LE SEXE BIOLOGIQUE ET SA RELATION AU SEXE SOCIAL

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LE SEXE BIOLOGIQUE ET SA RELATION AU SEXE SOCIAL
LE SEXE BIOLOGIQUE ET SA RELATION AU SEXE SOCIAL
Evelyne Peyre et Joëlle Wiels
INTRODUCTION
“Sexe”, une confusion fondamentale
“Sexe” est l'un des mots de la langue française auquel les gens “sans distinction de classe, de religion”, d'allure
ou de profession, font souvent appel. Ce vocable est utilisé avec un aussi vif intérêt qu'on soit accoudé au zinc d'un
bistrot ou à la paillasse d'un laboratoire de biologie moléculaire. Deux mises en scène distinctes, la société civile et
la communauté scientifique, deux préoccupations étrangères l'une à l'autre, histoires subjectives d'amour (sexualité)
pour les uns, recherches objectives (sexe biologique) pour les autres, sous couvert d'un même mot ou, oserons-nous
dire, d'un même masque. Comment notre langue si riche n'a-t-elle pu éviter une confusion aussi fâcheuse ?
A cette polysémie du mot s'ajoutent les dérives métonymiques. Un simple appendice de modeste format, et qui
n'est pas un organe vital, sert de critère pour désigner l'individu très complexe que nous sommes, et son appartenance
au “beau sexe” ou au “sexe fort”. Aujourd'hui encore, chacun des citoyens dits “libres et égaux” de notre République
possède un numéro d'identification dont le premier chiffre, affecté à chaque individu selon l'aspect qu'ont ses organes
génitaux externes lors de sa naissance, sera utilisé durant toute sa vie comme un marqueur social (1 ou 2 = le sexe
social). C'est ainsi que d'une “petite différence” biologique évaluée à un stade infantile, découlent, pour la totalité de
la vie, les grandes conséquences du “sexe social”.
De la détermination du sexe
En revanche, l'expression “détermination du sexe” ne prête pas à confusion apparemment : tout le monde croit
qu'il existe un mécanisme biologique universel et inéluctable qui différencie d'un côté les mâles, de l'autre les
femelles, êtres sexués dont le devenir est irrémédiablement fixé dès la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule.
Or, en réalité, la détermination du sexe repose sur un mécanisme biologique très complexe. Sait-on par exemple que
c'est la température d'incubation des oeufs qui définit le sexe des individus chez certaines espèces de Tortue ou de
Crocodile ? Sait-on encore que chez les Abeilles, c'est le mode d'alimentation des larves qui est responsable de la
stérilité des ouvrières et que si l'on supprime la reine (la seule femelle fertile) dans une ruche, alors certaines
ouvrières vont développer des ovaires et ainsi devenir fertiles ? Sait-on enfin que l'Huître (pour ne citer qu'elle) est
mâle dans sa jeunesse et femelle ensuite ?
On peut sans peine multiplier ce genre d'exemples puisés dans le monde du vivant et montrer que les voies qui
président à la différenciation sexuelle sont, comme celles des autres mécanismes biologiques - l'embryogénèse en
général, la transformation tumorale... -, diverses et multifactorielles. Il nous semble cependant que dans le cadre de
la détermination du sexe, ces exemples, aussi nombreux soient-ils, sont relégués dans le domaine des “curiosités de
la nature” et n'ont pas véritablement valeur de modèle. Ils méritent pourtant peut-être plus d'attention quand on sait
que, dans l'espèce humaine aussi, la différenciation sexuelle est un processus complexe faisant appel à de nombreux
facteurs de détermination et que ce processus, qui démarre dès les premières divisions de l'oeuf, se poursuit non
seulement pendant toute la vie embryonnaire mais aussi durant l'enfance et la vie adulte.
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Présentation
Notre étude du sexe biologique et de sa relation au sexe social se fonde sur plusieurs disciplines des sciences de
la vie et des sciences humaines.
Dans une première partie, nous abordons la question du sexe biologique du point de vue génétique et du point
de vue phénotypique. La biologie animale, la génétique et la biologie moléculaire tentent aujourd'hui de répondre à
la question de la détermination biologique du sexe, c'est ce qu'on appelle le “sexe génétique”. Ce sexe génétique
conduit à la constitution d'organes génitaux primaires, les gonades mâles (testicules) ou les gonades femelles
(ovaires). Ces gonades, glandes endocrines, passent ensuite sous contrôle de l'encéphale via le complexe
hypothalamo-hypophysaire et agissent par la production d'hormones sur la morphologie en impulsant la
différenciation de caractères sexuels secondaires. Ces caractères sexuels modifient, entre autres, la morphologie
osseuse et c'est de ce point de vue que nous aborderons le “sexe phénotypique”.
Les sociétés occidentales fonctionnent aujourd'hui dans une double bicatégorisation à deux sexes sociaux et
deux sexes biologiques, et ces deux bicatégorisations sont souvent perçues comme strictement superposables. Il n'en
a pas toujours été ainsi puisque notre Occident a fonctionné, d'Aristote à la fin du XVIIIe siècle, avec deux sexes
sociaux et un sexe biologique unique : les humains se répartissaient par degrés du “mâle” au “moindre mâle”
(Laqueur, 1992). Mais qu'en était-il avant, durant la Préhistoire ? C'est l'objet de l'étude présentée dans la seconde
partie où nous analysons la relation “sexe biologique, sexe socioculturel” en confrontant pour une population du
Néolithique, les groupes définis par un marquage socioculturel et les groupes de sexe identifiés par des critères
biologiques. On verra que les rapports sociaux entretenus par nos ancêtres ne se fondaient pas sur une
bicatégorisation selon le sexe biologique qui nous semble aller à ce point de soi aujourd'hui, que nous la tenons,
hâtivement, pour “naturelle”.
1 - LE SEXE BIOLOGIQUE
Des chromosomes et neuf mois brièvement résumés
L'information génétique nécessaire au développement et au fonctionnement de la vie est contenue dans les
chromosomes. Ces chromosomes qui sont situés dans le noyau des cellules sont constitués d'un long filament d'acide
désoxyribonucléique (ADN) associé à des protéines qui, lors de la division cellulaire se condensent en forme de
bâtonnets (ces bâtonnets sont repérables par coloration en microscopie optique d'où l'appellation chromo). La moitié
des chromosomes d'un individu provient de sa mère et l'autre moitié de son père; ainsi chez l'humain qui possède 46
chromosomes, vingt-trois proviennent de chaque parent. On distingue classiquement deux types de chromosomes.
Ceux qui sont de forme identique deux à deux, appelés “autosomes” (on devrait sans doute dire
“autochromosomes”), sont au nombre de quarante-quatre (deux fois vingt-deux) dans l'espèce humaine et chacun est
simplement désigné par un numéro. Ceux qui ont une forme unique, appelés hétérochromosomes (ou chromosomes
sexuels), sont au nombre de deux chez l'humain et sont nommés X et Y. Ces chromosomes ont un statut particulier :
les femmes possédent deux chromosomes X et ont donc une formule chromosomique “44+XX”, alors que les
hommes ont un X et un Y et ont donc une formule chromosomique “44+XY”.
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C'est en 1923 que Painter observe, pour la première fois les hétérochromosomes dans l'espèce humaine, mais ce
n'est qu'à la fin des années cinquante que la présence d'un chromosome X et d'un chromosome Y est clairement
associée au phénotype mâle alors que la présence de deux chromosomes X est associée au phénotype femelle
(Jacobs, 1959).
Durant les premiers temps de la vie embryonnaire, le foetus humain contient des gonades indifférenciées qui
évoluent à partir de la 6e semaine en gonades mâles (testicules) ou en gonades femelles (ovaires). Cette étape est
appelée différenciation sexuelle “primaire”.
Dans un deuxième temps, les gonades produisent des hormones qui permettent à des ébauches embryonnaires
(canaux de Müller et canaux de Wolf) d'évoluer en organes génitaux mâles ou femelles. Cette étape est appelée
différenciation sexuelle “secondaire”. Ce sont les travaux de Jost qui, dès le milieu des années cinquante ont permis
de mieux comprendre ces phénomènes. Ses premiers résultats avaient montré que des embryons de mammifères mis
en présence de testostérone (l'hormone produite par les testicules) développaient toujours des organes génitaux de
type mâle. Par la suite d'autres travaux devaient mettre en évidence que cette différenciation forcée en “mâle” se
faisait indépendamment de la formule chromosomique : les embryons (XX ou XY) mis en présence de testostérone
se développent en "mâles”, alors que les embryons non soumis à la testostérone se développent en “femelles” (Jost,
1970). Un autre facteur à action masculinisante, l'hormone anti-müllérienne, devait par la suite être découvert. Cette
différenciation sexuelle secondaire est, on le comprend aisément, modulable à divers niveaux : elle dépend de la
capacité des gonades à produire des hormones, de la qualité des hormones synthétisées, de la réceptivité et de
l'aptitude des ébauches embryonnaires à se différencier, etc...
