DOULEURS ABDOMINALES CHRONIQUES

Transcription

DOULEURS ABDOMINALES CHRONIQUES
DOULEURS
ABDOMINALES
CHRONIQUES
Les douleurs abdominales chroniques posent au clinicien un problème diagnostique plus complexe que celui de l'étiologie des
douleurs aiguës. Si, dans le cadre des douleurs aiguës, un diagnostic précis est posé chez environ 75 % des patients dès l'épisode initial, il n'en va pas de même des douleurs abdominales
chroniques dont les causes, nombreuses, peuvent être intriquées.
L'interrogatoire du patient est souvent peu utile pour orienter la
démarche diagnostique, et de nombreuses causes ne peuvent être
formellement objectivées par les explorations complémentaires
puisqu'elles se rattachent à des syndromes douloureux chroniques
qui sont en fait des diagnostics d'exclusion. Il n’est pas prévu dans
le cadre de cet ouvrage de discuter tous les syndromes fonctionnels digestifs caractérisés par des douleurs chroniques. Nous développerons plus particulièrement les aspects de la sensibilité
viscérale en rapport avec l'un d'entre eux, le plus fréquent, le
syndrome de l'intestin irritable.
47
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Quelle est l'importance
des troubles fonctionnels
intestinaux dans l'étiologie
des douleurs abdominales
chroniques ?
Le diagnostic différentiel des douleurs abdominales chroniques
doit envisager les causes digestives les plus fréquentes, sans
oublier les affections urologiques (rares) et, chez la femme, les
très fréquentes causes gynécologiques. Certains patients rapportent par ailleurs des douleurs sans association avec des signes
fonctionnels digestifs, cataloguées comme « syndrome des douleurs abdominales fonctionnelles ». Celles-ci se définissent comme
des douleurs abdominales chroniques, présentes de manière continue ou non, depuis au moins six mois, sans autre signe digestif et
associées à une réduction des activités quotidiennes.
Dans la sphère digestive, le syndrome douloureux le plus
fréquent est le syndrome de l'intestin irritable. Il se définit comme
l'association de douleurs abdominales chroniques et d'anomalies
du rythme et/ou de la consistance des selles. Depuis sa description initiale le syndrome de l'intestin irritable a fait l'objet de
nombreuses études et publications. En 1989 et 1999, les critères de Rome ont été définis par un groupe d'experts internationaux pour en faciliter le diagnostic (tableau IV). En pratique
clinique, le syndrome de l'intestin irritable est souvent
diagnostiqué comme l'association de douleurs abdominales
chroniques et de troubles du transit, c'est-à-dire de constipation,
diarrhées ou de l'alternance des deux. Cette attitude néglige de
49
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
fait un élément important du diagnostic, qui est l'association du
début des crises douloureuses abdominales avec une modification de la fréquence et/ou de la consistance des selles. Ce
critère de diagnostic est considéré comme restrictif par certains
médecins et explique les différences qui sont observées dans la
prévalence du syndrome, lorsque les critères de Rome II sont
appliqués. Il faut par ailleurs noter que ces critères insistent sur
le caractère chronique des douleurs qui est défini par leur présence pendant au moins douze semaines au cours des douze
derniers mois. Affirmer ce caractère chronique est difficile en
pratique, dans la mesure où il fait appel à la mémoire des
patients, sur une période longue (douze mois) et qu'une étude
récente a montré que près de 40 % des patients qui répondent
par ailleurs aux critères de Rome du syndrome de l'intestin
irritable n'atteignent pas ce seuil de fréquence des douleurs
abdominales.
Il convient cependant de distinguer les patients souffrant
du syndrome de l'intestin irritable qui présentent une constipation
chronique – chez lesquels les douleurs ne sont que rarement présentes et toujours associées à une stase stercorale – de ceux ayant
des diarrhées indolores. La physiopathologie de ces syndromes est
sans doute différente, et les douleurs abdominales y sont rares et
secondaires aux troubles du transit. À l'inverse, les douleurs abdominales chroniques, non associées à d'autres signes digestifs, surviennent généralement chez des patients qui présentent une
tendance marquée à se plaindre d'autres douleurs et symptômes
somatiques désagréables. Lorsque les douleurs persistent sur de
longues périodes, interfèrent de manière constante avec la vie
quotidienne et les activités du patient, et induisent des comportements pathologiques à la recherche de bénéfices secondaires,
l'association à un trouble psychiatrique doit être fortement suspectée.
50
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Chez la femme, le diagnostic différentiel doit être orienté
en tenant compte des douleurs d'origine gynécologique. Ce diagnostic est souvent difficile, du fait de l'intrication des douleurs
d'origines digestive et gynécologique. Les symptômes en rapport
avec des troubles fonctionnels digestifs sont en fait augmentés
au moment des règles chez de nombreuses patientes et l'interrogatoire de la malade fait difficilement la différence entre les modifications du transit liées au cycle menstruel et aux signes
fonctionnels qui en découlent, et les symptômes proprement
digestifs.
Le syndrome de l'intestin irritable est le plus fréquent des
troubles fonctionnels intestinaux et les conséquences économiques majeures que suscitent la demande d'examens à visée
diagnostique et les soins ont motivé de nombreuses recherches
épidémiologiques. Drossman a démontré que 15 à 20 % d'une
population apparemment saine, c'est-à-dire ne consultant pas,
présentait des symptômes semblables à ceux habituellement
retrouvés chez les patients présentant un syndrome de l'intestin
irritable. Dans cette population, seulement 10 % des sujets consultent pour ces symptômes, ce qui provoque chaque année 3,5 millions de consultations aux États-Unis et représente 25 % des
motifs de consultation chez les gastro-entérologues. D'autres
enquêtes ont confirmé l'importance des plaintes digestives fonctionnelles dans la population générale. La prévalence du syndrome
de l'intestin irritable a été évaluée à 6,6 % au Danemark, 9 %
aux Pays-Bas, entre 13,6 % et 22 % en Grande-Bretagne, entre
9,4 % et 16,9 % aux États-Unis ; elle a atteint 22 % en Chine et
25 % au Japon. Tous ces chiffres sont fondés sur des définitions
probablement différentes, ce qui explique au moins partiellement
les variations constatées.
Pour interpréter ces différences de prévalence, il faut en
effet tenir compte de l'utilisation de critères plus ou moins res51
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
trictifs ainsi qu'en témoigne une récente étude danoise, portant sur
4 581 personnes. Selon les critères sélectionnés (douleur soulagée
ou non par la défécation, ballonnements ou borborygmes, consistance anormale des selles), la prévalence varie entre 5 et 65 % et
l'incidence entre 1 et 36 %. En réalité, quand le syndrome de l'intestin irritable est caractérisé notamment par des selles anormales,
la prévalence est de 13,7 % ; par des douleurs soulagées par la
défécation, elle est de 7 % ; et par l'association des deux critères
de 11 % pour les hommes et de 20 % pour les femmes. Parmi les
sujets ayant des symptômes, 4 à 18 % ont consulté un médecin.
En France, des symptômes fonctionnels digestifs ont été
retrouvés chez 61 % de la population française, entraînant une
consultation dans 12,5 % des cas et un traitement par ordonnance
ou automédication pour 27 % des sujets. Cette étude portant sur
4 817 sujets représentatifs de la population est basée sur la prévalence des plaintes fonctionnelles digestives déclarées sur un
auto-questionnaire utilisant des termes aisément compréhensibles
pour le grand public, excluant les définitions académiques du syndrome de l'intestin irritable ou des troubles fonctionnels intestinaux, mais reprenant leurs signes. Parmi les plaintes le plus
souvent retrouvées, que leur origine soit haute ou basse, apparaissent par ordre de fréquence : l'émission de gaz (59 %), les
douleurs abdominales (48 %), les ballonnements (47 %), la sensation de mauvaise digestion (40 %), la constipation (35 %),
l'aérophagie (29 %), la diarrhée (28 %), la mauvaise haleine (22 %)
et la sensation d’évacuation incomplète de selles (19 %). Cette
étude a donc permis de démontrer que, vues sous un angle très
large, les plaintes fonctionnelles digestives avaient une prévalence
deux fois plus fréquente que lorsqu'elles étaient évaluées dans le
cadre du syndrome de l'intestin irritable ou de la dyspepsie puisqu'elles se retrouvaient chez vingt-huit millions de Français âgés
de plus de quinze ans.
52
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Pour bénins qu'ils soient, les troubles fonctionnels intestinaux, et en particulier le syndrome de l'intestin irritable, entraînent des dépenses cliniques, endoscopiques et thérapeutiques.
Pour mieux approcher le problème des coûts directs (liés à la prise
en charge du problème), des coûts indirects (liés aux arrêts de travail) et des coûts intangibles (expliqués par les conséquences de
la douleur sur l’activité physique et psychique), une étude française a évalué le « coût » du patient atteint d'un syndrome de l'intestin irritable à 534 euros par an, 25 % des patients ayant dépensé
moins de 152 euros et 6,5 % plus de 1 982 euros. Aux États-Unis,
les dépenses annuelles, estimées par patient, s'élèvent à 742 dollars US, pour les patients ayant un syndrome de l'intestin irritable typique (n = 536), à 429 dollars US pour les sujets contrôles,
c'est-à-dire sans symptômes gastro-intestinaux (n = 775), et à
614 dollars US pour les sujets présentant quelques symptômes
digestifs, mais ne rentrant pas dans la définition stricte du syndrome de l'intestin irritable (n = 1 711). L'impact économique du
syndrome de l'intestin irritable est donc important et significatif.
