étroitement liées dans les actions que nous menons. 51 X - Conclusion Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause le fait d’installer nos patients. Tout le monde a bien compris qu’asseoir, et quand cela est possible verticaliser, présentent de multiples avantages pour nos sujets polyhandicapés. Nous l’avons vu, sur le plan : - de l’état général - de l’amélioration du maintien postural, - du contrôle orthopédique (hanches, bassin, rachis), - cardio-pulmonaire, - digestif (prévention du RGO), - de la prise des repas (maintien postural de la tête dans un angle de sécurité de 35°/40° par rapport au tronc - de l’éveil - des prises en charge éducatives - de la relation aux autres (un autre regard) Cependant, nous devons rester vigilants : rien n’est jamais acquis définitivement. Nos patients grandissent et grossissent. Les troubles neurologiques et orthopédiques évoluent et entraînent des déformations que nous avons dans certains cas bien du mal à contrôler. À chaque fois, nous devons repenser nos installations en tenant compte des points de vue et des spécificités -parfois divergents : - de chaque catégorie de personnels formant l’équipe pluridisciplinaire, - de l’avis des familles (leur enfant sera-t-il installé à leur domicile et si oui dans quelles conditions? L’installation pose-t-elle des problèmes de transport? Aspect social: “ça fait handicapé!”)... Nous devons être également vigilants avec les orthoprothésistes sur la réalisation, et/ou les modifications des sièges moulés pour qu’ils correspondent en tous points à la prescription du médecin rééducateur, c’est-à-dire réaliser l’adéquation entre les objectifs orthopédiques, les contraintes dues aux troubles neurologiques, et le confort. Cette recherche d’un compromis entre rigueur orthopédique et confort n’est pas toujours simple. Nous installons maintenant avec succès des personnes ayant des déformations orthopédiques extrêmes. Pour cela, les installations en général, et de station assise en particulier, sont devenues de plus en plus complexes ou audacieuses. Elles ont pour corollaire un encombrement important. Ceci créée une charge de travail supplémentaire pour les soignants en raison des manutentions délicates de patients fragiles, parfois très déformés et lourds. C’est pourquoi il est impératif de former les soignants aux techniques de manutention spécifiques aux personnes polyhandicapées (techniques Le Métayer, basées sur des changements posturaux obtenus en provoquant des réponses automatiques à des stimulations et/ou des guidages). Le/la kinésithérapeute est une personne de terrain présente au quotidien auprès des patients, assurant souvent auprès de ceux-ci une prise en charge pluri hebdomadaire depuis parfois de nombreuses années... Chaque kinésithérapeute est ainsi en prise directe avec les autres membres des équipes soignantes mais aussi et d’abord, avec le médecin rééducateur dont il dépend directement pour la grande majorité des actes qu’il pratique sur sa prescription. 52 Chez l’enfant polyhandicapé Le point de vue du psychologue Michel Fontaine Psychologue Centre éducatif Jules Verne à Amiens Mon propos est tiré de mon expérience de travail au centre éducatif Jules-Verne à Amiens, I.E.M. créé en 1991, qui accueille 26 enfants polyhandicapés. J’y ai vu se constituer auprès des enfants et de leurs parents une équipe pluridisciplinaire dans l’interactivité, l’échange et l’analyse des pratiques. Avec le temps, 10 ans, l’expérience, mais surtout avec le contenant institutionnel et le travail personnel de chacun - disons “le travail sur soi”- les professionnels se sont dégagés des positions projectives les plus envahissantes et encombrantes. Face à l’enfant polyhandicapé, ses silences, ses énigmes, le contrôle de l’implication personnelle de l’intervenant paraît influencer la dimension thérapeutique de la relation et de l’activité de soins. Ainsi la représentation des orthèses et appareillages a évolué : perçus comme facteur de souffrance ou comme obstacle à la relation, ils ont pu être considérés aussi en tant que condition nécessaire au développement, au bien-être et aux activités de l’enfant. Demeure au quotidien la question très concrète du port du corset, qui met le corset et pour combien de temps ? Est-il bien adapté ? Comment fait-on face aux réactions de l’enfant ? Il me semble que l’ajustement d’un corset au corps de l’enfant, et la tolérance qu’il manifeste, sont largement facilités par les ajustements préalables entre personnes -professionnels et parents- ainsi que par les ajustements de rôle et de place tout en veillant bien à ce qu’il y ait du jeu. On est bien là dans un domaine qui ne souffre pas d’idéologie, ni d’idées reçues. Notre nature nous inciterait bien à tout rejeter d’emblée, orthèses et prescriptions, à soutenir l’expression libre de l’enfant, son propre mouvement ; comment ne pas souffrir à l’idée de l’entraver ? J’ai aussi entendu les mots de carcan, de carapace et même de sarcophage. Oui, la question de la mort est ici bien présente. L’appareillage condense en lui des représentations des plus noires. Appareiller est une rude épreuve pour le corps de l’enfant, sa personne toute entière, mais aussi pour le psychisme des parents. C’est aussi une épreuve pour les praticiens. On sait à quel point le polyhandicap suscite des modes de relations parents-enfants très singuliers, parfois fusionnels. Comment les parents vivent-ils le port du corset par leur enfant ? Je ne peux m’empêcher de penser aux nombreux témoignages de pères et de mères entendant leur enfant crier, appeler, taper encore alors qu’il n’est plus là et déjà arrivé dans l’institution. Quels modes de vécu par procuration ne s’installent-ils pas entre parents et enfants du fait de l’appareillage ? Même convaincus du bien fondé de l’argument médical, les adultes, à plus forte raison les parents, sont mis en difficulté, quand il s’agit de mettre le corset à l’enfant, les témoignages sont émouvants, éloquents, toujours très intimes. On peut penser que le corset renvoie à l’intolérable du handicap, alors comment faire avec ? - est-ce en l’oubliant un peu et en trouvant des relais ? - est-ce en entretenant l’illusion ? A chacun ses illusions, mais le recours est éphémère, - est-ce en désignant le corset comme source de tous les maux ? C’est vrai, il peut être un bouc émissaire muet. Le milieu professionnel médical et paramédical est exposé à être insatisfaisant pour les parents blessés et inquiets, qui attendent le mieux pour leur enfant, et voient dans le corset ce qui enserre, qui contrarie la croissance, qui comprime, qui étouffe, blesse parfois... Comment faire avec ? lui trouver des aspects intéressants ? C’est vrai qu’en coque, avec son corset, l’enfant est là, présent, en position de pouvoir mieux échanger, participer, assis à table, il prend lui-même place significativement dans la vie sociale. Certains sont heureux, soulagés de voir pour la première fois leur enfant droit, se tenant, regardant, dans l’échange, tout simplement de le voir, pouvoir se regarder et c’est parfois une découverte extraordinaire, vitale, réalisant un soutien narcissique fort. On voit aussi, sur un mode plutôt désespéré et inadapté, des demandes d’appareillage dans la surenchère de la correction qui nous inquiètent et nous conduisent à la vigilance. 53 Quand les parents se tiennent dans l’énoncé rationnel d’une pratique de soin, dans la confiance au soignant, leur angoisse et leur culpabilité ne sont pas ipso facto résolues. Je pense à ce papa qui me disait récemment : “Oh, Lucie avec le corset, elle est très bien, elle l’a, ça va, mais ce qu’il faudrait, c’est ni lui mettre, ni lui enlever” et d’ajouter “c’est irrationnel en lui mettant, j’ai peur de la casser et en lui enlevant de découvrir que je l’ai fait”. Le corset semble être ici un corps étranger mettant l’enfant en danger quand on le manipule (Lucie n’est pourtant pas physiquement fragile). Pour ce papa, dans l’entre-temps de la manipulation : “ça va, elle redevient elle-même, tout cela repose”. Tout cela ? le corps de l’enfant et le mental du papa. Je pense aussi à la maman de Sandrine... qui pour être dans une demande d’appareillage n’en était pas pour autant satisfaite quoique l’on fasse. On avait le sentiment d’un quiproquo permanent, il est vraisemblable que les objectifs de l’institution et de la famille étaient trop éloignés pour que l’appareil réalisé soit satisfaisant. Sandrine a 16 ans, une forte scoliose s’est installée et sa maman s’est trouvée fort désemparée face à la proposition de l’institution de ne plus prescrire de nouveau corset (de ne plus se confronter à elle, peut-être “d’abandonner” son enfant). Les parents de Sandrine ne parvenaient pas à lui faire porter le corset à la maison. Leur demander d’adhérer à cette nouvelle attitude leur est apparu intolérable. Cela renvoyait probablement à leur responsabilité, à une profonde ambivalence envahie de représentations mortifères. On voit comme l’institution est utilisée par les parents pour “faire” là où ils ne le peuvent eux mêmes et surtout dans la dimension d’aide personnelle. Je pense à un couple de jeunes parents, les parents de Marie, elle même jeune enfant, peu marquée encore par le handicap. Il prennent avec elle beaucoup de plaisir, jouent, dans le corps à corps, les jeux d’eau, le mouvement. C’est avec une grande simplicité qu’ils ont pu nous dire que le corset, c’était pour nous....qu’ils n’allaient pas se priver et priver Marie du plaisir qu’ils prenaient ensemble. Sans en être dupe, ils laissaient bien entendre qu’ils avaient besoin à la fois, d’un sursis et d’un relais dans une réalité trop dure pour ne pas être en partie objet de déni. A propos du corset, les parents de Marie parlent de carapace...et la maman d’interroger l’éducatrice pour connaître les réactions de sa fille à la mise du corset. La maman voit sa fille changer d’expression, s’éteindre, rentrer dans sa carapace. Ce n’est pas ce qu’observe l’éducatrice. Ce qui se passe entre l’enfant et son parent ne paraît pas différent de ce que l’on connaît dans toute relation parent-enfant, l’enfant polyhandicapé use lui aussi de son pouvoir sur l’autre et d’autant plus s’il perçoit son doute anxieux. On voit là tout l’intérêt d’un tiers entre l’enfant et sa famille, c’est bien ce que peut offrir le relais institutionnel. De son côté, lors d’un séjour de vacances organisé par l’institution, l’éducatrice a découvert que vivre au quotidien avec Marie était bien différent selon qu’elle portait ou pas son corset. Les parents, eux qui connaissent le mieux leur enfant, le savent bien et c’est là, au-delà des résistances liées au traumatisme initial et aux aménagements défensifs secondaires, c’est là une raison pour eux de ne pas suivre les indications des professionnels de santé. Je ne distinguerai ni bonnes, ni mauvaises raisons, mais peut-être faut-il faire la part des choses. Si la prévention des effets de la pathologie et la thérapeutique sont liées au respect des projets de soin et des prescriptions, il n’y a de bon pour l’enfant et sa famille que le tolérable et l’acceptable de leur propre point de vue. C’est ce que l’institution “forte de son savoir” peut parfois négliger. Ainsi les formes dans lesquelles on se rencontre, on se parle, on propose et on pratique, sont essentielles pour la réussite d’un projet thérapeutique qui n’a de sens, pour l’enfant polyhandicapé, que si ses parents y sont associés et à condition qu’on prenne en compte ce que l’enfant exprime au quotidien, souvent de manière symptomatique et hermétique. Dans l’équipe d’intervenants et avec les parents, observation et communication deviennent essentielles. Conclusion Pour ne pas laisser l’usage du corset et des appareils à la spontanéité de chacun, pour éloigner l’enfant de l’assujettissement, la pratique éclairée d’une équipe institutionnelle en lien avec la famille s’appuie sur le projet individualisé, projet de l’enfant, cadre de pratiques pensées et parlées. On sait à quel point la dimension de l’appareillage n’est pas qu’orthopédique. Il me semble que son usage au profit de l’enfant handicapé requiert un savoir plutôt qu’un pouvoir, le savoir de l’enfant surtout et son écoute, afin que l’avoir ou pas l’avoir, le corset, ait toujours un sens pour lui, la présence, les gestes et les mots de l’adulte proche restant déterminants. 54 Parent et angoissé (plus de 20 ans que ça dure !) Le point de vue des parents Alain Olesker Moi, 56 ans, marié, trois enfants (28 ans, 25 ans et Alexis, 20 ans 1/2). Alexis, 20 ans 1/2, polyhandicapé avec une microcéphalie confirmée par scanner à l’âge de 9 mois ; grosse déviation de la colonne vertébrale (scoliose), crises comitiales, fragilité des systèmes respiratoire et digestif. Placé en établissement comme externe (l’Ormailles) dès l’âge de 2 ans 1/2 ; puis dans un autre établissement (E.E.P. Les Tout-Petits comme interne à l’âge de 15 ans. Enfin, intégration en M.A.S. des Tout-Petits depuis 10 mois. I - Appareillages Le 1er appareillage, si l’on peut dire, a été des lunettes avec secteurs, dès son jeune âge. La vue de notre « p’tit bout d’chou » avec ses lunettes n’était pas agréable et nous faisait peur quant à l’avenir qui restait alors très flou. Des visites, avec différents spécialistes, étaient systématiquement organisées au sein de l’externat d’Alexis, avec une convocation des parents pour faire le point, en présence des responsables de l’établissement, du personnel médical concerné et d’un éducateur. C’est ainsi qu’a démarré son suivi rhumatologique, dès 3 ans avec comme acte de base une radiographie de l’ensemble de la colonne vertébrale et des hanches, et l’apparition, assez rapidement d’une première coque en plâtre. Commentaire - Je pense qu’il est crucial, pour l’avenir de l’enfant polyhandicapé, d’aider précocement les parents dans sa prise en charge médicale ; des examens de spécialistes (neuro, rhumato, ophtalmo, pneumo, gastro et dentiste) permettent une mise en place des premiers soins et d’une surveillance de l’enfant ; les parents, surtout au début, sont complètement « déboussolés » et sont incapables de prendre ces décisions rapidement. Cette prise en charge peut être orchestrée directement par la direction de l’établissement qui fait venir les spécialistes en son sein ou bien par un généraliste œuvrant dans l’établissement qui sert de relais et établit un réseau de spécialistes. Les 2 systèmes ont des avantages et des inconvénients, mais si les liens avec la famille s’établissent dans un bon climat de confiance, c’est bénéfique pour l’enfant. Avant la nécessité de la première coque en plâtre, il y a donc eu 2 à 3 rencontres avec le spécialiste et des conclusions nous ont été présentées ; ce n’est que longtemps après que, me semble-t-il, j’ai compris le sens exact des conclusions qu’il nous présentait avec insistance : « Alexis a une évolution normale de sa croissance, sans problèmes au niveau de la colonne vertébrale, car il remue beaucoup ». Et moi, je pensais : on n’a pas de problème de ce côté-là ! (sous-entendu, on en a assez d’autres, comme ça, crises d’épilepsie, insomnie, etc). Je crois savoir maintenant ce qu’il fallait comprendre : «Pour le moment, Alexis a une croissance normale, mais la surveillance continuera car, vu la gravité de son handicap, des problèmes apparaîtront certainement au cours de son adolescence, problèmes qu’il faudra bien essayer de contenir». Commentaire - Je pense qu’il est important, de présenter des jugements et des conclusions aux parents, même si cela ne provoque pas de questions ou de réactions de leur part dans l’immédiat, les choses importantes ont été dites et elles préparent le futur. La 1ère coque en plâtre, grâce à cette prise en charge, et ces échanges, avec le spécialiste a été relativement bien acceptée ; d’autant plus qu’il nous était facile d’observer sa grande fréquence au sein de l’établissement ; on comprenait très bien sa nécessité pour qu’Alexis puisse être assis correctement, ce qui lui permettait aussi (importance de la verticalité) de maintenir une relation avec son entourage (monde extérieur) ; par contre les premiers petits bobos (rougeurs, cals) sont vite apparus aux points de contacts. Je ne m’étendrai pas sur le poids que représentaient Alexis et sa coque en plâtre pour mon dos, pour le transférer d’un endroit à un autre. 