En la pampa - Jordi Colomer
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En la pampa - Jordi Colomer
sommaire sommaire contents X Cinecito X François Piron Debout les morts Rousing the dead X Simo Bernard Marcadé X Les Villes X Anarchitekton Marie-Ange Brayer X Prototipos X Papamovil X Babelkammer X Mario Flecha La table de Monsieur Malik Mr Malik’s table X Un crime Jacinto Lageira X Arabian stars Christine Van Assche X Conversation entre Conversation between Jordi Colomer et / and Marta Gili X Père Coco et quelques objets trouvés en 2001 X 2 Av X Le Dortoir Gloria Picazo X Fuegogratis X No Future X En la pampa Marti Peran X Pozo almonte X José Luis Barrios Jordi Colomer au pays de Gulliver Jordi Colomer in the land of Gulliver X Escenita Tocopilla X Notices techniques / Technical notes Biographies / Biographies Bibliographie / Bibliography Expositions / Exhibitions X X X debout les morts François Piron Prototipos (2004). Sept maquettes d’étranges chars d’assaut en carton blanchi sont posées sur le plateau d’une longue table métallique qui ploie, d’évidence pas sous le poids du matériau, mais peut-être sous celui de la mélancolie. Objets de peu de réalité : répliques de répliques, ils surgissent d’une image fugace du passé. Ce sont sur des photographies de manifestations de la cnt-fai (Confederacion nacional del trabajo- Federación anarquista ibérica) en 1936 à Barcelone qu’apparaissent ces engins guerriers artisanaux, blindés de carnaval, construits à partir de véhicules réquisitionnés et habillés de carapaces métalliques à l’aube de la guerre civile espagnole, semblables à ces insectes cuirassés en gladiateurs pour effrayer leurs prédateurs, plus défensifs qu’offensifs. Velléitaires armes de carton-pâte contre la menace, on ne peut plus réelle, d’un retour de l’ordre en train de s’instaurer, ces véhicules n’ont presque pas existé : les photographies d’époque les montrent exhibés lors de parades, fièrement présentés à une foule persuadée d’une victoire facile et rapide, mais ils n’ont finalement jamais été utilisés. Quelque soixante-dix ans plus tard, ils recouvrent leur statut de prototypes, d’objets idéels surgis d’un effroi et d’un espoir révolutionnaire qui s’est fracassé sur le mur de l’Histoire. La lumière zénithale irradiante sous laquelle Jordi Colomer les re-présente, sous la forme de fantômes de plâtre et de carton, ne projette pas d’ombre sur eux. Cette lumière est celle des ateliers de construction, d’où ils ont surgi, mais aussi de la fête populaire (les lampes sont de la forme de celles utilisées pour les ferias espagnoles), qui évoque cet unique moment où ils ont joué un rôle politique, au sein d’une performance publique, conjuration à la fois joyeuse et désespérée du destin en train de se nouer. Autres temps, autres lieux : les promesses utopiques de la machine moderne, en tant que véhicule d’émancipation, se sont, au cours de l’histoire des avant-gardes, éclatées en idéologies paradoxales et contradictoires, progressivement morbides, aux accents mussoliniens pour les futuristes, ou se repliant dans une autarcie onaniste, « célibataire », chez Duchamp ou Picabia. C’est au tournant des années 1920 que Kasimir Malevitch commence à appliquer aux formes architectoniques les théories suprématistes qu’il a développées picturalement jusqu’à lors, projetant ses rêveries cosmiques sous la forme des maquettes immaculées des Architectones et des dessins des Planites. Les Planites sont l’équivalent animé des cités flottantes aux noms de lettres grecques que Malevitch nomme Architectones ; ce sont des sortes de vaisseaux spatiaux dont il dresse les plans les plus détaillés (sans échelle, comme les maquettes des Architectones), des véhicules de l’utopie, Anywhere out of the world. Car Malevitch, 15 à la différence des constructivistes, n’appelle pas à leur concrétisation, rejetant l’utilitarisme, le temporel, pour viser un absolu, délié de tout contexte, dans un pressentiment peut-être de la fin imminente de la synchronie entre l’art et le politique dans l’Union soviétique naissante, la fin de la Révolution comme échappatoire à l’Histoire, et le retour de celle-ci — celle du « malheur des hommes ». En d’autres termes, avec les Architectones et les Planites, Malevitch, avant de bouleverser sa propre chronologie artistique et pour finir, d’intégrer sa propre finitude au sein du projet suprématiste, organisant ses funérailles en célébration du Carré noir, cherche à échapper radicalement, dogmatiquement, au fait que, comme le dit le philosophe russe Boris Groys (prenant justement pour exemple la transition de la révolution d’Octobre au stalinisme) : « Toute dictature politique se fonde au bout du compte sur une dictature du temps. L’impossibilité d’échapper à son propre temps, d’émigrer hors de son propre présent, est un esclavage ontologique sur lequel repose tout esclavage politique ou économique. C’est ce qui permet de reconnaître à coup sûr toute idéologie totalitaire moderne : le fait qu’elle nie la possibilité du supratemporel. » « Le dogmatisme, poursuit Groys, est ainsi la source de n’importe quelle résistance contre le pouvoir totalitaire du temps, car est dogmatique quelqu’un qui soutient que certaines idées ou certaines choses sont supratemporelles – sans pouvoir cependant en apporter la preuve (…). Cette décision n’est pas dans le temps et pour le temps, elle est contre le temps1. » assez clairement la négativité conférée à l’architecture, éternel ornement du pouvoir, signe monumental du temps, pesante aiguille de l’horloge de l’Histoire. Derrière l’apparent paradoxe de la réunion entre Malevitch et, à l’autre extrémité du siècle, Matta-Clark, ex étudiant en architecture révolté contre un cartésianisme en faillite, c’est à deux figures de la fuite hors du temps que Jordi Colomer se réfère. « Anarchitecture » est en premier lieu le nom d’un collectif auquel Matta-Clark prend part à partir de 1973, puis d’une exposition collective que le groupe initie en 1974. Dans une lettre illustrée adressée aux autres membres le 10 décembre 1973, Matta-Clark liste une série de projets « anarchitecturaux », dont le premier est le suivant : « A reaction to the prime-crime axiom of modern design fighters. Just a blank board with NOTHING WORKS written as shown. Form fallows function. A photo of dogs sniffing each other’s ass holes3. » « NOTHING WORKS » : rien ne fonctionne. En deux mots s’énonce la charge à venir de Matta-Clark contre le fonctionnalisme cosmétique de l’architecture moderne, contre l’arrogance des organisateurs de plans urbains abstraits. À l’encontre du bâti, Matta-Clark invoquera « l’accomplissement par le retrait4 », l’entropie et le chaos comme formes de vie qui luttent contre – et survivent à – l’architecture. Le « Nothing works » de Matta-Clark de 1973 est un signe avantcoureur du « No Future » de 1977, que Greil Marcus, dans son Histoire secrète du xxe siècle5, considère comme la résurgence des stratégies anti-architecturales du situationnisme. Le travail de Jordi Colomer s’est développé dans les années 1990 autour d’œuvres construites sur des situations et des dispositifs théâtraux, où la dramatisation scénographique des installations et l’artificialité des décors de carton constituaient la toile de fond de saynètes àhuis clos et au temps suspendu : l’éternelle répétition des premières mesures de L’Apprenti Sorcier de Dukas dans Pianito (1999), ou l’arpentage circulaire d’un appartement par un jeune aveugle dans Eldorado (1998). Mais l’architecture y a toujours été présente – pénétrée, traversée, survolée – et c’était bien un modèle réduit d’une pâle copie de Cité radieuse2 qui était jeté à bas dans la vidéo Simo (1997), dans un ultime mouvement rageur et destructeur de son personnage principal. Ce geste iconoclaste à l’encontre d’un des symboles modernistes, dans un film qui, à bien des égards, rend compte de l’aliénation exercée par un fonctionnalisme architectural sur des sujets normés, finalement considérés comme consommateurs, est annonciateur de l’un des projets les plus ambitieux que Jordi Colomer a réalisé entre 2002 et 2004, Anarchitekton. Son titre même, qui à la terminologie de Malevitch associe une formule de l’artiste américain Gordon Matta-Clark, « Anarchitecture », indique Les Anarchitekton de Jordi Colomer sont une série de photographies montées en film et réunies en installation, réalisées dans quatre villes renommées pour leurs architectures prégnantes : Barcelone, Brasilia, Bucarest, Osaka… Au sein de ces paysages urbains, un personnage récurrent, solitaire, circule et fend l’espace, brandissant comme autant de bannières des maquettes de carton des bâtiments devant lesquels il déambule en coureur infatigable, marathonien sans dossard, ou manifestant égaré. Si tel est le cas, il serait moins égaré dans l’espace que dans le temps, dans un contretemps, ou un anachronisme : ce pour quoi il manifeste est, non pas devant, mais derrière lui. Non pas pour appeler un futur meilleur, mais pour miniaturiser, réduire ces imposantes constructions à l’état de maquettes, inverser le cours du temps en revendiquant de suprématistes prototypes. Anarchitekton opère ainsi selon un processus inverse des Prototipos, où des objets étaient reconstruits à partir d’une image ; ici, les architectures deviennent des maquettes pour un spectacle de marionnettes à l’échelle de la ville, avant de devenir finalement des images. Car les films d’Anarchitekton sont en réalité des photographies 17 montées, enchaînements saccadés d’images fixes qui défont la fluidité illusoire du film. Dans son texte Desert Stars6, William Jeffett note à propos d’Anarchitekton que ce recours à une méthode pré-cinématographique de traduction du mouvement relève d’un « usage archaïque de la technologie au service d’un point de vue comique, dystopique même, sur le fait que l’usage des bâtiments sape leurs grandioses systèmes architecturaux ». Avec Anarchitekton, Jordi Colomer quitte l’espace fermé, symbolique, de la scène, pour se confronter au théâtre des opérations urbain. Il est curieux de constater que, dès lors, sa relation au temps se complexifie, et passe de la circularité à des séries d’allées et venues entre passé, présent et futur, rejouées dans le désordre : un présent (celui de l’action et des architectures évoquées) qui convoque un passé (résurgences du modernisme dans ces constructions post-modernes) où l’appel au futur comme promesse émancipatrice échoue. En un sens, les images séquencées des quatre Anarchitekton appellent cette définition de l’image (Bild) de Walter Benjamin, telle qu’elle est décrite par Giorgio Agamben : « Bild est pour Benjamin tout ce en quoi (objet, œuvre d’art, texte, souvenir ou document) un instant du passé et un instant du présent s’unissent en une constellation à l’intérieur de laquelle le présent doit se reconnaître visé par le passé, et inversement le passé doit trouver dans le présent son sens et son accomplissement7. » Le roman-photo animé de Colomer, comme le signale Jeffett, n’est pas sans évoquer le comique du Slapstick et sa mécanique tendant vers l’anarchie et la destruction — à l’encontre de l’architecture comme incarnation de la normativité, voir Big Business (Œil pour œil, 1929) de Laurel et Hardy ou One Week (La Maison démontable, 1920) de Buster Keaton. Il convoque également le plus emblématique des films réalisés à partir d’images fixes, La Jetée (1962) de Chris Marker, autre déambulation somnambulique, où le mouvement est désormais impossible dans les replis d’un temps présent à jamais inatteignable. Dans le ciné-roman mélancolique de Marker, le héros éprouve l’expérience d’un principe bergsonien : l’Espace n’existe plus, seul subsiste le Temps, unique mais illusoire échappatoire d’un monde en cul-de-sac. Chez Colomer, la course perpétuelle et discontinue du personnage constitue l’unité de mesure du paysage, mais s’avère aussi curseur temporel, qui traverse le cadre en déréglant sa fixité, ouvrant une brèche dans l’image, comme s’il n’appartenait ni à cet espace ni à ce temps, et pressé de les faire voler en éclats. À Barcelone, Brasilia, Bucarest ou Osaka, les quatre villes d’Anarchitekton, Colomer a soigneusement choisi les sites, en se gardant de construire une morale ou une signification univoque. La parodie ubuesque du palais de Ceaucescu à Bucarest, incarnation du contrôle politique le plus autoritaire, ne rime pas avec l’utopie sociale de l’hôtel Kubitschek à Brasilia, et l’anarchie composite d’Osaka n’a que peu à voir avec l’ornementale Torre Agbar de Jean Nouvel à Barcelone, dont l’architecture, référence uniquement formelle au Modernismo de Gaudi, est le signe de la plus-value institutionnelle et marchande. Mais entre l’organisation rationalisée du territoire (Brasilia), la représentation de la terreur autoritaire (Bucarest) et la toute-puissance des circulations marchandes les plus fluides (Osaka ou Barcelone), autant de tentatives construites pour adhérer au temps présent, circule, insaisissable, ce personnagetrublion, mi-critique, mi-célébrant, qui ne leur appartient pas. Après cette investigation parmi les capitales du xxe siècle, il était sans doute nécessaire de rechercher un lieu qui échappe à cette dialectique de la modernité et de ses reliquats. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Arabian Stars (2005) est tourné au Yemen, pays passé sans transition, selon les propos de Colomer, « du Moyen Âge à la post-modernité », et où, à bien des égards, ces différentes temporalités coexistent. En témoignent, en toile de fond de ce littéral road movie, la promiscuité des architectures traditionnelles de sable et les bâtisses de béton armé importées de Chine. Devant elles défilent enfants et adultes, hilares porteurs de panneaux en carton sur lesquels les noms des icônes d’une culture populaire globalisée sont inscrits en arabe, de Michael Jackson à Superman, Homer Simpson, Che Guevara ou Zinedine Zidane, dans une confusion des genres, de la réalité et de la fiction, redoublée par le fait que ces noms, ici recontextualisés, subissent la loi de la relativité. Quels sont les noms ici connus et là ignorés ? Comment ils résonnent, ou restent inaudibles, voire infâmes ? Arabian Stars questionne alors, dans un jeu de regards croisés entre les acteurs et les spectateurs, non seulement l’extension d’une colonisation culturelle, mais aussi le processus de domestication de l’Autre dans l’exotisme, et à rebours, la manière dont une société s’auto-colonise en désirant un système de valeurs, tout en pressentant que cette hiérarchie même la maintiendra minoritaire. Mais à travers ce défilé carnavalesque, manifestation sans objet, la tension est suspendue dans une joyeuse absurdité de la situation, tout comme les rituels populaires médiévaux, décrits par Mikhail Bakhtine, interrompaient temporairement le cours du temps dans un renversement des hiérarchies8. Les œuvres de Jordi Colomer ne cessent d’activer ces renversements, ces temps pris à rebours, inversés, pour déjouer toute projection dans une signification unilatérale, et ne donner à lire leur portée critique que dans le reflet d’étranges rituels célébratifs. Dans Fuegogratis (2002), 19 tout un mobilier jaillit d’un feu et fait le bonheur d’un jeune couple qui le charge dans sa camionnette pour une nouvelle vie ; monté à rebours, le film inverse un rituel carnavalesque dedestruction des biens, ivresse de la perte et de l’anéantissement, économie de l’excès retournée en joie de la dilapidation et de la dépense. Dans Père Coco (2002), le personnage, entre clochard céleste et mendiant brechtien, se charge de la collecte des objets laissés pour compte, et les remet en circulation, leur trouve des usages, les disperse de nouveau, trouve et perd dans un mouvement perpétuel. Le protagoniste du film No ? Future ! (2006) – dont le titre même maintient en suspension, par sa ponctuation, la négativité de son énoncé –, est un autre de ces personnages colomériens à l’existence fantomatique, comme parallèle au monde. Surgissant à la fin de la nuit dans une voiture qui semble échappée d’une attraction foraine, arborant en gigantesque enseigne lumineuse l’ambigu slogan qui donne son titre au film, une jeune femme erre dans les rues aussi orthogonales que désertes de la ville du Havre. Jouant crânement de la caisse claire sous les volets encore fermés, elle appuie sur toutes les sonnettes à sa portée, dans une dépense gratuite d’énergie jubilatoire et narquoise, une « déambulation sans but », définition donnée par Guy Debord des « dérives psychogéographiques », qui proposait par exemple de « parcourir sans arrêt Paris en auto-stop pendant une grève des transports, sous le prétexte d’aggraver la confusion en se faisant conduire n’importe où9 ». Une autre phrase de la « Théorie de la dérive » apparaît dans une des quatre séquences de son dernier film en date, En la Pampa (2008). Un couple de jeunes gens déambule dans le décor aride de la pampa chilienne, portant un improbable sapin en plastique progressivement démantelé et emporté par les bourrasques de vent. Apparemment indifférents à l’inhospitalité de l’endroit, ils tentent de se remémorer cette phrase que Debord, en d’autres temps et d’autres lieux, écrivit pour se moquer de l’emploi du hasard dans la poésie surréaliste : « L’errance en rase campagne est évidemment déprimante, et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais10. » L’ironie est ici retournée contre eux-mêmes et à propos de la situation beckettienne dans laquelle ils se trouvent, tandis que leur détermination à marcher contre le vent vient souligner que l’image romantique du bout du monde, de sa fin, masque avant tout la réalité d’un monde laissé pour compte11. Le sociologue chilien Sergio Gonzalez souligne de fait la différence entre « pampa » et « désert »12 : le désert est l’endroit où il n’y a rien, silencieux, et la pampa est le désert habité, le désert où ça parle. À qui veut entendre. 1 Boris Groys, “Dans la prison du temps”, dans Politique de l’immortalité, Paris, Maren Sell, 2005, p. 118. 2 En fait, une maquette de l’hôtel Hilton d’Istanbul, construit par l’agence américaine Skidmore, Owings & Merrill (www.som.com), ou comment le Style international est devenu le Style continental. 3 Cette citation contient de nombreux jeux de mots intraduisibles, dont l’allusion à la formule de l’architecte américain Louis Sullivan, devenue slogan du modernisme : “Form follows function”, “la forme suit la fonction”. Elle devient ici, dans le jeu de mots de Matta-Clark, “la forme met la fonction en jachère”. 4 “Completion through removal”. 5 Greil Marcus, Lipstick traces : une histoire secrète du xx e siècle (1989), Paris, Allia, 1998. 6 William Jeffett, “Desert Stars”, dans Arabian Stars, catalogue d’exposition, St Petersburg (USA), Salvador Dalí Museum / Madrid, Museo nacional Centro de arte Reina Sofia, 2005. Giorgio Agamben Le temps qui reste, Paris, Rivages, 2000, p. 221. 7 8 9 Guy Debord, « Théorie de la dérive », Les Lèvres nues, n°9, décembre 1956 et Internationale Situationniste, n°2, décembre 1958. On peut consulter le texte complet en français sur : http://www. larevuedesressources.org/article. php3?id_article=38. 10 Guy Debord, op. cit. 11 L’unique économie de la pampa chilienne provient de l’extraction minière du nitrate de sodium, le salpêtre. Le mouvement ouvrier chilien connut sa plus violente répression en 1907 à l’encontre des ouvriers du salpêtre, le plus souvent immigrés péruviens. 12 Sergio González, « Habitar la pampa en la palabra : la creación poética del salitre », Revista de Ciencias Sociales, n°13, Iquique, Université Arturo Prat, Chili, 2003. Mikhail Bakhtine, François Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, coll. “Tel”, 1982. 21 rousing the dead François Piron Prototipos (2004). Seven models of strange tanks in whitened cardboard stand on a long metal table that is bending, manifestly not from their weight, but perhaps from the burden of melancholy. These rather unreal objects, these replicas of replicas, come to us from a fleeting image of the past. They are taken from photographs of demonstrations by the cnt-fai (Confederacion nacional del trabajo-Federación anarquista ibérica), held in 1936 in Barcelona, at the beginning of the Spanish Civil War. Homemade war machines in carnival armour, made by cladding requisitioned vehicles with metal shells, they are like those insects whose gladiatorial carapace serves to frighten their predators, and is more defensive than offensive. Flimsy pasteboard weapons against the very real threat of the incipient backlash, these vehicles hardly existed. Period photographs show them being displayed on parades, proudly presented to a crowd convinced that victory will be swift and easy. In the end, they were never used. Some seventy years later, they have gone back to being prototypes, ideal objects born of fear and revolutionary hopes that were dashed against the wall of History. The bright overhead light under which Jordi Colomer re-presents these vehicles, in the form of plaster and cardboard ghosts, casts no shadow on them. It is the light of the construction workshops from which they emerged, but also of popular festivities (the lights have the shape of the ones used in Spanish ferias), and evokes that unique moment when they played a political role in the midst of a public performance, a joyous yet desperate attempt to propitiate a destiny already being played out. Other times, other places: the utopian promises of the modern machine, as a vehicle of emancipation, have, through the history of the avant-gardes, fragmented into paradoxical, contradictory and increasingly morbid ideologies, taking on Mussolinian accents in the case of the Futurists, or withdrawing into an onanistic, “bachelor” autarky with Duchamp and Picabia. At the turn of the 1920s Kasimir Malevich started applying to architectonic forms the Suprematist theories that he had previously developed in painting, projecting his cosmic dreams in the form of the immaculate models of the Architectons and the drawings of the Planits. The Planits are the animated equivalent of the floating cities with the names of Greek letters that Malevich called Architectons; they are sorts of space ships whose plans he set out in great detail (with no scale, like the models of the Architectons), vehicles of utopia, Anywhere out of the world. For, unlike the Constructivists, Malevich did not insist that his models should be made. He rejected utilitarianism, the temporal, and aimed at the absolute, free of context. Perhaps he foresaw 23 the imminent end of the synchrony of art and politics witnessed in the nascent Soviet Union, the end of the Revolution as a way out of History, and the return of History and its “human misfortune”. In other words, with the Architectons and the Planits, and before he overturned his own artistic chronology and, in the end, integrated his own finitude into the Suprematist project, organising his own funeral as a celebration of the Black Square, Malevich sought radical, dogmatic escape from the fact that, as Russian philosopher Boris Groys put it (precisely when taking the transition from the October Revolution to Stalinism as an example), “Every political dictatorship is ultimately founded on a dictatorship over time. The impossibility of escaping our own time, of emigrating from our own present, is an ontological slavery which is the basis of all political or economic slavery. That is the unmistakeable sign of any modern totalitarian ideology: the fact that it denies the possibility of the supratemporal.” And Groys continues: “Dogmatism is thus the source of any kind of resistance against the totalitarian power of time, for someone who maintains that certain ideas or things are supratemporal – though without being able to give evidence of that – is dogmatic. […] This decision is not in and for time, it is against time1.” In the 1990s Jordi Colomer started making works built around theatrical situations and set-ups in which the dramatisation of the installations and the artificiality of the cardboard sets served as a backdrop to enclosed sketches that seemed to take place in suspended time: the eternal repetition of the first bars of L’apprenti sorcier by Paul Dukas in Pianito (1999), and a young blind man walking round in circles in a flat in Eldorado (1998). But architecture has always played a role in his pieces, whether it is penetrated, traversed or overflown, and it is a scale model of a pale imitation of the Cité radieuse2 that is destroyed in the video Simo (1997) in one final enraged, destructive act by the main character. This iconoclastic action involving a great modernist symbol, in a film which is in many ways about the alienating effect of architectural functionalism on people who are normalised and ultimately treated as consumers, looks forward to one of the more ambitious projects that Colomer worked on between 2002 and 2004, Anarchitekton. Even its title, which combines Malevich’s terminology with an expression coined by American artist Gordon Matta-Clark, “Anarchitecture”, conveys fairly clearly the dim view taken of architecture as an eternal ornament of power and monumental sign of the times, a hefty hand on the clock face of History. Behind the apparent paradox of bringing together Malevich and, at the other end of the century, Matta-Clark, a former architecture student who rebelled against a bankrupt Cartesianism, the two figures invoked by Colomer here both represent an escape from time. “Anarchitecture” was originally the name of a collective that Matta-Clark joined in 1973, then the name of a show that they organised in 1974. In an illustrated letter written to the other members on 10 December 1973, Matta-Clark lists a series of “anarchitectural” projects, the first being: “A reaction to the prime-crime axiom of modern design fighters. Just a blank board with NOTHING WORKS written as shown. Form fallows function. A photo of dogs sniffing each other’s ass holes3.” “NOTHING WORKS”: these two words sum up Matta-Clark’s attack on the cosmetic functionalism of modern architecture, against the arrogance of those who organise abstract urban grids. Rather than build, Matta-Clark argued for “completion through removal,” advocating entropy and chaos as forms of life that struggle against – and survive – architecture. Matta-Clark’s 1973 “Nothing works” was a forerunner of 1977’s “No Future”, which Greil Marcus in his book Lipstick Traces, a Secret History of the Twentieth Century4 analyses as a resurgence of the anti-architectural strategies of Situationism. Jordi Colomer’s Anarchitekton is based on a series of photographs edited into a film and brought together in an installation. They were taken in four cities renowned for the resonance of their architecture: Barcelona, Brasilia, Bucharest and Osaka. We see the same solitary figure moving through the space of these urban landscapes, brandishing, banner-like, the maquettes of the buildings he is running around like some indefatigable athlete, a marathon runner without a number, or a demonstrator gone astray. But if he has strayed, then he has done so less in space than in time, by entering a counter-time, or an anachronism: what he is demonstrating for lies behind him, not ahead. He is calling not for a better future but for the reduction of these imposing constructions to the scale of models; he is trying to reverse the flow of time by laying claim to Suprematist prototypes. The process of the Anarchitekton is thus contrary to that of the Prototipos, in which objects were reconstructed on the basis of an image; here, architectural structures become models in a city-wide puppet show before finally becoming images. For the Anarchitekton films are in fact made by editing together photographs, and the jerky succession of still shots counters the illusory fluidity of the film. In his text “Desert Stars5” William Jeffett notes that, “Colomer’s archaic use of the technology was at the service of his comic, even dystopian view that the human use of buildings undermines grand architectural schemes”. With Anarchitekton, Colomer leaves the closed, symbolic space of 25 the stage to confront the theatre of urban operations. It is interesting to note that his relation to time grows more complex in the process, going from circularity to series of back-and-forth movements between past, present and future, replayed in random order: a present (that of the action and the architecture evoked in the images) which summons up a past (resurgences of modernism in these postmodern constructions) in which the invocation of the future as a promise of emancipation fails. In a sense, the sequenced images of the four Anarchitekton pieces bring to mind Walter Benjamin’s definition of the image (Bild in German), as described by Giorgio Agamben: “For Benjamin, a Bild is anything (object, artwork, text, memory or document) in which a past moment and a present moment come together in a constellation within which the present must acknowledge the scrutiny of the past, and conversely, the past must find its meaning and its accomplishment in the present6.” As Jeffett points out, Colomer’s photonovel has elements of slapstick, the mechanics of which tend towards anarchy and destruction (whereas architecture embodies normativity – see Big Business (1929) with Laurel and Hardy and One Week (1920) by Buster Keaton. It also invokes the most emblematic of all the films made using still images, La Jetée (1962) by Chris Marker, another film featuring somnambulistic wandering in which movement has become impossible in the folds of a present that is forever out of reach. In Marker’s melancholy cine-novel, the hero experiences a Bergsonian principle: Space ceases to exist, only Time remains, as the sole, illusory way of escaping a dead-end world. In Colomer, the perpetual and discontinuous movement of the man constitutes the unit of measure of the landscape, but also turns out to be a temporal cursor that crosses the frame and perturbs its fixity, opening up a breach in the image, as if he did not belong to this space and this time, and was in a hurry to break it up. In Barcelona, Brasilia, Bucharest and Osaka, the four towns of Anarchitekton, Colomer carefully chose his sites, taking care not to create a one-dimensional moral or meaning. The Ubuesque parody that is the Ceaucescu palace in Bucharest, embodying the most authoritarian form of political control, hardly fits with Kubitschek’s social utopia in Brasilia, and the composite anarchy of Osaka has little in common with Jean Nouvel’s ornamental Torre Agbar in Barcelona, the architecture of which, with its purely formal reference to the Modernismo of Gaudi, is the sign of institutional and commercial surplus value. But between the rationalised organisation of the territory (Brasilia), the representation of totalitarian terror (Bucharest) and the omnipotence of the circulation of commodities at its most fluid (Osaka or Barcelona), all of which are constructed efforts to adhere to the present, there moves this elusive troublemaker, half-critic and half-celebrant, who is not part of their world. After this investigation in the capitals of the twentieth century, no doubt there was a need to find a place that escapes the dialectic of modernity and its relics. This was probably one of the reasons why Colomer shot Arabian Stars (2005) in Yemen, a country that, according to the artist, has gone straight “from the Middle Ages to post-modernity” and where, in many respects, these two temporalities coexist – witness the promiscuous juxtaposition of traditional sand architecture and buildings in reinforced concrete imported from China that form the backdrop of this road movie (in the literal sense of that term). In front of them children and adults parade past the camera laughing and carrying cardboard placards bearing the names of such icons of globalised popular culture as Michael Jackson, Superman, Homer Simpson, Che Guevara and Zinedine Zidane, all written in Arabic. Here reality mixes confusedly with fiction, and added to these is the sense of relativism that comes from seeing these names in this context: who are the famous and who are the unknowns in these parts? How do these names resonate? Or perhaps they don’t, or are stained with infamy? In this interplay of visions, between actors and spectators, Arabian Stars questions not only creeping cultural colonisation, but also the process whereby the Other is domesticated in exoticism and, conversely, the way in which a society lets itself be colonised by desiring a system of values while sensing that this hierarchy will ensure that it remains in the minority. But by virtue of this carnivalesque procession, this demonstration without an object, the tension is suspended in the joyous absurdity of the situation, just as the popular celebrations described by Mikhail Bakhtin temporarily stopped the flow of time in an overturning of hierarchies7. Jordi Colomer’s works are constantly effecting such reversals, inverting and taking time backwards. Thus they undermine any attempt to project an unequivocal meaning and convey their critical burden only through the reflection of strange celebratory rituals. In Fuegogratis (2002), a whole suite of furniture leaps out of a fire to the delight of a couple who load it into their van in readiness for a new life: edited backwards, the film reverses the carnivalesque ritual of the destruction of possessions, the dizzy pleasure of loss and destruction, an economy of excess turned into the joy of dilapidation and expenditure. The figure in Père Coco (2002), a cross between a heavenly tramp and a Brechtian beggar, takes to collecting abandoned objects and putting them back into circulation, finds uses for them, 27 scatters them again, then finds and loses them again in a process of perpetual motion. The protagonist of the film No? Future! (2006) – the punctuation of the title suspends the negative import of the words – is another of these ghostly Colomerian characters who seem to exist in a world parallel to our own. Appearing at the end of the night in a car that seems to have escaped from some fairground attraction, toting a huge luminous sign whose slogan gives its title to the film, a young woman wanders through the grid-patterned, deserted streets of the town of Le Havre. Gallantly playing the snare drum below the still closed shutters in the street, she rings on all the bells she can reach in a gratuitous expenditure of jubilant and mocking energy, in an “aimless wandering”, to quote Guy Debord’s definition of those “psychogeographical dérives” that might take the form, say, of “hitchhiking non-stop and without destination through Paris during a transportation strike in the name of adding to the confusion8”. Another sentence from Debord’s “Theory of the Dérive” appears in one of the four sequences of Colomer’s most recent film, En la Pampa (2008). A couple of young people are wandering through the arid Chilean pampas, carrying an incongruous plastic fir tree that is gradually torn apart and carried away by gusts of wind. Apparently indifferent to the inhospitality of the place, they try to recall the words that Debord, in other times and places, wrote to mock the use of chance in Surrealist poetry: “Wandering in open country is naturally depressing, and the interventions of chance are poorer than anywhere else9.” Here, the irony is turned against them and related to the Beckettian situation in which they find themselves, while their determination to keep walking against the wind underscores the fact that the romantic image of the end of the world masks the hard reality of a forsaken place10. Chilean sociologist Sergio Gonzalez in fact emphasises the difference between “pampas” and “desert11”. The desert is a silent place where there is nothing; the pampas is the inhabited desert, where people talk. To anyone who will listen. 1 Boris Groys, “Dans la prison du temps,” in Politique de l’immortalité, Paris, Maren Sell, 2005, p. 118. 2 In fact, it is a model of the Hilton Hotel in Istanbul, built by the American firm Skidmore, Owings & Merrill (www.som.com). Thus the International Style has become the Continental Style. 3 Among the many instances of wordplay in this text, note the deliberate deformation of “Form follows function,” the famous words of Louis Sullivan, which became a modernist slogan, here denouncing the sterile effect of formalism. 4 Greil Marcus, Lipstick Traces, a Secret History of the Twentieth Century, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1989. 5 William Jeffett, “Desert Stars”, in Arabian Stars, ex. cat., St Petersburg (USA), Salvador Dalí Museum / Madrid, Museu nacional Centro de Arte Reina Sofia, 2005, 2005. 6 Giorgio Agamben Le temps qui reste, Paris, Rivages, 2000, p. 221. 7 Mikhail Bakhtin, Rabelais and His World, Minneapolis, Indiana University Press, 1984. 8 Guy Debord, “Theory of the Dérive”, in Ken Knabb (ed.), Situationist International Anthology, Bureau of Public Secrets, 2007. “Théorie de la dérive” originally published in Les Lèvres nues, no. 9, December 1956 and Internationale Situationniste, no. 2, December 1958. 9 Op. cit. 10 The only economic activity of the Chilean pampas is the mining of sodium nitrate, or saltpetre. And it was precisely saltpetre workers, most of them Peruvian immigrants, who bore the brunt of the oppression experienced by the Chilean workers’ movement, in 1907. 