En toute logique, les sujets qui présentent le plus de symptômes
coûtent plus que ceux qui n'en ont pas. L'âge intervient également dans les paramètres économiques, ainsi que le degré d'éducation, mais il n'y a aucune différence selon les sexes.
Les douleurs abdominales fonctionnelles isolées sont nettement moins fréquentes que le syndrome de l'intestin irritable.
Dans des enquêtes réalisées parmi la population générale, les douleurs abdominales isolées sont retrouvées chez 1,7 % des sujets,
principalement des femmes, alors que les mêmes études montrent une prévalence de 9,2 % pour le syndrome de l'intestin irritable lui-même. Il est difficile de déterminer si ces enquêtes
réalisées dans la population générale surestiment la prévalence
des troubles fonctionnels digestifs. Néanmoins, ces patientes perdent en moyenne 11,2 jours de travail par an (4,2 jours chez les
53
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
sujets sans symptômes digestifs), consultent trois fois plus souvent
et subissent en moyenne 2,7 interventions chirurgicales, principalement une hystérectomie ou une laparotomie exploratrice.
Comment intégrer les facteurs
étiologiques des TFI
pour expliquer les douleurs
abdominales ?
L'approche classique de la physiopathologie d'une entité clinique
est de déterminer la maladie qui explique les symptômes présentés par le patient et qui peut être diagnostiquée par des tests
biologiques objectifs et mesurables ou par des examens morphologiques qui permettent au médecin d'affirmer ou d'exclure la
présence de cette maladie. L'expérience montre que cette
démarche est prise en défaut pour la compréhension des troubles
fonctionnels digestifs pour plusieurs raisons :
– une cause unique n'a pu être mise en évidence pour expliquer
l'apparition des symptômes chez ces patients ;
– les facteurs déclenchant les symptômes sont multiples et peuvent s'associer chez un même patient ;
– les symptômes sont inconstants dans le temps et s'associent de
manière variable chez un même patient, rendant le tableau
clinique incertain ;
– aucun marqueur biologique n'est apparu comme spécifique ni
suffisamment sensible pour discriminer patients et sujets normaux.
54
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Récemment, Drossman a proposé un modèle biopsychosocial (Figure 9) qui intègre ces spécificités des troubles fonctionnels digestifs et se fonde sur l'interaction entre le SNC et le tractus
digestif, conceptualisée dans l'axe cerveau-intestin (voir plus haut).
Comprendre ce modèle est important pour le clinicien, car il permet de regarder les symptômes du patient comme l'expression de
désordres multiples des fonctions digestives (motricité, sensibilité,
etc.), sous l'influence de facteurs socioculturels et psychologiques.
Malgré les différences entre syndromes, liées à l'organe à l'origine
des symptômes, un certain nombre de points communs constituent la base physiopathologique concernant l'ensemble des
troubles fonctionnels intestinaux :
– les troubles de la motricité digestive peuvent expliquer des
symptômes tels que vomissements, diarrhées et douleurs abdominales aiguës. De plus, chez le sujet normal, le stress ou une
émotion forte peuvent stimuler la motricité des différents seg-
Fig. 9 – Physiopathologie du syndrome de l'intestin irritable
Schéma physiopathologique du syndrome de l'intestin irritable, montrant les
différents facteurs étiologiques reconnus dans la littérature et leurs rapports avec
l'axe cerveau-intestin dont les perturbations rendent compte des symptômes qui
caractérisent le syndrome.
55
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
ments du tractus digestif. Chez les patients atteints de troubles
fonctionnels digestifs, ces réponses peuvent être exacerbées.
Cependant, ces réponses motrices sont peu spécifiques et rarement corrélées avec l'apparition ou la persistance des symptômes ;
– l'hypersensibilité viscérale a été reconnue récemment comme
une caractéristique fréquente mais non systématique des patients
avec troubles fonctionnels digestifs. Ces patients perçoivent de
manière plus intense des stimuli douloureux (hyperalgésie) ou
ressentent comme douloureux des stimuli physiologiques (allodynie). L'origine de cette hypersensibilité n'est pas bien connue ;
– l'inflammation de la muqueuse intestinale ou des terminaisons
nerveuses du plexus myentérique peut également contribuer à
l'apparition de symptômes évoquant des troubles fonctionnels
intestinaux et à l'hypersensibilité viscérale, comme nous l'avons
vu plus haut.
Ces différents aspects physiopathologiques des troubles
fonctionnels intestinaux sont intégrés dans le modèle biopsychosocial présenté dans la figure 9. Certaines sensations
extéroceptives, venant du milieu environnant (vision, goût…) et
intéroceptives, propres à l'individu (émotions, expériences passées…) influencent les fonctions digestives (sensibilité, motricité,
sécrétions, processus inflammatoire) par leur action sur les centres
nerveux supérieurs. De même, les sensations d'origine viscérale,
notamment les perceptions nociceptives (douleurs, réflexes
viscéraux anormaux…) affectent la perception centrale de la douleur, l'humeur et donc le comportement de l'individu. Expérimentalement, des contractions coliques provoquées chez le rat
stimulent des noyaux hypothalamiques étroitement reliés aux
centres cérébraux de l'émotion. À l'inverse, l'anxiété comme
l'hypervigilance sont associées à une inhibition des complexes
moteurs migrants intestinaux.
56
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Les perturbations de l'axe cerveau–intestin peuvent aussi
influencer la réponse de l'organisme à une agression infectieuse
du tractus digestif. La comparaison entre des patients qui développent un syndrome de l'intestin irritable après une gastro-entérite et ceux qui ne le font pas, montre que les troubles
psychologiques ou sociaux sont plus fréquents chez les premiers.
Cependant, les modifications des fonctions sensori-motrices de
l'intestin, conséquence de cet épisode de gastro-entérite, étaient
présentes chez les patients des deux groupes, mais l'infiltrat
inflammatoire de la paroi intestinale était plus important chez les
patients ayant développé des symptômes. Donc, l'existence de
facteurs psychosociaux contribue à la pérennité des symptômes
chez certains patients, à travers une exacerbation de réponses
adaptatives de l'organisme à l'agression initiale. Le même modèle
physiopathologique peut s'appliquer pour expliquer le rôle du
stress, qui sensibilise le SNC et entraîne une réaction de l'axe
hypothalamus-hypophyse-surrénales et la libération de cytokines.
Bien que l'existence de facteurs psychosociaux ne soit pas
requise pour définir les troubles fonctionnels digestifs ni en poser
le diagnostic, ils influencent largement l'expérience personnelle et
le comportement du patient et, donc, son évolution clinique. Le
rôle des facteurs psychosociaux revêt trois aspects principaux :
– le stress psychologique exacerbe les symptômes d'origine digestive. Chez les sujets normaux, le stress émotionnel influence les
fonctions digestives et cet effet est amplifié chez les patients
atteints de troubles fonctionnels digestifs ;
– les troubles psychologiques modifient l'expérience de la maladie et le comportement du malade, notamment sa demande de
soins. Les études épidémiologiques montrent que ces facteurs ont
une influence plus importante chez les patients fonctionnels les
plus sévères, qui consultent dans des centres spécialisés, alors que
les patients qui ne consultent pas ou rarement ne sont pas diffé57
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
rents de la population générale. Les antécédents de traumatisme
psychoaffectif (abus sexuel ou violence physique notamment)
sont associés à une hypersensibilité viscérale et un pronostic péjoratif ;
– le retentissement des troubles fonctionnels digestifs sur la qualité de vie des patients a été démontré : capacité diminuée d'assumer une vie sociale ou professionnelle, capacité de réaction
face aux symptômes et à la maladie, vie familiale, etc.
Le lien entre facteurs physiologiques et psychologiques
est donc essentiel pour comprendre les mécanismes physiopathologiques des troubles fonctionnels digestifs. Ces liens sont
représentés par le modèle présenté dans la figure 9. Au début de
la vie, les facteurs génétiques et environnementaux (apprentissage de la propreté, expérience familiale des problèmes digestifs,
antécédent d'abus sexuel ou physique…) ou des antécédents
pathologiques (infection…) peuvent influencer le développement
psychosocial de chacun (susceptibilité au stress, capacité de réaction face à la maladie ou aux événements de la vie, aide et compréhension de la part du milieu social ou familial) ou le
développement des fonctions digestives (sensibilité et motricité).
La survenue d'un trouble fonctionnel digestif et sa nature sont
donc déterminées par cette interaction des facteurs physiologiques et psychologiques au niveau de l'axe cerveau–intestin.
À partir de ce modèle, on comprend donc qu'il est inutile
de rechercher lequel de ces facteurs, psychologiques ou physiologiques, est responsable de la survenue de douleurs abdominales
ou d'autres symptômes digestifs. Les troubles fonctionnels digestifs doivent être interprétés comme l'expression d'un dysfonctionnement de l'axe cerveau–intestin, et le but de l'examen
clinique et des investigations complémentaires sera de préciser la
part de responsabilité de ces différents facteurs.
58
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
L'hypersensibilité viscérale
est-elle présente chez tous les
patients présentant un syndrome
de l'intestin irritable ?
