LE RWANDA POST-GÉNOCIDE - Université Toulouse 1 Capitole

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LE RWANDA POST-GÉNOCIDE - Université Toulouse 1 Capitole
LE RWANDA POST-GÉNOCIDE
Le rôle et le fonctionnement des Gacaca dans la reconstruction
et la réconciliation du peuple rwandais
Merel Rumping
Justice internationale
Institut d'Etudes Politiques
Toulouse
Prof. Raimbault
« Rwanda is a poor country. The human rights in our prisons are nothing to brag about.
The prisoners are suffering, but what is the alternative? We cannot let them out, but we
cannot really keep them in now either. To follow the Western trial process would take far
too long time and therefore be a violation of the human rights itself. We had to do
something. » 1
Tito Rutaremara, leader of the Constitutional Commission
2
Table des matières
Introduction
1. Aspect socio-historique
1.1 Genèse
1.2 Violence
2. Aspect politique:
2.1 Facteurs menant à la réconciliation
3. Aspect juridique
3.1 Raison d'être des Gacaca
3.2 Fonctionnement des Gacaca
3.2.1 Base juridique de la jurisprudence des Gacaca modernes
3.2.2 Structure et administration des Gacaca
3.2.2.1 La formation des juges Gacaca – les Inyangamugayo
3.3 Réconciliation
3.3.1 Coexistence non-violente grâce à la communication (truth-telling)
3.3.2 Création d’un environnement sûr
3.3.3 Capacité à distinguer différents degrés de culpabilité
3.3.4 Droits de l’homme
Conclusion
Bibliographie
3
Introduction
L’optimisme de l’Humanité a été éprouvé par le XXe siècle. Non seulement les faits nous
montrèrent que ce sont les civils qui le plus souvent furent les victimes des nombreuses guerres
qui se succédèrent au cours de ce siècle, mais aussi, pour la première fois dans l’Histoire, on dû
recourir à l’emploi du mot génocide pour décrire les actes perpétrés lors de massacres visant
l’extermination de populations complètes.
L’étymologie du mot génocide provient du grec genos « race » et du latin caedere « tuer ».2
Selon la Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9
décembre 1948 « Un Génocide est commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». 3
Selon les estimations des autorités rwandaises, près d’un million de rwandais perdirent la
vie lors de ce génocide.4 Celui-ci fut le génocide le plus rapide et le plus vicieux de l’histoire de
l’Humanité. Il se déroula de manière très organisée et fut aggravé par la participation de hauts
fonctionnaires de l’Etat et de représentants du pouvoir. Il ne fut pas déclenché par la faiblesse de
l’Etat, mais c’est au contraire la force et l’aspect totalitaire du régime qui permirent à l’Etat de
soumettre ses sujets à n’importe quel ordre, incluant l’ordre de participer à un massacre de
masse. 5 Des membres de milices, les forces armées et des civils se livrèrent à d'inqualifiables
atrocités, dirigées principalement contre la minorité ethnique tutsie mais aussi contre les membres
de la majorité hutue qui refusaient de participer au massacre ou appartenaient aux partis
d'opposition. Une fois le génocide terminé, les rwandais furent obligés de continuer à vivre
ensemble. C’est pourquoi le Tribunal Pénal International pour le Rwanda fut créé. Sa tâche est de
« juger les personnes présumées responsables d’actes de génocide et d’autres violations graves du
droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais
présumés responsables de tels actes ou violations du droit international commis sur le territoire
d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 ».6 Les instigateurs et les dirigeants du
génocide seront jugés par des tribunaux conventionnels tandis que les auteurs de crimes ‘moins
sérieux’ le seront par la justice traditionnelle : les Gacaca. Ces tribunaux ont l’avantage d’accélérer
significativement le déroulement des procès, mais aussi d’impliquer la communauté dans ces
procès et dans la condamnation des accusés. En effet, le Gouvernement d'Unité Nationale est
persuadé qu’impliquer la population dans les procès contribue considérablement à la
réconciliation7.
Malgré l’aspect positif des Gacaca, ces tribunaux ont également des conséquences
négatives. De quelle façon contribuent les tribunaux Gacaca à la reconstruction et à la
réconciliation du Rwanda ? Pour être capable de juger la situation, je tenterai tout d’abord de
déterminer et analyser l’aspect socio-historique du génocide, c’est-à-dire les éléments
déclencheurs et les facteurs ayant contribué à l’ampleur du massacre. Ensuite, j’analyserai les
différents aspects d’une politique adéquate à la réconciliation et je comparerai ceux-ci avec le
fonctionnement des Gacaca. Enfin, je tâcherai dans la conclusion de répondre à la question
principale concernant la contribution des Gacaca dans la reconstruction et la réconciliation
Rwanda.
4
1. Aspect socio-historique
1.1 Genèse du génocide rwandais
Au début du XXe siècle, les colonisateurs allemands, dans le sillage des préoccupations
européennes ethnologiques de l'époque, croient percevoir chez les Tutsi une supériorité
génétique fondée sur des caractéristiques raciales et morphologiques. Selon eux, les Tutsi se
distingueraient par leur intelligence et la finesse de leurs traits ; contrairement aux Hutu,
considérés comme inférieurs. Les Belges, qui après la première Guerre Mondiale héritent de cette
colonie (1916-1962), décident de se reposer sur les Tutsi pour leur administration coloniale.
