Politique des médicaments Note stratégique et propositions
Transcription
Politique des médicaments Note stratégique et propositions
Politique des médicaments Note stratégique et propositions concrètes Cellule médicament MC 26 mai 2014 Introduction : La Belgique, un paradis pharmaceutique Fin de l’an dernier, le ‘deal’ entre Janssen-Cilag et Sandoz en vue de ralentir la mise sur le marché aux Pays-Bas de la version générique du fentanyl® (un antidouleur bon marché, couramment utilisé par les patients cancéreux), et maintenir ainsi le prix du médicament original à un niveau artificiellement élevé, a été largement répercuté dans la presse. A peine trois mois plus tard, éclatait un nouveau scandale. Roche et Novartis étaient sanctionnés pour pratiques illégales et non-éthiques au sujet du Lucentis® et de l’Avastin®, destinés au traitement de la dégénérescence maculaire. Ces dernières années aux États-Unis, considérés traditionnellement comme le pays de l’industrie pharmaceutique par excellence, de nombreuses entreprises pharmaceutiques se sont vu infliger des amendes record de plusieurs milliards de dollars, notamment pour fraude, marketing illégal et minimisation des risques. Et plusieurs gouvernements occidentaux, dont la Belgique, ont été convaincus d’investir dans des stocks importants de Tamiflu©, un antiviral à utiliser en cas de pandémie de grippe. Après plusieurs années de lutte menées par des scientifiques pour avoir accès à des données secrètes, il est désormais clair que l’efficacité défendue par le fabricant en a été largement surestimée et les effets secondaires sous-évalués. Mais le tableau n’est certes pas tout noir ou tout blanc. Ces 50 dernières années, l’industrie pharmaceutique a incontestablement développé des médicaments innovants et essentiels qui ont considérablement amélioré la qualité des traitements de plusieurs maladies. Cependant, depuis une décennie, nous sommes plus circonspects vis-à-vis de la sécurité du patient, car nous sommes davantage conscients que les risques liés aux médicaments peuvent dépasser leurs effets bénéfiques. Songeons aux SSRI (Selective Serotonin Reuptake Inhibitor), Vioxx®, Avandia®, etc. On peut toutefois constater que la politique gouvernementale a surtout encouragé les « me too’s », ces médicaments dont la valeur ajoutée est faible ou inexistante. Avons-nous besoin de 30 statines et de 40 antidépresseurs ? Et pourquoi si peu de nouveaux antibiotiques ont-ils été développés ? Plusieurs biologics, ces médicaments de dernière génération, constituent, en revanche, un vrai pas en avant. Pour les patients atteints de rhumatismes, de douleurs intestinales inflammatoires et de certains cancers, ces nouveaux médicaments représentent souvent un monde de différence. Et certains vaccins innovants aident à réduire de nombreux cancers et maladies infectieuses. Jean-Jacques Cassiman, généticien bien connu, tirait, voici déjà quelques mois, la sonnette d’alarme à propos du gaspillage public lié à des médicaments anti-cancéreux, incompréhensiblement chers. Combien de temps encore pourrons-nous nous permettre ce luxe économico-financier ? Aujourd’hui, des combinaisons de biologicals atteignent des ICER (Incremental Cost-Effectiveness Ratio , c.à.d. le rapport entre le surcoût et l’efficacité d’un nouveau traitement par rapport à l’alternative actuelle), qui dépassent allègrement la barre des 200 000 €/QALY (Quality-Adjusted Life Year , c.à.d. par année de vie gagnée et ajustée en fonction de sa qualité). Alors que Leo Neels publiait son gentil « pensum » België, fantastisch farmaland (Lannoo), sur notre paradis pharmaceutique est parue à l’échelon international l’analyse implacable de Peter C. Gøtzsche (à la tête du Cochrane Centre norvégien) : Deadly medecines and organised crime ; How big pharma has corrupted healtcare (Radcliffe Publishing – London), sur la manière dont l’industrie pharmaceutique a largement manipulé notre système de soins de santé. Pour mener son analyse, Gøtzsche se base sur des éléments evidence based solides. Qui dispose actuellement dans notre pays du pouvoir de s’indigner à propos de la politique des médicaments ? Et chaque fois qu’une critique est prononcée, on lui réplique le fameux mot « emploi ». Mais dans l’industrie également, de plus en plus de voix