11 Sergio González, “Habitar la pampa en la palabra: la creación poética del salitre”, in Revista de Ciencias Sociales, no. 13, Iquique, Arturo Prat University, Chile, 2003. 29 simo 1997 30 simodulor Bernard Marcadé À première vue, cela semble se passer à la fois dans une rue commerçante et sur une scène de théâtre. Des éléments de décor sont ici et là perceptibles dans une semi obscurité, des personnages vont et viennent, portant des sacs en papier, des boîtes et autres accessoires. Nous avons l’impression d’assister à la captation vidéographique d’une représentation théâtrale, à ce détail près que nous sommes pris d’entrée de jeu dans un mouvement oscillatoire au rythme régulier, qui ne cessera plus, entre l’extérieur et l’intérieur, et qui souligne la dimension cinématographique du projet. À la faveur du premier élan de balancier, nous entrons comme par effraction dans une petite pièce entièrement blanche et nous trouvons face à une naine en manteau de fourrure sombre qui ôte brutalement ses chaussettes blanches, puis retire ses chaussures à brides, blanches elles aussi. Le personnage, que nous proposons de dénommer ici “ménine1”, sort et revient avec un sac contenant une boîte dont elle extrait des chaussures à talon, qu’elle enfile aussitôt. Elle ressort et revient encore avec plusieurs sacs, pendant qu’à l’extérieur, les passants se croisent, s’affairent, discutent, installent une échelle Notre ménine, qui s’est débarrassée furieusement de certains de ses vêtements, continue de sortir les chaussures de chacune des boîtes, les examinant attentivement avant de disperser l’ensemble à travers la pièce, dans un grand désordre de gestes. On assiste à une série d’allers-retours entre l’intérieur et l’extérieur, où l’agitation se précise et le son des voix monte s’agit-t-il d’une fête, d’une manifestation ? La ménine amène ensuite des pots de confiture, qu’elle se met à manger goulûment avec les doigts. C’est un grand capharnaüm qui s’installe alors : les pots tombent et dégoulinent, les boîtes s’amoncellent Puis elle apporte un immense tapis, le déroule chaotiquement à travers la pièce, recouvrant ainsi le désordre, et finit par s’endormir dessus. À l’extérieur, tout est devenu silencieux. Pas âme qui vive. Une femme aux cheveux courts s’introduit alors dans la pièce, subtilise la chaussure que notre héroïne assoupie serre dans sa main, et la jette dehors à un comparse. La ménine se réveille, furieuse, et commence à amonceler les boîtes de chaussures devant la porte, presque jusqu’au sommet. Elle grimpe dessus maladroitement, puis dégringole à l’extérieur, va chercher une maquette d’architecture illuminée, élément du décor qui apparaissait dans le fond, et la jette dans la pièce encombrée. Elle fait ensuite tomber l’échelle restée dehors à l’avantplan, la traîne et sort du champ. Enfin, l’action repart depuis le début Simo, réalisé en 1997, est la première vidéo de Jordi Colomer. Cette uvre fait partie d’une installation, une structure architecturale en bois ; la projection n’est visible qu’après que le spectateur a parcouru un étroit couloir qui débouche sur une salle entièrement rouge. Simo est une fable, une fable à caractère poétique et politique ; le personnage central entretient un rapport conflictuel avec son environnement immédiat. Simo est l’histoire allégorique d’une révolte et d’une libération. À cet égard, le choix de l’actrice principale est loin d’être innocent. On ne peut s’empêcher de penser aux nains et naines qui, de Vélasquez à Buñuel en passant par Ribera, traversent l’art espagnol. Le point de vue du nain, ici aussi, est autre, et donc potentiellement polémique. Le nain n’est pas un personnage pittoresque, ni une At first glance, the action seems to be set both in a shopping street and on the stage of a theatre. Bits of the set can be seen here and there in the half-light, characters come and go carrying paper bags, boxes and other props. The impression we get is of watching a video recording of a theatrical performance, apart from the fact that there is, from the start, a regular, oscillating movement which never stops, and which underscores the cinematographic dimension of the project. With the first of these back-and-forth movements we seem to break into a small, totally white room where we see a dwarf in a dark fur coat suddenly take off her white socks, and then her mary-jane shoes, which are also white. This figure, whom I propose to call the meniña1 exits and then comes back carrying a bag containing a box from which she removes some high-heeled shoes, which she immediately puts on. She goes out again and returns once more, again with several bags while, outside, passers-by go hither and thither about their business, chat, and set up a ladder… Our meniña, who has torn off some of her garments, continues to pull shoes out of the boxes, examining them carefully before scattering them messily around the room. We see a series of movements to and from interior to exterior, in which the purpose of the bustle grows clearer and the sound of the voices rises. Is it a party or a demonstration? The meniña then brings in some jars of jam, which she eats greedily with her fingers. Here things get really messy. The jars fall to the ground and drip and pile up. Next the meniña brings in a great big rug, unrolls it chaotically across the room, covering up the mess, and finally falls asleep on it. Outside it is now silent. There is not a soul to be seen. A woman with short hair enters the room and whisks away the shoe that our dozing heroine is clutching in her hand. She throws it outside to an associate. She wakes up, furious, and starts piling up shoe boxes in front of the door, all the way to the top, or nearly. She climbs awkwardly up to the top and then comes tumbling down, landing outside. She fetches an illuminated architectural maquette, which was the theatrical prop glimpsed in the background, and throws it into the cluttered room. She then knocks down the ladder still standing in the foreground and drags it out of frame. Then, finally, the action starts up again from the beginning. Made in 1997, Simo is Jordi Colomer’s first video. This work is part of an installation, a wooden architectural structure, and to see the projection the spectator must first pass through a narrow corridor leading to a room in which everything is red. Simo is a fable, a poetical and political fable. The central character has a conflictual relation to her immediate environment. Simo is an allegorical story of revolt and liberation. In this respect, the choice of main actor is anything but anecdotal. We inevitably think of the male and female dwarfs found throughout Spanish art, from Velazquez and Ribera to Buñuel. The dwarf’s perspective, here too, is other, and therefore potentially polemical. The dwarf is not a picturesque figure, nor a natural freak; rather, s/he reminds us of our own potential. A paragon of minority status, the dwarf – here, a female – necessarily defies the law by her/his very presence. exception de la nature ; il renvoie davantage à l’un de nos possibles. Parangon du devenir minoritaire, le nain (en l’occurrence ici la naine) est le représentant par excellence de notre humanité. Critique vivante de la normalité, le nain défie nécessairement, par sa présence, la loi. Ce qui est en question dans cette vidéo et cette installation, c’est en effet la relation normative à l’architecture. Le personnage de Simo s’affronte aux canons qui sont en vigueur aussi bien dans les traités de proportion antiques que dans les idéologies architecturales de la modernité on pense évidemment au Modulor corbuséen. En s’affranchissant, de manière drolatique, de modèles d’espaces qui passent pour universels, Simo introduit le désordre et instaure du même coup une autre souveraineté, celle, libertaire, de la singularité. 1 En référence au rôle que l’actrice espagnole Pilar Rebollar a joué dans la pièce La Marquesa Rosalinda de Ramón del ValleInclán en 1988, mise en scène par Alfredo Arias, où elle interprète une ménine. C’est à cette occasion que Jordi Colomer fait sa connaissance ; dix ans plus tard, il la sollicite pour interpréter le protagoniste de Simo. What is in question in this video and this installation is effectively the normative relation to architecture. The character in Simo is getting to grips with the canons that are in force both in classical treatises on proportion and in the architectural ideologies of modernity – here, of course, one thinks of Corbusier’s Modulor. By breaking eccentrically free of spatial models that are considered universal, Simo institutes disorder and by the same token institutes another sovereignty – the libertarian one of singularity. 1 In reference to the “meniña role played by Pilar Rebollar in Alfredo Arias’s production of La Marquesa Rosalinda by Ramón del Valle-Inclán in 1988, which was when Colomer met her. Ten years later, he asked her to perform the leading role in Simo. 41 les villes 2002 les villes Dans une pièce construite toute en longueur, comme un lieu de passage, deux écrans sont encastrés au mur, peint en rouge ; ils projettent en boucle deux versions, que l’on croit d’abord identiques, d’une même scène. En face sont disposées des chaises disparates. Dans une ville la nuit, une jeune femme en pyjama progresse, au dessus du vide, en s’accrochant à la corniche d’un immeuble. Le son laisse deviner la circulation de la rue et les bruits liés au quotidien du foyer. Une voisine passe la tête par la fenêtre, l’air compatissant ou indifférent, selon les versions. Dans la première, la jeune femme parvient à atteindre une fenêtre ouverte et à se hisser à l’intérieur ; dans la seconde, elle lâche prise et chute. A l’arrière plan, une ville, figurée par de petits modules géométriques en bois, se fait et se défait sans cesse. Le montage saccadé et accéléré rappelle les architectures suprématistes, les animations de Hans Richter ou les collages cubistes, emblématiques d’une esthétique moderniste. La temporalité à la fois narrative et répétitive, de même que l’action et le décor, évoquent le cinéma burlesque, associant l’invraisemblance de la situation à l’authenticité de l’effort. La façade apparaît comme une espace intermédiaire où le personnage se confronte à la ville, comme l’acteur au décor de façon d’autant plus troublante qu’il s’agit d’un jeu à l’issue incertaine. In a long room resembling a space through which people pass, two screens are mounted flush with a red-painted wall. They are showing in an unending loop the same scene in two versions we initially believe are identical. Opposite them are a few mismatched chairs. In a city at night, a young pyjama-clad woman edges forward above an empty drop, clinging to a building ledge. The sound is suggestive of street traffic and everyday household noises. A woman neighbour sticks her head out of the window, her expression either sympathetic or uninterested according to the version. In the first, the young woman succeeds in reaching the open window, and lowers herself inside; in the second version, she loses her grip, and falls. In the background, a city, represented by small geometric modules in wood, assembles and disassembles unceasingly. The jerky, accelerated editing is reminiscent of suprematist architecture, the animated films of Hans Richter or Cubist collage, symbolic of a modernist aesthetic. The temporal dimension, simultaneously narrative and repetition, and the action and decor, are equally evocative of the burlesque genre, combining situational improbability with authenticity of effort. The building’s frontage appears as an intermediate space in which the character is seen against the city, like an actor against the scenery – in a manner made more troubling still by the uncertainty of the final outcome. anarchitekton barcelone, bucarest, brasilia, osaka barcelona, bucharest, brasilia, osaka 2002-2004 Anarchie-Architectone / Anarchy-Architecton Marie-Ange Brayer Un personnage exhibant une maquette en carton court à travers la ville. Il est à Barcelone, puis à Bucarest, Brasilia, Osaka. Son périple urbain est sans fin ni finalité. Un personnage solitaire, sans conquête du monde autre que sa traversée « grotesque ». Une production de l’utopie. Après des études d’architecture marquées par le modernisme, Jordi Colomer a poursuivi une interrogation sur la potentialité émancipatrice de l’architecture et sur le décalage entre les bâtiments modernes et leur appropriation par les habitants. À Barcelone, se construisent à cette époque de nouveaux quartiers qui contrastent avec les blocs d’immeubles et grands ensembles érigés dans les années 1960. À l’origine d’Anarchitekton, un jeu entre amis, une journée d’été à Barcelone en 2002 : Jordi, Marc et Idroj décident de « visiter les limites physiques de (leur) ville1 ». Alors qu’ils se promènent en brandissant des maquettes, les trois comparses sont apostrophés par quelqu’un : s’agit-il d’un projet de construction dans le quartier ou protestent-ils contre les tours ? Cet habitant se retrouvera dans le film sur Barcelone, posant des questions à Idroj avant de lui serrer la main. Cette ambivalence proprement « grotesque » dans le geste de brandir une maquette sera aussi questionnée par les enfants participant à un atelier avec l’artiste. Après avoir regardé Anarchitekton, l’un d’eux remarquait : « Dans les films, quand j’ai vu les maquettes, j’ai pensé à une manifestation contre les immeubles2. » S’ouvrent ici les multiples chemins d’exégèse de cette œuvre qui nous renvoie autant à notre propre construction du monde qu’à notre finitude existentielle ; une œuvre dans laquelle le personnage ne cesse de courir, comme ces messagers de l’Iliade dont le fatum les conduit à traverser les terres, conscients de l’impossible issue des conflits, mûs par leur seule vélocité. À Barcelone, Idroj parcourt trois quartiers aux limites de la ville, de Santa Coloma, quartier d’immigration des années 1960, à Bellvitge, près de l’aéroport, jusqu’au quartier résidentiel de Diagonal Mar3. Il nous confronte aux franges urbaines, dans lesquelles l’individu trouve parfois plus de liberté dans son appropriation de l’espace qu’en son centre. Idroj remet les clefs d’un appartement imaginaire à un habitant du quartier. Ce geste évoque la peinture religieuse médiévale où les maquettes votives d’église s’associaient à une remise symbolique des clés au saint patron de la ville. Sauf qu’ici, les champs du réel et de la représentation coexistent dans une même horizontalité. À Bucarest, le parcours commence à la manière d’une parodie du parcours de la flamme olympique, avec une bouteille en plastique fixée au bout d’un manche en bois. Objet sans doute trouvé, aussitôt mis en scène. Le personnage court le long d’un lac, dans un no man’s land en direction de la ville 4. Idroj traverse ensuite Bucarest avec la maquette des immeubles squelettes de la dernière période de Ceausescu, restés inachevés, avant d’arriver à la Maison du Peuple, maintenant Palais du Parlement5. Les signes hypertrophiés et vacants du pouvoir y ont pris l’allure d’oripeaux déchus. À Brasilia, ville nouvelle construite par Niemeyer dans les années 1960, Idroj est à proximité du Congrès national6 dont il brandit la maquette ; il la porte jusqu’aux quartiers plus précaires, en cours de construction7, qu’il arpente ensuite muni de la maquette d’un de ces blocs, immeuble sans qualité, avant de retourner à son point de départ. Aux grandes allées, soulignant le hiératisme des bâtiments d’Oscar Niemeyer, Idroj préfère les chemins de traverse déjà tracés par les habitants. Il croise une manifestation et des gens le saluent. Il traverse A man holding a cardboard model runs through the city. He is in Barcelona, then in Bucharest, Brasilia and Osaka. His urban journey is endless and seemingly without a goal. A solitary figure, his only conquest of the world is that of his “grotesque” traversal. A production of utopia. After studying architecture, with a particular interest in modernism, Jordi Colomer went on to explore the emancipatory potential of architecture and the discrepancy between modern buildings and the way they are appropriated by their occupants. At the time, new quarters were being built in Barcelona, contrasting with the blocks of flats and major projects put up in the 1960s. Anarchitekton started out as a game played between a few friends one summer’s day in Barcelona in 2002: Jordi, Marc and Idroj decided to “visit the physical limits of [their] city1”. When they were walking round brandishing their models, someone called out and asked the three friends if they were displaying a construction project for the area or protesting against the towers. This inhabitant appears in the film about Barcelona, putting questions to Idroj and then shaking his hand. This truly “grotesque” ambiguity about the gesture of brandishing a model was also questioned by children taking part in a workshop with the artist. After seeing Anarchitekton, one of them observed: “In the films, when I saw the models, I thought it was a demonstration against the buildings2.” This opens up multiple paths of exegesis in relation to this work that confronts us with our own construction of the world as well as our mortality, this work in which the figure never stops running, like the messengers in the Iliad whose fatum condemns them to keep pacing the earth, conscious that conflict can never end, carried only by their velocity. In Barcelona, Idroj runs through three quarters on the periphery of the city: Santa Coloma, an immigrant quarter in the 1960s; Bellvitge, near the airport; and the residential quarter of Diagonal Mar3. He takes us to those urban fringe areas where individuals are sometimes more free to appropriate space than they are at the centre. Idroj hands the keys of an imaginary flat to a local inhabitant. This action brings to mind medieval religious paintings and the fact that votive models of churches were associated with a symbolic presentation of the keys to the city to its patron saint. Here, however, the fields of the real and representation coexist within the same horizontality. In Bucharest the sequence begins like a parody of the progress of the Olympic flame with a plastic bottle fixed to a wooden handle – no doubt a found object that was immediately integrated into the mise-en-scène. The figure runs alongside a lake, in a no-man’s-land, towards the city4. Idroj then crosses Bucharest with models of the skeleton buildings from the late Ceausescu era, which were left unfinished, and fetches up in front of the House of the People, now the Palace of the Parliament5. The vacant, hypertrophied signs of power have taken on the appearance of tawdry old rags. In Brasilia, a new town built by Oscar Niemeyer in the 1960s, Idroj brandishes a maquette of the National Congress near the building in question6, then carries it to more fragile neighbourhoods that are still under construction7, moving through these with the model of one of their nondescript apartment buildings before going back to his starting point. Rather than the wide alleys that set off the hieratic quality of Niemeyer’s buildings, Idroj prefers the byways already laid out by the inhabitants. He comes across a demonstration where the people greet him. He also crosses a motorway interchange, whose knot 61 anarchitecton aussi un nœud autoroutier dont les axes s’enchevêtrent à l’instar de ses cheminements multiples. À Osaka, ville par excellence des nomades urbains, où l’on ne s’arrête jamais, il erre dans des « forêts artificielles8 » de signes. La maquette pourrait ici s’avérer presque plus « réelle » que l’architecture, qui s’efface derrière l’omniprésence des images et la palpitation des lumières. À la différence des autres films, dans lesquels Idroj demeure le protagoniste, les habitants d’Osaka envahissent le champ de l’image qu’ils rythment par leur flux incessant. of roads evokes the many paths he has himself taken. In Osaka, pre-eminently a city of urban nomads, where the movement never stops, he wanders through the “artificial forests8” of signs. Here, the model might even be thought more “real” than the architecture, which disappears behind the images and the palpitation of the lights. Unlike the other films, in which Idroj is the protagonist, here the people of Osaka invade the image, imparting the rhythm of their own incessant flux. Anarchitekton est le condensé d’anarchie et d’Architectone. En son milieu se trouve l’archè, instance originelle, champ vectoriel entre le concept et le réel, le soi et le monde. Les Architectones sont des maquettes-sculptures en plâtre, strictement orthogonales, que réalise Kasimir Malevitch vers 1920-1925. Sans échelle ni mesure, ces « constructions spatiales » matérialisent la trajectoire cosmique du suprématisme. À l’opposé, les maquettes de Colomer sont dépourvues de tout transcendantalisme ; elles jouent même d’un mimétisme à outrance, parodiant la réalité constructive en lui empruntant ses traits jusqu’à la caricature, assumant la fonction de révélateur du masque au théâtre. Colomer fait aussi référence, de façon plus littérale, au constructivisme russe pour lequel, à la même époque, les maquettes étaient le modèle théorique d’une « réalité révolutionnaire à construire9 ». Idroj brandit une maquette comme dans ces parades soviétiques où l’architecture se voulait le symbole d’une société nouvelle10. Ainsi Tatline fit-il défiler dans les rues de Leningrad en 1926, au milieu d’un cortège populaire, la maquette de son célèbre Monument pour la iiie Internationale. Chez Colomer, la dimension sacrale de la procession, politique ou religieuse, renvoie plutôt à une déambulation solitaire. Anarchitekton is a portmanteau word conflating “anarchy” and “architecton”. At its heart is archi (arkhé), meaning the chief or original instance, the vectorial field between concept and real, self and the world. The “architectons” were strictly orthogonal modelscum-sculptures in plaster made by Kasimir Malevich in 1920– 1925. With no scale or measure, these “spatial constructions” materialise the cosmic trajectory of Suprematism. In contrast, Colomer’s maquettes are devoid of transcendence – indeed, they even play on an excessive mimesis, parodying the reality of architecture by copying its traits to the point of caricature, playing the same revelatory role as the mask in theatre. Colomer also refers, more literally, to Russian Constructivism for which, in those same years, models were the theoretical prototype for a “revolutionary reality that remained to be built9”. Idroj brandishes a maquette like a marcher in those Soviet parades in which architecture was to serve as the symbol of a new society10. Thus, in 1926, Tatlin had the model of his famous Monument for the Third International carried through the streets of Leningrad in a popular parade. With Colomer, however, the sacred dimension of the political or religious procession refers instead to a solitary ambulation. Au cours de ses pérégrinations urbaines, Idroj exhibe ainsi une maquette qui, de temps à autre, vient fugitivement se confondre avec un immeuble à l’arrière-plan, reprenant de manière schématique ses caractéristiques formelles. Cette convergence n’est cependant pas systématique ; la maquette peut en effet aussi s’inscrire dans un registre dystopique et contraster avec l’architecture, signifiant une réalité autre, une précarité qui vient contaminer les bâtiments officiels, publics ou d’habitation. La maquette insuffle une anarchie à l’ordre du réel comme à celui de la fiction. Instance du projet dans l’architecture, elle ne projette plus aucun récit sur le monde qu’elle traverse, mais le parodie de manière burlesque. Habituellement instrument de préfiguration, la maquette est ici consécutive au construit, dépourvue de toute finalité, même esthétique, puisqu’elle ne se présente pas comme un objet « beau » ou fini. Elle peut ainsi déconstruire l’ordre de la représentation. Migratoire, elle ne cesse de déplacer les signes architectoniques et de les fragmenter au cours de sa trajectoire urbaine. Par cet artefact, le personnage ne cesse d’évoluer dans une zone discursive où tout demeure dans un état d’indétermination, entre chantier, construction et terrain vague ; tout n’est que trajets et déplacements. Ces maquettes sont des objets pauvres, en carton, peintes à certains endroits, comme celles qu’auraient maladroitement confectionnées des enfants. Elles semblent sorties des coulisses d’un théâtre où elles auraient servi d’éléments de décor pour une toile de fond urbaine. Certaines d’entre elles ne sont d’ailleurs découpées ou peintes que d’un seul côté, laissant entrevoir leur face « brute » d’objet sans apprêt. Idroj exhibe une maquette différente selon le quartier qu’il traverse, comme un costume ou un accessoire qui obéirait au scénario. « Étendards grotesques, provocations utopiques ou brillantes bannières », les maquettes théâtralisées dans leur décorum urbain se donnent comme l’empreinte éphémère d’événements, traces parmi d’autres. Nourri d’une expérience multiple dans le milieu du théâtre, Colomer In the course of his urban peregrinations, Idroj thus exhibits a maquette which, now and again, is fleetingly identifiable with a building in the background, schematically echoing its formal characteristics. This convergence is not systematic, however, for the maquette may also function in a dystopian register, contrasting with the architecture and pointing to another reality, to a precariousness that contaminates the official, public or residential buildings. The maquette instils anarchy into both the order of the real and that of fiction. Embodying architecture as project, it does not project a narrative onto the world it traverses, but instead offers a burlesque parody of it. Usually an instrument of prefiguration, the maquette here post-figures the building, and has no finality, not even an aesthetic one, in that it is not a “handsome” or finished object. It can thus deconstruct the order of representation. A migratory object, it endlessly displaces and fragments architectonic signs as it moves through urban landscapes. Because of this object, the figure carrying it constantly inhabits a discursive zone where everything remains in a state of indeterminacy, between construction site, building and waste ground. Everything is trajectories and displacements. These maquettes are poor objects made of cardboard, covered here and there in paint, like the kind of things clumsily made by children. They seem to have come from behind stage in a theatre where they were used in the set for an urban drama. Some of them are cut and painted on one side only, the unfinished object showing on the other. Idroj exhibits a different maquette for each quarter that he moves through, like a costume or prop made for that particular script. “Grotesque standards, utopian provocations or brilliant banners”, the theatricalised maquettes can be read as the traces of ephemeral events in their urban setting, as traces among a multitude of others. Colomer has a rich and varied experience of theatre, and he is fascinated by the hybrid status of ephemeral structures built for festivals or demonstrations – a mixture of set and reality. Idroj is the “hero of immanence” who reste fasciné par le statut hybride des architectures éphémères, réalisées pour des fêtes ou des manifestations, entre décor et réalité. Idroj est ce « héros de l’immanence » qui investit autant l’art que la vie, portant une charge symbolique, presque magique, sur ses épaules, et qui représente en même temps un poids, nécessite un effort. Son engagement physique a pour Colomer une résonance collective. À travers la maquette se déploie un jeu d’échelles où les valeurs du grand et du petit se donnent comme relatives. Les maquettes sont pour lui des « effigies, des espèces de sculptures investies d’un sens symbolique, et les transporter dans la rue produit en soi un événement, une collision entre deux ordres de réalité ». Les maquettes réduites sont à l’échelle humaine et leur statut potentiellement monumental est aussitôt contredit par leur fragilité. Fixées au bout d’un manche en bois, elles n’ont de sens qu’activées par leur porteur, comme des marionnettes. Fasciné par les décors qui brûlent, par les objets spécialement conçus et construits pour la fiction, Colomer ne pouvait que se tourner vers ces « simulacres », vecteurs d’utopie, que sont les maquettes d’architecture, objets à la fois théoriques et performatifs, proches par leur statut de ces « fausses villes au milieu du désert » caractéristiques des films hollywoodiens. À la fois figurative et abstraite, la maquette d’architecture renvoie « aux rapports complexes entre l’objet et le mot, entre la narration et le décor ». Colomer puise dans le monde de l’analogie et de la taxinomie du réel où « la représentation – qu’elle fût fête ou savoir – se donnait comme répétition11 ». Idroj pourrait être une sorte de Don Quichotte contemporain qui erre à l’aventure dans un monde où « l’écriture et les choses ne se ressemblent plus », répétant sans cesse son action. Ainsi la maquette se lit-elle à la fois comme un « mot » et comme une « chose » ; au spectateur de recomposer l’écheveau qui entrelace les choses et leur représentation. Dans ces scénarios aux multiples points de vue simultanés, l’acteur peut incarner le langage, les mots se donner comme les empreintes de la représentation et les images comme des concrétions du réel. Si la maquette devient un outil de scénarisation du réel, du fait de sa spécularité, les passants croisés par Idroj sont quant à eux happés dans la fiction. Afin de mieux contrer toute linéarité, le film est un enchaînement d’images fixes qui reconstitue l’idée de mouvement. Un mouvement dilaté puisqu’ici une même image reste à l’écran presque une seconde, alors que dans un film standard il y a vingtquatre images différentes par seconde. Idroj court ainsi au rythme saccadé de l’enchaînement des images fixes qui rend compte – paradoxalement – d’un mouvement sans fin. Dans chaque film, la marche du personnage semble se répéter, nous ramener plus en arrière ou nous projeter plus avant. Son inscription dans un espace-temps délimité est proprement impossible. L’on ne cesse de basculer d’un temps à l’autre sans aucune linéarité. Ou encore, le personnage exécute une chorégraphie elliptique, burlesque, qui consomme la perte de toute orientation, au milieu d’un terrain vague ou d’un carrefour. Cette dimension mécanique du corps en mouvement, révélée depuis le corps animé de Marey à la fin du xixe siècle, renvoie de nouveau à la perte d’ancrage. Comme l’a souligné Ramon Tio Bellido12, il ne s’agit pas, chez Colomer, de narration mais d’animation. Il préfère en effet désarticuler des codes de la représentation et privilégie l’itération du temps que permet l’animation, où se joue et se rejoue continuellement la temporalité de l’instant. Colomer évoque à ce propos un « proto-cinéma » qui conjugue l’économie de moyens avec le « minimalisme de l’action ». Les procédures sont mises à plat. Les images se succèdent, laissant apparaître leur « couture » ; la jonction entre le réel et le fictionnel est délibérément ostentatoire. Les images, comme les maquettes, n’ont aucune valeur en soi ; parfois elles se brouillent, s’accélèrent ou décélèrent, ne souscrivant à aucune logique rationnelle. Le film a un début et une fin, mais se répète. inhabits both life and art, carrying a symbolic, almost magical load on his shoulders which at the same time represents a weight and necessitates an effort. For Colomer, his physical engagement has a collective resonance. The maquette brings into play a whole set of scales in which the values of large and small are perceived as relative. For him, the maquettes are “effigies, kinds of sculptures endowed with a symbolic meaning, and the simple fact of carrying them through the street produces an event, a collision between the two orders of reality”. The reduced maquettes are on a human scale and their potentially monumental status is immediately contradicted by their fragility. Set on the end of a wooden rod, they become meaningful only when moved by the person holding them, like puppets. Fascinated by burning stage sets, by objects that are specially conceived and built for fiction, Colomer could not fail to take an interest in “simulacra”, in these vectors of utopia that are architectural maquettes, these being at once theoretical and performative models, close in status to those “false cities in the middle of the desert” found in Hollywood movies. At once figurative and abstract, the architectural maquette evokes the “complex relations between object and word, between narration and set”. Colomer draws on this world of the analogy and taxonomy of the real where “representation – whether festive or knowledge – is given as repetition11”. Idroj could be a kind of contemporary Don Quixote wandering through a world where “writing and things no longer resemble each other”, endlessly repeating his action. Thus the maquette can be read as both a “word” and a “thing”; it is up to the viewer to recompose the interlacing tangle of things and their representation. In these scripts with a multiplicity of simultaneous viewpoints, the actor can embody language, words can be seen as imprints of representation and images as concretions of the real. If the model becomes a tool for scenarising the real, by virtue of its specularity, the passers-by encountered by Idroj are themselves drawn into the fiction. The better to avoid any form of linearity, the film is a sequence of fixed images that reconstitutes the idea of movement. This movement is of a dilated kind, since here a message remains on the screen for nearly a second, as compared to the 24 images a second in a standard film. Idroj thus runs with the jerky rhythm of a sequence of still images depicting – paradoxically – endless movement. In each film, the person’s movements seem to be repeated, bringing us back or projecting us further forward. It is impossible to inscribe him in a delimited space-time. We are constantly switching from one time to another, without a shred of linearity. Or again, the figure performs an elliptical, slapstick choreography which consummates the loss of all orientation, in the middle of a waste ground or a crossroads. This mechanical dimension of the moving body, revealed by Marey at the end of the nineteenth century, evokes once again the loss of moorings. As Ramon Tio Bellido has pointed out12, what Colomer gives us is not narration but animation. In fact he prefers to disarticulate codes of representation and privileges the iteration of time allowed by animation, in which the temporality of the moment is constantly being played and replayed. In this regard Colomer speaks of “proto-cinema”, which combines economy of means with “minimalism of action”. Procedures are laid out flat. The images follow on from one another, their “suture” visible; the junction between the real and the fictional is deliberately overt. The images, like the maquettes, have no intrinsic value; sometimes they become blurred, accelerate or slow down, following no rational logic. The film has a beginning and an end, but repeats itself. It is up to the spectator to decide when it ends. “I want to propose a tension between immersion in the story that is proposed and the awareness that we are watching something.” Au spectateur de décider de la fin. « Je veux proposer une tension entre l’immersion dans l’histoire proposée et la conscience qu’on est en train de regarder quelque chose. » « D’une certaine façon, [le spectateur] habite un espace de représentation », ajoute Jordi Colomer. Le silence du film convoque le cinéma muet, renforce l’action qui s’y déroule et accentue son aspect burlesque. Idroj, les maquettes, l’architecture, la ville ou le décor urbain, sont autant d’éclats de choses ou de mots. Le déplacement sans fin dans ces espaces indéterminés nous renvoie aussi à l’impossible « encyclopédisation » du monde, à « ces listes méticuleuses dressées par Perec dans La Vie mode d’emploi [qui] semblent assez proches de lents mouvements de caméra ». Idroj, dans sa déambulation, témoigne, à la manière de Flaubert dans La Tentation de saint Antoine, de Roussel ou de Perec, de l’impossible inventaire du monde, de l’impossible exhaustion du réel. Anarchitekton serait ainsi une sorte d’oxymore, travestissant les déambulations dans la pratique artistique, des surréalistes aux situationnistes, en puisant son ressort narratif dans le discours utopique des avant-gardes architecturales. L’ordre jadis transcendant de l’architecture n’est plus qu’un bricolage sauvage d’espace et de temps. Les instruments de mesure sont rabaissés au rang d’accessoires de fiction. Il n’y aurait donc pas de « réel immuable » mais des réels ; tout est multiplicité, coexistence de champs intelligibles et fantasmagoriques. Colomer fait des sculptures, des « sculptures dilatées dans le temps » ; ses œuvres relèvent de la logique de transfert du conte, de la réversibilité entre réel et imaginaire pour retourner à l’absence d’origine et de fondation des choses, à l’aporie des instruments de la représentation. 