Ce développement en deux phases n'est apparemment pas applicable à toutes les espèces. En effet des
observations faites chez les marsupiaux font état de différences morphologiques repérables entre des embryons mâles
et femelles avant le développement des gonades (O, 1988).
1 - 1 . LE SEXE GENETIQUE ET MOLECULAIRE
De l'idéologie dans la recherche sur la détermination du sexe
Avant d'entrer dans le détail des recherches qui ont été effectuées depuis quelques décennies sur les mécanismes
de la différenciation sexuelle, il nous semble nécessaire de faire un préalable concernant divers travers idéologiques
qui sévissent dans ce domaine. Le premier biais que l'on peut dénoncer concerne les thèmes de recherches euxmêmes. En effet, les chercheurs et chercheuses ne travaillent pas sur les processus de différenciation menant soit vers
l'ovaire soit vers le testicule mais toujours sur les mécanismes conduisant vers ce dernier et ceci, parce que la voie
qui aboutit au développement des ovaires est considérée comme un mécanisme “de base” (ou “primaire” ou “passif”)
que des événements supplémentaires viendraient modifier pour “faire du mâle”1.
1Bien
que cette théorie tienne toujours le devant de la scène on verra plus loin que, depuis 1994, de nombreux
résultats incitent les scientifiques à un peu plus de prudence sur la “passivité” du développement femelle.
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De manière parallèle, il nous semble important de noter que l'ensemble des publications sur ce sujet utilisent
toutes à un moment quelconque le terme “sex determining gene” pour nommer en fait le “male sex determining
gene”1. Cette remarque apparaîtra sans doute à certain(e)s, soit comme un pinaillage inutile soit comme une
insupportable atteinte à la liberté d'expression digne du “politically correct” américain. Il nous semble, quant à nous,
qu'il n'est pas anodin que lorsque l'on désigne LE sexe dans les publications scientifiques, il s'agisse en réalité du
sexe mâle. Si l'on garde cette remarque à l'esprit, on comprend mieux pourquoi personne ne travaille sur la
détermination du sexe femelle.... puisqu'il n'existe pas !
Il est intéressant de noter aussi que cette “imprécision” de langage consistant à utiliser un terme générique pour
désigner une seule des composantes n'est pas nouvelle mais qu'elle s'est inversée au fil des siècles ! En effet, au
XVIIIe siècle “le sexe” désignait les femmes, une manière péjorative (au mieux aimable) de dire que la Raison n'était
pas vraiment leur fort. Au XIXe siècle, le “sexe fort” sera opposé au “sexe faible”, une manière “scientifique” de
maintenir la domination des uns sur les unes. Au XXe siècle, en bonne logique le “sexe fort” est devenue le “sexe”,
au moins dans les publications scientifiques et les médias qui les relaient !
Un article remarquable, publié en 1986 par Eva Eicher et Linda Washburn, tranchait pourtant sur l'ensemble des
autres publications. Dans cet article de synthèse intitulé “Contrôle génétique de la détermination primaire du sexe
chez la souris” (Eicher, 1986) les auteurs présentent un véritable modèle de détermination du sexe comportant deux
mécanismes tout aussi “actifs l'un que l'autre” et présumant de l'existence de deux facteurs, l'un appelé "déterminant
de l'ovaire” et l'autre “déterminant du testicule” (les dernières recherches leur donnent aujourd'hui raison). Par
ailleurs elles insistent aussi sur l'importance potentielle de plusieurs gènes situés sur le chromosome X et sur les
autosomes et constituant, selon elles, la cascade des événements de la différenciation gonadique. Nous reviendrons
sur ce point.
Ce préalable concernant l'orientation des recherches étant fait, venons-en aux résultats qui ont été obtenus par
les scientifiques qui s'intéressent au mécanisme de la différenciation sexuelle primaire. Pour eux, les questions qui se
posent sont les suivantes: quelle est (ou quelles sont) la (les) molécule(s) qui déclenche(nt) la différenciation des
gonades embryonnaires vers la forme “ovaire” ou vers la forme “testicule” et où sont situés les gènes responsables de
la synthèse de ces molécules ?
Comme tout ce qui a trait à la recherche en biologie, les études sur le sexe sont passées en une vingtaine
d'années du niveau cellulaire au niveau moléculaire. Les chercheurs, qui avaient tout d'abord étudié le chromosome
Y dans son ensemble, se sont ensuite intéressés à une molécule présente à la surface des cellules (l'antigène HY),
puis ils se sont tournés vers les gènes eux-mêmes présents sur le chromosome Y.
Une “vraie valeur” : le chromosome Y
Comme nous l'avons mentionné précédemment, les formules chromosomiques classiques (ou caryotypes) dans
l'espèce humaine sont 44+XX chez la femelle et 44+XY chez le mâle. Précisons qu'il n'en est pas de même dans
toutes les espèces. Par exemple, chez les oiseaux, où les chromosomes sexuels sont nommés Z et W, les mâles ont
des chromosomes sexuels identiques (deux chromosomes Z) alors que les femelles ont des chromosomes sexuels
1Pour
une critique plus détaillée sur ce point voir Peyre E. et Wiels J., 1996
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différents (un Z et un W). Chez la Drosophile (ou petite mouche du vinaigre), c'est le rapport (X/A) entre le nombre
de chromosomes X et le nombre d'autosomes (A) qui détermine le sexe: XX/A ou XXY/A donneront des femelles,
X0/A ou XY/A des mâles.
Comme cela se produit très souvent en biologie, c'est l'existence d'individus hors norme qui a permis de
progresser dans la compréhension des mécanismes de la détermination du sexe. A partir de 1959, la description
d'individus dotés de caryotypes inhabituels (Jacobs, 1959) suggérait un rôle "dominant" du chromosome Y. En effet,
les individus XY, XXY, XXXY étaient "mâles", alors que les individus X0, XX, XXX, XXXX étaient “femelles”,
autrement dit, la présence du chromosome Y induisait le phénotype mâle, quel que soit le nombre de chromosomes
X présents (notons toutefois que les individus Y0 ne sont pas viables). Dès 1964, cependant, l'existence d'individus
“mâles” ayant un caryotype 44+XX était prouvée (de la Chapelle, 1964), ainsi que celle, un peu plus tard, de
“femelles” 44+XY. Dans ce dernier cas, on distingue en fait deux grandes catégories fondées sur la nature des
gonades, et qui correspondent à des dysfonctionnements au niveau soit de la différenciation sexuelle primaire soit de
la différenciation sexuelle secondaire (Wachtel, 1983, pp.153-231).
Plusieurs types de caryotypes différents de la “norme” XX ou XY existent donc dans l'espèce humaine. Parmi
ces caryotypes “hors-norme”, certains ne présentent qu'un seul chromosome sexuel, un unique X ; d'autres, au
contraire, présentent des chromosomes surnuméraires : un, deux et même trois chromosomes X (caryotypes XXX,
XXXX, XXXXX, XXY, XXXY) ou encore un chromosome Y (caryotypes XXYY, XYY).
Les individus porteurs de certains caryotypes “hors norme” (trois, quatre ou cinq X) ont, en général, une
morphologie génitale “normale”. Les individus porteurs des formules chromosomiques X0, XXYY, XXXY
présentent soit une atrophie génitale externe, soit des dysfonctionnements des ovaires ou testicules conduisant à la
stérilité, soit les deux types de manifestations. En outre, les seins se développent chez certains hommes, notamment
chez ceux atteints du syndrome de Klinefelter (caryotype XXY). Enfin, comme nous l'avons mentionné
précédemment, parmi les individus au caryotype “normal”, certains ont une morphologie externe ne correspond pas à
celle attendue : ainsi il existe des femmes XY, des hommes XX, ainsi que des hermaphrodites XX.
L'ensemble des porteurs de ces "anomalies caryotypiques" représente environ 400 000 personnes en France
mais certaines formules sont plus fréquentes que d'autres. Ainsi, 120 000 personnes sont XXX et autant sont XYY,
85 000 sont XXY et 22 000 sont X0. On compte, de plus, 3 000 hommes XX, 6 000 "ambigus" XX, quelques
femmes XY et 12 000 hermaphrodites “vrais” XX.