s'élèvent pour affirmer que le soutien de cette branche importante de notre économie de la connaissance doit passer par des mesures stratégiques de soutien, et non en agissant sur le prix ou le volume du petit marché belge. D’autres nouvelles évolutions positives méritent aussi d’être signalées. Les premiers fabricants de médicaments mettent spontanément à disposition du public toutes les données de leurs études cliniques. Plusieurs fabricants ont également intégré plus fortement dans leur culture d’entreprise le fait d’agir de manière déontologiquement correcte face aux prescripteurs. Nous sommes curieux de voir quelles seront les promesses des prochains accords de gouvernement en matière de politique des médicaments. Et plus encore de voir quel rôle nous pourrons jouer en tant que mutualité et partenaire majeur des soins de santé dans cette future politique. Une information honnête, compréhensible et rapide à la population est certes cruciale, mais la participation du citoyen au processus de prise de décision (similaire à ce qu’organise le service public britannique NICE) doit également être envisagée. Le mode actuel de remboursement doit en effet être révisé. Dans ce contexte, il convient d’offrir davantage d’incitants pour des soins de qualité et de véritables innovations efficaces financièrement. Pour le patient, l’accessibilité financière des médicaments, et donc leur accessibilité tout court, n’est plus évident depuis longtemps. La présente note stratégique ne vise pas la polémique, et espère au contraire apporter des réponses réalistes et sérieuses à la question suivante : « comment allons-nous gérer cette problématique ? », en avançant des propositions pragmatiques pour les 5 prochaines années. La préparation interne de cette note a déjà nourri des espoirs, au vu de l’inspiration et de l’engagement des membres de la Cellule Médicaments de la Direction médicale. Nous avons également consulté Marc Bogaert, Jean-Jacques Cassiman, Jan De Lepeleire, Erik Tambuyzer et Dirk Van Duppen. Leur participation à notre « groupe de feed-back externe » ne signifie toutefois pas qu’ils sont d’accord avec tous les éléments avancés. Un grand merci bien mérité à tous. Le chemin est encore long. Nous espérons que le débat pourra débuter. Aperçu des propositions concrètes La MC plaide pour des mesures préventives et pour engagement plus prononcé pour modifier notre style de vie à tous, comme tremplin essentiel vers la santé et la qualité de vie. Les médicaments deviennent alors de facto moins nécessaires. Comment la MC et les autres stakeholders de notre pays peuvent-ils mettre à la disposition du patient et de la communauté des médicaments efficaces et sûrs pour un coût acceptable ? Comment veiller à ce que la qualité et l’innovation pour le patient priment sur des intérêts commerciaux trop prononcés ? L’aperçu suivant, non exhaustif, aligne une série de propositions réalistes et pourront être reprises par un prochain gouvernement, pour porter leurs fruits d’ici 2020. Bien évidemment, nous avons d’autres idées plus générales sur la manière dont il faudrait modifier les paradigmes actuels de la politique des médicaments. Un élément majeur dont nous ne pouvons encore suffisamment estimer l’impact (et qui n’a donc pas encore été traduit en mesures concrètes) est la récente directive européenne 2014/24/EU, qui prévoit, à partir de 2016, des marchés publics communs dans une série de domaines tels que les vaccinations et les traitements de maladies contagieuses graves « cross-border ». Dans les propositions ci-dessous, nous suivons le cycle d’un médicament, de son développement à son usage ciblé, ambulatoire et hospitalier, en passant par la période de fixation des prix et son remboursement. 