1 2 Marc Viaplana, photographe, et Idroj Sanicne (ou Jordi Encinas), artiste réalisant des performances. Les citations, sauf mention contraire, sont issues d’entretiens de l’auteur avec Jordi Colomer. Atelier à l’école Maxime Perrard (CM1CM2) à Orléans, en 2003, organisé par le frac Centre, à l’occasion duquel a été réalisé I-mmoble, film d’animation et de maquettes. 3 Le quartier Diagonal Mar fut construit à l’occasion du Forum des Cultures 2004, opération immobilière et urbanistique inscrite dans un projet d’aménagement à l’initiative de la Ville. 4 Idroj longe un lac bordé de blocs d’habitations construits à l’époque de Ceausescu, qui forment le quartier d’Ansamblul Titan. 5 C’est le second plus grand bâtiment du monde, après le Pentagone, en superficie. En 2004, s’y sont ouverts le musée national d’Art contemporain, dans l’aile ouest, et le musée du Totalitarisme et du Régime socialiste. 6 La place des Trois Pouvoirs se compose de plusieurs bâtiments, notamment le Congrès national, gratte-ciel avec ses deux coupoles inversées que sont le Sénat et la Chambre des députés. 7 Il s’agit d’Aguas Claras, une des villes satellites de Brasilia. 8 Toyo Ito compara les habitants de Tokyo à des « nomades qui errent dans des forêts artificielles ». Voir ArchiLab Japon. Faire son nid dans la ville, Orléans, éditions HYX, 2006. 9 Selim Omarovic Han-Magomedov, El Lissitzky, 1890-1941, catalogue d’exposition, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Paris, éditions Paris Musées, 1991, p. 37. And Colomer adds: “In a way [the spectator] inhabits a space of representation.” The silence of the film summons up the memory of silent movies, heightens the impact of the action it contains and underscores its slapstick quality. Idroj, the maquettes, the architecture, the city and the urban setting are all fragments of things and words. Endless movement through indeterminate spaces also evokes the impossibility of “encyclopaedising” the world, and those “meticulous lists drawn up by Perec in La Vie, mode d’emploi [which] seem quite close to slow camera movements”. In his ambulation Idroj, like Flaubert in The Tentation de saint Antoine, like Roussel and like Perec, attests to the impossibility of inventorying the world, the impossibility of exhausting the real. Anarchitekton could thus be seen as a kind of oxymoron, travestying various kinds of walks in art history, from the practices of the Surrealists to those of the Situationists, by drawing its narrative dimension from the utopian discourse of the architectural avant-gardes. The once transcendent order of architecture is now no more than the wild bricolage of space and time. Instruments of measure are reduced to the rank of props in a fiction. Thus, it would seem, there is no “unchanging real”, but only reals. Everything is multiplicity, the coexistence of intelligible and phantasmagoric fields. Colomer makes sculptures, “sculptures dilated in time”. His works embody the logic of transfer that operates in tales, the reversibility of real and imaginary; they take us back to the absence of origin and foundation, to the aporia of instruments of representation. 10 Dans la jeune Russie soviétique, les maquettes d’architecture, en particulier d’édifices révolutionnaires, promenées dans les défilés, remplaçaient les statues des processions religieuses. 1 11 Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1966, p. 32. 2 12 Ramon Tio Bellido, “Les Gauloises bleues de Jordi Colomer”, dans Jordi Colomer. Quelques stars, Saint-Nazaire, Le Grand Café / Noisy-le-Sec, La Galerie / Nice, La Villa Arson, 2003. Marc Viaplana, photographer, and Idroj Sanicne (or Jordi Encinas), an artist who does performances. Unless otherwise stated, the quotations come from the author’s interview with Jordi Colomer. This workshop was held at École Maxime Perrard (CM1-CM2) in Orléans in 2003, and organised by frac Centre. Here he made I-mmoble, an animation film with maquettes. 3 The Diagonal Mar quarter was built for the 2004 Forum des cultures 2004. This property and urban scheme was part of a development initiative by the municipality. 4 Idroj walks along a lake edged with housing blocks built in the Ceausescu years. The form the Ansamblul Titan quarter. 5 In terms of area, this is the second biggest building in the world, after the Pentagon, In 2004, a national museum of contemporary art was opened in its west wing, as was a museum of totalitarianism and the socialist regime. 6 Three Powers Square comprises several buildings, including the National Congress, a skyscraper, with two inverted domes that are the Senate and the Chamber of Deputies. 7 This is Aguas Claras, one of Brasilia’s satellites towns. 8 Toyo Ito compared the inhabitants of Tokyo to “nomads wandering through artificial forests.” See ArchiLab Japon. Faire son nid dans la ville, Orléans, éditions HYX, 2006. 9 Selim Omarovic Han-Magomedov, El Lissitzky, 1890-1941, ex. cat. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Paris, éditions Paris Musées, 1991, p. 37. 10 In young Soviet Russia, maquettes of architecture, especially revolutionary edifices, were carried in processions, as if to replace religious statues. 11 Michel Foucault, Les Mots et les Choses, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 1966, p. 32. 12 Ramon Tio Bellido, “Les Gauloises bleues de Jordi Colomer,” in Jordi Colomer. Quelques stars, Saint-Nazaire, Le Grand Café / Noisy-le-Sec, La Galerie / Nice, La Villa Arson, 2003. 67 71 prototipos 2004 88 prototipos I&II I I Seven white cardboard mock-ups of II Cinq maquettes de voitures en carton Five cardboard mock-ups of cars are placed on the floor. The “Popemobile” first used by Pope John-Paul ii, the Lincoln Continental in which Kennedy was shot in Dallas, the Soviet bloc’s Trabant, the celebrated superhero’s Batmobile and the hippies’ Volkswagen van are clearly icons of Western culture. But here they appear to us in white, returned to their origins as three-dimensional volumes. This series may suggest oppositions and similarities: between the Popemobile and the Lincoln, symbols of historical assassination, between the camper van and the Trabant, signs of outmoded modernity; between the unique armoured vehicle made for a costumed superman, white or black, and a serially manufactured item for the masses, in rainbow colours, or grey, and so on. These objects reveal the fictional charge of reality just as they do the illusory portion of the real, in the same way as Prototipos (1), although the translation into spatial representation of the historical backdrop to these series confers upon them a strikingly different meaning. Sept maquettes en carton de véhicules blancs sont alignées sur une table longue et étroite, éclairée par des ampoules nues. Dans une petite pièce contigüe peinte en rouge et noir, une photographie d’archive, légendée « Prototipo fai (Federación anarquista ibérica), 1936 », rappelle l’origine réelle des volumes exposés : des chars d’assaut, jamais produits en série, conçus par les anarchistes au début de la guerre d’Espagne. Représentations légères de lourds objets, entre artisanat et industrie, ces prototypes font vaciller les partitions habituelles entre l’art et la politique. Ils sont les traces d’un futur non advenu, comme tel très énigmatique et lointain, mais aussi tout proche. Ils témoignent d’un moment d’incertitude, du basculement d’un espoir démesuré à un drame sans issue. Mémorielle, par sa référence claire, Prototipos (1) fait aussi resurgir de manière surprenante le passé dans notre présent, à travers le passage du document à sa représentation en volume. En ce sens, elle invite peut-être à imaginer, sous l’inspiration libertaire, une radicalité politique dans laquelle l’action collective ne contredise pas la liberté des individus. sont disposées au sol. La Papamobile inaugurée par Jean-Paul ii, la Lincoln Continental dans laquelle Kennedy fut frappé à Dallas, la Trabant des pays socialistes, la Batmobile du célèbre super-héros, le combi Wolkswagen des hippies sont évidemment des icônes de la culture occidentale. Mais elles nous apparaissent ici blanchies et rendues à leur nature originelle de volumes. Cet ensemble peut suggérer oppositions et rapprochements : de la Papamobile et de la Lincoln, symboles d’assassinats historiques, au combi et à la Trabant, signes d’une modernité dépassée ; de la pièce unique blindée faite pour un surhomme en costume, blanc ou noir, à l’objet produit en série pour des masses, arc-en-ciel ou grises, etc. Ces objets révèlent la charge fictionnelle de la réalité tout comme la part illusoire du réel, à la manière des Prototipos (1) ; même si la mise en espace et l’arrière-plan historique de ces séries leur confère un sens éminemment différent. vehicles are lined up on a long, narrow table illuminated by bare light bulbs. In a small adjoining room painted red and black, an archive photograph with the caption “Prototipo fai (Federación anarquista ibérica), 1936” recalls the real origin of the objects on display: battle tanks, never manufactured in series, designed by anarchists at the beginning of the Spanish Civil War. As lightweight representations of heavy objects, between craft and industrial production, these prototypes undermine the usual divisions between art and politics. They are the remains of a future that never happened, and as such are highly enigmatic, distant, but at the same time quite close. They testify to a time of uncertainty, a time when immeasurable hope tipped over into tragic impasse. As remembrance, through its clear allusion, Prototipos (1) also brings out, surprisingly, the past in our present, in its shift between the document and its threedimensional representation. In this sense, it perhaps invites us, with libertarian inspiration, to imagine a form of political radicalisation in which collective action is not incompatible with individual freedom. II papaimovil 1997 98 papamovil La Papamovil, un des Prototipos (2), est au centre d’une série de photographies présentées en diaporama. Dans un quartier en mutation, à Barcelone, la maquette automobile est installée sur la chaussée : des piétons marchent sans s’arrêter, certains s’attardent, intrigués, d’autres enfin prennent la pose. Le Pape, figure de la procession, est absent, tout comme la foule fervente ; mais la sculpture, devenue dispositif pour réaliser des images, produit un effet presque interactif. On pense à une scène dans laquelle une caméra cachée guetterait la réaction des passants, ou à ces portraits d’anonymes se faisant photographier à côté d’une célébrité croisée dans la rue. Ainsi placé dans l’espace commun, à l’épreuve de la réalité, le prototype suscite de nouvelles projections imaginaires. The Papamovil, one of the Prototipos (2) is the central focus of a series of photographs exhibited as a slide show. In a rapidly changing neighbourhood in Barcelona, the mock-up of the vehicle is placed in the road: pedestrians walk by without stopping, some sloing to look, intrigued, others posing for a photograph. The Pope, the procession’s figurehead, is absent, as are the emotional crowds, but the sculpture, now a device for the generation of images, produces an almost interactive effect. It evokes for us a scene in which a hidden camera watches the reactions of passers-by, or portraits of anonymous members of the public photographed standing by a celebrity in the street. Thus placed within the common space, to stand the test of reality, the prototype stimulates new projections of the imagination. 107 babelkammer chambre bavarde shelf talker room 2007 110 babelkamer Cette “chambre bavarde” (babbelziek kamer) a d’abord été installée dans un centre commercial à Bruxelles – ville de langage par excellence, une des Babel de l’Europe communautaire et la capitale d’un pays, la Belgique, divisé par des frontières linguistiques. Dans une cabine dotée de petites fenêtres et aménagée avec un mobilier de caravane comme un salon, peint en rouge, deux personnes assises face à face, l’une néerlandophone et l’autre francophone, conversent en langue des signes. Cinq couples se succèdent ainsi, chaque conversation ayant la durée de L’Aurore (1927) de F. W. Murnau, chefd’œuvre du cinéma muet, diffusé sur deux moniteurs à l’intérieur de la cabine. A l’extérieur, deux caméras les filment en champ/contrechamp. Simultanément, leur dialogue est traduit, puis retranscrit par une équipe d’interprètes et de dactylographes. En léger différé, les images accompagnées de sous-titres dans les deux langues sont diffusées sur tous les écrans exposés dans le magasin. Chaque maillon de cette chaîne signifiante transmet un message au sens à chaque fois légèrement décalé, sur le principe du téléphone arabe. L’installation perturbe la communication uniforme requise par l’exploitation marchande et exige un jeu d’interprétations synchrones. Dans l’image démultipliée et au milieu du bruit, elle fait apparaître des échanges individuels silencieux et le travail d’une écoute attentive. Mais l’effet critique procède avant tout de l’invention d’une situation : prenant l’expression de télé-réalité au pied de la lettre, Babelkamer constitue effectivement une création collective en direct ; un geste poétique live laissant place à l’improvisation. Originally, this “Babble Room” (babbelziek kamer) was set up in a shopping centre in Brussels — the city of language par excellence, one of the European community’s Towers of Babel and the capital of a country, Belgium, cut across by linguistic divisions. In a booth with tiny windows fitted out as a living room, furnished caravan-style and painted red, two people sit face to face, one a Flemish speaker and the other a French speaker, conversing in sign language. There is a series of five such pairs, each conducting a conversation lasting as long as L’Aurore (1927) a silent film masterpiece by F. W. Murnau, which is being shown on two monitors inside the booth. Outside, two cameras film them in shot/reverse shot mode. Simultaneously, their dialogue is translated and transcribed by a team of interpreters and stenographers. After a slight delay, the images plus subtitles in the two languages are projected on screens displayed in the shop. Each link in this chain of meaning sends on to the next a message whose meaning shifts slightly at each transmission, as in the “Chinese whispers” game. The installation interferes with the uniformity of communication demanded by commerce and requires a series of synchronised interpretations. Amidst this repetitively expanded image and the background noise it highlights individual exchanges performed in silence and the work involved in attentive listening. But the critical effect derives above all from the invention of a situation: taking the expression of reality TV quite literally, Babelkamer in fact offers us directly a collective creative work: a live poetic choreography that leaves room for improvisation. 115 babelkammer Cette “chambre bavarde” (babbelziek kamer) a été présentée en mars 2007 à l’occasion du festival BRXLBRAVO, à la FNAC City 2 de Bruxelles — ville de langage par excellence, une des Babel de l’Europe communautaire et la capitale d’un pays, la Belgique, divisé par des frontières linguistiques. Dans une cabine, composée d’éléments récupérés d’une caravane, dotée de petites fenêtres et aménagée comme un salon aux murs rouges, deux personnes assises face à face conversent en langue des signes. Cinq couples se succèdent ainsi, chaque conversation ayant la durée du film Sunrise (L’Aurore, 1927) de F. W. Murnau, poème cinématographique marquant la fin du muet et annonçant l’ère du parlant, projeté à l’intérieur de la cabine. A l’extérieur, deux caméras les filment en champ/ contrechamp. Simultanément, leur dialogue est traduit, à l’oral, puis retranscrit, à l’écrit, par une équipe de techniciens et d’interprètes. En léger différé, les images accompagnées de sous-titres dans les deux langues sont retransmises sur tous les téléviseurs exposés du magasin. Chaque membre de cette chaîne de langage parle, entend et transmet sur le mode bilingue, comme un jeu de téléphone arabe faisant alterner des francophones et des néerlandophones et mettant en scène différents niveaux de compréhension. En détournant le téléviseur, un des instruments majeurs de l’espace commercial, Babelkammer perturbe la communication uniforme requise par l’exploitation marchande et exige un jeu d’interprétations synchrones. Dans l’image démultipliée et au milieu du bruit, elle fait apparaître des échanges individuels silencieux et le travail d’une écoute attentive. babelkammer Cette “chambre bavarde” (babbelziek kamer) a été présentée en mars 2007 à l’occasion du festival BRXLBRAVO, à la FNAC City 2 de Bruxelles — ville de langage par excellence, une des Babel de l’Europe communautaire et la capitale d’un pays, la Belgique, divisé par des frontières linguistiques. Dans une cabine, composée d’éléments récupérés d’une caravane, dotée de petites fenêtres et aménagée comme un salon aux murs rouges, deux personnes assises face à face conversent en langue des signes. Cinq couples se succèdent ainsi, chaque conversation ayant la durée du film Sunrise (L’Aurore, 1927) de F. W. Murnau, poème cinématographique marquant la fin du muet et annonçant l’ère du parlant, projeté à l’intérieur de la cabine. A l’extérieur, deux caméras les filment en champ/ contrechamp. Simultanément, leur dialogue est traduit, à l’oral, puis retranscrit, à l’écrit, par une équipe de techniciens et d’interprètes. En léger différé, les images accompagnées de sous-titres dans les deux langues sont retransmises sur tous les téléviseurs exposés du magasin. Chaque membre de cette chaîne de langage parle, entend et transmet sur le mode bilingue, comme un jeu de téléphone arabe faisant alterner des francophones et des néerlandophones et mettant en scène différents niveaux de compréhension. En détournant le téléviseur, un des instruments majeurs de l’espace commercial, Babelkammer perturbe la communication uniforme requise par l’exploitation marchande et exige un jeu d’interprétations synchrones. Dans l’image démultipliée et au milieu du bruit, elle fait apparaître des échanges individuels silencieux et le travail d’une écoute attentive. babelkammer l’homme avait une place plus importante vroeger had de man een zeer belangrijke rol vroeger, was de vrouw de mindere, ja, nu zijn mannen en vrouwen dezelfde, oui, je ne sais pas ja, ik weet het niet aan het dromen, of aan het piekeren ? in de stal, wie ? il réfléchit hoe komt dat ? heeft hij dat zelf verplaatst ? hij is aan het denken la femme nourrit les poules ik denk niet dat hij glimlacht de vrouw voedt de kippen ik heb dorst ! tu veux une bière ? wil je een bier ? een sigaret ? nee, dat is waar, wat die man denkt…, ja ils ont réussi à faire un montage ze hebben een montage gedaan het is een mooi beeld, de cadrage, ja mooi werk van de cameraman, je voelt de gevoelens heel goed voir ce film me donne beaucoup d’émotions je krijgt er kippevel van, ja on sent le silence, les contrastes sont marqués kijk ! daar, ja, er is een verschil, ja la fille au sourire angélique die ogen zien er zo blij uit, en die handen die elkaar vasthouden, ils ont réussi à filmer ik krijg er helemaal koud van. c’est une scène de bonheur ja. ils se promènent près du lac aan het water, ja ! je ne sais pas ik weet dat niet kijk, daar, hij is al bang, en zijn moordplannen il prépare un meurtre aan het beramen, en die vrouw is nog zo happy la femme n’a rien remarqué il a envie de serrer son cou aan het inpakken ! hij twijfelt wel nog en dat is moeilijk voor hem, c’est une scène très sombre il concrétise ses pensées die donkere beelden, tonen het gevaar, la femme n’est consciente de rien en die vrouw, die weet van niets, ah oui dat is de moeder van die vrouw, met de baby, quelle démarche triste ja en die hond, ja, inderdaad, le chien aboie de hond blaft il y a un contraste au niveau des émotions je hebt de positieve en de negatieve kant, ja er is een contrast tussen het positieve en het negatieve kijk, zie in zijn gezicht dat hij schrik heeft, ja. la femme va vers son mari de vrouw gaat naar haar man toe die hond, blij rond, en de kindjes, die tu peux parler français ? spreek je Frans ? ja ik spreek een beetje Frans, met mijn gebaren, bien goed ja maar niet met mijn stem, dat zou echt belachelijk zijn, ja. c’est mieux de garder le néerlandais il rame il n’y avait pas de moteur kijk, die is ongerust, hij voelt het aan, le chien sent venir le danger de hond voelt het gevaar die springt in het water ! les animaux sont très fins dieren zijn heel intelligent en ze kijkt om, die vrouw, ja, die voelt dat aan, ja, je hebt gelijk, ja. le chien et le chat ressentent les émotions Katten en honden voelen emoties Ik heb een kat en die voelt dat als ik droevig ben, ze wil me precies opbeuren, net of die kat parfois tu inventes une conversation me komt vragen wat er met me scheelt, tu es soulagée ? c’est une thérapie het is als een therapie ik heb daar veel van, aan dat beest, anders zit ik tussen vier muren, alleen, oei ,wat gebeurt er nu ? le bateau ne retourne pas le chapeau descend près des yeux Ah, ze gaan terug, en met de hond, kijk, die ogen, hoe mooi dat gedaan is ! elle se redresse c’est comme si elle avait ressenti un choc ja, ze zijn terug, de lichaamshouding van de man, zo negatief, elle est courbée bois, prend de la bière kom, neem een bier, oh, dat glas, daar ga ik niet van drinken, wel van dat blikje l’eau n’a pas l’air très… on dirait que la barque est plus haute que le niveau de l’eau het is niet echt op het water, hé, die sloep, regarde kijk die vrouw zoekt echt z’n aandacht, z’n ogen, ze voelt dat hij aan die andere vrouw denkt, à mon avis, volgens mij ze ziet er droevig uit on la sent désemparée maar, nee dat kan toch niet son regard est vague haar man heeft geen aandacht voor de vogel regarde comme il rame hij piekert, ja, pense-t-il à ses enfants ? en kijk eens, hoe hij piekert ! denkt hij aan zijn kinderen ? nu begint het, kijk ! tu veux un mouchoir ? wil je een zakdoekje ? hij roeit traag en nee, ik niet l’actrice a le même visage que toi le regard est froid et profond heb jij geen dorst ? comment faire pour aller aux toilettes ? je hebt al gedronken. Il moet naar toilet Ze zouden een emmertje moeten plaatsen, maar we hebben geen gordjin, elle devrait hurler elle le supplie de ne pas la tuer Ja ze weet het hoor, die vrouw, wat haar te wachten staat, il va l’étrangler il regrette Ik kan het niet, nee, hij kan het niet nu gaat hij heel hard roeien, en dat is nu echt op het water, hij heeft er spijt van oui c’est juste Ja, dat is correct son mari rame de plus en plus vite Ik heb echt dorst ! on sent la peur ja, jaja, angstig ! « Interdit d’interdire. » Graffiti, Paris, mai 1968. « La lecture est antérieure à la parole. » Ernesto de Sousa la table pour monsieur malik Mario Flecha Mon père est menuisier, comme le fut mon grand-père. Au fond du jardin de la maison, nous avions un atelier qui sentait le bois fraîchement coupé et la colle de menuisier. Le jour de mes dix-sept ans, sans comprendre comment, je me suis retrouvé dans l’atelier de mon père, une feuille de papier de verre entre les mains. Je me rappelle sa voix qui me disait : – Teo, tu dois polir cette table jusqu’à ce que sa surface soit douce au toucher. Pour t’en assurer, il faut que tu y passes le bout de tes doigts, car l’œil est trompeur et on ne peut lui faire confiance. Tu dois commencer par les gros grains et terminer par les plus fins. Choisis un morceau de bois dont l’un des bords soit bien lisse, utilise-le pour maintenir le papier abrasif avec, et sans appuyer trop fort, trace des mouvements circulaires sur la surface ; ainsi tu pourras l’égaliser petit à petit. Prends ton temps. Il me l’expliquait tout en me montrant comment faire. Ma vie changea brusquement. Encore étudiant la veille, je me retrouvai apprenti le lendemain. Je suis convaincu que mes parents avaient douté de mon intelligence et qu’ils avaient pensé que je perdrais mon temps en poursuivant mes études. La monotonie du travail répétitif m’ennuyait, mais j’appris progressivement à utiliser les outils et je commençai à trouver du plaisir aux petites victoires quotidiennes qui me permettaient de résoudre les problèmes. Mon père s’aperçut de mes progrès. Je serais certainement un bon menuisier, comme lui, et comme l’avait été son père. Il commença à m’emmener avec lui pour que je lui serve d’assistant lorsqu’il allait voir ses clients. Il était toujours nerveux le jour où nous allions voir un nouveau travail. Il emportait un carnet noir et un crayon émoussé. Il prenait note de la description du meuble qu’on lui commandait et se chargeait de reconnaître l’espace qu’il occuperait dans la pièce. En me passant un mètre en acier, il me faisait prendre les mesures de la salle où se situerait le meuble qu’on nous commandait. Pendant ce temps-là, il dessinait les meubles selon ce qu’il avait interprété. J’étais surpris par sa capacité instantanée à répondre aux besoins du client. Quand je lui en parlais, sa réponse était : – L’expérience. Il esquissait plusieurs croquis et les montrait à l’acheteur qui suggérait de très légères modifications, soit pour avoir l’impression de collaborer, soit pour démontrer que c’était lui qui décidait. Après cet échange d’idées, il réalisait les variations et les ajustements nécessaires. Il me faisait mesurer dans l’espace les dimensions du meuble que nous allions fabriquer, et les notait dans son carnet noir. – Pour bien contrôler les proportions, disait-il. Quand nous rentrions à l’atelier, il se mettait à calculer le montant des coûts et les bénéfices possibles. Notre vie se passait sans surprises. J’apprenais le métier de menuisier et 125 me donnais parfois accidentellement des coups de marteau sur les doigts. Bien que peu fréquentes, ces maladresses me procuraient une douleur insupportable. Pour la faire passer, je secouais violemment la main. Le matin d’une journée calme, pendant que nous suivions notre routine quotidienne, l’un des clients de mon père l’appela pour lui recommander d’aller voir un monsieur étranger nommé Malik, qui avait besoin d’une table de salle à manger. Il fit vaguement allusion à la difficulté de s’entendre avec lui, car il ne parlait pas notre langue. Comme toujours dans ces cas-là, mon père nous emmena, son carnet noir et moi. À notre arrivée chez lui, un homme élégant qui avait un air nordafricain nous reçut et nous fit signe d’entrer. Nous nous retrouvâmes tous les trois plantés au beau milieu d’une pièce immense, souriant en silence. Je commençai à prendre les mesures, que mon père notait. Monsieur Malik se dirigea vers l’un des coins de la pièce et s’appuya contre le mur en nous laissant faire notre travail, mais il restait au cas où nous aurions eu besoin de quelque chose. Quand mon père eut terminé d’ébaucher différents modèles, il s’approcha de monsieur Said Malik, c’était son nom, pour les lui montrer. En même temps, il récita le discours propre aux vendeurs. Il exalta les vertus de tel ou tel bois tout en développant des théories sur la texture et la couleur des murs et les raisons pour lesquelles cela impliquait qu’il fallait nécessairement un bois dur d’un ton rouge. Le style serait définitivement anglais, Sheraton pour être plus précis, car il voyait une table aux pieds très fins. Monsieur Said Malik l’écoutait atten- tivement bien qu’il fût clair qu’il ne comprenait pas. Mon père s’arrêta quelques secondes. Il profita alors de l’interruption pour sortir de la pièce et revint accompagné d’une adolescente qui nous salua respectueusement. J’entendis son prénom comme un murmure lointain. – Samina. – Ma fille. Après avoir regardé les dessins pendant un temps interminable, ils parlèrent dans leur langue. S’approchant de nous, elle posa les dessins par terre. Elle s’assit sur le tapis et attendit que nous fassions de même. Une fois installés, elle rejeta plusieurs modèles jusqu’à en choisir deux. Elle les plaça l’un à côté de l’autre et nous fit comprendre, de ses doigts étendus au-dessus du papier, qu’elle voulait combiner les pieds de l’une avec la surface de l’autre. Mon nom est Samina, je suis fatiguée de fuir. Mes yeux souhaitent revoir les dunes qui rejoignent la mer méditerranée, et là-bas, dans le lointain, l’horizon caressant le coucher du soleil sur les flots, tout en sentant la chaleur du sable entre mes doigts de pieds pendant que je cours pour éviter de me brûler. En errant aujourd’hui dans les pièces de cette maison, j’ai ressenti que j’avais perdu tout vestige humain. Dans cette maison, personne n’avait jamais éprouvé aucune des urgences de la vie. Nous venions ici en été, nous reposer et nous réfugier. Elle nous procurait la liberté et la sécurité dont nous avions besoin, d’où nos interminables voyages en avion. La maison était dépourvue d’objets superflus ou nécessaires, parce que ma mère s’arrangeait pour tout faire 126 disparaître à la fin des vacances. Pendant des années, nous avions fui de pays en pays. Je n’ai jamais connu les raisons de cette vie en perpétuel mouvement, et mes parents évitaient de faire allusion à notre situation. – Penser n’est pas une bonne chose, et écrire de la poésie, pire encore, disait souvent mon père. Mes frères se sont établis dans des endroits lointains où il serait difficile de les retrouver et, maintenant que ma mère est morte, mon père a décidé de vivre dans cette maison, de sorte que le passé nous abandonne. Quand je suis entrée dans la pièce et que j’ai vu les menuisiers, j’ai dû me retenir de rire. Teo, le plus jeune, maigre, grand et dégingandé, avait le sourire facile. Il détonnait par rapport à son père, sérieux, qui avait constamment l’air de s’en faire. Quelques instants à peine me suffirent pour comprendre que Teo était le premier homme que je désirais. Nous avons échangé des silences, et la tiédeur de sa main a fait frémir la mienne quand je lui ai tendu les esquisses que son père avait dessinées. Plusieurs jours passèrent avant que mon père ait évalué les coûts de fabrication de la table de monsieur Said Malik. Une fois qu’ils furent calculés, il décida qu’il valait mieux aller lui remettre chez lui, car il serait compliqué de lui expliquer par téléphone et nous ignorions comment il nous répondrait à une lettre. Il mit tous les papiers dans une enveloppe marron et dit en me la donnant : – Teo, va porter cette lettre à M. Malik. Elle contient le projet et le devis, espérons qu’ils acceptent. J’enfourchai ma bicyclette et me diri- geai vers la maison à la blanche façade de style indéfini. Elle ouvrit la porte et, me prenant par le bras, me fit entrer dans le hall où l’on pouvait distinguer plusieurs portes et des escaliers qui s’évanouissaient dans l’ombre. Je vis la sensualité sur son visage tandis que je me demandais où menait chacune de ces portes. Je lui tendis l’enveloppe que j’avais apportée en pensant à ces films américains sur l’histoire européenne où l’on accuse le messager d’être un traître ou un criminel parce qu’il est porteur de mauvaises nouvelles. Au mieux, on le pendait en guise de représailles ou, si on voulait être généreux, on le jetait dans une prison immonde où il restait jusqu’à ce que ses os fussent dévorés par l’humidité et son cerveau par les poux. Sans ouvrir la lettre, elle emprunta l’un des couloirs et disparut dans le noir. J’osai la regarder. Quelques minutes plus tard, elle revint, les dessins à la main et, d’un geste affirmatif, me fit comprendre que son père avait accepté. Quand Teo est venu avec la lettre, j’étais seule. J’ai prétendu que mon père se trouvait quelque part dans la maison parce que j’ai eu peur de moi. Il est resté au milieu de l’entrée, innocemment… Quand il est parti, je l’ai vu monter sur sa bicyclette. Mes yeux l’ont suivi jusqu’au moment où il n’était plus qu’un point qui disparaissait au loin. Mon père a dû quitter le pays. Je suis restée dans la solitude de cette maison, allant d’une pièce à l’autre en écoutant résonner mes pas inquiets. J’évitais de sortir dans la rue. La timidité et la méconnaissance de la langue du 127 pays avaient pour effet de réduire ma vie quotidienne à une prison abstraite dont les limites, marquées par mon imagination, m’empêchaient de jouir de la liberté qui m’avait été imposée. Il y a des jours où j’ai le courage de prendre le métro. L’obscurité des tunnels m’amuse, comme d’être assise parmi toute cette humanité silencieuse aux passés et aux présents insaisissables, soupçons de là-bas, en Afrique, en Asie ou en Amérique. Des limites et des monotonies de se sentir condamné à l’ennui circulaire de voyager tous les matins et tous les soirs dans un cercle qui n’a ni commencement ni fin. – J’ai besoin de voir Teo. J’ai appris les mots qui me seraient utiles pour communiquer avec lui. Je lui ai écrit une très longue lettre où je lui raconte l’histoire de ma famille en caractères arabes et, à la fin, j’ai risqué, simplement : « Teo, viens… » Je ne pouvais cesser de penser à Samina, sa présence me hantait, c’était absurde, je ne l’avais vue que quelques minutes, mais cela avait suffi à me faire rêver, bien que je sois conscient que les distances entre elle et moi étaient infranchissables. Un matin, avant d’aller à l’atelier pour commencer mon travail, je reçus une enveloppe. Je l’ouvris avec indifférence, car personne ne m’écrivait jamais. À ma grande surprise, des caractères arabes se déroulaient sur la feuille, indéchiffrables. J’en devinai l’origine et me mis à tourner les pages pour savoir où commençait la lettre. Je savais qu’il fallait la lire à l’envers de notre langue et m’arrêtai quand je lus : « Teo viens, Samina. » Je tremblais d’incertitude et la cachai entre mes livres dans la bibliothèque de ma chambre. La nuit, j’étalais les pages sur mon lit et essayais de les déchiffrer. Petit à petit, elles devinrent à mes yeux un objet visuel. Je ne voyais plus les mots séparés par des espaces, mais une unité toujours plus belle et incompréhensible. Elle avait cessé d’être un objet mystérieux pour devenir un dessin révélateur. Je décidai de lui répondre. Je lui écrirais une lettre aussi longue que la sienne, dans laquelle je lui raconterais l’histoire de ma famille. J’apprendrais à écrire « Je t’aime » dans sa langue et je le mettrais à la fin de la lettre. Je voulais que ma lettre fût une réplique à la sienne et, bien qu’apparemment dépourvue de sens, elle puisse se transformer en un dessin magnifique. Je sautai sur ma bicyclette et me rendis chez elle pour y déposer ma lettre. La longue façade blanche se dressait face à moi. En regardant vers les fenêtres, je vis que Samina se trouvait derrière les rideaux. Quand elle m’aperçut, elle frappa la vitre et me fit signe de l’attendre. J’entendis ses pas qui descendaient l’escalier en courant, elle ouvrit la porte et me fit entrer. Intimidés, nous restions l’un en face de l’autre, quand je sentis sa main qui effleurait mon visage, et sa respiration entre mes doigts. Nous nous aimâmes dans la fureur et l’innocence de la jeunesse. La lettre qu’il apportait est restée par terre dans le hall. Quand il est entré dans la maison, je l’ai pris brusquement par le bras et, dans la confusion, la lettre a dû lui tomber des mains sans que nous nous en apercevions. Nous avons avancé dans l’obscurité du couloir, et avons gravi les escaliers en 128 courant jusqu’à la Tour. La Tour était ma chambre à chaque fois que nous venions ici. C’est une petite pièce, avec une fenêtre de chaque côté, d’où je voyais la ville. Nous nous sommes assis l’un en face de l’autre, séparés par une table absurde ; je compris alors que le temps est la somme des silences. Je me suis écoutée parler à Teo, sa réponse était un sourire de confusion, nous savions que nos mots étaient incompréhensibles pour l’autre, et nous avons joué à nous écouter. Je disais quelque chose qu’il prétendait comprendre, et il me répondait des choses qui n’avaient aucun sens pour moi au-delà du plaisir d’être avec lui. Spontanément, mes mains ont caressé son visage, ensuite tout est devenu une frénésie chaotique d’adolescents. Quand Teo est parti, j’ai ramassé la lettre et, en l’ouvrant, j’ai reconnu les signes indéchiffrables aux significations mystérieuses. Juste à la fin, j’ai découvert deux mots magiques : « Je t’aime. » Le sourire le plus beau de ma vie me poursuit depuis ce moment-là. Teo viendra-t-il demain ? Je ne pouvais pas dormir, ni cesser de caresser les pages de la lettre du bout de mes doigts. Chaque geste faisait frémir ma peau. Épuisée, j’ai sombré dans le sommeil. Mon père est revenu quelques jours plus tard. – Nous devons partir immédiatement. Ils approchent, ils ont découvert où nous sommes, et c’est dangereux. Je n’ai pas pu dire au revoir à Teo, tout fut silence, confusion. de revoir Samina. À la fin de la journée de travail avec mon père, j’inventai une excuse pour m’échapper sans avoir à lui donner trop d’explications. Je décidai d’y aller en marchant, afin de me complaire un moment encore dans le doute et le bonheur qui m’assiégeaient. En arrivant face à la maison de Samina, j’hésitai à sonner. Je me demandais ce que je dirai si monsieur Said m’ouvrait. Je faisais des tours dans l’espoir de voir Samina à une fenêtre, ou de la rencontrer dans la rue par hasard. Après une éternité, la nuit tomba et je fus incapable de me retenir. En pressant de façon impulsive le bouton de la sonnette, j’espérais entendre des pas qui descendraient l’escalier. Personne ne m’ouvrit. Tout est silence et confusion. Je passai toute la semaine dans un état d’euphorie. Je sentais qu’il était