La victoire éphémère de l'immunologie
Comme l'adéquation entre la présence du chromosome Y dans son intégralité et le phénotype mâle présentait
des failles, un autre facteur de détermination du sexe a été recherché. C'est la protéine appelée antigène HY qui, dans
les années 1970, a tenu le devant de la scène dans le rôle de “testis determining factor” (TDF) ou “facteur de
détermination des testicules”.
HY fut d'abord décrite (Eichwald, 1955) en tant qu'antigène impliqué dans des problèmes de greffe. On montra
que des greffes de peau d'une souris mâle sur une souris femelle syngénique (c'est-à-dire identique génétiquement)
étaient parfois rejetées. Il fut alors postulé puis prouvé qu'il existait, à la surface des cellules des souris mâles, une
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structure appelée HY (pour Histocompatibilité liée à Y) reconnue comme “étrangère” par les cellules des souris
femelles, et qui était donc responsable du rejet des greffes (Goldberg, 1971).
Entre 1975 et le début des années 80, une série d'arguments sembla établir le rôle déterminant de HY dans la
différenciation testiculaire. Cette molécule était en effet retrouvée dans de nombreuses espèces, ce qui pouvait
suggérer qu'elle jouait un rôle essentiel au cours de la phylogenèse; dans certaines espèces, la présence ou l'absence
de HY semblait davantage corrélée avec le phénotype mâle ou femelle que la présence ou l'absence du chromosome
Y; chez les oiseaux, où c'est la femelle qui possède deux chromosomes sexuels différents (ZW), une structure HW
(équivalente à HY) n'était présente que sur les cellules des femelles et enfin, dans l'espèce humaine, des individus
mâles ayant un caryotype XX possédaient l'antigène HY. On peut trouver dans deux revues générales consacrées à
cette “hypothèse HY” l'ensemble des arguments en sa faveur (Ohno, 1979; Wachtel, 1983).
Cette théorie est cependant aujourd'hui totalement abandonnée. Le rôle de HY dans la détermination du sexe
mâle commença, en effet, à être ouvertement discuté et contesté au début des années quatre-vingts (Silvers, 1982).
Plusieurs publications montrèrent tout d'abord que, sous l'appellation HY, se trouvaient en fait deux molécules
distinctes, qui n'étaient pas forcément co-exprimées chez tous les individus. Ces observations entraînaient
immédiatement deux questions fondamentales: ces deux molécules sont-elles responsables conjointement de la
détermination du sexe, et sinon, laquelle des deux joue ce rôle déterminant?
En fait, ce sont les exemples de non-concordance entre HY et le sexe gonadique qui allaient définitivement
enlever à HY le rôle de facteur de détermination des testicules. Il existe par exemple, des souris femelles X0 qui
expriment HY, alors que certaines souris mâles ne l'expriment pas. Dans l'espèce humaine, des individus mâles (ceux
notamment qui ont un caryotype XX) ne possèdent pas l'antigène HY, alors que des individus femelles le possèdent,
de même que des patientes présentant un syndrome de Turner (caryotype X0).
L'ère de la biologie moléculaire monogénique
La fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingts ont vu le développement, non sans
controverse, du "génie génétique". Ces nouvelles techniques qui sont maintenant regroupées sous le terme générique
de "biologie moléculaire" permettent d'analyser n'importe quel gène (ainsi que le produit des gènes) mais permettent
surtout de manipuler les gènes. On comprend que des outils aussi puissants aient été appliqués très vite au problème
de la détermination du sexe.
Comme par le passé, la majorité des nouvelles découvertes ont été réalisées grâce à des études portant sur des
individus ayant un caryotype ne correspondant pas à leur sexe apparent (homme XX, femme XY). Dans un premier
temps, la cartographie fine de leurs chromosomes X et Y a abouti à la définition d'un petit segment du bras court du
chromosome Y, impliqué dans la détermination du sexe. Chez les individus mâles XX, ce petit fragment du Y serait
déplacé sur le chromosome X alors qu'à l'inverse, chez les femelles XY, il n'existerait pas. Quelques mois plus tard,
un gène localisé dans cette région du chromosome Y était annoncé comme “ le gène de détermination du sexe”
1(Page,
1986). Ce gène appelé ZFY devait résister un an avant que d'autres équipes ne montrent que des mâles XX
ne le possédaient pas et qu'il existait par ailleurs un équivalent de ZFY sur le chromosome X. ZFY ne pouvait donc
plus être le facteur de détermination des testicules.
1
Il faut comprendre évidemment “gène de détermination du sexe mâle”
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En fait, si ZFY n'est plus considéré comme un facteur déterminant, c'est aussi parce qu'il a été remplacé par un
autre gène, nommé lui SRY, qui semblait mieux correspondre à la définition de facteur de détermination des
testicules (Berta, 1990). Par la suite, évidemment, ce qui devait arriver arriva, et plusieurs équipes mirent en
évidence que certains individus mâles XX, sans ambiguïté génitale, ne possédaient pas ce gène SRY.
Le temps de la multigénicité: des gènes pour le sexe mâle et... pour le sexe femelle
Aujourd'hui, un changement dans le mode de raisonnement semble se dessiner. En effet, les cas observés de
développement des testicules en l'absence de SRY n'entraînent apparemment pas la disqualification complète de ce
gène au profit d'un autre mais génèrent au contraire des hypothèses impliquant plusieurs gènes (Wolf, 1994; Werner,
1996). On passe ainsi peu à peu d'une théorie, que nous appellerons de “l'homme-orchestre”, où un seul gène peut
tout faire, à une théorie de “l'orchestre de chambre” où plusieurs gènes, situés sur les chromosomes sexuels mais
aussi sur les autosomes, peuvent et doivent coopérer, sans véritable chef, pour jouer l'air de la détermination du
sexe ! Plus intéressante encore est la découverte récente d'un gène, situé sur le chromosome X, qui est impliqué,
entre autre, dans le développement des ovaires et qui pourrait contrebalancer l'effet de SRY (Swain, 1996). Ce gène,
nommé Dax1, a encore du mal à se faire une place dans “l'orchestre du sexe” de nombreuses publications
scientifiques, mais on peut quand même espérer que l'heure de la multigénicité du mécanisme de détermination des
sexes a enfin sonné.
1 -2 . LE SEXE PHENOTYPIQUE OSSEUX : LE CRANE ET LE BASSIN
Du point de vue de la biologie, le phénotype est “la réalisation d'un génotype dans un milieu”. Il peut donc être,
contrairement au génotype, “observé”. La morphologie corporelle, c'est-à-dire la forme du corps dans ses parties
molles (muscles, peau...) ou plus dures (os), est l'un des aspects du phénotype. Ce dernier présente certains traits, les
caractères sexuels primaires et secondaires, interprétés comme la conséquence “réalisée” de certains gènes appelés
les “déterminants du sexe”. La variation de ces caractères, analysée en deux classes, constitue le dimorphisme
sexuel. Mais au sein des catégories déclarées homme et femme, les caractères sexuels présentent une forte variation
de leur degré d'expression dans leur forme et leur taille. Leur interprétation est difficile car ils sont le produit de
l'histoire : histoire de l'espèce humaine, histoire des catégories sociales de sexe et histoire individuelle durant
laquelle le biologique se construit dans un milieu comprenant, pour l'humain, une forte composante socioculturelle.
Nous allons évoquer quelques aspects de cette complexité.
Les éléments osseux généralement considérés comme les plus marqués par le “sexe” sont le bassin et le crâne.
Ces ensembles anatomiques sont particulièrement intéressants pour affiner le concept de sexe biologique car les os,
parce qu'ils résistent bien à la destruction par le temps, donnent accès autant aux investigations statistiques durant
une période donnée qu'aux études chronologiques à très long terme. Aujourd'hui, seul le phénotype squelettique
permet de conjuguer analyses synchroniques et diachroniques ; il est ainsi le meilleur support biologique à la lecture
de l'histoire humaine ancienne.
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1-2-1. HISTOIRE DU BASSIN ET DU CRANE HUMAINS
Le bassin humain ou l'histoire d'un marcheur qui pense
La morphologie du bassin a longtemps été interprétée en terme d'adaptation fonctionnelle à la reproduction, ce
qui explique qu'on y a recherché prioritairement des caractères sexués. Aujourd'hui, c'est une conception bien
différente qui s'affirme. L'ensemble pelvien humain se serait constitué sous l'effet de pressions sélectives majeures
d'un tout autre ordre que sexuel puisqu'elles auraient entraîné l'anthropogénèse, c'est-à-dire la naissance de l'espèce
humaine au sein des Primates, espèce caractérisée par la bipédie et la télencéphalisation (formidable développement
du cerveau).