55 Commentaire - Même s’il y a eu, de notre part, une bonne acceptation de cette première coque, la vue de notre fils dedans nous a procuré des sensations désagréables, avec l’impression (en fait, la réalité) de nous enfoncer un peu plus loin dans le monde du handicap lourd. Pour notre part, au sein de l’externat et en premier lieu avec le médecin, les explications de la nécessité de cette coque ont bien été données, et nous avons bien été prévenus des effets secondaires (rougeurs, cals) et surtout de l’obligation de ne pas les combattre par des crèmes hydratant ou ramollissant la peau (conséquences encore pires !). J’espère que cette prise en charge efficace du point de vue médical et du point de vue humain (bonnes relations avec la famille) est présentée à l’ensemble des parents ; je veux bien admettre que tous les parents ne sont peut-être pas autant à l’écoute des professionnels qui tentent de les aider ; que voulez-vous, le handicap est délétère ! ! Les conséquences d’un mauvais dialogue sont évidentes : refus de l’utilisation de la coque correctrice lors des séjours en famille, blessures à la place des cals, etc. Dans notre cas, il y a donc eu plusieurs coques en plâtre successives puis est venu la première coque en plastique moulé avec un rembourrage doux à l’intérieur, et possibilité d’inclinaison : c’était ressenti comme une amélioration très appréciable et comme un vrai gadget, plein de couleurs vives pour nos grandes filles : les cals ont disparu peu à peu, il était plus facile de faire boire et manger Alexis, le transport de la coque était simplifié (plus légère et moins fragile). Entre temps, Alexis avait bien grandi et les coques aussi et s’est posé le problème de l’achat du premier fauteuil roulant. Je ne sais pas si cela fait partie du sujet de cette réunion, mais il y aurait beaucoup à dire : les parents, fortement traumatisés par ce nouveau fait, sont complètement « paumés » devant un tel éventail de fauteuils et évidemment notre choix, guidé par l’établissement, s’est porté sur un fauteuil adapté au jeune âge d’Alexis et plus léger pour nous (donc, à l’époque non-standard et sans accord S.S.), mais ce fauteuil, tout simple pourtant, n’a jamais été remboursé par la sécurité sociale ! ! C’est à ce moment-là, aussi que j’ai tenu à être présent aux séances de moulage chez l’appareilleur : un moment assez pénible et stressant pour tout le monde, y compris pour Alexis, devenu plus grand et plus réceptif au monde extérieur. Je suis sûr que ma présence le rassurait et diminuait ses craintes. La plus grave désillusion et la plus grosse déprime est survenue lorsque, à un contrôle, le spécialiste, vu la mauvaise évolution de la croissance d’Alexis nous a annoncé qu’il était indispensable que notre fils porte, en plus un corset ; et ceci malgré toute la surveillance que je viens d’évoquer, sans oublier le travail régulier des kinés et des infirmières de l’établissement. Nous l’avons ressenti comme un échec et nous avons très mal supporté de voir notre fils devenu intouchable dans sa carapace ; cette sensation de ne plus pouvoir l’approcher et sentir la chaleur humaine de son corps, ces contacts froids et durs avec les tiges métalliques, c’était vraiment déprimant et difficile à accepter : on avait l’impression de s’enfoncer un peu plus dans les « sables mouvants » du découragement. En plus, on pensait que cela serait définitif, pour le restant de sa vie et l’on comprenait bien que les déformations ne se figeaient pas. À toutes ces désillusions, s’ajoutaient les problèmes pratiques de la pose et de la dépose du corset : crainte de blessures (pincements) provoquées par notre maladresse, ou bien un mauvais positionnement ayant un effet inverse à celui escompté. De plus, pendant l’habillage, l’adolescent, (c’en était devenu un !) plus durement et plus longtemps manipulé dans tous les sens, ne nous renvoyait pas des signes de détente et de plaisir et je suis sûr qu’il ressentait nos signes de nervosité. Commentaire - À ce moment-là, les parents ont besoin de beaucoup d’explications (sur la nécessité et sur les aspects pratiques de la manipulation) et de soutien moral de la part des professionnels : un manque de relations entraînerait un rejet de l’utilisation du corset au sein de la famille ou bien risquerait de provoquer des blessures à l’adolescent. Même si cela n’a pas été notre cas (bonnes explications et bonnes relations), c’est resté un passage difficile à assumer ; les problèmes annexes concernent l’entretien du corset et la rapidité d’intervention des appareilleurs : en effet, l’adolescent grandit, les contraintes subies par le corset le déforment, abîment des éléments, usent les vis et les boulons et les réparations tardent parfois ce qui agace encore plus les parents dans ce climat tendu. Je ne ferais qu’évoquer l’étape suivante, là encore bien douloureuse, même s’il ne s’agit pas d’un problème d’appareillage «stricto sensus» mais de relation avec le médecin : là encore la situation a été expliquée clairement, malgré sa gravité : arrivé en fin de croissance, Alexis avait une très grosse déformation de la colonne vertébrale ; deux grosses opérations successives étaient théoriquement envisageables, avec certains dangers sérieux, sur une durée d’au moins six mois avant un retour à une vie normale ; les opérations étaient certes chirurgicalement envisageables, mais vu les problèmes annexes d’Alexis, l’issue était difficilement prévisible, et c’était à nous parents d’y réfléchir avant de prendre une décision, ne pas l’opérer ayant aussi des conséquences difficilement prévisibles. Cela a été donc notre décision. Par contre, les contraintes que subissait Alexis, dans son corset étaient devenues inutiles et inopérantes et la coque a été remplacée par un siège moulé souple de confort. Ce type de siège (en mousse sculptée) avait aussi l’avantage 56 d’avoir reçu, depuis peu de temps, une A.M.M. Par contre, nous n’avons pu trouver de base roulante adaptable avec remboursement. Des problèmes pratiques actuels demeurent : le siège moulé souple ne rentre pas dans une voiture, même de type «monospace», ce qui nous oblige à n’effectuer que des petits parcours avec une ancienne coque totalement inadaptée. Il faudrait envisager l’investissement d’une voiture spécialement équipée pour un grand handicapé appareillé. Connaissez-vous le prix d’un tel achat ? Conclusion Une question nous obsède : dans quel état serait maintenant Alexis si, n’ayant pas trouvé d’établissements successifs, nous n’avions pas eu, aussi précocément et efficacement, de telles prises en charge ? Combien d’enfants, en France, sont dans cette situation ? Merci de votre écoute et merci à tous les professionnels. 57 Chez l’adulte polyhandicapé Le point de vue du médecin, de l’ergothérapeute et de l’orthoprothésiste Expérience d’une consultation pour adultes IMC/IMOC/polyhandicapés de 1996 à 2001 Hôpital national de Saint-Maurice (94) Docteur Véronique Quentin Catherine Boulesteix, Marie-Christine Bernard, Jean-François Belloch Définitions • Polyhandicap : concept protéiforme pouvant laisser parfois les patients aux confins des «annexes» (24bis/24ter/22). Nous nous situerons au carrefour des différentes définitions bien recensées dans l’article consacré au polyhandicap par Madame Rongières dans Réadaptation en 2000. - définition selon l’annexe 24ter (décret d’octobre 1989) : handicap grave à expression multiple associant déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde et entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités de perception, d’expression et de relation. - définition médicale (selon F. Batistelli) : Lésions entraînant des déficiences cérébrales précoces graves. On peut y adjoindre la notion de lésions cérébrales fixées ou évolutives à l’atteinte d’autres organes ; enfin le problème de l’exclusion des polyhandicaps acquis tardivement et posant des problématiques similaires. - définition sous l’angle de la dépendance (E. Zucman – rapport Bordelou) : troubles associés avec retard mental moyen, sévère ou profond, entraînant une dépendance importante à l’égard d’une aide humaine et technique permanente, proche et individualisée. • Adultes : nous avons fait le choix de prendre la référence de la majorité (18 ans, que les patients se situent ou non au-delà de la période de fin de croissance ou fin de période pubertaire). • Station assise : nous l’envisagerons sous l’angle de la déficience, de l’incapacité et du désavantage social. Population Age : Sexe : Lieux de vie : Origine géographique : de 18 à 58 ans - moyenne : 26,5 ans hommes = 75 % - femmes = 25 % MAS – foyer occupationnel = 50 % - Famille = 50 % Ile-de-France = 85 % - hors Ile-de-France = 15 % Nombre de consultants : depuis 1996 = 137 patients (environ 30 nouveaux patients par an avec forte augmentation des polyhandicapés depuis deux ans). Motif de la consultation : demande d’un suivi = 79 % (au-delà de 40 ans, on a souvent des patients pour lesquels il n’y a pas eu de suivi régulier, même dans l’enfance. Nous avons eu plusieurs cas de patients totalement «hors circuit» et vivant au domicile des parents. Accompagnés lors de la consultation par la famille ou l’équipe référente. 58 I - Démarches thérapeutiques • Au minimum deux phases : phase d’évaluation, essentiellement neuromotrice : consultation pluridisciplinaire avec médecin de médecine physique et réadaptation/ rééducateurs (kiné/ergo) / orthoprothésiste -----> chirurgien orthopédiste-neurochirurgien : détermination des objectifs. phase d’appareillage : = moulage – essayages – livraison – consultation à distance. • Durée de chaque phase : minimum 1 h 30. • Collaboration indispensable : Famille et/ou équipe de référence ou intervenant de ville. ± visite à domicile si nécessaire. II - Évaluation • Besoins ressentis : - par le patient et/ou sa famille, - par l’équipe de référence • Évaluation clinique neuromotrice / cognitive / comportementale / générale a. Neuromotrice • Examen analytique et factoriel • Examen fonctionnel - prise en compte des contingences topographiques : tête et cou / membres supérieurs / tronc / bassin / membres inférieurs, - troubles du tonus : hypertonus (spasticité, co-contractions spastiques, dystonie spastique) / hypotonie, - mouvements anormaux, - réactions antigravitaires, - faiblesse motrice et troubles de la commande, - rétractions musculaires et limitations articulaires. b. Cognitive - capacité de communication, - activités éducatives, de loisirs, de vie quotidienne. c. Comportementale - tolérance aux contraintes (vis-à-vis du moulage, de l’installation assise, …). d. Générale - essentiellement digestive : troubles de la déglutition, - troubles respiratoires, - troubles trophiques : rapport taille/poids, problèmes cutanés, • Radiographies : clichés radiographiques du rachis / bassin récents. 59 Au total • D’emblée : siège moulé ou assise modulable • Les possibilités de maintenir, restaurer une station assise nécessitent d’abord la mise en œuvre de : - la reprise ou poursuite d’une rééducation : entretien articulaire, étirements musculaires, introduction de technique de relaxation, intérêt de la balnéothérapie), - la mise en place de traitements médicamenteux : utilisation principalement de myorelaxants - de première intention per-os - mise en route de traitement par Baclophène en intrathécal – indication à des injections locales de toxine botulique. Le traitement médicamenteux est aussi utilisé ponctuellement lors du moulage, de façon à obtenir une détente. - la chirurgie : * neurochirurgie : bloc moteur pour aide à la décision, pompe à Baclophène, … * orthopédique : rachis – membres inférieurs. III - Objectifs de la station assise Toujours sous l’angle des trois niveaux ± intriqués : déficiences / incapacités / désavantages. A - Déficiences - conserver le potentiel orthopédique et neuromoteur, voire éviter les aggravations mais aussi parfois améliorer, - prévenir et diminuer les douleurs : vis-à-vis des déformations, raideurs, troubles du tonus et mouvements anormaux (confort, détente). B - Incapacités - maintenir et restaurer la station assise --> les échecs de la station assise (liés à l’état orthopédique, aux difficultés d’installation, à une absence de consensus) - faciliter les transferts, les déplacements : • en intérieur : installation du siège moulé sur un fauteuil roulant manuel, sur un pied roulant, une poussette que nous essayons de choisir en fonction du siège moulé. Une adaptation de l’assise (chaise percée) peut contribuer à améliorer l’autonomie sphinctérienne. • en extérieur : la restauration de la station assise permet parfois le rétablissement ou l’apprentissage de l’usage du fauteuil roulant électrique, - faciliter l’installation, les manipulations (maximiser l’autonomie). - faciliter l’utilisation des membres supérieurs. L’alimentation autonome redevient parfois possible, ainsi que l’accès à certains loisirs. - horizontaliser le regard, - faciliter la relation, l’éveil, les interactions, la socialisation, … - faciliter le temps de repas, limiter les fausses routes C - Désavantages - qualité de vie du patient / de l’entourage - transports : l’installation assise dans le véhicule familial nécessite d’aménager le véhicule et son accès, voire d’en changer (rails d’accès, système d’élévation, modification d’un siège). - activités éducatives et de loisirs, - esthétique. 60 V - Phase d’appareillage A - Démarche «Asseoir» un patient s’inscrit dans un ensemble d’interventions et résulte d’un compromis entre contraintes orthopédiques, fonctionnelles et qualité de vie. La réalisation du moulage est conjointe, entre le médecin, la kinésithérapeute, l’ergothérapeute, l’orthoprothésiste de la consultation, et l’équipe qui prend en charge quotidiennement le patient avec sa famille et ceci après avis chirurgical si nécessaire. L’expérience nous a fait constater que l’essayage et la livraison doivent se faire dans les mêmes conditions pour une bonne acceptation du siège moulé. La consultation assure un suivi à distance avec l’équipe durant les premiers mois. L’installation du patient dans son corset siège nécessite un apprentissage de la part de l’équipe de la famille et du patient. Il est parfois nécessaire de faire intervenir une tierce personne au domicile et de prescrire un lève personne. B - Principes généraux : Nous recherchons : - une position de décontraction limitant les efforts anti-gravitaires. - une répartition maximum des appuis, sans oublier les pieds et les membres supérieurs. Ceci afin de supprimer le risque d’escarres, les points d’appuis douloureux qui augmentent les contractions en privilégiant le confort et la qualité de vie. Pression = force /surface (plus on aura de surface de contact moins on aura d’appui). Il faut donc réaliser un moulage précis exploitant chaque cm2 d’appui. - au niveau de la tête et du cou : on cherche à limiter le risque de fausse route, à faciliter l’alimentation, à permettre une tenue de tête, à horizontaliser le regard grâce à l’emploi des cale-nuque et à l’inclinaison du siège. - au niveau du rachis : on utilise la souplesse existante dans un but d’alignement. Nous avons fait à plusieurs des corsets à l’intérieur de siège moulé dans les cas de grandes asymétries avec hypotonie. Prise en compte d’une ligne de charge globale (sur une forte inclinaison latérale du rachis, on inclinera la coque pour recentrer la ligne de charge du corps. Il est plus facile de contrôler un hyper-appui fessier de surface relativement large qu’un hyper-appui costal sous-axillaire de faible surface d’appui). - au niveau bassin : on recherche une horizontalité, même si les membres inférieurs doivent être en position asymétrique. Nous limitons la possibilité de rétroversion du bassin, par un ajustement du corset siège. - au niveau des membres inférieurs : on recherche le confort du patient dans le siège et au cours des transferts. On utilise l’appui plantaire pour le confort. . rétractions : ± dégagement sous la coque pour permettre une flexion initiale amenant les pieds en arrière quitte à les ramener par la suite avec des segments jambiers amovibles . mouvements anormaux : ± sangles de cuisses ou libres de mouvements. - au niveau des membres supérieurs : les appuis brachiaux ou les tablettes sont souvent nécessaires pour recentrer la tête humérale et augmenter le confort. . rétractions : ± pose de cales d’abduction sous-axillaires ± ongulées avec ou sans accoudoirs évitant ainsi le serrage du ou des bras sur les bords latéraux de la coque . mouvements anormaux : ailes brachiales englobantes. C - Réalisation du moulage - moulage : technique du sac à bille. avantages : précision, mise en situation directe, effet non traumatisant. À plusieurs mains. Positionnement du sujet : recherche de confort. 