Dossier d`accompagnement Rétrospective Babou

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Dossier d`accompagnement Rétrospective Babou
Dossier pédagogique
pour le 1er et le 2nd degrés
rétrospective babou
« chromoscopie d’iconophile »
1er février - 27 avril 2013
frac aquitaine
Rencontre enseignants : mercredi 6 février, 14h
Invitation au voyage
Babou
Babou, de son vrai nom Christian Baboulène
(1946-2005), étudie à l’école des Beaux-arts
de Bordeaux de 1963 à 1969, et entre dans
la collection du Frac Aquitaine en 1984. La
peinture est le médium exclusif de cet artiste,
attaché à une technique rigoureuse de peintre
et très grand coloriste par ailleurs.
Commissariat : Mathieu Mercier
Exposition réalisée en collaboration avec la
famille de Babou et des collectionneurs privés
Üsküdar, Mihrimah Camii I,
(Turquoises), 2001
Collection particulière
Cette exposition peut s’envisager comme
un voyage sensible au cœur de l’imaginaire
du peintre Christian Baboulène dit Babou.
Un imaginaire bousculé et revisité par le
commissaire d’exposition* Mathieu Mercier, également artiste, familier du peintre
lors de ses études à l’école des Beaux-arts
de Bourges, où celui-ci enseignait. Il propose ici de contourner la dimension sérielle du travail de Babou, au profit d’une
scénographie* qui se joue du temps et
exploite toutes les possibilités que lui offre
l’espace du Frac Aquitaine. Mathieu Mercier procède ainsi à une « chromoscopie
d’iconophile »*, une relecture amoureuse
des images colorées de Babou.
Infos pratiques
Hangar G2
Bassin à flot n°1
Quai Armand Lalande
33300 Bordeaux
Du lundi au vendredi, 10h-18h
Le samedi, de 14h30 à 18h30
Entrée libre
Ce dossier d’accompagnement propose aux enseignants des éléments factuels concernant l’artiste, son œuvre et l’exposition présentée au Frac Aquitaine. Il contient également des pistes de réflexion à exploiter après la visite,
et propose aussi des ponts vers d’autres disciplines ou d’autres époques. La
thématique du voyage envisagée dans ce document permet d’aborder de manière ludique la diversité et la singularité de l’univers de Babou.
Hangar G2, Bassin à flot n°1 — Quai Armand Lalande — 33 300 Bordeaux — France
Tél. +33 (0)5 56 24 71 36 — Fax. +33 (0)5 56 24 98 15
www.frac-aquitaine.net
Association loi 1901 — siret 327 946 471 00031 — ape 923 ao
Le Fonds régional d’art contemporain-Collection Aquitaine est financé par le Conseil régional d’Aquitaine et l’état
(Ministère de la Culture et de la Communication - Direction régionale des Affaires culturelles d’Aquitaine).
Avec le soutien de la Ville de Bordeaux.
Préparatifs
Tout voyage débute par une phase préparatoire indispensable. Quelle destination ?
Avec qui ? Par quels chemins ?
La méca, maison de l’économie créative
et de la culture en aquitaine
Passerelle d’embarquement > Le Frac Aquitaine
Frac ? Fonds régional d’art contemporain. Pourquoi Aquitaine ? Car il existe un Frac
dans chaque région. Qui le finance ? Le ministère de la Culture et de la Communication + le Conseil régional d’Aquitaine. Depuis quand ? 1982. Dans quel but ? Soutenir
la création contemporaine afin de la porter à la connaissance du plus grand nombre.
Comme un musée ? Pas tout à fait ! Quelle est sa spécificité ? Le Frac constitue
une collection en achetant tous les ans des œuvres pour la diffuser sur l’ensemble
de l’Aquitaine en priorité mais aussi à l’échelle nationale et internationale ; les expositions se déploient dans des structures culturelles ou tout autre lieu accueillant du
public (médiathèque, établissement scolaire, université…). Le Frac initie, ou organise
avec des partenaires, des actions culturelles et éducatives autour de la collection.
Aujourd’hui ? Les Frac implantés dans chaque région ont rassemblé un patrimoine
vivant et représentatif des formes contemporaines les plus variées. Enrichie tous les
ans grâce au soutien de ses tutelles, la collection du Frac Aquitaine comprend aujourd’hui plus de 1 100 œuvres représentatives des années 1960 à nos jours. Peinture,
dessin, sculpture, mais aussi photographie, vidéo, installation… Il se situe aujourd’hui
près des bassins à flot. Demain ? Le Frac Aquitaine sera implanté en 2016 près de
la gare Saint-Jean au cœur du futur quartier de Bordeaux Euratlantique. L’agence
d’architecture danoise BIG - Bjarke Ingles Group -, associée à FREAKS-Paris, a été
sélectionnée pour réaliser la méca, maison de l’économie créative et de la culture
en aquitaine. Lieu de créativité, de diffusion et d’échange, le site accueillera le Frac
Aquitaine, ainsi que les agences régionales OARA (Office Artistique de la Région
Aquitaine) dédiée au spectacle vivant et ECLA (Écrit, Cinéma, Livre, Audiovisuel)
dédié aux industries culturelles.
Afin d’appréhender ce qu’est le Frac avant de venir, il est possible de télécharger
sur son site la vidéo réalisée par Geörgette Power :
www.frac-aquitaine.net/le-frac-expliqu%C3%A9-aux-enfants
Style « Méditerranée III ». Perspective
13, (Résidences de prestige), 1973
Collection particulière
Destination > l’univers d’un peintre, Babou
Les peintures de Babou présentées dans cette exposition, révèlent à la fois la
grande diversité des sources d’inspiration de cet artiste et l’étonnante cohérence
d’une œuvre qui court sur près de 35 années.
Babou (1946-2005) débute sa carrière en choisissant le camp de la figuration. Il y restera toujours fidèle. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, en France
s’affrontent en effet deux courants radicaux mais diamétralement opposés. L’un pratique un art plutôt conceptuel ou abstrait (comme le groupe Support-Surface* par
exemple), l’autre revendique la figuration à travers des thèmes s’inscrivant dans la
modernité. Cette dernière tendance est incarnée par un ensemble d’artistes que l’on
a regroupés sous l’appellation Figuration narrative*. Babou partage avec eux l’ambition de révéler, à travers la représentation d’éléments empruntés au réel, les dérives
de la société de consommation ou l’esprit « petit bourgeois » de certaines classes
sociales. La dimension politique, ou au moins critique, affleure dans ses premières
réalisations. La série* Résidences de prestige en témoigne, en dénonçant à la fois
la notion de propriété et le mensonge de ces images idéalisées issues de catalogues
commerciaux. Son vocabulaire plastique, déjà bien élaboré dans ces œuvres précoces, se distingue notamment par un mélange subtil de réalisme et de stylisation
qui accentue l’aspect factice de ces maisons de « rêve ». Les grilles, les clôtures ou
les barrières qui animent le premier plan de certaines d’entre elles, évoquent aussi
bien l’obsession sécuritaire de leurs résidants, que la dimension carcérale de ces résidences pavillonnaires.