L'exploration de la sensibilité viscérale chez les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable repose surtout sur les tests
de distension luminale, réalisés au moyen d'un barostat (voir
p. 65). L'hypersensibilité à la distension est fréquente chez les
patients avec syndrome de l'intestin irritable, mais ne concerne pas
tous les patients. Soixante pour cent des patients ont des seuils de
perception et de douleur abaissés par rapport aux témoins. Une
étude suggérait que la distension rectale pourrait être utilisée
comme un marqueur objectif pour le diagnostic de syndrome de
l'intestin irritable, mais tous les patients n'étaient pas hypersensibles lors d'une première distension et il était nécessaire de pratiquer une première série de distensions, pour « sensibiliser » le
patient et démasquer l'hypersensibilité chez certains d'entre eux.
La plupart des études ont démontré que les patients présentant un
syndrome de l'intestin irritable avec diarrhées étaient plus sensibles à la distension rectale. Cependant, quelques études ont également démontré l'existence d'une hypersensibilité à la distension
du côlon ou du rectum chez les patients constipés. Dans une
étude, le test de la distension rectale entraînait la séparation des
patients constipés en deux groupes : les patients avec sensation
incomplète d'évacuation étaient hypersensibles et les patients
sans aucune sensation de besoin, mais avec un important inconfort abdominal étaient plutôt hyposensibles. L'hypersensibilité à
59
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
la distension n'est donc pas corrélée à un trouble particulier du
transit. La raison pour laquelle cette hypersensibilité n'est pas
constamment retrouvée chez les patients avec syndrome de
l'intestin irritable n'est pas connue. Certains patients n'étant pas
hypersensibles à la distension rectale peuvent percevoir de
manière exagérée la distension d'un autre segment du tractus
digestif, par exemple du jéjunum.
Il existe, en outre, une corrélation entre l'abaissement des
seuils de perception de la distension rectale et l'intensité des symptômes dus au syndrome de l'intestin irritable. Chez un petit
nombre de malades, ces auteurs ont montré que, lorsque les symptômes s'améliorent, l'hypersensibilité disparaît. Cela constitue un
argument supplémentaire pour ne pas considérer l'hypersensibilité rectale comme un marqueur constant, permettant un diagnostic positif de syndrome de l'intestin irritable. D'autres études
n'ont pas retrouvé cette relation entre l'intensité des symptômes
et l'abaissement des seuils de perception de la distension rectale.
Ces tests ont permis de démontrer que cette hypersensibilité n'était pas limitée aux organes considérés comme les plus
impliqués dans la genèse du syndrome, par exemple le côlon et le
rectum chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable.
Plusieurs études ont montré que la distension de l'œsophage et des
différentes parties de l'intestin grêle, du duodénum à l'iléon, était
également perçue de manière exagérée par les patients avec syndrome de l'intestin irritable.
60
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
L'hypersensibilité viscérale
ne concerne-t-elle que le
syndrome de l'intestin irritable ?
Les troubles de la sensibilité viscérale et notamment l'hypersensibilité ne sont pas limités à la physiopathologie du syndrome de
l'intestin irritable.
Le concept d'œsophage hypersensible ou d'œsophage
acido-sensible a été proposé, voici plus de vingt ans pour expliquer
les symptômes de reflux ou les douleurs thoraciques survenant
chez des patients ayant un bilan coronarien négatif et aucun signe
objectif en faveur d'un reflux gastro-œsophagien acide. Vingt à
30 % de la population des pays occidentaux présente des symptômes évoquant un reflux gastro-œsophagien, en fonction du
seuil définissant le caractère pathologique de ce reflux. Seule une
minorité de ces patients (environ 20 %) va consulter et bénéficier
d'investigations complémentaires. On peut dès lors estimer que
moins de 20 % des patients qui consultent pour ces symptômes
ont des signes objectifs de reflux gastro-œsophagien. Parmi les
patients ayant des symptômes compatibles avec le diagnostic de
« pyrosis fonctionnel », on retrouve une faible proportion qui présente une hypersensibilité aux stimuli intra-luminaux. Cette
hypersensibilité s'exprime par rapport à divers modes de stimulation tels que la distension de l'œsophage par un ballonnet, la perfusion d'une solution acide (test de Bernstein) ou d'une solution
hyperosmolaire, la perfusion de liquide chaud ou froid ou la stimulation de la paroi œsophagienne par un stimulus électrique.
Chez les patients qui souffrent de douleurs thoraciques
non cardiaques, on observe une hypersensibilité aux mêmes sti61
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
muli, pouvant s'accompagner de contractions anarchiques du
corps de l'œsophage. Dans cette pathologie, il est d'ailleurs possible de recourir à un test de stimulation par le Tensilon®, agoniste cholinergique qui provoque des contractions œsophagiennes
anormales et fréquemment douloureuses chez un certain nombre
de patients (jusqu'à 50 % de réponses positives selon les études).
Toutefois, ce test ne peut être réalisé qu'après avoir obtenu la
confirmation d'un bilan coronarien négatif. L'hypersensibilité
observée chez ces patients relève effectivement d'un mécanisme
d'allodynie, c'est-à-dire de perception douloureuse d'événements
non douloureux. Ainsi, dans un groupe de patientes présentant des
douleurs thoraciques non cardiaques, environ 75 % d’entre elles
percevaient de manière douloureuse des biopsies œsophagiennes
qui sont, bien entendu, non douloureuses chez des sujets normaux et ces patientes pouvaient distinguer en aveugle les vraies
biopsies des fausses.
Le problème de l'œsophage acido-sensible reste cependant une entité débattue. La similitude des symptômes et la progression continue du pyrosis fonctionnel au reflux gastroœsophagien sévère avec œsophagite ulcérée rendent difficile la
classification des patients. La plupart des patients répondent
d'ailleurs à un traitement antisécrétoire, si celui-ci est prolongé suffisamment longtemps (au moins quatre mois) afin de diminuer les
phénomènes inflammatoires au niveau de la paroi de l'œsophage
lorsqu'il existe un réel reflux n’ayant pu être mis en évidence.
Cette observation suggère une origine inflammatoire à l'hypersensibilité œsophagienne, comme cela a été montré plus haut
pour l'hypersensibilité observée au niveau abdominal chez les
patients présentant un syndrome de l'intestin irritable. En
revanche, les mécanismes physiopathologiques de l'œsophage
acido-sensible sont peu connus. Lors d'une stimulation magnétique des hémisphères cérébraux chez des volontaires sains, il est
62
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
possible de provoquer des douleurs thoraciques. Plusieurs études
ont également montré que les patients avec des douleurs thoraciques non expliquées avaient des schémas de projection centrale
des stimuli œsophagiens différents de ceux observés chez des
sujets sains. Plus récemment, quelques études ont attiré l'attention
sur l'étirement de la couche musculaire longitudinale de l'œsophage qui pourrait médier la réponse sensitive.
Chez les patients présentant une dyspepsie non ulcéreuse,
l'hypersensibilité gastrique est aujourd'hui considérée comme un
facteur important parmi les mécanismes physiopathologiques.
Alors que la sensibilité somatique (test de la main dans l'eau
froide, électrostimulation cutanée) est normale chez les patients
dyspeptiques, il existe une hypersensibilité à la distension de l'estomac. Celle-ci se traduit par des seuils de perception de la distension abaissés chez les patients par rapport aux sujets contrôles.
De plus, les patients perçoivent un stimulus donné, plus intensément que les sujets normaux, ou décrivent une sensation douloureuse, pour des stimuli perçus comme indolores par les sujets
contrôles. L'hypersensibilité à la distension n'est pas cantonnée à
l'estomac chez les patients dyspeptiques, puisque ces malades
sont également hypersensibles à une distension duodénale ou
jéjunale. Les causes de cette hypersensibilité gastrique ne sont
pas connues. D'une manière générale, plusieurs mécanismes ont
été identifiés à l'origine des troubles de la sensibilité viscérale
comme des troubles de la motricité. Les études cliniques n'ont pas
permis de mettre en évidence une corrélation parfaite entre les
troubles de la sensibilité et de la motricité et les symptômes caractéristiques de la dyspepsie. Néanmoins, récemment, l'utilisation
de nouvelles méthodes de mesure de ces fonctions a permis d'établir un lien plus solide entre l'hypomotricité responsable de la
stase gastrique et des symptômes tels que la sensation de plénitude post-prandiale ou les nausées ; entre la diminution de l'ac63
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
commodation gastrique et la satiété précoce ; entre la distension
antrale et les sensations d'inconfort post-prandial. Enfin, les propriétés élastiques de la paroi gastrique ne sont pas modifiées chez
les patients dyspeptiques, la compliance de cette paroi à la distension n'étant pas différente de celle mesurée chez les sujets
contrôles.
Chez les patients présentant des douleurs abdominales
fonctionnelles non associées à d'autres signes digestifs, le rôle de
l'hypersensibilité viscérale a été moins bien documenté. Dans les
situations de douleurs chroniques, il existe une hyperstimulation
des voies antinociceptives descendantes (voir ci-dessus), qui
modulent l'influx des afférences viscérales digestives vers le cerveau et, en particulier, la transmission des sensations douloureuses. Dans une étude de la sensibilité viscérale par la réponse à
la distension rectale, des patients qui présentent une maladie de
Crohn ont une réponse témoignant d'une hyposensibilité à la distension, avec des seuils de douleur plus élevés que ceux des
contrôles et des patients avec syndrome de l'intestin irritable. Il
n'est pas possible dans l'état actuel des connaissances de relier de
manière spécifique les douleurs abdominales chroniques non associées à des troubles du transit à une véritable hypersensibilité
viscérale.
