4b - 2015-10-08 - Lycée Michelis - CR - Avec photos

Transcription

4b - 2015-10-08 - Lycée Michelis - CR - Avec photos
La section de la Somme de l’AMOPA - « Servir et Partager » - www.amopa-somme.org
Compte-rendu de la journée au LYCEE MADELEINE MICHELIS à Amiens
Hommage à Madeleine Michelis
Jeudi 8 octobre 2015
Ce 8 octobre 2015, Mr Eric Alexandre - Proviseur - accueillit 36 Amopaliens et Sympathisants au Lycée
rue des Otages à Amiens. Dans un premier temps il présenta l’historique de cet établissement de brique
et pierre créé en 1883, pour les Jeunes Filles, selon la volonté du Conseil Municipal. Le Hall d’Honneur
arbore donc non seulement le blason RF
de la République Française mais
aussi celui de la Ville. Deux plaques
rendent
hommage
à
deux
résistantes de la 2ème guerre mondiale :
Jeanne Fourmentraux, surveillante
générale, qui disparut à Ravensbrück et
Madeleine Michelis, professeur de
Lettres Classiques, qui exerça au Lycée
d’octobre 1942 à février 1944. Mr le
Proviseur précisa qu’en 2013, année du
centenaire de la naissance à Neuilly
de ce professeur, la Communauté Educative du Lycée, en partenariat avec sa nièce Mme Marie-Claude
Durand, structura un « parcours de mémoire » dans la Cour des Arts, exposant de beaux passages de sa
correspondance avec ses proches. Ils ponctuent en quelque sorte sa vie exemplaire. D’origine sociale
modeste, boursière, elle put ainsi suivre son cursus secondaire. Elle fut reçue en 1937 à l’Ecole Normale
Supérieure de Sèvres, devint agrégée en 1943.
Engagée depuis les années 30, elle perçut, mieux que d’autres, l’arrivée progressive du danger et relever
les défis de la guerre à venir. En classe, elle enseignait les beautés de la culture avec passion… Mais,
agent du réseau d’évasion Shelburn, elle permit aux aviateurs alliés abattus, à des prisonniers évadés,
des proscrits de retrouver la route du monde libre.
Sa correspondance entretient de la « drôle de guerre… de l’exode… de l’occupation, des horreurs de
l’oppression ».
Arrêtée à Amiens le 14 février 1944, transférée à Paris, suppliciée, elle mourut étranglée 3 ou 4 jours
plus tard. La présomption du suicide ne fait pas l’unanimité…
Cette exposition fut également soutenue par les partenaires : ONAC, Mairie de Neuilly, Région Picardie,
Académie d’Amiens, Conseil Général de la Somme, ville d’Amiens, CCI de Picardie, Musée de Picardie.
Notre Président
Mr Bernard Phan (Debout)
Bernard
Phan
Professeur
honoraire de Première Supérieure
au Lycée Henri IV - dans la seconde
partie de la matinée, aborda la
biographie de Madeleine Michelis
en l’intégrant à la Société Française
de son époque. Par l’Education elle
incarnait les valeurs de la
Mr Eric Alexandre
(2ème à partir de la droite)
1
République, aussi bien en tant qu’élève que professeur. Elle avait à cœur de partager une culture de
haut niveau et la poésie fût-elle au quotidien. Mr Phan rappela le système éducatif de la 3ème
République, de l’entrée en 6ème à 9 ans jusqu’au baccalauréat, le concours d’entrée en 6ème très sélectif,
de même que les critères pour obtenir une bourse. Il insista aussi sur les liens entre les lauréats d’une
même promotion des Grandes Ecoles bien après leurs études ainsi que sur le patriotisme. Il signala la
très bonne maîtrise de la langue anglaise de Madeleine Michelis, ses discussions avec des membres de
l’aristocratie britannique chez lesquels elle séjournait en tant que lectrice, la situation de plus en plus
inquiétante en Europe et le rôle de l’Angleterre. Fut évoqué aussi son militantisme puis son implication
dans la Résistance qui regroupait toutes les obédiences aspirant à la Liberté, dans une Société Française
complexe, aux espoirs déçus.
Bernard Phan évoqua par ailleurs tous ces anonymes - dont les paysans - qui aidèrent indirectement les
résistants par des dons de nourriture, des informations… Il souligna la difficulté pour Jean Moulin
d’unifier une résistance multiple et la pugnacité de De Gaulle. De nombreux résistants furent arrêtés dès
1940, la prudence était donc de rigueur dans les correspondances épistolaires, ce qui fut observé par
Madeleine Michelis qui écrivait chaque jour à ses proches (*). A titre posthume, elle fut décorée de la
Légion d’Honneur par le Général De Gaulle et reçut de très hautes distinctions de pays alliés.
