Les oiseaux

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Les oiseaux
protection
protection
En cette année internationale de la biodiversité, nous vous présenterons dans chaque numéro
un article brossant l’état de santé d’un groupe d’êtres vivants. Nous commencerons la série par les oiseaux,
de loin la classe la mieux étudiée...
État de la biodiversité :
les oiseaux
Louis Bronne
Comment se portent les oiseaux ? La réponse est extrêmement vaste, même si celui qui la pose ne veut souvent qu’une
réponse rapide. Afin, entre autres, de pouvoir apporter cette
réponse synthétique, les scientifiques ont développé les « listes rouges ».
Les listes rouges
L’état de conservation de chacune des 9 998 espèces
d’oiseaux est évalué annuellement depuis 1988 par BirdLife
International, réseau dont Natagora est le partenaire pour la
Belgique francophone. Une espèce en danger est typiquement peu nombreuse et en déclin tandis qu’une espèce « en
bonne santé » est typiquement abondante et florissante. Mais
il y a de nombreux cas qui ne rentrent pas dans ce schéma
trop simpliste. C’est pourquoi l’UICN (Union Internationale
pour la Conservation de la Nature), qui publie chaque année
les « Listes Rouges » pour tous les groupes animaux et végétaux, a établi neuf catégories (voir tableau) selon des critères
précis et objectifs tenant compte de la taille de la population
et de celle de l’aire de répartition ainsi que de l’évolution numérique ou géographique sur les 10 années écoulées. Ces
catégories permettent de classer les espèces suivant leur risque d’extinction.
Ainsi, par exemple, l’ibis chauve dont la population est actuellement en augmentation, mais dont on estime la population à seulement quelque 200 individus à l’état sauvage (principalement établis au Maroc), est classé « CR » (en danger
critique d’extinction). En effet, un accident ou une épidémie
pourrait rapidement toucher une proportion importante de la
population. Le tétras lyre, par contre, qui est à deux doigts de
l’extinction dans notre pays, est classé « LC » (préoccupation
mineure) au niveau international, malgré qu’il soit en diminution globale, parce que sa population est estimée à plus de 15
millions d’individus et que son aire de répartition couvre plus
de 20 millions de kilomètres carrés.
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natagora numéro 35 janvier-février 2010
Comment vont-ils ?
Disons-le d’emblée : les oiseaux sont un des groupes animaux
qui se portent le mieux. Malgré tout, dans l’édition 2009 de
la Liste Rouge, 1 075 espèces sont considérées comme menacées de disparition au niveau mondial et 152 comme déjà
éteintes (depuis le 16e siècle). Voilà pour la réponse rapide.
Mais on peut encore ajouter que, parmi les espèces d’oiseaux
« mieux classées », 4 sur 10 ont des populations en diminution, contre à peine plus d’une sur 20 en augmentation...
Et pourtant le but des listes rouges – il n’y a pas que la liste
internationale, on peut établir des listes pour n’importe quel
espace géographique – n’est pas de nous donner une raison
de nous lamenter. Elles doivent être vues comme une invitation à l’action ! Les catégories proposent d’ailleurs un ordre
de priorité... et, plus que cela, les recherches qui ont permis
d’établir les listes sont une formidable source d’information
qui ne demande qu’à être utilisée pour agir. Si l’UICN pousse
les scientifiques à approfondir les recherches de terrain pour
les espèces dont l’absence de données n’avait pas permis de
proposer une catégorie, c’est aussi et surtout parce que le
savoir est la condition sine qua non à l’action.
La protection, ça marche
Une fois la répartition et les causes de diminution de l’espèce
connues, tout n’est souvent que question des moyens mis en
oeuvre ! L’interdiction de certains pesticides (DDT...), la protection effective contre les atteintes directes (tir, dérangement
des nids...) et la pose de nichoirs adaptés ont, par exemple,
permis au faucon pèlerin, encore classé comme de statut défavorable dans la première édition de Birds in Europe (1994),
d’être repris, dans la deuxième édition (2004), parmi les espèces ayant un statut favorable. Le vautour moine, le pygargue à queue blanche ou encore le goéland d’Audouin sont
d’autres exemples d’espèces ayant réagi très positivement
aux mesures de protection prises en Europe.
Les oiseaux, les animaux
les mieux connus !
Parmi les espèces ayant
une population nicheuse
régulière dans notre pays,
le milan royal est l’espèce
la plus menacée au niveau
mondial. Nous avons donc
une responsabilité majeure
par rapport à lui.
En 2009, l’UICN a pu rassembler des données sur toutes les espèces d’oiseaux. Pour les autres espèces, il
n’a pu en rassembler que pour quelque 35 000 espèces... sur un nombre total d’au moins 1,8 million.
Jules Fouarge
Et la proportion des espèces d’oiseaux pour lesquelles
les données, insuffisantes, ne permettaient pas de juger de l’état de conservation (catégorie DD) est inférieure à une pour cent, alors qu’elle atteint près d’une
autre espèce sur six.