61 D - Matériaux . mousses épaisses expansées : problème de leur relative fragilité, . mousses sculptées, . mousses à mémoires incluses en complément, . gels de silicone en complément, . les housses. E - Autonomie - manipulations • La pose d’un plot amovible peut faciliter les manipulations. Il est efficace pour l’extraction du sujet mais rarement pour son introduction en raison de l’absence de repère de bon positionnement fourni par le plot. • Hauteur du siège par rapport au sol : les épaisseurs (mousse + structure de la coque+ socle) réhaussent de façon significative la hauteur de l’assise, la plaçant au-dessus du point de flexion des genoux. Il faut alors remplacer le socle traditionnel par des cales latérales de mousse dure injectée, tenter d’encastrer la coque en soubassement de l’assise du fauteuil roulant, choisir un fauteuil surbaissé. • Épaisseur de la coque en dorsal se cumulant avec gibbosité : le siège est placé trop en avant sur le fauteuil roulant dont les roues ne peuvent plus être atteintes ; le centre de gravité est alors dangereusement déplacé vers l’avant et les cale-pieds situés trop en arrière. • Corsets siège articulés aux hanches + fauteuil roulant à dossier inclinable : solution de manutention mais génère glissements du dos du patient par rapport au siège. • Sangles placées sous les cuisses et munies de poignées : facilitent la manutention. F - Les limites du siège moulé Nous avons rencontré plusieurs échecs à l’installation en corset siège du fait : - de l’état orthopédique, - de la difficulté des transferts, surtout lorsque les patients sont au domicile avec des parents vieillissants, - du refus de patients âgés de modifier leurs habitudes, - de l’absence de consensus avec la famille, - de la taille et de l’esthétisme du siège qui nécessite l’installation en fauteuil et entraîne l’abandon de la poussette. V - Conclusion La station assise chez l’adulte polyhandicapé : - l’étape d’évaluation est le préalable indispensable, - réflexion sous l’angle des déficiences / incapacités / handicaps. - préserver (mais aussi parfois améliorer) le potentiel neuromoteur et orthopédique, - privilégier la qualité de vie. Collaboration indispensable entre une équipe spécialisée / une équipe référente / patient et/ou famille. 62 Chez l’adulte Le point de vue du kinésithérapeute Annie Deltheil Service de rééducation Hôpital Marin d’Hendaye – AP-HP Depuis une dizaine d’années le service de rééducation, sous l’impulsion de son médecin chef Mme le Dr Soudrie, a pour objectif d’installer en position assise les adultes polyhandicapés de l’hôpital marin qui vivaient jusqu’alors en position allongée. Ces personnes dont la moyenne d’âge est de quarante ans, présentent des troubles cérébro-moteurs de degrés III et IV. Les troubles posturaux et antigravitaires, le maintien prolongé de positions viscieuses ont entraîné d’importantes déformations. Des coups de vent des membres inférieurs (asymétrie et limitation articulaire de hanche) ou des attitudes en batraciens (abduction, rotation externe extrême) signent des luxations de hanche antérieures et ou postérieures parfois bilatérales. Des bascules du bassin et des scolioses à grand rayon de courbure dans les trois plans de l’espace ne permettent pas une tenue du tronc et de la tête satisfaisante. Celles-ci s’accompagnent et accentuent des troubles viscéraux (alimentation, déglutition, reflux gastro-oesophagien, constipation …) respiratoires (diminution de la capacité respiratoire, fausse route, encombrement…) et des phénomènes trohiques (cutané, circulatoire) et douloureux lors des manipulations ou des changements de position. Pour atteindre notre objectif nous avons privilégié la technique de moulage sur coussin à dépression de notre orthoprotésiste ORTHODYNAMIC pour réaliser des corsets sièges de maintien et de confort pour plusieurs raisons : Le confort et la sécurité qu’elle procure. Les résidents restent habillés et ne sont pas positionnés dans des attitudes inconfortables génératrices de stress (décubitus ventral, jambes pendantes), les intervenants ne sont pas tributaires des contraintes des matériaux (vitesse d’exécution, maintien de la position le temps de la réalisation du moulage). Après un « pré-formage » de la position assise possible, déterminée au préalable en rééducation, la personne est posée sur le coussin. Nous recherchons une décontraction posturale globale en répartissant les appuis depuis la tête jusqu’aux pieds. L’installation enveloppe, soutient, guide leurs corps pour limiter la persistance des schémas pathologiques et les phénomènes douloureux responsables des déformations. Un temps d’évaluation est alors possible. La première étape terminée nous laissons le résident s’installer dans le coussin et réagir dans cette nouvelle position. Nous pouvons alors apporter les modifications éventuelles (position de la tête à 30°, soutien thoracique) ou même recommencer si cette position présente trop de contraintes (intolérance, inconfort, douleurs). Ce temps nous a permis de perfectionner : - des appuis huméraux : le résident n’a plus les membres supérieurs tombant vers l’arrière (aggravé par le phénomène d’apesanteur) mais soutenus et guidés vers l’avant et dans son champ visuel pour faciliter d’éventuels mouvements volontaires, - des coques pédieuses : évitant les troubles trophiques et sources d’informations sensorielles au niveau des membres inférieurs, - des cale-pieds sur vérin qui répondent aux mêmes principes que les étriers élastiques utilisés chez les plus jeunes. Afin de permettre à ces personnes souvent très fatigables de rester plus longtemps dans cette position, nous avons choisi d’installer ces corsets sièges sur des châssis inclinables par vérin hydraulique type Caravelle d’ALBATROS ou Pony de LCD Concept. Une bonne répartition des appuis, une meilleure stabilité du tronc, un contrôle du port de tête permettant une horizontalisation du regard, et, une libéralisation des membres supérieurs ont favorisé l’émergence et l’épanouissement de leurs capacités relationnelles et motrices jusqu’alors inexploitées : Les repas pris ensemble dans la salle à manger ou sur la terrasse, par beau temps, sont plus conviviaux et l’aide à l’alimentation se fait plus facilement et plus sereinement, certains d’entre eux ont pu acquérir une certaine autonomie et mangent seuls. 63 Des activités de groupe sous forme d’ateliers : musicothérapie, stimulation basale, contes, ordinateur, se sont constituées et une nouvelle dynamique s’est instaurée à travers les échanges devenus possibles entre les uns et les autres et selon les moyens de communication dont ils disposent. La compétence de chacun, sur le plan relationnel comme sur le plan moteur, est ainsi favorisée et stimulée. Des activités extérieures plus diversifiées se sont mises en place et généralisées : handi-plage, promenades en vélopousseur, en bus, en calèche, sorties en ville, au théâtre, au cirque, en voilier, séjours à l’extérieur, ils participent à des spectacles (centenaire, carnaval), des rencontres sportives. Certains sont devenus acteurs de la vie de l’hôpital en accompagnant les soignants dans d’autres services (pharmacie, administration), d’autres ont pu accéder à un déplacement autonome en fauteuil électrique adapté (commande à la tête…). Ainsi installés, nos résidents sont plus disponibles au monde qui les entoure. Le regard des autres s’en est trouvé modifié. Avec les soignants et leur famille, des relations plus étroites et plus fines se sont établies. Leur qualité de vie s’en est trouvée largement améliorée. 64 Chez l’adulte handicapé Le point de vue des parents Janine Rousseau Association Notre Dame de Joye - les Amis de Karen Bonjour, je m’appelle Janine Rousseau. Je suis maman d’un IMC de 30 ans qui fréquente la MAS Notre Dame de Joye. L’infirmité de mon fils Cédric est due à une trop grande prématurité et à un arrêt respiratoire prolongé au sortir de l’incubateur. Il est tétraplégique, ne tient pas assis et ne tient pas sa tête. Petit, lorsqu’il ne voyageait pas à nos pieds sur la moquette, Cédric était installé dans un baby-relax. A 4 ans, il est entré à la Croix Faubin puis à 6 ans aux Amis de Karen. Parallèllement il a été équipé d’un corset et nous sommes passés du baby-relax à une poussette spécialisée. Je ne garde pas un très bon souvenir des corsets, je ne les ai connus que inconfortables, contraignants, voire blessants et pour le dernier, impossbile à installer par une personne seule. Il avait en effet deux charnières sur le devant mais qui ne donnaient qu’une petite ouverture. Pour le mettre à un jeune assis, il suffisait de présenter le corset de biais. Pour moi, c’est mon fils qu’il fallait présenter devant le corset tout en maintenant celui-ci ouvert, ce qui m’était matériellement impossible. A ce propos, je voudrais souligner que les familles monoparentales sont aujourd’hui monnaie courante, même celles qui ont eu un enfant handicapé, (peut-être surtout celles là d’ailleurs). Je pense donc que lors de la création d’une nouvelle instal-lation il faudrait faire le maximum pour qu’une personne seule s’en sorte correctement à l’utilisation. Cédric avait seize ans lorsque, vu l’ampleur de sa scoliose, il a été décidé d’arthrodéser sa colonne vertébrale. L’opération a parfaitement réussie, et nous sommes passés à la première coquille moulée. J’ai tout de suite dit Ouf ! et nous avons sans regret dit adieu aux corsets. Les premières coques, qui avaient pourtant encore l’ambition d’être correctrices, étaient bien moins contraignantes que les corsets, pour mon fils et pour moi-même et puis, peu à peu, Cédric étant devenu adulte, on a renoncé à la correction pour penser davantage à son confort et à son bien-être tout en le maintenant dans une position correcte pour qu’il ne se déforme pas davantage. En 14 ans, les coquilles se sont succédées en s’améliorant constamment et celle que nous avons aujourd’hui est presque parfaite. Je dis presque parce qu’elle n’est pas vraiment intégrale. La têtière est amovible et réglable et de ce fait source de beaucoup d’ennuis. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt d’une têtière réglable pour un adulte dont la croissance est terminée. Par contre, j’en connais très bien les inconvénients. Elles sont constamment déréglées, d’où une mauvaise position du cou avec des douleurs au bout d’un certain temps. Elle cassent, avec bien entendu chute brutale de la tête en arrière, ce qui peut être très grave. Celle de Cédric a ainsi cassé, il y a 15 jours. Heureusement, j’étais à côté de lui car le support métallique était resté en place,... je ne vous fais pas un croquis. Ceci a entrainé une journée et demie de station allongée, le temps que je fasse récupérer l’ancienne coque au centre. Si je n’avais pas été convaincue que la station assise est primordiale pour nos handicapés, mon fils m’en aurait persuadée ce jour-là 65 QUATRIÈME PARTIE La spasticité 67 Evaluation clinique de la spasticité C. Kiefer, B. Bussel Service de rééducation neurologique Hôpital Raymond-Poincaré – AP-HP I - Introduction, définitions La spasticité est un des symptômes du syndrome pyramidal qui associe également déficit moteur et perte de sélectivité du mouvement (syncinésies, co-contraction). Ainsi, les voies de la spasticité et celle de la motricité sont intimement liées, expliquant que le traitement de la spasticité retentit sur la motricité. Mais qu’appelle-t-on spasticité ? S’agit-il d’hypertonie, de contracture, de clonus, de spasmes ? Tous ces termes recouvrent des symptômes distincts correspondants à autant d’aspects de la spasticité. • Pour Lance [6] La spasticité est un désordre moteur caractérisé par l’augmentation vitesse-dépendante du réflexe tonique d’étirement associée à l’exagération des réflexes ostéotendineux (ROT). Cette augmentation du réflexe tonique d’étirement est encore appelée hypertonie spastique. Elle est élastique et cède en lame de canif. Elle concerne les muscles fléchisseurs aux membres supérieurs et les muscles extenseurs aux membres inférieurs. Quand cette hypertonie est majeure, on parle de « contracture », impossible à différencier cliniquement des rétractions musculo-tendineuses. Les ROT sont vifs, polycinétiques et diffusés avec une augmentation de la zone réflexogène. Cette exagération des ROT provoque un clonus qui peut se réduire à quelques secousses, ou au contraire, être inépuisable [4]. Hypertonie spastique et clonus sont dus à l’hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique, réflexe monosynaptique (fibre Ia Æ Motoneurone a), libéré des afférences inhibitrices supraspinales [9]. • Les spasmes En flexion ou en extension, ils sont provoqués par la stimulation d’afférents cutanés, articulaires, nociceptifs, musculaires (fibres du groupe II musculaire [3]), ou des terminaisons libres. Le mécanisme physiopathologique qui les sous-tend est différent, puisqu’il repose sur des réflexes polysynaptiques multisegmentaires, libérés des afférences inhibitrices supraspinales. II - Evaluation clinique de la spasticité L’hypertonie spastique est évaluée sur l’échelle de Held et Tardieu [10] ou sur l’échelle d’Ashworth [1] modifiée 1986 (cf annexe). Les spasmes sont évalués sur l’échelle de spasmes d’Ashworth (nombre de spasmes par heure) ou celle de Penn (nombre de spasmes par jour). Syncinésies et co-contractions sont évaluées cliniquement ou au laboratoire d’analyse du mouvement (EMG, vidéo…) III - Evaluation clinique du retentissement de la spasticité Si la spasticité peut être utile, comme par exemple la spasticité des quadriceps ou des adducteurs qui facilite la station debout sur des muscles déficitaires, elle est le plus souvent délétère. Les conséquences de la spasticité doivent être appréciées en termes de déficiences, d’incapacités et de handicap. 