64
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Est-il utile d'explorer
la sensibilité viscérale chez les
patients atteints de troubles
fonctionnels intestinaux ?
Comment mesurer la sensibilité digestive chez l'homme ?
L'hypersensibilité viscérale a surtout été démontrée grâce aux
tests de distension luminale, chez les patients avec syndrome de
l'intestin irritable. Ces tests ont été rendus plus faciles par l'utilisation du barostat (Fig. 6) qui permet une mesure plus précise et
reproductible de la pression et du volume de distension. Les résultats de ces études de distension sont influencés par de nombreux
facteurs (voir ci-dessous) qui dépendent du patient comme de la
technique utilisée et des protocoles de distension. L'hypersensibilité est mise en évidence par des protocoles de distension
phasique, c'est-à-dire constitués d'une série de distensions rapides
(vitesse d'insufflation du ballon égale à 40-60 ml/s) et de courte
durée (une à deux minutes), jusqu'à provoquer une sensation douloureuse (méthode des limites ascendantes). A contrario, la
distension lente et progressive du rectum ne montre pas de
différence entre les témoins et les patients avec syndrome de
l'intestin irritable. Plusieurs auteurs ont émis l'hypothèse de l'existence de biais psychologiques de perception de la distension au
cours de ces protocoles simples, l'intensité du stimulus étant toujours croissante et donc prévisible par le patient. Pour remédier à
ces possibles interférences avec les résultats des études de
distension, des protocoles plus complexes de distension ont été
proposés. Ceux-ci sont destinés à rendre l'intensité du stimulus
65
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
imprévisible par le patient. La méthode dite du « tracking »
consiste à déterminer le seuil de douleur et à répéter les distensions autour de ce seuil, en fonction de la réponse des patients, par
exemple en diminuant la pression de distension après une réponse
positive, ou en la laissant au même niveau, ou en l'augmentant
après une réponse négative. La pression déterminant le seuil de
douleur est alors égale à la moyenne des distensions ayant
entraîné une réponse positive. La technique du double random
staircase utilise la combinaison de deux escaliers de montée en
pression, alternés de manière imprévisible par l'ordinateur du
barostat, sans contrôle de l'investigateur. L'utilisation de ces techniques « plus objectives » a confirmé l'existence d'une hypersensibilité viscérale chez les patients présentant un syndrome de
l'intestin irritable. Cependant quelques études récentes n'ont pas
mis en évidence de différence entre les seuils de perception déterminés par la seule méthode des limites ascendantes et les autres
méthodes, chez les volontaires sains et chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Dans une autre étude comparant les
différents protocoles de distension, l'écrasement des différences
entre sujets contrôles et patients – qui restaient toutefois hypersensibles – était interprété comme le résultat de l'hypervigilance
des patients pour toutes les sensations abdominales. Ce résultat
doit être rapproché d'une l'étude qui a montré que les patients
avec syndrome de l'intestin irritable perçoivent davantage de sensations douloureuses au niveau de l'abdomen que les contrôles,
alors qu'aucune anomalie de la motricité intestinale ne distinguait
les patients des contrôles.
En complément de la mesure des seuils de perception, on
peut également évaluer l'intensité des symptômes déclenchés par
des distensions progressives ou réalisées à quelques niveaux de
distensions susceptibles de provoquer une sensation. Les résultats
des études de distension sont exprimés en termes de seuils, c'est66
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
à-dire de pression moyenne à laquelle est perçu le gonflement du
ballonnet pour la première fois : soit le seuil de perception ou la
pression à laquelle est perçue une sensation douloureuse, soit le
seuil de douleur.
Au cours des tests de distension, l'utilisation d'un barostat
électronique permet, d'une part, de réaliser des distensions parfaitement reproductibles et à une vitesse d'insufflation de l'air
qui est constante et, d'autre part, de mesurer précisément, et en
même temps, le volume et la pression du ballonnet de distension. Pour des raisons techniques, il est souhaitable de définir les
pas de distension par la pression qui est imposée et qui est moins
sensible aux artefacts, plutôt que le volume qui est influencé
notamment par les variations anatomiques des sujets. La mesure
simultanée de la pression et du volume du ballonnet à chaque
distension permet de construire une courbe pression-volume,
dont la pente reflète la compliance de l'organe étudié. La compliance est une mesure des propriétés élastiques de la paroi de l'organe creux qui est étudié. Elle se calcule en ml/mmHg (Fig. 6).
Aucune étude n'a pour l'instant démontré une différence de compliance entre patients présentant ou non une hypersensibilité à la
distension, ni entre sujets contrôles et patients. Une étude récente
a cependant suggéré que les patients avec syndrome de l'intestin
irritable à prédominance de diarrhées auraient une compliance
diminuée de la paroi rectale.
La mesure des seuils de sensibilité est influencée par de
nombreux facteurs dus aux conditions techniques de réalisation
des tests de distension, d'une part, et aux sujets eux-mêmes,
d'autre part. L'âge des patients a une influence puisque les sujets
sains âgés ont des seuils de perception plus élevés que des volontaires plus jeunes. Le sexe des sujets influence également les seuils
de perception. Les femmes sont plus sensibles que les hommes,
quelle que soit la période de leur cycle menstruel. La plupart des
67
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
études ont été réalisées chez des patients à jeun. En période postprandiale, la motricité colique et rectale est stimulée par la réponse
au repas qui se traduit par une augmentation de l'activité contractile et du tonus. Lorsque les distensions sont réalisées au cours de
cette période d'hypertonie post-prandiale, les seuils de perception sont plus élevés chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. L'activité du SNC influence également la perception
de la distension rectale, chez les sujets, comme chez les patients
avec syndrome de l'intestin irritable. Dans une première étude
réalisée chez des volontaires sains, un stress psychique (écoute
dichotique) ou physique (main dans l'eau froide) abaisse de
manière durable les seuils de perception de la distension rectale.
Dans une autre étude, l'intensité de la réponse à des distensions
rectales est plus marquée en période de stress qu'en période de
relaxation. Cependant, d'autres études ont montré un effet de
distraction lors de l'application d'un stress psychologique, se traduisant par une élévation des seuils de perception. Dans cette
dernière étude, une diminution de la compliance rectale est
également observée au cours du stress qui pourrait être due à une
augmentation de la motricité. Une étude a comparé les patients
avec syndrome de l'intestin irritable et les sujets contrôles, elle a
montré que les patients avec syndrome de l'intestin irritable
étaient plus attentifs que les sujets contrôles aux sensations déclenchées par la distension. L'effet de distraction dû au stress s'en
trouve supprimé chez les patients avec syndrome de l'intestin
irritable.
Nous avons montré plus haut qu'il existait une relation
entre l'intensité des symptômes dus au syndrome de l'intestin
irritable et l'abaissement des seuils de perception. L’influence des
troubles du transit quant à elle, n'a pas été démontrée de manière
définitive. De nombreux travaux ont initialement montré une
prévalence plus importante de l'hypersensibilité viscérale chez
68
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable avec
diarrhées. Cependant d'autres études ont montré que les patients
avec syndrome de l'intestin irritable et constipation étaient tout
aussi hypersensibles à la distension rectale ou colique.
La mesure de la sensibilité digestive a-t-elle une utilité
clinique ? L'hypersensibilité viscérale, bien que caractéristique des
troubles fonctionnels intestinaux et permettant d'en comprendre
la physiopathologie, n'est pas présente chez tous les patients
ayant un syndrome de l'intestin irritable. Environ deux tiers des
patients ont des seuils de sensibilité abaissés lors des tests de distension rectale ou d'autres segments du tractus digestif. Ces seuils
de sensibilité sont d'ailleurs variables dans le temps chez un même
patient et sont notamment corrélés à l'intensité des symptômes
liés au syndrome de l'intestin irritable. On ne peut donc considérer les tests de distension rectale comme un moyen de diagnostic positif du syndrome de l'intestin irritable. Dans une étude
portant sur plus de cent patients, Poitras et coll. (voir p. 95)
ont tenté de déterminer quels seuils de pression permettent de
distinguer les patients avec syndrome de l'intestin irritable
au cours des épreuves de distension rectale. En pratique, cette
distinction est très difficile, car, comme le montre cette étude,
seules les pressions de distensions inférieures à 28 mmHg ne se
retrouvent que chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable, alors qu'aucun patient ne se retrouve dans le groupe de
sujets ayant un seuil de douleur supérieur à 40 mmHg. Entre ces
deux valeurs discriminantes se situent en fait de nombreux
sujets contrôles et patients que le test de distension ne peut donc
séparer.
L'utilisation des tests de distension en pratique clinique se
heurte également à de nombreuses difficultés techniques. Les
tests de distension rectale sont longs à réaliser et demandent une
bonne coopération du patient. Leurs résultats sont influencés par
69
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
de nombreux facteurs liés à la technique, au patient et aux traitements qu'il reçoit. Les résultats des tests de distension sont
notamment influencés par la subjectivité des patients et sont donc
peu reproductibles. Quelques études ont montré que cette
influence de la subjectivité des sujets était plus importante chez
les patients qui présentaient des troubles fonctionnels que chez les
volontaires sains. Ainsi, l'effet de distraction d'un stress modéré
était perçu chez des volontaires sains, mais pas chez des patients
avec un syndrome de l'intestin irritable, dont l'attention est
constamment orientée vers la sphère digestive.