Menacé
Un intérêt évident des listes rouges est la comparaison qu’elles permettent entre les publications successives ou entre les
types de milieu où vivent les espèces. Jean-Yves Paquet et
Jean-Paul Jacob travaillent actuellement à l’établissement
d’une nouvelle liste rouge pour la Wallonie, à paraître au sein
de l’Atlas des oiseaux nicheurs de Wallonie dont la sortie est
prévue pour le milieu de cette année. Ils nous confient en
primeur quelques éléments : « Les milieux humanisés n’accueillent que des espèces au statut favorable au niveau wallon (LC ou NT), alors que toutes les espèces des landes et
fagnes sont en danger ! Les milieux agricoles et aquatiques
contiennent aussi plus d’espèces en danger que la moyenne régionale. » La précédente liste rouge (établie en 1997)
et celle à paraître cette année comportent grosso modo le
même nombre d’espèces dans chacune des catégories. En
regardant les choses d’un peu plus près, on se rend pourtant
compte qu’une espèce sur six environ a vu son statut s’améliorer pendant que, dans le même temps, d’autres espèces
en proportion identique l’ont vu se dégrader.
EX
éteint
EW
éteint à l’état sauvage
CR
en danger critique d’extinction
EN
en danger
VU
vulnérable
NT
quasi menacé
LC
préoccupation mineure
DD
données insuffisantes
NE
non évalué
L’ibis chauve nichait
autrefois en Europe. Il n’est
plus présent actuellement
qu’au Maroc et en Syrie.
Charly Farinelle
Toutes les espèces des milieux
fagnards sont, en danger en
Wallonie. La position du tétras lyre
est particulièrement critique : les
comptages des dernières années
n’atteignaient même pas 15 coqs.
Présent uniquement en
Méditerranée, le goéland
d’Audouin
a longtemps été l’un des
goélands les plus rares et
menacés. Des projets de
conservation (LIFE notamment)
ont permis une augmentation
spectaculaire de la population,
essentiellement
en Espagne.
Louis Bronne
Là où cela devient intéressant, c’est quand on fait ce même
exercice milieu par milieu : cet équilibre améliorations-détériorations est valable dans tous les types de biotopes sauf deux,
où la tendance est clairement à l’augmentation du nombre
d’espèces en danger : les landes et fagnes, d’une part, qui
n’enregistrent d’ailleurs aucune espèce en progrès, et, d’autre
part, les milieux agricoles où le retour du busard cendré, obtenu grâce aux efforts des ornithologues et des quelques agriculteurs concernés (cf. le magazine couleurs nature n° 20), ne doit
pas masquer la situation catastrophique d’espèces autrefois
banales comme la perdrix grise, le vanneau ou l’alouette des
champs. Cette tendance wallonne n’est malheureusement pas
une exception en Europe : comme on peut le lire dans Birds
in Europe 2, les terres agricoles constituent le seul milieu dans
lequel plus d’une espèce sur deux est en déclin.
Stéphane Bocca
Différences entre milieux
natagora
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Au niveau mondial aussi, les pratiques agricoles, particulièrement leur intensification, représentent aussi la principale menace sur la biodiversité avienne ; elles touchent plus de 1 000
espèces en danger ! L’exploitation forestière, particulièrement
dans les zones tropicales, représente la deuxième menace
(impact sur près de 700 espèces en danger).
Jean-Marie Winants
protection
Perdrix grise
Suivent les espèces invasives, dont l’effet peut être particulièrement dévastateur pour les espèces ne vivant que dans
un espace réduit. L’exemple du xénique de Stephens (île de
Nouvelle-Zélande), un minuscule passereau non volant dont
la population a été décimée en 1894 par un seul chat, est célèbre ; celui du grèbe des Andes, confiné à des zones humides de Bogotá (Colombie), qui a disparu il y a environ 30 ans
notamment à cause de l’introduction de la truite arc-en-ciel
l’est moins. Aujourd’hui, grâce à l’effort d’éradication des espèces invasives et de contrôle de l’introduction d’espèces, le
taux d’extinction insulaire tend à décroître. Les autres menaces actuelles sur les espèces en danger (impact sur moins de
500 espèces en danger) incluent la chasse et le braconnage,
les constructions, la production d’énergie, les changements
climatiques, les dérangements humains, les pollutions...
Pour en savoir plus :
www.natagora.be/35
Les espèces des milieux agricoles sont celles qui ont connu
la pire aggravation de leur situation durant les 10 dernières
années, en Wallonie, comme dans toute l’Europe.
Birds in Europe. Population estimates, trends and
conservation status – BirdLife 2004 – 43 €
Oiseaux nicheurs de Bruxelles – A.Weiserbs & J.-P. Jacob – Aves 2007 – 29 €
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natagora numéro 35 janvier-février 2010
Aurélien Audevard
Diminuer la pression sur les milieux agricoles et les forêts tropicales, voici ce qu’il y a de plus important à
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