La marche : un premier pas vers la pensée
L'acquisition et le perfectionnement de la bipédie sont structurellement essentiels à l'espèce humaine car ils ont
permis une télencéphalisation unique au sein du monde animal, qui est identifiée à la naissance de l'Homme. Le
redressement sur les deux “pattes arrières” libère les membres antérieurs des contraintes locomotrices. Les mains
devenues vacantes peuvent saisir et briser ; elles suppléent aux mâchoires dont la fonction se restreint bientôt à la
seule mastication. Le museau se réduit jusqu'à devenir face ; la calotte crânienne ainsi déverrouillée se bombe sous la
pression de l'inflation cérébrale. Les mains alors taillent et leur habileté se perfectionne par action réciproque avec le
développement encéphalique.
Le volume du cerveau humain, en effet, n'a pas simplement crû en fonction de l'augmentation de la taille
corporelle comme c'est le cas chez les autres animaux. Il a quadruplé des Australopithèques (400 cm3) aux Hommes
actuels (de 1 000 à 2 200 cm3), alors que la stature, qui durant le même temps passait de 1,20 m à 1,70 m en
moyenne, n'avait même pas doublé !
Le dilemme : marcher ou procréer
Le bassin humain est le résultat de contraintes fondamentales liées à l'acquisition puis à l'amélioration de la
station érigée permanente. Il s'est beaucoup modifié durant les 5 derniers millions d'années et est maintenant très
“rétréci” en largeur, hauteur et profondeur. Bien que le pelvis de nos ancêtres préhumains, les Australopithèques, ait
déjà acquis des proportions très différentes de celles de nos plus proches parents, les Grands Singes, il diffère du
nôtre à la fois par sa forme et sa taille. Le bassin se rétrécit d'un tiers entre Australopithecus et Homo , toutes
proportions gardées, puis d'un autre tiers entre l'Homme de Néandertal et l'Homme moderne (Trinkaus, 1986), mais
en fait, “les modifications du schéma pelvien (bassin) des Hominidés sont la conséquence d'un processus évolutif
continu entre les Australopithèques graciles et le genre Homo, se poursuivant jusqu'à Homo sapiens” (Berge, 1988).
De plus, des “modifications fonctionnelles (locomotrices et obstétricales) ont accompagné ces changements
morphologiques” (Berge, 1988) et ces processus adaptatifs ont été d'une telle ampleur qu'ils ont engendré des
modifications sur l'ensemble des organes pelviens y compris ceux du tractus génital ; ils auraient même bouleversé
les modalités d'une fonction vitale pour l'espèce, la reproduction.
L'Homme : une contradiction à hauts risques
Ces deux traits évolutifs, bipédie et télencéphalisation, auraient pu avoir des conséquences catastrophiques du
point de vue de la reproduction car ils engendraient de sévères difficultés obstétricales, à savoir rendre possible le
passage de la tête de plus en plus volumineuse du bébé par l'anneau osseux de plus en plus rétréci du petit bassin de
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la mère. Cette contradiction fut résolue par diverses modifications des organes pelviens et céphaliques. Parmi les
phénomènes adaptatifs qui ont permis la parturition humaine, et donc notre survie en tant qu'espèce, trois grandes
innovations sont classiquement invoquées.
Un premier changement aurait modifié la localisation des organes génitaux (Berge, 1988). Ils occupent
maintenant une situation très antérieure : contrairement à la parturition dorsale des autres primates, la parturition
humaine est ventrale et implique une mécanique obstétricale complexe qui impose au foetus humain un double
mouvement de rotation et de flexion.
Une seconde innovation aurait transformé le rythme de croissance des os de la voûte crânienne. On observe
chez le foetus de six à sept mois in utero, une rupture de ce rythme : le développement osseux se ralentit et les os
“flottent” sur le cerveau, séparés par de larges espaces, les fontanelles. Lors de la naissance, ces dernières permettent
au crâne de se déformer sans séquelle et à la tête de franchir l'anneau étroit du petit bassin.
Le troisième phénomène adaptatif proposé (Prechtl, 1986), l'accélération de la gestation, suscite encore des
débats. Cette hypothèse, qui tient compte de notre immaturité physiologique jusqu'à treize mois, implique une
naissance précoce vers neuf mois, à un stade foetal où la tête humaine est encore petite. Le primate ancêtre de
l'Homme aurait eu une durée de gestation de vingt et un mois. Les réductions du temps de gestation se seraient
produites simultanément aux “rétrécissements” du bassin : une première fois, donnant naissance aux
Australopithèques, une seconde fois, donnant naissance à l'Homme. Une nouvelle accélération de la gestation de
treize à neuf mois est enfin évoquée lors du passage de l'Homme de Néandertal à l'Homme moderne, c'est-à-dire il y
a environ 100 000 ans. La réduction du temps de gestation entraînerait une socialisation de l'humain de plus en plus
jeune, alors qu'il n'est encore qu'un foetus. Les conséquences en seraient la survie de l'espèce avec des retombées
d'ordre culturel : invention d'outils frustes par Australopithecus puis d'outils vrais par Homo et enfin de l'art par
Homo sapiens.
La primauté du cerveau sur le “sexe”
Ces éléments d'histoire qui concernent fondamentalement la morphologie de notre bassin et de notre tête, nous
désignent comme marcheurs et penseurs avant tout, et notamment avant d'être des reproducteurs. Notre phénotype
nous distingue plus de l'ensemble du monde vivant qu'il ne nous différencie, à l'intérieur de notre espèce, les uns des
autres, et les unes des uns. “L'Homme s'identifie par son cerveau et ses fesses” (Coppens, 1988), fesses constituées
de muscles indispensables à la marche bipède.
Cette histoire évolutive empêche de traiter l'Homme comme un banal Mammifère, puisque dès l'origine les
modifications biologiques et socioculturelles sont synchrones. En particulier, la reproduction qui est une fonction
vitale liée au sexe chez les animaux supérieurs, a été confrontée dans l'espèce humaine à des risques majeurs. Les
marges d'expression du “sexe” sont désormais si réduites qu'on peut se demander, comme le suggère la nécessité
croissante de la médicalisation de l'accouchement, si elles ne seront pas bientôt insuffisantes, notamment pour offrir
des voies de passage au bébé. L'humain, c'est l'histoire réussie d'un bouleversement de la hiérarchie des fonctions
biologiques au profit du cerveau.
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1-2-2. LE PHENOTYPE SEXUEL DU CRANE
La première représentation de deux squelettes masculin et féminin, que l'on doit à Thiroux d'Arconville,
n'apparaît qu'au XVIIIe siècle (jusque là l'espèce humaine n'était représentée que par un seul squelette, Peyre et
Wiels, 1996). Cependant, les caractères osseux sexuels ne furent savamment étudiés qu'à partir du milieu du XIXe
siècle par les anthropologues physiques (Broca, 1875). C'est la capacité crânienne qui fut l'objet des plus vifs débats
en raison des liens privilégiés du crâne et du cerveau, liens qui avaient été étendus improprement à l'intelligence. Ces
études furent d'emblée parasitées par une idéologie différentialiste défavorable aux femmes, à quelques exceptions
près, comme notamment chez Manouvrier et Pelletier (Peyre, 1992) ou Royer (Fraisse, 1985). Ainsi Broca (1861)
écrivait-il “La femme est en moyenne un peu moins intelligente que l'homme ; différence qu'on a pu exagérer, mais
qui n'en est pas moins réelle. Il est donc permis de supposer que la petitesse relative du cerveau de la femme dépend
à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle”. La quête “d'infériorité absolue” a même
conduit certains savants à développer un différentialisme radical construit sur une intrication de sexisme et de
racisme. Ainsi, “cette différence [de poids du cerveau] est inhérente au sexe lui-même, [...] les différences
s'accroissent à mesure qu'on s'élève des races inférieures vers les supérieures, en sorte que, du point de vue de la
masse du cerveau, la femme tend à se différencier de plus en plus de l'homme” (Le Bon, 1879).
Aujourd'hui, les études des populations actuelles et préhistoriques, amènent à reformuler la différence entre
crânes d'homme et de femme énoncée dans ces anciens travaux, en termes de différences sexuelles plus complexes.