Le diagnostic des troubles fonctionnels intestinaux repose
donc davantage sur l'association de symptômes en syndromes
caractéristiques, comme l'a proposé le système des « critères de
Rome ». Le diagnostic, établi au moyen de ces critères fondés sur
les symptômes des patients, est utile puisqu'il permet au clinicien de rattacher la symptomatologie du patient à un syndrome
défini précisément et que le diagnostic de trouble fonctionnel
posé de cette manière s'avère stable chez 95 % des patients suivis à cinq ans.
Les troubles fonctionnels
intestinaux diminuent-ils
la qualité de vie des patients ?
Le concept de qualité de vie a été introduit récemment en
recherche clinique. Les premières études de qualité de vie ont en
fait évalué les conditions de vie quotidienne des patients rece70
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
vant une chimiothérapie anticancéreuse de manière à mesurer la
réponse au traitement sous forme d'une amélioration fonctionnelle en dépit des contraintes et effets secondaires du traitement.
La plupart des outils développés pour mesurer la qualité de vie ont
donc été initialement validés par ces études et ne sont pas nécessairement adaptés à des patients atteints de troubles fonctionnels, sans risque vital et faisant face à une pathologie chronique.
Des questionnaires mieux adaptés ont été produits ultérieurement, mais tous n'ont pas été validés par des études convaincantes. Certains de ces questionnaires n'ont été validés qu'en
langue anglaise. Or les particularités culturelles doivent être prises
en compte pour le développement d'outils réellement adaptés.
La qualité de vie est un concept large qui inclut la perception du patient par rapport à sa maladie et l'influence de celle-ci
sur les événements de sa vie quotidienne. La qualité de vie est
influencée par des facteurs sociaux, culturels, physiologiques et en
rapport avec la maladie. Pour certains auteurs, la fréquence et la
sévérité des symptômes sont également à prendre en compte.
Cependant, ce qui caractérise le concept de mesure de la qualité
de vie, c'est la prise en compte de l'impact de la maladie sur la vie
quotidienne du patient. Cet impact est mesuré par rapport à l'activité du patient (vie professionnelle, vie familiale…), la perception par le patient de ses besoins de santé et de leur prise en
compte par la démarche de soins (autonomie, socialisation…), la
perception de la maladie elle-même par le patient et ses inquiétudes quant aux conséquences de la maladie, comme par exemple
le risque de cancer.
Les études de qualité de vie ont démontré que le syndrome de l'intestin irritable a un réel impact sur la qualité de vie
des patients. Plusieurs facteurs augmentent cette influence de la
maladie sur la vie quotidienne du patient : association à des
troubles psychologiques (dépression, anxiété), antécédents d'abus
71
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
sexuel ou physique, association à d'autres syndromes douloureux chroniques. La relation entre qualité de vie et sévérité des
symptômes reliés au syndrome de l'intestin irritable a fait l'objet
de quelques études, mais n'a pu être formellement démontrée
dans la mesure où la réponse du patient aux questionnaires de
qualité de vie est directement influencée par de nombreux facteurs
autres que les symptômes et les conséquences de la dysfonction
sensori-motrice digestive.
Les études de qualité de vie se sont révélées plus utiles
comme critère de jugement secondaire des essais cliniques des
nouveaux traitements du syndrome de l'intestin irritable. Comme
nous le verrons plus loin, ces traitements sont destinés en premier
lieu à traiter les douleurs abdominales, mais la plupart ont des
effets moteurs et donc une influence sur les troubles du transit,
constipation ou diarrhées. Il est donc difficile, à partir des résultats de ces essais, de définir le poids des douleurs abdominales
dans la baisse de la qualité de vie observée chez les patients avec
syndrome de l'intestin irritable. Le score de qualité de vie est en
effet largement influencé par les troubles du transit, notamment
les diarrhées chroniques qui interfèrent avec la vie quotidienne des
patients.
Quels sont les moyens
thérapeutiques disponibles ?
Le traitement du syndrome de l'intestin irritable repose avant
tout sur la qualité de la relation que le médecin peut établir avec
72
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
son patient. Les facteurs étiologiques étant nombreux, on ne peut
proposer un seul schéma thérapeutique et la prescription ne peut
être constante dans le temps. Un ensemble de moyens thérapeutiques doit être utilisé en fonction des symptômes prédominant
chez chaque patient. En outre, aucun traitement proposé aujourd'hui ne modifie l'histoire naturelle du patient, et donc l'évolution
à long terme, sauf la prise en charge psychologique qui relève
d'une prise en charge spécialisée.
Mesures hygiéno-diététiques
Les problèmes diététiques doivent être abordés avec tolérance et
bon sens. La question du régime est une des premières que pose
le patient. En effet, le patient relie souvent les symptômes à l'ingestion de certains aliments. Il s'agit là d'intolérances alimentaires
et non d'allergies vraies. Expliquer cette distinction au patient va
permettre de réintroduire certains aliments au cours du traitement.
L'intolérance au lactose et l'intolérance au gluten justifient
davantage une démarche diagnostique rigoureuse que des conseils
diététiques à l'emporte-pièce qui ne feraient que renforcer les
exclusions alimentaires spontanément réalisées par le patient.
Les autres prescriptions diététiques doivent être maniées
avec prudence, chez des patients qui ont tendance à volontairement réduire la diversité de leur alimentation sur la base d'intolérances variées, réelles ou supposées. On peut proposer des
mesures générales d'hygiène alimentaire : repas à heures régulières, repas en ambiance sereine, diminution de la ration calorique
absorbée sous forme de graisses.
73
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Le régime sans résidus peut être utile temporairement et
de manière exceptionnelle pour atténuer les symptômes d'une
poussée aiguë chez un sujet non constipé. Mais, poursuivi sur le
long terme, il peut aboutir à un déséquilibre nutritionnel et une
aggravation du ralentissement du transit, surtout quand il est
appliqué rigoureusement par des patients trop scrupuleux et trop
anxieux.
Le rôle des fermentations coliques semble plus réel. Même
si toutes les sensations de ballonnement ne peuvent être rapportées à une augmentation significative des gaz intestinaux, l'hypersensibilité viscérale provoque probablement des douleurs pour
de faibles volumes gazeux. Une mauvaise digestion de l'amidon
ou exceptionnellement de certains sucres (fructose ou sorbitol)
peut également entraîner des fermentations excessives.
Généralement, mise à part l'exclusion de nutriments trop fermentescibles (légumes secs, haricots blancs, choux, jus de pomme,
prunes), aucune mesure n'a fait la preuve de son efficacité.
L'enrichissement en fibres alimentaires est une thérapeutique proposée de longue date, mais son efficacité n'a pas été
prouvée par des études contrôlées, en raison d'un effet placebo
élevé (voir ci-contre) et de l'effet thérapeutique souvent modeste.
On peut par exemple prescrire du son de blé, administré à dose
progressive, pour atteindre 20 à 30 g de son par jour. L'effet
thérapeutique s'exerce chez les patients constipés, car le son
augmente la fréquence des selles, diminue l'émission de selles
dures et les efforts de poussée pour expulser les selles. Il a donc
été recommandé dans les formes avec constipation prédominante, mais des patients ont également décrit un effet sur les
diarrhées ou les douleurs. L'utilisation du son est cependant
limitée en raison d'une fréquente mauvaise tolérance,
marquée par l'apparition de ballonnements dus aux fermentations provoquées par les fibres.
74
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Effet placebo et prise en charge thérapeutique
L'effet placebo est une constante des essais thérapeutiques réalisés chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Ce phénomène se retrouve d'ailleurs de manière aussi fréquente dans
d'autres pathologies fonctionnelles, digestives ou non. En effet, à
court terme sur deux à trois mois, l'évolution des patients avec
syndrome de l'intestin irritable est le plus souvent favorable sous
traitement, quel qu'il soit. Le placebo peut atteindre 70 % d'efficacité dans certaines études, la moyenne se situant entre 35 et
50 %. L'importance de l'effet placebo ne dépend pas seulement
du patient, mais aussi de la nature des symptômes, de la méthodologie de l'essai et du médecin prescripteur qui est un facteur
important de la réponse du patient, par la qualité de la relation
qu'il établit avec lui : capacité d'écoute, propos rassurants, enthousiastes ou persuasifs, induction d'une stratégie d'acceptation… Il
est probable que cet effet placebo intervienne également dans les
résultats à moyen et à long termes.
Il faut aussi tenir compte, dans l'évaluation de l'effet d'un
traitement, de l'évolution spontanée de l'affection qui se caractérise par des périodes de rémission spontanée et par une variation importante de l'intensité des symptômes dans le temps,
notamment en fonction de l'évolution des facteurs psychosociaux. Dans une étude longitudinale de suivi des patients avec
syndrome de l'intestin irritable, la durée des périodes symptomatiques et donc des douleurs abdominales n'excédait pas trois
semaines chez la plupart des patients. Il est donc difficile de différencier l'effet du traitement de l'évolution spontanée des
symptômes.