Quelques années plus tard, en 1931, les belges introduisent la carte d’identité ethnique,
catégorisant le peuple rwandais en Hutu, Tutsi ou Twa et formant ainsi la base du génocide
rwandais. En effet, une des conditions nécessaires pour la naissance d’un génocide est la division
du pays en deux mondes : ‘nous’ face à ‘eux’.
À cause d’un vent anticolonialiste qui commence à souffler dans toute l’Afrique au milieu
du XXe siècle, les Hutu se mettent à rêver d’indépendance et de pouvoir, et créent en 1959
‘Parmehutu’, un parti politique pour la promotion du peuple Hutu. En 1961, après
l’indépendance, le Hutu Grégoire Kayibanda gagne les élections et devient président de la
République. Le nouveau régime doit alors affronter des attaques des exilés Tutsi, qui deviennent
le prétexte à de violentes répressions, comme en décembre 1963 où plusieurs milliers de Tutsi
furent massacrés.8 Cependant, la lutte n’est pas encore finie. En 1972 un massacre de masse a lieu
au Burundi où des éléments Tutsi tuent entre 100.00 et 300.00 Hutu.9
Après 1931, plusieurs conflits ont lieu entre Hutu et Tutsi. C’est pourquoi le
gouvernement rwandais et le Front Patriotique Rwandais (FPR) signent les accords d’Arusha
(Tanzanie) dans le but de favoriser la paix au Rwanda et l’ONU lance une opération de maintien
de la paix : la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR).10
Malgré l’intervention de l’ONU, le 6 avril 1994, l’avion transportant les Présidents du
Rwanda et du Burundi est abattu ; faisant ainsi débuter le génocide. Suite à cette attaque, des
barrières sont montées dans les rues de Kigali par les milices interahamwe (ceux qui attaquent
ensemble) et les documents d’identité sont contrôlés de manière stricte. Les Tutsi ou ceux ayant
des traits identiques aux Tutsi ou n’ayant pas de carte d’identité Hutu, sont arrêtés et exécutés.’11
Le lendemain, dix casques bleus belges sont tués alors qu'ils essayaient de protéger la Première
Ministre Agathe Uwilingiyimana qui, elle aussi, fut assassinée. Le meurtre des casques bleus
provoque alors la réduction des effectifs de la MINUAR de 2000 à 270 hommes et le retrait de la
communauté internationale, ouvrant la voie à l'extension du génocide.
La fin du génocide s’annonce lorsque le 4 juillet 1994, Kigali, la capitale du Rwanda,
tombe sous les forces de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR), l’aile armée du Front Patriotique
Rwandais. Les membres du gouvernement provisoire, les groupes armés et un grand nombre de
gens qui étaient impliqués dans le génocide fuient et se réfugient en République Démocratique du
Congo et en Tanzanie. Au total, plus de trois millions ont fuit vers ces deux pays. Le 19 juillet, le
Front Patriotique Rwandais établit le gouvernement de l’Unité Nationale avec quatre autres
partis politiques : le Parti Libéral, le Parti Social Démocratique, le Parti Démocratique Chrétien et
le mouvement Républicain Démocratique.12
5
1.2 Violence
Le Rwanda se révèle être un exemple paradigmatique en matière de ‘viol comme méthode de
génocide’ étant donné que de nombreuse femmes Tutsi furent contaminées par le virus du SIDA
après avoir subi des viols de groupe.13 Le viol est en effet considéré comme une arme de génocide
aussi brutale que l’usage de la machette. « J’ai été violée par tellement d’Interahamwe et soldats qu’il
est impossible de les compter » raconte Olive Uwera, l’une des victimes. « Je suis restée
hospitalisée durant un an et quelques mois après l’accouchement de mon enfant, le médecin me
déclara positive au virus HIV ». Le cas d’Olive Uwera n’est cependant pas isolé. En effet, des
tests effectués sur plus de 1200 femmes Tutsi membres des Widows for Genocide Organisation
révélèrent que deux tiers de ces femmes furent contaminés par le virus. 14 La conséquence de ces
actes barbares est l’augmentation considérable du nombre d’orphelins au cours des années à
venir. En effet, des milliers d’enfants perdirent leur père sous les coups des machettes et
perdirent ou sont en voie de perdre leur mère par le SIDA. Cependant, malgré qu’un grand
nombre de femme a perdu la vie au cours des massacres, le but n’était pas la mort directe, mais
plutôt la mutilation et le viol de celles-ci.15
Il est également important de préciser que ce ne furent pas toujours les hommes qui se
livrèrent aux atrocités décrites ci-dessus. Un des aspects les plus étranges de ce génocide est le
rôle important des femmes dans le massacre. L’étude la plus sérieuse et étendue traitant de ce
phénomène a été réalisée par African Rights en 1995. En résumant leur constatations, il apparaît
qu’un nombre substantiel de femmes, voire même de filles, de toutes classes sociales,
participèrent au carnage en exerçant sur d’autres femmes, sur des hommes et sur des enfants des
actes d’une cruauté extraordinaire. Beaucoup d’infirmières travaillant à l’hôpital CHK de Kigali