temps 129 “Forbidden to forbid.” Graffiti, Paris, May 1968. Mr Malik’s table Mario Flecha “Understanding is previous to the word.” Ernesto de Sousa My father is a carpenter as was my grandfather. At the end of our garden we had a workshop that smelt of wood shavings and carpenter’s glue. The day I reached 17, I somehow found myself in my father’s workshop with a piece of sandpaper in my hand. “Theo, you’ve got to sand this table until it’s smooth to the touch. Use your fingertips to gauge the smoothness of the wood. You can’t rely on your eyes, you can be taken in by them. Begin with the rough-grade sandpaper ending up with the finest. Choose a piece of wood with a good, smooth side, wrap the sandpaper round it and without pressing too hard, make circular movements over the surface and bit by bit you’ll manage to plane it. Take your time. I remember him saying as he demonstrated. My life changed abruptly. I went from student to apprentice in one night. I feel sure my parents doubted my intelligence and thought it a waste of my time to go on studying. The monotony of repeating a task bored me and yet as I learnt to use tools, I began to enjoy small, daily victories solving problems. My father was aware of my progress. I would undoubtedly become a good carpenter just like him and his father. He started taking me with him as his assistant to see clients. He took a black notebook and a blunt pencil. He wrote down the description of the piece of furniture being commissioned as well as making a note of where in the room it would go. Giving me a steel rule, he would get me to measure the dimensions of the room. In the meantime he drew sketches of the furniture. His ability to respond to the client’s needs surprised me. When I commented on this, his answer was: “Experience.” He drew up several designs and showed them to the buyer who would suggest a few minor changes, either in order to feel he was collaborating or to demonstrate who was the boss. Having exchanged ideas, he made the necessary alterations. He made me measure the abstract dimensions of the piece to be made and wrote them down in his black notebook. “So as so keep the proportions under control”, he would say. When we got back to the workshop he would calculate costs and possible profit. Life went on without upheavals. I learnt the skills of a carpenter, accidentally hammering my finger from time to time. Although it did not happen often, the pain it produced was unbearable and I would shake my hand violently to get rid of the pain. One routinely peaceful morning, a client of my father’s rang to recommend he go and see a foreign gentleman called Malik who needed a dining-room table. He mentioned vaguely the difficulty of communicating with him, as he did not speak our language. As always, I went with my father and so did the black book. On arrival, an elegant man of North African appearance opened the door and gestured for us to go in. The three of us stood 131 smiling in silence in the middle of an enormous room. I began taking measurements of the room while my father wrote them down. Mr Malik walked to a corner of the room, leaning his shoulder against the wall and letting us get on with our work while remaining in case we needed anything. Having drawn several different designs, my father went towards the man, Mr Said Malik, to show him, at the same time reciting the usual salesman’s talk. He praised the virtues of certain wood and went on to develop theories on the texture and colour of the walls and why these dictated the use of a red hardwood. The style would be English, Sheraton to be precise, and he was already imagining the table’s slender legs. Mr Said Malik listened attentively although it was obvious he did not understand. My father stopped for a second. Taking advantage of the interruption, Mr Malik left the room and returned with an adolescent girl who greeted us with respect. Her name sounded like a distant murmur to me: “Samina.” “My daughter.” After an interminable time looking at the drawings, they spoke to each other in their language. Coming towards us, she put the drawings on the floor. She sat on the carpet and waited for us to do the same. When we were ready she went through the designs and chose two. She put them next to each other and by moving her fingers over the paper, led us to understand she wanted to combine the legs of one with the top of the other. My name is Samina and I am tired of running away. I long to see the dunes of the Mediterranean again, to feel the heat of the sand between my toes as I run to avoid burning my feet and there in the distance, the horizon caressing the sunset over the waves. Wandering through the rooms of this house today I felt them to be devoid of humanity. Nobody in this house had ever felt any of life’s urgencies. This was where we came in summer to relax and hide. It gave us the freedom and security we needed and justified the endless hours spent travelling by plane. The house lacked unnecessary and necessary objects as my mother made everything disappear at the end of the holidays. For several years we escaped from country to country. I never knew the reason for this life of constant movement and my parents avoided talking about it. My father used to say: “It’s a bad idea to think but worse still to write poetry.” My brothers had settled in remote, hard to find places and now my mother had died, my father had decided to live in this house in the hope that our past would abandon us. When I saw the carpenters, I had to stifle my laughter. Theo, the young one, was tall, slim and ungainly with an easy smile. This contrasted with his father whose seriousness made him look permanently worried. A few moments were all it took to realise Theo was the first man I desired. We exchanged silences and the warmth of his hand brushed mine as I passed him the designs his father had drawn. It took several days for my father to 132 estimate the cost of the table for Mr Said Malik. Having finished, he decided it would be best to deliver it by hand as a telephone call would be complicated and we did not know how they would reply to a letter. Putting all the pages into a brown envelope and giving them to me, he said: “Theo, deliver this to Mr Malik. The design and price are included. Let’s hope they accept.” I got on my bicycle and went to the white-fronted house of indeterminate style. She opened the door and taking my arm, took me to the hall from where I could see several doors and stairs disappearing into the gloom. While I wondered where each of the doors led, I glimpsed the sensuality of her face. I gave her the envelope, imagining those North American films on European history in which the messenger is accused of being a traitor or criminal because the letter brought bad news. The reprisal was hanging, unless they were feeling generous and then they would put you in a repulsive prison where you stayed until the damp ate your bones and the lice your brain. Without opening the letter she disappeared down one of the dark corridors. I dared myself watch her. She came back minutes later with the drawings in her hand and with a nod of the head, gave me to understand her father had accepted. When Theo brought the card I was alone. I pretended my father was somewhere in the house as I was frightened of myself. He stayed innocently in the entrance hall. When he left, I saw him getting onto his bicycle and I gazed after him until he disappeared into the distance. My father had had to leave the country and I remained walking through the rooms, listening to the sound of my restless steps. I avoided going outside. Shyness and lack of the local language caused my daily life to centre round an abstract prison whose limits were in my imagination yet hindered the enjoyment of my imposed liberty. Some days I feel like travelling on the underground. I like the darkness of the tunnels and sitting amongst all that silent humanity of unattainable pasts and presents, suspicions from Africa, Asia or America. The limits and monotony, feeling condemned to the circular tedium of travelling each morning and evening in an unending circle with no beginning or end. I need to see Theo. I learnt the necessary words to communicate with him and wrote a long letter in Arabic about my family’s history ending by taking a simple risk: “Theo, come.” I could not stop thinking of Samina, her presence pursued me. It was absurd. I had only seen her for a few minutes and yet that was enough for me to dream even though I understood the distances between us were insurmountable. One morning before going to the workshop, I received an envelope. I opened it without interest as nobody wrote letters to me. I was surprised to see the indecipherable strokes of Arabic unfolding over the paper. Guessing who had written it, I started turning the pages round to try and find the beginning. I knew you were meant to 133 read the other way round from our language and I stopped when I read: “Theo come, Samina.” Uncertain, shaking, I hid it between my books on the shelf in my room. At night I put the pages on my bed and tried to decipher them. Gradually, they transformed into a visual object. They were not words separated by space any longer but unified and ever more beautiful and incomprehensible. They had transformed from mysterious text to revelatory drawing. I decided to reply and wrote an equally long letter in which I told her my family’s history. I learnt to write ‘I love you’, in her language and put it at the end of the letter. I wanted my letter to be a replica of hers so that although it would have no apparent meaning, it would become a magnificent drawing in her eyes. Jumping onto my bicycle, I went to leave the letter at her house. In front of me, the large, white-fronted house. I looked at the windows and saw Samina behind the curtains. On seeing me she knocked on the windowpane and signalled for me to wait. I heard her running downstairs, she opened the door and I went in. We stood shyly in front of each other and I felt her hand stroke my face and her breath between my fingers. We loved each other with the fury and innocence of youth. His letter was left on the floor of the hall. When he came in I took his arm roughly and in our confusion it had fallen unseen from his hands. We walked through the darkness of the corridor and ran up the stairs to the Tower. The Tower was my room whenever we were here. It is small with a window in each wall from where you can see the city. We sat on opposite sides of an absurd table and I understood that time is the sum of silences. I heard myself talking to Theo who smiled in confusion. Knowing our words were not understood by the other, we played at listening. I would say something which he would pretend to understand and he would answer in words which meant nothing more to me than the pleasure of being with him. My hands stroked his face impulsively and then all was chaotic, adolescent frenzy. When Theo left, I picked up the letter and saw the mysterious signs. Only at the end did I discover the magic words: “I love you.” From that moment, the most beautiful smile I have ever smiled pursued me. Would he come tomorrow? I could neither sleep nor stop touching the pages of the letter with my fingertips. I felt his skin in every movement. Finally I fell asleep. A few days later my father came back. “We must go now. They are getting near, they will find out where we are and that is dangerous.” I could not say goodbye to Theo. Silence, confusion. When I arrived at Samina’s house, I could not decide whether to ring the bell or not. I wondered what I would say if Mr Said answered. I hung around hoping that Samina would appear at a window or we would meet by accident in the street. After a long time it got dark and I could not wait any longer. I rang the bell expecting to hear footsteps run down the stairs. Nobody answered. Silence and confusion. I spent the whole week in a state of elation. I felt it was time to see Samina again. Having finished work, I made some excuse and escaped. I decided to walk to give myself longer to enjoy imagining what awaited me. 134 135 un crime 2004 136 un crime dont les véritables motifs ne sont pas encore nettement connus, croyons-nous, a été récemment découvert à couville, près de cherbourg… le chef de gare, averti par un employé qu’une odeur nauséabonde s’échappait d’une caisse laissée en consigne, la fit ouvrir… un cadavre en putréfaction y était enfermé… une surveillance fut organisé et bientôt on arrêtait deux personnes venues pour réclamer le funebre colis… c’était aubertcastel et sa compagne marguerite dubois. l’identité du mort fut vite reconnue; on sut qu’aubert avait assassiné émile delahaef pour lui voler, paraît-il, un écran plasma valant 1500 euros… aubert prétend avoir été en état de légitime défense… c’est insulté, menacé même par sa victime qu’il lui aurait brisé le crâne d’un coup de hache. après quoi, effaré, voulant faire disparaître son corps, il l’aurait enfermé dans une malle pour le précipiter à la mer. a crime whose real motives are not yet completely known we think has been recently discovered in Couville near Cherbourg… The station Master, alerted by an employee that a nauseating smell was coming from a box placed in the left-luggage office , said to open it . A corpse in decomposition was inside …a search party was organized and very soon two people were arrested who came to claim the funeral package. It was Aubert Castel and his partner Marguerite Dubois. The identity of the corpse was immediately discovered. It turns out that Aubert had murdered Emile Delahaef in order to steal it seems a plasma screen valued in 1500 euros. Aubert claims to have acted in legitimate defence… after being insulted by his victim he cracked her head open with one blow of an axe … then frightened to make the body disappear he had hidden it in a trunk in order to throw it into the sea. faits divers news in brief Jacinto Lageira À lire ou à entendre parfois la chronique des faits divers généralement consacrée aux crimes, dont certains lecteurs ou auditeurs raffolent comme d’une friandise malsaine, on est stupéfait par la banalité de la violence ainsi livrée publiquement. Sans fioritures ni précautions, laconiques et même plates, de telles informations s’immiscent dans notre quotidien avec l’évidence des repas dont elles s’accompagnent souvent. Lorsque les crimes atteignent les « sommets de l’horreur », la presse leur réserve un traitement spécial, puisqu’ils « sortent de l’ordinaire ». Il y aurait ainsi une échelle négative des valeurs criminelles, certains faits divers étant plus terribles et insupportables que d’autres, parmi ceux qui surviennent par milliers dans le monde et font partie de la violence courante. Mais tout crime de sang ne sort-il pas toujours de l’ordinaire ? Tuer volontairement un être humain peut, certes, comporter ces éléments que l’on nomme les « circonstances aggravantes », reste qu’assassiner froidement une personne ne devrait pas être classé dans la rubrique des faits divers, aussi peu importants qu’une infinité de minuscules faits. Dans sa vidéo Un crime, Jordi Colomer joue de l’ambivalence d’un fait banal rapporté de manière exceptionnelle, inattendue, voire incongrue : une performance. Douze participants – lesquels apparaissent aussi comme les représentants, au sens propre et figuré, de la Ville de Cherbourg, où se déroule l’action – marchent en tenant de grandes lettres en carton formant des phrases nous faisant découvrir progressivement le récit succinct d’un crime. Ils parcourent ainsi la géographie concrète urbaine, de la gare SNCF à la gare maritime, où s’achève ce récit au dénouement « tragique », cela va de soi. Leur avancée, plus ou moins rapide et chaotique, se fait aussi bien dans l’espace que dans le temps. Selon le nombre de lettres et d’intervalles nécessaires à la bonne lecture, le groupe se contracte, se rallonge et semble suivre, ou contredire parfois, la temporalité des énoncés. Notre lecture est parfois littéralement distancée, parfois comme ralentie par la marche. Nous ne lisons pas un texte à l’écran, mais un texte concrètement en mouvement ; chaque personne joue le rôle de support d’un signe, soit en tenant une lettre ou une ponctuation, soit en jouant le rôle d’un blanc, d’un espacement, ce qui facilite la lecture et respecte par là même les règles linguistiques et grammaticales. Le spectateur ne peut évidemment s’empêcher de personnifier ces signes, puisque des hommes et femmes de tous âges les tiennent et se tiennent derrière eux, comme les gardiens du langage, le chœur de cette scabreuse histoire. Le parcours des récitants-supports est parallèle au cheminement de l’enquête ; « cheminement » étant le mot parfaitement adéquat pour cette marche silencieuse – on n’entend que le bruit des pas, plus ou moins lents ou rapides –, à la fois hommage à la victime et forme adaptée à la progression de la narration journalistique. Le style en est convenu, propre à ce genre de récits factuels où seul compte ce qui s’est passé. La langue est compassée, quelque peu vieillotte, mais difficile à périodiser. Plus exactement, un malaise s’installe, pour ainsi dire, entre signifiant et signifié, le premier étant tout de même plus facile à dater d’après les tournures utilisées, alors que le second, le contenu, est intemporel ; le meurtre remonte à la nuit des temps de l’humanité. Le malaise est d’autant plus fort que ce sont des êtres humains qui véhiculent littéralement le sens et la forme du récit de l’assassinat ; ce sont des vivants qui portent concrètement et symboliquement la mort d’un semblable. On apprend dans ce récit qu’une malle, découverte dans une Listening to or reading miscellaneous news in brief, usually devoted to crime, and news for which some members of the audience or readership have an unhealthy appetite, one is astonished by the ordinariness of the violence thus publicly meted out. Recounted without rhetorical style or hedging, in a laconic, even bloodless style, the information slips into our daily lives as a simple everyday fact like the meals it frequently accompanies. When a crime plumbs the “depths of horror” the press gives it special treatment because such events are “out of the ordinary”. Apparently therefore there is a negative scale of criminal value, with some news items being more horrible, more difficult to bear than others, occurring in their thousands around the world as part of its routine violence. But surely any crime involving the spilling of blood is out of the ordinary? The deliberate killing of another human being may of course include factors we call “aggravating circumstances”, but still, the cold-blooded killing of any person should not be placed in the category of “news in brief”, accorded the same small importance as a multitude of other minor occurrences. In his video A crime, Jordi Colomer plays on the ambivalence of a routine event reported in a manner that is exceptional, unexpected, even incongruous: as a performance. Twelve participants – who also appear as representatives, both literal and figurative, of the town of Cherbourg, where the action takes place – walk along holding large cardboard letters of the alphabet that make up sentences leading us progressively into the concise recounting of a crime. They thus move through a concrete urban geography, from a train station to a ferry terminal, where this story meets its “tragic” end, as is only to be expected. Their forward progress, more or less swift, more or less chaotic, takes place both in space and in time. According to the number of letters and the time required to read them correctly, the group contracts or extends and seems to follow – or in some cases, contradict – the temporality of the statements. Our reading of the text is sometimes literally distanced, sometimes slowed by their onward march. We are not reading a text on a screen, but a text that is literally moving; each individual plays the role of substrate for a sign, holding a letter, a punctuation mark or a blank for the space between words, making the reading easier and, by the same token, adhering to the rules of language and grammar. The spectator can hardly avoid personifying these signs since men and women of all ages are holding them, standing behind them like guardians of language, like the Greek chorus to this sordid story. The path travelled by the storytellers/letter-holders flows parallel to that of the investigation, “flow” being exactly the right word for this silent march – we hear no more than the sound of footsteps, varying between fast and slow – a march both homage to the victim and forward progression of the journalistic narrative. Its style is highly conventional, typical of this kind of factual story where only the events count. The language is stilted, somewhat old-fashioned, although difficult to date. To be more precise, an uneasy atmosphere is increasingly created between, one might say, signifier and signified, with the first certainly easier to date on the basis of the turns of phrase used, whereas the second, the content, is timeless. Murder has been with the human race since time immemorial. The malaise thus created is all the stronger because human beings are the literal vehicles for the form and content of this murder’s narrative – here the living carry, concretely and symbolically, the death of one of their fellows. 147 consigne de gare, contient le cadavre d’un homme en putréfaction. On y apprend également que la police parvient rapidement à confondre les suspects – un couple –, l’homme avouant qu’il a tué un ami à coup de hache pour lui voler un écran plasma de la valeur de 1500 €. Le moins que l’on puisse dire est que le geste, irréversible, est extraordinairement disproportionné si on le compare au mobile. Mais un tel fait ne sort pourtant pas de l’ordinaire. Des actes aussi absurdes et irréfléchis arrivent régulièrement à propos de broutilles, de choses sans valeur morale ou matérielle. L’immense décalage entre l’acte criminel et le motif ressurgit dans la vidéo de Colomer sous des formes dignes d’un roman policier (de gare, bien entendu), ou d’un roman rappelant Crime et châtiment de Dostoïevski tout en étant presque comique. Humour noir assurément, puisque le crime est sordide, proche d’un acte de démence. À certains moments, les participants soulèvent rapidement les lettres, tenues auparavant à hauteur de taille, comme pour mieux souligner l’abomination des faits. Nous interprétons également cette gestuelle comme un acte disproportionné relativement au récit, lequel crée inévitablement de la drôlerie. Ainsi, lorsque l’on peut lire que le meurtrier avait l’intention de jeter plus tard le cadavre à la mer, les participants lâchent ensuite les lettres qui s’envolent derrière eux vers les vagues. De même, dans l’épilogue, la formule bien connue, en français puis en anglais : « Tout bagage laissé sans surveillance sera immédiatement détruit… », ajoute un décalage à cette espèce de vidéo-roman où les genres littéraires, journalistiques, cinématographiques et photographiques se mêlent de telle sorte que nous semblons avoir affaire à une scène du Grand Guignol. Faut-il rire ou s’attrister de ce retournement final dans lequel l’aspect pittoresque et presque touristique de la ballade en bord de mer le dispute à la brutalité du fait ? Le fait-divers ne réside peut-être pas dans les contenus de ce que l’on nous rapporte mais dans le fait que l’on puisse en sourire. We learn that a trunk found in a train station’s left luggage office contained the decomposing body of a man. We also learn that the police succeeded in swiftly charging the suspects – a couple – the man confessing that he killed a friend with an axe in order to steal from him a plasma TV worth €1,500. The least one can say is that this irreversible act is extraordinarily out of proportion to the motive for its commission. But it is still an event that is not out of the ordinary. Actions just as absurd and ill-considered occur regularly for the most trivial of reasons, for things devoid of moral or material value. The enormous mismatch between the criminal act and its motive stands out strikingly in Colomer’s video in a form worthy of a detective novel (the kind one buys to read on the train, of course), or a novel reminiscent of Dostoyevsky’s Crime and Punishment, while at the same time being almost comical. This is most certainly black humour, because the crime is sordid, not far from an act of madness. At certain moments, the participants lift their letters rapidly from waist height, where they are initially held, as if to underscore more sharply the horror of the facts recounted. We can also interpret this choreography as movement out of proportion to the story’s content, to inevitably humorous effect. For example, when we read that it was the murderer’s intention to go on to throw the body into the sea, the participants let go of their letters, which fly off behind them into the waves. Similarly, in the epilogue, the formulaic expression so familiar to us in English and in French: “All luggage left unattended will be removed and may be destroyed” adds another mismatch in tone to what is a kind of video-novel in which the literary, journalistic and filmic genres blend, giving us the impression of watching a kind of Punch & Judy show. Should we laugh or should we cry at the final twist in which the picturesque, almost touristic, aspect of this stroll along the seafront is at odds with the brutal reality of the facts? Such news in brief might perhaps be defined not in terms of the content it communicates to us but more by the fact that it is possible for us to treat it lightly. 149 please don’t leave baggage unattended unattended baggage will be removed and may be destroyed tout bagage ou colis abandonné sera immédiatement détruit… nous vous demandons de nous signaler les colis ou bagages qui vous paraîtraient suspects arabian stars 2005 154 D’autres stars / Other stars Christine Van Assche Par sa formation et depuis le début de sa carrière, Jordi Colomer s’intéresse aux architectures urbaines, à la modernité d’ensembles traditionnels, comme dans Arabian Stars ou, quelquefois de manière très critique, à la postmodernité de constructions contemporaines, comme dans Anarchitekton (2002-2004), et aussi aux contrastes temporels, notamment entre l’époque médiévale et l’époque actuelle. Mais c’est d’abord à la vision de Le Mura di Sana’a (1971) de Pier Paolo Pasolini, documentaire en forme d’appel à l’Unesco pour la sauvegarde du patrimoine architectural yéménite, que Jordi Colomer eut le désir de réaliser une œuvre dans les déserts et certaines villes du Yémen, telles Sana’a, Shibam ou Aden. Outre cette beauté plastique inouïe, comme oubliée de l’histoire, ce pays propose aujourd’hui des contrastes, pleinement contemporains mais tout aussi fascinants : “Le Yémen semble être une société médiévale avec des gadgets postmodernes”, écrit Jordi Colomer dans un entretien1. Il s’agit en effet d’une société extrêmement pauvre, conservant l’héritage des identités tribales, confrontée à une situation économique fragile, à une démographie en expansion et à une activité industrielle très peu développée. Cependant, alors que le pays paraît dépourvu d’usines, des objets tels des téléphones portables et des articles en plastique, fabriqués en Chine ou en Inde, circulent parmi les habitants. Le décor de ce faux documentaire est aussi important que les acteurs de cette fausse fiction. Dans Arabian Stars, le désert, mais aussi les constructions urbaines, semblent irréels, alors qu’ils sont habités par les personnes qui marchent face à la caméra et s’improvisent ainsi performeurs de la vidéo. Dans chacun de ces bâtiments vit une famille entière, sur plusieurs générations, et ces architectures poussent verticalement au fur et à mesure de l’agrandissement de la filiation. Dans une des séquences tournées à Sana’a, le long et lent mouvement du camion sur lequel est placée la camera est d’autant plus important qu’il nous permet de voir et d’observer cette architecture très spécifique, sorte de gratte-ciels de terre au milieu du désert. Les “acteurs” sont les habitants des villes, plutôt masculins – les femmes étant sans doute moins visibles dans l’espace public – croisés au gré du voyage. Ils portent des panneaux en carton peints de couleurs vives, où sont inscrits des mots en arabe. Il s’agit de noms de personnalités yéménites connues dans la culture locale, et de ceux de célébrités occidentales, réelles ou issues de fictions, traduits phonétiquement. Ce mélange, bien qu’il témoigne de manière joyeuse d’une rencontre entre un artiste européen et une population d’Arabie, marque aussi une incompréhension réciproque : nous ne connaissons pas les poètes contemporains Muhamed Al Zubeiri et Abdullah Al Baradoni, ni le chanteur Abo Bakr Saalem ou la ministre des droits de l’homme Amat al-Alim al-Susua, de même qu’il n’est pas certain que les porteurs de panneaux identifient parfaitement James Bond, Barbie, Astérix, Santa Claus, Che Guevara, Mies van der Rohe ou Picasso, alors même qu’ils connaissent Pikachu, personnage de dessin animé japonais. A l’intérieur de chaque ensemble de noms, yéménite et occidental, une égalisation similaire s’opère : les joueurs de football sont placés sur le même plan que les poètes, comme les personnages politiques le sont vis-à-vis des héros de cinéma ou des chanteurs. De la même façon que la culture de masse peut s’introduire dans une société sans hiérarchie de valeurs, les temps, les espaces et les registres se confondent. C’est, si l’on veut, le constat postmoderne qu’établit Arabian Stars, et By his training, and ever since the beginning of his career, Jordi Colomer has been interested in urban architecture, in the modernity of traditional buildings, as in Arabian Stars, or, sometimes in very critical fashion, in the post-modernity of contemporary constructions, as in Anarchitekton (2002-2004), but also in temporal contrasts, notably between the medieval period and the current epoch. But it was when he saw Pier Paolo Pasolini’s Le Mura di Sana’a (1971), a documentary and plea to UNESCO for the preservation of Yemen’s architectural heritage, that Colomer felt a desire to make a work in the Yemeni desert and in cities such as Sana’a, Shibam and Aden. As well as this extraordinary beauty, which seems to have been forgotten by history, the country also offers a series of contrasts which, if wholly contemporary, are just as fascinating. “Yemen is like a medieval society with postmodern gadgets”, Colomer observed in an interview1. It is indeed an extremely poor society that has retained the heritage of its tribal identities and finds itself in a fragile economic situation, with a growing population and relatively underdeveloped industrial activity. And yet, while the country seems to lack factories, its people still have objects such as mobile phones and plastic items made in China or India. The setting of this false documentary is as important as the actors in the false fiction. In Arabian Stars the desert, but also the urban constructions, seem unreal, whereas in fact their inhabitants are the people we see walking in front of the camera and thus acting as performers in the video. Each of these buildings is home to an entire family, generation upon generation, and in fact the structures grow vertically in keeping with the growth of the family group. In one of the sequences shot in Sana’a, the long slow movement of the truck on which the camera is placed is all the more important in that it enables us to see and observe this very specific form of architecture, these “skyscrapers” in the middle of the desert. The “actors” are the inhabitants of cities, mainly men – women no doubt being less prominent in public space – met during the journey. They carry brightly painted cardboard panels with inscriptions in Arabic. These give the names of well-known Yemenites and of Western celebrities, both real and fictive, phonetically transcribed. While this mixture joyously records a European artist’s encounters with members of an Arabian population, it also marks a reciprocal incomprehension: we do not know the contemporary poets Muhamed Al Zubeiri and Abdullah Al Baradoni, nor the singer Abo Bakr Saalem, nor the minister of human rights Amat al-Alim al-Susua, nor can we be sure that these panel-carriers really know James Bond, Barbie, Astérix, Santa Claus, Che Guevara, Mies van der Rohe or Picasso, although they are familiar with the Japanese cartoon character Pikachu. Within each set of names, the Yemenite and the Western, the same levelling occurs: footballers are put on the same level as poets, just as political figures are equal to movie heroes or singers. Just as mass culture can infiltrate a society with no hierarchy of values, so here different times, spaces and registers all merge. That, one might say, is the postmodern vision set out by Arabian Stars, with its possibly critical connotations: the omnipresence of a dominant Western culture in which everything is spectacle and commerce, confronting an ancestral local culture. Nevertheless, Jordi Colomer places the emphasis more on the ambiguities engendered by the way Arabian Stars was made and 161 ses connotations éventuellement critiques : l’omniprésence d’une culture occidentale dominante, où tout est devenu spectaculaire et marchand, face à une culture locale ancestrale. Néanmoins, Jordi Colomer insiste davantage sur les ambiguïtés qu’Arabian Stars produit, par son mode de réalisation et ses conditions de monstration : une collaboration réelle qui n’exclut pas une profonde différence, un croisement de registres avant d’être un discours univoque, ainsi que le suggère l’ambivalence du titre. Comme souvent chez lui, c’est la conscience partagée de ces ambiguïtés qui fait le côté burlesque de l’œuvre, l’effet de paradoxe irrésolu relevant d’un humour de l’absurde. Jordi Colomer fait partie de cette génération d’artistes pour lesquels le monde devient un atelier à ciel ouvert, dans lequel les projets prennent place, que ce soit en Roumanie, au Brésil, au Japon, en Espagne pour Anarchitekton, au Yémen pour cette installation ou au Chili pour la récente En la pampa, cherchant par ses confrontations avec des situations locales à rejoindre un certain concept d’universalité. Les trois paramètres combinés – décor, scénario, acteurs - sont représentatifs des différents modes opératoires aux limites entre l’art, le réel, la fiction, révélateurs d’une esthétique poststructuraliste contemporaine. Tournées dans un décor réel, les œuvres de Jordi Colomer pourraient se situer dans le secteur du documentaire. Mettant en scène des personnages, des enfants en l’occurrence, et leur demandant de jouer un rôle, l’œuvre pourrait relever de la fiction, tel un court métrage. Structurant Arabian Stars selon un rythme personnel et créant un dispositif spécifique à sa présentation (murs vert clair, couleur des intérieurs yéménites, et autant de chaises dépareillées que de porteurs de panneaux), Jordi Colomer attribue à cette installation un destin poétique, destin qui naît de l’entrelacement de ces trois registres. Une certaine vision du monde (les pays et villes choisis ne le sont pas de façon anodine), une relation personnelle aux faux acteurs effectuant plus une performance qu’un véritable jeu, une attention particulière aux paramètres de réception de l’installation dans le musée, s’entrecroisent au sein d’Arabian Stars. Comme l’écrit Jacques Rancière dans Le Destin des images : “Ce que l’on peut alors appeler proprement destin des images, c’est le destin de cet entrelacement logique et paradoxal entre les opérations de l’art, les modes de circulation de l’imagerie et le discours critique qui renvoie à leur vérité cachée des opérations de l’un et des formes de l’autre2.” the way it is shown, for the very genuine collaboration does not rule out a deep difference. As the ambiguous title suggests, this is a crossing of registers more than an unequivocal discourse. As often in Colomer’s work, it is the shared consciousness of these ambiguities that accounts for the burlesque aspect of the work, with the effect of unresolved paradox producing a kind of absurd humour. Jordi Colomer belongs to the generation artists for whom the whole world is becoming an open-air studio. This is where his projects take place, be it in Romania, Brazil, Japan and Spain for Anarchitekton, in Yemen for this installation, or in Chile for the recent En la pampa. By measuring himself against these local situations, he aims to achieve a certain idea of universality. The three parameters combined here – location, script, actors – are representative of the different modes of operation that stand at the limits between art, the real and fiction. They express a contemporary post-structuralist aesthetic. Shot as they are in a real-life setting, Colomer’s works could be placed in the documentary category. Presenting as it does characters, in fact children who are asked to play a role, this work could be considered a fiction, a short movie. Structuring Arabian Stars in keeping with a personal rhythm and creating a specific set-up for its presentation (walls echoing the light green colour of Yemenite interiors, and as many unmatching chairs as there are panel carriers), Colomer bestows a poetic role on this installation, a role that emerges from the intertwining of the three registers. A certain vision of the world (he did not choose his countries and cities blindly), a personal relation to the false actors who are putting on a performance more than acting, and the artist’s close attention to the parameters of the installation’s reception in the museum, interweave at the heart of Arabian Stars. As Jacques Rancière writes in The Future of Images: “What might properly be called the fate of the image is the fate of this logical, paradoxical intertwining between the operations of art, the modes of circulation of imagery and the critical discourse that refers the operations of the one and the forms of the other to their hidden truth2.” 