1. Pré-commercialisation La réglementation actuelle encourage insuffisamment le développement de médicaments réellement innovants. En quelques décennies, la recherche pharmaceutique et les études cliniques se sont transformées et sont désormais essentiellement sponsorisées par l’industrie. C’est pourquoi, l’objectif de très nombreuses études cliniques vise avant tout à satisfaire aux critères de marketing et de remboursement, et rarement aux besoins cliniques concrets du patient. Ce paradigme ne pourra pas être corrigé à court terme. Mais, certaines mesures politiques pourraient, selon nous, déjà faire évoluer les choses dans le bon sens en Belgique: Un scanning d’horizon nous donne une vue des besoins et de la manière de les satisfaire, pour anticiper au mieux les principales évolutions technico-budgétaires. Nous impliquons pour ce faire des experts de la MC et de l’extérieur. Deux fois par an, nous examinons les dernières tendances. Nous nouons à cet effet des alliances avec des organisations indépendantes telles que Farmaka, CBIP, BRAS, les universités… Nous pouvons également demander aux entreprises quels sont leurs projets. Au sein de la CRM (Commission de remboursement des médicaments), nous examinons avec un regard critique les nouveaux remboursements potentiels, ainsi que les médicaments à éventuellement supprimer et les groupes pour lesquels une révision groupée est possible. D’après le modèle français, nous pouvons réviser au moins tous les 5 ans les prix des médicaments en fonction de leur efficacité. Une partie du budget des médicaments est réservée à des études cliniques head-to-head (étude clinique avec une confrontation comparative entre le nouveau médicament et un médicament actuel dont l’efficacité est reconnue, et pas une simple confrontation avec un placebo), non-commerciales et randomisées comparatives (comparative effectiveness researchi), par analogie avec l’évolution aux États-Unis. Davantage d’études indépendantes sont cruciales pour pouvoir prendre la bonne décision de remboursement et l’industrie n’a aucun intérêt à les sponsoriser elle-même (comme par exemple pour l’Herceptin© dans le cancer du sein, utilisé 12 semaines, dans une étude finlandaise indépendante, avec la même efficacité que l’utilisation pendant 52 semaines dans l’étude réalisée par la firme). Les fabricants qui collaborent à ces études peuvent également répercuter cet investissement dans la détermination du prix. Toutes les données doivent évidemment être en « plein accès ». Idéalement, nombre de ces études seraient lancées au niveau européen, mais l’attente de celles-ci ne peut pas nous ralentir. Un accord sera conclu avec les communautés pour éviter un double financement à partir des fonds d’innovation, une compétence communautaire. Les « brevets inconsistants » ne peuvent plus empêcher les génériques d’arriver sur le marché belge. L’industrie pharmaceutique est l’un des principaux secteurs qui utilise le système des brevets. Entre 2000 et 2007, le nombre de brevets pharmaceutiques a doublé, malgré un recul de la part des médicaments innovants. Outre le brevet primaire, des brevets secondaires sont demandés au cours du cycle de vie du produit (autres dosages, formes, processus de production, indications, formes physiques, ...). La composition de tels portefeuilles de brevets s’effectue en particulier lorsqu’il est question de blockbusters (voir rapport européen ii). Les brevets octroyés au fabricant d’un médicament original lui accordent de fait un monopole durant un délai déterminé. Le rapport européen expose diverses stratégies appliquées par les entreprises pour empêcher que des médicaments génériques n’arrivent sur le marché. Ces manœuvres ont pour conséquence que très souvent dans notre pays, des génériques arrivent fort tard sur le marché avec des incidences financières majeures tant pour la sécurité sociale que pour le patient. Si la législation belge intégrait le principe de la responsabilité objective du détenteur du brevet après l’annulation de la protection de l’un de ses brevets, démontré comme inconsistant (et employé stratégiquement), l’effet serait fortement dissuasif. Cette responsabilité existe à l’égard des entreprises qui produisent des génériques, mais aussi à l’égard de l’INAMI et de la communauté. D’autres propositions, comme la limitation du nombre de juges compétents et la mise en place d’un régime légal instaurant une validité « prima facie » constituent des mesures complémentaires. Ces mesures prendront toutefois plus de temps. 