Article du Messager du 24.03.2016
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Article du Messager du 24.03.2016
4 LE MESSAGER - Chablais CHABLAIS Jeudi 24 mars 2016 Comment se préparer pour trouver un emploi sur le marché suisse ll y a quelques jours, Pôle emploi organisait à Archamps un forum consacré aux carrières professionnelles internationales et donc en Suisse. L’occasion de définir quelques clés d’accès à ce marché qui fait toujours figure d’eldorado. La Suisse a une population vieillis- sante. Au regard de la pyramide des âges, on estime qu’en 2025 au moins 100 000 emplois seront à combler après la retraite des baby-boomers », lance Stéphane Bruneau, fondateur de l’agence de recrutement suisse Yodea recrutement. Une manière de dire que le besoin de main-d’œuvre en Suisse s’annonce tel dans les années à venir que le recours à des travailleurs étrangers semble indispensable. Reste à savoir quelle est la meilleure méthode pour accéder à ces emplois. « Il y a un choc des cultures », prévient Philippe Verhaeghe, coach et médiateur suisse (cabinet Here for U) venu au forum proposer une conférence au titre volontairement provocateur : “Pourquoi en tant que frontalier, je ne suis pas engagé ? ”. Importance des références Pour Philippe Verhaeghe, les candidats à un poste en Suisse doivent faire un effort d’adaptation dès la candidature. Il existe en effet quelques différences d’approche très notables : « En Suisse la lettre de références est déterminante alors qu’en France c’est quelque chose de très secondaire. D’ailleurs, dans le code du travail suisse, la délivrance de cette lettre de référence est une obliga- Dans le cadre du forum, des entretiens étaient organisés entre les employeurs suisses et les candidats. tion faite à l’employeur. Il n’a pas le droit d’y faire figurer des éléments négatifs mais il n’est pas obligé de faire apparaître des éléments positifs. Cela donne des rédactions parfois très subtiles, je le reconnais. » Et de préciser : « Une bonne lettre de référence doit faire entre trois quarts de pages et une page et demie. s’il n’y a que trois lignes, l’interprétation de l’employeur sera négative. » Philippe Verhaeghe ajoute en guise de conseil : « Vous pouvez rédiger vous-même la lettre expliquant ce que vous avez fait au sein de l’entreprise. Si la lettre est honnête, votre dirigeant acceptera de la signer. Vous pouvez aussi demander à des gens ayant l’habitude de rédiger ce type de lettre de le faire pour vous. C’est une sorte d’exercice de style. » Et de préciser qu’en Suisse, « il y a une sorte de solidarité entre DRH. Si vous partez en mauvais terme d’une entreprise française, il n’y aura pas forcément de conséquence mais en Suisse il y aura toujours une conséquence car les DRH appellent les anciens employeurs. » Confirmation par M. Vellut, présent sur le forum pour recruter trois professeurs : « Je demande les noms de trois personnes de références et je me renseigne. Je fais aussi ma petite enquête sur les réseaux sociaux. » Dites “septante” Une autre subtilité tient à la rédaction du CV. Venu sur le salon pour trouver un emploi commercial, Elyès a appris à en tenir compte : « J’essaie de personnaliser mes CV avec des termes utilisés en suisse comme back office, front office, par exemple. » Le candidat frontalier doit donc faire un effort d’adaptation qui passe aussi par une bonne connaissance de l’environnement économique suisse. « Si vous ne savez pas que la Suisse est organisée en cantons et bien cela va être compliqué », prévient Philippe Verhaeghe. Stéphane Bruneau : « Cer- Où chercher du travail en Suisse et par quels moyens ? Si Genève, voire plus largement l’arc lémanique, est une destination forcément privilégiée, Stéphane Bruneau rappelle que cela n’a rien d’une évidence : « 80 % des emplois en Suisse se situent à plus d’une heure de la frontière. Autrement dit, les frontaliers n’ont accès qu’à 20 % du marché suisse. Ce qui pose la question de l’opportunité de résider en suisse pour avoir davantage de possibilités d’emplois. » D’autant que dans certains secteurs, comme la finance par exemple, le contexte est devenu plus favorable aux résidents suisses. « La révélation des comptes cachés UBS par le français Hervé Falciani a changé la donne. Les banques souhaitent que dans une situation comme celle-ci, les poursuites judiciaires se déroulent en Suisse. c’est la raison pour laquelle on voit de plus en plus de banques exiger au moins trois ans de résidences en En Suisse, on estime que 80% des offres d’emplois ne sont pas publiées. Suisse », note Stéphane Bruneau. Comment accéder au marché caché ? Par ailleurs, en Suisse comme en France, toutes les offres d’emploi ne