L’illusionnisme de la peinture est aussi dénoncé par le traitement des surfaces décrites en aplat*, la sècheresse du dessin, la simplification des formes et le recours
occasionnel au procédé du shaped canvas*, ou « tableau découpé », qui rappelle les
œuvres de Frank Stella notamment. Les points de vue adoptés sont aussi signifiants.
Frontale, la maison se réduit à un décor de théâtre, de trois quarts, les lignes de fuite
simulent une profondeur aussitôt contredite par la technique que Babou qualifie luimême de naïve.
Le caractère sériel* de ce travail, qui va devenir son mode opératoire, traduit le souci
de Babou d’exploiter son sujet jusqu’à épuisement. Chez lui, une série chasse l’autre,
comme pour affirmer sa liberté vis-à-vis du sujet.
Après cette série, Babou semble quelque peu délaisser les préoccupations politiques
pour ne plus s’intéresser qu’à la forme et la couleur. La rigueur, l’application presque
maniaque dont il fait preuve dans son travail, visent à produire des images d’une
impeccable lisibilité, et d’une profonde sérénité.
Il entame ensuite un travail consacré aux Ornements, constitué de vues de détails
d’éléments architecturaux. Encore une fois, Babou ne procède pas à une observation
directe de la réalité, mais passe par l’intermédiaire d’un document, puisant ses formes
dans d’anciens albums d’ornements. Il conserve la précision des dessins originaux, y
applique des couleurs souvent traitées en camaïeu* et choisit des cadrages très serrés
qui libèrent les objets de leur fonction utilitaire. Les lucarnes, les balustrades, les épis
de faîtage, les grilles mitoyennes deviennent des formes uniquement décoratives que
Babou exploite pour leur rondeur, leur profil effilé ou accidenté. L’abstraction est parfois proche mais jamais complète. Babou joue dangereusement avec cette idée de basculement, mais son attachement à la figuration l’emportera toujours. En revanche, il
est remarquable de constater que la figure humaine est presque entièrement absente
de ses représentations.
Les séries suivantes Dômes et Gargouilles, puis Ornements animaliers creusent
le même sillon sauf que la couleur semble prendre le pas sur le dessin. Les motifs,
toujours rendus avec une grande précision, sont recouverts d’une sorte de voile qui
affadit les couleurs et gêne la lecture des détails.
Lucarne de face, dôme à pans (Dômes), 1977
Collection particulière
Entre 1982 et 1984, Babou s’intéresse aux terrains de sport à travers une série qui s’intitule Surfaces de réparation. Au football, la surface de réparation c’est ce rectangle
situé devant les buts qui délimite une zone dans laquelle le gardien est autorisé à
s’emparer du ballon avec les mains. Si une faute est commise dans cette zone, l’arbitre
siffle un penalty.
Ce qu’affirme Babou dans cette série, c’est qu’un tableau est avant tout une surface
plane recouverte de couleurs. Cette notion de planéité est accentuée par la façon dont
il agence les formes, par grandes masses s’imbriquant les unes dans les autres, et par
la facture « léchée ».
Le choix de cadrages serrés sur des cours de tennis, des parcours de golf ou des pistes
d’athlétisme, nous met paradoxalement dans la position du voyeur et non du spectateur, puisque ces lieux ne sont visibles qu’à travers la trame régulière d’un grillage.
Babou joue ici sur l’ambiguïté d’un espace à la fois ouvert et clos, d’un lieu de liberté
soumis à de strictes limites spatiales.
Moins ludique, la série Entraves, qu’il débute en 1984, présente des instruments de
harnachement, des brides et autres muselières, destinés aux chevaux. L’animal est
bien reproduit, mais sa silhouette semble s’estomper au profit des formes complexes
de ces entraves représentées, elles, de manière plus lisible. Les couleurs sont arbitraires et paraissent traduire une image en négatif. Ce travail est particulièrement fin,
tout en nuance. L’acidité des couleurs accentue l’étrangeté de ces œuvres.
Faudoas, (Bastides), 1990
Collection particulière
Deux autres séries majeures vont occuper l’artiste à la fin de sa carrière, les Bastides
et les Clusters*.
La série des Bastides démontre l’attachement de Babou à un territoire, et sa faculté
à renouveler de manière spectaculaire la vision d’un univers pourtant familier. Ici, ce
sont les contrastes d’ombre et de lumière qui l’intéressent. Le thème des arcades, qui
bordent les places carrées des bastides, est l’occasion d’éclairages violents, presque
aveuglants. Placé dans l’ombre, le spectateur observe les zones lumineuses qui se
découpent nettement le long des galeries couvertes. Les détails, parfois précis, s’évanouissent la plupart du temps sous l’action du soleil ou de l’obscurité, pour laisser
place à des volumes simplifiés.
Enfin, la série Clusters, inspirée de cartes géographiques, replonge l’artiste dans sa
jeunesse, puisqu’au début de sa carrière Babou a exercé le métier de cartographe.
L’objet familier s’éloigne ici, à tel point que les habitations (résidences de prestige ?
bastides ?) se réduisent à quelques points sombres agglutinés au centre de la composition. De cet agrégat partent des lignes sinueuses (réseaux de routes, chemins, cours
d’eau...), dont certaines épousent les courbes de niveau qui simulent les reliefs du
territoire. Respectant les conventions de la cartographie, ces différences d’altitudes
sont signalées par une gradation colorée. Le camaïeu très subtil qui naît de cette
contrainte de représentation procure à ces œuvres une douce harmonie, une sérénité,
favorable à l’exploration patiente de ce territoire. La représentation frontale adoptée
pour les séries précédentes s’est ici transformée en un point de vue zénithal.
L’œuvre de Babou témoigne donc d’un travail patient, appliqué, voire têtu pour
produire des images d’une limpidité étonnante, mais qui n’empêche pas la complexité.