2. Détermination des prix socialement justifiée et ‘modèle de l’écluse’ pour le remboursement La collaboration entre les instances fédérales concernées, le SPF Économie, l’AFMPS et l’INAMI est en place, mais elle devra être améliorée et renforcée à différents niveaux dans les prochaines années. Des étapes ont été parcourues en matière d’échange d’informations. Mais en ce qui concerne la sécurité des médicaments, si l’EMA ou l’AFMPS tarde à prendre position sur le retrait d’un produit du marché ou permet une prescription hors indication, le budget AMI s’en trouvera impacté. Par ailleurs, davantage de transparence auprès du SPF Économie concernant la justification du coût d’un médicament aura aussi des effets favorables sur le budget de l’INAMI. Quelques propositions concrètes : Le cadre légal récemment créé, au sien duquel le SPF Economie détermine les prix sur la base d'une comparaison tarifaire avec seulement 6 autres pays européens, pose question. Une comparaison tarifaire objective devrait au minimum comporter le prix officiel dans tous les pays européens ou dans un maximum d’entre eux, mais aussi le tarif final négocié par pays avec les assureurs ou les services de santé (cf. une mesure récente en Allemagne). Le même raisonnement devrait être suivi dans les discussions au sein de la CRM. La base de données Euripid doit être accessible à tous les stakeholders. Les documents justificatifs que le fabricant remet aux autorités doivent systématiquement être contrôlés par échantillonnage dans la comptabilité et dans les autres documents d’entreprise de l’initiateur de la demande de prix et de remboursement. Les frais de marketing ne devraient jouer qu’un rôle secondaire dans la détermination du prix. Par analogie avec d’autres pays, nous proposons l’introduction d’un système de remboursement sous conditions pour les nouvelles molécules (souvent très onéreuses), ayant un impact budgétaire majeur et pour lesquelles il existe un doute concernant la confirmation dans la pratique clinique quotidienne de la valeur ajoutée revendiquée. Ce mode de financement est parfois appelé PBRSAs, ou « performance-based risk sharing arrangements ». Sur une période de 3-5 ans, le fabricant, par l’intermédiaire d’une étude complémentaire, devra justifier ses coûts et la valeur ajoutée dans le contexte belge local, selon un protocole préalablement convenu avec la CRM. Si la valeur ajoutée revendiquée ne peut être démontrée, il s’ensuit une baisse de prix automatique et une restitution du surcoût injustifié pour l’assurance maladie. En France, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas et dans d’autres pays, on applique ce principe aux médicaments comme les gliptines et les glitazones, l’infliximab (Remicade), le ranibizumab (Lucentis), ainsi qu’à d’autres médicaments onéreux. Ce système de partage des risques s’applique essentiellement aux médicaments potentiellement innovants et coûteux. Le marché des médicaments bon marché n’évolue pas spontanément, il a besoin d’une réglementation émanant des autorités. Celles-ci, de leur côté, ont besoin de médicaments bon marché pour proposer des soins de santé qualitatifs à un coût acceptable. Nous proposons d’harmoniser les besoins de médicaments bon marché nécessaires pour une série de maladies et l’offre des fabricants via le « système de l’écluse ». Nous ouvrons la porte de l’écluse aux fabricants de médicaments d’une certaine classe (ATC4) via la rédaction d’un appel d’offres détaillé. Nous fixons pour plusieurs médicaments les dosages, les conditionnements et les volumes dont nous avons besoin et le prix maximum auquel ils doivent être proposés. Nous imposons également des règles très strictes de garanties d’approvisionnement. Après soumission, lorsque les fabricants ont indiqué leur tarif, nous fermons provisoirement l’écluse. Le prix le plus bas est considéré comme le prix de base pour la classe de médicaments sous revue au sein de l’écluse sur lequel le modèle concurrentiel peut s’appliquer. Plus le nombre de médicaments présents dans l’écluse est élevé, plus le prix peut baisser (inversement, dans une écluse avec une seule ou quelques nouvelles molécules au rapport coût-profit avantageux, le prix restera élevé, si bien que nous devons encourager les véritables innovations). Suit alors une période de négociations. Les fabricants dans l’écluse peuvent adapter leur tarif à la baisse, ou en sortir. S’ils alignent leur prix, lors de l’entrée en vigueur du remboursement des médicaments dans l’écluse qui est maintenant définitivement fermée, ils disposeront durant une période de 3 à 5 ans d’une