sont pas publiées ou connues des agences de placement. « En Suisse, le marché caché représente 80 % des offres d’emploi », précise Lucyanne Bécart, directrice de Pôle emploi Haute-Savoie. « La question est donc comment attaquer ce marché caché ? Comment je réseaute ? Les modes de recrutement sont aujourd’hui très différents de ce que nous avons connu ces cinq dernières années. » Des associations se sont ainsi fait une spécialité du réseautage ; exemple avec talents du Grand Genève qui compte aujourd’hui 170 adhérents : « Nous organisons un événement par semaine qui permet aux gens de se rencontrer, de se faire connaître. Dans le principe, on ne peut pas demander directement du travail à un autre membre. Mais une fois qu’on a présenté son projet professionnel, un adhérent peut dire : “J’ai un contact pour toi” », explique Mathieu Chacun. Lui aussi membre de l’association, Yannick Thura ajoute : « Personnellement, j’ai totalement changé ma méthode de recherche d’emploi depuis que j’ai adhéré à l’association. J’ai répondu à beaucoup d’annonces mais je n’ai eu absolument aucune réponse. L’approche par le réseau est plus efficace d’autant qu’à partir d’un moment le réseau travaille pour vous. Au sein de l’association, on croise des personnes travaillant dans tous les domaines. » www.les-tgg.com ME0104. taines définitions de poste demandent une bonne connaissance du marché suisse. C’est important lorsqu’on travaille dans le commerce, par exemple, de connaître les lois et la nomenclature suisse. » Et cette adaptation prend parfois un tour plus subtil. Venue recruter des techniciens en sécurité pour la société Dialarme, une jeune (française) responsable de recrutement explique : « Notre clientèle est essentiellement en Suisse alors on demande à nos employés de faire un effort d’adaptation dans le vocabulaire. Par exemple de dire septante au lieu de soixante-dix, de dire natel plutôt que portable. En interne, ce n’est pas très grave mais face aux clients c’est un détail qui peut compter. » Sprechen Sie deutsch ? « Pour un tiers des postes, on demande de parler allemand », insiste Stéphane Bruneau qui donne le contre-exemple « d’un monsieur qui a répondu à une annonce que ma société avait diffusée et qui ne parlait pas l’allemand… alors que l’annonce était pourtant rédigée en allemand. » Une exigence qui s’explique facilement : « Les banques, par exemple, utilisent des systèmes connectés mis en place par Zurich. » JULIEN BERRIER Certains secteurs embauchent moins facilement des frontaliers Fondateur de Yodea Formation et recruteur, Stéphane Bruneau a fait le point sur l’état de l’économie suisse. Lors de sa conférence, il a analysé les conditions d’accès à l’emploi dans quelques secteurs clés. Secteur médical : « Entre les hôpitaux, les cliniques privées, les structures d’accueil pour les personnes âgées, il y a une grande demande de main-d’œuvre dans ce secteur en Suisse. Si vous disposez de compétences dans ce secteur, vous trouverez un emploi en claquant des doigts », explique Stéphane Bruneau. Horlogerie : « C’est une famille, il est très difficile d’y entrer. Le meilleur moyen est de connaître quelqu’un », note Stéphane Bruneau. Mais de rappeler qu’il existe des agences de placement qui peuvent permettre de contourner cette difficulté. Transport : dans la communauté des travailleurs frontaliers, la rumeur enfle. Les Transports publics Genevois (TPG) ne recruteraient plus de frontaliers. Une rumeur que Stéphane Bruneau a pour partie confirmée : « Les TPG ont modifié leur philosophie de recru- tement suite aux grèves de l’année dernière qui ont donné une très mauvaise image. 60 % du personnel des TPG sont des frontaliers et cette grève a été perçue comme inspirée par les “Français râleurs ”. Les TPG ont donc choisi de mettre le holà sur l’embauche de frontaliers. » Banque et finance : si le secteur reste un employeur important, les entreprises recherchent désormais des profils très différents. « Le secteur bancaire est en restructuration au sens où certaines opérations sont désormais automatisées. En conséquence, les recrutements se font désormais sur des postes à forte valeur ajoutée », explique Stéphane Bruneau. Industrie : « La Suisse est plutôt en panne dans les métiers techniques. Il existe une industrie aéronautique et automobile mais il n’y a pas de formation en place par exemple », note Stéphane Bruneau. Et de donner un exemple : « En Suisse, la voie royale c’est la formation professionnelle mais les jeunes se dirigent de préférence vers les secteurs du commerce et de la banque. Nous avons actuellement 1 000 places de tourneurs fraiseurs non pourvues alors qu’on ne sait que faire des employés de commerce. »