Deux chaises, 1998
Collection particulière
Un voyage, mais avec qui ? > Mathieu Mercier, artiste et commissaire
d’exposition
Le Frac Aquitaine a choisi de faire appel pour concevoir cette exposition à Mathieu Mercier.
L’art de Mathieu Mercier, qui passe aussi bien par la peinture, la sculpture, la vidéo
ou l’installation, met notamment en évidence les relations entre l’objet de consommation et l’objet d’art. L’objet étant pour lui avant tout une forme, rien d’étonnant, par
exemple, à ce qu’une de ses œuvres mette en scène une reproduction peinte en blanc
d’une célèbre chaise De Stijl* de Gerrit Rietveld conçue en 1918, à côté d’une vulgaire
chaise de jardin contemporaine. Bon gré mal gré, ces deux chaises que tout oppose,
cohabitent, et cette juxtaposition nous invite, après une série de va-et-vient d’un objet
à l’autre, à multiplier les réflexions contradictoires. L’œuvre de Rietveld, ainsi « déclassée », perd son avantageux statut artistique et retrouve sa fonction utilitaire, alors
que la chaise de jardin, en flatteuse compagnie, redevient forme et potentiellement
intéressante du point de vue plastique. La question de la valeur – historique, commerciale, artistique – de l’objet est ainsi brillamment reposée à travers un dispositif d’une
apparente simplicité mais redoutablement efficace.
Mathieu Mercier pose un regard neuf, vierge de tout stéréotype sur les choses qui
nous entourent, et cette candeur revendiquée, qui se matérialise à travers ses œuvres,
nous force à nous débarrasser de nos propres clichés et certitudes.
En ce qui concerne l’exposition Rétrospective* Babou « chromoscopie d’iconophile », son ambition, dès l’origine du projet, a été de présenter l’œuvre de Babou
de manière éminemment subjective. La méthode de travail de celui-ci possède
une forte dimension sérielle qui reflète son souci d’exploiter un sujet jusqu’à son
épuisement. Jusque-là, ses expositions étaient conçues comme des enregistrements de son travail en cours ou présentant telle ou telle série. Or, si une rétrospective chronologique permet de présenter une évolution, elle peut en revanche
ignorer les constantes, les obsessions, les paradoxes aussi qui traversent l’ensemble d’une œuvre et qui ne se révèlent qu’à l’occasion d’une confrontation qui
dépasse les rapprochements temporels.
Ainsi, si presque toutes les séries sont évoquées dans cette exposition, les peintures
choisies par Mathieu Mercier dialoguent entre elles sans tenir compte de leur date
de création. Sa liberté est totale et revendiquée. Les rapprochements sont essentiellement thématiques – la ville, le sport, l’érotisme –, et sont parfois enrichis par des
œuvres qui révèlent la méthode de travail du peintre, comme le dessin préparatoire
Épi boule à pointe, accroché sur le pilier près de l’accueil. De la même manière, le dialogue peut aussi naître entre les œuvres et leur environnement physique. Une ligne
de fuite représentée dans un tableau peut ainsi prolonger la véritable perspective
d’une paroi, ou l’arête d’une cimaise. Des cimaises d’ailleurs mises en concurrence
avec d’autres éléments fixes ou potentiellement mobiles qui accueillent aussi certaines œuvres. Les rayonnages de la documentation, par exemple, sont rendus partiellement et temporairement inopérants, mais bénéficient en contrepartie du privilège
de mettre en valeur la Grande composition, de la série Ornements.
Trou et balle de golf 3, (Surfaces de
réparation), 1983
Collection Frac Aquitaine
Par quels chemins ? > En choisissant un point de vue
L’art de Babou a ceci de remarquable qu’il ne cesse d’offrir des images ambivalentes. Ce sont ces contradictions, aussi bien techniques que thématiques, qui
rendent ces représentations particulièrement intéressantes, mais aussi troublantes.
- Ainsi, la peinture de Babou est profondément figurative et pourtant les cadrages
choisis, les couleurs utilisées, parfois arbitraires, et les motifs représentés « flirtent »
avec l’abstraction.
- Les objets chez Babou sont rendus de manière à la fois réaliste et stylisée.
- La présence d’objets du quotidien rend plus criante l’absence de la figure humaine.
- La série Surfaces de réparation met en scène des espaces à la fois ouverts et clos.
- L’univers familier chez Babou devient étrange par la stylisation et le cadrage.
Focus / S’attarder sur quelques
œuvres de Babou
> Style course, 1970
Acrylique sur toile
82 x 162 cm
Collection particulière
Style course, 1970
Collection particulière
La Trahison des images, 1929
Collection Art Institute of Chicago
À bicyclette…
En pénétrant dans l’espace du Frac Aquitaine, nous sommes accueillis par un tableau
posé au sol représentant une bicyclette. Le sujet est simple, voire banal, et correspond
aux recherches de Babou durant cette période. Des recherches tournant autour de
l’objet du quotidien qui a le mérite d’être là, à portée de main. C’est aussi l’occasion
pour lui d’évoquer cet objet éminemment populaire qui suggère le mouvement et la
vitesse. Le cadrage est particulier puisque les bords du tableau semblent éprouver
des difficultés à contenir l’entièreté de cette bicyclette dont la selle et le guidon sont
invisibles. Difficile donc d’enfourcher le vélo de Babou qui pourtant, comme l’indique
une photographie ancienne, s’est amusé à esquisser ce geste. Ce trait d’humour est
aussi signifiant, puisqu’il démontre les liens qu’établit l’artiste entre la représentation
et la réalité. Cette représentation précise, soignée, est parasitée par le cadrage qui
entame l’image et dénonce l’illusionnisme de la peinture. On sait, par ailleurs, que
Babou a songé à fixer une véritable pédale sur la toile, poussant plus loin cette idée de
réalisme. Ce projet avorté, mais exploité dans d’autres tableaux (cf. Camping : cravate),
aurait fait glisser l’œuvre dans le domaine du tableau-objet et l’aurait fait dialoguer
avec des prédécesseurs célèbres comme Picasso, Marcel Duchamp ou des représentants du Pop art tel Robert Rauschenberg et ses Combine paintings.
Pistes à explorer après la visite :
Premier degré :
• Pistes de réflexion/questionnements
Pour cette œuvre, Babou a utilisé un objet du quotidien, le vélo, qui devient le sujet
principal de sa composition.
- Est-il fréquent que les artistes choisissent des objets de la vie quotidienne comme
sujet principal de leurs œuvres ?
- À quelles époques ?
- Quels objets issus de la vie quotidienne voit-on le plus souvent représentés ?