garantie de tarif fixe avec un volume garanti. Nous proposons de débuter par la classe des statines au niveau ATC-4. Notre proposition comporte plusieurs similitudes avec le système de remboursement allemand appliqué depuis une décennie via l’AMNOGiii. Il s’applique aussi aux biosimilaires (les copies de médicaments fabriqués biologiquement), et est complémentaire d’une politique plus performante, avec davantage de révisions groupées et des plafonds tarifaires plus serrés. Nous estimons que l’application progressive de ce système dégagera à terme quelques centaines de millions d’euros, que l’on pourra réinvestir dans des innovations de processus ou de nouvelles formes de soins. Au sein du budget des médicaments, les soins diabétiques et l’oncologie sont les domaines où sont attendues les plus fortes hausses des dépenses. La valeur ajoutée pour le patient et l’efficacité financière d’une série de nouvelles molécules et de médicaments anti-diabète coûteux sont, parallèlement, fortement remises en question. Rien d’étonnant à ce que l’industrie pharmaceutique investisse fortement dans ces domaines vu l’importance croissante qu’ils représentent. Dans les années qui viennent, cela signifie que davantage de contrats plus spécifiques (volume et prix) devront être conclus avec l’industrie. Les principaux problèmes sont une sous-estimation de l’impact budgétaire et l’extension insidieuse de l’indication (ex. Avastin®) et de l’usage off-label (en dehors des indications médicales autorisée). Pour imposer davantage de responsabilité dans le secteur pharmaceutique en matière d’usage ciblé des produits, nous proposons de travailler avec des budgets partiels spécifiques, surtout pour l’oncologie (usage principalement hospitalier). Pour les médicaments anti-diabète et les médicaments biologiques en rhumatologie, dermatologie et gastro-entérologie, un modèle similaire pour les soins ambulatoires, avec un budget partiel, une norme de croissance spécifique, des accords avec l’industrie pour la limitation du volume et des récupérations, est réalisable. 3. Usage efficace des médicaments sur le terrain : choix thérapeutique et problématique du volume Nous côtoyons de nombreux exemples d’usages pertinents, mais aussi d’usages abusifs ou inappropriés de médicaments. Médecins et hôpitaux ne sont que moyennement responsabilisés dans leurs prescriptions. L’expérience limitée de l'introduction d'un incitant financier (donc la mise en place d'une espèce de financement où le prescripteur ou l’hôpital doit réfléchir à la nécessité d’utiliser des médicaments, sans pour autant réaliser une économie globale drastique), montre que le système a fonctionné. Songez à l’instauration d’un quota adéquat concernant la prescription de génériques et la forfaitarisation partielle des médicaments dans les hôpitaux. L’effet en semble plutôt positif, par exemple : l’usage plus rationnel des antibiotiques et la réduction de la surconsommation d’héparines LMW à l’hôpital. Nous voulons continuer à encourager les médecins, au niveau ambulatoire, à réfléchir à la qualité de leurs prescriptions et à leurs coûts. Nous intensifions le feed-back individuel et l’associons à un incitant, comme composant de leur indemnité DMG, étant donné qu'une prescription de médicaments judicieuse est une part essentielle de son contenu. Une discussion (via thèmes obligatoires), au sein des GLEMs, des profils de prescription avec influence sur l’accréditation est également possible (y compris pour les spécialistes). Les médecins qui répondent à ces critères de qualité recevront en outre un label de qualité accessible au public. Ce sont des alternatives douces à la responsabilisation financière formelle, avec un budget individuel et une cible de financement par médecin. Une information pharmaceutique indépendante via des canaux tels que le CBIP, EBM PracticeNet, Farmaka et les informations compréhensibles aux citoyens, par exemple via « Santé et Science » du CEBAM, doivent être beaucoup plus poussées. Les visiteurs médicaux indépendants doivent être nettement renforcés iv. Trois fois par an, un groupe de pilotage interne choisira, avec les visiteurs médicaux indépendants, un thème d’actualité pertinent pour la médecine générale (démence, anticonception, ostéoporose, etc.) et des présentations