1 “De Picasso a Pikachu. Una conversación entre Jordi Colomer y William Jeffett”, dans Jordi Colomer. Arabians Stars, St Petersburg (USA), Salvador Dalí Museum / Madrid, Museu nacional Centro de Arte Reina Sofia, 2005, p. 144-151. 1 “De Picasso a Pikachu. Una conversación entre Jordi Colomer y William Jeffett”, in Jordi Colomer. Arabians Stars, St Petersburg, Salvador Dalí Museum / Madrid, Museu nacional Centro de Arte Reina Sofia, 2005, p. 144-151. 2 Jacques Rancière, Le Destin des images, Paris, La Fabrique, 2003. 2 Jacques Rancière, Le Destin des images, Paris, La Fabrique, 2003. Trans. Gregory Elliott, The Future of the Image, London, Verso, 2007, p. 17-18. arabian stars marta gili : Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Nam vitae mauris. Nunc condimentum, ligula ac suscipit sodales, lectus eros bibendum ipsum, vitae vestibulum mauris quam et erat. joedi colomer : Ut quis orci. Proin auctor est non ante fermentum scelerisque. Fusce sodales. Proin elit nisi, placerat eget, molestie a, vestibulum id, nisi. Mauris laoreet eros nec risus. In commodo nisi lobortis metus. Sed urna nunc, ullamcorper eu, convallis id, ultricies id, massa. Quisque nisi. entretien Marta Gili Jordi Colomer Sed ut massa non orci posuere porta. Donec vestibulum ante et sapien rhoncus bibendum. Aenean placerat purus nec tellus. Aenean elementum enim sed pede feugiat sodales. Nunc sollicitudin hendrerit est. Phasellus sed leo. Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. 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Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. Vestibulum aliquam, urna nec tincidunt luctus, odio diam vehicula libero, at mollis massa justo eget leo. Donec erat. Duis sit amet nulla in eros sollicitudin commodo. Mauris felis tellus, vehicula vel, elemen- tum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. 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Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. Pellentesque viverra, est non dictum viverra, nulla sapien luctus quam, ac placerat ipsum ipsum eget elit. Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. Vestibulum aliquam, urna nec tincidunt luctus, odio diam vehicula libero, at mollis massa justo eget leo. Donec erat. Duis sit amet nulla in eros sollicitudin commodo. Mauris felis tellus, vehicula vel, elementum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. Pellentesque sem lorem, egestas a, lobortis vitae, ultrices vitae, lacus. Suspendisse potenti. Fusce ut erat. Duis fringilla consequat est. Proin quis arcu. Fusce posuere, massa auctor rhoncus cursus, tortor libero dictum diam, non lobortis lacus quam ac tellus. Suspendisse tempus cursus pede. Curabitur sapien felis, venenatis ut, suscipit et, mattis a, urna. Fusce scelerisque eleifend felis. Morbi hendrerit tortor sit amet risus. Donec nec lectus. Vivamus sit amet odio eu lorem rhoncus vulputate. Curabitur aliquet turpis ut pede. Fusce aliquet sodales tortor. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Donec tincidunt est nec purus. Cras sit amet elit. Vivamus commodo est quis quam. Aenean tortor tellus, congue vel, luctus et, eleifend et, neque. 171 marta gili : Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Nam vitae mauris. Nunc condimentum, ligula ac suscipit sodales, lectus eros bibendum ipsum, vitae vestibulum mauris quam et erat. joedi colomer : Ut quis orci. Proin auctor est non ante fermentum scelerisque. Fusce sodales. Proin elit nisi, placerat eget, molestie a, vestibulum id, nisi. Mauris laoreet eros nec risus. In commodo nisi lobortis metus. Sed urna nunc, ullamcorper eu, convallis id, ultricies id, massa. Quisque nisi. interview Marta Gili Jordi Colomer Sed ut massa non orci posuere porta. Donec vestibulum ante et sapien rhoncus bibendum. Aenean placerat purus nec tellus. Aenean elementum enim sed pede feugiat sodales. Nunc sollicitudin hendrerit est. Phasellus sed leo. Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. 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Aenean elementum enim sed pede feugiat sodales. Nunc sollicitudin hendrerit est. Phasellus sed leo. Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. Pellentesque viverra, est non dictum viverra, nulla sapien luctus quam, ac placerat ipsum ipsum eget elit. Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. Vestibulum aliquam, urna nec tincidunt luctus, odio diam vehicula libero, at mollis massa justo eget leo. Donec erat. Duis sit amet nulla in eros sollicitudin commodo. Mauris felis tellus, vehicula vel, elementum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. Pellentesque sem lorem, egestas a, lobortis vitae, ultrices vitae, lacus. Suspendisse potenti. Fusce ut erat. Duis fringilla consequat est. Proin quis arcu. Fusce posuere, massa auctor rhoncus cursus, tortor libero dictum diam, non lobortis lacus quam ac tellus. Suspendisse tempus cursus pede. Curabitur sapien felis, venenatis ut, suscipit et, mattis a, urna. Fusce scelerisque eleifend felis. Morbi hendrerit tortor sit amet risus. Donec nec lectus. Vivamus sit amet odio eu lorem rhoncus vulputate. Curabitur aliquet turpis ut pede. Fusce aliquet sodales tortor. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Donec tin- cidunt est nec purus. 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Morbi hendrerit tortor sit amet risus. Donec nec lectus. Vivamus sit amet odio eu lorem rhoncus vulputate. Curabitur aliquet turpis ut pede. Fusce aliquet sodales tortor. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Donec tincidunt est nec purus. Cras sit amet elit. Vivamus commodo est quis quam. Aenean tortor tellus, congue vel, luctus et, eleifend et, neque. 173 Sed ut massa non orci posuere porta. Donec vestibulum ante et sapien rhoncus bibendum. Aenean placerat purus nec tellus. Aenean elementum enim sed pede feugiat sodales. Nunc sollicitudin hendrerit est. Phasellus sed leo. Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. Pellentesque viverra, est non dictum viverra, nulla sapien luctus quam, ac placerat ipsum ipsum eget elit. Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. 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Nulla facilisi. Pellentesque viverra, est non dictum viverra, nulla sapien luctus quam, ac placerat ipsum ipsum eget elit. Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. Vestibulum aliquam, urna nec tincidunt luctus, odio diam vehicula libero, at mollis massa justo eget leo. Donec erat. Duis sit amet nulla in eros sollicitudin commodo. Mauris felis tellus, vehicula vel, elementum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. Pellentesque sem lorem, egestas a, lobortis vitae, ultrices vitae, lacus. Suspendisse potenti. Fusce ut erat. Duis fringilla consequat est. Proin quis arcu. Fusce posuere, massa auctor rhoncus cursus, tortor libero dictum diam, non lobortis lacus quam ac tellus. Suspendisse tempus cursus pede. Curabitur sapien felis, venenatis ut, suscipit et, mattis a, urna. Fusce scelerisque eleifend felis. Morbi hendrerit tortor sit amet risus. Donec nec lectus. Vivamus sit amet odio eu lorem rhoncus vulputate. Curabitur aliquet turpis ut pede. Fusce aliquet sodales tortor. Lorem ipsum dolor sit amet, consectetuer adipiscing elit. Donec tincidunt est nec purus. Cras sit amet elit. Vivamus commodo est quis quam. Aenean tortor tellus, congue vel, luctus et, eleifend et, neque. Sed ut massa non orci posuere porta. Donec vestibulum ante et sapien rhoncus bibendum. Aenean placerat purus nec tellus. Aenean elementum enim sed pede feugiat sodales. Nunc sollicitudin hendrerit est. Phasellus sed leo. Donec elit pede, lobortis tincidunt, accumsan eget, mollis ac, leo. In hac habitasse platea dictumst. Nulla facilisi. Pellentesque viverra, est non dictum viverra, nulla sapien luctus quam, ac placerat ipsum ipsum eget elit. Nullam erat risus, imperdiet sollicitudin, fermentum id, mattis vel, nibh. Pellentesque urna. Vestibulum aliquam, urna nec tincidunt luctus, odio diam vehicula libero, at mollis massa justo eget leo. Donec erat. Duis sit amet nulla in eros sollicitudin commodo. Mauris felis tellus, vehicula vel, elementum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. Pellentesque sem lorem, egestas a, lobortis vitae, ultrices vitae, lacus. Suspendisse potenti. Fusce ut erat. Duis fringilla consequat est. Proin quis arcu. Fusce posuere, massa auctor rhoncus cursus, tortor libero dictum diam, non lobortis lacus quam ac tellus. Suspendisse tempus cursus pede. Curabitur sapien felis, venenatis ut, suscipit et, mattis a, urna. Fusce scelerisque eleifend felis. Morbi hendrerit tortor sit amet risus. Donec nec lectus. Vivamus sit amet odio eu lorem rhoncus vulputate. Curabitur aliquet turpis ut pede. 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Mauris felis tellus, vehicula vel, elementum ut, molestie vel, nulla. Suspendisse potenti. Ut vel felis eu augue bibendum consequat. Vivamus dictum, odio vel porttitor accumsan, est libero laoreet nisl, sed adipiscing lacus nunc vitae massa. Etiam at ante. Duis luctus, mi non tincidunt dignissim, est ante pellentesque massa, non adipiscing libero eros eget metus. Sed eget quam. In ac risus scelerisque est facilisis sodales. Nulla malesuada velit sed mi tempor mattis. Suspendisse velit nunc, tincidunt in, semper quis, interdum nec, nunc. In tincidunt tellus ac risus. Proin nec orci faucibus dui imperdiet porttitor. Suspendisse pede justo, semper a, scelerisque a, pulvinar at, quam. Nam ultrices fringilla sem. Pellentesque sem lorem, egestas a, lobortis vitae, ultrices vitae, lacus. Suspendisse potenti. Fusce ut erat. Duis fringilla consequat est. Proin quis arcu. Fusce posuere, massa auctor rhoncus cursus, tortor libero dictum diam, non lobortis lacus quam ac tellus. 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Aenean tortor tellus, congue vel, luctus et, eleifend et, neque. 175 176 père coco et quelques objets perdus en 2001 2002 180 père coco et quelques objets perdus en 2001 Un personnage habillé en noir, portant un grand sac sur l’épaule, déambule dans les rues. En chemin, il ramasse des objets apparemment perdus sur les trottoirs et les aires de parking, les quais, la plage, les jardins publics, les bars. Aussi inquiétant que prodigue, Père Coco est un personnage hybride, entre le Père Noël et El Coco, équivalent espagnol du croque-mitaine. Il ne distribue pas des cadeaux sortis d’usine mais collecte des objets déjà utilisés, à la fois personnels et banals, utiles et insignifiants. Dans sa tournée aléatoire, il est en même temps un Petit Poucet ramassant ses bouts de pain et un guide étrange qui nous fait traverser la ville, du jour à la nuit. Le film, projeté en boucle, est constitué de séquences d’images fixes. Chacune correspond à la (re)découverte d’un objet, provenant du Bureau des objets trouvés de Saint-Nazaire et à nouveau disposé dans la ville. De ce trésor dérisoire, on ne verra pas la somme, de même qu’aucune intention ne semble régir la collecte. Le montage saccadé accentue une marche contrariée et hésitante. Le temps linéaire se trouve ainsi renversé, et la valeur d’usage des objets mis en suspens. Père Coco précède et annonce le héros d’Anarchitekton, deux personnages interprétés par le même acteur, Idroj Sanicne. Flâneur, il s’approprie l’infime pour créer du sens, perçant, dans l’espace ordinaire de la rue, une brèche poétique. Ses actions animées comme autant de flip books, rébus fait de rebuts sans queue ni tête, finissent par former un récit continu, une construction hétéroclite, peut-être sans fin. A character in black carrying a large bag over his shoulder walks through the streets. Along his way, he picks up objects apparently mislaid on pavements, in car parks, on quaysides, on the beach, in public parks and in bars. As troubling as he is prodigal, Père Coco is a hybrid character, somewhere between Father Christmas, or Père Noël, and El Coco, the Spanish equivalent of the “bogyman”. He does not hand out presents new from the factory but collects objects already used, personal but ordinary, useful but meaningless. Wending his random way, he is simultaneously a Tom Thumb following breadcrumbs and a strange guide leading us through the city, from day into night. The film, shown in an unending loop, is made up of sequences of still images. Each image corresponds to the (re)discovery of an object taken from the Lost & Found Office of Saint-Nazaire and put back in the city. We never see the sum total of this derisory treasure trove and similarly, there appears to be no intention guiding its collection. The jerky editing highlights the hesitant, stop-go progress of the character. Linear time is thus reversed, and the usefulness of the objects held in abeyance. Père Coco both precedes and heralds the hero of Anarchitekton, two characters played by the same actor, Idroj Sanicne. A passer-by, he picks up the infinitely insignificant to create meaning, making, in the everyday space of the street, a poetic breach. His animated actions resemble flip books, riddles made of rubbish with neither head nor tail, and end up creating a continuous narrative, a disparate construction, without end perhaps. 2 av 2007 2e Avenue Le film est constitué d’une succession d’images fixes extraites d’un long travelling dans la rue n°2 de la cité ouvrière Rhodia, à Roussillon, près de Lyon. La caméra enregistre la succession de maisonsjardins, toutes identiques, en laissant juste entrevoir les aménagements et usages des résidents. Sur ce fond uniforme, des personnes apparaissent de manière fugace, réalisant des gestes ordinaires ou jouant de la musique. Seules deux fanfares traversent successivement le cadre, venant ainsi troubler un panorama en apparence anodin. L’enregistrement sonore est remanié de telle sorte qu’il forme une composition autonome, tantôt synchrone, tantôt décalée. 2e Av. transpose le modèle la cité ouvrière, création patronale à l’origine, puis site d’une sociabilité populaire, dans le contexte moderne de l’urbanisme de masse : l’horizontalité répétitive suggère la tour de banlieue, et le désir d’autonomie de la maison avec jardin, l’idéal petit-bourgeois du pavillon construit en série. 2e Av. rappelle aussi ces films westerns classiques ou séries télévisées à l’américaine s’ouvrant sur une rue dont l’harmonie se révélera bientôt de façade. Mais ici, le montage en boucle produit une impasse narrative, de petites fictions s’esquissant à peine pour disparaître aussitôt. Cette uvre collective paradoxale chacun joue sa partition sans considération de tempo mais dans un temps et lieu communs a été réalisée en collaboration avec l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne et Travail et Culture à Roussillon, association issue des mouvements d’éducation populaire d’aprèsguerre. Indice peut-être, de la proximité de 2e Av. avec Prototipos et Anarchitekton, à travers une interrogation sur les relations confuses entre art et politique ? This film consists of a succession of still images from a long tracking shot in Second Street in the Rhodia workers’ housing estate in Roussillon, near Lyon. The camera records a series of houses and gardens, all identical, giving us a glimpse of the fixtures and fittings and habits of the occupants. Against this uniform backdrop, individuals appear fleetingly, performing everyday acts or playing music. The only event to disturb this apparently unremarkable panorama is the passage in succession across the screen of two brass bands. The sound has been reworked to form an independent composition, sometimes synchronised, sometimes not. 2e Av. transposes the model of the factory estate, originally the creation of an employer, and later a locus of working class social solidarity, into the modern context of mass urban planning: its repetitive horizontality evokes the tower block and a desire for the independence of house and garden, the lower middle-class ideal of the serially constructed semi-detached. 2e Av. is also reminiscent of films – classic westerns or American TV series – where the opening scenes depict a street whose harmony will soon be revealed to be pure façade. But here, the editing of the images in an unending loop places the narrative in a cul-de-sac, tiny fictional stories disappearing before they have time to form. This paradoxical collective work – each individual plays to his or her score without concern for overall tempo but within a common space and time – was created with the Villeurbanne institute of contemporary art and Travail & Culture in Roussillon, a non-profit association that sprang from the people’s education movements of the post-War period. Might this point to a closeness between 2nd Av. and Prototipos and Anarchitekton in examining the confused relationship between art and politics? le dortoir 2002 vanité festives festive vanitas Glòria Picazo Cette vidéo est présentée dans une salle de projection où un tas de matelas permet au spectateur de trouver confortablement sa place. Avec cette installation, l’artiste réunit une architecture de fiction, qui est celle de la vidéo, une architecture scénographique, et des spectateurs ainsi transformés eux-mêmes en acteurs. Dans Le Dortoir, la caméra parcourt chacun des douze étages d’un bâtiment en un plan-séquence unique, en apparence, qui s’étend de la nuit au jour1. Elle déambule à travers des espaces où les objets s’accumulent, abandonnés, en rencontrant par moment des personnes endormies. Tout incite d’abord à penser que ce chaos est le résultat d’une grande fête dont les protagonistes ont succombé à la fatigue. Cependant, on comprend vite qu’il s’agit en fait d’une grande scénographie construite à partir de bois et de carton, de même que la plupart des objets qui s’y trouvent. La sensation de confusion est évidente, mais le déplacement subjectif de la caméra nous laisse toujours la possibilité d’observer et, finalement, nous renvoie à l’idée d’un ordre. L’artiste semble lui-même décrire de manière détaillée certains objets disposés au milieu du désordre : “des assiettes de carton, empilées, froissées ou isolées, pleines de déchets”, “une ribambelle de verres et de gobelets parfois encore à demi pleins”, “des canettes de bière”, “diverses bouteilles vides”, “par terre, partout, les restes du raout” ; cet inventaire en écho à un fragment de La Vie mode d’emploi évoque à dessein la passion classificatoire de Georges Perec2. Le destin final de tout cela sera cependant un grand feu : les chambres, les escaliers, les murs, les lits..., éléments scénographiques et fragiles, seront consumés par les flammes pour engendrer un nouveau travail, Fuegogratis (2002). L’éphémère comme reflet de la fugacité de la vie dans cette monumentale vanité festive. C’est en revoyant Le Dortoir que je me suis rendue compte du profond changement intervenu dans la méthode de travail de Jordi Colomer à partir de 1997. Commencée cette année-là, la vidéo A, B, C, etc. – fruit de ses nuits passées dans l’atelier à monter et remonter des villes, et formant par ailleurs le banc d’essai de ce qui deviendra Simo (1997) – marque certainement le passage d’un travail solitaire à un travail collectif. Si les relations avec le monde théâtral et le caractère scénographique de nombreuses solutions spatiales ont été une constante chez lui, il reste en effet que c’est à cette époque qu’il travaille essentiellement comme un metteur en scène ou, plus exactement, un cinéaste. Ainsi, à partir d’A, B, C, etc., ses projets réuniront de nombreuses personnes, parfois des amis proches attirés par une collaboration ; à tel point que l’on peut se demander si ces réalisations ont fait l’objet d’une description minutieuse préalable, à la manière d’un scénario de cinéma, ou s’ils sont le fruit d’une espèce d’opéra choral dans lequel la planification et l’improvisation s’équilibrent naturellement. De même, à chaque fois que je vois Le Dortoir, des idées s’enchaînent. Je repense à l’architecte Sir John Soane, tant admiré par Jordi Colomer, qui agrandissait sa demeure londonienne à mesure que ses collections augmentaient. Dans Le Dortoir, les chambres de bois et de carton semblent s’ajouter les unes aux autres en même temps que se déroule le scénario, suivant la caméra qui paraît se déplacer de façon ininterrompue, détaillant tout ce qui se trouve sur son passage ; et ce mouvement m’évoque inévitablement le célèbre – car pionnier – plan-séquence au début de La Soif du mal (1958) d’Orson Welles. Quoi qu’il en soit, on ne doit jamais oublier que les vidéos de Jordi Colomer font partie de scénographies pensées pour être exposées, qui nous placent de nouveau à la frontière de la réalité et This video is presented in a screening room with lots of mattresses for spectators to make themselves comfortable. In this installation the artist brings together a fictive piece of architecture (the one in the video), a display structure, and spectators who are themselves transformed into actors. In Le Dortoir, the camera explores the twelve floors of a building in what seems to be a single sequence shot, going from night to day1. It moves through spaces cluttered with abandoned objects and, here and there, the bodies of people sleeping. At first, everything leads us to believe that this chaos is the result of some big party whose protagonists have now flaked out with fatigue. However, we soon realise that the whole structure is a set made of wood and cardboard, as indeed are most of the objects found within it. There is a strong sense of confusion, but the point-of-view logic of the camera movements always allows scope for observation and, ultimately, refers us to the idea of an order. The artist himself seems to offer detailed descriptions of some of the objects laid out in the middle of this mess: “cardboard plates piled up, creased, or isolated, full of waste […] a horde of glasses and cups, sometimes still half-full […] cans of beer […] various empty bottles […] on the floor, everywhere, remains of the rout”. This inventory echoing a fragment from La Vie mode d’emploi deliberately evokes its author, Georges Perec’s passion for classifications2. However, in the end, it all ends up on a big fire: the rooms, stairs, walls, beds, these fragile elements of the set, will be consumed by flames and thus engender a new work, Fuegogratis (2002). This is the ephemeral as a reflection of the general fugacity of life in a monumental and festive Vanitas. It was when I saw Le Dortoir for a second time that I became aware of the deep change that has taken place in Colomer’s working method since 1997. Begun in that year, resulting from the nights spent in the studio editing and re-editing the cities, and forming the testing bench for what would become Simo (1997), the video A, B, C, etc. certainly marks the transition from solitary work to the kind of collective work. If Colomer’s relation to theatre and the stage-like quality of his spatial solutions have been a constant in his work, the fact remains that this was the period when he worked mainly as a director or, more exactly, a film director. Starting with A, B, C, etc., then, his projects have involved large numbers of participants, some of them close friends attracted by the idea of working together. Indeed, we might ask whether these productions were meticulously scripted, like a film, or instead grew out of a kind of choral opera in which planning and improvisation strike a natural balance. Likewise, whenever I see Le Dortoir, the ideas come thick and fast. It brings to mind the architect Sir John Soane, a figure greatly admired by Jordi Colomer, who expanded his London home to fit his growing collections. In Le Dortoir, the wooden and cardboard rooms seem to add up as the scenario unfolds, following the camera as it appears to move in continuous fashion, noting everything in its passage. And this movement inevitably brings to mind the famous – because pioneering – sequence shot at the beginning of Touch of Evil (1958) by Orson Welles. Either way, we should never forget that Colomer’s videos are part of stage installations made to be exhibited as such, and which once again place us on the frontier between reality and fiction. His intention here is certainly to protect his images de la fiction. Son intention est ainsi certainement de prémunir ses images des pièges conventionnels qu’implique l’exposition, et de les installer dans des scénographies habitables où les visiteurs deviendront eux aussi acteurs. Allongés sur des matelas disposés dans la salle de projection, ils pourront adopter les attitudes et les situations de cette “fête”, dont Colomer nous laisse seulement voir la fin incertaine. against the conventional traps implicit in exhibition, and to install them in habitable stagings in which visitors, too, become actors. Lying on the mattresses laid out in the screening room, they can strike up the same postures as at the “party” of which Colomer shows us only the uncertain end. 1 Le montage crée l’illusion d’un mouvement continu, alors qu’il s’agit en réalité de douze séquences distinctes, à partir d’un même dispositif de décor. 1 The editing creates the illusion of continuous movement, when in reality there are twelve distinct sequences based on the same set structure. 2 Jordi Colomer y fait aussi référence dans la vidéo Alfabet (2000), où un profil crache des centaines d’objets et récite simultanément, à double voix, un fragment de La Vie mode d’emploi de Georges Perec (1978), où sont décrits les objets épars dans un appartement un lendemain de fête. 2 Jordi Colomer also refers to this in the video Alfabet (2000), in which a face seen in profile spits out hundreds of objects while reciting, in a double-tracked voice, a fragment from Georges Perec’s La Vie mode d’emploi (Life, A User’s Manual, 1978) describing the various objects scattered around a flat the morning after a party. 207 fuegogratis 2002 fuegogratis Au crépuscule, une voiture étincelante avance lentement sur une route de campagne. Un jeune couple en sort, découvrant avec ravissement un panneau illuminé qui annonce Fuegogratis. Ce duo halluciné, dont le dialogue manifeste le désir de tout consommer, se dirige vers un grand feu. Telle une corne d’abondance au milieu de nulle part, celui-ci fait surgir lit, table, réfrigérateur, lave-linge... Enchantés, ils saisissent les meubles sortant des flammes et les accumulent de façon instable sur leur carrosse doré. Enfin, ils s’éloignent dans la nuit avant de réapparaître sur le chemin, le film étant présenté en boucle. Fuegogratis a été réalisé en format panoramique la nuit de la Saint-Jean, en écho au feu de joie rédempteur qui célèbre le solstice d’été. Le mobilier en carton, provenant de la vidéo Le Dortoir dont on retrouve le thème musical , est l’emblème dérisoire de notre vie matérielle ordinaire, mais aussi l’objet du sacrifice productif des restes d’une uvre ancienne au profit d’une nouvelle. Ce feu gratuit évoque la fantaisie visuelle, éphémère et magnifique, des fêtes baroques. Il n’est pourtant pas sans gravité. Comme dans ces scènes de cinéma où des décors sont réellement incendiés, la destruction fictive rend ici perceptible une réalité symbolique, aussi fascinante que terrifiante. L’étrangeté de l’action est renforcée par une double inversion : d’une part, certains passages, autour du feu, résultent évidemment d’une diffusion inversée de la séquence originale. D’autre part, de façon plus troublante, des mouvements effectués par les acteurs à l’envers durant le tournage, sont remontés à l’endroit dans le film que nous regardons. Cette gestuelle antinaturelle se combine avec le décor et les bruits pour former un petit théâtre inquiétant, un fragment onirique mêlant clichés, désirs et peurs. At dusk, a shiny vehicle drives slowly down a country road. A young couple get out, and discover with delight an illuminated sign heralding Fuegogratis. The pair, beside themselves, their dialogue evidencing a desire for total consumerism, walk toward a great bonfire. Like some cornucopia set down in the middle of nowhere, this brings forth a bed, a table, a refrigerator, a washing machine... Enchanted, they take the items as they come out of the flames and place them in an unstable pile on their gilded carriage. In the end, they drive off into the night – only to reappear on the road, since the film is shown in a never-ending loop. Fuegogratis was shot in panoramic format on Saint John’s night, echoing the redemptive bonfire that celebrates the summer solstice. The cardboard consumer items, taken from the video Le Dortoir – whose musical theme we hear again here – are a derisory emblem of our everyday material existence as well as the productive sacrifice of the remains of an older work to make a new one. This “free fire” evokes the visual, ephemeral but magnificent fantasy of baroque celebrations. But it is not without its serious side. Like film sequences in which the decor genuinely goes up in flames, such fictional destruction makes perceivable a symbolic reality that is as fascinating as it is terrifying. The strangeness of the film’s action is enhanced by a double inversion: first, certain passages around the fire manifestly result from reverse projection of an original sequence. And secondly, more disturbingly, the actors perform movements in reverse during the shooting and these are edited to unfold normally in the film we see. This anti-natural choreography combines with the decor and sound to form a little theatre of disquiet, a dream-like fragment blending cliché, desire and fear. no future 2006 no future Une voiture noire roule à la nuit tombante sur une voie rapide ; accrochée sur son toit, une enseigne lumineuse clignotante, semblable à celle d’un cirque ou d’un casino, questionne et répond, sans pour autant conclure : No ? Future !. À l’aube, elle s’arrête dans le centre-ville du Havre, reconstruit après-guerre par Auguste Perret. La conductrice, aux yeux très maquillés et vêtue d’une veste militaire, en sort et se met à marcher dans une avenue principale, au rythme d’un tambour qu’elle délaisse parfois pour sonner aux interphones. Aucune réponse. La ville dort encore, malgré le tapage. La jeune femme continue de marcher en cadence ; un battement impétueux parfois scandé de cris. Elle boucle son parcours en rejoignant la voiture, monte sur le capot et tambourine. Quelques badauds, déconcertés ou impassibles, la regardent, avant qu’elle ne reprenne enfin le volant, peut-être vers une autre ville. No Future, écho de Fuegogratis où une signalétique brillante voisinait avec une étrange voiture, est tout aussi équivoque. La devise, rendue célèbre par les Sex Pistols, est ici transformée, par les signes de ponctuation, en un dialogue qui contrefait jusqu’à l’absurde le langage publicitaire, ou signifie au contraire une insoumission qui échappe à tout discours. Des registres de parole différents, en partie contradictoires, se superposent : le boniment de foire, le matraquage commercial, la proclamation officielle, le slogan de manifestation, le commandement militaire, le prêche religieux. Militante d’une cause perdue, annonceur sans public ou personnage de carnaval esseulé, l’héroïne pourrait être une Jeanne d’Arc ou une Mère Courage des temps modernes. Même si son geste suscite peu de réactions, il vaut d’abord pour lui-même, comme un acte gratuit mais déterminé, qui brise le silence. No Future est présentée dans une petite pièce carrée construite en carton, sur lequel le film est directement projeté, et à laquelle on accède par une porte étroite grossièrement découpée. A black car drives along the road as night falls on en expressway; mounted on its roof is a blinking neon sign like those of circuses or casinos, with a question and an answer, albeit inconclusive: “No? Future!” As dawn breaks, it stops in the city centre. The driver, with heavily made-up eyes wearing a military-style jacket, gets out and begins to walk along a main boulevard, to the rhythm set by the drum, which she occasionally stops banging to ring on doorbells. No reply. The city is still asleep, despite the noise. The young woman continues to march along; an impetuous beating the drum occasionally accompanied by rhythmic shouts. She ends her march by returning to the car, and climbs up on the hood, continuing to beat the drum. A few passers-by, confused or impassive, watch her until she finally gets back behind the wheel, perhaps to drive to another town. No Future, which echoes Fuegogratis in which there is also a luminous sign system and a strange vehicle, is just as ambiguous. The motto made famous by the Sex Pistols is radically changed here with punctuation transforming it into a dialogue aping the language of advertising to the point of absurdity, or conversely indicating a refusal to submit that escapes all possible discourse. Different speech registers, some mutually contradictory, are overlaid: the fairground pitch, the hard sell, the official proclamation, the demonstrator’s slogan, the military order, and the religious sermon. As an activist for a lost cause, an announcer without an audience or an isolated carnival character, the heroine could be a sort of Joan of Arc or Mother Courage for modern times. Despite the fact that her action arouses little reaction, it is worth doing in itself, a gratuitous but resolute act that breaks the silence. Shot in Le Havre — city of which centre was rebuilt by Auguste Perret after the Second World War — No Future is shown in a small square room in cardboard in which the film is projected directly and to which the spectator gains access via a narrow, roughly cut doorway. 