Lors du « Parcours de mémoire » dans la Cour des Arts du Lycée exposant des passages de la correspondance de
Madeleine Michelis avec ses proches.
(*) - Un livre intitulé « Correspondance d’avant-guerre et de guerre » (Edition du Felin 2015) a pu être
publié par l’« Association Liberté-Mémoire » grâce à l’aide des archives du Ministère de la Défense et de
la ville d’Amiens.
Mireille Hollville - Secrétaire-adjointe
Photographies : Joëlle Duchaussoy et Internet.
Numérisation et mise en page du compte-rendu : Serge Maquet - Secrétaire
Le texte de la conférence de Bernard Phan intitulé « Le débat sur la laïcité : remise en perspective » est publié en
même temps que ce compte-rendu.
2
La section de la Somme de l’AMOPA - « Servir et Partager » - www.amopa-somme.org
LE DEBAT SUR LA LAICITE : REMISE EN PERSPECTIVE
Texte de la conférence de Bernard Phan lors de la journée au Lycée
Madeleine Michelis à Amiens, le jeudi 8 octobre 2015
La laïcité est à la mode. On rappelle que « la France est une République laïque ». D’aucuns
érigent même la laïcité au rang de « valeur de la République » alors qu’elle n’est qu’un ensemble de
dispositions juridiques. Ce discours exprime une série de changements qui affecte et inquiète
notre société. Comme on espère régler la prétendue crise de l’Ecole en invoquant la mythique «
Ecole de Jules Ferry », on encense la loi de 1905 sans s’embarrasser de savoir si elle constitue un
remède efficace à ce qu’on croit être un problème. Il peut être utile de revenir aux raisons qui
poussèrent les Français à faire le choix de la laïcité, de réfléchir à l’évolution de ce cadre juridique
dans un contexte donné, pour s’assurer que nous avons vraiment besoin d’un retour à 1905.
Origine et application initiale de la laïcité.
Après un bref épisode laïc, sous constitution de l’an III, le Consulat, ramena la France à
un régime concordataire soumettant l’Eglise au pouvoir politique pour faire de la religion un outil
de conservation sociale et du clergé une sorte de police spirituelle. Napoléon Bonaparte appelait
les évêques « mes préfets violets », à une époque où l’essentiel de la fonction préfectorale était de
maintenir l’ordre public et de veiller à ce que rien ne vînt menacer le régime en place ni l’ordre
social. Après 1815, l’Eglise devint le meilleur allié de la monarchie restaurée et pour les héritiers
de la Révolution un des principaux adversaires à combattre.
En 1848, on put croire que l’Eglise avait accepté la République, donc l’héritage révolutionnaire, et
que la hache de guerre était enterrée. En juin 1848 les masques tombèrent : malgré Lamennais,
l’Eglise était bien dans le camp de la réaction. Le suffrage universel masculin ayant été instauré,
les conservateurs redoublèrent d’efforts pour tenter d’utiliser l’autorité spirituelle de l’Eglise au
service du maintien de l’ordre social et du rétablissement de la monarchie. Les Républicains
virent alors dans l’Eglise l’obstacle majeur à l’installation de la République et firent de la fin de
l’influence politique du clergé leur priorité. En 1870, en même temps qu’elle tînt le concile
Vatican I, l’Eglise catholique publia le syllabus qui condamnait, comme créations du Malin, tout à
la fois la démocratie, le suffrage universel, le syndicalisme, le libéralisme et bien d’autres choses
auxquelles étaient attachés les Républicains. Au même moment, après la chute de Napoléon III,
la France fit à nouveau, sous Mac Mahon, l’expérience du régime conservateur fortement clérical
de l’Ordre moral.
Victorieux en 1880, les Républicains mirent tout en œuvre pour retirer à l’Eglise ce qui lui
donnait le pouvoir de formater les esprits. Le combat porta d’abord sur l’Ecole avec l’adoption
des lois de Ferry. Il n’était pas question pour autant d’empêcher les Français de croire en Dieu.