et des flyers seront préparés en vue de les utiliser comme ouvrages de référence ou pour alimenter les GLEMs ou les séances de formation continue. Nous prévoyons un lien avec l’« accréditation INAMI » et un meilleur soutien via un budget fermé. L’accréditation des médecins ne peut plus être sponsorisée de manière commerciale et l’industrie ne peut plus en influencer le contenu. Le sponsoring et les paiements (directs ou indirects), versés aux médecins par l’industrie du médicament, des implants et diagnostique, seront publiés sur un site web public, comme aux États-Unisv. Nous impliquons systématiquement les pharmaciens dans l’évaluation et la discussion des historiques médicamenteux. Une évaluation médicamenteuse signifie qu’un pharmacien évalue la pharmacothérapie du patient en accord avec celui-ci, sur base des informations pharmaceutiques et médicales de même que des informations liées à l’usage. Pour les patients plus âgés, cela peut se faire par exemple selon le principe STOPP & START vi. L’objectif de l'évaluation médicamenteuse est d'optimiser le traitement pharmacothérapeutique du patient, afin d’éviter une aggravation des pathologies ou des complications liées au traitement ou aux pathologies, tout en favorisant sa prise en charge personnalisée. Les pharmaciens enregistrent également la vente, en ligne ou non, de médicaments non-actifs ou à risques (dont le remboursement a été supprimé), comme les veinotropes et certaines vitamines, les sirops pour la toux et les médicaments amaigrissants. Ils sont tenus d'informer le patient à ce sujet, afin d’accéder aux honoraires de délivrance pour les soins pharmaceutiques de base. L’extension de la forfaitarisation des médicaments pour les patients hospitalisés (efficace mais encore limitée à ce jour), prévue dans le précédent accord de gouvernement est en cours de réalisation. Le rapport KCE sur cette matière reste d’actualité. Par analogie avec de nombreux autres pays, la plupart des médicaments peuvent être forfaitarisés sur la base du DRG (Diagnosis-Related Group - correspondant au diagnostic principal de tout patient hospitalisé), avec un minimum d’exceptions (comme pour les médicaments orphelins). Actuellement, la situation s’est inversée et la liste des médicaments hors forfait ne fait que s’allonger. Cela annihilera au sein des hôpitaux l’incitation actuelle visant à prescrire plus de médicaments nonforfaitarisés. Les moyens dégagés seront avant tout réinvestis dans le développement de la pharmacie clinique (sur le lieu de travail !) de l’hôpital, vu l’impact démontré de la présence d’un pharmacien clinique sur la qualité et la sécurité du patient lors de l’usage de médicaments à l’hôpital (start/stop, changement de thérapie, communication avec le généraliste). Pour les médicaments en hôpital de jour, nous prévoyons un forfait par indication, via le système de remboursement forfaitaire en catégorie ‘f’ (pour forfaitaire). C’est possible rapidement pour diverses interventions chirurgicales pour lesquelles il existe une prestation DRG et qui concernent des patients à faible risque de comorbidité (affection concomitante à l’affection, ici chirurgicale, principale). Pour l’hôpital de jour interne, cela s’avère plus complexe mais pas impossible, via les forfaits ou pseudocodes spécifiques (cela requiert encore des recherches). Dans certains domaines, par exemple l’usage d’EPO chez les patients dialysés, c’est possible immédiatement via le biosimilaire le meilleur marché intégré dans le forfait de dialyse. En milieu hospitalier, l’expérience de ces dernières années, dans le cadre de dossiers d’adjudication, montre que les différences de propriétés pharmacologiques sans cesse mises en avant par le marketing des fabricants s’avèrent peu pertinentes pour les patients. Nous dissocions donc la base de remboursement du prix (facial) du médicament. Nous installons parallèlement des radars pour un contrôle renforcé de l’application du Chapitre IV. Dans les maisons de repos, la combinaison des mesures est nécessaire pour réfréner la (sur)consommation actuelle. La nouvelle mesure de tarification à l’unité pour les formes orales fixes aura un effet limité sur le volume (réduction du gaspillage), mais aucun sur le choix thérapeutique, ni sur le volume prescrit. Nous