- - Possibilité de constituer une collection d’images personnelle ou un musée de
classe, regroupant des œuvres ayant pour sujet principal des objets du quotidien.
• Approche plastique
Babou représente ce vélo de manière très réaliste. Il a été pris en photo appuyé sur sa
toile, comme s’il allait enfourcher son vélo. Mathieu Mercier raconte que Babou avait
également eu l’idée d’intégrer une véritable pédale de vélo à son œuvre.
À partir d’une reproduction d’une œuvre picturale, qui pourrait être choisie dans la
collection d’images, choisir des objets réels à y intégrer et trouver le moyen de les
fixer (collage, fil de fer, ficelle, pâte à fixer, etc.), afin de jouer entre la représentation
de l’objet et l’objet réel.
Second degré :
• Liens avec l’histoire de l’art
- René Magritte : La Trahison des images
René Magritte (1898-1967), peintre célèbre du surréalisme belge, a lui aussi beaucoup
joué sur l’ambiguïté de la représentation de l’objet et l’objet réel. Cette idée a jalonné
une grande partie de sa production et l’œuvre la plus emblématique est certainement
La Trahison des images (1929, huile sur toile, 62 x 81 cm, Art Institute of Chicago,
Chicago). Cette œuvre représente une pipe peinte de manière très réaliste et sous
celle-ci, nous trouvons l’inscription « Ceci n’est pas une pipe ». Le titre de l’œuvre
nous confirme l’intention de Magritte, nous sommes trahis par cette image qui nous
propose une pipe, mais qui ne reste qu’une représentation de la réalité et non l’objet
réel. Nous ne pourrions en aucun cas la fumer, tout comme Babou ne pourrait pas
enfourcher son vélo.
- Marcel Duchamp : Roue de bicyclette
Marcel Duchamp (1887-1968) est une figure mythique de l’art contemporain, qui a
bouleversé le monde de la création dans un esprit de contestation et d’ironie. Il est
certainement l’artiste le plus célèbre ayant appartenu au mouvement Dada.
Lui aussi va s’emparer de l’objet du quotidien dans son art, mais à la différence de
Babou, il ne représente pas cet objet, il l’intègre directement à son œuvre.
C’est ce que l’on voit avec Roue de bicyclette (1913, réplique en 1964, métal et bois
peint, Centre Pompidou, Paris), pour rester dans le thème du vélo, qui est la première
œuvre de ce type, que Duchamp nomme les « ready-made », qui pourrait se traduire
par « tout prêt ». Cet objet est dénué de toute utilité fonctionnelle, c’est une simple
roue de bicyclette montée sur un tabouret, qui n’a subi aucune transformation de la
part de l’artiste. Cette œuvre, et plus largement, les ready-made de Marcel Duchamp,
proposent donc une radicale remise en cause de la création artistique.
Grande composition, (Ornements), 1977
Collection particulière
> Grande composition, (Ornements), 1977
Acrylique sur toile
54 x 891 cm
Collection particulière
Vues des toits…
Cette Grande composition est caractéristique de l’art de Babou qui à la fin des années
1970 semble déjà posséder les « fondamentaux » de son vocabulaire plastique. Encore
une fois le cadrage est insolite puisque cette vue panoramique ne s’attarde que sur
les toitures d’édifices qui demeureront pour nous énigmatiques. Les profils de ces toitures, qui scandent de manière irrégulière la composition, se détachent avec netteté
sur le fond bleuté du ciel. Ce goût du détail, cet attachement aux éléments architecturaux et cette quasi monochromie qui baigne l’image, soulignent l’importance du
dessin chez Babou. Mais la monochromie n’empêche pas les nuances, et les effets
d’ombre et de lumière qui révèlent la surface complexe de ces toitures témoignent
d’un travail long et minutieux qui se rapproche de la tradition du dessin industriel.
Le support sur lequel est fixée cette œuvre, à savoir les rayonnages de la documentation du Frac Aquitaine, joue sur cette idée de linéarité et propose une scénographie
inédite qui intègre la spécificité du lieu à celle de Babou.
> Grille mitoyenne, balcon II, (Ornements), 1976
Acrylique sur toile
146 x 187 cm
Collection particulière
Grille mitoyenne, balcon II, (Ornements),
1976
Collection particulière
À travers cet exemple, lui aussi issu de la série Ornements, on s’aperçoit que Babou
exploite toutes les possibilités graphiques de ces détails d’architecture qui peuplent
notre univers urbain. Ces grilles mitoyennes, destinées à décourager toute tentative
d’intrusion par les balcons des appartements bourgeois, offrent des motifs formidables pour un peintre à la recherche de formes originales et suggestives. Ici, le passage de la forme carrée à la forme circulaire se produit harmonieusement, avec douceur, puis, les cercles concentriques se hérissent de pointes agressives et dynamiques,
dont le rayonnement est une nouvelle fois stoppé par les bords du tableau.
Pistes à explorer après la visite :
Premier degré :
• Pistes de réflexion/questionnements
Pour cette série intitulée Ornements, Babou ne représente que des détails d’architecture.
- Définir le terme « ornement »
- Qu’est-ce que le détail ?
- Trouver des ornements qui ne sont pas forcément liés à l’architecture
- - Possibilité de constituer une collection d’images personnelle ou un musée de
classe, regroupant des images ou des découpages présentant uniquement des détails.
• Approche plastique
Bien souvent, dans la réalité, nous ne remarquons pas les ornements d’architecture
que Babou a isolés dans ses œuvres. Notre regard glisse sur l’ensemble et ne s’arrête
que peu souvent sur les détails d’une architecture.
Une sortie de classe pourrait être organisée, dans Bordeaux par exemple, qui regorge
d’architectures du XVIIIe siècle abondamment ornées (cours Xavier Arnozan par
exemple), afin de retrouver ces détails d’ornements peints par Babou et d’en découvrir d’autres.
Avant la sortie, un « viseur », une feuille de papier un peu rigide percée d’une fenêtre,
peut être préparé en classe. Il guidera le regard des enfants afin de les aider à isoler
les détails sur les façades des monuments.
Des photos des détails pourront être prises afin d’augmenter la collection d’images.
Second degré :
• Lien avec un musée de la région
Musée Goupil, 20 cours Pasteur, 33000 Bordeaux. Responsable des collections :
Régine Bigorne.
Le musée Goupil, aujourd’hui intégré dans les murs du musée d’Aquitaine, conserve
le fonds de la maison Goupil, dynastie d’éditeurs d’art parisiens actifs de 1827 à 1920.