Les résultats présentés ci-dessous montrent en particulier que l'estimation du sexe d'un sujet par ses os impose de
connaître, entre autres, son âge paléontologique (chronostratigraphique), son âge individuel et sa population
d'origine.
La population : un continuum
Le crâne reflète l'influence du “sexe” par certains attributs dont l'analyse biométrique montre qu'ils ne répondent
pas à la loi du “tout ou rien”. Au contraire, la mesure d'un même trait sexuel chez chaque sujet d'une population
constitue un ensemble de nombres qui varient de manière continue. Cette distribution n'est pas bimodale comme le
suppose une bicatégorisation sexuelle, mais unimodale et d'allure gaussienne (c'est-à-dire en forme de cloche) : la
population est ainsi décrite par une série de nombres qui croissent selon un continuum du pôle très féminin au pôle
très masculin (Peyre, 1977).
Les sujets qui sont situés dans la zone moyenne de ce continuum forment la majorité de la population ; ils
diminuent en nombre près des extrémités de cette courbe. Or, c'est précisément près de ces pôles, chez les individus
extrêmes donc, que le diagnostic du sexe est hautement probable. Le risque d'erreur de diagnostic augmente au fur et
à mesure que l'on se rapproche de la moyenne, chez les individus “intermédiaires”. Le problème scientifique posé
par l'importance numérique de ces derniers, avait déjà été soulevé par des anthropologues du XIXe siècle : “les os de
sexe douteux forment la moitié de la série” (Topinard, in : Manouvrier, 1893).
L'individu : homogénéité et hétérogénéité
La prise en compte simultanée de plusieurs caractères révèle un autre aspect de la complexité du sexe : le
squelette humain ne porte pas nécessairement une influence univoque du sexe. Si les caractères sexuels de certains
sujets sont développés de manière semblable sur l'ensemble du squelette, ce n'est pas le cas général. La plupart des
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individus manifestent des différences d'expression d'un trait sexuel à l'autre. Cette hétérogénéité individuelle conduit
donc à des diagnostics du sexe formulés de manière graduée tel “femme à tendance masculine” ou “très masculine”,
etc. Enfin, pour certains sujets, les caractères sexuels sont fortement marqués masculins ou féminins, mais ils
s'expriment de manière contradictoire d'un os à l'autre : ces phénotypes peuvent associer, par exemple, un crâne
masculin avec un bassin féminin. Formuler un diagnostic dans ce cas sous-tend d'admettre que le sexe influence
chaque os de manière différentielle et hiérarchique. Pour estimer le sexe, on admet généralement la hiérarchie
suivante : le bassin, le crâne, les os longs et les autres os. Dans l'exemple cité ci-dessus, l'anthropologue déclare que
le squelette est celui d'une femme à tête d'homme.
Le crâne comme estimateur du sexe
L'estimation du sexe par plusieurs variables combinées s'est développée avec l'informatique qui a permis
d'utiliser des méthodologies statistiques auparavant trop longues à appliquer. En 1963, Giles et Elliot créent des
équations discriminantes du sexe à partir de crânes de Nord Américains actuels “whites”, d'origine européenne, et
“negroes”, d'origine afro-américaine. L'appartenance aux groupes “homme” et “femme” étant connue au départ,
l'analyse discriminante sélectionne les variables qui séparent au mieux les individus en deux groupes de sexe et
affecte un paramètre multiplicateur à chacune d'elles. La somme de ces variables paramétrées forme l'équation
discriminante.
L'application de ces équations à une série de crânes propose pour chacun un pourcentage de féminité et de
masculinité. Chaque humain y est représenté par un nombre singulier qui est le résultat pour ses propres mesures du
calcul de l'équation. Une valeur “seuil” qui coupe en deux parties cet ensemble est alors calculée de manière à
maximiser le nombre de sujets bien classés.
Giles et Elliot montrent ainsi que le phénotype sexuel crânien est un bon estimateur du sexe puisque leurs
fonctions “whites” classent correctement 87% d'humains d'un échantillon de Nord Américains d'origine européenne
et que leurs fonctions “negroes” classent avec une même réussite, un échantillon d'hommes et de femmes Nord
Américains d'origine afro-américaine.
L'expression des caractères sexuels crâniens varie avec la géographie
Giles et Elliot constatent, simultanément à leur innovation, les limites de leur méthode : chaque équation n'est
valable que pour une population donnée, celle qui a permis de construire l'équation. Si les humains testés
proviennent d'une population différente de celle de référence (par exemple si les humains testés sont des “negroes”
auxquels on applique les équations“whites”), le pourcentage de sujets bien classés chute fortement. D'autres travaux
(Menin, 1977; Peyre, 1977) ont abouti aux mêmes conclusions : la population mixte d'un village moyenâgeux d'Ilede-france était répartie par les équations “whites”, en 80% d'hommes et 20% de femmes, ce qui est absurde.
Les équations “whites” et “negroes” ainsi que les nouvelles équations discriminantes construites à partir de
crânes mérovingiens (Peyre, 1983) ne présentent ni les mêmes paramètres ni le même seuil discriminant. Le degré
d'expression sexuelle varie donc entre des populations d'origine géographique différente. En d'autres termes, les
femmes “whites”, “negroes” ou moyenâgeuse peuvent être séparées de leurs homologues masculins mais le
développement de ces traits sexuels est très diversifié entre les divers groupes de femmes (ou d'hommes) et peut
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atteindre des limites telles qu'il génère une confusion entre des femmes d'une population et des hommes d'une autre
population .
Les caractères sexuels crâniens changent avec le temps
Premièrement, les caractères sexuels crâniens changent de nature au cours de l'évolution humaine : ils diffèrent
au sein de l'espèce selon la période étudiée. Par exemple, le torus sus-orbitaire, énorme superstructure osseuse
barrant le front de nos ancêtres jusqu'à environ 50 000 ans ne présente pas de différence sexuelle (Heim, 1981/1982).
Par contre, les arcades sus-orbitaires qui le remplacent sur le crâne devenu plus pédomorphe (c'est-à-dire présentant
la morphologie de l'enfant) de l'Homme moderne, sont des reliefs développés différemment selon le sexe.
Deuxièmement, les caractères sexuels du crâne varient au cours de la vie d'un individu. D'abord peu développés
chez l'adolescent, ils évoluent vers un aspect plus sculpté : le crâne se masculinise pour tout individu au cours du
temps. L'estimation du sexe nécessite donc de connaître l'âge du sujet afin de distinguer une femme d'un homme plus
jeune.
La biologie cellulaire permet d'avancer une hypothèse explicative de ce phénomène. La forme osseuse change
sous l'action, contradictoire mais conjuguée, de divers processus impliqués dans des mécanismes de destruction et
d'apposition de matière osseuse (Hoyte, 1982). L'activité des cellules qui remanient et remodèlent la forme est
continue depuis les premiers stades foetaux jusqu'à la mort. L'aspect des caractères sexuels se modifie donc tout au
long de la vie.
Conclusion
L'étude de l'estimation du sexe, à partir du crâne et du bassin, montre l'importance du nombre de caractères pris
en compte parce qu'elle met en évidence, au niveau individuel, la variabilité du développement d'un caractère par
rapport aux autres et même d'éventuelles contradictions. Les individus sont caractérisés par un certain pourcentage
de féminité et de masculinité et se distribuent selon un continuum allant du très féminin au très masculin.
Pour expliquer cette réponse qui n'est pas du type “tout ou rien”, nous proposons l'hypothèse que le “sexe”
n'influe pas sur la morphologie osseuse par un mécanisme simple. Tout se passe comme s'il agissait avec une
intensité variable ou même parfois selon des modalités contradictoires. On peut supposer, dans ce mécanisme,
l'influence d'une causalité non génétique, par exemple, celles de facteurs environnementaux.On peut également
alléguer le phénomène d'allochronie de croissance osseuse : tous les os d'un même individu n'ont pas le même âge
biologique
1-2-3. EFFET DU SEXE SOCIAL SUR LA BIOLOGIE
La biologie n'est pas indépendante du milieu et, parmi les facteurs environnementaux qui exercent une influence
non négligeable, certains présentent un déterminisme social manifeste. L'alimentation, par exemple, dépend autant de
l'économie d'une société que de ses coutumes, et varie selon les castes ou le sexe social. Il est fréquent que garçons et
filles, qu'hommes et femmes ne se nourrissent pas de la même manière, ni en quantité, ni en qualité. Cette
différenciation alimentaire conditionnée par le sexe social laisse parfois des traces importantes sur l'os. Il suffit de
Les temps modernes page 13
citer le cas de la sous-alimentation des femmes au Moyen Age lorsque le niveau économique était catastrophique.