69 A - En termes de déficiences La spasticité peut provoquer des lésions cutanées (de macération dans les plis, escarres sur hyperappui), des lésions articulaires (arthrose, luxation), favoriser la survenue de rétractions musculo-tendineuses (même si le lien de cause à effet n’est pas totalement démontré [7]). Toutes ces complications sont sources de douleurs et donc d’accentuation de la spasticité. B - En termes d’incapacités La spasticité peut rendre difficile voire impossible la station debout, les transferts, la marche, la préhension, l’habillage, la toilette. Les fonctions vésico-sphinctériennes et génito-sexuelles peuvent aussi être altérées (dysurie, rétention urinaire, mictions impérieuses, fuites urinaires ou fécales, constipation). Les échelles d’incapacités les plus utilisées sont le Barthel et la Mesure d’Indépendance Fonctionnelle ou MIF. L’étude réalisée par Azouvi et al [2] a prouvé que la spasticité pouvait à elle seule entraîner des incapacités, réduites par le Liorésal intrathécal. C - En termes de handicap et de qualité de vie Le retentissement de la spasticité peut être important, ce qui est attesté par les patients dont la spasticité est traitée efficacement. Une étude est en cours à Garches sur le bénéfice, en terme de qualité de vie, du traitement par Liorésal intrathécal. IV - Différencier spasticité et rétractions La part respective de la spasticité et d’éventuelles rétractions musculo-tendineuses, le déficit moteur et les troubles de la commande doivent être évalués dans la gêne observée. C’est parfois très difficile cliniquement. Certains tests permettent de neutraliser la spasticité et donc de réfléchir « par soustraction » au bénéfice ou au préjudice causé par la spasticité. A - Blocs anesthésiques tronculaires [5] Ils sont intéressants en cas de spasticité focale. Le nerf est repéré par électrostimulation et anesthésié par injection de Xylocaïne ou de Marcaïne. Les muscles qu’il innerve, peuvent alors être évalués sans leur composante spastique. La limitation d’amplitude articulaire résiduelle est due à des rétractions. Dans un certain nombre de cas, les muscles antagonistes s’expriment mieux. Les limites de cette technique sont la coopération du patient (indispensable) et l’induction de troubles sensitifs (en cas d’anesthésie d’un nerf mixte) qui peuvent considérablement perturber les tests fonctionnels post-anesthésiques. B - Injections intrathécales de Liorésal [8] Ils sont intéressants en cas de spasticité diffuse et/ou prédominante aux membres inférieurs. Le Baclofène est généralement injecté en intrathécal par bolus, soit par ponction lombaire directe, soit par l’intermédiaire d’un site placé sous la peau. Si les injections-tests diminuent ou annulent la spasticité, le bilan des rétractions devient possible. Si celles-ci sont peu ou pas importantes et que la neutralisation de la spasticité s’accompagne d’un gain fonctionnel, l’indication de pose de pompe à Baclofène sera retenue. Conclusion La spasticité est un symptôme ou plutôt une association de symptômes (hypertonie, clonus, spasmes) qu’il faut différentier car leur retentissement clinique et fonctionnel est différent. Mais la spasticité n’est elle-même qu’un des symptômes du syndrome pyramidal, dont chaque composante doit être évaluée (déficit moteur, trouble de la commande, spasticité) et rapportée à la gêne fonctionnelle observée : la spasticité est-elle utile ou délétère ? quelle est la gêne fonctionnelle imputable à la spasticité, au déficit moteur, au trouble de la commande ? Les tests anesthésiques et les injections intrathécales de Baclofène apportent des éléments d’appréciation. Rétractions et douleurs sont évaluées dans le même temps. 70 Bibliographie 1. Ashworth B. : Preliminary trial of carisoprodol in multiple sclerosis. Practitioner 1964 ; 192 : 540-542. 2. Azouvi Ph., Mane M., Thibaut J.B., Denys P., Remy-Neris O., Bussel B. : Intrathecal Baclofen Administration for Control of Severe Spinal Spasticity : Functional Improvement and Long-Term Follow-Up. Arch Phys Med Rehabil 1996, 77, 35-39. 3. Remy-Néris O., Barbeau H., Daniel O., Boiteau F. and Bussel B. : Effects of intrathecal clonidine on spinal reflexes and human locomotion in incomplete paraplegic subjects. Exp. Br. Res. 2000. 4. Delwaide P.J. : Etude expérimentale de l’hyperréflexie tendineuse en clinique neurologique. Ed Arscia, Bruxelles 1971 5. Filipetti P., Decq P., Feve A., Kolanovski E., Deltombe T. : Blocs moteurs périphériques et restauration fonctionnelle. A propos de 202 blocs. Ann Réadaptation Med Phys 1998 ; 41 : 23-30. 6. Lance J.W. : Symposium Synopsis in Felfmann RG Young RR Koella WP Eds Spasticity: disordered motor control. Chicago, Year book medical publisher, 1980 pp185-230 7. O’ Dwyer N.J., Ada L., Neilson P.D. : Spasticity and muscle contracture following stroke. Brain 1996; 19: 1730-7 8. Penn R.D., Kroin J.S. : Continuous intrathecal baclofen for severe spasticity. Lancet 1985; 2:125-127 9. Pierrot Deseiligny E., Pradat Diehl P., Robain G. : Physiopathologie de la spasticité Ann Réadaptation Med Phys 1993; 36: 309-320 10. Tardieu G., Shentoub S., Delarue R. : A la recherche d’une technique de mesure de la spasticité. Revue Neurol 1954 ; 91 (2) : 143-144. Annexe : Echelle d’Ashworth (cotation de 0 à 4 ou de 1 à 5) 0. Pas d’augmentation du tonus musculaire. 1. Résistance minime à la fin d’une mobilisation passive en extension ou en flexion d’un segment de membre. 2. Résistance apparaissant à la moitié de la course du mouvement de mobilisation passive d’un segment de membre. 3. Résistance marquée durant toute la course du mouvement. 4. Résistance importante, le segment de membre est fixé en flexion (ou extension). 71 Spasticité de l’enfant Traitements médicamenteux Pr Gérard Ponsot Chef du service de neuropédiatrie Hôpital Saint-Vincent-de-Paul La spasticité est due à la libération d’activités motrices réflexes normalement inhibées par les voies descendantes "modulantes" du système nerveux central (cerveau et/ou moelle), pyramidales, vestibulo-spinales, réticulo-spinales. La spasticité par des mécanismes divers est responsable d’une limitation plus ou moins importante de la motilité des enfants, les exposant à des rétractions articulaires (flexum) extrêmement invalidantes. La spasticité comporte d’une part des phénomènes négatifs responsables d’une diminution de la coordination des mouvements et d’une lenteur dans leur réalisation, d’une diminution de la force musculaire entraînant une fatigabilité excessive à l’effort et d’autre part des phénomènes positifs, hypertonie, exagération des réflexes ostéo-tendineux, persistance et exagération des réflexes primitifs, activation excessive et inadaptée des différents groupes musculaires, clonus et signe de Babinski. Si la spasticité a le plus souvent des conséquences très délétères pour la motricité, elle comporte également des "aspects utiles" qu’il convient de respecter lors de la prise en charge comme certains équins des pieds ou spasticité du quadriceps, souvent indispensables à l’équilibre lors de la marche. Tableau I "Paramètres" indispensables à évaluer pour les indications thérapeutiques dans la spasticité • Fonctions cérébrales supérieurs Troubles comportementaux Situation socio-familiale • Situation de la croissance de l’enfant • Recherche des " épines irritatives " • Caractéristiques de la spasticité : - qualitatifs . évaluation des "phénomènes positifs et négatifs" . évaluation des aspects "néfastes" et "utiles" . atrophie / rétraction musculaire . limitations articulaires . retentissement fonctionnel . douleurs / spasmes . retentissement esthétique - localisation . cérébrale et/ou médullaire . généralisée . focale - étiologies . congénitale . acquise (post-traumatique +++) - aspects évolutifs . aiguë . chronique . stable / amélioration / aggravation 72 Les étiologies chez l’enfant sont diverses, la plus fréquente est l’infirmité motrice cérébrale dont la prévalence est de 1 à 5 cas pour 1000 naissances. La spasticité est retrouvée dans 75% des cas d’infirmité motrice cérébrale. Les questions fondamentales qui se posent chez un enfant spastique, sont les suivantes : Qui traiter ? Pourquoi le traiter ? Quand et comment le traiter ? Quel est le retentissement du traitement ? La décision du traitement de la spasticité et ses modalités ne peuvent être prises qu’après une évaluation complète de l’état de l’enfant et de son environnement familial et social. Le tableau I résume les principaux éléments de cette évaluation (1). Une équipe pluridisciplinaire comprenant neuropédiatres, orthopédistes, médecins de rééducation fonctionnelle, est indispensable pour réaliser cette évaluation et pour proposer les meilleures indications entre les différents moyens médicamenteux, chirurgicaux et rééducatifs dont on dispose pour lutter contre la spasticité (voir tableau II). Tableau II Traitement de la spasticité - Moyens thérapeutiques • Traitement des épines "irritatives" • Thérapeutique physique : kinésithérapie • Thérapeutiques médicamenteuses Oral : Baclofen Diazepam Dantrolène Tizanidine Intrathécal : Baclofen • Dénervation chimique Alcoolisation Toxine botulinique • Traitements orthopédiques • Rhizotomie dorsale sélective • Neurotomie motrice sélective Dans cet article, nous envisagerons uniquement les thérapeutiques médicamenteuses orales (2) qui sont une des possibilités du traitement de la spasticité de l’enfant (tableau III). Les médicaments oraux anti-spastiques sont surtout employés en pédiatrie lors des atteintes aiguës du système nerveux central (cerveau ou moelle). Ils sont également utilisés dans certaines infirmités motrices cérébrales comprenant une spasticité invalidante sur le plan fonctionnel. Le traitement médical oral de la spasticité chroniques est toujours associé à d’autres mesures comme les traitements physiques et orthopédiques. Il est difficile actuellement de dégager des indications précises entre les différents médicaments oraux anti-spastiques. Ces médicaments doivent être choisis en fonction de leur tolérance, en connaissant leurs incidents et accidents, et en les introduisant toujours de façon progressive. Il n’y a pas de dose idéale et c’est la posologie qui permet d’obtenir un résultat positif sans effet secondaire, qui sera maintenue. Il est indispensable en l’absence d’effet secondaire gênant de faire un essai d’au moins six semaines avec ces médicaments avant de conclure à leur inefficacité. Les différents médicaments actuellement disponibles avec leur modalité d’action, leur posologie, leurs incidents et accidents sont résumés dans le tableau III . Les deux médicaments les plus employés dans la spasticité de l’enfant sont le Diazepam (Valium) et le Baclofen (Liorésal). Notre expérience personnelle nous a conduit à proposer les indications suivantes dans la spasticité (tableau IV). 73 Tableau IV Médicaments oraux de la spasticité - Expérience du service * spasticité en phase aiguë : Diazepam * spasticité chronique : Baclofen ++ - Diazepam * spasticité / maladie hérédo-dégénérative : L. DOPA Conclusion La thérapeutique médicamenteuse orale de la spasticité reste actuellement décevante même si l’utilisation bien conduite de ces médicaments peut apporter parfois des améliorations sensibles. La prise en charge multidisciplinaire médico-chirurgicale est essentielle pour poser les indications les plus efficaces entre les différentes possibilités dont on dispose pour lutter contre la spasticité, en espérant que la recherche pharmacologique permettra prochainement de mettre au point des drogues de plus en plus spécifiques et efficaces contre la spasticité. Bibliographie 1. Goldstein Em. Spasticity Management : an overview. J Child Neurol, 2001, 16 : 16-23. 2. Krach Le. Pharmacotherapy of spasticity : oral medications and intrathecal Baclofen. J Child Neurol, 2001, 16 : 31-36. 74 Tableau III : Médicaments "anti-spatiques" Mécanisme et action Posologie Diazepam (Valium) Inhibition pré-synaptique affinité GABA pour GABA récepteurs 0,5 mg à 2 mg/kg 3 prises Somnolence Comprimé à 2, 5, 10 mg Gouttes : 30 gouttes = 10 mg Ampoules : 10 mg Baclofen (Liorésal) Liaison GABA-B récepteur : agoniste GABA Moelle 0,75 mg à 5 mg/kg 3 prises Somnolence Vertige Crise épileptique ? Dysurie Comprimé à 10 mg Dantrolène (Dantrium) Musculaire Inhibe libération Ca++ du Réticulum sarcoplasmique 0,5 mg à 3 mg/kh/jour Hépatique Gélule à 25 à 100 mg Somnolence Ampoule IV = 20 mg Vertiges, Incontinence Gabapentine (Neurontin) GABA cérébral 10 mg à 30 mg/kg/jour 3 prises Trouble Gélules à 100, 300, 400 mg du comportement Signes digestifs Troubles hépatiques Vigabratrin (Sabril) Inhibition GABA 30 mg à 50 mg / kg 2 prises Champ visuel Comprimé à 500 mg Sachet à 500 mg Tizanidine (Zanaflex) Agoniste α 2 adrénergique 2 mg à 6 mg 3 fois par jour Hypotension Hépatique Somnolence Hallucinations Comprimé à 2 mg, 4 mg Clonidine Agoniste (Catapressan) α 2 adrénergique 0,05 à 0,1 mg / jour 2 prises Hypotension Atteinte hépatique Somnolence Hallucinations Comprimé à 0,1 mg Levodopa L-Dopa (Modopar) 3 à 4 prises Troubles psychiques Comprimé à 62,5 mg, 125 mg, 250 mg Antagoniste Dopa Effets secondaires Formes galéniques 75 Utilisation thérapeutique de la toxine botulique chez l’enfant polyhandicapé Dr Servane Debedde Dr Alain Lespargot I - Mode d’action La toxine botulique injectée dans un muscle provoque une diminution transitoire de la force contractile. Cet effet apparaît progressivement pour être maximum quinze jours à trois semaines après l’infiltration ; il persiste pendant deux à six mois. L’action de la toxine botulique est comparable à celle du pincement chirurgical des nerfs moteurs (neuroclasie) bien que le point d’impact soit différent : la toxine botulique agit au niveau de la jonction entre les neurones et les fibres musculaires en inhibant la libération d’un médiateur chimique, l’acétylcholine. La toxine botulique a d’abord été utilisée chez l’homme pour affaiblir la contraction de petits muscles (yeux, paupières) puis dans des muscles plus volumineux permettant son emploi comme traitement de la spasticité chez l’enfant. Nous retiendrons que : - la toxine botulique affaiblit globalement la force contractile du muscle et n’est donc pas un traitement spécifique de la spasticité, - l’effet est localisé au muscle infiltré, - que l’action est transitoire, - et ne constitue donc qu’un traitement d’appoint. II - Technique d’injection Un examen électromyographique de surface préalable est souvent nécessaire pour repérer précisément le ou les muscles à infiltrer. L’injection doit être faite dans un muscle relâché. Nous utilisons une anesthésie superficielle par EMLA® ainsi que le protoxyde d’azote dilué qui suppriment les manifestations liées à l’anxiété. III - Effets secondaires - épisode d’asthénie transitoire vers le troisième jour, - douleur locale à l’étirement musculaire accessible aux antalgiques banaux, - possibilité de diffusion aux muscles voisins qui impose des précautions lors des injections dans les muscles de la face et du cou, - surveillance du transit intestinal et de la diurèse les jours suivant une injection dans les adducteurs des hanches. IV - Indications La toxine botulique remplace de plus en plus souvent la chirurgie nerveuse périphérique, mais ne constitue pas en soi un traitement de la spasticité. Elle est indiquée pour faciliter un projet thérapeutique. Dans le traitement de l’équin, l’affaiblissement du triceps sural peut optimiser l’efficacité et améliorer la tolérance des bottes d’étirement, du chaussage et de l’appareillage. Les autres indications chez l’enfant sont moins fréquentes et encore hors de l’AMM : adducteurs et ischio-jambiers pour faciliter l’hygiène et les installations. 76 V - Objectifs de la kinésithérapie après injection - Faciliter la diffusion de la toxine dans le muscle - Assouplir le muscle infiltré - Éducation fonctionnelle centrée sur l’objectif de l’injection - Adaptation de l’appareillage et des installations Conclusion La toxine botulique est un traitement d’appoint de la spasticité, simple et bien toléré, mais dont les indications sont limitées en raison de l’effet localisé au muscle injecté et à la durée d’action brève. C’est un élément d’appoint dans un projet thérapeutique incluant la kinésithérapie et l’appareillage. 