Cahier de recherche Les enjeux actuels de la gestion de

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Cahier de recherche Les enjeux actuels de la gestion de
Cahier de recherche
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Édité par :
Monique Aubry
Hélène Vidot-Delerue
Hicham Rahali
Novembre 2016
Les enjeux actuels de la gestion de projet
1
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
ISSN : 2371-5677
Publié par : Chaire de gestion de projet
Université du Québec à Montréal
Département de management et technologie
École des sciences de la gestion
320, rue Sainte-Catherine Est
Local DS-3933 (3e étage)
Montréal (Québec) H2X 1L7
Courriel : [email protected]
Internet : chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Sommaire
Préface .................................................................................................................................................... 4
Introduction ............................................................................................................................................ 5
L’émergence du sensible dans les grands projets : perspectives............................. 7
Mettre l’utilisateur au centre du cycle de développement des innovations technologiques pour
assurer la sensibilité des projets technologiques................................................................................... 8
Les nouveaux enjeux humains ............................................................................. 15
Enjeux humains en gestion de projet : surcharge, pression du temps et tension d’identité .............. 16
La gestion des parties prenantes dans un projet de transfert technologique : le cas du forage
pétrolier vers le forage d’exploration minière ..................................................................................... 22
Le rôle du chef de projet en contexte de leadership partagé .............................................................. 29
Gouvernance et organisation .............................................................................. 35
The governance of major public infrastructure projects: Theoretical background and methodological
approach ............................................................................................................................................... 36
Essai de modélisation de la complexité socio-organisationnelle de projets : analyse post- mortem de
l’échec d’un projet stratégique ............................................................................................................ 42
Pratiques et technologie ..................................................................................... 51
Amélioration de l’efficience du portefeuille de services en milieu hospitalier par la méthode TimeDriven Activity-Based Costing .............................................................................................................. 52
Une ravissante symphonie entre la gestion de projet et le domaine de la santé ................................ 59
Project Portfolio Risks Management and its Integration to Organizational Risks ............................... 65
Nouvelles pistes de recherche en gestion de projet ............................................. 72
Le recours au Crowdsourcing un Projet Contributeur à l’Identité Coopérative? ................................. 73
Les méthodes agiles à l’échelle de l’organisation ................................................................................ 80
Management territorial de projet d’investissements directs étrangers : une analyse à partir de la
sociologie de la traduction ................................................................................................................... 88
Synthèse ............................................................................................................................................... 96
Conclusion .......................................................................................................................................... 101
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Every day the world becomes a bit less linear and less predictable. Or was the predictability of the past just a
illusion caused by a narrow tunnel view towards reality? Traditionally, economists explained the world through
their economist lens, and psychologists through their particular perspectives. This worked in reasonably stable
circumstances, such as stable markets and technologies. However, latest since the introduction of large scale
stock trading we know that the economy of stock prices is better explained through the psychology of the
stockholders and stock traders than through economic theory. Other examples include the success of
organizations like Google (an IT company) and Tesla (a battery company) in building automobiles – a domain we
would traditionally link with names like Toyota, Mercedes or BMW. In other words, the traditional growth of
knowledge by (re)searching deeper and deeper in a subject is nowadays complemented by the awareness that
knowledge growth at least to the same, if not to a wider extent, through cross-sectional perspectives.
Project management, and the research on project management, is part these developments. Project
management changes, as shown by the phenomena that are researched today and, say, 20 years ago. Traditional
research on scheduling and cost management has given way to psychological phenomena like emotional
intelligence, context phenomena like governance, methodological phenomena like agile, or symbolic
phenomena like mega-projects. These phenomena require new and different theoretical lenses and research
designs. To address contemporary research questions we need contemporary research methods and
contemporary theoretical lenses. This means, today’s researchers shall and must tailor their research designs to
the phenomenon at hand. Hereby, researchers should see their study as an opportunity to do things in new
ways, and look at their research subject from a variety of theoretical lenses, and thereby search for crosssectional effects, as indicated in the paragraph above. Thomas Kuhn (1996) said this already 20 years ago:
scientific breakthrough requires new perspectives.
The papers in this volume are a good example for this. They reflect contemporary perspectives, for example
through the many papers that address the human aspects of projects and their management, or the context
contingency of contemporary methods like agile, or the issues arising from crowdsourcing of projects. All of
them intending to find explanations for new phenomena through new approaches. These must not be radically
different approaches. Sometimes small changes in perspective result in big improvements in explanatory power,
as we saw in the development of Copernican to Einsteinian theories in astronomy.
Readers of this volume will find a variety of contemporary phenomena, which are looked at from new
perspectives. This paves the way for new insights, which, together with research done elsewhere, moves our
understanding of projects and their management onto new heights. The whole field of project management
research is moving and we are blessed to be invited to be part of it and contribute to these developments.