En même temps qu’était construite l’Ecole publique, laïque, gratuite et obligatoire, les instituteurs
reçurent pour consigne de ne rien dire qui pût, le moins du monde, offenser un père de famille et
le jeudi fut libéré pour que, si les parents le souhaitaient, leurs enfants reçussent une instruction
religieuse. Dans la France d’alors la foi dans la science était infinie et tous les esprits éclairés ne
doutaient pas que le progrès de la connaissance permît à brève échéance un affranchissement de
l’individu de l’emprise religieuse. Malgré le demi-échec du ralliement, tenté par Léon XIII, les
choses en seraient peut-être restées là, nombre de Républicains considérant que le régime
concordataire plus utile qu’une séparation de l’Eglise et de l’Etat. Lors de l’Affaire Dreyfus, le
1
comportement de l’Etat-Major, la mobilisation d’une large partie du clergé, dans un combat
haineux contre Dreyfus, donnèrent aux Républicains le sentiment que le régime était en danger et
qu’il convenait de briser la réaction. Cela donna des ailes aux libres penseurs, vrais athées et
adversaires de la religion. Mais la majorité des Républicains récusaient cet athéisme et n’étaient
pas tous antireligieux. Ainsi Madeleine Jaurès, la fille de Jean Jaurès, fit sa communion solennelle
et Jean Jaurès avait obtenu l’accord de sa section du parti socialiste de façon à s’éviter des ennuis
conjugaux ! Cet état d’esprit des Républicains explique les délais qui furent nécessaires pour
aboutir à la loi de 1905, qui est une loi modérée.
Cette loi visait simplement à retirer à l’Eglise sa capacité de combattre la République. La liberté
de conscience, comme celle de culte, étaient garanties. Même les processions, sous réserve de ne
pas troubler l’ordre public. Il était toujours possible de faire appel devant la justice du refus d’un
maire « laïque de combat » qui l’eût refusée.
Après sa promulgation la loi fut appliquée strictement et les règles juridiques de la laïcité furent
scrupuleusement respectées jusqu’à la Grande Guerre. L’exemple limite est probablement celui
donné par Georges Clemenceau, en tant que Président du Conseil. Apprenant que l’Eglise de
France avait décidé de faire chanter un Te Deum pour célébrer la fin de la guerre et la victoire, le
11 novembre 1918, il rappela à Poincaré qu’il était hors de question que le Président de la
République y assistât et il précisa à ses ministres que le seul fait d’être présent à Notre-Dame de
Paris reviendrait à démissionner de son portefeuille dans l’instant.
Une application moins stricte.
La Grande Guerre, sans que l’on en prît clairement conscience, atténua beaucoup
l’anticléricalisme, le sacrifice de ceux qui croyaient en Dieu ayant clairement prouvé qu’ils n’en
aimaient pas moins la France. Le retour de l’Alsace-Moselle incorpora à la France un espace
concordataire et des habitants en majorité attachés au concordat. Après plus de quatre années de
conflits et un million et demi de morts, la République pouvait-elle apparaître à ces concitoyens
retrouvés plus sectaire que le Kaiser qui, en dépit du Kulturkampf, avait maintenu le concordat
voulu par Napoléon Bonaparte ? Dès 1920 la concomitance de la béatification de Jeanne d’Arc
par l’Eglise et la décision de l’Etat d’en faire une héroïne nationale brouilla un peu plus la
perception des choses. La condamnation de l’Action Française par le Saint-Siège laissa penser que
l’Eglise n’était plus aussi hostile à la République.
On changea d’échelle avec la Seconde Guerre Mondiale. En 1940 les adversaires de la République
pensaient avoir terrassé « la Gueuse » : ce fut « la divine surprise ». Cinq ans plus tard, les tenants de
la monarchie se retrouvèrent réduits à peu de choses et, surtout, la participation des chrétiens à la
Résistance interdit dorénavant de voir dans les catholiques des ennemis de la République. Ne
survécut que le conflit entre les deux écoles. Encore s’était-il considérablement atténue si l’on en
juge par l’échec du projet de François Mitterrand d’un grand service public de l’éducation. Vu la
proportion d’élèves de confession musulmane qu’elle accueille, est-il d’ailleurs encore possible de
considérer comme strictement « catholique » l’Ecole privée ?
La pratique de la laïcité, les modalités d’application des règles découlant de la loi de 1905,
avaient considérablement changé dans le sens de l’atténuation, voire de l’oubli ou de la violation
de certaines règles. Depuis le mandat de Valery Giscard d’Estaing au moins, tout le personnel
politique, tous partis confondus, se presse au banquet annuel du CRIJF. De droite comme de
gauche, des ministres, à commencer par le Premier d’entre eux, assistent à Rome à des
canonisations. Un Président de la République n’hésite pas à déclarer au Vatican, devant le Pape,
que le prêtre est au-dessus de l’instituteur en ce qui concerne l’enseignement de la morale.