77 Chirurgie de la spasticité chez l’enfant Thomas Roujeau Interne de neurochirurgie Pr M. Zerah Neurochirurgien Hôpital Necker - Enfants malades Définition de la spasticité Il s’agit d’une hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique, à l’origine d’une augmentation, liée à la vitesse, des réflexes tendineux et d’étirement 4. L’arc réflexe myotatique est un réflexe monosynaptique, c’est-à-dire entre deux neurones. D’une part, un neurone efférent, le motoneurone a, conduisant l’influx moteur de la corne antérieure de la moelle jusqu’au muscle et, d’autre part, un neurone afférent, le neurone Ia ou fibre Ia, conduisant l’influx sensitif de l’effecteur (muscle) jusqu’à la corne postérieure de la moelle 5-7. L’atteinte de la voie pyramidale, quelle que soit la pathologie en cause, peut être à l’origine de spasticité, s’intégrant dans le syndrome pyramidal. Ce dernier comprend une hypertonie dite spastique ou élastique, des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés et polycinétiques, une diminution de la contraction musculaire volontaire et un déficit moteur. A - Étiologies de la spasticité Les principales étiologies ou causes de la spasticité sont : - l’infirmité motrice cérébrale ou “cerebral palsy” des anglo-saxons - le traumatisme crânien - l’accident vasculaire cérébral - la sclérose en plaque - les traumatismes ou accidents vasculaires médullaires - l’anoxie - Tout autre atteinte de la voie pyramidale On peut classer ces pathologies selon la topographie de l’atteinte de la voie pyramidale, cérébrale ou médullaire. On considère classiquement qu’il existe trois types de spasticité, selon les modalités de l’exagération des réflexes ostéotendineux. • Type I : Exagération du réflexe d’étirement, principalement phasique, associée à une exagération du réflexe tendineux. Il semble exister une participation prédominante du réflexe myotatique. • Type II : Exagération du réflexe d’étirement principalement tonique sans exagération du réflexe tendineux. Il existe également des schémas stéréotypés en extension ou en flexion, spontanés et pouvant être déclenchés par des stimulations cutanées ou articulaires. • Type III : Exagération du réflexe d’étirement sans exagération du réflexe tendineux ni déclenchement de schéma stéréotypé aux stimulations cutanées ou articulaires. 78 B - Évaluation clinique de la spasticité On utilisera, pour quantifier l’importance de la spasticité des échelles cliniques, parmi lesquelles, principalement, Aschworth et Tardieu, respectivement dans les spasticités de type II-III et de type I. En plus des séquelles physiques, liées à l’atteinte neurologique et à ses conséquences, telles que la diminution ou perte d’activité, la « qualité de vie » est également en jeu. Bien que difficile à analyser, en particulier par des études contrôlées, la notion de qualité de vie diminuée prend en compte le retentissement négatif de la spasticité sur la mobilité, l’autonomie, le retentissement cosmétique, l’hygiène, l’estime de soi, l’humeur ou les fonctions sexuelles. Le traitement doit être celui non de la spasticité en elle-même, mais de ses complications fonctionnelles. En plus des critères déjà définis, tels que la modification du tonus et de réflexes, la spatialité s’accompagne d’autres éléments qui, sous le terme «syndrome pyramidal», participent, parfois plus encore que par les modifications du tonus elles-mêmes, à la gêne des patients. La spasticité a pour conséquences une diminution des capacités fonctionnelles, ayant à leur tour pour résultats des accidents de décubitus, des troubles cardiovasculaires, des thrombophlébites, des troubles et infections respiratoires, des rétractions musculaires plus ou moins sévères voire fixées, des troubles sphinctériens, ainsi qu’un isolement social. L’ensemble de ces conséquences de la perte de mobilité va, à son tour, retentir négativement sur la force musculaire et la fonction. Lorsque l’on s’attache à développer un programme de traitement de la spasticité, il est important de considérer plusieurs points : • La spasticité est-elle une gêne à la fonction ou à l’autonomie ? • La spasticité est-elle responsable de douleur ? • Quels sont les traitements déjà utilisés et avec quels résultats ? Il est ensuite important de considérer d’autres facteurs, tels que : - la gravité, - la topographie, en opposant une spasticité locale, à une spasticité régionale ou généralisée, - le rapport risque-bénéfice, - limites et effets secondaires des traitements, - la “qualité de vie” du patient, - les objectifs du traitement ; ceux-ci doivent être identifiés de façon spécifique et adaptée à chaque patient. Les objectifs habituels sont : - diminuer les douleurs induites par la spasticité, - prévenir ou diminuer des contractures, - améliorer les déplacements, - faciliter la rééducation. Le choix de thérapeutiques adaptées ne peut se faire qu’à la condition d’avoir défini ces objectifs clairement. Ceux-ci doivent être définis en partenariat avec les médecins rééducateurs. On choisira en première intention les traitements aux effets secondaires moindres. La prise en charge de patients atteints de spasticité nécessitera donc une approche multidisciplinaire, intégrant l’expertise de neurologues, médecins-rééducateurs ou de médecine physique, de même qu’orthopédistes ou urologues. Chez certains patients, les traitements médicamenteux par voie orale sont inefficaces (soit d’emblée, soit le sont devenus) ou efficaces mais à des doses élevées, induisant des effets secondaires. C’est alors qu’intervient le chirurgien. C - Indications et techniques chirurgicales La chirurgie est indiquée dans le traitement de la spasticité lorsque les autres thérapeutiques ont échoué : - échec de la rééducation - échec des traitements médicamenteux ; baclofène, dantrolène, diazépam - échec des injections locales ; alcool, phénol, toxine botulinique 79 Elle s ’adresse à des patients stables neurologiquement depuis au moins un an, afin d ’éviter des modifications du schéma de la spasticité, rendant inutile voir néfaste le geste chirurgical. On peut classer les objectifs de la chirurgie en deux groupes, fonctionnels d’une part et des objectifs de confort, d’autre part. Objectifs de la chirurgie • Fonctionnels - amélioration de la marche - amélioration de la préhension d’objets larges - amélioration du contrôle du mouvement - habillage • De confort - disparition du clonus - amélioration de l’aspect esthétique - douleur - nursing Différents gestes chirurgicaux peuvent être pratiqués sur la spasticité. Il peut s’agir de gestes destructeurs et donc irréversibles ou encore de gestes de reconstruction. On verra ici les principaux gestes neurochirurgicaux : les neurotomies sélectives, la drezotomie et les rhizotomies postérieures sélectives. À chaque type de spasticité peut correspondre un type de chirurgie, parfois plusieurs, mais il n’existe en tout cas pas de geste chirurgical unique. Ainsi, les neurotomies sélectives s’adressent principalement à la spasticité de type I ; les pompes à bacloféne (ITB), la Drezotomie et la Rhizotomie postérieure sélective(SR) sont plutôt indiquées dans la spasticité de type II ; enfin les neurectomies sont réservées à la spasticité de type III. L’indication chirurgicale, quelle qu’elle soit, ne doit être portée qu’après une évaluation clinique rigoureuse, afin d’apprécier la sévérité de la spasticité et son retentissement. Il convient, comme dit précédemment, de définir clairement les objectifs, qu’il s’agisse de ceux du chirurgien comme ceux du patient. D - Spasticité locale Le traitement chirurgical d’une telle spasticité est principalement la neurotomie sélective. L’indication chirurgicale est posée, comme nous l’avons vu, après un bilan clinique détaillé. Afin de déterminer ces objectifs, outre le bilan clinique, nous disposons d’un outil important, que sont les blocs moteurs sélectifs 3. En effet, on peut « mimer » de façon transitoire l’effet de la neurotomie par injection locale d’éthidocaïne au niveau du nerf impliqué par la spasticité. L’anesthésique local est injecté dans la gaine du nerf après que celui-ci a été stimulé, afin de s’assurer qu’il s’agit bien du nerf moteur «visé». L’effet au bout de quelques minutes sera une disparition de l’hypertonie au niveau du groupe musculaire considéré. Cet effet se prolongera environ 8 heures. Par ailleurs, il peut exister une diffusion de l’anesthésie à des fibres sensitives adjacentes, responsables de troubles sensitifs transitoires associés. Le bloc neuromusculaire effectué, on va pouvoir juger l’amélioration clinique, confirmer ou infirmer la participation de tel ou tel groupe musculaire dans la spasticité. Par ailleurs, le patient va pouvoir de lui-même juger des modifications qu’apportera la neurotomie. Ces blocs neuromusculaires peuvent être pratiqués au niveau de tout nerf moteur, innervant un muscle ou groupe musculaire spastique ou considéré comme tel. 80 De même, les neurotomies peuvent être pratiquées au niveau de chaque nerf moteur responsable de spasticité, aussi bien au membre supérieur, qu’au membre inférieur. • En quoi consiste la neurotomie ? 1-3 La neurotomie sélective consiste à pratiquer une section sélective des branches collatérales du nerf “responsable” de cette spasticité : nerf du soleaire ou des gastrocnémiens pour le pied équin et le clonus de cheville ou les branches du nerf tibial postérieur pour le pied varus et la griffe des orteils, par exemple. Après une dissection microchirurgicale des différentes branches du nerf et leur identification par stimulation bipolaire, les branches sélectionnées sont partiellement sectionnées sous contrôle du microscope opératoire. Dans leur principe, les neurotomies périphériques consistent en une section partielle des collatérales motrices du ou des muscles où siègent une spasticité jugée excessive. Cette section partielle intéresse les fibres afférentes à la moelle et notamment les grosses fibres myélinisées Ia qui sont le support du réflexe myotatique. On réalise ainsi une interruption partielle de l’arc réflexe myotatique, associée à la disparition de la spasticité. En contrepartie, la section intéresse également les axones des motoneurones a et réalise ainsi une dénervation partielle. Il existe cependant une repousse des fibres motrices a au niveau du muscle. De ce fait, la neurotomie induit une suppression prolongée de la spasticité sans paralysie. L’enregistrement du réflexe H chez le patient spastique met en évidence un rapport Hmax/Mmax nettement augmenté. Après neurotomie, on note une diminution de ce rapport, traduisant une diminution de la spasticité (interruption de l’arc réflexe) proportionnellement plus importante que la dénervation 3. E - Spasticité globale Lorsqu’il s’agit de spasticité globale, les techniques chirurgicales que l’on peut proposer sont représentées par les rhizotomies sélectives postérieures et les drezotomies. Là encore, le geste chirurgical va consister en l’interruption de l’arc réflexe myotatique Ia-a par interruption des afférences sensitives Ia. Cette chirurgie centrale peut être réalisée soit au niveau des racines nerveuses avant leurs entrées dans la moelle, c’est la rhizotomie sélective postérieure, soit au niveau de la zone d’entrée des racines dorsale dans la moelle, c’est la D.R.E.Zotomie (Dorsal Root Entry Zone). La rhizotomie sélective postérieure consiste en une section d’une ou plusieurs racines nerveuse postérieure « spastique ». L’abord de cette racine postérieure est permis par un abord de la moelle épinière ou du cône terminal. La section va concerner au moins 60 % des radicelles de chaque racine postérieure. L’indication principale est la spasticité globale des membres inférieurs chez l’IMC. La rhizotomie permet une normalisation du tonus dans 60 % des cas ; les objectifs de cette intervention peuvent être une amélioration de la marche, de la position assise ou une facilitation du nursing. La drezotomie est également une intervention centrale, qui, comme la rhizotomie, interrompt l’arc réflexe myotatique par interruption des voies afférentes sensitives. Par contre, l’intervention est dirigée directement sur les cordons postérieurs de la moelle, au niveau de la zone d’entrée de la racine postérieure. Cette intervention, mise au point et développée par le Pr M. Sindou, à Lyon, vise à réduire une spasticité globale des membres inférieurs. Elle est parfois indiquée en cas de vessie spastique, et exceptionnellement, en cas d’atteinte des membres supérieurs. Là encore, l’intervention permet une amélioration dans plus de 60 % des cas, principalement de la position assise et/ou du nursing. Conclusion Les indications de chirurgie de la spasticité sont en augmentation. Cependant, les interventions centrales sont progressivement supplantées par la mise en place de pompes à bacloféne (Liorésal). Par ailleurs, la prise en charge des patients spastiques, et en particuliers des enfants, ne peut se résumer à un geste technique. Le succès de l’intervention ne peut être obtenu qu’à la condition d’en avoir préalablement déterminé les objectifs. De ce fait, la chirurgie doit être perçue comme un élément de l’arsenal thérapeutique, le neurochirurgien devant être intégré à l’équipe multidisciplinaire prenant en charge le patient. 81 Bibliographie 1. Decq P, Filipetti P, Cubillos A, et al : Soleus neurotomy for treatment of the spastic equinus foot. Groupe d’Evaluation et de Traitement de la Spasticite et de la Dystonie. Neurosurgery 47:1154-1160; discussion 1160-1151., 2000 2. Decq P, Filipetti P, Feve A, et al : [Selective peripheral neurotomy of the hamstring branches of the sciatic nerve in the treatment of spastic flexion of the knee. Apropos of a series of 11 patients]. Neurochirurgie 42:275-280, 1996 3. Feve A, Decq P, Filipetti P, et al : Physiological effects of selective tibial neurotomy on lower limb spasticity. J Neurol Neurosurg Psychiatry 63:575-578., 1997 4. Guiheneuc P : The use of monosynaptic reflex responses in man for assessing the different types of peripheral neuropathies., in Desmedt JE (ed): Motor control in health and disease. New York: Raven Press, 1983 5. Lance JW : Disordered muscle tone and movement. Clin Exp Neurol 18:27-35, 1981 6. Sindou M, Abdennebi B, Sharkey P : Microsurgical selective procedures in peripheral nerves and the posterior rootspinal cord junction for spasticity. Appl Neurophysiol 48:97-104, 1985 7. Tardieu G : [Physiopathology of spasticity]. J Belge Med Phys Rehabil 3:93-99, 1980. 