Ralf Müller
Malmö, Sweden
September 2016
References:
Kuhn, T. (1996). The structure of scientific revolutions . University of Chicago Press, Chicago, USA.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Ce Cahier de recherche est la première édition d’une toute nouvelle publication lancée par la Chaire de gestion
de projet. C’est un honneur qui nous est donné de publier dans ce premier numéro 12 articles qui ont fait l’objet
d’une présentation dans le colloque « Les enjeux actuels de la gestion de projet » qui s’est tenu les 11 et 12 mai
dernier à l’UQAM dans le cadre du rendez-vous annuel l’Association francophone pour le savoir. Je tiens à
remercier tous ceux et celles qui ont participé à colloque et, parmi ceux-là, les auteurs qui ont bien voulu
soumettre un article pour constituer ce Cahier.
L’objectif de ce Cahier de recherche est de proposer un éventail des thèmes sur lesquels les chercheurs
travaillent en ce moment pour mieux comprendre la réalité des projets et des contextes dans lesquels ils se
réalisent.
La gestion de projet moderne a émergé après la 2e guerre mondiale comme un champ fortement orienté vers
des applications pratiques de planification et d’organisation. La recherche, elle-même assez récente, a d’abord
emprunté le même chemin, celui des approches positivistes dans le but de dégager les meilleures pratiques à
l’intention des professionnels. Depuis quelques années cependant, plusieurs voix s’élèvent dans la communauté
de chercheurs en gestion de projet pour ouvrir l’objet d’étude « projet » à ceux du management et de
l’organisation. Ce Cahier de recherche propose un certain nombre de perspectives nouvelles sur la figure du
projet. On trouve ces perspectives autant dans les approches théoriques, méthodologiques ainsi qu’empiriques.
Du point de vue théorique, on assiste à une meilleure théorisation des recherches en gestion de projet et
également à une ouverture à une pluralité de perspectives théoriques, notamment en se tournant vers des
approches sociologiques. Du point de vue méthodologique, les méthodes mixtes ou encore celles qui adoptent
une approche basée sur la pratique permettent de mieux comprendre les problématiques vécues dans les
organisations et ancrées dans des contextes riches, mais complexes. À cela il faut ajouter l’ouverture du champ
de la gestion de projet à des philosophies où d’une part les acteurs projet font partie de ce qui est observé dans
la réalité et par ailleurs, la façon d’appréhender cette réalité en recherche va favoriser une approche dynamique
entre les acteurs et les différents phénomènes de la gestion de projet. Du point de vue empirique, le champ de
la gestion de projet va bien au-delà des projets d’ingénierie ou de technologies pour s’ouvrir aux différents
secteurs de l’économie, incluant les arts ou les sports.
Je vous invite à lire attentivement la préface de Ralf Müller qui pose en quelques lignes les challenges auxquels
les chercheurs en gestion de projet sont confrontés pour répondre aux besoins pressants des professionnels de
la gestion de projet et à ceux des organisations où se réalisent ces projets.
Ce Cahier comprend cinq parties, chacune reflétant un thème particulier de la recherche en gestion de projet.
La première partie 1 porte sur les différentes perspectives pour aborder l’émergence du sensible dans les grands
projets, thème porté par notre collègue Valérie Lehmann. Cette partie comprend l’article de Romero, Ben David
& De Marcellis-Warin, Mettre l’utilisateur au centre du cycle de développement des innovations technologiques
pour assurer la sensibilité des projets technologiques. Cet article vise à décrire une approche permettant
d’augmenter la sensibilité des concepteurs et des développeurs des technologies par rapport aux besoins des
utilisateurs. Basée sur l’étude d’un projet de développement d’un système pour la gestion de pompes d’infusion,
cette approche propose trois phases d’analyse de la décision des utilisateurs: l’acceptabilité, l’acceptation et
l’appropriation.
Le thème de la deuxième partie est Les enjeux humains; trois papiers y sont présentés. L’article de Julie Delisle,
Enjeux humains en gestion de projet : surcharge, pression du temps et tension d’identité, propose une étude
exploratoire qui se veut un point de départ pour réfléchir sur les tensions liées au temps en contexte de projet.
Huit entrevues au sein de trois organisations multi projets ont été réalisées. Les résultats illustrent la variation
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
et la surcharge de travail des employés, l’harmonisation complexe des projets entre eux, et une tension
d’identité entre le temps personnel et organisationnel. L’intérêt de l’article de Romero & Leclerc La gestion des
parties prenantes dans un projet de transfert technologique : le cas du forage pétrolier vers le forage
d’exploration minière, se trouve dans le modèle que les auteurs proposent pour la gestion des parties prenantes
dans l’industrie minière. Ils s’intéressent aux transferts technologiques comme moyen efficace et efficient pour
innover. Cependant, ce type de projet exige une attention particulière dans la gestion des parties prenantes.
L’article d’Isabelle Bonneau, Le rôle du chef de projet en contexte de leadership partagé, met le doigt sur un
thème crucial de la gestion de projet, le leadership. Par cette recherche, elle apporte des réponses sur comment
mettre en œuvre le leadership partagé dans le contexte des projets. Il s’agit d’une recherche longitudinale
menée dans le cadre de sa thèse de doctorat.