Aucune de ces entorses à la laïcité ne suscite de réaction d’importance. Peut-on alors encore, sans
se couvrir de ridicule, proclamer que la France est une République laïque et espérer être pris au
sérieux ?
2
Un autre débat.
Pourquoi, aujourd’hui, ces appels réitérés à la laïcité ? La société française a changé du fait
d’une immigration croissante, depuis la fin du XIXe siècle, de populations jadis colonisées. De ce
fait le paysage religieux français s’est enrichi d’une nouvelle confession, l’Islam. Certes des
musulmans étaient présents en France depuis le XIXe siècle, mais ils le sont bien plus
significativement depuis 1945. Parallèlement, le caractère dominant du christianisme s’affaiblissait
du fait d’une forte sécularisation des Français de confession chrétienne et tout particulièrement
catholique. Ils ne sont plus que 60 % à se déclarer catholiques et seulement 6 % d’entre eux
respectent l’obligation de la messe hebdomadaire ! Moins pratiquants au milieu de minorités qui
affichent leurs croyances, nos concitoyens déstabilisés imaginent le renforcement de la laïcité
comme une solution à une inquiétude confuse. Le paysage religieux français s’est modifié mais la
laïcité n’est pas pour autant remise en cause. Et si elle l’est cela n’a rien à voir avec le combat laïc
initial. Il n’y a pas, du moins pour l’instant, de conflit politique entre Islam et République. Plutôt
situé à gauche, pour autant que l’expression ait encore un sens, le vote des Français musulmans
ne menace en rien la République. Jusqu’à nouvel ordre l’écrasante majorité des Français
musulmans ne posent aucun problème à la puissance publique et ne menace pas l’ordre public.
Nonobstant la tendance de la majorité des musulmans à se séculariser deux points
suscitent des débats. D’abord des sujets alimentaire et vestimentaire, surévaluées, qui devraient se
régler à terme. L’élévation du niveau d’instruction de la fraction musulmane de la société
française, devrait lui permettre de prendre du recul par rapport aux prescriptions coraniques.
Combien de Français, contraints jeunes de manger du poisson chaque vendredi au point d’en être
dégoûtés pour le reste de leurs jours, font encore maigre ? Une catholique qui n’aurait jamais
envisagé de pénétrer dans une église la tête et les épaules nues, voit sa petite-fille aujourd’hui
s’étonner si on lui interdit d’y entrer en cheveux et en maillot de bain ! Il faut par ailleurs que la
société française réfléchisse sérieusement à la responsabilité qu’elle porte dans la diffusion de ces
pratiques vestimentaires dont certains sociologues nous disent qu’elles constituent de la part des
plus mal lotis des « jeunes issus de l’immigration » une réponse au sentiment d’exclusion qu’ils
ressentent. Rejetés comme arabes, ces citoyens français s’habillent ostensiblement en arabes !
Ensuite les lieux de culte posent la question de l’application de notre législation. La loi garantit la
liberté de culte ce qui suppose d’en avoir les moyens. Nous ne pouvons donc pas interdire la
construction de mosquées. Si l’Etat ne peut pas en assurer le financement, selon certains, du fait
de la loi de 1905 il y aura une rupture d’égalité puisque la République assure à ses frais l’entretien
des lieux de culte dont elle est propriétaire et qu’elle met à disposition des chrétiens. Or nous
invoquons sans cesse notre attachement à l’égalité de tous les citoyens !
Par contre les Imams doivent se soumettre aux mêmes règles que celles imposées aux curés,
rabbins ou pasteurs, après 1905. Ils doivent prêcher en français et tout propos incompatible avec
les intérêts et les lois de la République doit être sanctionné immédiatement et fermement.
Il est malheureusement plus difficile de discuter de toutes ces questions avec les musulmans
qu’avec les chrétiens faute d’interlocuteur. Faute de clergé et de hiérarchie, le ministre des Cultes
est toujours en quête d’un partenaire fiable.
Si problème il y a du fait de la présence de musulmans en France, il devrait trouver sa
solution avec l’élévation du niveau d’instruction. Seule la connaissance peut libérer ces femmes et
ces hommes, parfois encore analphabètes, du littéralisme aliénant. Lorsque le niveau d’instruction
des musulmans aura rejoint celui de la majorité des adeptes des autres confessions le processus de
sécularisation ne devrait plus rencontrer d’obstacle à son développement. Cela demande du
temps, donc de la patience et impose d’éviter les procès d’intention.
3