82 CINQUIÈME PARTIE La complémentarité chirurgie / appareillage 83 Handicap et station assise Complémentarité chirurgie et appareillage Pr Jean Dubousset Hôpital St Vincent-de-Paul Université René-Descartes Mon maître Pierre Queneau le premier jour de mon internat à St Vincent-de-Paul m’a appris deux phrases fondamentales que j’ai essayées tout au long de ma carrière de mettre en œuvre de toutes mes forces, que j’ai essayé de transmettre fidèlement à mes élèves et dont j’ai pu vérifier l’exactitude au cours de la prise en charge de bien des handicaps comme auprès des polyhandicapés. Ce terme de polyhandicapé, je ne l’aime pas car il camoufle, en particulier auprès de nos amis étrangers, le vrai sens de l’atteinte mentale associée aux troubles moteurs d’origine centrale et j’espère donc qu’un jour vous le changerez. D’ailleurs dans le langage anglo-saxon le terme « mental retardation » est clairement exprimé. Ces deux phrases étaient : «La station assise est une fonction» «Quel que soit le handicap moteur d’un enfant, il vaut mieux essayer de le mettre debout, même contre un meuble, plutôt que de le laisser grabataire dans son lit» (excusez-moi du pléonasme). De sorte que cette station assise dont nous avons parlé toute la journée, elle est bien fondamentale chez ces malades. La chirurgie du polyhandicapé va toujours osciller entre deux possibilités : améliorer ou aggraver la fonction. En effet c’est un risque non négligeable que de décider un acte chirurgical chez ce type d’enfants. Il faut bien comprendre d’abord que le complexe chirurgie / appareillage a deux finalités : d’une part pour le malade luimême, d’autre part pour son entourage. Il faut bien comprendre aussi d’abord les bases orthopédiques de la station assise. Il y a bien longtemps que j’ai proposé, en particulier chez les enfants paralysés, handicapés, (mais pour tout individu c’est la même chose) de considérer la colonne vertébrale avec la tête comme première vertèbre et l’ensemble du bassin comme dernière vertèbre. Cette vertèbre pelvienne, c’est une des bases de cette station assise avec les 6 degrés de liberté qu’elle peut présenter, d’abord au niveau des deux hanches mobiles (il faut qu’elles soient mobiles et si possible en place) et avec un rachis équilibré stable au-dessus. En effet, la station assise, et on le voit bien lorsqu’on étudie les fesses du malade assis sur podoscope par exemple ou l’équivalent, on voit bien que cette station assise est réalisée par la face postérieure des deux cuisses, les deux ischions, et on peut facilement mesurer ces pressions, les techniques modernes maintenant permettent de quantifier exactement en 3D ces appuis avant et après intervention et ces mesures ont une valeur beaucoup plus importante pour moi que l’angle de Cobb de correction scoliotique qui ne rend compte en rien de l’état fonctionnel. On comprend donc bien que pour cette station assise, ce polygone de sustentation sur lequel on est assis, va être la base au-dessus de laquelle le tronc va pouvoir se trouver, surmonté de la vertèbre céphalique qui est constituée par l’ensemble de la tête et qui va donner une situation assise confortable, équilibrée et stable dans certains cas, inconfortable, déséquilibrée et instable dans d’autres. Par exemple lorsqu’il existe un bassin oblique qui doit être étudié dans les trois dimensions, on va aboutir à des situations spatiales néfastes pour ce bon équilibre. La situation des membres inférieurs va influer indiscutablement sur la qualité de cette station assise et selon que l’on aura d’abord au niveau de la hanche des attitudes vicieuses en abduction, flexion, extension, et autres, symétriques ou asymétriques, on aura difficultés ou facilités pour cette station assise. Et même la situation des genoux intervient selon que l’on a le genou en extension ou le genou fléchi et en fonction des mobilités possibles des hanches, on pourra avoir difficulté ou gêne. 85 Même la position du pied pour une station assise peut intervenir, bien que le malade ne soit mis en charge directement et des désorientations du pied ou des déformations en équin, peuvent rendre difficile l’installation sur un siège, voire le repose-pied d’un fauteuil roulant. Bien entendu selon l’état rachidien, déformation, scoliose, cyphose, capotage du bassin en avant ou en arrière, on aura des troubles de cette station assise qui deviendront de plus en plus gênants. On sait bien qu’il est très rare que l’on observe chez ces malades des escarres, mais la station assise peut être rendue extrêmement pénible par une inadéquation entre la mobilité des hanches, la mobilité du rachis, la déformation de la colonne vertébrale, surtout au niveau lombaire et dorso-lombaire, mais aussi au niveau thoracique. La situation du cou est importante et on en reparlera après la chirurgie car souvent les scolioses cervicales peuvent apparaître ou s’aggraver après la correction des régions sous-jacentes et gêner aussi cet équilibre. La dernière base orthopédique de cette assise est, bien entendu, que sa qualité permette ou non l’utilisation correcte des membres supérieurs, l’utilisation d’une mobilité éventuelle de la tête et entrera pour une bonne part dans la relation de ces malades. Quel va donc être le rôle de la chirurgie orthopédique chez ces malades en relation avec cette station assise ? I - Améliorer A - D’abord pour le malade lui-même 1. Ce sera pour alléger, voire supprimer un appareillage et effectivement ce sera surtout la chirurgie combinée, hanches, rachis. En effet chaque fois que la mobilité est possible et que la station assise est difficile, l’appareillage et en particulier le siège moulé, va pouvoir donner une orientation au niveau de cette vertèbre pelvienne et une orientation des membres inférieurs qui permettra au rachis d’être stable. Mais il ne faut pas compter sur le siège moulé pour maintenir un rachis. Lorsqu’une déformation rachidienne deviendra structurale ou sera structurale, il faudra adjoindre à ce siège moulé un corset orthopédique de contention dont le meilleur est, bien entendu, le corset Garchois, meilleur car sa facilité d’utilisation est grande par rapport à un corset de type TLSO, parce que dans ce corset Garchois on pourra avoir une tenue du bassin (c’est la base même du corset) qui sera bonne et il n’est pas rare que l’on puisse être amené à placer le corset Garchois dans un siège moulé, le siège moulé ayant pour but d’orienter essentiellement les membres inférieurs, les cuisses fléchies, les genoux fléchis, et le corset maintenant correctement le rachis lui-même. Au fur et à mesure que l’enfant va grandir, la chirurgie pourra aider lorsqu’il y a des attitudes vicieuses au niveau des hanches, rétractions en abduction, ou autres, par des libérations, des ténotomies, voire des ostéotomies pour permettre un appareillage beaucoup plus facile, ceci se faisant dans la petite enfance. Cet appareillage est fondamental car il y a un certain nombre d’enfants qui ont des spasticités et des rétractions en abduction, qui ont donc un bassin oblique de cause basse, qui entraîne de temps en temps des défauts de flexions tellement importants que petit à petit la hanche risque de se luxer en avant et que donc l’appareillage est indispensable pour mettre la hanche fléchie et permettre à cette hanche de se développer de la meilleure façon possible. Dans d’autre cas lorsqu’on est arrivé plus tard, tardivement, lorsque la hanche était déjà luxée et interdisait toute station assise, la chirurgie de hanche était nécessaire, souvent de réduction sanglante avec ostéotomie pour pouvoir permettre d’acquérir cette station assise, ce que certains enfants n’ont jamais pu acquérir du fait d’une situation grabataire et d’un abandon pendant un certain temps. C’est la raison pour laquelle il est extrêmement fondamental que les recommandations faites il y a déjà bien longtemps par Grenier soient appliquées dans les services de réanimation pour justement permettre le meilleur développement possible de ces hanches dès les premiers jours, dès les premiers mois. Et combien voit-on de malades qui ont été abandonnés sur le plan orthopédique car tout le monde était branché sur cette réanimation vitale, sur ces gestes vitaux, qui ont abouti à des développements d’attitudes vicieuses au niveau des hanches rendant la vie très difficile, voire impossible, à ces malades puisque leur ayant interdit de telle manière la position assise. Donc cette chirurgie permettra soit d’appareiller les malades lorsqu’on le peut et plus tard, bien entendu, cette chirurgie pourra, en particulier pour la chirurgie rachidienne, permettre de pouvoir désappareiller les malades, de pouvoir les sortir de leur corset, les sortir de leur siège moulé, et leur permettre d’avoir une situation assise au fauteuil facile. 86 Cette chirurgie rachidienne n’est pas la plus difficile techniquement à réaliser chez ce type de malades, elle demande par contre des prises en charge pluridisciplinaires pour être menée à bien, non seulement au moment de l’indication, mais aussi dans sa réalisation. Elle réclame parfois des chirurgies antérieures et postérieures associées, demandant presque toujours la prise du bassin pour assurer un équilibre stable rachidien au-dessus de la vertèbre pelvienne. On a vu que, dans certains cas, cette chirurgie était nécessaire pour permettre l’appareillage et ceci étant essentiellement chez le petit enfant, mais pouvant se trouver tout aussi bien chez les enfants âgés, en particulier pour corriger les attitudes vicieuses des membres inférieurs et de permettre ainsi l’installation du malade dans un siège, dans un fauteuil. 2. Cette collaboration chirurgie / appareillage a aussi un avantage. C’est qu’elle permet parfois de libérer, en tout cas d’améliorer souvent, l’usage des membres supérieurs, qui au contraire sur un malade déséquilibré aident à tenir assis au prix de l’utilisation de ce membre supérieur comme appui ou comme tuteur. La stabilisation chirurgicale obtenue par l’arthrodèse rachidienne ou les ostéotomies de hanches libérant l’usage de ces membres supérieurs. 3. Bien sûr l’association complémentaire chirurgie / appareillage va intervenir pour améliorer les grandes fonctions vitales, aussi bien la respiration et en premier la respiration avec son corollaire le fonctionnement cardiaque, mais aussi les fonctions digestives et urinaires. N’oublions pas en effet que chez un certain nombre de ces malades, l’état général était très médiocre du fait de difficultés de nutrition, du fait d’anémie permanente due à des reflux gastro-duodénaux avec des œsophagites qui vont pouvoir être corrigés par la chirurgie, voire chez certains malades complètement dénutris, possibilité de leur réaliser des gastrostomies qui vont permettre une alimentation beaucoup plus simple en améliorant considérablement l’état général des malades et il faut savoir que cette nutrition améliorée pendant quelques mois va pouvoir améliorer les actes chirurgicaux avec beaucoup plus de chances de succès en diminuant le nombre des complications. B - Pour l’entourage La complémentarité chirurgie / appareillage va aider pour les soins, va aider pour la toilette, va aider pour les manipulations, pour la nutrition bien sûr on l’a vu, et aussi pour les déplacements, la communication. II - Aggraver Il ne faut pas oublier que cette chirurgie peut être très nocive car parfois cette chirurgie va empêcher ou même gêner l’appareillage et cela est particulièrement évident au niveau de la chirurgie des hanches, en particulier chez le petit enfant. Cette chirurgie des hanches faite sans discernement va pouvoir aboutir à des hyper corrections, et je voudrais insister là encore sur le danger des neurotomies qui aboutissent parfois à aller nettement au-delà de ce que l’on voulait et à des transformations d’attitudes vicieuses dans un sens, dans le sens opposé, souvent irrattrapables et où le malade va être plus mal après qu’avant l’intervention. Cette recherche à tout prix de mettre la tête fémorale en place a abouti à des excès d’indications chirurgicales car toutes les hanches luxées des polyhandicapés ne sont pas douloureuses. Certaines, oui bien sûr, mais parfois les poly-opérés des hanches sont pires qu’au début du traitement. Il ne faut jamais l’oublier. Ceci pour dire qu’il faut vraiment doser chez ces malades l’acte chirurgical. Il vaut mieux rester moins corrigé que d’aboutir à une hyper correction. L’attitude vicieuse en abduction de hanche hyper corrigée n’est pas rattrapable, y compris par une ostéotomie de varisation ou d’orientation de la diaphyse car après un résultat momentané, comme il n’y a pas de muscles actifs pour aller dans l’autre sens, la récidive se produit. De même que lorsqu’on veut absolument réduire les luxations de hanches, même avec raccourcissement, etc…, on peut aboutir à des reluxations qui ne sont pas aussi rares que l’on pense, on peut aboutir à des infections, on peut aboutir à des réinterventions, ostéoporose, fractures. Bref, se retrouver dans un état bien pire sur le plan fonctionnel qu’auparavant avec son attitude vicieuse. Lorsqu’on va trop loin dans les indications, on peut même aboutir à des complications vitales, à la fois sur le plan respiratoire comme lorsqu’un malade a des troubles de la déglutition et qu’il doit avoir une anesthésie générale relativement longue pour une chirurgie vertébrale, on peut ne pas pouvoir débrancher le malade de sa machine en post opératoire et donc le rendre entièrement dépendant d’un appareillage respiratoire. Est-ce un service qu’on lui a rendu, non seulement à lui, mais aussi à sa famille aussi, en le rendant encore plus dépendant ? 87 Donc bien être conscient de ces risques, ce d’autant que toutes les hanches luxées ne sont pas douloureuses à l’âge adulte. On voit donc l’oscillation permanente qu’il y a dans les indications chirurgicales entre trop en faire et n’en faire pas assez. C’est le juste milieu qui est difficile à vraiment trouver. Sous le prétexte d’avancer, bien des secteurs de la médecine actuelle, en particulier avec les polyhandicapés, s’isolent trop facilement du dialogue franc et loyal avec la famille des intéressés, ce qui aboutit souvent à des excès souvent plus néfastes qu’utiles. Cela ne me paraît pas éthiquement correct. C’est pourquoi la détection, la prévention, anté et péri natale des affections neurologiques d’origine centrale, devraient être le but de ce siècle. 88 SIXIÈME PARTIE Table ronde : Appareillage et qualité de vie 89 Laoucine Ben-Belaid Aide soignant Hôpital La Roche Guyon – AP-HP Bonjour, je m’appelle Laoucine, je suis aide soignant à l’hôpital de La Roche-Guyon, accueillant des enfants, des adolescents et jeunes adultes polyhandicapés. Ma première impression, ma première question ? Pourquoi ces enfants déjà lourdement handicapés ont-ils à supporter une contrainte, telle que les différents appareillages, comme un corset ou corset-siège, orthèses, attelles … On éprouve pour eux le sentiment d’une souffrance supplémentaire mais au fur et à mesure de mon expérience, j’ai pu prendre conscience de l’intérêt des différents appareillages. Ceci étant, ce n’est pas toujours facile de mettre un corset en raison : • Des raideurs ou au contraire des enfants très mous • Des résistances volontaires ou incontrôlées des enfants • Du sentiment d’inconfort, plus ou moins partagé par le soignant qui pense que l’enfant est trop contraint et pas forcément en position confortable De plus, l’enfant grandit, son corps se modifie et les appareillages deviennent trop justes. Il faut aussi tenir compte de l’évolution et des changements dus à l’âge. L’enfant qui avance en âge est plus difficile à mobiliser en raison de son poids, de sa taille, des raideurs qui s’accentuent … De ce fait, on peut parler de la fonction " d’alerte " du soignant Devant ces situations différentes, le soignant est plus à même de repérer les réactions du jeune face aux contraintes de l’appareillage. Il se doit d’en informer l’équipe, et de faire part de sa connaissance pointue des enfants par sa présence quotidienne d’où un travail de collaboration avec les kinésithérapeutes. Voilà, le corset est mis, il faut installer le jeune avec, dans son fauteuil ou dans un corset-siège La manipulation est un peu plus difficile quand le jeune a son corset. Cela ne facilite pas toujours l’installation, même avec le lève-patient qui est pourtant un moyen pratique mais pas toujours adapté pour la population d’enfants ou de jeunes que nous accueillons. Cela demande un ajustement lors de l’installation car il y a différents exemples comme un enfant avec un corset à installer dans un corset-siège, mais aussi un enfant sans corset et la manipulation parfois n’est pas plus facile pour autant car les corsets ou les corsets-sièges nous semblent trop ajustés (notamment l’hiver, en fonction des vêtements) et c’est encore plus compliqué de les installer confortablement. Dans tous ces moments de l’installation, le soignant doit être encore plus vigilant par rapport au point d’appui, au positionnement du filet … Il est un relais pour l’équipe. Dans le travail au quotidien, une grande partie, concerne la mise de l’appareillage et cette installation nécessite une bonne coopération, pas toujours facile à bien ajuster dans un fonctionnement d’équipe. Lors de la journée, de nombreux changements de position sont effectués (lors des changes, du repas, des temps au tapis, …) nécessaires pour la vie quotidienne. Cependant, quand la personne polyhandicapée avance en âge, les changements de position sont de plus en plus contraignants. 