75
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Moyens médicamenteux
De nombreux traitements médicamenteux ont été proposés dans
le syndrome de l'intestin irritable, mais ils n'ont pas toujours fait
l'objet d'études cliniques de bonne qualité. L'expérience clinique
montre que certains patients répondent mieux à ces traitements,
sans qu'il soit possible de définir les facteurs prédictifs de la nonréponse, facteurs qui pourraient aider à mieux sélectionner les
patients à qui prescrire le traitement. Les écueils méthodologiques
de ces essais, l'effet variable de ces traitements dans le temps et
la variabilité même des symptômes ont limité la puissance des
études comparatives. Comme les molécules développées plus
récemment, les antispasmodiques doivent être considérés comme
un traitement symptomatique puisqu'ils sont destinés à soulager
les symptômes et n'influencent pas l'histoire naturelle de la
maladie.
Antispasmodiques et modificateurs de la motricité
digestive
Une classification pharmacologique permet de distinguer schématiquement les antispasmodiques inhibant le spasme induit par
l'acétylcholine (anticholinergiques ou neurotropes) de ceux levant
le spasme provoqué par le chlorure de baryum (musculotropes).
Les premiers agissent essentiellement sur la transmission nerveuse muscarinique à différents niveaux. Les seconds agissent
directement sur la fibre musculaire lisse. En fait, les effets pharmacologiques de ces molécules ont été réévalués avec des
méthodes d'investigation modernes, qui ont montré que ces effets
76
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
pouvaient être multiples et s'exercer sur des cibles différentes du
système muscarinique.
L’efficacité des antispasmodiques musculotropes a été évaluée par des essais cliniques. Ces études ont inclus des patients
sélectionnés sur la base de critères diagnostiques stricts ; les effectifs étaient souvent limités et beaucoup de patients perdus de
vue. Dans une étude reprenant tous les essais publiés à l'époque,
Klein avait ainsi mis en évidence les insuffisances méthodologiques de ces essais et l'impossibilité de conclure à l'efficacité ou
non des ces traitements. Cependant, utilisant les mêmes essais cliniques, trois méta-analyses ont démontré une supériorité statistiquement significative des musculotropes (hyoscine, trimébutine,
mébévérine, pinaverium) par rapport au placebo avec en moyenne
une fréquence de réponses positives au traitement supérieure de
27 % par rapport au placebo.
En France, ces traitements sont utilisés depuis de nombreuses années et ont prouvé une certaine efficacité, fondée sur
l'expérience clinique. L'effet est cependant inconstant, variant
dans le temps chez un même patient et de patient à patient. Le
tableau IV reprend ces différents médicaments et indique leur site
d'action. Ils sont utilisés, soit dans le traitement de la crise douloureuse aiguë, soit dans le traitement d'entretien, pour prévenir
la récidive de ces crises. La durée du traitement est adaptée à la
durée des troubles. La récidive est d'ailleurs fréquente à l'arrêt du
traitement.
Comme le montrent les données présentées dans le
tableau IV, des études chez l'animal et chez l'homme ont mis en
lumière le mécanisme d'action de ces molécules à effet antispasmodique. Il s'agit en fait d'un groupe hétérogène de molécules qui
exercent leurs effets à travers des cibles pharmacologiques très différentes. Pour certaines molécules, plusieurs sites d'actions ont été
reconnus. Il est toutefois difficile de conclure quant au mécanisme
77
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
prépondérant chez l'homme. Pour certains antispasmodiques, des
effets ont été démontrés au niveau des afférences digestives
(citrate d'alvérine) chez l'animal ou sur la perception de la distension rectale chez l'homme. Des effets moteurs ont également
été démontrés.
Pansements et adsorbants
Les médicaments dits adsorbants (argiles, charbon, kaolin,
méthylpolysiloxane, simeticone etc.) sont couramment utilisés
dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable. Leur objectif n'est pas uniquement de « couvrir » la muqueuse, mais ils
agissent aussi en adsorbant les gaz intestinaux, responsables de
ballonnements excessifs et très gênants. Le pouvoir adsorbant de
certaines argiles (attapulgite, montmorillonite beidellitique) a
été démontré chez des volontaires sains par évaluation de la
concentration d'hydrogène expiré après ingestion de lactulose.
Des spécialités peuvent être présentées sous la forme d'associations thérapeutiques comportant non seulement des « adsorbants », mais aussi des enzymes et des régulateurs de la motricité
digestive, et il est alors bien difficile de déterminer le rôle thérapeutique de chacun des composants. Ces préparations sont
souvent utilisées en auto-médication. Par leur pouvoir adsorbant, elles peuvent diminuer l'absorption d'autres médicaments,
notamment des contraceptifs oraux. Autrement, ils ont peu d'effets secondaires. Ils peuvent être utiles en complément de traitement chez les patients avec prédominance de diarrhées ou se
plaignant d'un important ballonnement.
78
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
Traitements des troubles du transit
Le traitement des troubles du transit associés au syndrome de l'intestin irritable apporte souvent au patient une amélioration clinique
importante. Ces traitements seront prescrits à la demande, en fonction des symptômes et en évitant leur utilisation prolongée. Les
patients les utilisent souvent en auto-médication et le rôle du médecin sera avant tout d'orienter le choix du traitement et de conseiller
le patient pour une utilisation sûre de celui-ci.
Dans le traitement des diarrhées, le lopéramide est efficace
et réduit la fréquence des selles diarrhéiques lorsqu'il est absorbé
avant les repas, si le patient se plaint de diarrhées post-prandiales
de type diarrhée motrice, ou avant une activité qui s'accompagne
souvent d'une crise aiguë avec diarrhées. Quelques essais cliniques
ont, en revanche, démontré l'inefficacité de la cholestyramine. Dans
ce cas, les adsorbants intestinaux et les fibres alimentaires peuvent
aider certains patients à contrôler les diarrhées.
La constipation peut être traitée par des laxatifs de lest ou
des mucilages, mais ces derniers peuvent augmenter le ballonnement abdominal et sont alors mal tolérés par les patients. Dans les
cas avec constipation plus sévère, des laxatifs osmotiques tels que
le lactulose ou les dérivés du polyéthylène glycol peuvent être
utilisés sans danger pendant quelques semaines. Les autres laxatifs seront plutôt déconseillés, notamment en raison du risque
d'abus d'utilisation en auto-médication.
Nouveaux traitements agissant
sur la sensibilité viscérale
L'identification des neurotransmetteurs et de leurs récepteurs au
niveau des afférences nerveuses d'origine digestive et la connais79
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
sance de leur rôle dans la transmission des sensations viscérales
a ouvert de réelles perspectives pour le traitement des douleurs
abdominales, chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable (voir ci-dessus). Ces nouveaux traitements exercent une
action pharmacologique au niveau, soit des neurones afférents,
soit des neurones efférents, ou le plus souvent des deux. Agissant
sur les deux versants de l'axe cerveau-intestin, ces nouvelles substances exercent donc des effets sur la sensibilité viscérale et des
effets moteurs. Ce sont particulièrement ces derniers qui imposeront une classification précise des patients avec un syndrome de
l'intestin irritable, afin de limiter la prescription aux groupes de
malades qui pourront réellement bénéficier de tels traitements.
Les substances agissant sur les récepteurs de la sérotonine
ont été parmi les plus étudiées au cours de la dernière décennie et
comprennent les molécules les plus proches d'une autorisation
de mise sur le marché. Les sous-types de récepteurs les plus étudiés ont été les récepteurs 5-HT3 et 5-HT4, dont les effets sur la
motricité et la sensibilité digestives ont été explorés chez l'animal
et chez l'homme.
Les antagonistes des récepteurs 5-HT3 inhibent la motricité intestinale et l'hypersensibilité décrite chez les patients présentant un syndrome de l'intestin irritable. L'ondansétron et
l'alosétron provoquent un ralentissement du transit intestinal et
colique chez des volontaires sains et chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable. Les antagonistes 5-HT3 de la sérotonine modifient également les seuils de perception de la distension
intra-luminale, au niveau du côlon et du rectum. Le granisétron
augmente les seuils de perception de la distension rectale chez des
patients présentant un syndrome de l'intestin irritable avec diarrhées. Au niveau du côlon, dans une étude réalisée au moyen
d'un barostat électronique et fondée sur la mesure de la pression
dans le ballonnet de distension, les seuils de perception et de dou80
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
leur, définis par la pression de distension, n'étaient pas modifiés
par l'alosétron, mais le volume du ballonnet de distension augmentait, témoignant d'une modification significative de la compliance colique, c'est-à-dire des propriétés élastiques de la paroi
colique. Enfin, une étude a montré que l'alosétron augmentait
l'absorption d'eau au niveau jéjunal. Aucune donnée n'existe au
niveau du côlon, et la relation entre cet effet de l'alosétron et celui
sur la sensibilité à la distension n'est pas connue.