Les collections se répartissent en trois domaines : estampes, photographies et archives. Le matériel nécessaire à la production des images : cuivres gravés, pierres lithographiées, négatifs photographiques sur plaque de verre, presses lithographiques
et taille douce vient compléter cette iconographie.
Les collections permettent à la fois d’avoir un panorama de l’art et du goût du XIXe
siècle, mais aussi de découvrir tous les procédés de reproduction utilisés à cette
époque.
Les collections du musée Goupil permettent de comprendre les premiers pas de la
diffusion de masse des images à l’échelle internationale. Elles proposent ainsi une
étonnante plongée dans le monde des images, au moment où celles-ci commençaient
à circuler à travers le monde.
Pour réaliser cette série Ornements, Babou a notamment utilisé des catalogues à
l’usage des couvreurs. Avant d’être des photos imprimées dans des catalogues, ces
ornements étaient minutieusement dessinés par des artistes, dans ce même but de
diffusion des formes, pour les professionnels.
C’est ce que nous pouvons découvrir au musée Goupil, avec notamment les lithographies réalisées par Jean-Baptiste Tripon, qui étaient destinées à illustrer l’Encyclopédie des Arts et Métiers, en 1855. Ces lithographies auraient pu servir de sources à
Babou pour sa série Ornements.
En illustration deux exemples de ces lithographies :
- Jean-Baptiste Tripon, « L’Art du serrurier.
Heurtoir de porte avec entourage en fer repoussé »,
Encyclopédie des Arts et Métiers, pl. 30, lithographie, 1855,
Collection Musée Goupil, Bordeaux
© Mairie de Bordeaux, photo Lysiane Gauthier
- Jean-Baptiste Tripon, « L’Art de l’architecte, n° 9.
Détails de l’ordre corinthien »,
Encyclopédie des Arts et Métiers, pl. 63, lithographie, 1855,
Collection Musée Goupil, Bordeaux
> Castelfranc, 1/2 500 (Clusters), 2002
Acrylique sur toile
100 x 50 cm
Collection particulière
Castelfranc, 1/2 500 (Clusters), 2002
Collection particulière
Masculin/féminin
La série des Clusters est plus récente. Babou se fait ici cartographe, métier qu’il a
exercé un temps, et propose à travers le relevé d’éléments topographiques précis, une
image quasi abstraite et d’une grande sensualité. En effet, en se détachant d’une lecture informative d’une carte géographique, les courbes de niveau ne sont plus que des
courbes, les lignes sinueuses des cours d’eau deviennent des arabesques et les amas
d’habitations, de simples formes géométriques. Dans Castelfranc, le choix des couleurs (un camaïeu de rose) et les formes suggérées insistent sur la sensualité insoupçonnée de ces documents.
> Camping : cravate, 1970
Fil, tissu et acrylique sue toile
27 x 35 cm
Collection particulière
Camping : cravate, 1970
Collection particulière
Ce drôle de tableau a été conçu au début de la carrière de Babou. Encore une fois, les
chronologies se télescopent. Ni tout à fait une peinture, ni tout à fait une sculpture, cet
objet hybride traduit les recherches incessantes de Babou qui, même en vacances, ne
peut s’empêcher d’expérimenter. La représentation et le réel sont ici mêlés, à travers
l’évocation d’une chemise bariolée sur laquelle Babou a fixé une véritable cravate.
L’illusionnisme de la peinture est encore ici troublé par l’intervention du réel.
Pistes à explorer après la visite :
Second degré
• Lien avec d’autres domaines
Avec la série Clusters de Babou, nous nous situons dans le domaine de l’urbanisme,
qu’il met en lien avec son métier de cartographe et qu’il revisite avec son regard d’artiste.
Ce mot anglais, « cluster », signifie groupe. Dans le domaine de l’urbanisme cela correspond à une unité urbaine dont les activités sont homogènes. Et ce terme s’utilise
dans de nombreux domaines différents, par exemple :
- en musique : un cluster est un groupe de sons voisins qui sont espacés d’un intervalle d’une seconde. Sur un instrument de musique à clavier, le cluster peut-être exécuté des doigts, du poing, du tranchant de la main.
Le compositeur Français Maurice Ohana (1913-1992) utilisait des clusters précis, qu’il
appelait les clusters de couleur, qui consistaient à utiliser sur un piano un ensemble
de touches noires ou de touches blanches en fonction de l’effet désiré.
Le groupe Pink Floyd a composé un morceau intitulé Cluster One, un morceau instrumental présent sur l’album intitulé The division bell de 1994.
- en physique/chimie : un cluster est utilisé pour désigner soit un groupe d’atomes liés
chimiquement entre eux, soit un groupe d’électrons.
- en informatique : un cluster est un groupe d’au moins deux serveurs, appelé aussi
nœud.
> Jeu de paume (Surfaces de réparation), 1984
d’après un croquis et une étude de David, 1791
Acrylique sur toile
155 x 230 cm
Galerie Krief, Paris
Jeu de paume (Surfaces de réparation), 1984
d’après un croquis et une étude de David, 1791
Galerie Krief, Paris
Le Serment du jeu de Paume, 1791
Collection musée national de Versailles
L’art de la citation…
Située dans une des zones de stockage du Frac, cette œuvre engage un double dialogue, avec l’histoire d’une part mais aussi avec l’architecture. Le lieu représenté et
le point de vue choisi font référence à une esquisse du peintre Jacques-Louis David
(Paris 1748- Bruxelles 1825), intitulée Le Serment du jeu de Paume (1791, plume et encre
sur carton, 66 x 101,2 cm, Musée national de Versailles). Ce peintre néoclassique fait
preuve dans cette œuvre, qui retrace un épisode célèbre de la Révolution française,
d’un tempérament plus romantique pour retranscrire l’exaltation de ce moment particulier de l’histoire. Babou s’est débarrassé des personnages (la figure humaine l’intéresse peu), pour ne conserver que l’architecture. Sous son pinceau, le lieu retrouve
sa fonction d’origine, à savoir une salle de sport. Si Babou ne retient pas la ferveur
romantique de David, il conserve en revanche sa rigueur, voire une certaine sécheresse dans le dessin qui se rapproche des froides images numériques. Pourtant, il
s’agit bien de peinture ici, même si la touche s’efface au profit d’une surface lisse, sans
aspérité et d’une redoutable lisibilité.