91 C’est pour cela qu’en tant que soignant, nous devons toujours être soucieux du confort du jeune étant le plus à même à repérer sa tolérance par rapport aux différents positionnements ce qui nous amène à proposer un programme personnalisé quand à la durée et au rythme de ces différents postures. Il est important de vous dire que face à une absence de langage pour nombre d’entre eux, la vigilance nécessite une attention particulière aux modes d’expression du jeune (pleurs, larmes, grimaces, petits cris, mimiques, agitation, endormissement). Pour conclure, le maintien de la posture assise pour nombre d’entre eux, n’est pas possible seul, les enfants ont besoin d’un soutien. Ce soutien nous venons d’en parler, pour beaucoup c’est le corset et le corset-siège Ceux-ci permettent une meilleure installation donnant la possibilité à la personne polyhandicapée de s’ouvrir sur le monde qui l’entoure. Elle peut mieux appréhender son environnement, le regard est facilité par un bon maintien de la tête et permet d’instaurer une relation, un échange avec la personne qui porte le regard sur les enfants. C’est à dire qu’une petite complicité peut exister entre le soignant et le jeune. C’est aussi le début du travail de communication et de compréhension de l’autre. Ce soutien est une aide pour les repas, car une meilleure posture facilite la déglutition c’est à dire moins de fausse route, moins d’appréhension, le repas peut devenir au fil du temps, un repas plaisir. De plus, lorsque les jeunes sont mieux positionnés, ils respirent mieux. Et puis, en tant que soignant, on a appris avec l’expérience, en reprenant les différents cas des jeunes, que le maintien orthopédique par les corsets ou par un acte chirurgical est indispensable pour assurer le confort et la qualité de vie de la personne polyhandicapée. Conclusion On voit souvent les inconvénients au quotidien, les contraintes, mais lorsque l’enfant, ou l’adolescent n’a pas son corset ou appareillage pour raison de maladie, on remarque de suite l’inconfort, la mauvaise position ; on voit réapparaître les problèmes respiratoires et la relation devient plus difficile à établir. Merci de votre attention. 92 Michel Belot Docteur en psychologie Hôpital Marin Hendaye - AP-HP I - Les avantages de la station assise L’installation en position assise est un moyen indispensable qui améliore la qualité de vie des personnes polyhandicapées. A l’hôpital Marin de Hendaye, certaines sont restées mal installées ou alitées pendant plus de 30 ans. Les progrès récents dans la conception de sièges moulés ont permis un réel changement, à commencer par celui de sortir de la chambre. A - La verticalisation facilite les capacités perceptives du corps La tête est tenue droite. C’est une véritable tour de contrôle où sont concentrés les principaux organes de perception : vue, ouïe, odorat, sensibilité de la peau, système vestibulaire. Le regard est à l’horizontale. Elle est mobile, permet l’orientation spatiale (tourner la tête vers un stimulus visuel ou auditif). Le tronc droit permet une meilleure utilisation des bras et des mains qui sont dégagés. L’axe du corps, vertical favorise la latéralisation, la perception du côté droit, gauche, haut, bas. Le dos est protégé, contenu, enveloppé par le siège, ce qui donne une sensation de sécurité. Les cales-pieds donnent un appui, une limite corporelle. Les re-positionnements du corps sont possibles. Ils vont aussi participer à la stabilisation du corps et donnent la sensation d’ "avoir les pieds sur terre". Le corset-siège peut être utilisé pour des stimulations vibratoires (en roulant sur des revêtements irréguliers par exemple) et des stimulations vestibulaires (inclinaison de la coquille, terrains en déclive, adaptation sur des balançoires…). Donc, globalement la perception de son corps est facilitée. B - La position assise améliore la qualité de la vie 2 - dans les actes de la vie quotidienne : La station assise peut être utile dans les soins de nursing, (la toilette, les soins esthétiques…) et les changements de lieux. Nous notons par exemple pendant les repas une meilleure présence et qualité d’attention, une déglutition facilitée, moins de stress dû au risque de fausse route, une autonomie facilitée par la libéralisation des membres supérieurs. - dans les activités : la position assise favorise l’éveil et la communication. Elle permet le déplacement et une ouverture à la vie : la stimulation, l’animation, la socialisation, les loisirs. Nous pouvons mettre en place des activités qui ont pour but d’enrichir la vie des personnes : elles sont sensibles à la stimulation de la communication par les massages, le toucher, la balnéothérapie, les stimulations vibratoires (promenades en vélo, calèche, bus) ou vestibulaires (activités nautiques et bains). Nous pouvons aussi leur proposer des animations (petits ateliers, fêtes, musique…) des sorties, des séjours, des vacances… Ces activités sont proposées avec des objectifs à leur portée. II - Conditions pour construire un projet "qualité de vie" Les problèmes de santé (douleurs, constipation, reflux…), d’hygiène, de confort doivent être suffisamment réglés. La qualité de vie commence lorsque la personne n’est pas gênée, qu’elle est installée confortablement et qu’elle peut jouir et participer à l’instant présent. Elle est alors disponible pour s’enraciner dans la vie. 93 III - L’enracinement dans un projet de vie Les personnes polyhandicapées que nous accueillons à l’hôpital Marin d’Hendaye ont souffert de ruptures traumatisantes d’avec leurs familles et des difficultés pour comprendre et intégrer leur environnement et leur histoire. Elles ont besoin de s’enraciner dans un projet de vie à long terme. Comment ? - en établissant et renforçant les liens avec leur famille, les fratries, les soignants… - en leur proposant des stimulations et des activités adaptées. S’enraciner, c’est se sentir bien là où on se trouve, se relier aux autres, connaître, sentir l’épaisseur, la consistance, la valeur de sa vie. IV - L’évaluation de la qualité de vie Les critères d’une qualité de vie sont fluctuants, subjectifs, temporaires. Chaque personne a sa manière d’équilibrer sa vie, de lui donner un sens (ou plusieurs), réaliser une vie qui mérite d’être vécue. Ces critères peuvent être très variés, graves ou très futiles, mais toujours " indispensables " : avoir un travail, former un couple, avoir des enfants, une vie familiale, des amis, avoir une belle voiture, une télévision, faire du sport, aller au cinéma, en voyage, aller chez le coiffeur ou l’esthéticienne… Voilà quelques critères ! Pour la personne polyhandicapée, nous devons – et c’est d’une grande difficulté – penser pour lui, questionner ses critères à sa place. V - Le lexique "qualité de vie de la personne polyhandicapée" Le rôle du psychologue, du médecin, du cadre, de l’équipe sera de construire un projet individuel avec la famille en tenant compte : - des potentialités de la personne, de ses goûts, de ses désirs ; - des ressources de l’environnement, de l’équipe, de la famille… Nous avons conçu un lexique qui sert de trame à la réunion de synthèse pour questionner la qualité de vie de chaque personne avec deux objectifs : - faire une évaluation de la situation actuelle, dans les actes de la vie quotidienne ; - poser les jalons d’une amélioration de la qualité de vie. Le lexique comprend 10 rubriques prenant en compte les actes de la vie quotidienne (repas, hydratation, toilette, déplacements…), les relations sociales et affectives, les activités, les loisirs. • Quelques exemples de questions : - comment est organisé le repas ? Position de l’accompagnant ? Durée et fréquence des repas ? Comment sont neutralisées les agressions sonores et visuelles ? Comment nous le stimulons et captons son attention ? A-t-il une stimulation du goût (indispensable si gastrostomie) ? Peut-il aider ? Toucher guidé ? - décrire précisément la toilette, la douche. Que sait-il faire seul (un simple petit mouvement est important) ? Fréquence des brossages des dents ? Va-t-il chez le coiffeur ? - comment peut-il choisir ? Comment l’informons-nous ? Quel est son temps de réaction pour les réponses ? - est-il fréquemment changé d’endroit dans la journée ? Est-il promené, part-il en séjour, en vacances ? Va-t-il à la plage ? Au restaurant ? Dans les magasins ? Quels sont ses amis ? - quels sont ses goûts : musique, vidéo ? 94 VI - Qualité de vie : un changement de paradigme ? La prise en compte de la qualité de vie s’adresse à toute personne, même les plus démunies et lourdement handicapées. Elle permet de lutter contre les habitudes, l’ennui, la chronicité. Elle rapproche les personnes polyhandicapées de la vie habituelle. Nos propres vies (aller en vacances, au restaurant, avoir des loisirs, sortir…) prennent sens pour eux. Nous partageons avec eux les mêmes pôles d’intérêts. La qualité de vie recentre l’existence sur le plaisir immédiat, dans l’instant présent : un instant de joie, de gaieté qui atténue les petits malheurs de la vie banale. Elle introduit aussi la nécessité de durer, "le dur désir de durer", de se renouveler tout le long de la vie. C’est un réel changement de référence pour la personne et pour l’entourage lorsqu’on ouvre la porte à la qualité de vie. Nous constatons chaque jour les effets positifs d’une installation assise qui est un des moyens indispensables à une qualité de vie. Elle permet de réaliser des projets. Et nous n’oublierons pas toutes ces "premières fois" que les équipes et les familles connaissent lorsque la personne polyhandicapée peut faire une nouvelle expérience dans sa vie (sortir de la chambre, avoir un trousseau, le premier voyage, repas au restaurant séjours vacances, bain de soleil sur la plage…). 1 - Michel Belot - Couchés pendant trente ans et enfin assise : une nouvelle vie. Actes du XXéme colloque AIR. 1999. Besançon p 99 - 113. 2 - Ces aspects sont développés dans le film vidéo : Hôpital Marin de Hendaye. Station assise et qualité de vie. Collection connaissances hospitalières. Direction de la communication secteur audiovisuel de l'AP-HP. 8-10, rue des Fossés Saint-Marcel, 75005 Paris. Autres références bibliographiques 1. Heqol ; Echelle d'évaluation qualité de vie Hélios 4, programme européen 1996. 2. Les travaux d'Andréas Fröhlich, notamment : - la stimulation basale, éditions SZH Lucerne. 2000. - la qualité de vie : l’accompagnement des personnes ayant un handicap grave. Recueil de textes Institution de Lavigny. Distribué par SZH Lucerne. 1995. 3. JM Chauvie et coll. Polyhandicap qualité de vie et communication Aspect 57, éditions SZH Lucerne 1994. 95 Marie-Odile Legrand Mère de Mélodie, 9 ans, syndrome de Rett Association "Quelque Chose en Plus" - Vaucresson Voici ce qui me vient à l’esprit quand on me pose la question "qu’est ce pour vous la qualité de vie avec les appareillages ?". Nous vivons jour et nuit avec de nombreux appareils : siège moulé, corset, minerve, attelles, chaussures orthopédiques. Je dis nous car bien que ne les portant pas, je les supporte. Et voilà bien la question ! Si un appareillage est inconfortable ou douloureux, il sera mal supporté par l’enfant et sera alors rejeté par les parents car quand l’enfant a mal, les parents ont mal. La qualité de vie avec les appareillages n’est possible que si les deux parties, parents et enfant, en ont accepté l’utilisation. Si les parents n’acceptent pas les contraintes de l’appareillage et ne sont pas convaincus de la nécessité du port de celui-ci, alors ce n’est pas la peine d’insister. Ils mettront de la mauvaise volonté à l’installer, râleront à la moindre difficulté et ne le mettront pas. L’enfant sentira cette animosité et réagira lui aussi négativement face à la contrainte même s’il ne ressent pas vraiment de gêne. Personnellement, j’ai toujours refusé les appareillages tant que je n’étais pas prête psychologiquement à les supporter. Il y a toujours une phase d’adaptation mentale nécessaire avant l’acceptation. C’est là qu’intervient la qualité des consultations. Elles doivent être un lieu de discussion d’égal à égal, entre les parents et les médecins. Il doit y avoir une explication claire et nette sur la nécessité du port de l’appareillage et le but de celui-ci. Ce n’est que dernièrement que, mettant en cause le port du corset depuis 4 ans, l’évolution de la scoliose de ma fille étant toujours aussi importante, j’ai pu entendre que le corset n’avait pas pour but d’arrêter l’évolution de la scoliose mais seulement de la freiner. Que l’arthrodèse était inéluctable mais que le corset permettait de préserver les organes de la déformation en vue de l’opération. Ceci ne m’avait jamais été dit clairement. Je trouve cela dommage car j’aurais certainement accepté plus facilement toutes ces "engins" divers qui nous étaient proposés. La franchise doit être de mise, même si tout n’est pas facile à entendre. La consultation est un moment de négociation et tant qu’il n’y a pas accord, rien n’est possible. Le médecin qui suit ma fille le sait bien et rien n’est imposé tant que je ne suis pas convaincue. L’enfant doit être intimement lié à la conversation, le médecin doit aussi s’adresser à lui et non le manipuler comme un objet. Le port de l’appareillage passe souvent par une longue période d’adaptation. De nombreuses modifications sont nécessaires pour que celui-ci ait une efficacité optimale et soit bien supporté. Là aussi la négociation est de rigueur, entre les parents qui veulent un peu plus de place et l’ortho-prothésiste qui veut plus cintrer. Il faut trouver un compromis. Dans ce cas-là, une tierce personne, kinésithérapeute, médecin, est la bienvenue pour peser la part des choses et arriver à un accord. L’enfant doit pouvoir choisir la couleur des nouveaux accessoires qui vont l’accompagner partout. Il est important aussi que la fratrie et la famille participent à la décoration et au choix esthétique des appareils, cela contribue à l’acceptation de tout l’entourage. Il faut que les professionnels mettent tout leur savoir au service de la famille. Ils connaissent beaucoup d’aides techniques qu’ils ne pensent pas à proposer et qui pourtant changent le quotidien. Les familles dont les enfants sont à domicile ou dans de petites structures n’ont pas l’occasion de connaître tout le matériel en vente sur le marché et qui facilite grandement la vie de tous les jours. C’est par le bouche à oreille et le "salon autonomic"que j’ai appris que je pouvais bénéficier d’un pied à roulettes adaptable en hauteur et inclinable pour poser le corset-siège et que j’ai pu ranger la chaise sur laquelle j’avais fixé des roulettes et dont je coupais les pieds régulièrement depuis 2 ans. 96 Le lit électrique en location a aussi permis de soulager mon dos, a donné la possibilité à son frère et à ses sœurs de lever Mélodie en lui posant les pieds par terre sans la porter, autorisé une inclinaison plus facile lors des problèmes pulmonaires et évité le reflux. Cette inclinaison permet aussi à ma fille de participer aux activités qui se passent dans sa chambre et de regarder dehors. Bien sûr, je savais que de tels lits existaient mais financièrement nous ne pouvions supporter l’achat d’un tel matériel. Si un médecin ne m’avait pas parlé récemment de cette possibilité de location prise en charge par la sécurité sociale, j’en serais toujours à glisser des planches sous le matelas et à porter et me courber audessus du lit. Tous ces petits plus qui aident à la vie de tous les jours doivent être proposés car ils permettent une réelle qualité de vie avec les appareillages et avec le handicap. Toutefois la possibilité de vivre avec les appareillages n’est possible que si les enfants et les parents ont le pouvoir de dire NON. Quand ma fille me fait comprendre qu’elle en a assez, ou quand j’estime que cela suffit, tout saute et vive la liberté. Il doit y avoir des moments sans appareillage, des câlins sans que le corset me perfore les côtes, des chahuts sans barrières, des contacts charnels sans obstacles. Il faut ménager des heures sans contraintes, sans acharnement. C’est cela notre qualité de vie avec les appareils et nous vivons en paix avec eux. 97 Témoignage des parents Éliane A. Godot Infirmière clinicienne, mère de R. Alexandre – 25 ans hospitalisé depuis 1993 à l’hôpital Marin d’Hendaye - AP-HP Une leçon de vie A 14 ans, le destin de R. Alexandre bascule un jour d’octobre 1989 dans le service de neurologie à l’hôpital de St-Vincent de-Paul. "Annonce d’une maladie apparentée à un syndrôme type Parkinsonien au pronostic très sévère " : 6 mois de vie !!! Avais-je compris ?