Ces femmes présentent une ostéoporose dès l'âge de quinze ans (Buchet, 1977), conséquence de la dénutrition durant
l'enfance. Leur fragilité biologique est telle que l'accouchement est un événement à très haut risque ; ces jeunes
adultes survivent peu aux premières couches : la moitié d'entre elles meurent entre dix huit et trente ans (Peyre,
1981).
2- LE SEXE SOCIOCULTUREL DURANT LA PREHISTOIRE
Des images mythifiées des sociétés ancestrales...
Les travaux en épistémologie et en histoire de l'anthropologie ont montré que les reconstructions des sociétés
préhistoriques sont essentiellement élaborées à partir d'images profondément liées à la société qui les produit. Or, la
mise en lois de la pensée universaliste des “Lumières” a paradoxalement accentué un demi siècle après, au XIXe
siècle, l'aspect naturaliste du discours différentialiste qui va au XXe siècle, et malgré des nuances très diverses,
ancrer les différences socioculturelles entre hommes et femmes dans la biologie (Laqueur, 1992). L'aboutissement le
plus spectaculaire de ce mouvement est l'école sociobiologiste (Wilson, 1975). La description de la vie des Hommes
préhistoriques, au sein même de publications scientifiques, ne repose que sur des mythes : celui du patriarcat pour les
uns (Isaac, 1978), celui du matriarcat pour les autres (Tanner, 1981), selon un postulat idéologique qui veut qu'un
sexe domine naturellement l'autre.
... aux anthropothèques1 préhistoriques
Vouloir prouver que les rapports sociaux de sexe existent depuis l'origine de l'humanité, il y a trois millions
d'années, présume que les sciences peuvent restituer ceux-ci. Or, que sait-on des rapports sociaux de sexe chez nos
ancêtres ? En fait, les données sont minces (Baffier et. al., 1981) et d'autant plus inexistantes que la période étudiée
est ancienne. Au-delà des deux ou trois derniers millénaires pour lesquels l'histoire s'appuie sur des textes, la
préhistoire et la paléoanthropologie requièrent ce que nous appellerons des “anthropothèques”, c'est-à-dire des lieux
où sont conservés les vestiges d'une civilisation passée mais aussi ses acteurs. De telles anthropothèques n'existent
guère en Europe avant le réchauffement climatique de l'Holocène (il y a 10 000 ans), car auparavant, les Hommes
très dépendants de gibiers migratoires, tel le Renne, ne s'installaient que pour des campements saisonniers. Mais à
partir du Néolithique, ou peut-être de la période précédente, le Mésolithique, les innovations sociales liées à la
sédentarisation ont favorisé la constitution de cimetières villageois. L'anthropothèque recherchée pour l'étude de la
relation entre groupes sociaux et groupes de sexe biologique doit aussi présenter des qualités de richesse et
d'ordonnancement spécifiques car l'analyse des données exige une correspondance univoque entre un document
biologique, le squelette, et un document socioculturel, le matériel archéologique associé.
1
Nous proposons le néologisme “anthopothèques” pour désigner le cimetière conçu comme le livre d'un monde à
déchiffrer. L'anthropothèque est une unité de lieu où sont rassemblées des informations concernant un groupe
humain : les tombes peuvent être considérées comme des documents. Elles représentent, chacune, une unité
d'infomations (restes biologiques, restes archéologiques) qui s'insère dans une structure spatiale très ordonnée.
Environ 4 000 ans avant les premières bibliothèques (Assurbanipal, Mésopotamie, VIIe siècle av. J.C.), et quasisimultanément avec les premières “tablettes d'inventaire” en argile crue (Uruk, Mésopotamie, quatrième millénaire
av. J.C.) entreposées sous forme “d'Archives”, le cimetière ou encore anthropothèque permet d'engranger une très
grande quantité d'informations concernant une civilisation.
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A la recherche de Néolithiques “muséographes” : l'exemple des Grossgartach
De telles anthropothèques nous sont en particulier parvenues des Néolithiques Grossgartach. Ces paysans sont
parmi les premiers Européens qui enterrent leurs morts dans des sépultures individuelles regroupées en cimetière.
Cette pratique funéraire a sauvegardé des données sociales et des informations sur chaque individu du groupe. De
plus, leurs coutumes offrent un message bien documenté car le mobilier funéraire qui accompagne l'inhumé dans sa
tombe est souvent abondant et varié : céramiques (vases...), outils en os et en pierre (faucilles, broyeurs, meules,
haches, grattoirs, flèches, poignards...), colorants (en dépôt ou en saupoudrage), parures (boutons de nacre,
pendeloques en os, en pierre ou en coquillage...), dépôts (dents de sanglier, amas de coquilles...). Leurs sépultures
qui recèlent une mémoire biologique et sociale précise, rangée, riche et variée, évoquent certains aspects de nos
conceptions muséales actuelles.
Il y a 6 000 ans, les Grossgartach s'installent dans l'Est de la France
La culture Grossgartach représente une phase récente (Néolithique moyen) du courant “Danubien”, mouvement
né dans la vallée du Danube qui a franchi le Rhin vers le milieu du Ve millénaire avant J.C., puis a progressé vers
l'Ouest. Ces céramistes s'installent massivement durant le IVe millénaire dans la riche plaine loessique d'Alsace, mais
une progression plus occidentale est soupçonnée car une poterie noire, incisée au poinçon et incrustée de blanc,
découverte aux abords de Paris, leur est parfois attribuée. Les résultats présentés ci-dessous ressortent de l'étude du
matériel récolté dans le Bas-Rhin (Lingolsheim, Erstein et Entzheim) (Forrer, 1938) et en Bourgogne (à Passy sur
Yonne) (Peyre et Fonton, 1983).
Les grands et robustes Grossgartach
Les néolithiques ont développé, durant les 4 millénaires pendant lesquels se produit en France cette fantastique
mutation paysanne, des faciès culturels nombreux et variés. Leur allure physique reconstruite à partir des ossements
manifeste également une grande diversité. Alors qu'à l'Ouest, en Normandie (Dastugue, Torre et Buchet, 1974),
vivaient des gens de si petite stature (1,35 m à 1,65 m) qu'ils furent surnommés “les Pygmées du Bassin parisien”, à
l'Est de Paris, et notamment au pied des Vosges, des sujets de haute stature (1,50 m à 1,82 m) peuplaient la vallée
rhénane. Les premiers étaient pédomorphes, c'est-à-dire que leurs têtes aux reliefs crâniens peu développés,
présentaient la gracilité de celle des enfants. Les seconds, les Grossgartach, avec leurs crânes chargés de
superstructures osseuses, avaient une allure caractérisée de “brutale” par les fouilleurs qui les découvrirent il y a un
demi-siècle. En d'autres termes, les Néolithiques de Normandie forment une population d'allure plutôt féminine,
alors que les Grossgartach sont dans l'ensemble d'allure plutôt masculine. Bien sûr, les caractères sexuels osseux se
distribuent avec la même ampleur au sein de chaque population, mais la confusion est possible entre un de ces
antiques “Normands” et une de nos ancêtres “Alsaciennes” qui ne sont séparés que de 1 000 ans et de 1 000 km.
Cette comparaison illustre comment le sexe inscrit des effets quantitativement différents sur le squelette de
populations distinctes et montre combien l'estimation du sexe est délicate sur des squelettes isolés. En revanche,
l'estimation du sexe est possible à condition de posséder un groupe de squelettes numériquement important. Il est
également possible, dans ce cas, de mettre en oeuvre une analyse socio-culturelle du sexe.
Groupes socioculturels et biologiques
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Les informations socioculturelles proviennent principalement de l'étude par M. Fonton (Peyre, 1991) des
données archéologiques relevées dans chaque sépulture. Ce mobilier funéraire a été analysé par “espèce” d'objet,
puis selon la position des objets dans la sépulture et selon leur répartition spatiale au sein de la nécropole, et enfin
par ensembles d'objets représentant des catégories socioculturelles.
Les groupes socioculturels ont d'abord été constitués selon la présence ou l'absence de restes archéologiques
dans la sépulture. D'autres regroupements ont ensuite été construits sur des critères considérés comme pertinents par
l'analyse archéologique : les formes céramiques, la parure, les dents de sanglier, l'industrie lithique dans son
ensemble, les haches et l'industrie lithique taillée, les colorants.