L’autre dialogue, c’est celui qui s’instaure avec l’espace d’exposition, puisque l’œuvre,
située au fond de la pièce, semble prolonger les lignes de fuite réelles et instaurer un
jeu de trompe-l’œil que n’aurait sans doute pas renié Babou.
Pistes à explorer après la visite :
Premier degré :
• Pistes de réflexion/questionnements
Pour créer cette œuvre, Babou a pratiqué un détournement de l’œuvre de JacquesLouis David, Le Serment du jeu de Paume.
- Présenter et évoquer l’œuvre de David.
- En quoi consiste le détournement d’œuvres ?
- Est-il fréquent dans l’histoire de l’art ?
- À quelles périodes ?
- - Possibilité de constituer une collection d’images personnelle ou un musée de
classe, regroupant des reproductions d’œuvres détournées par des artistes et les
œuvres originales.
• Approche plastique
Chaque enfant choisira une œuvre. Une reproduction sera imprimée et chacun détournera cette œuvre à partir de dessin, de collage, de découpage, etc.
Second degré
• Liens avec l’histoire de l’art
- Jacques-Louis David : Le Serment du jeu de Paume
Jacques-Louis David (1748-1825) est le chef de file du néoclassicisme français. Le néoclassicisme est un mouvement culturel qui s’épanouit entre le milieu du XVIIIe siècle
et le début du XIXe siècle en France et en Allemagne. L’art néoclassique propose,
contre les formes agitées et irrégulières du Baroque, des modèles de rigueur et d’harmonie dont les artistes trouvent les sources dans l’art de l’antiquité. C’est un art qui
prône l’équilibre, l’élégance, la précision et la sérénité ; toute expression passionnelle
est évacuée.
Le plus grand théoricien du néoclassicisme est Winckelmann.
En 1790-91, Jacques-Louis David réalise le Serment du jeu de Paume, un dessin à
l’encre sur carton (66 x 105 cm, musée national de Versailles).
La scène se passe le 20 juin 1789. C’est la réunion des représentants du clergé et du
tiers état qui prêtent le serment de ne jamais se séparer avant d’avoir rédigé une
constitution. C’est l’événement fondateur de la Révolution française.
Les gestes sont enthousiastes, on a un mouvement de foule assez extraordinaire accentué par le mouvement des rideaux. La centaine de personnages représentés sont
tous identifiables.
Cette œuvre occupe une place un peu à part dans la production de l’artiste, car l’énergie qui s’en dégage est loin de l’esthétique néoclassique. On est plutôt dans quelque
chose de romantique par la ferveur, le mouvement, et l’effervescence qui se dégagent
de la composition.
> Style « Île de France », (Résidences de prestige), 1971
Acrylique sur toile
144 x 312 cm
Collection particulière
Style « Île de France », (Résidences de
prestige), 1971
Collection particulière
Dans la rue…
Inspirée de photographies reproduites dans des catalogues de vente de maisons, la
résidence de prestige Style « Île de France », est censée offrir de ce pavillon une image
flatteuse et commerciale. Pourtant, le travail de Babou, privilégiant l’aplat et la stylisation, insiste plutôt sur l’artificialité de ces produits de consommation standardisés.
De la même manière, le recours à la technique dite du shaped canvas* ou tableau
découpé, loin de renforcer le réalisme de la représentation, accentue la platitude du
motif réduit à une façade factice.
> Grand Standing . Perspective 16, (Résidences de prestige), 1973
Acrylique sur toile
130 x 164 cm
Galerie Blondel, Paris
Grand Standing . Perspective 16, (Résidences
de prestige), 1973
Galerie Blondel, Paris
Plus loin dans l’exposition, les résidences de prestige se multiplient, offrant des
variations de points de vue, de cadrages et de couleurs sur ces motifs particuliers.
Le tableau intitulé Grand Standing. Perspective 16 par exemple, propose une interprétation qui traduit bien les préoccupations de Babou. D’abord, la forme du tableau
qui semble suggérer que nous observons cette maison depuis l’angle d’une terrasse
entourée d’une grille au dessin agressif. Cet écran gêne notre lecture et confère à cette
propriété un troublant aspect carcéral. Contrairement à Style « Île de France », Babou
délaisse le point de vue frontal, pour une mise en perspective spatiale plus complexe,
qui révèle les volumes de l’architecture soulignés par les jeux d’ombre et de lumière.
La simplification de ces volumes et le traitement en aplat des surfaces sont ici poussés à l’extrême et produisent une impression d’irréalité.
Pistes à explorer après la visite
Premier degré :
• Pistes de réflexion/questionnements
Dans cette série, Résidences de prestige, Babou représente des maisons luxueuses.
Elles sont toutes peintes avec des formes très géométrisées, et des couleurs sans
nuance.
- Définition de la notion de résidence de prestige
- Évocation de la géométrisation des formes, quelles formes géométriques reconnaîton dans ces maisons ?
- Description des couleurs
- Est-ce que l’on aurait envie de vivre dans ces maisons ? Pourquoi ?
• Approche plastique
À l’aide du dessin, de la peinture, du collage, imaginer l’intérieur d’une pièce de ces
Résidences de prestiges.
Second degré :
• Liens avec l’histoire de l’art :
La vision de ces maisons que nous livre Babou est extrêmement froide. Rien ne nous
donne ici envie d’y pénétrer ou d’en savoir plus.
C’est exactement l’effet inverse produit par l’esthétique des ruines chère aux artistes
romantiques.
Le romantisme est un vaste mouvement artistique européen du début du XIXe siècle.
La sensibilité romantique se caractérise par le refus de toute prétention moralisatrice
et par l’importance accordée à l’irrationnel. La littérature est une importante source
d’inspiration pour ces artistes qui remettent à l’honneur la mythologie nordique, et
accordent une grande attention à l’imaginaire, au mystère et au fantastique.
Ce thème des ruines va être particulièrement prisé par les artistes romantiques, car il
leur permet d’évoquer des sujets qui leur tiennent à cœur. Il permet de questionner
la fragilité des civilisations les plus brillantes, mais également notre propre rapport
au temps et à la mort. En décrivant les fragments d’une cité antique ou d’édifices
anciens, ils représentent l’idée d’un âge d’or, d’une époque révolue et idéale, faisant
naître chez le spectateur un mélange de nostalgie, voire de mélancolie, qui donne tout
leur charme à ces représentations.