ou à l’hôpital universitaire donnèrent aux soldats et aux milices des listes comprenant les noms de
patients, collègues et réfugiés à tuer.16
Cependant, l’immense majorité des meurtriers était mâle. Selon Human Rigts Watch, les
autorités rwandaises fournirent aux hommes affamés et au chômage de la nourriture, des
boissons et autres aliments, des parties d’uniformes militaires et des petits paiements en espèces,
afin qu’ils répondent à l’appel au génocide. Des presque 60% de rwandais de moins de vingt ans,
des dizaines de milliers avaient peu d’espoir d’obtenir le lopin de terre nécessaire pour établir leur
propre ménage et leur famille. Ce sont ces jeunes hommes, tout comme ceux déplacés à cause de
la guerre, et habitant dans les camps locaux proches de la capitale, qui formèrent la majeure partie
des Interahamwe et qui furent entraînés peu de temps avant le déclenchement du génocide. 17
Les moyens ‘non technologiques’ utilisés pour tuer – généralement les meurtriers
utilisaient des machettes ou des houes – exigèrent l’engagement d’une grande partie de la
population Hutu. « Des films vidéo montrent que souvent, plusieurs agresseurs s’attaquaient à
une seule victime. En effet, depuis que les instigateurs désiraient impliquer le plus grand nombre
possible de personnes dans les massacres, il y avait plus de meurtriers que de victimes. 18
De nombreux ouvrages tentent d’expliquer les raisons ‘rendant l’être l’humain capable de
tuer ses semblables’. Dans son livre ‘Les exécuteurs : des hommes normaux aux meurtriers de
masse’, Harald Welzer décrit les facteurs qui selon lui, permettent à des hommes ‘normaux’ de se
transformer en criminels de masse. La ‘pression sociale’, le fait de penser en termes de ‘nous’ et
‘eux’ créant ainsi deux environnements distincts, mais aussi certains ‘cadres de référence’ sont
autant de causes menant à cette transformation. D’après l’auteur, lorsqu’une société entière se
transforme, se transforment également les normes et valeurs des individus. Ceci explique
partiellement pourquoi à notre époque, nous ne pouvons concevoir qu’un homme puisse tuer par
exemple son voisin. Le fait qu’un citoyen ‘ordinaire’ puisse tuer, torturer, violer ou dépecer un de
ses semblables sort en fait de notre cadre de référence et nous paraît ainsi inconcevable.
Cependant, tous ces exemples sont des cas fréquemment rencontrés lors du génocide rwandais.
Une fois cela accepté, le problème qui se pose est de savoir en quoi l’Etat peut contribuer à la
réconciliation.
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2. Aspect politique
« La reconnaissance de ce qui s’est passé est une manière de briser le cercle vicieux de l’impunité :
le silence et l’amnésie sont les ennemis de la justice. » Luc Huyse19
Durant la dernière décennie, les sociétés sortant d’un conflit montrèrent un intérêt croissant pour
le ‘pardon’ et la ‘réconciliation’. A la base, ces concepts appartenaient au domaine des
philosophes et des théologiens. Actuellement, ils sont liés intégralement aux questions de
transition politique. Selon Hayner, les questions concernant la ‘cicatrisation’, la réconciliation, les
excuses, la reconnaissance, le pardon (à un moindre degré) sont devenus centrales dans le débat
sur la justice de transition.
La réconciliation doit faire en sorte que le coupable et la victime appartiennent de nouveau
au même environnement. De plus, celle-ci doit empêcher qu’une fois de plus, l’usage du passé
soit le germe d’un nouveau conflit. Elle doit consolider la paix, briser le cycle de violence et
renforcer les institutions démocratiques nouvellement établies et réintroduites. Luc Huyse fait
une distinction entre la réconciliation dirigée vers le passé et la réconciliation dirigée vers
l’avenir.20 Dirigée vers le passé, la réconciliation amène la cicatrisation personnelle des survivants,
la réparation des injustices passées, la construction ou reconstruction des relations non-violentes
entre individus et communautés, et l’acceptation par les parties concernées par le conflit d’une
vision et d’une compréhension communes du passé. Tournée vers l’avenir, la réconciliation
signifie permettre aux victimes et auteurs de crimes de poursuivre leur vie. Au niveau de la
société, la réconciliation signifie l’établissement d’un dialogue politique civilisé et d’un partage
adéquat du pouvoir.
2.1 Facteurs menant à la réconciliation
En pratique, une telle réconciliation n’est pas simple à réaliser. L’expérience d’un passé violent
rend la quête d’une coexistence pacifique délicate et complexe. Quelle pourrait être dans cette
situation une politique de réconciliation adéquate ? Condamner les auteurs de crimes serait-il
suffisant pour retrouver une société pacifique, confiante et non effrayée ? Selon Luc Huyse,21 il
existe plusieurs facteurs permettant d’arriver à une réconciliation. Dans cet article, je traiterai de
quatre facteurs importants.