Les outils lithiques sont principalement en silex. La pierre est polie, innovation néolithique (Néolithique = Age
de la nouvelle pierre), ou taillée, rémanence d'une technologie plus ancestrale. L'industrie polie comprend les
meules, les broyeurs et les haches. Les outils taillés comprennent surtout les armatures de flèches, les grattoirs et les
faucilles. Toute l'industrie lithique a été caractérisée d'un point de vue typologique mais aussi technologique : mode
de percussion, ordre d'enlèvement des éclats, aspect des talons, position de la partie active de l'outil par rapport au
sens de débitage du support, retouches, lustré, cassures. La parure, c'est-à-dire les objets portés sur le corps ou sur le
vêtement, a été différenciée des dépôts, notamment de coquillages, placés à côté du corps. Les colorants consistent
en matières brutes comme les boules d'ocre, et en traces poudreuses recouvrant certains objets ou des zones
particulières de la fosse sépulcrale.
Les inhumés, classés selon des variables biologiques (le sexe, l'âge ou la stature), forment des séries humaines
ordonnées. Leur comparaison avec les groupes socioculturels informe sur l'organisation sociale. Lorsque l'effectif du
groupe socioculturel était trop faible, des données anthropologiques supplémentaires ont été prises en compte pour la
recherche d'une explication plus spécifique.
Une société néolithique de paix et d'abondance ?
L'analyse anthropologique révèle que ces femmes et ces hommes étaient tous sans carence alimentaire et même
bien nourris. En témoigne notamment la forte épaisseur de la paroi des os longs et l'état remarquable de la denture.
Les dents ne présentent que peu de caries et de chutes, et leur émail, blanc et en parfait état, étonne aujourd'hui !
Enfin, la courbe démographique met en évidence que 50% des sujets adultes ont vécu au-delà de 50 ans ; certains
sujets sont même à classer parmi les grands vieillards. Toutes ces observations témoignent de très bonnes conditions
socio-économiques et sanitaires.
Les traumatismes osseux repérés sont probablement d'origine accidentelle et leur rareté évoque une société
paisible. L'unique fracture identifiée, une double fracture de l'avant-bras qui avait été très correctement réduite révèle
une pratique médicale sophistiquée. Enfin, l'étude des restes osseux permet d'inférer qu'un individu de cette
population incapable d'effectuer les mouvements de pronation-supination, handicap grave pour un paysan-céramiste,
est mort à un âge très élevé et longtemps après son accident, ce qui atteste d'une société non excluante.
Une activité principale sans division sexuelle du travail
Les populations actuelles qui s'accroupissent lors du repos présentent au niveau de la cheville, sur l'astragale et
le tibia, des facettes d'articulation surnuméraires. Des marques semblables existent chez les Grossgartach, qui avaient
donc une posture quotidienne accroupie. Mais le très grand développement de ces marques chez ces Néolithiques
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implique que les chevilles subissaient une pression beaucoup plus forte que celle d'un corps au repos et suggère plus
une posture de travail qui force spécifiquement sur les chevilles. Cette hypothèse est étayée par la morphologie du
fémur qui, par l'aplatissement de son tiers supérieur, témoigne de fortes tractions musculaires exercées sur les
cuisses. Or, tous les Grossgartach ont des chevilles semblablement marquées, ce qui permet d'envisager une égale
participation des femmes et hommes à l'activité quotidienne de travail (céramique, meunerie ?).
Les meules, signification d'un dépôt
Les meules, lourds objets lithiques utilisés comme instruments de broyage des graines sont présentes dans plus
de 60% des tombes et ne distinguent pas les hommes des femmes. L'activité quotidienne de meunerie était donc
partagée par la majorité de la communauté villageoise, sans division sexuelle du travail.
Ces meules ont été déposées soit “à l'endroit”, face de travail vers le haut, soit “à l'envers”, face de travail vers
le bas. Ce rituel ne dépend ni du sexe, ni de l'âge des inhumés. Il témoignerait plutôt d'une organisation spatiale du
cimetière car à Lingolsheim, les meules “à l'endroit” et “à l'envers” sont distribuées de part et d'autre d'un axe NO/SE
et indiquent une partition de la nécropole.
Généralement, la meule est déposée à coté du corps. Le dépôt de meules sur le corps est un acte funéraire rare
ce qui exclut d'emblée d'y lire un signe de catégorisation de sexe ou d'âge. Un tel rituel semble plutôt vouloir
souligner des particularités de l'individu vivant. Ainsi, le seul sujet qui ait une meule sur la tête était aussi le seul
villageois à tête ronde (au Néolithique, les gens ont la tête allongée), et qui, de plus, avait subi une trépanation
crânienne, innovation chirurgicale de l'époque ! La seconde meule placée sur un corps avait été déposée sur le ventre
d'un sujet qui, atteint d'une pathologie des hanches, avait dû de son vivant souffrir d'une démarche difficile. Ces faits
laissent supposer une organisation sociale attentive aux différences.
Une femme “tailleur de pierre” à Lingolsheim
Le matériel lithique d'une des tombes de Lingolsheim présente un aspect technologique original qui témoigne
d'une activité spécifique de taille de la pierre et révèle ainsi la présence, à Lingolsheim, d'un sujet “tailleur de
pierre”. De plus, l'inhumé de cette sépulture exceptionnelle présente une forte dissymétrie osseuse, avec un bras droit
beaucoup plus robuste que le gauche.
Il n'existe au monde, à notre connaissance, que deux sépultures décrites de tailleur de pierre. Si le sexe
biologique du tailleur inhumé à Mehrgarh au Pakistan (Inizan et Lechevallier, 1985) n'a pas été estimé, le squelette
du tailleur de pierre de Lingolsheim désigne une femme. Ce fait contredit les idées reçues sur la division sexuelle du
travail chez nos ancêtres, qui attribuent aux hommes les activités non routinières ou originales comme la taille du
silex, et montre que les femmes préhistoriques ont eu aussi accès à ces activités.
Au Néolithique, les femmes chassent aussi !
Les pointes de flèche représentent la partie active d'une arme de chasse. L'élevage est devenu au Néolithique la
principale source de l'alimentation carnée, mais la chasse des espèces sauvages perdure, même si elle ne représente
plus une activité essentielle.
La chasse est trop souvent considérée dans la littérature archéologique comme l'une des activités désignant le
masculin et cette supposition ne repose que sur des présupposés issus de nos sociétés contemporaines très marquées
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par le sexe social. Or, les deux inhumés des tombes qui contiennent des pointes de flèches perçantes, sont, du point
de vue anthropologique, une femme et un indéterminé à tendance masculine. La confrontation de l'analyse
anthropologique et archéologique de ce groupe néolithique révèle donc que la chasse n'est pas une activité
spécifiquement masculine et qu'elle peut être pratiquée par les deux sexes.
Bûcherons et moissonneurs
Il y a 10 000 ans, c'est une immense forêt continue et variée qui couvre la France. Mais en quelques millénaires,
au fur et à mesure de leur installation et munis des nouveaux outils que sont haches et faucilles, les Néolithiques vont
restructurer ce paysage sylvestre pour lui donner l'aspect agricole que nous lui connaissons aujourd'hui. Les haches
sont des objets lithiques polis fortement tranchants. Elles sont à l'origine des vastes déforestations qui ont précédé la
mise en pâturage ou en culture des zones ainsi défrichées. Elles sont aussi très liées aux innovations dans l'habitat
puisqu'elles ont permis la coupe des poteaux présents en très grand nombre dans l'architecture des maisons
danubiennes. Les faucilles, considérées comme le marqueur d'une activité de moissonnage, sont formées de plusieurs
éléments lithiques dont des grattoirs sur lame et des lames retouchées cassées, emmanchés en série sur une hampe de
bois courbe afin d'améliorer l'efficacité de la partie active de l'outil. Les pièces lithiques sont caractérisées par le
lustré produit par frottement au moment de la coupe des céréales.
Ces nouvelles activités fondamentales au Néolithique ont été exercées par peu de villageois, si l'on en juge par
le faible nombre de ces outils, mais qui sont ces bûcherons et moissonneurs ?