Sur le plan clinique, plusieurs essais contrôlés ont démontré l'efficacité de l'alosétron dans le traitement du syndrome de
l'intestin irritable avec prédominance de diarrhées, mais uniquement chez les femmes. La différence entre la réponse des hommes
et des femmes au traitement par l'alosétron n'est pas clairement
expliquée. Il pourrait exister une différence de métabolisme de la
sérotonine entre hommes et femmes, ces dernières produisant des
quantités plus importantes de sérotonine. Les études cliniques suivantes ont donc été réalisées uniquement chez des femmes présentant un syndrome de l'intestin irritable avec prédominance de
diarrhées et ont toutes montré une efficacité significativement plus
élevée de l'alosétron sur l'impression globale d'amélioration des
patients par rapport à la mébévérine ou au placebo. Le gain est
d'environ 25 % de réponses au traitement par rapport au placebo
et se maintient sur toute la durée du traitement. Sur la base de ces
essais cliniques, l'alosétron a obtenu en 2000 l'autorisation de mise
sur le marché aux États-Unis et a été prescrit entre avril 2000 et
novembre 2000 à environ 350 000 patients. En novembre 2000, il
a été retiré après l'apparition de 49 cas de colite ischémique dont
certains ont nécessité des transfusions ou une intervention chirurgicale, et d'environ 70 cas de constipation sévère, quelques cas
requérant une intervention chirurgicale. D'autres antagonistes 5HT3 sont actuellement en cours de développement, notamment le
cilansétron, dont les effets sur la motricité colique semblent moins
81
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
importants que ceux de l'alosétron. Plusieurs études publiées récemment ont montré un effet clinique comparable à celui de l'alosétron
chez des patients présentant un syndrome de l'intestin irritable non
associé à une constipation. Le cilansétron paraît, par ailleurs, être
efficace chez les patients masculins.
Les agonistes des récepteurs 5-HT4 de la sérotonine exercent une action stimulante sur la motricité digestive en favorisant la libération d'acétylcholine. Le tégasérod (HTF 919) exerce
une activité d'agoniste partiel au niveau du récepteur 5-HT4. Cette
action se traduit par un effet prokinétique qui a été observé chez
l'homme. Dans une étude scintigraphique chez des patients avec
syndrome de l'intestin irritable et constipation, le tégasérod accélère le transit oro-cæcal de manière significative et tend à accélérer le transit colique. Quelques études cliniques ont montré
l'efficacité du tégasérod dans le traitement des patients avec syndrome de l'intestin irritable et constipation. Une première étude
de phase III a montré un bénéfice clinique important pour le tégasérod, supérieur au placebo pour améliorer les douleurs abdominales et la constipation chez des patients présentant un syndrome
de l'intestin irritable avec constipation. Une nouvelle étude a
confirmé cette impression clinique favorable. Cette étude a inclus
799 patients avec syndrome de l'intestin irritable et constipation,
et montré que le tégasérod était supérieur au placebo pour le traitement des douleurs abdominales et du ballonnement, au cours
d'un traitement de douze semaines. En revanche, aucune étude n'a
jusqu'à présent démontré un effet du tégasérod sur la sensibilité
digestive, en particulier sur les tests de distension luminale. Chez
l'animal, le tégasérod aurait un effet limité sur la perception d'une
distension rectale douloureuse, dépendant de la dose. Au cours des
essais dont les résultats sont disponibles, aucun effet secondaire
n'a été observé sur l'électrocardiogramme ni sur les paramètres
cardio-vasculaires. Lorsqu'il sera disponible, le tégasérod devrait
82
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
être prescrit aux patients présentant un syndrome de l'intestin
irritable avec constipation et devrait améliorer les douleurs abdominales et la constipation.
Les autres molécules exerçant des effets sur la sensibilité
viscérale sont actuellement en cours d'évaluation. Les études réalisées chez l'animal et chez l'homme ont permis de mettre en évidence de nombreux récepteurs sur les terminaisons nerveuses des
afférences digestives et donc de définir de nouvelles cibles thérapeutiques. Actuellement, aucune de ces nouvelles molécules n'a
atteint le stade de la mise sur le marché et de l'enregistrement
par les autorités réglementaires.
La fédotozine et l'asimadoline agissent comme agoniste
des récepteurs opiacés de type kappa, avec une bonne sélectivité.
Les études chez l'animal ont permis d'exclure une action centrale.
Chez l'homme, la fédotozine a peu d'effet sur la motricité digestive, en situations physiologique et pathologique. Chez les
patients avec syndrome de l'intestin irritable, la fédotozine ne
modifie pas le tonus colique. Plusieurs publications ont démontré, en revanche, un effet antinociceptif des agonistes kappa, plus
marqué dans des situations pathologiques telles que l'inflammation et limité à une action périphérique, sans aucune action au
niveau du SNC. Chez l'homme, la fédotozine diminue la perception de la distension gastrique chez le volontaire sain et la perception de la distension colique, sans modifier la compliance
colique chez des patients avec syndrome de l'intestin irritable.
L'asimadoline a des effets semblables. Seule la fédotozine
a fait l'objet d'études cliniques ayant montré un effet modestement significatif par rapport au placebo sur les douleurs abdominales. L'asimadoline n'a pour l'instant fait l'objet d'aucun essai
clinique publié. Aucun effet secondaire significatif n'a été retrouvé
au cours des études cliniques avec la fédotozine. Malgré les résultats positifs, la fédotozine n'a pu obtenir l'autorisation de mise sur
83
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
le marché, les autorités considérant que les différences mises en
évidence par rapport au placebo n'étaient pas suffisantes. Le développement de la fédotozine a néanmoins fourni une expérience
importante pour la conduite des essais thérapeutiques dans le
syndrome de l'intestin irritable.
Parmi les nombreux neurotransmetteurs mis en évidence
au niveau du plexus myentérique, quelques-uns ont fait l'objet
d'études chez l'homme. Ces études ont mis en évidence des effets
moteurs et/ou des effets sur la sensibilité digestive, principalement par l'étude des seuils de perception d'une distension intraluminale (Tableau 6). Il n'est pas possible de détailler ici les
résultats obtenus avec toutes ces molécules. Les études réalisées
sur des modèles d'hypersensibilité chez l'animal ont attiré l'attention sur des molécules comme les tachykinines, la substance P,
les neurokinines A et B, qui agissent sur les récepteurs NK1, NK2
et NK3, et dont les antagonistes pourraient inhiber l'activité des
afférences digestives. Chez l'animal, les antagonistes NK2 diminuent la perception de la distension colique.
Récemment, l'attention s'est également portée sur les antagonistes du CGRP (calcitonin gene-related peptide). Le CGRP est
un neurotransmetteur impliqué dans les réponses de l'organisme
au stress, tant au niveau central qu'au niveau périphérique. Des
études préliminaires sur quelques malades ont montré, d'une part,
des effets des antagonistes du CGRP sur la sensibilité viscérale et,
d'autre part, un effet bénéfique sur les douleurs en rapport avec
un syndrome de l'intestin irritable. Toutefois, des études cliniques
comparatives sont nécessaires.
Anxiolytiques et antidépresseurs
Les anxiolytiques et les antidépresseurs ont été proposés depuis
84
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
de nombreuses années dans le traitement des patients atteints
d'un syndrome de l'intestin irritable. Ils sont utilisés de deux
manières, soit à un dosage correspondant à leur indication psychiatrique, soit, pour certains d'entre eux, à des doses plus faibles
ayant montré une action sur les fonctions motrices et sensitives
du tractus digestif et une efficacité clinique. Le recours aux antidépresseurs dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable
est plus fréquent aux États-Unis et au Royaume-Uni qu'en France
(imipramine, desipramine).
À des doses quotidiennes inférieures à celles prescrites
pour le traitement antidépresseur lui-même, les antidépresseurs
tricycliques ralentissent la motricité intestinale. L'effet des antidépresseurs a également été étudié sur la perception de la distension. Chez les volontaires sains, l'amitryptiline (50 mg/j
pendant vingt et un jours) ne modifiait pas la perception de la
distension rectale ni œsophagienne alors qu'elle diminuait la perception d'une électrostimulation cutanée. Chez des patients avec
syndrome de l'intestin irritable ne répondant pas à une psychothérapie et présentant une hypersensibilité viscérale, l'amitriptyline, à la dose de 50 mg/j, apportait une amélioration des
symptômes du syndrome de l'intestin irritable et élevait les seuils
de perception de la distension rectale. La desipramine avait les
mêmes effets dans une autre étude. Dans une étude portant sur
quelques patients présentant une dyspepsie fonctionnelle, l'amitriptyline apportait une amélioration clinique après quatre
semaines de traitement, mais ne modifiait pas les seuils de perception de la distension gastrique, qui restaient abaissés.
Sur le plan clinique, plusieurs études ont montré l'efficacité des antidépresseurs à faible dose dans le traitement du syndrome de l'intestin irritable. Une étude rétrospective a montré
que l'utilisation d'antidépresseurs à la dose moyenne de 50 mg/j
pour les antidépresseurs tricycliques apportait une rémission des
85
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
symptômes digestifs dans 81 % des cas. Dans une étude contrôlée, l'amitriptyline, à la dose de 25 à 75 mg/j s'est révélée plus efficace que le placebo pour le traitement des douleurs abdominales
et des troubles du transit chez des patients avec syndrome de
l'intestin irritable. Dans une autre étude, la miansérine (120 mg/j)
améliorait également les douleurs abdominales chroniques, les
épisodes de douleurs abdominales intenses et la qualité de vie,
chez des patients présentant des troubles fonctionnels intestinaux, mais sans troubles psychiques.