La première étape loin de la haine, l’hostilité et l’amertume est la réalisation d’une
coexistence non-violente entre les individus et groupes antagonistes. Ceci implique l’instauration
ou la réinstauration d’une communication au sein des communautés de victimes et des groupes
de coupables, mais aussi d’une communication entre ces deux parties. Les dirigeants politiques et
communautaires, les organisations non gouvernementales (ONG) et les institutions religieuses
ont ici une sérieuse responsabilité. En effet, ils peuvent mettre sur pied ou soutenir des
programmes visant à favoriser une telle communication. De plus, en tant que représentants
symboliques des victimes ou des coupables, ils peuvent initier le dialogue si les personnes
directement impliquées ne sont pas prêtes à s’exprimer.
La deuxième facteur est la création d’un environnement sûr, car sans un minimum de
sécurité physique il n’y pas de perspective d’un quelconque progrès vers la réconciliation. Un
environnement non sûr entraîne la méfiance, ou pire, la peur au sein de la population ; ce qui ne
favorise pas le processus d’acceptation et de confiance envers soi-même et envers les autres.
Le troisième facteur pour arriver à une réconciliation, est la capacité des victimes à
distinguer chez les persécuteurs différents degrés de culpabilité et à distinguer l’individu de la
communauté. Ceci est un pas important vers l’anéantissement des mythes traitant d’atrocités et
entretenant l’idée que tous les membres d’un groupe rival sont des criminels potentiels ou réels.
Les institutions judiciaires peuvent faire ici la différence : leur mission est précisément
d’individualiser la culpabilité. Une société en reconstruction post-conflictuelle doit mettre en
7
place un minimum d’institutions opérationnelles fonctionnelles, c’est-à-dire, un système judiciaire
partial, un service civil efficace et une structure législative appropriée. C’est cette condition qui
unit la politique de réconciliation à toutes les autres tâches nécessaires à la transition d’un conflit
violent vers une paix durable.
Le dernier facteur permettant la création d’un environnement de confiance, est la
démocratie. La coexistence pacifique, la confiance et l’empathie ne se développent pas de manière
durable si des injustices structurelles subsistent dans les domaines politique, juridique et
économique. Un processus de réconciliation doit donc être soutenu par un partage progressif du
pouvoir, le respect des engagements politiques de chacun, la création d’un climat propice aux
droits de l’homme et à la justice économique et par la volonté de la majeure partie de la
population d’accepter la responsabilité du passé et de l’avenir ; en d’autres termes, la
réconciliation doit être appuyée par la reconnaissance des codes essentiels de la démocratie.
3. Aspect juridique
Le 18 juin 2002, le gouvernement rwandais créa un nouveau système judiciaire – les Gacaca –
dans le but de juger plus de 130 000 personnes soupçonnées de génocide et détenues dans les
prisons surpeuplées du pays. Ces Gacaca, s’inspirant d’un système coutumier d’audiences
destinées à résoudre les conflits locaux, associent ces pratiques coutumières à la structure plus
formelle des tribunaux occidentaux.
Dans le langage traditionnel, Gacaca est le nom rwandais pour tribunal communautaire
villageois. Gacaca signifie ‘gazon’ en kinyarwanda, c’est-à-dire l'endroit où l'on se réunit. Dans la
période précoloniale du Rwanda, les Gacaca étaient la base du droit coutumier. La majorité des
débats traitait des conflits entre des familles, des voisins ou des communes – des cas de coups et
blessures, des querelles de ménage, des divorces, des héritages etc. Les crimes plus graves étaient
présentés au roi directement. Le but prioritaire des Gacaca traditionnels n’était jamais la punition
mais le maintien de la paix sociale. Et après avoir purgé sa peine, le condamné était réintégré dans
la commune par un rituel ; ce qui renforçait l’esprit de communauté et la réconciliation entre
victimes et coupables.
Ces tribunaux communautaires survécurent non seulement à l’époque de la colonisation
mais aussi à l’indépendance du Rwanda. Cependant, leur juridiction fut limitée en 1924 par
l’administration coloniale belge aux domaines du civil et du commerce. Cela causa au fur et à
mesure une disparition du système dans les villes et la perte de quelques éléments traditionnels,
bien que les Gacaca restèrent intégrées dans le système juridique officiel et restèrent responsables
du jugement des petites disputes après l’indépendance en 1962.
3.1 Raison d’être des Gacaca
En assumant le pouvoir en juillet 1994, le Gouvernement de l’Unité Nationale plaça au sommet
de ses priorités, l’appréhension et le jugement des exécuteurs de crimes lors du génocide. Le
gouvernement de l’Unité Nationale est en effet persuadé que le peuple rwandais doit se
réconcilier après les décennies de division et de haine. Cependant, pour que ce processus de
réconciliation puisse se faire, il est indispensable que justice soit faite. Sans justice, aucune
réconciliation n’est possible22.
Les tribunaux Gacaca furent réintroduits afin de pouvoir favoriser le processus de
reconstruction et de réconciliation à la ‘manière africaine’ et afin d’éviter un retour aux systèmes
coloniaux qui étaient considérés par les rwandais comme la cause véritable du génocide. Ces
tribunaux Gacaca, étant enracinés dans la culture rwandaise, furent réintroduits sous une forme
nouvelle, moderne, basée sur le système judiciaire tribal africain.