La présence des haches et des faucilles dans les tombes ne semble liée qu'à certains aspects de la morphologie
corporelle générale, indépendamment de l'âge, du sexe ou de la stature, car la répartition de ces outils ne correspond,
d'un point de vue anthropologique, qu'à la distribution de l'indice huméro-fémoral, nombre qui traduit le rapport de
la longueur du bras à celle de la cuisse. Alors que les haches mélangées aux faucilles accompagnent des corps aux
proportions harmonieuses, les dépôts séparés de faucilles et de haches accompagnent des morphologies
différenciées : les faucilles sont associées aux sujets aux bras courts et aux jambes longues et les haches sont
associées aux individus aux longs bras et aux jambes courtes. Si parmi les cinq bûcherons ne figure qu'une seule
femme, en revanche, l'unique tombe qui contient trois haches est celle d'une femme. Or, la présence d'une hache,
attribut considéré comme masculin par certains archéologues, dans des tombes de femmes Grossgartach ne constitue
pas un cas unique au Néolithique : Höckmann signale aussi des outils en pierre polie dans des sépultures féminines
du Rubané mais il conclut que ces femmes avaient été obligées de faire des “travaux d'homme” et avaient donc été
inhumées avec des attributs masculins...
Les Grossgartach auraient donc été bûcherons ou moissonneurs selon leur morphologie physique et en accord
avec certaines proportions corporelles.
Les parures
Des hommes et des femmes Grossgartach portaient des parures, d'autres n'en portaient pas. Si les motivations de
ces comportements demeurent obscures, elles sont indépendantes du sexe. Ce résultat, obtenu à partir de l'étude
exhaustive de tous les sujets, infirme certaines conclusions d'études partielles selon lesquelles les hommes seraient
préférentiellement parés au Néolithique en Alsace.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
L'idéologie de et dans la Science a déja largement été dénoncée mais nous aimerions souligner ici que les
disciplines scientifiques qui s'occupent du sexe, que ce soit pour étudier sa détermination ou pour apprécier ses
manifestations secondaires, sont d'autant plus parasitées par l'idéologie de nos sociétés occidentales, qu'elles
travaillent sur un sujet en prise avec le social. Nous ajouterons que, depuis un siècle, les biais sexistes ont toujours
modelé dans le même sens les hypothèses scientifiques, et ceci quelle que soit la discipline concernée. Le XIXe
siècle s'est focalisé sur le crâne : il le fallait, ce “contenant” de l'intelligence, plus gros pour l'homme que pour la
femme ; le XXe siècle se focalise sur le gène, celui qu'il faudrait en plus pour fabriquer le pénis. Il nous semble
cependant que les frémissements d'un changement de mentalité apparaissent aujourd'hui, changement que l'on peut
sans doute imputer en partie au fait que des femmes sont présentes en plus grand nombre dans ces diverses
disciplines mais surtout au fait que le féminisme qui revendique que les femmes soient considérées, au même titre
que les hommes, comme des êtres humains - et ceci dans la vie quotidienne ou dans la représentation symbolique - a
réussi à s'infiltrer jusque dans le milieu scientifique !
La fabrique du sexe biologique est donc un processus long et complexe qui ne peut se concevoir que dans la
variabilité. Long, parce qu'il commence au premier stade de la vie foetale pour ne se terminer qu'au terme de la vie et
ce au prix de remaniements permanents de différents caractères phénotypiques. Complexe, parce que dès les
premières semaines de l'embryon, il fait intervenir, comme commencent à le montrer les plus récentes recherches, de
nombreux gènes agissant vraisemblablement en relation les uns avec les autres. Variable enfin, parce que comme le
montrent les recherches sur le squelette, chaque individu possède en proportion variable des caractères sexuels
masculins et féminins et que ces caractères se modifient au cours de la vie de l'individu.
La fabrique du sexe social, quant à elle, ne semble pas s'ancrer très loin dans l'histoire humaine, guère au-delà
de l'Histoire ou de la Protohistoire, car pour le Néolithique, la confrontation des données biologiques et des données
archéologiques ne permet pas de mettre en évidence l'existence de groupes socioculturels fondés sur le sexe.
L'ensemble de ces résultats nous obligent d'une part, à repenser la notion de sexe biologique en dehors de la
bicatégorisation mâles/femelles, d'autre part - et du même mouvement - à interroger la prétendue évidence du lien
entre sexe biologique et sexe social dont “s'autorise” et se justifie la discrimination hommes/femmes dans nos
sociétés occidentales contemporaines. Cette superposition et cette confusion des deux expressions, sexe biologique
et sexe social, se perpétuent au mépris des contre-exemples fournis par l'histoire des sociétés humaines et par l'étude
de la complexité de la réalité biologique qu'elle contribue à occulter. Cette confusion semble bel et bien être l'effet
d'une division sociale des rôles, contraignante mais historiquement datée, qui vise à entériner, en la fondant
arbitrairement dans l'ordre de la “nature”, l'oppression des femmes.
Il est certes très difficile à chacun d'entre nous et, curieusement, encore plus difficile à certaines d'entre nous, de
remanier une identité sexuée ancrée, “depuis la nuit des temps”, nous disait-on, dans des catégories, 1 ou 2, dont les
contours étanches apportaient le confort aux uns, et conduisaient les autres jusqu'au drame (celui de la mutilation par
exemple). Il a fallu vingt et un siècles aux physiciens pour changer la représentation du monde qu'avait construit
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Aristote, il aura fallu vingt-cinq siècles pour que les biologues de notre fin de XXe siècle, des généticiens aux
anthropologues, puissent penser le sexe dans sa complexité de détermination et sa variabilité d'expression
phénotypique. A l'instar des savoirs scientifiques sur le sexe, d'autres connaissances, sur la race ou sur l'âge par
exemple, nous conduisent aujourd'hui à repenser en terme de complexité et de variabilité, les fondements
typologistes qui justifiaient les grandes catégories de l'humanité élaborées au XIXe siècle.
Si dans les espèces les plus récentes, les individus sont tous phénotypiquement différents les uns des autres, c'est
qu'ils possèdent chacun une formule génétique, c'est-à-dire une source fondamentale d'information, qui leur est
individuelle. Chaque formule est, à l'exception des vrais jumeaux, unique. Cette grande diversité est, entre autres, le
fruit d'une innovation qui est survenue à un certain moment de l'histoire des espèces, et cette innovation, c'est le sexe.
Son rôle est le brassage des gènes. Avant cette innovation, chaque individu se coupe en deux pour donner deux
individus strictement semblables à celui du départ. Autrement dit, une espèce à reproduction asexuée est reconduite à
l'identique de génération en génération. C'est le temps de la permanence que ne vient troubler que l'effet des
mutations. Avec l'apparition du sexe deux individus doivent donner la moitié de leur information génétique pour
produire un troisième individu et cet individu résultant est très différent de chacun de ses parents. C'est le temps de
l'unicité individuelle et de son corollaire, la variabilité des populations. La génération-fille diffère de la génération
mère. Désormais, il n'y aura plus jamais du "même". L'importance de la procréation sexuée est donc de produire des
individus qui diffèrent à l'infini, et ceci est aussi vrai pour l'espèce humaine.
On peut alors s'interroger sur le bien-fondé des bénéfices que tire la société de restreindre en deux classes
sociales, cette surprenante créativité et souplesse du biologique qui produit de l'unicité et de la diversité. Cette
bicatégorisation crée d'emblée une troisième classe, implicite celle-ci, composée de ceux que le corps médical
qualifie de pathologiques au regard de quelque inadéquation au type préalablement établi comme normal. Certains
scientifiques n'ont-ils pas encore trop tendance à créer du pathologique pour évacuer la variabilité et ainsi justifier une
“idéologie du binaire” qui, sous couvert de complémentarité, hierarchise deux termes ? La stérilité, cette pathologie
qui intéresse tant la médecine moderne, n'est-elle pas le meilleur exemple d'une maladie purement sociale? La fonction
de procréation est, sans aucun doute, une fonction vitale pour l'espèce, mais elle n'a en aucune façon besoin d'être
assurée par l'ensemble des individus et elle ne saurait être, en aucun cas, une fonction vitale pour l'individu lui-même.
Ne pourrait-on pas enfin sortir de la monstruosité qui oblige tant d'individus à des contorsions sans fin pour s'ajuster
au modèle dominant, dont l'image, construite par un jeu historique subtil, est celle de l'Homme blanc, mâle et fécond, car
cette notion restrictive de modèle qui nous tient lieu d'universel conduit tout à la fois à l'oppression des femmes, à la
culpabilisation des stériles, à la marginalisation des sexualités différentes et au mal-être des identités sexuelles
imposées. Ne pourrait-on pas enfin construire une notion d'universel qui évacuerait cette conception typologique du
"civilisé" et tiendrait compte pour tous les êtres humains de la complexité de leur génèse et de leur diversité ?
Ne serait-ce pas là contribuer à poser les bases d'une démocratie réelle?
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