Il faut toutefois noter que, dans une étude longitudinale,
l'effet bénéfique des antidépresseurs s'estompait avec le temps et
les tentatives successives de traitement se sont révélées moins
efficaces que le premier traitement, quelle que soit la molécule
prescrite. On peut cependant proposer leur utilisation chez certains patients présentant un syndrome de l'intestin irritable réfractaire aux traitements classiques (Fig. 9). Lorsqu'une utilisation
prolongée, à dose « psychiatrique » est envisagée, il paraît alors
nécessaire d'établir un diagnostic précis du trouble psychiatrique
avant la prescription, afin d'éviter des effets secondaires qui peuvent être dangereux (attaques de panique, suicide, etc.). Il faut
également garder en mémoire les effets secondaires anticholinergiques de certains médicaments, notamment des dérivés tricycliques, qui limitent parfois leur utilisation.
Prise en charge psychologique
Nous avons vu plus haut que les facteurs psychosociaux et le
vécu du patient étaient des éléments importants dans le déclenchement des crises douloureuses, dans la décision de consulter un
médecin et dans le résultat de la prise en charge. On ne peut donc
86
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
éliminer cet aspect psychologique de la thérapeutique qui sera
proposée aux patients. La prise en charge des patients avec syndrome de l'intestin irritable se doit d'être globale. À côté des tests
de personnalité ou des scores d'anxiété, qui peuvent aider le clinicien, c'est surtout l'entretien psychosomatique qui va permettre
d'offrir au patient une thérapeutique de soutien adaptée. Le but
est de restaurer la confiance dans la relation défaillante entre
médecin et malade, de décentrer le malade de sa plainte somatique, d'élargir le registre de la communication et, pour cela, il
faut savoir et vouloir écouter avec attention et compassion, rassurer et recréer la « triade » malade-médecin-psychologue.
C'est en fonction des problèmes découverts que pourront
être proposés une psychothérapie ou des médicaments psychotropes. Les psychothérapies cognitives ont pour objectif de modifier les habitudes de pensée, de restructurer les croyances du
patient à propos de son état pathologique et de libérer ses émotions ; les psychothérapies comportementales ont pour objectif la
suppression d'un comportement phobique. Ces psychothérapies
ne doivent être envisagées que pour des patients ayant un syndrome de l'intestin irritable sévère associé à un trouble psychiatrique identifié par un spécialiste. La psychothérapie la plus utile
chez les patients avec syndrome de l'intestin irritable d'intensité
moyenne mais de durée prolongée est une psychothérapie de
soutien, afin d'aider le patient à prendre la mesure de ses symptômes et à les relativiser par rapport à sa vie quotidienne. Cette
démarche aboutit à diminuer le nombre de consultations et la
demande de soins des patients. Elle ne peut cependant pas exonérer le médecin, généraliste ou gastro-entérologue, d'un suivi
médical qui est indissociable de cette thérapie.
L'efficacité des différentes psychothérapies ne peut être
mesurée par des études cliniques conçues pour l'évaluation des
thérapeutiques médicamenteuses. Il est impossible de réaliser un
87
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
véritable essai randomisé en double insu, car il est irréaliste pour
un médecin de devenir parfaitement neutre devant un malade
qui se plaint et il est par ailleurs impossible d'utiliser des méthodologies requérant l'insu du patient pour comparer les traitements. Les études dites contrôlées sont en fait des essais de
« supplément psychothérapique » par rapport à une prise en
charge habituelle. Dans ces conditions, quelques études ont
apporté des présomptions en faveur de l'efficacité des traitements
psychologiques et de la lutte contre le stress. Certaines études
ont démontré que l'association d'une psychothérapie et d'un traitement classique par les antispasmodiques était plus efficace que
les antispasmodiques utilisés seuls. Une revue générale récente
conclut en revanche à l'inefficacité du traitement psychothérapique, mais ce résultat s’explique en raison des difficultés méthodologiques et de la grande hétérogénéité des études publiées.
Peut-on proposer une prise en
charge progressive et rationnelle ?
La proposition thérapeutique du patient avec syndrome de l'intestin irritable doit avant tout prendre en compte la demande du
patient. Seuls les patients consultant un médecin relèvent d'une
démarche thérapeutique qui doit être adaptée au niveau de plainte
et aux facteurs de co-morbidité ou facteurs psychosociaux. La
réaction du patient aux symptômes peut être plus importante que
les symptômes eux-mêmes pour guider le choix thérapeutique
(Fig. 10). Le traitement doit donc être adapté à chaque patient et
88
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
au retentissement des symptômes sur sa vie quotidienne. La qualité de la relation médecin-malade va souvent déterminer l'issue
du traitement. L'intérêt du praticien pour les facteurs psychosociaux que présente le patient, rapportés sur les fiches de consultation, se traduit par un moindre nombre de consultations et
d'hospitalisations, selon une étude américaine. Le patient dont la
demande n'est pas prise en compte subira davantage d'examens
ou d'interventions inutiles voire aura plus souvent recours aux
médecines alternatives. Dans ces cas-là, le rôle du médecin généraliste est très important pour assurer la continuité des soins et
apporter le soutien nécessaire au patient, lorsque la phase des
investigations diagnostiques est passée.
Cette prise en compte de la dimension « qualité de vie » a
été introduite depuis une dizaine d'années, après l'expérience
acquise dans l'évaluation du retentissement des traitements anticancéreux sur la vie des patients. Il existe aujourd'hui des index
de qualité de vie qui sont en fait des questionnaires tentant de cerner l'activité quotidienne du patient et l'impact de ses troubles sur
celle-ci. Ces questionnaires peuvent aider le médecin, mais ils
sont souvent ressentis comme fastidieux par les patients et ne
remplacent ni un interrogatoire attentif ni une bonne relation
médecin-malade.
Les patients qualifiés de « légers » consultent peu ou pas
du tout pour des symptômes en rapport avec le syndrome de l'intestin irritable. Ils ont le plus souvent développé des mécanismes
qui leur permettent de supporter ces symptômes et de s'en accommoder. Néanmoins, lorsque les symptômes sont évoqués en
consultation, il convient de les prendre en considération et d'approfondir l'interrogatoire ainsi que l'examen clinique. Il est inutile
de se précipiter sur des examens complémentaires en l'absence de
facteurs de gravité. Quelques conseils pour rassurer le patient, un
court traitement par des antispasmodiques et quelques mesures
89
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
hygiéno-diététiques sont le plus souvent efficaces et suffisent.
L'objectif chez ces patients est d'éviter de les pousser vers la chronicité par une prise en charge excessive ou non supportée.
Les patients « moyennement sévères » recherchent auprès
du spécialiste un diagnostic précis et une réassurance sur l'absence de pathologie organique. Lors de la consultation chez le
spécialiste, des examens complémentaires seront souvent entrepris afin d'éliminer toute pathologie organique. Une thérapeutique médicamenteuse sera le plus souvent proposée, dont le
choix dépendra du symptôme prédominant. Le traitement visera
en premier lieu les crises de douleurs abdominales et comprendra
des antispasmodiques musculotropes, éventuellement associés à
des adsorbants intestinaux si le ballonnement abdominal est
important. À ce stade, il convient également de prendre en charge
les troubles du transit de manière adéquate. Des laxatifs de lest ou
osmotiques seront prescrits de manière transitoire aux patients
présentant plutôt une constipation. Chez les patients diarrhéiques,
le lopéramide est habituellement efficace. Les autres traitements
ne sont actuellement pas disponibles. Dès ce stade, en cas de
chronicité des symptômes ou plutôt de récidive précoce à l'arrêt
de ce traitement qui reste le plus souvent efficace, il convient
d'envisager un traitement d'entretien, un peu plus long que trois
à six semaines. Celui-ci a l'intérêt d'apporter une rémission plus
longue et surtout de permettre au médecin de revoir le patient et
de lui apporter indirectement une thérapie de soutien. Une prise
en charge bien conduite à ce moment de l'évolution des patients
évite souvent le passage vers des formes plus sévères. La prise en
charge de ces patients pourra continuer en médecine générale en
dehors des épisodes douloureux aigus.
Enfin, les patients « les plus sévères » ou les plus affectés
dans leur vie quotidienne vont consulter un centre spécialisé. Ces
patients demandent une approche patiente en consultation et
90
LES DOULEURS ABDOMINALES EN QUESTIONS
vont multiplier les demandes de soins. Si des examens complémentaires sont parfois nécessaires pour préciser le diagnostic, il
faut éviter de les multiplier et de faire encourir au patient des
risques iatrogènes. Les patients entrant dans cette catégorie nécessitent le plus souvent un diagnostic psychiatrique plus fouillé et
une prise en charge spécifique. Lorsque les symptômes sont réfractaires à la prescription d'un traitement classique, on peut tenter en
première ligne des antidépresseurs à faible dose. Une psychothérapie est certainement utile à la plupart d'entre eux. Elle a le mérite
d'apporter au malade l'écoute attentive qu'il recherche. À ce stade,
il est aussi utile de prendre en compte de manière plus spécifique
les facteurs psychosociaux et les événements de vie qui peuvent
influencer la réponse au traitement.
Fig. 10 – Schéma de prise en charge du syndrome de l'intestin irritable
Schéma de la prise en charge des patients présentant un syndrome de l'intestin
irritable, en fonction de l'intensité des symptômes, permettant une gradation
progressive des traitements et une adaptation de l'offre thérapeutique à la demande
de soins du patient.
91

Documents pareils