8
Trois aspects se révèlent important dans la raison d’être des Gacaca : la raison
démocratique, la raison logistique et le désir de réconciliation.
La raison démocratique se réfère au besoin de connaître la vérité concernant les
événements passés lors du génocide, ainsi qu’au besoin de juger et de punir les coupables. Si la
population a l’impression que justice n’est pas faite, elle ne pourra pas avoir à nouveau confiance
dans le système judiciaire, et le gouvernement aura perdu une occasion de montrer sa
détermination à faire respecter les droits humains. Surtout, il pourrait arriver que des personnes
réellement coupables de génocide et d’autres crimes contre l’humanité échappent à leur châtiment
et que des innocents soient condamnés. Mettre fin à l’impunité et reconstituer le tissu social sont
donc des objectifs louables.
La raison logistique concerne essentiellement l’accélération du processus de jugement des
coupables détenus pendant des années dans les prisons surpeuplées du pays. En effet, dans de
nombreux cas les accusations portées contre ces détenus n’ont guère, voire pas du tout été
vérifiées par une information judiciaire. La plupart n’a pas non plus fait l’objet d’un procès devant
un tribunal et a peu de chances de voir son cas examiné dans un avenir proche par les tribunaux
du pays, qui sont débordés et traitent en moyenne 1 500 affaires de génocide par an. Juste après
le génocide il restait seulement quelques dizaines de juges et d’avocats. Il aurait fallu plus de 200
ans pour arriver à juger tous les suspects. Le gouvernement rwandais souhaitait donc, grâce à la
création de plus de 10 000 tribunaux Gacaca, combler ce retard dans un délai de trois à cinq ans.
Pour terminer, la raison la plus importante est le désir de réconciliation. Le nouveau
système Gacaca correspond à une tentative novatrice et ambitieuse de reconstituer le tissu
social rwandais, déchiré par le conflit armé et le génocide, en situant le lieu du procès des
participants présumés au génocide au sein des communautés où ces crimes et délits ont été
commis. Ces communautés choisissent les juges Gacaca et sont appelées à aider les juges à
établir la liste des victimes du génocide et de ses responsables présumés au sein de la
communauté. Ensuite, les membres de la communauté sont conviés lors des audiences Gacaca
à fournir des informations sur les crimes et délits liés au génocide. Le gouvernement part du
principe que ces auditions, où les membres de la communauté sont eux-mêmes témoins, juges
ou parties, permettent de mieux faire circuler les informations, d’établir la vérité et d’apporter
la réconciliation. Les tribunaux Gacacas permettent non seulement d’accélérer le processus de
jugement et de condamnation, mais également d’impliquer la communauté dans ces procès.
Le gouvernement de l’Unité Nationale est de plus convaincu qu’impliquer la population dans
le procès de jugement des coupables peut contribuer à favoriser la réconciliation.23
3.2 Fonctionnement des Gacaca modernes
3.2.1 Base juridique de la jurisprudence des Gacaca modernes
Après 1994 plusieurs renouvellements de lois ont été adoptés à propos du génocide. L’article 51
de la loi organique de 2006 divise les crimes du génocide et les crimes contre l’humanité qui ont
été commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994 en trois catégories :
Première catégorie incluant notamment :
« la personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les
planificateurs, les organisateurs, les incitateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de
génocide ou des crimes contre l’humanité, ainsi que ses complices »
Deuxième catégorie incluant notamment :
« … les auteurs, coauteurs ou complices d’homicides volontaires ou d’atteintes graves contre les
personnes ayant entraîné la mort, ainsi que ses complices et (…) les personnes qui dans
l’intention de donner la mort, ont causé des blessures ou commis d’autres violences graves mais
auxquelles les victimes n’ont pas succombé, ainsi que ses complices »
9
Troisième catégorie incluant notamment :
« La personne ayant seulement commis des infractions contre les biens »24
C’est au cours de l’été 2002 que démarra la ‘phase pilote’ du processus Gacaca. S’appuyant sur
une loi adoptée en janvier 2001, 751 juridictions Gacaca entamèrent l’instruction des dossiers
relevant de leur entité. Les leçons tirées de cette phase pilote amenèrent le législateur à réviser la
première mouture du ‘système Gacaca’. De nouvelles lois furent ainsi adoptées entre 2004 et
2007.
3.2.2 Structure et administration des Gacaca
Les Gacaca modernes sont basés sur une hiérarchie définie par des catégories déterminées par la
loi organique et par les unités administratives de l’état rwandais. Ainsi, les Gacaca s’occupent
uniquement des cas de catégorie 2 et 3. Les crimes qui sont considérés de catégorie 1 sont traités
par les tribunaux publics et peuvent en théorie être condamnés par la peine de mort. Néanmoins
la peine capitale a été abolie en juillet 2007.25 La peine la plus grave est donc la peine à perpétuité
qui peut-être réduite par l’aveu du coupable. La peine à perpétuité peut ainsi diminuer à 12-15 ans
d’emprisonnement. Dans ces cas, le condamné effectue alors des travaux d’intérêt public après
avoir purgé le début de sa peine. Les crimes de catégorie 3 sont punis par des amendes.26
Chaque unité administrative (cellules, secteurs, districts et provinces) devant avoir son
propre Gacaca, 10.648 tribunaux Gacaca étaient prévus au Rwanda. Cependant, le nombre de
tribunaux Gacaca se limite actuellement à environ 900027. Chaque Gacaca a une tâche différente
selon son niveau administratif.
