Les Castors à Rezé

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Les Castors à Rezé
Les bistrots de l’Histoire
Les Castors
à Rezé
Une expérience
d’auto-construction collective
plus d’infoS 02 40 84 43 60 / www.mairie-reze.fr
Les Castors à Rezé
Une expérience
d’auto-construction collective
« Dans la société actuelle, nous sommes individuellement
des faibles, des exploités. Exploités dans notre travail qui
n’est pas suffisamment payé, dans nos logements où nos
gosses manquent d’air. Mais un fort ne peut rien contre
des faibles qui s’unissent. Seul, chacun de nous ne pourrait se libérer de sa situation, ni bâtir sa maison. Ensemble
nous y parviendrons. Pour poser cet acte d’homme libre,
il faut l’épanouissement complet de la personne humaine.
Celui qui vient avec l’idée de bâtir seul sa maison, pour
ignorer ensuite tous les autres, n’a rien à faire dans notre
société. Nous ne bâtirons pas chacun notre maison, mais
nous bâtirons ensemble notre cité1».
Écrites il y a presque 60 ans, ces quelques phrases
sont extraites du règlement intérieur du Comité ouvrier
du logement (COL), structure porteuse d’une expérience rezéenne d’auto-construction collective, celle
des Castors. Puisant à la fois dans les écrits d’acteurs de cette aventure et dans des études universitaires mais aussi dans les archives publiques, cette
courte synthèse vous propose de découvrir ou de
redécouvrir cette histoire.
© Claire Cité vu du ciel (collection AMR)
Règlement intérieur du comité ouvrier du logement adopté à l’unanimité des 70 membres présents à l’assemblée générale du 30 avril 1950.
Maurice Vilandau, L’étonnante aventure des Castors – L’autoconstruction dans les années 50, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 26-27 et Lanfant Thierry
/ Richard Chantal, Claire Cité ; Ballinière – Histoire d’une aventure auto-construite, Nantes, Ecole d’architecture de Nantes, 1986, volume 1, p. 37.
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Charles Richard, Un village dans la ville (Claire Cité) – Histoire d’une cité construite par les habitants eux-mêmes (Les Castors de Rezé), Saint-Vincentsur-Oust, ELOR, 1996 et www.citecastors-pessac.fr.
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Pénurie de logements
et essor du mouvement Castor
En 1945, le nombre de logements détruits ou endommagés par la guerre est très élevé. Saint-Nazaire est détruite
à 85 % et à Nantes près de 35 % du parc immobilier
est endommagé. Au niveau national, 18 % du parc de
logements soit 2.300.000 logements sont indisponibles.
Pour faire face aux besoins, il faudrait construire 20.000
logements par mois. Or, il ne s’en construit que 40.000
pour l’année 1948, 52.000 en 1949 et 71.000 en 1951.
En 1949, un français sur sept est à la recherche d’un
logement, un jeune ménage sur cinq est dans l’obligation
de vivre chez ses parents. Les logements sont très mal
équipés : seulement un sur trois dispose de toilettes à
l’intérieur1.
Sans attendre la mise en place d’un programme national
de soutien à la construction, des groupes se constituent
à travers la France afin d’édifier par leurs propres moyens
leur habitation. Il vont prendre le nom de « Castors », en
référence à ce rongeur connu pour les barrages, les digues et les huttes qu’il construit sur les cours d’eau.
L’origine des Castors se trouve à Saint-Etienne, où est
créé en 1931 le Cottage stéphanois, société coopérative d’habitations à bon marché. Elle compte jusqu’à 600
adhérents, mais en 1939 seulement 29 habitations ont
été construites, en raison de nombreuses tracasseries.
En 1948, un groupe d’ouvriers de Pessac, en Gironde,
reprend le flambeau et retient de l’échec stéphanois l’importance d’un financement relais et l’obligation du tra-
vail sur le chantier2. A Nantes un petit groupe castor se
constitue, rejoint très vite par un groupe rezéen.
En novembre 1949, les castors de Pessac accueillent durant trois jours des délégués de toute la France, dont un
nantais, afin de leur montrer leur expérience. Le compterendu réalisé par le délégué nantais dès son retour entraîne la création officielle de l’Association des castors de
la Loire. Mais très vite, ses responsables réalisent que
pour obtenir des crédits de l’Etat, ils doivent créer une
société coopérative d’accession à la propriété : fondée
le 8 janvier 1950, elle prend le nom de Comité ouvrier du
logement et, après sept mois d’attente, est agréée par
l’Etat.
Parallèlement les castors nantais et rezéens ont entamé
les recherches d’un terrain. Après la déconvenue d’un
terrain aux Landreaux, ils se replient sur 8 hectares faisant
partie de la propriété de la Balinière. Après quelques péripéties, le COL signe l’acte d’acquisition le 6 juillet 1950.
Le chantier peut commencer. Il va durer quatre années4.