> Couloirs 2, (Surfaces de réparation), 1983
Acrylique sur toile
97 x 195 cm
Galerie Krief, Paris
Couloirs 2, (Surfaces de réparation), 1983
Galerie Krief, Paris
L’art est un sport de combat…
Au début des années 1980, Babou s’intéresse aux espaces dédiés au sport. Il ne s’agit
bien sûr pas d’un regard documentaire qu’il porte sur ces terrains de jeux, mais bien
celui d’un artiste à la recherche de motifs insolites puisés dans un univers familier.
Couloirs 2 en est un exemple particulièrement abouti. Sur le fond vermillon d’une
piste d’athlétisme, les lignes répétitives qui délimitent les couloirs des coureurs
offrent un jeu de contrastes colorés d’une grande beauté. Le cadrage, très resserré,
fait quasiment basculer l’image du côté de l’abstraction ; une tentation qui semble
souvent séduire Babou sans qu’il ne franchisse jamais complètement le pas. La barre
qui traverse la composition et qui dessine une diagonale parfaite, répondant à la ligne
de départ, est sans doute une réminiscence des clôtures et autres grillages qui parasitaient ses Résidences de prestige. L’équilibre de la composition est également remarquable. Babou explique d’ailleurs qu’il utilise parfois le nombre d’or* pour construire
ses tableaux dans un souci de rationalisme, de rigueur formelle.
Pistes à explorer après la visite
Premier degré :
• Pistes de réflexion/questionnements
Avec cette série d’œuvres intitulée Surfaces de réparation, Babou s’intéresse à des
terrains de sport, que nous connaissons tous. Mais pour peindre ces œuvres, il utilise
un cadrage particulier, très resserré, qui fait que nous perdons nos repères et que nous
avons parfois du mal à reconnaître ce que nous avons sous les yeux.
- Définir la notion de cadrage en peinture
- Étendre cette notion aux domaines de la photographie et du cinéma.
- Qu’est-ce qu’un cadrage serré ?
• Applications plastiques
Chaque enfant choisit un objet, ou un lieu familier, qu’il photographie dans sa globalité, avec un certain recul. Puis il photographie ce même objet, ou lieu, en choisissant
différents points de vue en utilisant un cadrage serré.
Ces cadrages serrés seront présentés à la classe et chacun devra essayer de reconnaître l’objet ou le lieu photographié.
Villeneuve cornière bleue, (Bastides), 1990
Collection particulière
> Villeneuve cornière bleue, (Bastides), 1990
Acrylique sur toile
200 x 720 cm
Collection particulière
Retour au bercail…
Cette monumentale composition fait partie d’une série intitulée Bastides. Babou s’est
beaucoup intéressé à ces villes du Sud-Ouest à l’architecture si particulière, comme
Villeneuve-sur-Lot dont il est originaire. Une nouvelle fois c’est un motif familier qu’il
exploite pour en proposer une vision inédite. Les places à couverts ou à cornières, typiques des bastides, et leurs séries d’arcades, sont l’occasion pour Babou de jouer sur
le rapport entre l’extérieur et l’intérieur en insistant sur les contrastes d’ombre et de
lumière. Ce qui frappe dans cette série c’est l’atmosphère étrange qui baigne ces compositions. Les éléments architecturaux semblent flotter dans un espace indéterminé,
fantomatique. Ce lieu de passage, de vie, qui fait le lien entre la ville et ses commerces
est ici exempt de toute présence humaine. La lumière extérieure a du mal à éclairer
les voûtes de la galerie dont les teintes verdâtres achèvent de rendre ce lieu sépulcral.
Pistes à explorer après la visite
Second degré :
• Liens avec l’histoire de l’art
- Giorgio de Chirico : Mystère et mélancolie d’une rue
Giorgio de Chirico (1888-1978) a réalisé un grand nombre d’œuvres présentant des
arcatures dans des paysages urbains à l’ambiance mystérieuse (La Mélancolie d’une
belle journée, 1913 ; La Place d’Italie, 1913 ; L’Énigme de l’heure, 1911), que rappelle la
série Bastides de Babou. On y retrouve les « cornières » de Babou, les formes géométrisées,
Mystère et mélancolie d’une rue, 1914
Collection Museum of Modern Art, New York
des contrastes forts d’ombre et de lumière, mais avec plus de couleurs et surtout la
présence humaine, même si elle se réduit à quelques silhouettes énigmatiques dans
le lointain.
Giorgio de Chirico invente un style pictural très personnel qui, après 1918, influence
les surréalistes. Installé à Paris en 1911, il se fait remarquer dès ses premiers tableaux
par le poète Guillaume Apollinaire, celui-là même qui invente l’adjectif « surréaliste »,
et qui admire l’effet de « surprise et d’étrangeté » que suscitent les œuvres de l’artiste.
On a inventé le concept de « peinture métaphysique » pour rendre compte des inventions plastiques de Chirico, visibles dans Mystère et mélancolie d’une rue (1914, huile
sur toile de 71 x 87 cm, Museum of Modern Art, New York). À partir d’un paysage
urbain, d’une rue au soleil bordée d’architectures classiques, le peintre sait créer une
atmosphère énigmatique avec des éléments très simples. Cette fillette qui fait rouler
son cerceau, cette ombre lointaine à droite suggèrent l’attente d’on ne sait quel événement.
Cette œuvre résume l’apport de Chirico à la peinture de son temps. Sur une place bordée d’arcades, dont l’architecture évoque une ville italienne, l’artiste crée l’impression
d’une attente énigmatique, par une violente opposition d’ombre et de lumière. Loin
de nous rassurer, la fillette, son cerceau et la voiture ouverte et vide accentuent encore
la bizarrerie de la scène. Grâce à un usage très marqué de la perspective, le banal
devient mystérieux, et le familier inquiétant. Nous basculons du monde de la réalité
dans celui de l’imaginaire.
Lexique
Aplat : sur une peinture, zone colorée présentant une surface lisse et uniforme.
Art sériel : ensemble d’œuvres appartenant à une série, soit par le thème qui les lie,
par la répétition d’un motif, par la technique employée, une période de création, etc.
Camaïeu : en peinture, technique qui consiste à n’employer qu’une seule couleur en
jouant sur les nuances de celle-ci.
Chromoscopie d’iconophile : néologisme inventé par Mathieu Mercier, à partir de
racines grecques, pour décrire le parti pris de l’exposition. « Chromo- » = couleur ;
« -scopie » = examiner, observer ; « icon(o)- » = image ; « -phile » = ami. Ce qui pourrait
s’interpréter comme une relecture amoureuse des images colorées de Babou.
Cluster : groupement d’un petit nombre d’objets (cluster d’îles, d’étoiles, par exemple).