Par rapport à l’élections des membres des tribunaux Gacaca, les adultes de chaque cellule
choisissent 24 personnes majeures, intègres, honnêtes et de bonne conduite, « exempts de l’esprit
de sectarisme et de discrimination », dont 19 siègent au tribunal Gacaca de cellule et cinq sont
délégués de cellule à l’assemblée générale de secteur. Les membres du tribunal élisent un comité
de coordination de cinq personnes. Les assemblées générales de secteur, de district et de province
comprennent au moins 50 personnes déléguées par la juridiction Gacaca immédiatement
inférieure. Chaque assemblée générale (au-dessus de l’assemblée générale de cellule) choisit
également 24 personnes en son sein : un tribunal de 19 membres et cinq délégués à la juridiction
Gacaca supérieure. Au total, le pays aurait dû compter 10 648 tribunaux et 254 152 juges
Gacaca.28
Le premier tour des élections des membres des tribunaux Gacaca de cellule eût lieu le 4
octobre 2001. Dans tout le pays, les adultes acceptèrent ou rejetèrent la candidature des
personnes proposées par leurs représentants dans les nyumba kumi (unités composées de dix
foyers). Ce processus se déroula au cours de réunions publiques où les citoyens purent critiquer
ouvertement un candidat ou approuver sa candidature en s’alignant derrière lui et se terminèrent
par l’élection des représentants au niveau du secteur, du district et de la province. La participation
au vote dépassa les 90%.
3.2.2.1 La formation des juges Gacaca – les Inyangamugayo
En 2002, 781 formateurs furent formés à l’enseignement pour adultes. Au départ 3 000
formateurs étaient prévus, dont principalement des magistrats et des étudiants en dernière année
de droit. Ils furent ensuite envoyés par petits groupes dans différents endroits du pays, afin
former les juges Gacaca nouvellement élus. Selon un report d’Amnesty International29 ceux-ci
disposaient de seulement six semaines pour former 254 152 magistrats. Chaque groupe comptant
de 70 à 90 Inyangamugayo (littéralement les ‘intègres’), reçu en quelques jours une instruction
traitant les thèmes suivants : principes juridiques élémentaires, gestion de groupes, résolution de
conflits, éthique judiciaire, gestion des traumatismes, ressources humaines, logistique et gestion
1
financière. Amnesty International s’interroge dans son rapport de 2002 sur la pertinence de cette
formation pour une majorité de juges Gacaca dépourvus de connaissances juridiques ou de
formation en matière de droits humains. L’organisation avance que cette formation accélérée ne
fournit pas aux juges une compétence suffisante pour traiter les affaires qui leur seront soumises,
étant donnés la nature complexe et le contexte socio-politique des infractions commises.
3.2.3 Le déroulement d’une séance Gacaca
Les Juridictions Gacaca sont fondées sur le principe de l’aveu, du plaidoyer de culpabilité, du
repentir et des excuses de la part des accusés ainsi que sur le pardon offert par les rescapés, qui
constituent un pas vers la réconciliation.
Le déroulement de la procédure devant les juridictions suit deux phases distinctes : la
phase pré-judiciaire correspondant à l’instruction et à la collection de données en vue d’établir les
faits, et la phase judiciaire correspondant au procès des prévenus. Depuis le 15 juillet 2006 les
juridictions Gacaca sont en place dans tout le pays. Actuellement les Gacaca se tiennent
systématiquement chaque semaine pour les procès. La participation de toute la population âgée
de plus de 18 ans est obligatoire. Le déroulement de l’audience de jugement devant les
juridictions Gacaca se distingue cependant quelque peu des jugements occidentaux. Il existe en
effet pour chaque dossier un semblant d’accusation, mais dans la majorité des cas, il n’existe pas
de défense. Par contre, lorsqu’il n’y a pas de défense, les faits reprochés au prévenu sont discutés
lors d’une mise en débat. Cela s’effectue sur base des déclarations de l’accusé, de celles des
victimes, de celles des témoins à charge, de celles des témoins à décharge et de celles de toute
personne souhaitant prendre la parole. Une séance s’ouvre avec une minute de silence pour les
victimes du génocide et se ferme avec le jugement du président. Plusieurs personnes peuvent être
jugées au cours d’une séance. D’après les observateurs, « une bonne partie de la population
commence à faire sienne les objectifs de Gacaca ».30
3.3 Réconciliation
3.3.1 Coexistence non-violente grâce à la communication (truth-telling)
Selon Bloomfield, Barnes et Huyse l’authenticité d’un témoignage est de grande importance pour
la fonction de réconciliation des Gacaca.31Celle-ci peut seulement être acquise si les aveux, les
témoignages et les regrets exprimés par les participants lors d’une séance Gacaca sont véridiques.