© Papier à entête
du Comité ouvrier
du logement (collec
tion AMR)
L’aventure de la construction de Claire Cité
Le 8 juillet 1950 a lieu l’ouverture officielle du chantier avec
affichage du plan d’ensemble de la cité. 101 maisons
sont prévues5. La liste des souscripteurs est close depuis
le mois de février. Afin de pouvoir prétendre à l’attribution
d’un lot, chaque castor s’engage à effectuer 24 heures
de travail par mois auxquelles s’ajoutent deux semaines
à prendre sur les congés annuels. Ces heures constituent « l’apport-travail », qui estimé à 240 francs l’heure
de travail représentera au final 15 % du coût global de la
construction. Sans la reconnaissance de l’apport-travail,
qui se substitue à l’apport financier exigé pour obtenir
des prêts d’état, il est clair que le plan de financement du
projet n’aurait pu être bouclé. En outre, chaque souscrip-
teur doit effectuer un versement mensuel qui s’élève au
départ à 3 000 francs.
La liste des travaux que les castors vont accomplir est
impressionnante : abattage des arbres, extraction de
18 000 m3 de pierres dans une carrière de Bouguenais, busage du ruisseau de la Balinière, fabrication de
245 000 parpaings, etc. Durant les étés 1951 et 1952,
ils reçoivent l’aide de volontaires du Service civil international. Certains Castors deviennent salariés du COL. Des
professionnels sont embauchés pour édifier les maisons.
Les finitions sont repoussées et seront réalisées au gré
des capacités financières des ménages qui auront reçu
attribution du logement6.
Charles Richard, op. cit., p. 27-38.
AMR 0009 W 001 et 0100 W 010, Comité ouvrier du logement La Balinière, permis de construire et autorisation de lotir.
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Michel Messu, L’esprit castor – Sociologie d’un groupe d’auto-constructeurs : l’exemple de la cité de Paimpol, PUR, 2007, p. 56-57.
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© L’inauguration de la Cité
(Ouest-France, 12 juillet 1954
officielle de Claire Cité8. Les heures « castors » sont
maintenues, mais allégées, jusqu’à la fin de l’année
1954. Depuis juillet 1953, la gestion de la cité a été
confiée à la Société anonyme coopérative de gestion
« Claire Cité ». La fin des travaux n’entraîne pas pour
autant la disparition du COL.
© La cité en construction (collection Berthaud)
En mai 1953, les premières maisons finies sont inaugurées par Pierre Courant, ministre de la reconstruction et du logement. La dernière maison est occupée
en juin 19547. Le 11 juillet suivant a lieu l’inauguration
L’assemblée générale du Comité ouvrier du logement du
14 juin 1953 adopte en effet la proposition du Conseil
d’administration qui a estimé « qu’il était de son devoir de tout mettre en œuvre et sur tous les plans pour
bousculer les vieilles méthodes de la construction
française qui font que des milliers de familles croupissent et crèvent dans des taudis ». Le COL va donc
construire de nouveaux logements.
À Rezé, il a fini par acquérir les terrains des Landreaux.
En 1954, lui est accordé un permis de construire pour
157 pavillons au Haut-Landreau9. Mais le dispositif
d’aide à la construction de l’Etat a évolué : pour obtenir des crédits, il faut construire selon les « plans Courant », qui ont une surface plus réduite que les maisons
de Claire Cité. De plus, la part de l’auto-construction
devient plus faible car le temps passé n’apporte pas
de financement complémentaire ou des taux réduits.
Enfin la durée maximale des chantiers est fixée à
deux ans.
À partir de la seconde moitié des années 50, l’Etat
privilégie la construction de grands ensembles et individualise les prêts. Le « castorat » tel qu’envisagé
par les initiateurs de Claire Cité disparaît peu à peu10.
Lorsque le COL construit le lotissement du Bas-Landreau à partir de 1964, le temps des Castors est révolu11.
© Inauguration d’une plaque commémorative en
octobre 1990 (collection AMR)
L’autoconstruction collective,
un palliatif voué à disparaître ?
Durant ses plus belles années, entre 1950 et 1954, la
production de logements Castors a représenté 1,5 %
des logements totaux construits, 4,3 % du secteur
aidé et 7,5 % du secteur social12, ce qui loin d’être négligeable. Néanmoins, ce mouvement a t’il seulement
été un palliatif à une crise du logement ou portait-il en
lui des valeurs qui 60 ans plus tard ont toujours toute
leur place ?
Charles Richard, op. cit., p. 39-116.
Ouest-France, 12 juillet 1954. La propriétaire du château de la Balinière a exigé que le nom de la cité ne contienne pas le mot
Balinière.
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ADLA 1493 W 111, Lotissement du Haut-Landreau et AMR, 0009 W 0003, Comité ouvrier du logement, Lotissement
du Haut-Landreau, permis de construire.
10
Lanfant Thierry / Richard Chantal, op. cit., Volume 2, p.188-189.
11
AMR 0009 W 029-036 et 0100 W 284, Comité ouvrier du logement, Lotissement du Bas-Landreau, autorisation et permis
de constuire.
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Contact : 02 40 84 42 56
[email protected]
© Mairie de Rezé : Textes : Ronan Viaud - Maquette NH
Visuel couverture : nathalie.fonteneau.com Crédits photos : Archives municipales de Rezé et Mme Berthaud

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