Ce mot est utilisé dans plusieurs domaines : informatique, humanitaire, musique, économie. Dans le domaine de l’urbanisme, un cluster est une unité urbaine dont les
activités sont homogènes.
Commissaire d’exposition : le commissaire d’exposition est en quelque sorte l’auteur
de l’exposition. Il choisit les artistes, les œuvres et la problématique ou la thématique
de l’exposition. Il définit également la mise en espace des œuvres dans le lieu accueillant le projet.
De Stijl : ce terme néerlandais signifie « le style ». Ce groupe se constitue en 1917,
avec la parution du premier numéro de la revue De Stijl, et est officialisé en 1918 avec
la parution du premier manifeste. Il est composé de poètes, d’architectes, de musiciens, sculpteurs et peintres, dont les plus connus sont Piet Mondrian et Theo van
Doesburg. L’idée du groupe était de mettre en pratique les théories de Mondrian qui
reposaient sur l’expression de structures mathématiques, seules capables d’exprimer
l’essence des choses. Ce refus de l’accidentel s’est traduit en peinture par l’exaltation
de la ligne droite (horizontale et verticale) et par l’emploi exclusif, en aplat, des trois
couleurs primaires, complétées de trois non-couleurs : le noir, le gris et le blanc.
Figuration narrative : la Figuration narrative émerge dans les années 1960, elle ne
s’est jamais proclamée comme un mouvement. Le moment-clé de son émergence
est l’exposition Mythologies quotidiennes, présentée en juillet 1964 au Musée d’Art
moderne de la Ville de Paris. Cette exposition est organisée en réaction au Pop Art
et à l’art américain, qui envahissent la scène artistique à cette époque. 34 artistes y
participent dont Arroyo, Klasen, Monory, Saul, Télémaque... Comme les artistes américains, ils placent la société contemporaine et ses images au cœur de leur œuvre
(publicité, bande dessinée, cinéma...), mais ils se démarquent par le refus d’un certain
« art pour l’art ». Ces artistes se sont fixé pour objectif de faire de l’art un outil de
transformation sociale.
Groupe Support/Surface : mouvement issu principalement des orientations de
Buren et du groupe BMPT, Support/Surface a été constitué en 1970 par des artistes
presque tous originaires du Midi de la France. Sous ce titre, deux expositions ont eu
lieu en 1971, l’une au théâtre de la Cité internationale à Paris, l’autre au théâtre municipal de Nice. L’idée-force qui poussa les peintres Bioulès, Cane, Devade, Dezeuze,
Saytour, Valensi, Viallat à se constituer en mouvement fut de réaffirmer la peinture en
tant que telle, en réaction notamment à l’art conceptuel. Ces artistes souhaitent revenir à des évidences telle que : la peinture est de la matière colorée posée en surface,
sur un support, la toile, celle-ci étant montée ou non sur un châssis.
Nombre d’or : nombre obtenu grâce à un calcul mathématique qui prend notamment
en compte la hauteur et la largeur d’un sujet et qui aboutit à une proportion. L’application de cette proportion dans les arts plastiques permet d’élaborer des compositions
rigoureuses, très équilibrées, censées produire une impression d’harmonie.
Rétrospective : exposition présentant l’ensemble des productions et de l’évolution
d’un artiste (ou d’une époque) depuis les débuts.
Scénographie : c’est la présentation et la mise en espace des œuvres dans le lieu
accueillant l’exposition.
Shaped canvas : ce terme anglo-saxon signifie [ toile découpée ]. Il désigne un procédé qui consiste à donner au tableau une forme découpée épousant les lignes du
motif peint. Cette pratique a notamment été développée par l’artiste américain Frank
Stella dans les années 1960.
Bibliographie / sites Internet
• Christian Babou, catalogue raisonné, Antoine Raymond Éditeur, 2009.
• Bernard Noël, « Babou 1971-1991», Éditions Les Sillons du Temps-Gavotte, 1991.
• Babou, catalogue d’exposition galerie Krief-Raymond, Paris, 1979.
• Mathieu Mercier, Sans titres 1993-2007, catalogue d’exposition, ARC/Musée d’Art
moderne de la Ville de Paris, 2007.
• Michel Gauthier, « Mathieu Mercier », jrp/ringier (édition bilingue français-anglais),
2006.
www.christianbabou.fr/index.php?page=peintures
www.mathieumercier.com/
À propos de la Figuration narrative : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-figuration-narrative/ENS-figuration-narrative2.html
Dossier pédagogique réalisé par Barbara Ertlé et Yann Perraud,
Le Musée Imaginé en collaboration avec le service des publics du
Frac Aquitaine.
Informations pratiques
Contacts
- Frédérique Goussard, responsable du service des publics
05 56 24 70 71 / [email protected]
- Carole Pronost, assistante au service des publics
05 56 24 90 85 / [email protected]
- Marie-Pierre Tresbailes, chargée de recherches et de la transmission
05 56 24 42 00 / [email protected]
Accueil enseignants et scolaires
Des rencontres avec les enseignants sont prévues régulièrement au début de chaque
exposition au Hangar G2. Elles ont pour objectif de présenter les expositions aux
enseignants lors d’un moment privilégié afin qu’ils puissent organiser par la suite des
visites libres ou accompagnées pour leurs classes, en fonction de l’âge, des acquis et
intérêts de leurs élèves, et bien sûr de leurs objectifs pédagogiques.
Visites libres ou accompagnées sur rendez-vous le lundi de 14h à 17h et du mardi
au vendredi de 10h à 12h et de 13h30 à 17h.
Visite libre ou accompagnée pour les individuels, en famille ou en groupe
Des documents d’information offrant des clés de compréhension sur le propos de
l’exposition, les œuvres présentées et les artistes invités, permettent de visiter en
toute autonomie et liberté les expositions d’œuvres contemporaines. Un membre de
l’équipe se tient à chaque instant à disposition pour informer, renseigner et répondre
aux questions.
Visites accompagnées pour les groupes constitués (10 personnes minimum, durée 1h,
tarifs sur le site du Frac Aquitaine)
Rendez-vous au comptoir : tous les samedis à 16h30, une médiatrice assure une
présentation des expositions. Entrée libre.
Informations générales et accès
Frac Aquitaine
Hangar G2, Bassin à flot n°1 - Quai Armand Lalande - 33 300 Bordeaux
Tél 05 56 24 71 36
Accès : Tram ligne B, arrêt Bassins à flot. Parking gratuit.
Accessibilité des personnes à mobilité réduite.

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