Altération à très long terme des systèmes verre/fer/argile

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Altération à très long terme des systèmes verre/fer/argile
Altération à très long terme des systèmes verre/fer/argile :
étude des mécanismes sur des analogues archéologiques
I.
Contexte
Dans le cadre de la gestion des déchets nucléaires, la France vitrifie, afin de les stabiliser, les
déchets radioactifs de haute activité obtenus après le retraitement des combustibles usés, puis
envisage de les stocker en couche géologique profonde. Il s’agit d’un conditionnement basé
sur un concept multi-barrière (matrice vitreuse, conteneur en acier, surconteneur en fer non
allié et barrière géologique) dans le but de confiner de façon durable les radionucléides.
Comme les expériences en laboratoire ne permettent pas de prédire directement le
comportement de ces matériaux sur des échelles de temps de l’ordre du million d’années et
comme l’extrapolation ou la modélisation des phénomènes sur des périodes aussi longues, à
partir de données à court terme, reste assortie d’incertitudes, la communauté scientifique
s’oriente vers des travaux complémentaires destinés à valider ces différentes approches tels
que l’étude d’analogues naturels et archéologiques aux verres nucléaires.
II.
Objectifs de la thèse
Pour cette raison, des laitiers de haut-fourneau provenant d’un site sidérurgique du XVIe
(Glinet, Normandie) sont étudiés dans le cadre de cette thèse. Ceux-ci comportent des zones
vitreuses et opaques dans lesquelles on observe des éléments en fonte, corrodés en présence
de l’eau qui sature le milieu. Ces objets représentent donc a priori un bon analogue pour
l’étude de l’altération à long terme des systèmes verre-fer. De plus, ces derniers ont été
enfouis pendant plusieurs siècles dans un milieu anoxique qui a été caractérisé précisément
lors de plusieurs campagnes de collecte de données de terrain. L’étude de ces analogues et de
leur altération a pour objectif de valider les modèles prédictifs basés sur les mécanismes clés
qui gouvernent les interactions entre le verre et les produits de corrosion des conteneurs
métalliques. Pour atteindre ce but, une première étape consiste à caractériser les faciès
d’altération et notamment les zones interfaciales en utilisant des techniques d’analyses
élémentaires et de structure qui permettent de les étudier de l’échelle nanométrique à l’échelle
microscopique. Dans un deuxième temps, des tests de lixiviation sur des verres de synthèse de
composition et structure similaires aux verres archéologiques seront menés afin de déterminer
la cinétique d’altération de ces matériaux vitreux. Enfin, un modèle géochimique de ces
systèmes complexes sera développé et testé, en utilisant toutes les données collectées
précédemment, afin de valider sa capacité prédictive.
III.
Résumé des travaux menés
L’essentiel de cette première année a été consacrée à la phase de caractérisation des
analogues archéologiques. Dans un premier temps, la matrice vitreuse de ces systèmes
complexes a été analysée par MEB FEG-EDS et par MET. Ces techniques ont montré qu’il
s’agissait d’une part de verres silico-calciques riches en aluminium et en fer et d’autre part
que ce type de verre opaque était démixé, c’est-à-dire composé de deux phases vitreuses de
compositions différentes et imbriquées l’une dans l’autre. Dans notre cas, il s’agit de
sphérules fortement enrichies en silice (par rapport à la composition moyenne du verre) d’un
diamètre de 50 à 100 nm incluses dans une matrice englobante contenant aussi du calcium et
du fer.
Dans un second temps, l’étude des interfaces entre le verre et les produits de corrosion a
permis de déterminer un faciès d’altération caractéristique. Au cours de cette étape, les
fissures se sont révélées être les zones les plus adaptées à l’étude des interactions entre
produits de corrosion et verre en raison de la grande surface de contact entre ces deux milieux.
L’ensemble des fissures étudiées est constitué de trois zones distinctes. Au centre des fissures,
les produits de corrosion majoritairement rencontrés correspondent à des carbonates de fer
(sidérite) et hydroxycarbonates de fer. En contact avec la sidérite, on peut distinguer une
région composée de ferrosilicates avec présence de fibres actuellement non-identifiées. Enfin,
au-delà des ferrosilicates, s’étend une zone d’altération du verre au maximum sur quelques
micromètres.
Sidérite
(FeCO3)
Zone
intermédiaire
(pas d’Al)
Figure 1: Image MEB-FEG d'une fissure type
Verre altéré
(pas de Ca)
Figure 1 : Image MEB-FEG d'une fissure type
Dans cette zone, on remarque notamment l’altération préférentielle de la matrice englobante
(avec la diminution des teneurs en silicium et en calcium lorsque l’on se rapproche des
produits de corrosion) suivie de l’altération des sphérules qui se dégradent puis disparaissent
près des carbonates. L’augmentation des teneurs en fer dans le verre en se rapprochant de la
sidérite semble indiquer un échange de matière entre verre et produit de corrosion.
Le deuxième volet de la thèse sur l’altération du verre en laboratoire a aussi débuté. En raison
de la complexité des matériaux archéologiques, il a été décidé d’élaborer des verres de
synthèse pour mener les tests de lixiviation. L’idée est d’obtenir un matériau « propre » afin
d’éviter l’influence d’éléments tels que le charbon ou les parties cristallisées présents
initialement dans les laitiers archéologiques. La synthèse de ces verres nécessitent la mise en
place d’un protocole particulier afin d’obtenir une composition et une morphologie semblable
aux objets archéologiques. A ce jour, des verres démixés ont pu être obtenus mais la taille des
sphérules est plus élevée que dans les laitiers archéologiques (350-400 nm de diamètre au lieu
de 100-150 nm). Une étude sur le temps de recuit de ces verres est actuellement en cours pour
obtenir la taille adéquate.
Références
Robinet L., Gin S., Neff D., Dillmann P., Etude des laitiers archéologiques - Analogues des systèmes
verre-fer-argile, Rapport ANDRA, novembre 2008
Verney-Carron A., Etude d’analogues archéologiques pour la validation des modèles de
comportement à long terme des verres nucléaires, Thèse de l’université de Rennes 1 (2008).
Verney-Carron A., Gin S., Libourel G., A fractured Roman glass block altered 1 800 years in seawater:
analogy with nuclear waste glass in deep geological repository. Geochimica et Cosmochimica Acta, 72,
5372-5385, 2008.