… Qu’avais-je compris ?... Etait-ce la vérité ?… Où était la vérité ????… Cette maladie orpheline, nous l’avons adoptée en octobre 1989 ! Maladie au nom étrange : " Encéphalopathie d’origine métabolique évolutive ". En qualité de parents, nous avons accompagné, soutenu R. Alexandre, à la recherche d’une qualité, d’une espérance de vie que nous souhaitons toujours meilleure pour lui. I - Mon vécu avant l’appareillage J’étais anxieuse face à l’aggravation de la cyphose chez Alexandre, surtout avec l’accentuation de l’enroulement de sa posture, celle de la tête penchée en avant. Je ressentais une culpabilité, un désir de réparation pour se rapprocher de la "normalité". Seul un acte chirurgical " l’arthrodèse " que je savais lourd de conséquences pouvait lui redonner une meilleure image à mes yeux, surtout aux yeux des autres. Quel droit, quel pouvoir m’octroyais-je sur le corps de notre fils devenu une personne adulte ??? Alors, il m’a fallu faire le deuil du fauteuil roulant simple, accepter l’idée d’un corset siège. Une année de résistance pendant laquelle l’équipe soignante a su écouter mes réticences, accueillir les mots de ma souffrance. Elle m’a accompagnée sans jamais me culpabiliser, me recentrant sur la personne d’Alexandre, sur le bien-être, le confort de vie que lui apporterait ce nouvel appareillage. Un jour d’août 1999, à l’hôpital Marin d’Hendaye, face au Dr Soudrie qui reconnaît les compétences des familles, ici mon rôle de mère, ma résistance a cédé : je consentais à l’acceptation d’un corset-siège pour R. Alexandre, avec l’exigence de pouvoir choisir une couleur sobre : noire pour le siège et le repose-pieds, rouge pour le châssis. Ainsi je restais fidèle aux couleurs qu’avaient choisies R. Alexandre lors de l’achat de son premier fauteuil roulant. Le rendez-vous avec l’orthoprothésiste fut pris immédiatement. J’assistais à la séance de moulage du corset-siège. II - Le vécu de R. Alexandre A - Avant l’installation dans le corset-siège 1. Aux repas Pour R. Alexandre, les séances de repas deviennent des cauchemars. Il a perdu le plaisir et la convivialité de la table ! 98 Je constate : - sa perte d’appétit, sa lenteur, ses difficultés à la prise des repas qu’il ne termine pas. Les complications sont : - de fausses-routes, un reflux gastro-œsophagien avec acidité, une récurrence des manifestations de la hernie hiatale avec de nombreux vomissements d’où perte de poids important, un teint pâle, une hypotonie, une grande fatigue. - il régurgite en toussant d’où quelques infections de la sphère O.R.L. et broncho-pulmonaire. - une stase salivaire et malocclusion des lèvres entraînant un bavage permanent ainsi que la sortie incontrôlée de la langue. - un transit lent favorise une constipation sévère. 2. Changement dans son comportement social - Je constate une régression psychique ; R. Alexandre ne répond plus aux sollicitations qui déclenchaient chez lui, bien souvent, un clin d’œil, un large sourire, une production de son. - il présente un repli sur soi, un visage aminique, inexpressif, déprimé, une idéation très ralentie. Il est isolé dans la vie de groupe, au sein des activités. - les sorties au restaurant se raréfient. R. Alexandre est coupé petit à petit du monde extérieur. B - Après l’installation dans le corset-siège C’est une renaissance à la vie De par le confort dans la position assise, le buste, le tronc sont maintenus par un plastron. Sa dignité humaine est retrouvée. Il exprime son envie de vivre, son visage est épanoui de bonheur, ses yeux sont pétillants, rieurs, très mobiles, très expressifs avec un brin de taquinerie. Il retrouve son appétit ainsi que le plaisir de s’alimenter et a repris une dizaine de kilos "aujourd’hui 59 kg". Il est très interactif dans la communication avec l’environnement, le groupe ; il reproduit des sons lorsque je m’adresse à lui. Il peut soutenir l’horizontalité du regard d’où une reprise de ses activités. Curieux de ce qui l’entoure, il réagit vivement aux stimulations environnementales. Très présent, il apprécie pleinement les compliments sur sa tenue vestimentaire, sur sa coiffure. Il reprend une vie sociale à l’extérieur de l’hôpital, profite des loisirs. Bonheur et dignité sont retrouvés ainsi que notre joie, à nous parents, de partager avec lui les petits moments comme les grands, tels que les déjeuners au restaurant. Finalité : vivre, mais bien vivre… même appareillé. 99 Maryse Anchordoquy Aide soignante Nathalie Laussucq Infirmière diplômée d’État Danièle Matan Cadre infirmier - Pavillon Adamski - Hôpital marin Hendaye – AP-HP Éliane Godot Association Les 2 jumeaux R. Alexandre , né le 24.01.1976 1993 : admission à Hendaye pavillon Adamski Son état se dégrade progressivement : - la tête et le tronc penchent en avant - salivation abondante : bave - tient ses mains - rétraction des jambes I - Problèmes rencontrés • Difficultés pour - les soins d’hygiène et de confort - l’habillement - l’alimentation et l’hydratation • Vomissements fréquents • Constipation opiniâtre • Isolement : - relation rendue plus difficile avec les autres résidents et le personnel - moins de participation aux activités de la vie quotidienne A - Août 1999 Objectif du moulage du corset-siège et du plastron Du fait de l’attitude cyphotique très importante avec chute de la tête en avant responsable d’un bavage important et gênant pour la relation. "À ce jour, il s’agit d’une 2ème naissance" dit la maman. Alexandre est plus éveillé et épanoui grâce à sa nouvelle installation : Les soins sont facilités : - brossage des dents - soins de peau - rasage - coiffure - soins des mains L’ergothérapeute a pu mettre en place la technique du "toucher guide". 100 Le transit intestinal est satisfaisant. La courbe de poids harmonieuse. ex : 46,7kg en janvier 1998 58,8 kg en septembre 2001 L’achat d’un fauteuil bien adapté permet d’assurer des transferts avec : - sécurité - maniabilité - efficacité - confort Cependant la manutention est délicate et pour lutter contre les lombalgies tous les membres du service ont participé a une formation de manutention et de facilitation. Il a été préconisé l’utilisation du lève-personne pour les transferts d’Alexandre. L’entretien du fauteuil est assuré par les soignants selon une planification et besoins ponctuels. La collaboration avec le moniteur d’atelier est précieuse pour les réparations. Pour faciliter la vie d’Alexandre, de ses parents et du personnel, la maman envisage l’installation d’un moteur sur le fauteuil. Depuis août 1999 le projet de vie d’Alexandre s’est considérablement transformé. L’ensemble des membres de l’équipe a contribué à l’amélioration de sa qualité de vie en lui proposant des loisirs non réalisables avant : ex : - sorties en voile - baignade dans un centre aquatique - bains de mer - sorties au restaurant - séjour vacances - sorties en calèche - voyages en avion pour séjour en famille à Paris - promenades en vélo monopousseur - activité musique avec la psychomotricienne et les aides-soignants - activité occupationnelle avec l’animatrice….. Conclusion Notre mission de soignants est valorisée et trouve tout son sens. Au-delà de la qualité de vie et des loisirs que nous proposons à Alexandre ce qui à nos yeux de soignants et à ceux de la famille est fondamental : Préserver l’image d’Alexandre 101 Dr Anne-Marie Boutin Cesap Si l’importance de la station assise pour la personne polyhandicapée est bien reconnue, on sait combien, dans de nombreux cas, elle peut être, pour elle, compromise, difficile à obtenir et à maintenir correctement en raison : • du déficit de tonus axial ; • des raideurs aboutissant souvent à des déformations fixées ; • de la motricité incontrôlée : - renforcements toniques, - schèmes d’hyperextension, - dystonie, - mouvements parasites. Cette station assise est importante pour faciliter et améliorer tout d’abord les fonctions vitales (respiration, alimentation, élimination) mais aussi, de façon variable bien sûr selon les cas et les possibilités de chacun, les "fonctions instrumentales" : un positionnement adapté qui "casse" les schèmes d’hyperextension, le maintien de la tête en bonne position, la facilitation des mouvements de rotation du tronc, lorsqu’ils sont possibles, ne serait-ce qu’au niveau des épaules, permettront une meilleure utilisation du regard et une meilleure appréhension de l’environnement. Pour tous, la station assise permet d’être plus " comme les autres " " avec les autres " et de mieux participer à la vie collective. Tout cela (à des niveaux différents selon les possibilités de chacun) favorise l’appréhension de l’environnement par la personne polyhandicapée, son action sur cet environnement et son interaction avec lui. Ce sont donc des apports essentiels à sa qualité de vie. On a vu cependant, qu’en raison des difficultés évoquées tout au long de la journée, la station assise n’est pas facile à obtenir pour bon nombre de personnes polyhandicapées et que le soutien et le maintien par un appareillage est souvent, pour elles, nécessaire. La recherche du confort doit toujours accompagner ces propositions de positionnement. L’appareillage ayant une fonction de soutien ou de maintien adaptée aux objectifs fonctionnels et de confort qui ont été évoqués, doit aussi permettre de maintenir la personne polyhandicapée dans une position qui évite l’installation et l’aggravation de déformations orthopédiques car, lorsque celles-ci s’installent, elles compromettent, souvent gravement, cette station assise, entraînant inconfort, douleurs et peuvent avoir des conséquences sévères sur les fonctions vitales. Ces objectifs " orthopédiques " entraînent un certain nombre de " contraintes ". Ces contraintes sont d’autant plus difficiles, parfois, à admettre, qu’elles sont, le plus souvent, proposées préventivement en fonction de critères évolutifs. Ces critères " prévisibles " pour les professionnels " avertis " de la rééducation ne sont pas encore " patents " au moment où les mesures sont proposées et apparaissent alors moins évidentes aux familles et autres professionnels prenant en charge la personne polyhandicapée. Des échanges sont, dans ce cas, plus que jamais nécessaires pour éviter que ces appareillages ne soient vécus surtout que comme des contraintes avec le risque d’être peu ou non utilisés. Dans certains cas, même pour les professionnels " avertis ", cette dimension " préventive " rend les indications d’appareillage et, encore plus, de chirurgie difficiles à poser et à proposer. C’est ainsi que la précarité de l’état général ou l’évolutivité connue de la pathologie causale rendent parfois les indications difficiles à poser. Mais, à ce propos, nous avons constaté, à plusieurs reprises, que certains enfants polyhandicapés ayant passé des périodes de grande fragilité qui avaient entraîné une mise au second plan de la prévention orthopédique, retrouvaient ensuite une certaine stabilité avec une amélioration de leur état général mais un état orthopédique gravement compromis aux conséquences néfastes à plus long terme. Ceci nous a amené à apprécier différemment les indications des mesures à proposer, dans certains cas cependant elles restent difficiles à évaluer. Par ailleurs, si le caractère prévisible de l’évolution peut être établi avec certitude pour certains aspects, il peut être plus contesté pour d’autres et il faut sans doute poursuivre les travaux sur ces critères évolutifs afin de pouvoir étayer encore plus finement les indications et mieux les ajuster. 102 Les installations et les appareillages sont proposés dans une visée de confort, d’amélioration fonctionnelle dans les différents aspects et de prévention orthopédique. Le "cahier des charges" est donc vaste, varié et variable d’une personne polyhandicapée à l’autre et pour la même personne polyhandicapée en fonction des différents temps de la journée : détente, sorties, jeux, repas, activités… nécessitant des positionnements adaptés différents. Tous ces aspects doivent être pris en compte dans les propositions d’installation et le fait de prioriser tel ou tel aspect de l’objectif peut être source d’incompréhension, de non-utilisation ou de conflit au sein de l’équipe de professionnels et/ou avec la famille. L’idéal serait de pouvoir proposer des positionnements différents adaptés prenant en compte tous ces objectifs de confort, fonction et prévention orthopédique et que, pour cela, les installations soient plus modulables. Si les personnes polyhandicapées sont maintenant beaucoup plus " installées " et mieux " installées " qu’il y a vingt ans, un risque apparaît, semble-t-il, surtout lorsque la personne polyhandicapée prend de l’âge et du poids, c’est que, dans ce contexte " d’installation " elle ait de moins en moins la possibilité d’exprimer sa motricité, de bouger et que cela contribue ou aggrave la perte de ses capacités motrices préservées. Cette installation peut aussi entraîner, à la longue des problèmes cutanés et douloureux pour les personnes polyhandicapées incapables de modifier elles-mêmes leurs points d’appui. Les changements de position et les mobilisations doivent donc être proposés pour rendre cette station assise plus confortable et mieux tolérée dans la durée. Si ces changements de position sont plus facilement proposés à l’enfant au cours de la journée, ils deviennent de plus en plus difficiles pour l’adolescent et l’adulte. Mobiliser les personnes polyhandicapées adolescentes ou adultes n’est pas simple ; les lève-personnes sont plus ou moins adaptés, souvent difficiles à utiliser lorsque la personne est installée dans son siège moulé ; ils atteignent parfois difficilement le niveau des tapis de sol. Des aménagements sont nécessaires pour les temps " hors " du siège moulé, aménagement permettant la détente, le changement des appuis et permettant aussi de bouger. Les changements de position, les mobilisations ne relèvent pas exclusivement des professionnels de la rééducation mais doivent être proposés, tout au long de la journée par tous les accompagnants de la personne polyhandicapée qu’ils soient familiaux ou professionnels. Il apparaît, cependant, très important d’insister sur la nécessité de mieux reconnaître et prendre en compte les besoins importants de rééducation et en particulier de kinésithérapie des personnes polyhandicapées. Il y a, actuellement, une sous évaluation de ces besoins qui s’aggrave avec l’âge et devient très préoccupante pour les personnes polyhandicapées adultes. A cette sous-évaluation des besoins s’ajoute une difficulté de recrutement de kinésithérapeutes, difficulté qui s’accentue d’année en année et aggrave encore une réelle situation de carence de soins de la personne polyhandicapée en particulier à l’âge adulte. Les kinésithérapeutes présents devant assurer l’adaptation de l’appareillage, la kinésithérapie respiratoire dont les besoins sont importants pour cette population, ont souvent très peu de temps disponible pour assurer l’entretien de la mobilité articulaire, la stimulation motrice et les autres prises en charge de kinésithérapie nécessaires à la personne polyhandicapée. Ceci peut entraîner la non-motivation ou la démotivation aggravant encore ce problème de l’accompagnement kinésithérapeutique très préoccupant actuellement. Conclusion Malgré ces difficultés, les aspects négatifs et les contraintes de l’appareillage qui ont été évoqués (matériel lourd, encombrant, contraignant, inesthétique, marqueur du handicap, cher…) cet appareillage apporte un bénéfice certain aux personnes polyhandicapées. Certaines situations très difficiles de personnes polyhandicapées adultes, mal ou non installées, nous amènent à mesurer combien cette installation est nécessaire et combien elle contribue au confort, à l’amélioration de l’interaction de la personne polyhandicapée avec son environnement et, par-là, à sa qualité de vie. Cependant, cette installation ne reste possible que si la prévention a maintenu un état orthopédique suffisamment correct pour permettre cette station assise. 103