Hessel Nieuwelink qui a séjourné au Rwanda durant 3 mois afin d’observer et de participer aux
Gacaca décrit la manière de s’exprimer des coupables comme étant souvent froide et sans
émotion. Une victime du génocide, explique: « Pour ma part, si au moment où ils racontent les
faits, je les crois ; alors je peux pardonner. Uniquement si je suis persuadée que ce qu’ils
expriment est sincère, je peux pardonner. »
Si les coupables ne semblent pas regretter sérieusement leurs crimes, le Gacaca perd alors
de son pouvoir et la réconciliation ne peut pas s’effectuer. En outre, comme les personnes
relevant des catégories 2 et 3 peuvent voir leur peine réduite en échange d’aveux complets et
circonstanciés, d’un plaidoyer reconnaissant leurs crimes et d’excuses faites aux victimes, il est
fort probable que ces excuses soient uniquement exprimées dans le but de réduire la durée de
l'emprisonnement. Les témoins sont également souvent mis sous pression ou menacés; ce qui
n'est pas favorable à l'expression de la vérité. De plus, vu que les juges sont généralement de
simples citoyens sans véritable connaissance juridique, l’impartialité et l’indépendance des juges
ne sont pas garanties et la corruption est un risque réel. Les Gacaca sont donc en théorie utiles
pour mettre en place la coexistence non-violente par la communication car il s’agit d’endroits où
le franc discours sur les événements de 1994 est encouragé, mais en pratique, de nombreux
problèmes se posent.
1
3.3.2 Création d’un environnement sûr
“Those who give their testimony and go back to their village are being killed. That is a setback
for reconciliation.” (Interview avec Immaculée, un rescapé, à Kigali)32
Les témoins jouent un rôle central dans la procédure Gacaca qui est essentiellement basée sur les
témoignages oraux. Cependant, de nombreux témoins sont régulièrement menacés, voire tués
comme le prouvent les rapports d’organisations de rescapés.33 Les représentants de l’association
Ibuka34, ont ainsi exprimé leur inquiétude à propos de la sécurité des rescapés et les autorités
n’ont cessé d’émettre des avertissements au cours des six premiers mois de 2007. Cepenant, en
avril 2007 – avril étant un mois particulier en raison de la commémoration du génocide – six
rescapés furent de nouveau tués. Si les témoins sont menacés, le processus de réconciliation à
travers les Gacaca ne peut pas fonctionner. Il est alors nécessaire de créer un environnement de
coexistence non-violente, afin d’établir une confiance mutuelle.
A la mi-2006, un bureau de protection des témoin fut crée par le gouvernement. A la fin
de l’année, 26 plaintes avaient déjà été enregistrées. Il n’existe cependant aucune loi générale
relative à la protection des témoins, bien que la loi sur les juridictions Gacaca prévoie jusqu’à un
an d’emprisonnement pour les personnes faisant tort aux témoins et aux juges engagés dans le
procès Gacaca. L’adoption d’une loi visant à protéger les témoins – réclamée récemment par une
commission du sénat rwandais – permettrait à la police et aux autorités judiciaires de garantir plus
facilement la sécurité des témoins, contribuant ainsi à la légitimité des procédures judiciaires. Fin
décembre 2006 les autorités déclarèrent à la population que de nouvelles mesures énergiques
avaient été adoptées afin de dissuader et de sanctionner de tels comportements.35
Croyant que les personnes résidant dans le voisinage seraient nécessairement au courant
de tout plan visant à attaquer un rescapé, les autorités répétèrent avec insistance que tous les
rwandais seraient tenus pour responsables de la sécurité de leurs voisins. Dans la plupart des
communautés, les fonctionnaires locaux et les habitants des communautés mirent sur pied des
patrouilles de nuit ou accrurent le nombre de patrouilles existantes, en particulier à proximité du
domicile des personnes considérées à risque. Dans certaines zones, les autorités renforcèrent
également la surveillance des personnes considérées susceptibles d’attaquer des rescapés et
avertirent par ailleurs qu’il y aurait des sanctions à l’encontre de tout individu inquiétant des
rescapés36.
3.3.3 Capacité à distinguer différents degrés de culpabilité
Une fois une situation d’environnement sûr atteinte, il est nécessaire d’établir à nouveau la
confiance entre les deux parties. Ceci requiert de chaque partie – victimes et agresseurs – qu’elle
retrouve confiance en elle-même et en l’autre, et qu’elle reconnaisse l’humanité de l’autre partie.
Ceci est en effet la base de la confiance mutuelle. Lors de cette phase, les victimes commencent à
distinguer différents degrés de culpabilité chez les agresseurs et à différencier les individus de la
communauté entière, remettant ainsi en question les idées préexistantes selon lesquelles tout
membre d’un groupe rival est un agresseur de fait ou potentiel 37. On peut également constater
que ceci est mis en pratique par la juridiction Gacaca grâce à la classification en trois catégories
des coupables et grâce au jugement de ceux-ci en tant que individus responsables de leurs actes.