227 no future no futur en la pampa ciao, ciao en maría elena cementerio santa isabel christmas vagar en campo raso es 2007 En la pampa En la pampa (ou les larmes de Dostoïevski dans le désert) (o lágrimas de Dostoïevski en el desierto). Martí Peran Il n’est pas évident de comprendre pourquoi Dostoïevski fondit en larmes en lisant Hegel en Sibérie1 ; c’est un endroit, comme l’Afrique, situé hors de l’Histoire – cet instrument que la Raison a construit pour affronter tout ce qui est démesuré, illimité. La Sibérie n’est peut-être pas un endroit historique, mais il s’avéra fondamental pour Dostoïevski car il lui a permis de goûter à l’enfer hors du châtiment et de la faute. La Sibérie ou le Désert : des espaces idiots – n’obéissant à aucune sorte de raison ou de finalité –, qui apparaissent ainsi comme des lieux de fiction. Un Théâtre. Face au Théâtre, un groupe de femmes fait ses adieux avec effusion à une jeune fille. Les corps, fusionnés et compacts (une nouvelle accumulation, comme celles de travaux antérieurs qui présentaient des caisses empilées ou des tas de boîtes de conserve et de matelas2), appuient, dans le même registre, sur le fictionnel : un récit construit à travers l’entassement d’éléments, une réunion de choses disparates dont l’une des composantes peut s’individualiser à tout moment : l’adieu. Ciao, ciao en María Elena. La jeune femme (l’actrice, la parcelle de fiction dégagée du premier corps du récit3) s’avance dans le désert. À ce moment précis, quand elle s’y incorpore et envahit la scène du désert, celui-ci devient pampa : un désert désormais occupé par qui y prend la parole4. Le désert se transforme donc en pampa, comme si les projecteurs du Théâtre s’allumaient : quand un corps et son langage y apparaissent et habitent la scène. Ainsi, dans En la pampa, Jordi Colomer interroge-t-il à nouveau les façons possibles d’habiter, dans la précarité, la fiction. Cependant, si dans des travaux antérieurs cette exploration se concrétisait dans le processus même de construction scénique – aussi bien pour les protagonistes que pour les spectateurs5 –, ici le double jeu pour habiter le fictionnel se traduit purement et simplement par la décision de situer l’actrice dans le milieu désertique. Dans un endroit situé hors de l’Histoire, une présence vulnérable, dépourvue de bagages, devra construire (improviser) de petites histoires à travers ses gestes, ses mots et ses parcours. La narration débute, à nouveau. En la pampa est l’œuvre de Jordi Colomer qui se rapproche le plus de la logique d’un road movie ; tout ce qui arrive s’organise à l’intérieur d’un déplacement. Toutefois, nous ignorons complètement la destination possible du voyage ; cette carence d’objectif – l’horizon de ce qui est historique – libère la fiction de toute fonction au-delà d’elle-même. Ce qui est raconté n’oscille même plus entre le succès ou l’échec6, mais se déploie à partir d’une simple « errance en rase campagne7 ». Autrement dit, le récit n’avance qu’à la manière d’un flux de temps à l’intérieur du plan, et réalise ainsi l’expectative, si proche de Tarkovski, de transformer ce qui est cinématographique en une élaboration sculpturale dans laquelle le temps est modelé par de petits événements8. Le petit événement, ou l’effort plastique qui occupe l’espace central du récit, consiste à laver une voiture. Laver une voiture dans le désert peut sembler une absurdité (Pianito combattait aussi la poussière sur un piano), mais permet de mettre l’accent sur trois éléments cruciaux : cette action souligne le caractère voyageur de la fiction ainsi que la mobilité permanente des affrontements taquins entre les personnages ; elle s’érige comme une paraphrase du travail de sculpture à travers lequel l’objet doit apparaître, une fois que la matière en trop a été éliminée (la sculpture per via di levare) ; et, finalement, elle force la prise de conscience de la difficulté de la gestion des maigres ressources disponibles (l’eau, ou la dureté du paysage) pour la réalisation de l’objectif (laver la voiture, ou construire Guessing why Dostoyevsky burst into tears when he read Hegel in Siberia was no easy matter1, for Siberia, like Africa, is a place outside History, that tool devised by reason to cope with the vast and unlimited. Siberia may not be a historical place, but it proved to be a fundamental place, where the writer could taste hell without punishment or guilt. Siberia or the Desert: stupid spaces – obeying no reason or purpose – with the something of the look of fiction about them. A Theatre. Outside the Theatre a group of women give a younger woman an enthusiastic send-off. Their bodies, clustered and compact (another accumulation, like the piles of boxes and heaps of cans and mattresses in previous works2), refer once more, in the same vein, to fiction: a tale built up by stacking things together, a collection of disparate elements which at any moment may help to single out one of its components, a send-off. “Ciao, ciao!” in María Elena. The young woman (the actress, the crumb of fiction that detached itself from the first body in the tale3) walks off into the desert. And at that precise moment, as she enters and invades the desert stage, it turns into the pampas: a desert now occupied by whoever may rise to speak4. So the desert becomes the pampas, as though the Theatre spotlights have been switched on, and a body and that body’s language appear and inhabit the scene. Consequently Jordi Colomer, in En la pampa, is again experimenting with possible − and precarious − ways of inhabiting fiction. But whereas in previous works the exploration was done by actually building the set – for the protagonists and the audience in equal degrees5 –, now this twofold game aimed at inhabiting the fictitious is neatly expressed in the decision to place the actress in a desert setting. In a place outside History this vulnerable presence, devoid of baggage, must build (improvise) little stories using gestures, words and itineraries. The narrative, once more, begins. Of all Jordi Colomer’s works, En la pampa has most in common with the logic of a road movie: everything that happens is arranged within a journey. But we know nothing whatever of the possible destination; this lack of an objective – the horizon of things historical − releases the fiction from any function outside itself. The tale that is told no longer even wavers between success and failure6: it grows out of simply “wandering in open country”. The story moves onwards, in other words, only as time flows within the plane, fulfilling the expectation, so akin to Tarkovsky, of making motion pictures into a work of sculpture by moulding minor events into time7. In this tale the minor event, or sculptural endeavour, that occupies centre stage is washing the car. Washing a car in the desert may seem absurd (Pianito fought a battle with the dust on the piano as well) but it makes it possible to delve into three crucial issues: it stresses the travel register of the fiction and the constant mobility of the playful clashes between the characters; it sets itself up as a paraphrase of the sculptor’s task, after which the object must appear, once the excess material has been shaken off (extracting a sculpture per via di levare); and finally it forces us to become aware of how the scarce resources (water and the rugged landscape) must be managed in order to attain the goal (that of washing the car or building a fiction using the most elementary means). The action rests solely on the powerful decor: the Cementerio Santa Isabel. This might suggest that the events narrated are to be interpreted as a sort of vanitas according to which no effort to improve appearances (by washing) can make fiction part of the real world again. Thus the une fiction à partir des moyens les plus élémentaires). L’action ne s’appuie que sur un puissant décor : le Cementerio Santa Isabel. Cela pourrait suggérer qu’il faut interpréter la narration comme une sorte de vanitas selon laquelle aucun effort visant à améliorer les apparences (à les laver) ne pourra restituer le fictionnel au monde réel. La tension ne s’établit donc pas entre la vie et la mort, mais entre le réel et le fictionnel. Il ne s’agit plus de dénoncer la banalité de l’invention face au destin, mais de célébrer l’autonomie du fictionnel, capable de s’accomplir sans conclure. Le cimetière ne renferme aucune morale ; ce n’est qu’une ville précaire, un décor à l’architecture fragile, comme en tant d’autres occasions9, destiné à héberger la fiction. La narration – le voyage – a donc la liberté de se poursuivre. Troisième acte. Puisqu’il s’agit d’habiter la fiction construite dans les conditions les plus sévères, la pénurie de ressources matérielles force à parfaire les stratégies time specific : c’est Noël dans le désert (le film a été tourné en décembre). Lui, s’amuse avec les restes de l’automobile et elle, avec des décorations de Noël colorées. Dans un plan fixe, une chorégraphie ludique improvisée transforme un morceau de terre non cultivée en espace scénique pour la représentation. Même quand la scène se vide, le potentiel théâtral de l’endroit demeure : un pneu crevé roule sur le sol comme s’il s’agissait d’une (autre) sculpture. À ce point-là, le récit pourrait continuer indéfiniment – sans Histoire ; pour cela, toutefois, il faudra utiliser ces quelques rares « interventions du hasard » qui pourraient se produire dans la sévérité « évidemment déprimante » du désert10. tension is not between life and death but between reality and fiction. It is no longer a matter of denouncing the banality of invention in the face of destiny, but of celebrating the autonomy of fiction, which can happen and never conclude. Within the cemetery no morality lies hidden; it is merely a fragile city, an architecturally flimsy set, designed, as on so many other occasions8, to clothe fiction. Thus the narrative − the journey − is authorized to continue. 1 László Földényi, Dostoïevski lit Hegel en Sibérie et fond en larmes, Arles, Actes Sud, 2008. 1 8 2 L’accumulation d’objets est une constante, une sorte d’antiméthode constructive, dans de nombreuses œuvres de Jordi Colomer. Le désordre en tant que modalité d’ordre – dans l’esprit de Georges Perec –, éloigné de la nature des choses, est, en ce sens, une allégorie de cette même fiction traversant tout langage. László Földényi Dostoïevski lee a Hegel en Siberia y rompe a llorar, Barcelona, Galaxia Gutemberg, 2006 (Spanish translation); Dostoïevski lit Hegel en Sibérie et fond en larmes, Arles, Actes Sud, 2008 (French translation). The fictionalization of architecture as a way of responding to the traditional peremptory stoniness of conventional architecture is a constant in the work of Jordi Colomer. The series Anarchitekton (2002-2004) is the most obvious example. 2 The accumulation of objects is a recurring feature of many of Jordi Colomer’s works, a sort of constructive anti-method. Disorder as a modality of order − à la Georges Perec −, alien to the nature of things and, for that very reason, like an allegory of same fiction that pervades any idiom. 9 3 The group of women gives shape to the first tale, just as each body holds up a different letter in the narrative of Un Crime (2004). 4 Jordi Colomer himself admits that the name of the Atacama desert is missing from En la pampa. This is because “the desert does not need to be inhabited” whereas “the pampas is the inhabiting of the desert” (Sergio González, “Habitar la pampa en la palabra: creación poética del salitre”, Revista de Ciencias Sociales, No. 13, Iquique, Universidad Arturo Prat, 2003, p. 53-65.) The last part of the video shows the characters roaming about the desert and repeating, in a playful, mocking way, a sentence taken literally from the Situationist theory of dérive: “wandering in open country is obviously depressing and the interventions of chance are poorer there than anywhere else” (Guy Debord, “Théorie de la dérive”, Internationale Situationniste, No. 2, 1958, and Guy Debord, “Théorie de la dérive”, Les Lèvres nues, No. 9, December 1956; English translation in Knabb, Ken (Ed.), Situationist International Anthology, Berkeley, Bureau of Public Secrets, 1981). In its original context, the sentence comments ironically on the Surrealists’ appeal to randomness; in contrast, open country is the only place available to the characters in the video. 5 Various examples could be cited but Simo (1997) is perhaps the most emblematic: the character compulsively constructs her place and the spectator has to sit among the chairs in the projection room. 6 As happened explicitly in Les Villes (2002); but also in other works such as Pianito (1999). 7 Andrei Tarkovski, Sculpting in Time, London, Faber, 1989. Jordi Colomer himself has often suggested that his video works must be interpreted as sculptures drawn out in time. On the expression “wandering in open country”, used in the last episode in the video, see note 9. 3 4 5 6 7 Le groupe de femmes compose le premier récit, tout comme chaque corps soutient une lettre différente dans la narration de Un Crime (2004). Jordi Colomer lui-même reconnaît que En la pampa oublie le nom du désert d’Atacama, car « le désert se passe d’être habité », tandis que « la pampa est le désert habité » (Sergio González, « Habitar la pampa en la palabra: creación poética del salitre », Revista de Ciencias Sociales, n°13, Iquique, Université Arturo Prat, 2003, p. 53-65.). Il y en a plusieurs exemples, mais Simo (1997) est certainement le plus représentatif : le personnage construit compulsivement son espace et le spectateur doit trouver sa place au beau milieu des chaises de la salle de projection. Comme cela se produisait de façon explicite dans Les Villes (2002), mais aussi dans d’autres travaux comme Pianito (1999). Sur cette expression employée dans le dernier chapitre de la vidéo, voir la note 10. 8 Andrei Tarkovski, Le Temps scellé : de « L’Enfance d’Ivan » au « Sacrifice », Paris, Cahiers du cinéma, 2004. Jordi Colomer lui-même a suggéré en de nombreuses occasions la nécessité d’interpréter ses travaux vidéo comme une “sculpture dilatée dans le temps”. 9 La fictionnalisation de l’architecture comme mécanisme de réplique face au caractère traditionnellement contraignant et monolithique de l’architecture conventionnelle est une constante dans l’œuvre de Jordi Colomer. La série Anarchitekton (2002-2004) en est l’exemple le plus évident. 10 La dernière partie de la vidéo présente les personnages en train de déambuler dans le désert tout en répétant de façon ludique et moqueuse une phrase tirée de la Théorie de la dérive situationniste : « L’errance en rase campagne est évidemment déprimante, et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais. » (Guy Debord, « Théorie de la dérive », Les Lèvres nues, n°9, décembre 1956 et Internationale situationniste, n°2, décembre 1958, et sur Internet : http://www. larevuedesressources.org/article.php3?id_ article=38). Dans son contexte original, la phrase se présente comme une référence ironique aux invocations surréalistes du hasard ; cependant, pour les personnages, il n’y a pas d’autre espace que « la rase campagne ». Act III. Since the aim is to inhabit a fiction constructed in the most adverse conditions, the scarcity of material resources requires the intensification of time-specific strategies: Christmas exists in the desert (the recording was made in December). He is amusing himself with the remnants of the car, while She is playing around with colourful Christmas decorations. An improvised choreography of games on a fixed plane turns a stretch of wild country into a location for the performance. Even after it is empty, the scene endures thanks to the theatrical potential of the spot: a burst tyre slithers along the ground as though it (too) were a sculpture. The tale, by this time, could go on for ever − without History −, though this would involve using those few "interventions of chance" which could occur in the "obviously depressing" severity of the desert9. 243 Parce que l’errance en rase campagne est ... l’errance en rase campagne est... Comment c’était ? Est évidemment, est évidemment déprimante Évidemment déprimante et les... et les... l’errance en rase campagne est.... - Un désert de mots, de grands mots que je ne dirai jamais ! - Les interventions du hasard - What can be more hazardous than walking here? wandering in open country is... - Parce qu’alors l’errance en rase campagne est évidemment déprimante et... - Having a desert of ideas how did it go?... is naturally, is naturally depressing -I think that rather than.... it’s as if... Naturally depressing and the... and the... wandering in open country is... - A desert full of words, big words that I shall never utter! Naturally depressing and the... what was the sentence? - Because wandering in open country is naturally depressing and... - ... and the interventions of chance - ... the interventions of chance Non, ben, si nous... C’est ça une divagation... C’est ça une intervention du hasard. C’est comme passer par là. - the interventions of chance -... and the interventions of chance... are poorer - Tout ça est une intervention. Tout, tout, tout. - are poorer and poorer - ... les interventions du hasard - ... sont plus pauvres évidemment déprimante, et les... Comment c’était la phrase ? Because wandering in open country is - « que jamais ! » - Alors, c’est quoi une intervention du hasard ? Explique ! - Les interventions du hasard - Sont plus pauvres. Sont de plus en plus pauvres Évidemment les interventions du hasard ... parce que c’est errance, pas divagation L’errance en rase campagne est évidemment déprimante et les interventions du hasard comme celle-ci - both: “than anywhere else!” Naturally the interventions of chance... - Toi tu es une intervention sur mon chemin. - Et toi dans ma vie. - Sont plus pauvres. - Sont de plus en plus pauvres. Regarde, cet arbre est de plus en plus pauvre. Alors divaguer en rase campagne... Non ! L’errance en rase campagne EST - ÉVIDEMMENT DÉPRIMANTE ! - Et les interventions du hasard sont comme cet arbre. - are poorer - Gnan, gnan, gnan, dans ma vie ! Moi je crois que divaguer est plus important qu’errer. C’est ça ! Vas errer par là ! because wandering... No! Because drifting Wandering in open country is naturally depressing And the interventions of chance like this - So, what is an intervention of chance? Describe it! No way... if we... this is drifting... this is a chance interruption. It’s like walking past this place. - All of this is an interruption, all of it, all of it. - get poorer - You are an interruption in my way. Alors, c’était comment ? Dis-le ! L’errance en rase campagne... - get poorer and poorer. Look! This gets poorer and poorer. « est évidemment déprimante ! » So drifting in open country... no! Wandering in open country IS - Elles sont plus pauvres. - et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais. - C’est toi, qui es pauvre ! L’ERRANCE EN RASE CAMPAGNE EST... ! - NATURALLY DEPRESSING! -...and the interventions of chance are like this tree - ...and you in my life. - Bah, bah, in my life! But I think that drifting is more important than wandering. And you! Get lost wandering around! So, how was it? You say it! - Pauvre ! - they are poorer Wandering in open country is... - ... de plus en plus - You are poor! “is naturally depressing!” - ... plus que jamais - poor! - Ah ! … que jamais. - and poorer Alors l’errance en rase campagne est évidemment déprimante... et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais. Donc ce n’est pas une divagation ordinaire, ce n’est pas une divagation, c’est comme... -... than anywhere else WANDERING IN OPEN COUNTRY IS...! -Yep! than anywhere else So wandering in open country is naturally depressing - Qu’est-ce qui est plus pauvre que ça ? - C’est comme marcher pauvrement et trouver tout ça. - Alors… Tiens ! Alors, l’errance en rase campagne est évidemment déprimante, et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais. Voilà ma philosophie désertique. Poésie... - Qu’est-ce qu’il y a de plus pauvre que de marcher ici ? - Qu’est-ce qu’il y a de plus hasardeux que de marcher ici ? and the interventions of chance get poorer and poorer. So it’s not like some simple drifting. It’s not drifting, it’s more like... Her: What can be poorer than this? Him: It’s like walking poorly and finding all this. Then... Have this! So, wandering in open country is naturally depressing and the interventions of chance are poorer than anywhere else. - Avoir un désert d’idées. - Moi je crois que plus que... c’est comme her: and the interventions of chance are poorer than anywhere else. That is my desert philosophy... poetry - What can be poorer than walking here? pozo almonte 2008 Pozzo almente Cette série de photographies, réalisée au Chili dans le désert de l’Atacama, relève d’un récit. L’industrie s’y développa autour des gisements de salpêtre ; des ouvriers venus en masse formèrent des communautés et engagèrent des luttes sociales durement réprimées. La fermeture des mines laissa derrière elle des villes fantômes, traces de nécropoles abandonnées, à l’exception de Pozo Almonte, voisine d’un grand cimetière, entretenu et vivant. Le cadrage systématique accentue la typologie mais souligne la singularité de chaque édifice, fait de matériaux divers et variés, brut ou apprêtés, agencés avec soin ; une architecture sans architectes rappelant des bungalows ou de petites constructions modernistes, dont les morceaux tiennent à la fois de l’église, de la maison, de la cabine et du lit-cage. Ces mausolées de fortune témoignent aussi d’une culture ; la visite prolongée aux défunts fait partie de la vie ordinaire et évoque les victimes, souvent sans sépulture, de la dictature militaire. Ainsi, l’appropriation individuelle de normes formelles, à travers ces tombes étonnantes, traduit la participation d’existences anonymes à l’Histoire. Cette série de photographies, réalisée au Chili dans le désert de l’Atacama, relève d’un récit. L’industrie s’y développa autour des gisements de salpêtre ; des ouvriers venus en masse formèrent des communautés et engagèrent des luttes sociales durement réprimées. La fermeture des mines laissa derrière elle des villes fantômes, traces de nécropoles abandonnées, à l’exception de Pozo Almonte, voisine d’un grand cimetière, entretenu et vivant. Le cadrage systématique accentue la typologie mais souligne la singularité de chaque édifice, fait de matériaux divers et variés, brut ou apprêtés, agencés avec soin ; une architecture sans architectes rappelant des bungalows ou de petites constructions modernistes, dont les morceaux tiennent à la fois de l’église, de la maison, de la cabine et du lit-cage. Ces mausolées de fortune témoignent aussi d’une culture ; la visite prolongée aux défunts fait partie de la vie ordinaire et évoque les victimes, souvent sans sépulture, de la dictature militaire. Ainsi, l’appropriation individuelle de normes formelles, à travers ces tombes étonnantes, traduit la participation d’existences anonymes à l’Histoire. « Dans la ville en démolition ou en reconstruction, le néo-réalisme fait proliférer les espaces quelconques, cancer urbain, tissu dédifférencié, terrains vagues, qui s’opposent aux espaces déterminés de l’ancien réalisme. » Gilles Deleuze1 Jordi Colomer au pays de Gulliver. Échelle, rêve et nature José Luis Barrios Le travail de Jordi Colomer a quelque chose d’une bouffonnerie ; il nous apparaît à la fois comme une plaisanterie et une énigme. Ses vidéos et vidéos-installations sont des caricatures qui activent un réseau complexe de structures visuelles, de stratégies narratives, de jeux de langage et d’échanges entre échelles, figurations et symboles, dont la meilleure définition serait peut-être l’hyperbole. Cependant, cette hyperbole est plus qu’un simple procédé ; c’est un dispositif qui, tout en s’appropriant une des figures les plus récurrentes de l’histoire de l’art – le corps du nain – pour l’utiliser ou le métamorphoser en géant et vice-versa, fait de ce corps « difforme » un principe poétique et analogique de toute mesure – sûrement vaudrait-il mieux parler de dis/proportion – de l’espace, des objets et des signifiants. Dans cette relation entre le petit et le grand, la production de Jordi Colomer inscrit l’ambigüité en tant que sommet et concept. Sommet au-dessus duquel se déploie l’espace et agissent ses représentations. Concept à partir duquel il mène une réflexion critique sur le paysage, l’échelle et leurs implications discursives. C’est dans cette dialectique entre le nanisme et le gigantisme que l’artiste construit une esthétique à travers laquelle il explore les limites entre la subjectivité et l’espace urbain moderne et contemporain. Colomer travaille sur l’ « obscénité » d’échelle comme potentiel formel et symbolique mais aussi narratif et cinématographique. Son œuvre est une exploration – et de même un incessant voyage aller-retour – entre les styles cinématographiques et les stratégies dramatiques qui misent sur la dislocation entre l’affection, la narration et le sens. Du point de vue cinématographique, ses vidéos peuvent se comprendre comme une errance, du moment vital et quotidien de l’événement vers le lieu onirique symbolique de sa signification. Dans sa dramaturgie, néanmoins, à rebours de la tradition aristotélicienne, ses œuvres sont la mise en « scène » d’actions dépourvues de finalité, où l’acteur/personnage apparaît comme un désamorceur du contexte et un dispositif d’autoreprésentation de la situation ; à la façon brechtienne, l’acteur est plus important que le personnage. S’il y a quelque chose d’inquiétant dans les vidéos de Colomer, ce sont les stratégies par lesquelles il démonte les formes du paysage urbain contemporain. Dans un premier temps, le démontage qu’il réalise est sans doute en rapport avec les relations entre échelle et corps ; ou plus exactement, avec la réinscription de l’échelle dans le corps grotesque en guise de stratégie esthético-symbolique permettant de montrer l’autre côté de l’imaginaire urbain : son côté monstrueux. Au-delà du grotesque comme caractère propre à la nature, Colomer joue, à la manière des bouffons de cour – en introduisant le dé-formé comme rire et critique du pouvoir – avec les imaginaires de la modernité afin d’en 257 révéler le côté obscène : le débordement de leurs limites. Il joue avec le nain et le monstre, le géant et le monstre. Voilà peut-être pourquoi il faudrait parler d’un naturalisme esthétique qui restitue à l’espace public l’ordre charnel et vital du corps, et ainsi, libère la pulsion en tant que charge subversive et critique. Les vidéos-installations de Colomer sont des interruptions dans l’espace public, de sa fonction significative et signifiante. C’est à partir d’une construction tissée sur une esthétique du plan, une stylistique de l’échelle, une symbolique du corps et une dramaturgie brechtienne que, dans sa production, le cinéma, la sculpture et l’iconographie se combinent pour façonner une stratégie d’interprétation du paysage au-delà de l’utopie et de la ruine de la modernité. Il nous propose de nous rapprocher de l’espace des élans vitaux qui sont sous-jacents dans la vie des villes modernes. Et il le fait au moyen d’un certain registre esthétique du grotesque, où le corps et les objets interrompent les utopies urbaines et architecturales modernes ou, du moins, interfèrent un instant avec elles. En un mot, les travaux de Colomer fonctionnent selon un double dispositif artistique : le moment visuel de l’échange de plans cinématographiques et le moment performatif de la représentation qui désaliène la situation. Rien ne définit mieux le travail de Jordi Colomer que sa claire relation avec le cinéma comme stratégie esthétique. Construite sur la dialectique entre plan et montage, et sur la relation entre champ et contrechamp, son œuvre pourrait être envisagée comme un tour de vis supplémentaire au néoréalisme. Si le réalisme désirait une épopée du paysage à partir de la correspondance entre l’idée de progrès, l’espace urbain et le plan ouvert, le néoréalisme dépasse ces éléments pour attirer l’attention sur l’ « espace quelconque » où le plan ouvert montre la ruine ou la faillite de la modernité. Mais plus encore, sur ce fond, il inscrit l’accident, l’échec et le trouble d’une société, celle de l’Italie de l’après-guerre, plongée dans la crise ; un bouleversement du contrechamp sur le champ qui démonte la condition utopique à partir de laquelle le cinéma s’était, à l’origine, pensé lui-même. Les vidéos de Jordi Colomer sont un approfondissement et une complexification des qualités que Gilles Deleuze attribue au néoréalisme italien. Des cinq caractéristiques énoncées par le philosophe2, toutes, sauf la « dénonciation du complot », s’appliquent dans les vidéosinstallations de la série Anarchitekton (2002-2004) : « … la situation dispersive, les liaisons délibérément faibles, la forme-ballade, la prise de conscience des clichés. » Mais Colomer met en œuvre ces éléments à partir d’un déplacement du plan de la réalité où, supposet-on, fonctionne ce type de prises de vue. Dans Anarchitekton, les relations entre champ, action et intervention(s) performative(s) de l’/des acteur(s), en lien avec la dislocation et le bouleversement visuel et sémantique de l’échelle – à travers les reproductions sous forme de maquettes de certains édifices emblématiques des villes d’Osaka ou Brasilia, par exemple – produisent une confusion sur le plan de la réalité. Ainsi, il est permis non seulement de démonter, à la manière du néoréalisme, la supercherie de la modernité architecturale, mais encore de la déplacer vers une certaine esthétique du pulsionnel ; transitant entre le monstre ou le difforme, celle-ci définit le naturalisme, et le monde onirique propre au surréalisme. J’ai insisté sur le concept de déplacement entre réalisme et néoréalisme, naturalisme et surréalisme, qui est à l’œuvre dans le travail de Colomer. Par déplacement, j’entends le passage d’une condition « objective du plan », généralement en rapport avec le social au cinéma, au changement du « plan de la réalité » de l’image, c’est-à-dire aux formes de cristallisation par lesquelles s’accomplit la transmutation du sens du signifiant. Les changements de plan entre figuration réelle et onirique représentent précisément le passage entre le réel et le surréel. Cependant, lorsque ce transfert passe par la matérialité de la pulsion, il ne s’agit plus seulement d’une figuration onirique, mais d’une déformation vitale, d’un bouleversement corporel. De là, justement, les idées du nain et du monstre : ce sont des corps à mi-chemin entre données objectives de la situation et figurations symboliques du rêve ; ils constituent une limite où la pulsion s’attache au corps jusqu’à produire un changement de plan et, à la fois, de « matière ». Si la coïncidence entre plan général et paysage urbain dans le néoréalisme apparaît sous la forme de la ruine, et le plan moyen comme un espace où s’opère la demande éthique de la subjectivité, il semblerait que Colomer pousse cette ressource à l’extrême, non seulement par le jeu des prises de vue, mais aussi en joignant à sa stratégie cinématographique des éléments d’ordre sculptural et iconographique. Dans Barcelona (2002) et Brasilia (2003), de la série Anarchitekton, l’artiste s’approprie ironiquement des bâtiments emblématiques ; ceci à travers le déplacement de l’échelle comme condition de mesure de l’architecture. Il s’agit d’un déplacement esthético-politique du signifiant de l’échelle et de la dislocation topographique de l’architecture du paysage urbain. Ces déplacements/ dislocations supposent une déterritorialisation esthético-politique de l’imaginaire urbain et, par conséquent, une critique des relations entre forme, fonction et contexte de ces emblèmes architecturaux. Les jeux iconographiques, symboliques, cinématographiques et performatifs fonctionnent comme des parodies ou des caricatures, comme des tropes ironiques de l’imaginaire architectural et urbain. Dans ce contexte, il est intéressant de remarquer le différentiel esthétique et conceptuel qui apparaît dans la vidéo Osaka (2004), appartenant aussi à Anarchitekton. Contrairement au déplacement vers les marges urbaines qui s’effectuait dans les autres œuvres de la série, le parcours réalisé par l’acteur/maquette dans une rue d’Osaka est elliptique. La répétition de l’action et de la prise de vue comme stratégie narrative est ici une ironie vis-à-vis des formes de display et du simulacre propre aux esthétiques scénographiques de la modernité tardive, mais aussi une ironie vis-à-vis du sens du déplacement fantasmatique des habitants des villes hautement technologiques. Il est sans doute important de souligner ici les différentiels sociaux et politiques que Colomer porte à leur moment de visibilité. Dans cette œuvre, le recours elliptique à la prise de vue constitue la stratégie par laquelle il pose le différentiel narratif et visuel. Tandis que dans Brasilia 259 et Barcelona, les parcours de la caméra tendent vers l’effacement des limites urbaines, dans Osaka, le mouvement de la prise de vue sur ellemême définit une tout autre tessiture émotionnelle et symbolique. La série Anarchitekton est un moment de synthèse qui permet d’identifier les structures « narratives » des vidéos et vidéos-installations de Colomer. Comme j’ai essayé de le démontrer plus haut, dans ses œuvres, la relation entre plan général et plan moyen, associée à la performance de l’acteur et à l’utilisation symbolico-plastique des maquettes, produisent un système de déplacements imaginaires et sémantiques, dans lequel les rêves de la modernité sont démontés par la subjectivation de l’affect, à travers l’action perçue comme situation dispersive. C’est sûrement pour cette raison que le jeu d’échelles ne se limite pas à un aspect formel du travail de Colomer ; il est aussi iconographique et symbolique, mais surtout pulsionnel. Et sûrement pour cette raison encore, le corps apparaît comme la limite, à la fois figurative et formelle, où s’accomplit le différé du signifiant de ses œuvres. Les relations d’échelles entre paysage, maquette et corps fonctionnent comme un jeu de dédoublements et de répliques dans lequel se produit le déplacement entre le plan du réel et celui du surréel, sans toutefois abandonner le moment pulsionnel de l’action, c’est-à-dire, sans omettre l’aspect physique ou corporel imbriqué dans ses élans naturels et vitaux originels. En une première approche, il est donc possible d’affirmer que le travail de Colomer s’explique, au niveau structurel, par les relations entre échelle, figure, temps et narration, comme une poétique de la superposition et du déplacement. Partant de cette stratégie, nous pouvons entreprendre la lecture d’autres œuvres dans lesquelles Jordi Colomer explore différents registres de pulsion de l’image comme distension esthétique. On peut distinguer quatre configurations esthético-cinématographiques. D’abord, celles qui sont liées au travail de travelling continu : l’artiste y établit une zone liminaire entre l’aspect constatatif de l’image et son transfert onirique. Dans Le Dortoir (2002), en contrepoint des personnages endormis, le chaos qu’ils habitent, la façade d’un immeuble moderne en arrière-plan et le mouvement incessant de la caméra d’un côté à l’autre et de haut en bas, produisent davantage une pure distension du temps de l’image qu’une histoire. Ensuite, les configurations qui, en se fondant sur un travail d’édition et de montage, interviennent dans l’espace de présence du cadrage avec des textes et des effets de picture in motion, afin de retarder la perception et de convertir le texte en une chorégraphie sémantique de répétition. L’aspect réel de l’image – un paysage, par exemple – devient presque un énoncé sur la feuille blanche où il s’inscrit (Un Crime, 2004) ; ou bien l’action est narrée à rebours de la séquentialité du temps linéaire afin de réinscrire une histoire dans un espace onirique. Ainsi, dans Fuegogratis (2002), le montage en sens inverse du tournage disloque les référents de l’image en créant une contraction/distension des objets et de l’histoire. Il est possible d’identifier un troisième type de configurations : le continuum de la prise de vue – exprimé aussi bien par un plan fixe (Pianito, 1999) que par un travelling latéral pendulaire (Simo, 1997) – y fonctionne grâce à la disproportion entre la conception artistique et la scénographie d’une part, et l’échelle et l’espace d’autre part. Contrairement aux cas précédents, ce sont ici les objets ou les personnages qui introduisent la dislocation formelle et symbolique. Dans Simo, la naine marque la limite entre ce qui fonctionne comme l’espace qu’elle habite, et la ruine urbaine comme métaphore du paysage contemporain ; le transfert de ce qui apparaît énorme pour elle – les chaussures – s’atténue vers la fin de la vidéo, juste au moment où sur l’entassement des boîtes, une maquette apparaît : de nouveau, la dissolution de l’échelle comme dispersion et échange entre la réalité et le rêve. Enfin, dans la vidéo En la pampa (2008), à la manière d’un road movie, le chemin et le paysage sont perturbés par le dialogue inattendu et la présence d’éléments oniriques – un sapin de Noël artificiel qui tombe en morceaux à mesure que les personnages marchent dans ce désert –, jusqu’à transformer le site en un espace qui s’estompe, où les limites entre l’aspect purement matériel des objets et leur dimension fantasmatique sont indiscernables. En la pampa est probablement le travail qui s’éloigne le plus, du point de vue stylistique et conceptuel, d’une certaine constante que l’on peut retrouver dans toute l’œuvre de Colomer. Cette distanciation permet d’approfondir la forme et le sens du déplacement et du transfert de ses vidéos. Peut-être la différence se trouve-t-elle dans le fait que dans En la pampa, Colomer explore le plan-séquence en tant que champ de force et tension de l’image. Une exploration qui suppose aussi un déplacement du pulsionnel vers l’affectionnel/affectif de l’image. À la différence de la série Anarchitekton ou de pièces comme Simo ou Pianito, le plan-séquence général, associé à l’errance des deux personnages sur la route et dans le désert, produit une pure distension de la durée de l’action, où les dialogues et les rares actions réalisées par les acteurs fonctionnent plus comme une tension de l’affect que comme un changement du plan de la réalité ; c’est-à-dire, comme un événement sans causalité qui, par cette absence, libère le pur flux de conscience des relations entre contexte, dialogue et action. Ainsi, par exemple, le fait de laver une voiture couverte de sable tout en sachant qu’elle en sera aussitôt recouverte à nouveau, ou la réitération de la phrase « parce que l’errance en rase campagne est évidemment déprimante, et les interventions du hasard y sont plus pauvres que jamais3 », fonctionnent dans un contexte où le sens est évacué au profit d’une distension de l’action : entre le paysage, le dialogue et l’action, on ne raconte aucune histoire, mais un affect est en tension, comme pure temporalité de l’image. En somme, s’il y a une constante dans les œuvres de Jordi Colomer, c’est la relation établie avec un système dialectique de proportions et d’énoncés qui, tout en partant d’une certaine prétention de réalité de l’image, déplace progressivement le sens à travers un jeu d’échanges cinématographiques, formels, figuratifs et sémantiques, où sont disjoints le petit et le grand, le dehors et le dedans, la proportion et l’échelle. Un déplacement qui, par ailleurs, ne peut s’expliquer sans l’idée du corps grotesque comme espace 261 irréductible dans lequel se réalise la dislocation des référents. C’est à Luis Buñuel que l’on doit la découverte de la clef de la relation entre l’instinct et la modernité. Son naturalisme a réinscrit dans l’image cinématographique la vie en tant que facteur de violence ontologique de l’espace urbain. Ou du moins, la vie qui avait été expulsée de la modernité, ce corps instinctif de Los Olvidados (1950) qui apparaît en premier lieu en opposition radicale à l’utopie du progrès de l’architecture, en est la meilleure réalisation. C’est là, dans cet espace liminaire, que Buñuel situe le corps grotesque. Un corps converti, dans le travail de Jordi Colomer, par un jeu d’échelles où le monstrueux advient comme absurde. Un absurde qui opère dans la simultanéité et l’échange entre la taille du corps et les « sculptures » et objets. Il s’agit de l’échelle comme dispositif d’instabilité figurative et sémantique à partir duquel subvertir les rêves de l’urbanisme contemporain ; il s’agit en même temps de restituer la pulsion vitale comme forme politique capable d’interrompre le discours hégémonique du paysage urbain monumental. Ce n’est pas seulement en raison du retournement de l’échelle et de la proportion que le point extrême de ce paradoxe se révèle dans Anarchitekton, Bucarest. Dans cette vidéo, Colomer ne se sert pas de l’échelle inversée de la maquette et des relations entre le corps et le paysage, mais utilise plutôt une bouteille de Coca-Cola que l’acteur promène dans la ville, comme symbole de la simulation. La déambulation a lieu ici dans le centre de Bucarest, où les immeubles sont des simulacres postmodernes, de pures façades « décoratives » caractéristiques de l’architecture des années quatre-vingt que s’était appropriée Ceauşescu. Colomer mène ici à son terme une critique des relations entre ornementation et pouvoir, une critique des formes pastiche qui sont l’apanage de la rhétorique monumentaliste de la dictature. Ce paradoxe, en principe, comme le souligne Colomer lui-même, est en relation avec le fait que ces édifices devaient affirmer la grandeur du pouvoir, mais cependant ne sont parvenus qu’à dévoiler l’ « ossature squelettique du béton » ; ce paradoxe, malgré un registre esthétique qui pourrait sembler postmoderne, se limite à montrer le côté aberrant de la modernité du point de vue politique : celui où la postmodernité architecturale apparaît comme l’hyperbole des formes du pouvoir en tant que simulation et fantaisie ; un produit, au final, sans doute issu de la modernité dont les formes originelles sont la marchandise, pour le capitalisme, et la propagande, pour le communisme. La contradiction entre gigantisme et nanisme dans les œuvres de Colomer – qui fonctionne, dans un premier temps, comme un trope ironique, dans la mesure où elle se déploie sous forme d’imagemouvement – s’achève par la libération des aberrations de la modernité. En ce sens, du point de vue de la théorie cinématographique (depuis la narration), on pourrait concevoir la relation entre nanisme et gigantisme des objets et des corps comme le dispositif esthétique et conceptuel à partir duquel l’artiste démonte la fonction idéologique du paysage urbain. Du côté de la représentation et de la figuration, il est possible de considérer que la disproportion et l’échange d’échelles représentent une stratégie esthétique qui active la forme monstrueuse et grotesque du corps et des objets. Enfin, dans la perspective des « histoires » et des personnages/acteurs, la distension de l’action peut être envisagée comme un temps purement affectif et un moment d’autoreprésentation ou de reconnaissance. Simo en est peut-être le meilleur exemple. Les relations entre le dedans et le dehors produites par la caméra équivalent à ce qui arrive, au niveau figuratif, entre le gigantisme et le nanisme des corps et des objets. Comme je l’ai signalé plus haut, l’effacement de la limite du sens et de la proportion des objets s’accompagne d’une déformation esthétique et conceptuelle ; d’où le grotesque. À quel moment les chaussures deviennent-elles trop grandes pour la naine ? Quand les boîtes cessent-elles de l’être pour devenir un paysage urbain en ruines ? C’est dans la « déformation » que s’active la stratégie symbolique et narrative de cette vidéo, là où l’échange d’échelles et de référents fonctionne comme une caricature. Le grotesque ne se trouve précisément là plus seulement dans le corps, mais se réalise aussi dans la démesure et la déformation des objets et des signifiants. Ainsi, parler de « Colomer au pays de Gulliver » signifie d’abord comprendre son œuvre comme un dispositif esthétique qui met en action un rêve inversé : dedans, la vie re-habite l’onirique et, avec lui, le corps. De là, le corps et ses disproportions. De là que l’échelle et les corps échangent leurs signifiants et les déplacent, pour laisser advenir l’espace vital et onirique du monstre urbain. La meilleure façon d’exprimer ce passage a peut-être à voir avec le corps, celui du géant et du nain à la fois, avec la mise en espace des limites entre le grand et le petit comme dispositif à partir duquel libérer l’autre côté de la ville : celui en rapport avec la pulsion qui rattache l’origine à l’histoire et au devenir du présent. C’est sans doute pourquoi le voyage au pays de Gulliver auquel nous invitent les vidéos de Colomer s’explique par les lignes invisibles tendues entre, d’une part, les paysages qui simultanément « représentent » l’urbain contemporain et, d’autre part, le paysage qui surgit comme une impulsion antérieure à l’inconscient et qui, en surgissant, déborde la limite de la « représentation ». Là où le grand et le petit constituent un symptôme d’une force telle qu’il se déborde lui-même et, se faisant, se dé-forme. 