sommes les premiers à introduire dans les maisons de repos une obligation de prescription sous DCI (Dénomination Commune Internationale). Via une rationalisation du formulaire, elle aura un effet indirect sur le coût des médicaments. La prescription électronique peut aussi s’avérer un instrument important. Le MCC (médecin coordinateur et conseiller) reçoit légalement les compétences nécessaires pour veiller au respect du formulaire et de ses instructions, en concertation avec le pharmacien de la maison de repos et les généralistes qui y visitent leurs patients. Ces étapes sont également nécessaires pour parvenir à une forfaitarisation poussée de tous les médicaments classiques en maison de repos. Cette forfaitarisation peut être menée compte tenu des comorbidités importantes et connues, comme les diabètes et les affections cardiovasculaires. Nous en préparons une simulation. Les exceptions sont identifiables. Par exemple, pour certains chimiothérapeutiques oraux. Les psychotropes se trouveraient ainsi intégralement dans le forfait de la maison de repos. Nous voulons particulièrement insister sur l’usage ciblé des psychotropes, qui sont un point d’attention majeur de la santé publique, a fortiori chez les jeunes. Notre attention se concentre sur le méthylphénidate, les médicaments anti-Alzheimer, les antidépresseurs et les antipsychotiques. Antidépresseurs : nous rendons accessible et nous remboursons la consultation en première ligne d’un psychologue sur la base d’un engagement réciproque du médecin généraliste qui prescrira moins d’antidépresseurs et se limite à l’indication de dépression majeure. Médicaments anti-Alzheimer : avant le début du traitement, patient, famille et soignants prennent des accords clairs sur les modalités dans lesquelles la médication est ‘active’ et quand elle s’arrête (« stopping rules » uniformes conformes aux directives EBM). L’efficacité de ces substances est limitée et aucun anticholinetérase ne s’est avéré supérieur. Nous pouvons donc travailler ici avec un modèle d’adjudication. Des accords sont également passés avec les généralistes et les MCC pour l’usage de ces médicaments en centre de soins résidentiel. Neuroleptiques : Mise en place de directives claires, de formations et de recommandations en vue de bonnes pratiques médicales, avec feed-back aux prescripteurs. Au sein des maisons de repos, nous prévoyons pour le MCC un rôle dans la politique des neuroleptiques, faisant partie intégrante du formulaire. Il faut également passer des accords en Medicomut pour réduire le volume de prescription de ces substances et améliorer la qualité des prescriptions. Méthylphénidate : La réglementation du Chap IV doit être maintenue, mais elle est insuffisamment suivie (par exemple, pour l’ADD, trouble déficitaire de l'attention, attesté par un pédopsychiatre comme ADHD, trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité). Le remboursement du ‘parent counseling’ comme alternative doit être examiné (avec engagement des parents et du médecin détenteur du DMG). Une intervention remboursée du psychologue permettra en outre d’induire une baisse de la consommation. Hôpitaux psychiatriques Il n’existe actuellement aucun incitant en vue d’un usage efficace des médicaments dans ces hôpitaux. Nous observons pourtant des profils de prescription élevés, avec une tendance persistante à prescrire les psychotropes les plus récents et les plus chers, souvent en combinaison et sans valeur ajoutée démontrée. Il convient ici de d’abord délimiter plus avant le problème, d’instaurer de la transparence et ensuite de responsabiliser les psychiatres prescripteurs. Références i Sox HC. Comparative effectiveness research: a progress report. Ann Intern Med. 2010 Oct 5;153(7):469-72 ii Pharmaceutical Sector Inquiry, Final Report, page 181 http://ec.europa.eu/competition/sectors/pharmaceuticals/inquiry/staff_working_paper_part1.pdf iii http://www.gkvspitzenverband.de/krankenversicherung/arzneimittel/rabatt_verhandlungen_nach_amnog/rabatt_v erhandlungen_nach_amnog.jsp iv http://www.farmaka.be/artsenbezoeken.php v https://www.ama-assn.org/ama/pub/advocacy/topics/sunshine-act-and-physician-financialtransparency-reports.page vi Gallagher et al. STOPP and START. Consensus validation. Int J Clin Pharmacol Ther 2008;46:72-83