1
3.3.4 Droits de l’homme
Selon Amnesty International la population des prisons rwandaises a atteint en 1997 et 1998 le
plafond de 124 000 détenus. Depuis, ce nombre diminue chaque année, essentiellement grâce aux
processus Gacaca. Au 1er décembre 2005, les statistiques faisaient état de 69 416 détenus pour
l’ensemble des prisons du Rwanda38. La surpopulation des prisons a donc diminué mais reste
toujours un problème dans le pays. Aussi les conditions d’hygiène déplorables qui y règnent
constituent un problème sérieux, infligeant aux prisonniers un traitement cruel, inhumain et
dégradant. De fin 1994 à fin 2001, lors de leur détention, 11 000 personnes seraient mortes de
maladies qu’on aurait pu prévenir, de malnutrition et des effets délétères de la surpopulation. Des
violences physiques exercées sur des détenus par des membres du personnel pénitentiaire seraient
également à l’origine d'un certain nombre de morts. De plus, des dizaines de milliers de détenus
ont été incarcérés dans des centres de détention de l’administration locale : les ‘cachots’ qui à
l’origine furent construits dans le but de recevoir des détenus pour une durée maximale de
quarante-huit heures, avant leur transfert en prison. En raison de la courte durée de la détention,
les districts ne reçoivent aucun budget pour l’entretien des détenus ; ce qui rend les conditions de
détention bien pires que dans les prisons. Les détenus y souffrent de surpeuplement extrême, de
conditions sanitaires déplorables et de dénutrition. Les violences physiques, y compris la torture,
y sont encore plus courantes qu’en prison.
Les Gacaca ont aussi été créées afin de mettre une fin à ces conditions inhumaines des
détenus. Cependant le procès Gacaca est loin d'être idéal. La majorité des accusés n'a pas
d’assistance juridique, bien que sa gratuité soit garantie. Selon l'Organisation Mondiale contre la
torture, seuls 24 avocats assurent une assistance juridique gratuite dans les différentes procédures
judiciaires. Ceux-ci sont payés par les autorités et sont censés couvrir l’ensemble des juridictions
rwandaises.39 Etant donné le nombre d’accusés, cette situation n'est pas acceptable car nonconforme avec les droits minimaux pour un procès équitable.
Conclusion
Dans une société post-génocidaire ‘dualiste’, où les deux parties en conflit (Hutu et Tutsi) doivent
coexister sur un territoire indivisible et surpeuplé, il est plus judicieux de mettre en place une
justice restauratrice que punitive. Avec les Gacaca, une justice restauratrice a donc été instaurée,
faite par et pour la communauté. Tous les adultes ont le ‘devoir civique’ d’y participer. Un
consensus est recherché parmi les participants afin de juger de la culpabilité de l’accusé ou de lui
permettre de réintégrer la communauté. La démarche devrait renforcer la cohésion du groupe et
aider à cicatriser les blessures causées par le génocide. Selon cette théorie on peut constater que
les aspects positifs du système Gacaca pèsent beaucoup plus que les inconvénients. Néanmoins,
étant donné que la théorie et la pratique sont parfois dissemblables, un jugement sur les effets des
Gacaca ne paraît pas si évident.
Cependant, malgré les problèmes dérivant des circonstances telles que décrites plus haut,
les Gacaca contribuent dans un certain sens à la réconciliation nationale. Prenant en compte
l’immensité de la tâche et la nécessité de faire justice dans des délais raisonnables, les
imperfections de la procédure juridique doivent donc être acceptées, du moins si les efforts vers
une amélioration de la situation des droits de l’homme et de la sécurité des témoins sont
poursuivis. Certaines réformes nécessaires ont d’ailleurs déjà été réalisées, comme la révision
régulière de la loi organique, l’abolition de la peine capitale et les efforts pour renforcer la sécurité
des témoins. Une meilleure formation des juges, un plus grand nombre d’avocats pro deo et un
prolongement de la durée de fonctionnement des Gacaca au delà de 2007 permettant d’achever la
phase de jugement seraient souhaitables.
1
1
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3
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7
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8
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raciale soigneusement entretenue (30 ans avant le génocide de 1994)
9
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africaines, 167 : http://etudesafricaines.revues.org/document156.html
10
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11
Guillaume Davranche (2004) Alternative Libertaire. Génocide rwandais (3/3) : Singularité d’un génocide :
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16
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17
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18
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19
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Institute for Democracy and Electoral Assistance
http://www.idea.int/publications/reconciliation/upload/Part%201.pdf
20
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Institute for Democracy and Electoral Assistance
http://www.idea.int/publications/reconciliation/upload/Part%201.pdf
21
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Institute for Democracy and Electoral Assistance
http://www.idea.int/publications/reconciliation/upload/Part%201.pdf
22
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23
Official Website of the Republic of Rwanda: http://www.gov.rw/
24
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25
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27
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http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrc/docs/ngos/OMCT-Rwanda.pdf
28
Wenke, D. (2002) Gacaca Rechtsprechung in Ruanda, Ein traditionelles Gerichtsverfahren in modernisierter Form.
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29
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http://www.amnesty.org/fr/alfresco_asset/4e247743-a386-11dc-9d08145d2b/afr2002fr.pdf
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31
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2
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33
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35
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Times
36
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gacaca : http://hrw.org/french/reports/2007/rwanda0707/3.htm
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32