1 Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’Image mouvement, Paris, Éditions de 2 Minuit, 1983, p. 286. Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’Imagemouvement, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. “Critique”, 1983, p. 283. En d’autres termes, il définit la dislocation du corps dans l’horizon spatial et symbolique pour, en retour, libérer l’espace émotionnel comme une sorte de dénonciation éthique et politique. L’opposition entre plan ouvert et plan moyen du néoréalisme, à la différence de l’opposition classique du réalisme entre plan général et plan rapproché, permet au premier d’interrompre la fonction utopique du paysage grâce à la fonction sociale et politique des corps, des objets et des actions, autant de caractéristiques propres au type de plan moyen. 3 C’est une référence à la « Théorie de la dérive », de Guy Debord, dans Les Lèvres nues, n°9, décembre 1956 et Internationale Situationniste, n°2, décembre 1958, et sur Internet : http://www.larevuedesressources. org/article.php3?id_article=38). 263 “In the city which is being demolished or rebuilt, neorealism makes any-space-whatevers proliferate -urban cancer, undifferentiated fabrics, pieces of waste ground- which are opposed to the determined spaces of the old realism.” Gilles Deleuze1 Jordi Colomer en el país de Gulliver. Escala, sueño y naturaleza. Jordi Colomer’s work enters the realm of the burlesque, appearing to the viewer as a jest and an enigma at once. His videos and videoinstallations are caricatures that set in motion a complex network of visual structures, narrative strategies, word plays and changes of scale, figuration and symbols, with hyperbole being perhaps what best defines them. This hyperbole, however, is somewhat more than a mere resource; it is a device that appropriates itself of one of the most exploited figures in the history of art – the body of the dwarf –, to use it or turn it into a giant and vice-versa, making the “deformed” body a poetic principle and an analogy of all dimensions – or perhaps more appropriately, of (dis)proportion – of space, objects and signifiers. In this relation between the small and the large, Jordi Colomer’s production uses ambiguity as both vertex and concept. The vertex upon which space unfolds and his representations hinge. The concept he uses to criticise or reflect on the landscape and scale and their discursive implications. In this dialectic between dwarfism and gigantism, the artist construes an aesthetic in which the boundaries between subjectivity and modern or contemporary urban space are explored. Colomer works on “obscenity” of scale for its formal and symbolic as well as narrative and cinematic potential. His work is an exploration – but also a constant return trip – between cinematic styles and dramatic strategies that implement dislocation between affection, narration and meaning. In the cinematic sense, his videos can be explained as a drift from the vital, everyday moment of the event towards the symbolic oneirism of its significance. But in his dramaturgy, going against Aristotelian tradition, his works are the mise en “scene” of aimless actions where the actor/character serves as a deactivator of context and a mechanism for self-representation of the situation; as in Brecht, the actor is more important than the character he plays. If there is anything unsettling about Colomer’s videos, it is the strategies with which the artist deconstructs the forms of the contemporary urban landscape. In principle, this deconstruction most certainly has to do with the relations between scale and body; more specifically, with the recasting of scale in relation to the grotesque body as a symbolic-aesthetic strategy with which to show the other side of the urban imaginary: its monstrosity. Going beyond the grotesque as an element of nature, Colomer plays, like a court jester –introducing the deformed in order to ridicule and criticise power– with the imaginaries of modernity to show their obscene facet: that of exceeding bounds. He plays with the dwarf and the 265 monster, and with the giant and the monster. Hence perhaps it would be appropriate to speak of an aesthetic naturalism that reinstates the carnal and vital order of the body in the public space and thus, releases impulse as a factor of subversion and criticism. Colomer’s video-installations are interruptions of the public space and its function of lending significance and meaning. On the basis of an aesthetic construction built upon an aesthetic of the take, stylistics of scale, a symbolism of the body and a Brechtian dramaturgy, his production combines cinema, sculpture and iconography to configure a strategy of interpreting the landscape that goes beyond utopia and the ruin of modernity. He invites the viewer to approach the site of the vital impulses underlying life in modern cities. He does this using a certain aesthetic register of the grotesque, where the body and objects interrupt, or at least interfere for a moment in modern urban and architectural utopias. In sum, in Colomer’s work, they operate via a dual artistic mechanism: the visual moment of transition from one cinematic shot to another and the actor’s performance moment, which disalienates the situation. If anything defines Jordi Colomer’s work, it is his clear relationship with cinema as an aesthetic strategy. Built upon the dialectic between takes and montage, and upon the relationship between shot and reverse shot, his work could be considered a twist on neorealism. Whereas realism sought a landscape epic based on the correspondence between the idea of progress, urban space and open form, neorealism heightens these elements to call one’s attention to the “any space whatever”, where the open form shows the ruin or failure of modernity. In addition, upon this background, it inscribes the accident, failure and malaise of a society in deep crisis, namely, the Italian post-war society; a disruption of reverse shot over shot that deconstructs the utopian nature that early cinema conceived itself as having. Jordi Colomer’s videos make more profound and complex the qualities that Gilles Deleuze attributes to Italian neorealism. Of the five characteristics that the philosopher lists2, all of them, except the “condemnation of the plot”, are fully present in the videoinstallations of the Anarchitekton series (2002-2004): “the dispersive situation, deliberately weak links, a voyage form, consciousness of clichés”. But Colomer achieves these elements through a shift in the plane of reality in which this kind of takes is supposedly functioning. In Anarchitekton, the relationship between shot, action and the performance intervention(s) of the actor(s), combined with a dislocation and visual and semantic disruption of the scale done through the models of emblematic buildings of Osaka and Brasilia, for instance, produce a disruption of the plane of reality. Something that not only allows the deconstruction, in the neorealist manner, of the fallacy of architectural modernity, but also shifts it towards a certain aesthetic of the impulsive that lies somewhere between the monster or the deformed that defines naturalism and the oneiric world of surrealism. I’ve insisted on the concept of a shift between realism and neorealism, naturalism and surrealism that is present in Colomer’s work. I understand shift as the step from an “objective” condition of the take, generally related to the social in cinema, to the image’s change of “plane of reality”, that is, to the forms of crystallization by which the signifier’s significance is transmuted. The shot transitions from the real to oneiric plane of figuration entail this shift from the real to the surreal. Nonetheless, when this transition uses the material nature of impulse, not only is an oneiric figuration produced, but also a vital deformation, a corporeal disruption. Hence, precisely, the ideas of the dwarf and the monster: they are bodies half-way between objective data on situation and the symbolic figuration of the oneiric; they are a boundary where impulse is associated with the body to produce a change in both plane of reality and in “matter”. If the coincidence between long shot and urban landscape in neorealism appears as ruin, and the medium shot as a space where the ethical demand of subjectivity is enacted, Colomer seems to take this resource further, not only through the interplay of takes, but also by adding elements of a sculptural and iconographic order to his cinematic strategy. In Barcelona (2002) and Brasilia (2003), from the Anarchitekton series, the artist ironically appropriates himself of emblematic buildings. He does this via shift in scale as a condition of architectural dimension. This is an aesthetic-political shift in scale signifier and a topographical dislocation of the architecture of an urban landscape. These shifts/dislocations entail an aesthetic-political deterritorialisation of the urban imaginary, and therefore a criticism of the relations between form, function and context of that emblematic architecture. Plays on iconography, symbols, cinematography and performance function as a parody or caricature, as an ironic trope of the architectural and urban social imaginary. In this context, it is interesting to note the aesthetic and conceptual differential that can be observed in the video Osaka (2004), belonging to Anarchitekton. In contrast to the movement towards the urban outskirts of the other videos of the series, the path of the actor/model through a street of Osaka is elliptical. The repetition of the action and the take as a narrative strategy is, here, a mechanism of irony on the forms of the display and the simulacrum typical of the scenic aesthetic of late modernity, as well as on the sense of phantasmagorical displacement of the inhabitants of high-tech cities. The important factor here is to emphasise the social and political differentials that Colomer contributes to the moment of visibility. In this piece, the elliptical resource of the take is his strategy for presenting the narrative and visual differential. While in Brasilia and Barcelona, the camera’s movement is directed towards the blurred bounds of urban space, in Osaka, the take moves back on itself, defining a distinct emotional and symbolic mindset. The Anarchitekton series is a point of synthesis that allows the “narrative” structures of Colomer’s videos and video-installations to be recognized. As I have attempted to demonstrate above, in his work, the relationship between long and medium shot, together with the actor’s 267 performance and the plastic, symbolic resource of the architectural models, produces a system of imaginary and semantic shifts, in which the dreams of modernity are deconstructed by the subjectivation of the affect trough action seen as dispersive situation. Perhaps for this reason, the interplay of scales is not only a formal register of his work, but also an iconographic and symbolic one, as well as and above all an impulsive register. Perhaps for this reason as well, the body appears as a boundary, at once figurative and formal, in which the differentiation of the signifier is effected. The scale relationships between landscape, model and body function as an interplay of bilocations and replicas, where a shift is produced between the real and the surreal, but without abandoning the impulsive moment of action, that is, without relegating the physicality or corporeality that is trapped within its originary, natural and vital impulses. In an initial approach, Colomer’s work can be explained on a structural level through the relations among scale, figure, time and narration, like a poetry of superposition and displacement. On the basis of this strategy, we can undertake a reading of other pieces in which Jordi Colomer explores different registers of the image’s impulse as an aesthetic distension. There are four recognizable filmic-aesthetic configurations. First, those relating to the continuous travelling technique in which the artist establishes an interstitial zone between the descriptive aspect of the image and its transferral into the oneiric realm. In Le Dortoir (2002), in contrast to the sleeping figures, the chaos where they live, the façade of a modern building in the background and the continuous movement of the camera from one side to the other and upwards, instead of producing a story, cause a pure distension of the time-image. Then, those that, through editing and montage, intervene in the space of the presence of the frame using texts and picture in motion effects, in order to delay perception and convert the text into a semantic choreography of repetition. The real aspect of the image – a landscape, for instance – nearly becomes the blank paper within which a statement is framed (Un Crime, 2004); or where the action is narrated against the flow of linear time to transport the narration to an oneiric space. So, in Fuegogratis (2002), the backward editing of the recording dislocates the image referents, creating contraction/distension of objects and narrative. A third aesthetic register can also be recognized, in which the continuum of the take, whether static (Pianito, 1999) or in lateral travelling shots using pendular movement (Simo, 1997), functions due to the disproportion of art design and set with scale and space. In contrast to the art design and set, in the latter, it is the objects or characters that introduce formal and symbolic dislocation. In Simo, the dwarf marks the boundary between what functions as a space she inhabits and the urban ruin as a metaphor of the contemporary landscape; the transferral of what seems enormous on her – the shoes – diminishes towards the end of the video, at the point when a model appears in the pile of boxes: once more, the dissolution of scale as the scattering and transition between reality and dream. Finally, the video En la pampa (2008), where, in the manner of a road movie, the unexpected dialogue and the presence of oneiric elements – an artificial Christmas tree that gradually falls apart as the figures walk through the desert – act upon the path and landscape until the place becomes a vague area where the limits between the purely material aspects of the objects and their purely fantastic nature become blurred. En la pampa is probably the work that most deviates stylistically and conceptually from a certain constant that can be followed in his art. This distancing allows us to delve into the form and meaning of shift and transfer in his videos. Perhaps the difference lies in the fact that in En la pampa, Colomer explores the sequence shot as a field creating tension and force of image. An exploration which also involves a displacement of the image as impulse by the affectional/affective aspects of image. As opposed to the Anarchitekton series and Simo or Pianito, the major sequence shot, together with the two characters’ wandering along the road and the desert, produces a pure distension of the duration of the action, where the dialogues or few actions carried out by the actors function more as affective tension than as a change in the plane of reality; that is, as an event that has no causal explanation and therefore liberates the pure stream of consciousness of relations between context, dialogue and action. The act of washing a car covered with sand knowing that it will just get covered again, for instance, or the reiteration of the phrase “because wandering in open country is naturally depressing, and the interventions of chance are poorer there3”, function in a context of emptying of meaning in exchange for distended action: landscape, dialogue and action together do not tell a story, but create affective tension as pure temporality of the image. In sum, if the works of Jordi Colomer have a constant, it certainly has to do with a dialectical system of proportions and statements that, based on a certain pretension to reality of the image, gradually shift the meaning through an interplay of filmic transitions, formal, figurative and semantic, where large and small, inside and outside, proportion and scale are dislocated. A shift, moreover, that cannot be understood without the idea of the grotesque body as an impregnable place where the dislocation of referents is effected. Luis Buñuel can be attributed the discovery of the relationship between instinct and modernity. His naturalism reinserted life in the filmic image as a factor of the ontological violence of urban space. In any case, the type of life that was expelled from modernity, the instinctive body of Los Olvidados (1950) that appears in close-up as being in radical contrast to the utopia of architectural progress, is his best work. There, in that liminal space, Buñuel placed the grotesque body. A body converted by Jordi Colomer into an interplay of scales where the monstrous arises as the absurd. An absurd as simultaneity and exchange of the body’s size with that of the “sculptures” and other objects. The scale is used as a mechanism of figurative and semantic instability through which to subvert the dreams of contemporary urban planning; and, at the same time, restore vital 269 impulse as a political form of interruption of the hegemonic discourse of monumental urban landscape. This paradox is taken to an extreme in Anarchitekton, Bucarest, not only due to the reversion of scale and proportion done by Colomer. In this video, the artist does not rely on the inverted scale of the model and its relationship with the body and landscape, but rather uses a bottle of Coca-Cola that the actor takes through the city as a symbol of simulation. The aimless wandering here is through the centre of Bucharest, where the buildings are simulacra of the post-modern, purely decorative façades so typical of the eighties and their appropriation by Ceauşescu. Here, Colomer criticises the relationship between the ornamental and power, a critique of the pastiche forms inherent to the monumentalist rhetoric of the dictatorship. A paradox that, in principle, as Colomer himself indicates, refers to the fact that these buildings were supposed to demonstrate the grandeur of those in power, whereas they only managed to reveal a “skeletal framework of concrete”; a paradox that, though it can be ascribed to the aesthetic register of the postmodern, simply shows the aberrant side of modernity with respect to the political sphere, where postmodern architecture appears as the hyperbole of the forms of power insofar as simulation and fantasy; the latter certainly being a product of modernity whose original forms are merchandise in capitalism and propaganda in communism. Though in principle it functions as an ironic trope, the contradiction between gigantism and dwarfism in Colomer’s art, insofar as it is deployed in the movement-image, results in liberation from the aberrations of modernity. In this respect, from the perspective of cinematic theory (narration), the relationship between dwarfism and gigantism of the objects and bodies could be considered as the conceptual aesthetic device through which the artist deconstructs the ideological function of the urban landscape. From the perspective of representation and figuration, the disproportion and scale interchange can be considered an aesthetic strategy that activates the monstrous, grotesque form of the body and objects. And finally, from the perspective of the “stories” and the characters/actors, the distension of the action can be considered pure affective time and moment of selfrepresentation or recognition. Simo is perhaps the best example of this. The relationships produced by the camera between inner and outer is equivalent to what happens at the figurative level between gigantism and dwarfism of the body and objects. As I stated above, the blurring of the boundaries of objects’ significance and proportions is accompanied by an aesthetic and conceptual deformation; whence the grotesque. At what point do the pair of shoes become too large for the dwarf? When the boxes stop being boxes to become urban landscape in ruins? “Deformation” activates the symbolic and narrative strategy of this video at the point where the interchange of scales and referents functions as a caricature. At that point, the grotesque can be found not only in the body, but also in the disproportion and deformation of objects and signifiers. Therefore, speaking of “Colomer in the land of Gulliver” above all means understanding his work as an aesthetic device that triggers an inverse dream: a dream where life reinhabits the oneiric and the body along with it. Hence the body and its disproportions. And hence the fact that scale and bodies interchange and shift their signifiers to give rise to the vital and oneiric space of the urban monster. Perhaps the best way to express this transition has to do with the body, simultaneously gigantic and dwarfish, with the framing of the boundaries between large and small as a device through which to liberate the other side of the city: the one that has to do with the impulse that connects the origin with the history and evolution of the present. Perhaps this is why the trip to Gulliver’s world on which Colomer’s videos invite us to embark can be understood as a network of invisible lines extending between the landscapes that simultaneously “represent” the contemporary urban landscape and the landscape that emerges as an impulse previous to the subconscious, and which breaks the bounds of “representation” when it emerges, making the large and small a symptom so strong that it goes beyond bounds and, in doing so, becomes distorted. 271 1 Gilles Deleuze, Cinema 1: The Movement-Image (1983), trans. Hugh Tomlinson and Barbara Habberjam, 1983, London, The Athlone Press, 1986, p. 212. 2 Gilles Deleuze, Cinema 1: The Movement-Image (1983), Trans. Hugh Tomlinson and Barbara Habberjam, London: The Athlone Press, 1986, p. 210. In my terms, it expresses the dislocation of the body in the spatial and symbolic horizon, while freeing up the emotional space as a form of ethical and political condemnation. The juxtaposition of the long and medium shots in neorealism, as opposed to realism’s classical contrast of long and close-up shots, allows the former to interrupt the utopian function of landscape by means of the social and political functions of bodies, objects and actions, characteristics of the medium distance shot. 3 This phrase is a reference to Guy Debord’s “Theory of the Dérive”, in Internationale Situationniste #2, 1958. Translation by Ken Knabb, 1977. generique Anarchitekton (Barcelona, Bucarest, Brasilia, Osaka) Fuogogratis No Future 2002 Vidéo et salle de projection, dimensions variables, master en Betacam digital, copie en DVD, 5 min., éditée en boucle, édition de 3 ex. et 1 copie HC. / Video and projection room, variable size, master in Betacam digital, copy on DVD, 5 min., edited in buckle, edition of 3 copies and 1 copy RS. 2006, vidéo et …XX Marieta Orozco : Le couple, elle / The couple, she Juan Marquez : Le couple, lui / The couple, him Antonio Cortés : Directeur de la photographie / Director of photography Bernardo Porraz : Assistant à la direction et production/ Assistant director and production Jordi Encinas : Design de goldenshower / Goldenshower design Efectes Linuesa : Feu / Fire Daniel Perrier : Graphiste décor / Set graphic design Barry Paulson, Jordi Encinas, Cesar Merino : Construction des décors / Set construction Alexandra Filiatreau : Costumes / Costume design Marc Viaplana (Ramone) : Photographie de plateau / Still photography Cesar Merino : Régisseur / Stage Manager Silvya Bayarri : Opérateur 2e caméra / 2nd camera operator Axel Marin : Opérateur de steadycam / Steadycam operator Mercè Boussy : Assistante de steadycam / Steadycam assistant Joaquim Dalmau, Pau Font : Électriciens / Electricians Tatiana Thaurin : Maquillage / Make-up Walter Friedrich : Restauration / Catering In-Audiovisuals : Post-production vidéo / Video post-production Arte y ruido : Production audio / Audio production Nono Ruiz : Design audio / Audio design July Ortiz : Effets sonores / Sound effects Dreamall Orquesta : Musique / Music Alts Forns : Studios d’enregistrement / Recording studios Eduardo Olivé : Arrangements / Arrangements Production: La Galerie (Noisy-le-Sec, France) Maravills (Barcelona, España) Remerciements / Acknowledgements: Quico Rivas, Lola, I els 3 Bombers de Guissona Structure métallique / Metallic structure : 440 x 150 x 15 cm ; enseigne / sign : 375 x 160 x 20 cm (NO ?) et 150 X 270 x 20 cm (FUTURE !), et / and Renault 25 : 462 x 140 x 177 cm. Rémy Julienne, Universtunt (Chalette-sur-Loing, France) : Préparation de la voiture / Preparation of the car Didier Rouy, Publidéco (Caen, France) : Réalisation de l’enseigne / Realization of the light Production: Le Spot (Le Havre, France) - Arts Le Havre Biennale d’art contemporain 2006 (France) - Maravills (Barcelona, España) Prototipos 2004, Carton, plâtre, aluminium, métal, ampoules, table (120 x 400 x 70 cm) ; dimensions variables. Collection de l’artiste …XX Papamovil 2004, Carton, plâtre, aluminium, métal, ampoules, table (120 x 400 x 70 cm) ; dimensions variables. Collection de l’artiste …XX Père coco et quelques objets trouvés en 2001 2002 Vidéo et salle de projection, dimensions variables, master en DV-CAM, copie en DVD, 5 min., éditée en boucle, édition de 3 ex. et 1 copie HC. / Video and projection room, variable size, master in DV-CAM, copy on DVD, 5 min., edited in buckle, edition of 3 copies and 1 copy RS. Idroj Sanicne : Père Coco Marc Viaplana (Ramone) : Photographie / Photography In-Audiovisuals : Post-production vidéo / Video post-production Production: Le Grand Café (Saint-Nazaire, France) - Maravills (Barcelona, España) Avec le soutien de / In collaboration with: Bureau des objets trouvés de la Ville de Saint-Nazaire (France). 2002-2004 Vidéo et salle de multi-projection, master en DV-CAM, 4 DVD, éditée en boucle, édition de 5 ex. et 1 copie HC. / Video and multi-projection room, master in DVCAM, 4 DVD, edited in buckle, edition of 5 copies and 1 copy RS. Idroj Sanicne : Interprétation / Performer Marc Viaplana (Ramone) : Photographie / Photography Barry Paulson, Alberto Peral, Jordi Colomer, Jordi Encinas : Maquettes / Models Radu : Production Bucarest / Bucarest production Luis Fernando Campiello : Production Brasilia / Brasilia production Adolf Alcañiz/Metronom-Lab : Post-production image / Image post-production Production: Maravills (Barcelona, España) Avec le soutien de / In collaboration with: Embajada de España en Brasilia, Generalitat de Catalunya-Departament de Cultura (Barcelona, España), Fundación Marcelino Botín (Santander, España). Collection: frac Bourgogne (Dijon, France), macba (Barcelona, España). Sculptures/installations : Anarchitekton Barcelone (Torre Agbar), 2004, carton, bois, 305 x 60 x 60 cm. Collection de l’artiste. Anarchitekton Bucarest, 2003, carton, bois, 190 x 62 x 60 cm. Collection de l’artiste. Anarchitekton Barcelone 1 (Sta. Coloma), 2002, carton, bois, 207 x 61 x 41 cm. Collection frac Centre, Orléans. Anarchitekton Barcelone 2 (Diagonal mar), 2002, carton, bois, 295 x 82 x 54 cm. Collection frac Centre, Orléans. Anarchitekton Barcelone 3 (Bellvitge), 2002, carton, bois, 155 x 134 x 27 cm. Collection frac Centre, Orléans. Arabian Stars 2005 Vidéo et salle de projection. Master : HD-CAM. Édition de 5 ex. et 1 EA. 38 min. Couleur. Stéréo (LR) / Video and projection room. Master : HD-CAM. Edition of 5 copies and 1 AP. 38 min. Colour, stéréo (LR). David Amell : Caméraman / Cameraman 273 Sergi Olivares : Photographie / Photography Alexandra Filiatreau, Luiz Fernando Campiello : Production exécutive / Production during the shot Adolf Alcañiz (Metronom-Lab) : Édition vidéo / Video edition Viuda Xing Pirata : Post-production audio / Postproduction audio Infinia : Post-production vidéo / Post-production video Ibercin : Equipements / Equipment Hight Definition Claire Mortimer (Años Luz, Barcelona), Gold Moore Tours, Sana’a : Yémen production / Yemen production Mohamed Nagui Atef : Traducteur / Translator Abdul Gawy Hidriy, Fuad Hamod : Chauffeurs / Drivers Rasam Al Kata, Fuad Hamod, Mohamed Nagui : Peintres / Painters Ahmed Alhabi : Inspecteur, Ministère de l’Information du Yémen / Inspector, Ministery of Information of Yemen Production: William Jeffett for the Salvador Dalí Museum (St. Petersburg, Florida, USA) - Hank Hine, director, Espacio 1, Museo nacional Centro de Arte Reina Sofia (Madrid, España) - Maravills (Barcelona, España) Remerciements / Acknowledgements: Frank Wolinski, wed (Tampa, Florida) Babelkammer …XX Le Dortoir 2002 Vidéo et salle de projection, master en Betacam digital, copie en DVD, 10 min., éditée en boucle, édition de 3 ex. et 1 copie HC. / Video and projection room, master in Betacam digital, copy on DVD, 10 min., edited in buckle, edition of 3 copies and 1 copy RS. graphicdesign Marc Viaplana (Ramone) : Photographie de plateau / Still photography Tatiana Thaurin : Maquillage / Make-up Luis Bisbe, Serafín Rodriguez, Walter Friedrich, Alexandra Filiatreau : Construction des décors / Set construction Oscar Isaach, Franco Jacometti : Électriciens / Electricians Julio Barbod, Daniel Correa, Jesús Pages : Machinistes / Key grip Arte y ruido, Nono Ruiz : Production audio / Audio production July Ortiz : Effets sonores / Sound effects Dreamall Orchestra : Musique / Music Alts Forns : Studio / Studio Eduardo Olivé : Arrangements / Arrangements Sophie Goupil : Productrice déléguée / Production Supervisor Marta Figueras : Productrice exécutive / Executive Producer Cesar Merino, Sergio Olivares, Alexandra Filiatreau, Barry Paulson : Assistant / Assistant La Truka / In-Audiovisuals : Post-production vidéo / Video post-production Mas Madera : Studio / Studio Servicevision : Machinerie / Equipment Amalgama : Lumière / Lighting Solidança : Accessoires / Set and props Orus : Bières / Beers Production: Les Poissons volants (Paris) Avec le soutien de / In collaboration with: Atelier Jean Nouvel (Paris), Expo 02 (Suisse), Agence d’artistes du Centre culturel contemporain (ccc, Tours, France), Maravills (Barcelona, España), Generalitat de Catalunya-Departament de Cultura (Barcelona, España). Remerciements / Acknowledgements : Frederic Page, Hangar, Quico Rivas, Galeria Carles Taché (Barcelona, España), Galerie Michel Rein (Paris, France). Collection: fnac (Fonds national d’art contemporain, Paris), caam (Las Palmas de Gran Canaria, España), Museo de arte contemporáneo de Castilla y León (León, España). Sophie Goupil, Alain Julien-Laferrière présentent / present : Les dormeurs / The sleepers: Ana María Bretón, Laura Dada, Sulin Prado, Silvia Martín, Merida Mc Carthy, Alba Leat, Jimena Posada, Andres Loewe, José Gutierrez, Ahamed Agha, Cisco Aznar, Carlos Fernandez, Pau Taché, Andrés Puig, Montserrat Nogareda, Alexandra Filiatreau, Serafín Rodriguez, Franco Jacometti. Les Villes Idroj Sanicne : Le grimpeur / The climber Antonio Cortes : Directeur de la photographie / Director of photography Bernardo Porraz : Assistant à la direction / Assistant director Jordi Encinas : Chef décorateur / Set director Yamandú Canosa : Graphiste décorateur / Set Adeline Dini : Interprétation / Performer Avec la collaboration des étudiants de l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon / In collaboration with the students of the enba (Lyon): Ana Maria Gomes, Anne Kawala, Samuel Kurzawski, Agathe Notteghem, Joëlle Perin, Mitsuo Sasaki, Sandra Tavernier, Isaure Vidalin, 2002 Vidéo et salle de projection, master en DV-CAM, double projection, 2 DVD, deux fois 2 min. en boucle., édition de 3 ex. et 1 copie HC. Video and projection room, master in DV-CAM, double projection, 2 DVD, two times 2 min. in buckle, edition of 3 copies and 1 copy RS. Adeline Dini. Give me sound : Son / Sound Tracking : Post-production image / Image postproduction Production: École nationale des Beaux-Arts de Lyon (France) - Le Grand Café (Saint-Nazaire, France) - Maravills (Barcelona, España) Remerciements / Acknowledgements: Frédéric Namiand Orden nuevo [L’ordre nouveau] 2000 Acier, bois, suspension luminaire, toile de coton écrue. Table : 120 x 140 x140 cm ; 2 éléments : 86 x 70 x 70 cm chacun. Collection privée, Porto. …XX Simo 1997 Vidéo et salle de projection, dimensions variables, master en Betacam SP, copie en DVD, 12 min., éditée en boucle, édition de 3 ex. et 1 copie HC. Video and projection room, variable sizes, master in Betacam SP, copy on DVD, 12 min., edited in buckle, edition of 3 copies and 1 copy RS. Pilar Rebollar : Simo Toni Andreu : Assistant à la direction / Assistant director Rosa Novell : Direction des acteurs / Direction of actors Marcos Pasquín : Directeur de la photographie / Director of photography Pep Duran, Nina Pawlowski : Costumes / Costume design Joan Alonso : Maquillage et coiffure / Make-up and hair styling Connie Mendoza, Jaume Parera : Accessoires / Set and props Yamandú Canosa : Assistant aux accessoires / Set and props assistant Paloma Unzeta : Assistant à la production / Production Assistant Manolo Cortina : Chef machiniste / Key grip Ana Mendoza : Restauration / Catering Enric Berenguer : Photographie de plateau / Still photography Sayago : Post-production vidéo / Video postproduction Give me sound : Production audio / Audio production Figuration / Extras: Ahmed Ahrad, Carmen Balcells, Enric Berenguer, Mercedes Borges, Agustina Calsina, Yamandú Canosa, Alex Júlia, Josep i Jordi Colomer Jr, Montse Cuchillo, Pep Duran, Jordi Encinas, César Giravent & Cella, Anna Guarro, Nacho Hernando, William Jeffett, Josep Llobell, Roc Llobell, Francesc Malpesa, Mireya Masó, Virginia Marx, Montse Matutano, Connie Mendoza, Quim Nolla, Rosa Novell, Adrià Olivares, Sergi Olivares, Marie Patou, Margarita Patou, Nina Pawlowski, Jaume Parera, Carlos Pazos, Javier Peñafiel, Alberto Peral, Julián Perrier, Carla Punset, Serafín Rodríguez, Nono Ruiz Daroca & July, Jaume Sandoval, Paloma Unzeta, the dog Terry. Production: macba (Barcelona, España). Remerciements / Acknowledgements: AudioLines, Croquis, Meñique, Metrònom, Wall-Video. Collection: macba (Barcelona, España), nmkslw (Wien, Österreich), mncars (Madrid, España). (un crime) 2004 Vidéo et salle de projection, master en HDCAM vidéo, copie en DVD, 4’40’’, 5 exemplaires numérotés de 1/5 à 5/5 et i HC. Commande publique du Centre national des arts plastiques (cnap, Paris, France). Tourné à Cherbourg (France), juillet 2004. / Video and projection room, master in HD-CAM vidéo, copy on DVD, 4’40’’, 5 numbered copies from 1/5 to 5/5 and i HC. Public order of the cnap (Paris, France). Shooted in Cherbourg (France), July 2004. Antonio Cortés : Camera Alexandra Filiatreau, Le Point du Jour Centre d’art/Éditeur: Equipe de production / Production team Sergi Olivares : Photographie / Photography Claire Le Breton : Production des lettres / Letters production David K’Dual : Vtr ?????? François Potier, Viviane Liaudet : Making Of Christine Cenent, Daniel Couppey, Marie Christine Lebourgeois, Liliane Vannier, Allice Dourlen, Bartolomé Sanson, Aurélien Le Peutrec, Martin Smith, Daniel André, Jacques Mielnicki, Julie Queré, Gérard Philippe Bihina : Interprétation / Performer François Paillaute : Gardien sncf / sncf guard Adolf Alcañiz (Metronom-Lab) : Édition vidéo / Video edition Infinia : Post-production vidéo / Video Postproduction Viuda Xing pirata : Post-production audio / Postproduction audio Production: cnap (Centre national des arts plastiques, Paris) - Maravills (Barcelona, España). Remerciements / Acknowledgements: Brittanie Ferries, Commandant Kernoncuff, Commandant Quéré, Johann Schulz, David Prunier, École des Beaux-Arts de Cherbourg, Galerie Michel Rein (Paris). BIOGRAPHIE / biography Jordi Colomer est né en 1962 à Barcelone, où il a étudié l’art à la Escuela de Arte y Diseño (eina), l’histoire de l’art à l’Universitat Autònoma et l’architecture à la Escola tècnica Superior (etsab). Il vit et travaille entre Barcelone et Paris. Architecte de formation, il se consacre à ses débuts à la sculpture, puis il se tourne essentiellement vers la vidéo et la photographie à partir de 1997. Depuis sa première exposition personnelle en 1986, il expose régulièrement à travers le monde ses installations vidéographiques constituées de structures architectoniques et de projections qu’il définit lui-même comme des sculptures dilatées dans l’espace et dans le temps. Il a également collaboré, en qualité de scénographe, aux pièces théâtrales de Joan Brossa, Samuel Beckett, Valère Novarina et Robert Ashley, et a participé à de nombreux ateliers et séminaires. Il est représenté par les galeries Michel Rein (Paris), Carlos Taché (Barcelone), Juana de Aizpuru (Madrid), Traversée (Munich) et Olivier Meessen (Bruxelles) ; son uvre est également présente dans plusieurs collections publiques. Expositions personnelles / Personal exhibitions 2008 Jordi Colomer, Jeu de Paume, Paris (France) 2007 Prototipos, Château de Roussillon, Roussillon (France) 2006 The Prodigious Builders, Galerie Traversée, München (Deutschland) Mas estrellas, Centro cultural de España, Montevideo (Uruguay) Anatopies, Cimaise et Portique, Hôtel de Viviès, Castres (France) No Future, Le Spot, Le Havre (France) 2005 (un crime), frac Basse Normandie, Caen (France) Arabian Stars y otras estrellas, Galería Juana de Aizpuru, Madrid (España) Arabian Stars, Galerie Michel Rein, Paris (France) Arabian Stars, Traces, Salvador Dalí Museum, St. Petersburg, Florida (usa) Arabian Stars, Espacio uno, Museo nacional Centro de Arte Reina Sofia, Madrid (España) Jordi Colomer, Museo Patio Herreriano, Valladolid (España) 2004 Jordi Colomer, Institut d’art contemporain, frac RhôneAlpes, Villeurbanne (France) 2003 Anarchitekton, Ecco, Brasilia DF (Brasil) Anarchitekton & Les Villes, Atheneum, Interface, frac Bourgogne, Dijon (France) Le Dortoir, Project Room, Centre de création contemporaine, Tours (France) 2002 Le Dortoir, Murten, Expo 02, Fribourg (Suisse) Père Coco, quelques objets perdus en 2001 et autres histoires, Le Grand Café, Saint-Nazaire (France) Les Jumelles, Villa Arson, Nice (France) Fuegogratis, La Galerie, Noisy-le-Sec (France) Le Dortoir, Galerie Michel Rein, Paris (France) Les Villes (vraies), Le Hall, École nationale des Beaux Arts, Lyon (France) 2001 Alfabet, Galería Carles Taché, Barcelona (España) Noves habitacions mentals, Espais obrats del macba , Museu comarcal de Manresa, Barcelona (España) Alfabet, Kölnischer Kunstverein, Köln (Deutschland) 2000 Algunas Estrellas, Galería Juana de Aizpuru, Madrid (España) 1999 La Chambre à côté, Le Creux de l’Enfer, Thiers (France) La Chambre à côté, La Ferme du Buisson, Noisiel (France) 1998 Simo, Project Room, arco, Madrid (España) Expositions collectives / Group exhibitions Exposiciones colectivas / 1996 (Perfecte), Galería Carles Taché, Barcelona (España) 1995 Para chicos y chicas, Galería y ediciones Gingko, Madrid (España) Nueva geografia dorada, Studio Meyetta, Barcelona (España) Perfecto und andere arbeiten, Galerie Mosel und Tschechow, München (Deutschland) 1993 Gandy Gallery, Stredoceske Museum, Praha (Czech Republic) Alta Comedia, Tinglado 2, Tarragona (España) Entre Cajas, Galería Juana de Aizpuru, Madrid (España) 1992 Detalles, Galería Juana de Aizpuru, Sevilla (España) De particular a particular, Galería Carles Taché, Barcelona (España) Gold-Fishes, Shedhalle Rotefabrik, Zürich (Schweiz) De particulier à particulier, Galería Carles Taché, fiac 92, Paris (France) 1990 Schlafende (Opereta), Galerie Mosel und Tschechow, München (Deutschland) Como en casa, Museo Pablo Gargallo, Zaragoza (España) 1989 Pensées y self-pensées, Galería Juana de Aizpuru, Madrid (España) Diamants tatoués, Musée Rimbaud, CharlevilleMézières (France) Liraelastica, Galería Rafael Samper, Valencia (España) 1988 La Ruta natural, Galería Carles Taché, Barcelona (España) 1986 Prototips idéals, Espai 10, Fundació Joan Miró, Barcelona (España) 2008 Ne pas jouer avec des choses mortes, Villa Arson, Nice (France) Wandering in contemporary video art, Magazzini del Sale, Musei Civici, Siena (Italia) 2007 Continuous temporality, Israeli Center of Digital Art, Holon (Israël) Ida e volta: ficção e realidade, Fundação Gulbenkian, Lisboa (Portugal) Façades, Krannert Art Museum, University of Illinois, Champaign-Urbana (usa) Instant City, Abbaye de Fontevraud, Fontevraud (France) No Future, Bloomberg Space, London (England) Existencias, musac, León (España) Utopies quotidiennes, La Centrale électrique, European Center for Contemporary Art, Bruxelles (Belgique) Barcelona 1947-2007, Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence (France) Luxe, calme et V…, La Panacée, Montpellier (France) Brasilia-Chandigarh-Le Havre, Musée Malraux, Le Havre (France) Video Spain Phe’07, Cuenca (España) brxlbravo, fnac City 2, Bruxelles (Belgique) La Ricarda/Appropriation temporaire, Cultuurcentrum Mechelen/ La Raffinerie, Kunstenfestival, Bruxelles (Belgique) Repeat all, Centro cultural Matucana 100, Santiago (Chile) Escenaris transitables, Museu d’Art de Girona, Girona (España) Reflections, Galerie Traversée, Munich (Deutschland) 2006 What happens?, Dispari & dispari Project, Reggio Emilia (Italia) La Vision impura, Centro de Arte Museo Nacional Reina Sofia, Madrid (España) Repeat all, Vevey (Switzerland) I Bienal de arquitectura arte y paisaje de canarias, Fortaleza del Tostón, El cotillo Fuerteventura (España) Dinamicas de la cultura urbana, 9a Bienal de la Habana, La Habana (Cuba) La Vie, la ville, Biennale du Havre, Le Havre (France) Modernicité, Le Grand Café, Saint-Nazaire (France) / Stroom den Haag, Den Haag (Nederland) Archipeinture, Le Plateau, Paris (France) / Camden Arts Center, London (England) Trilhas na mata digital, Videocraçao contemporanea na Espanha, Museu de Arte Contemporanea de Niteroi, Niteroi (Brasil) Nuit blanche, La Goutte d’Or, curateurs Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud, Paris (France) Picasso to plensa. A Century of Art from Spain, The Albuquerque Museum, New Mexico (usa) Videodyssey, Parker’s Box, Brooklyn, New York (usa) Communicating Vessels: video works by seven spanich artists, Hara Museum of Contemporary Art, Tokyo (Japan) Passages en villes, Le Bellevue, Biarritz (France) Dormir. Rêver… et autres nuits, capc Musée d’Art contemporain, Bordeaux (France) Identidades criticas, Sala Puerta Nueva, Cordoba (España) / Museo Patio Herreriano, Valladolid, (España) La Mirada breve, Centro cultural de España, Buenos Aires (Argentina) La Vidéothèque mobile, École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville, Paris (France) Ça s’ouvre ? Ça s’ouvre pas ?, Ateliers d’artistes de la Ville de Marseille, Marseille (France) 2005 Statement, Galerie Traversée, Munich (Deutschland) Insensé Espagne, Chez Colette, Paris (France) Terra infirma, Espai art contemporani, Castello (España) Richard Hamilton, Carlos Pazos, Hannah Collins, Jordi Colomer, Galeria Cadaques 2, Cadaques (España) Fantasmapolis. La ville contemporaine et ses imaginaires, Université de Rennes, Rennes (France) Avenir des villes, Site Alstom, Nancy (France) Discursos interrumpidos, Sala Puertanueva, Cordoba (España) 2004 Brooklyn Euphoria, Volume, Parker’s Box Gallery, Brooklyn, New York (usa) Poesie, Galerie Mosel und Tschechow, Munich (Deutschland) 4a Biennal Leandre Cristòfol, La Panera, Lleida (España) Ficcions documentals, Caixa Forum, Barcelona (España) Your private sky, Xing, Bologna (Italia) Dispersions, Bass museum of art, Miami (usa) N(e)oretratos, Galeria Juana de Aizpuru, Madrid (España) Climats, cyclothymie des paysages, Centre national de l’art et du paysage, Vassivière (France) Romanian artists (and not only) like the palace, Muzeul national de arta contemporana, Bucuresti (Romania) Arquitecturas del sueño, Centro atlántico de arte moderno, Las Palmas de Gran Canaria (España) Jordi Colomer-Kristina Solomoukha, Chapelle Saint Jacques, Vendôme (France) Situations construites, Attitudes, Centre d’art contemporain, Genève (Suisse) Colecció macba, Museu d’art contemporani, Barcelona (España) 2003 Anarchitekton, Art unknown, arco, Madrid (España) Espèces d’espaces, Espace Vox, Montréal (Canada) / Tinglado 2, Tarragona (España) Dust memories, Swiss Institute, New York (usa) Micro-Utopias, Atarazanas, iia Bienal de Valencia, Valencia (España) La Ciudad radiante, Bancaixa, Valencia (España) Monocanal, mncars, Madrid e itinerante por España (España) 25 H., Palau d’esports del Raval, Barcelona (España) Singuliers voyages, Domaine de Chamarande, Chamarande (France) Forum de l’image, Salle Bleue, Espace Croix-Baragnon, Toulouse (France) Festival Media and Architecture, Graz (Österreich) 2002 Conceptes de l’espai, Fundació Joan Miró, Barcelona (España) Équivoques, Ecole Régionale des Beaux-Arts, Rouen (France) Desesculturas, Círculo de Bellas Artes, Madrid (España) / Fundación Capa, Castillo de Sta. Barbara, Alicante (España) 2001 Vostestaquí, Barcelona Art Report 2001, Palau de la Virreina, Barcelona (España) Spanish Tapestry, Taipei Fine Arts Museum, Taipei (Taiwan) Movimientos inmoviles, Museo de Arte Moderno, Buenos Aires (Argentina) Mad 01, Recinto Ferial Juan Carlos I, Madrid (España) Sculpture contemporaine, Les Subsistances, Lyon (France) Nouvelles acquisitions, frac Corse, Corte (France) Nos rendez-vous (3), Galerie Michel Rein, Paris (France) 2000 El canto del gallo, Galería Juana de Aizpuru, Madrid (España) Une mise en scène du réel : artiste/acteur, Villa Arson, Nice (France) Desperate Optimists, Festival a/d Werf, Utrecht (Nederland) Txomin Badiola-Jordi Colomer, Spanish Pavilion, Expo 2000, Hannover (Deutschland) Finisternis/Finisterre. Colomer, Huygue, Gordon, Fondazione Teseco, Pisa (Italia) Trasvases. Artistas españoles en vídeo, Centro de Cultura Español de Lima (Perú) / Museo de Arte Moderno de Buenos Aires (Argentina) / Museo de Arte Carrillo, México D.F. (México) Mostra d’arts électròniques i vídeo, Centre d’art Santa Mònica, Barcelona (España) 1999 Côté Sud. Entschuldigung, Centre d’art contemporain La Ferme du buisson, Noisiel (France) I Remember, Gandy Gallery, Praha (Czech Republic) LMX, Caisse de Dépots et Consignations, Paris (France) Futoro Presente, Centro Cultural Plaza de España, Comunidad de Madrid, Madrid (España) En/entre límites, Galería Luis Adelantado, Valencia (España) Senyals públics, Apunts sobre intervencions artístiques a l’espai urbà, Can Palauet, Mataró (España) 1998 Ciudades sin nombre, Centro Cultural Plaza de España, Comunidad de Madrid, Madrid (España) Artificial, Figuracions Contemporànies, macba , Barcelona (España) Simo, Project Rooms, Galería Carles Taché, arco 98, Madrid (España) Côté Sud. Entschuldigung, Institut d’art contemporain, Villeurbanne (France) Dibujos Germinales, mncars, Madrid (España) / Sprengel Museum, Hannover (Deutschland) Gastateliers, Kaus Australis, Rotterdam (Nederland) Coincidencies, Museum Dhondt-Dhaenens, Deurle (Belgique) El Punto ciego, Kunstraum, Innsbruck (Österreich) 1997 Se alquila, Palau Rocamora, Barcelona (España) Procesos, Centro de Artes Visuales, Palacio Parlamento, Lima (Perú) Dies Irae, Museu de Granollers, Valladolid / Sala Revilla, El Roser, Lleida (España) Descoberta de la collecció, macba , Barcelona (España) 1996 Changing views, Camdem Arts Centre, London (England) En reserva, macba , Barcelona (España) Dadamünchen? Künstler von heute zu Karl Valentin, Galerie Mosel und Tschechow, München (Deutschland) Arte español para el fin de siglo, Tecla Sala, L’Hospitalet de Llobregat, Barcelona (España) / Drassanes, Valencia (España) Abstrakt/Real, Museum Moderner Kunst Stiftung Ludwig, Wien (Österreich) 1995 Gronne Gnister, Charlottenssbourg, Copenhagen (Danemark) Primo os SRDCE, Gandy Gallery, Praha (Czech Republic) Esculturas, Fundació La Caixa, Palacio de Sástago, Zaragoza (España) Testimonio de un final de siglo, Museo de Arte Contemporáneo, Sevilla (España) Forms from Espana 1980-90, Art Athina 3.95, Athens (Greece) Dialogues de paix U.N. 50th anniversary, Palais des Nations, Parc de l’Ariana, Genève (Suisse) Changing views, University of Derby, Derby (England) Collections publiques (sélection) / Collections and museums (selection) Colecciones y museos (selección) / mac ’s, Musée des Arts contemporains, Hornu 1994 Anys Noranta, Distància zero, Centre d’Art Santa Mònica, Barcelona (España) Sembla útil, La Sala Vinçon, Barcelona (España) Europa 94, moc, München (Deutschland) 1993 Galerie Beaumont, Luxembourg (Luxembourg) Iluminaciones profanas, Arteleku, San Sebastián (España) Galeria Elba Benitez, Madrid (España) El lloc enlloc, Galería Toni Estrany, Barcelona (España) 1992 Colomer, Woodman, Zimmermann, Shedhalle Rotefabrik, Zürich (Switzerland) Barcelona abroad, Christchurch Mansion, European Visual Arts Centre, Ipswich (England) Galeria Ursula Krinzinger, Innsbruck (Österreich) 5e Sculpture Triennal Fellbach, Schwabenlanhalle, Fellbach (Deutschland) Wilhelm Lehmbruck Museum, Duisburg (Deutschland) Na Miro, Hedendagse Catalaanse Kunst, De Nieuwe Kerk, Amsterdam (Nederland) Los Ultimos dias, Salas del Arenal, Sevilla (España) El doble Hermetico, Centro atlántico de arte moderno, Las Palmas de Gran Canaria (España) The Misteries occcur in central station, Galerie Mosel und Tschechow, München (Deutschland) Tropismes, Fundació La Caixa, Barcelona (España) 1991 Arte espanol actualidad y tradicion, Staatliche Kunsthalle, Berlin (Deutschland) Changement de direction, Hôtel des Arts, Paris (France) Emergences, Centre culturel espagnol, Paris (France) Constantes del arte catalan, Museo Rufino Tamayo, México df (México) Colecciones públicas, Museo de Bellas Artes de Álava, Vitoria (España) 1990 6 Katalanische Kunstler, Kunstverein, Ludwigsburg (Deutschland) Ceci n’est pas une sculpture, Galerie Mosel und Tschechow, München (Deutschland) A quatre mans, Galería Benet Costa, Barcelona (España) 1989 Promises, promises, Serpentine Gallery, Londres (England) Promises, promises, École des Beaux-Arts de Nîmes, Nîmes (France) Euroarte, Camara municipal de Guimaraes, Guimaraes (Portugal) La Sonrisa de Brian de Palma, Forum Stadtpark, Graz (Österreich) iii Premio de Escultura Pablo Gargallo, Espacio Pignatelli, Zaragoza (España) ix Salon de los 16, Fundació La Caixa, Barcelona (España) Ars Longa, Vita Brevis, Universitat Autònoma de Barcelona, Barcelona (España) Pintura de Escultura, Galería Ciento, Barcelona (España) (Belgique) mncars , Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid (España) Fundacio Caixa de Pensions, La Caixa, Barcelona (España) mumok , Museum moderner kunst stiftung Ludwig, Vienna (Österreich) macba , Museu d’Art Contemporani de Barcelona (España) ivam, Instituto valenciano de arte moderno, Valencia (España) musac , Museo de arte contemporáneo de Castilla y León, León (España) caam, Centro atlántico de arte moderno, Las Palmas de Gran Canaria (España) Museo Patio Herreriano, Valladolid (España) Coleccion Rafael Tous, Barcelona (España) Collection Dobe, Zürich (Schweiz) mnam, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris (France) fnac , Fonds national d’art contemporain, Paris (France) Les Abattoirs, Musée d’art moderne et contemporain, Toulouse (France) frac Centre, Fonds régional d’art contemporain, Orléans (France) frac Bourgogne, Fonds régional d’art contemporain, Dijon (France) frac Limousin, Fonds régional d’art contemporain, Limoges (France) frac Rhône-Alpes, Fonds régional d’art contemporain, Lyon (France) frac Corse, Fonds régional d’art contemporain, Corte (France) frac Basse-Normandie, Caen (France) frac Seine-Saint-Denis, Bobigny (France) frac Pays de la Loire, Carquefou (France) Collaborations théâtrales / Theater collaborations Colaboraciones teatrales / BIBLIOGRAPHIE / BIBLIOGRAPHY (sélection / selection) 2005 Scénographie pour / Stage design for Fin de partie, Samuel Beckett, Greek Festival, Barcelona (España) Catalogues / Catalogues Catálogos / Escenografia para / XX Fin de partie, Samuel Beckett, Greek Festival, Barcelona (España) 2004 À l’anglaise, performance avec 16 figurants et pancartes / performance for 16 figurants and signs, Festival entre cour et jardin, Jardins Guy Roux, Barbirey (France) À l’anglaise, performance para 16 figurantes y pancartas / XX, Festival entre cour et jardin, Jardins Guy Roux, Barbirey (France) 1998 Scénographie de / Stage design for Olga Sola, Joan Brossa, Espai Joan Brossa, Barcelona (España) Escenografia para / XX, Joan Brossa, Espai Joan Brossa, Barcelona (España) 1997 Scénographie de / Stage design for opera Perfect Lifes, Robert Ashley, Metrònom, Barcelona (España) Escenografia para / XX opera Perfect Lifes, Robert Ashley, Metrònom, Barcelona (España) 1995 Scénographie de / Stage design for Lettre aux acteurs, Valère Novarina, Co Teatre Invisible, Teatre Lliure, Barcelona (España) Escenografia para / XX Lettre aux acteurs, Valère Novarina, Co Teatre Invisible, Teatre Lliure, Barcelona (España) 2007 Marie-Ange Brayer, Les Questions sans réponse(s) de l’art contemporain, mac /val, Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine, mac /val (France). 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BIOGRAPHIES BIOGRAPHIES José Luis Barrios Né à Mexico DF, licencié en philosophie et docteur en histoire de l’art de l’Université nationale autonome de Mexico (unam), José Luis Barrios est critique d’art et commissaire d’expositions. Il est également professeur à l’Université ibéro-américaine de Mexico et au département Philosophie et Lettres de l’unam. Depuis 2000, il dirige la revue Curare et publie régulièrement dans le Confabulario, supplément culturel d’El Universal, et dans des revues comme Exis et Fractal. Il a organisé, en 2005 à Mexico, “Mi versión de los hechos” sur l’œuvre de Magali Lara au muca et le x e Salon d’art Bancomer “Armas y herramientas”. En 2008, il assure le commissariat de “Asedio. Lo colosaltecnológico” pour le nouveau Musée d’art contemporain de l’unam. Marie-Ange Brayer Née en Belgique en 1964, historienne de l’art, diplômée de l’Université libre de Bruxelles, Marie-Ange Brayer est directrice du Fonds régional d’art contemporain de la région Centre (Orléans), où elle développe une collection centrée sur les rapports entre l’art et l’architecture de recherche. Elle a cofondé avec Frédéric Migayrou en 1999 Archilab, Rencontres internationales d’architecture d’Orléans, dont elle est directrice artistique depuis 2004. Critique d’art et d’architecture, elle est l’auteur de nombreux articles dans des revues et catalogues, et mène actuellement une recherche sur le statut juridique de la maquette d’architecture depuis la Renaissance. Mario Flecha Né en 1949 à Buenos Aires, Mario Flecha est éditeur, écrivain, commissaire d’expositions et artisan doreur depuis 1977. Il a animé la Mario Flecha Gallery à Londres entre 1987 et 1992, et ensuite le Mario Flecha Space jusqu’en 2003 à Jafre (Espagne), où il coorganise depuis lors une Biennale d’art contemporain. Parmi les expositions qu’il a conçues, “Miradas breves” réunissait des œuvres de vidéos contemporaines espagnoles au Centro cultural de España de Buenos Aires en 2006. Critique d’art, il écrit régulièrement pour la presse spécialisée et édite les revues Bastón Blanco depuis 2004 et Untitled contemporary art depuis 1993. Marta Gili Née en 1957 à Barcelone, Marta Gili est directrice du Jeu de Paume à Paris. Elle a auparavant dirigé, entre 1991 et 2006, le département Photographie et Arts visuels de la Fondation La Caixa à Barcelone. Diplômée de l’Université centrale de Barcelone en philosophie et psychologie, elle a participé, entre 1983 et 1988, à l’organisation de la Primavera fotografica à Barcelone, et a assuré la direction artistique du Printemps de Septembre à Toulouse en 2002 et 2003. Elle écrit régulièrement dans la presse espagnole et a publié plusieurs ouvrages dont, en 2006, Joan Colom. Raval (Steidl) et Graciela Iturbide (Phaidon). Jacinto Lageira Jacinto Lageira est maître de conférences hdr en esthétique à l’université Paris i PanthéonSorbonne et critique d’art. Il a en particulier travaillé sur les œuvres de Gary Hill, Jan Kopp ou Jean-Marc Bustamante, et édité les écrits de Michael Snow. Il a collaboré à des catalogues, encyclopédies et anthologies, dont Du mot à l’image et du son au mot et Le Livre et l’artiste (Le Mot et le reste, 2006 et 2007). Il a aussi récemment publié L’Esthétique traversée. Psychanalyse, sémiotique et phénoménologie à l’œuvre (La Lettre volée, 2007). Bernard Marcadé Bernard Marcadé est critique d’art, commissaire d’expositions et professeur d’esthétique et d’histoire de l’art à l’École nationale supérieure d’Arts de ParisCergy. Il a notamment publié un essai sur Isidore Ducasse (Seghers, 2002) et une biographie de Marcel Duchamp, La Vie à crédit (Flammarion, 2007). En 2006, il a été à l’initiative du projet “Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur” à l’occasion de “La Force de l’art” au Grand Palais à Paris, et a donné des conférences dans le cadre de “Chauffe Marcel”, en hommage à Marcel Duchamp au crac de Sète, pour lequel il a également réalisé l’exposition “On dirait le Sud” en 2007. Martí Peran Martí Peran est critique d’art, commissaire d’expositions et enseignant à l’École d’art de l’Université de Barcelone. Il a contribué à de nombreuses publications et écrit régulièrement pour le quotidien El País et pour des revues spécialisées, comme Exit Express et Artforum International. Il dirige le programme international d’échanges culturels “Roundabout”, mis en place par la ville de Barcelone. En 2006, il a conçu l’exposition “Glaskultur” au Koldo Mitxelena à San Sebastián, et il présente en 2008 le projet “Post-it city. Ciudades ocasionales” au Centre de Cultura Contemporània de Barcelone. Glòria Picazo Née en 1950, licenciée en histoire de l’art à l’Université de Barcelone, Glòria Picazo est directrice, depuis sa création en 2003, du centre d’art La Panera à Lleida, en Catalogne. Elle a fait partie du service des expositions au capc à Bordeaux, de 1993 à 1995, puis a été responsable du département de recherches au macba à Barcelone jusqu’en 1998. Elle a ensuite travaillé à la réalisation d’expositions et de livres pour la Ville de Lleida où elle avait déjà, en 1997, participé à la création de la Biennale d’art Leandre Cristòfol. Elle publie régulièrement dans des revues telles que Transversal, L’Avenç et Exit Express. François Piron Né en 1972, François Piron est critique d’art et commissaire d’expositions. Entre 2001 et 2006, il a codirigé les Laboratoires d’Aubervilliers. Il participe actuellement à la programmation de la galerie castillo/corrales et à l’agence curatoriale indépendante Work Method à Paris. Il a organisé récemment les expositions Intocable, el ideal de la transparencia, avec Guillaume Désanges, au Museo Patio Herreriano à Valladolid (Espagne) et à la Villa Arson (Nice) en 2007, et Where the lions are à Hong Kong en 2008. Il enseigne l’histoire et la théorie de l’art à l’École nationale des Beaux-Arts de Lyon. Christine Van Assche Christine Van Assche est conservatrice en chef au musée national d’Art moderne/ Centre Pompidou, responsable des Nouveaux Médias. Diplômée en histoire de l’art et archéologie, elle a enseigné l’esthétique de la vidéo, entre 1994 et 1998, à l’université Paris viii –Saint-Denis. Aux éditions du Centre Pompidou, elle a dirigé des catalogues tels que Nouveaux médias. Installations (2006) et des monographies parmi lesquelles Isaac Julien (2005) ou David Claerbout (2007). Elle a assuré le commissariat d’expositions thématiques comme “Passages de l’image” (1990) et “Sonic Process” (2002) au Centre Pompidou, “La Vidéo, un art, une histoire” (2008) au musée Fabre à Montpellier, ou “Ficção e realidade” (2008) à la fondation Gulbenkian à Lisbonne. José Luis Barrios Born in Mexico City, with a degree in philosophy and art history from the Autonomous National University of Mexico (unam), José Luis Barrios is an art critic and curator. He teaches at the IberoAmerican University of Mexico City and at the Philosophy and Literature Department of unam. Since 2000 he has been editor of the journal Curare, and he publishes regularly in Confabulario, the arts supplement of El Universal, and in journals such as Exis and Fractal. In 2005 he organised in Mexico City Mi versión de los hechos, about the work of Magali Lara, at muca, and also the tenth Salon of Bancomer art, Armas y herramientas. In 2008 he curated Asedio. Lo colosal-tecnológico for the new Museum of Contemporary Art at unam. Marie-Ange Brayer Born in Belgium in 1964, a graduate of Brussels Free University, art historian MarieAnge Brayer directs the Fonds Régional d’Art Contemporain of the Centre region (Orléans, France), where she is building up a collection specialising in the relations between art and avant-garde architecture. In 1999, with Frédéric Migayrou, she co-founded Archilab, the international architecture festival in Orléans, which she has directed since 2004. As an art and architecture critic she has published numerous articles in journals and catalogues. She is currently researching the legal status of the architecture model since the Renaissance. Mario Flecha Born in 1949 in Buenos Aires, Mario Flecha has been a publisher, writer, exhibition curator and gilder since 1977. He directed the Mario Flecha Gallery in London between 1987 and 1992, then the Mario Flecha Space, to 2003, in Jaffre (Spain), where he organises from that time a contemporary art biennial. Among the exhibitions he has conceived, Miradas breves brought together contemporary Spanish video works at the Centro Cultural de España in Buenos Aires in 2006. As an art critic he writes regularly for the specialist press and has published the journals Bastón Blanco since 2004 and Untitled contemporary art since 1993. Marta Gili Born in 1957 in Barcelona, Marta Gili is director of the Jeu de Paume in Paris. She previously directed the Photography and Visual Arts Department of the La Caixa Foundation in Barcelona, between 1991 and 2006. After graduating in philosophy and psychology from Barcelona’s Central University, from 1983 to 1988 she helped to organise the Primavera fotografica in Barcelona. She was artistic director of the Printemps de Septembre in Toulouse (France) in 2002 and 2003. She writes regularly in the Spanish press and has published several books, including Joan Colom. Raval (Steidl) and Graciela Iturbide (Phaidon), both in 2006. Jacinto Lageira Jacinto Lageira is a lecturer in aesthetics at Université Paris i Panthéon-Sorbonne and art critic. He has worked on the art of Gary Hill, Jan Kopp and Jean-Marc Bustamante, and edited the writings of Michael Snow. He has contributed to catalogues, encyclopaedias and anthologies, including Du mot à l’image et du son au mot et Le Livre et l’artiste (Le Mot et le reste, 2006 and 2007). He recently published L’Esthétique traversée. Psychanalyse, sémiotique et phénoménologie à l’œuvre (La Lettre volée, 2007). Bernard Marcadé Bernard Marcadé is an art critic, curator and professor of aesthetics and art history at the École Nationale Supérieure d’Arts in Paris-Cergy. His publications include an essay on Isidore Ducasse (Seghers, 2002) and a biography of Marcel Duchamp, La Vie à crédit (Flammarion, 2007). In 2006 he initiated the project “Je ne crois pas aux fantômes, mais j’en ai peur” at the exhibition La Force de l’art at the Grand Palais in Paris, and gave talks as part of Chauffe Marcel, an event in homage to Marcel Duchamp at the crac, Sète (France), for which he also organised the exhibition On dirait le Sud in 2007. Martí Peran Martí Peran is an art critic, curator and teacher at the University of Barcelona art school. He has contributed to numerous publications and written regularly for the newspaper El País and specialist journals such as Exit Express and Artforum International. He directs the “Roundabout” international cultural exchange programme set up by the city of Barcelona. In 2006 he conceived the exhibition Glaskultur at the Koldo Mitxelena in San Sebastián, and in 2008 he presents the project Post-it city. Ciudades ocasionales at the Centre de Cultura Contemporània in Barcelona. Glòria Picazo Born in 1950, Glòria Picazo holds a degree in art history from Barcelona University and has directed the La Panera art centre in Lleida, Catalonia, since its opening in 2003. She was a member of the exhibitions service at the capc in Bordeaux from 1993 to 1995, then ran the research department at macba, Barcelona, up to 1998. She then worked on organising exhibitions and books for the town of Lleida, where she helped set up the Leandre Cristòfol art biennial in 1997. She publishes regularly in journals such as Transversal, L’Avenç and Exit Express. François Piron Born in 1972, François Piron is an art critic and curator. Between 2001 and 2006 he codirected the Laboratoires d’Aubervilliers (France). He is currently involved in programming for the castillo/corrales gallery and the independent curating agency Work Method in Paris. He recently organised the exhibitions Intocable, el ideal de la transparencia, with Guillaume Désanges, at the Museo Patio Herreriano in Valladolid (Spain) and at the Villa Arson (Nice, France) in 2007, and Where the Lions Are in Hong Kong in 2008. He teaches art history and theory at the École Nationale des Beaux-Arts in Lyon (France). Christine Van Assche Christine Van Assche is head curator at the Musée National d’Art Moderne/Centre Pompidou (Paris), in charge of New Media. With a degree in art history and archaeology, she taught the aesthetics of video at the Uuniversité Paris viii–Saint-Denis between 1994 and 1998. For the Centre Pompidou publishing department she edited catalogues such as Nouveaux médias. Installations (2006) and a number of monographs including Isaac Julien (2005) and David Claerbout (2007). She has curated thematic exhibitions such as “Passages de l’image (1990) and Sonic Process (2002) at the Centre Pompidou, La Vidéo, un art, une histoire (2008) at the Musée Fabre in Montpellier (France), and Ficção e realidade (2008) at the Gulbenkian Foundation in Lisbon. L’exposition « Jordi Colomer » est coproduite par le Jeu de Paume, Paris, et le Centre d’art La Panera, Lleida. Elle est présentée par le Jeu de Paume dans le cadre du Mois de la Photo à Paris 2008. Jeu de Paume, Paris 21octobre 2008-4 janvier 2009 Centre d’art La Panera, Lleida 29 janvier-12 avril 2009 Laboratorio Arte Alameda, México 12 mai-19 juillet 2009 Le Jeu de Paume Direction : Marta Gili Coordination de l’exposition : Véronique Dabin et Manuel Cirauqui Régie des œuvres : Maddy Cougouluegnes Régie technique : Lionel Desneux Responsable des éditions : Françoise Bonnefoy Centre d’Art la Panera Direction : Glòria Picazo Coordination : Antoni Jové Service éducatif : Helena Ayuso, Roser Sanjuan Presse et communication : Maria López Centre de documentation : Anna Roigé L’exposition et le catalogue ont bénéficié du concours de SEACEX / Sociedad Estatal para la Acción Exterior, Espagne. Neuflize Vie est mécène principal du Jeu de Paume pour l’ensemble de ses activités et apporte notamment son soutien à l’exposition « Jordi Colomer ». Ce livre est publié par Le Point du Jour en coédition avec le Jeu de Paume (Paris) et avec le soutien de l’Institut d’art contemporain (Villeurbanne), des centres d’art La Panera (Lleida) et Le Spot (Le Havre), ainsi que du Centre national des Arts Plastiques, ministère de la Culture et de la Communication (aide à l’édition). Remerciements Pour Le Jeu de Paume Nous remercions chaleureusement Jordi Colomer pour son engagement dans la réalisation de cette exposition et de ce catalogue. Nous tenons également à témoigner toute notre gratitude à Michel Rein pour l’aide apportée tout au long de l’élaboration de ce projet, ainsi qu’à toutes les institutions et les personnes qui y ont apporté leur concours : Fonds régional d’art contemporain de Bourgogne Fonds régional d’art contemporain du Centre Galerie Michel Rein, Paris Galería Carles Taché, Barcelone Institut d’art contemporain de Villeurbanne Loïc Chambon, Galerie Michel Rein, Paris Charles Gohy, WIELS, Bruxelles Aude Merquiol, IAC, Villeurbanne Léna Monnier, Galerie Michel Rein, Paris Vincent Schmitt, IAC, Villeurbanne Joseph Spinelli, IAC, Villeurbanne Mélanie Tebb, Hollywood Classics, Londres Nous souhaitons aussi remercier : Hugues Aubry, directeur général de Neuflize Vie et Françoise de Ville d’Avray, directeur communication de Neuflize Vie. Pour Jordi Colomer XXX Le Jeu de Paume Direction : Marta Gili 1, place de la Concorde 75008 Paris – France www.jeudepaume.org Centre d’art La Panera Direction : Glòria Picazo Pl. de la Panera, 2 , 25002 Lleida – España www.lapanera.cat Institut d’art contemporain Direction : Nathalie Ergino 11, rue docteur Dolard 69100 Villeurbanne - France www.i-art-c.org Le Spot Centre d’art contemporain Direction : David Perreau 32, rue Jules Lecesne 76600 Le Havre – France www.le-spot.org Le Point du Jour, Centre d’art / Editeur Direction : David Barriet, David Benassayag et Béatrice Didier 109, avenue de Paris 50100 Cherbourg-Octeville – France www.lepointdujour.eu Conception du livre : Jordi Colomer et Yann Rondeau Conception graphique : Yann Rondeau Suivi éditorial : Aurianne Cox Éditeurs : David Barriet, David Benassayag et Béatrice Didier, Le Point du Jour Traductions : Nathalie Bittoun-Debruyne, Charles Penwarden, Camilla Balmer-Flecha, Jacqueline Hall, Catalina Girona, Annie Bats Relecture : XXX, Nathalie Bittoun-Debruyne, XXX Photogravure : Les Ateliers du Regard (Paris) Impression : EBS (Vérone, Italie) © Le Point du Jour / Éditions du Jeu de Paume © Jordi Colomer © José Luis Barrios, Marie-Ange Brayer, Mario Flecha, Marta Gili, Jacinto Lageira, Bernard Marcadé, Martí Peran, Glòria Picazo, François Piron, Christine Van Assche, pour les textes. © ADAGP, Paris 2008 Tous droits réservés. Dépôt légal : octobre 2008 ISBN : 978-2912132-58-1