Le troisième thème Gouvernance et organisation comprend deux papiers. Brunet et Aubry dans leur article The
governance of major public infrastructure projects: Theoretical background and methodological approach,
proposent une approche conceptuelle dans la réalisation des projets de grande envergure pour mettre en
évidence les pratiques d’un cadre de gouvernance. Il s’agit d’un article en lien avec la thèse de doctorat de
Maude. L’article de Philippe Boigey, Essai de modélisation de la complexité socio-organisationnelle de projets :
analyse post- mortem de l’échec d’un projet stratégique, apporte un éclarage assez étonnant sur les raisons
pour lesquelles les projets réussissent ou échouent. S’appuyant sur un cadre théorique lié aux systèmes
complexes, l’étude de cas fait ressortir de nouveaux éléments qui étaient passés sous silence jusque-là.
La partie quatre sur le pratiques et la technologie comprend trois articles qui partagent cette idée qu’une
meilleur pratique ou technologie peut conduire à de meilleurs résultats dans la gestion des projets. Plouffe &
Nabelsi propose dans leur article Amélioration de l’efficience du portefeuille de services en milieu hospitalier
par la méthode TDABC de se tourner vers une approche comptable par activité dans le secteur de la santé. Les
auteurs font la démonstration de l’avantage d’une telle approche dans une trajectoire de soins. L’article de
Leclerc & Nabelsi, Une ravissante symphonie entre la gestion de projet et le domaine de la santé, mettent en
évidence les avantages à utiliser l’approche de la gestion de projet dans le secteur de la santé pour dégager des
apprentissages mutuels qui ne sont pas possible d’atteindre sans ces deux composantes. Costa, Aubry & Ben
Abdallah proposent dans leur article, Project Portfolio Risks Management and its Integration to Organizational
Risks, de prendre en compte l’intégration de la gestion de risques dans les organisations. Cette intégration va
beaucoup plus loin que la gestion des risques dans un projet, un programme ou un portefeuille. Cette recherche
exploratoire fait intervenir des experts de différentes organisations dans trois tables de discussion.
Pour terminer, la cinquième partie ouvre sur les nouvelles pistes de recherche en gestion de projet avec trois
articles qui ont en commun de s’intéresser à des phénomènes émergents. Tout d’abord, Lebraty, Lobre &
Loufrani-Fedida avec l’article Le recours au Crowdsourcing : un Projet Contributeur à l’Identité Coopérative ?
suggèrent le recours au crowdsourcing pour faire émerger des innovations à moindre coût en sollicitant les
membres ou clients de l’organisation. Les auteurs proposent aussi une manière d’entreprendre un tel projet. Le
papier de Petit & Hobbs, Les méthodes agiles à l’échelle de l’organisation, abordent le phénomène émergent
de l’agilité, non plus uniquement pour les projets technologiques mais dans toute l’organisation. Ils s’interrogent
dans cet article sur les défis et les moyens pour mettre en œuvre une approche agile dans une organisation.
L’article d’Olivier Coussi, Management territorial de projet d’investissements directs étrangers : une analyse à
partir de la sociologie de la théorie de la traduction, nous entraîne dans les projets d’investissements étrangers
pour mieux comprendre le jeu des acteurs dans deux projets au dénouement différent.
Christophe Bredillet propose en postface une synthèse de l’ensemble de cette initiative portant sur les enjeux
actuels de la gestion de projet. Tout cela pour inspirer la communauté de recherche en gestion de projet à
participer au développement scientifique de notre domaine.
Bonne lecture.
Monique Aubry et Hélène Vidot-Delerue
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Cahier de recherche
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
1. Introduction
Résumé :
Le processus d’adoption des
technologies n’est pas linéaire. Il s’agit
d’un cycle continu provoqué par une
mise en œuvre des fonctionnalités et
modalités d’usages planifiées. Il
s’enchaîne ensuite, dans une logique
dynamique, des phases de changements
émergeants basés sur des opportunités,
sans que celles-ci puissent être
anticipées puisqu’elles interagissent les
unes avec les autres. Cet article vise à
décrire une approche permettant
d’augmenter la sensibilité des
concepteurs et des développeurs des
technologies par rapport aux besoins
des utilisateurs. Basée sur l’étude d’un
projet de développement d’un système
pour la gestion de pompes d’infusion,
cette approche propose trois phases
d’analyse de la décision des utilisateurs:
l’acceptabilité, l’acceptation et
l’appropriation.
Mots-clés :
utilisateur final, adoption des
technologies, acceptation, acceptabilité
et appropriation
En raison d’importantes évolutions et changements dans le
marché, les organisations ont grandement reconnu l'importance
de la mise en œuvre des projets technologiques afin de renforcer
leurs compétences clés et d’en développer des nouvelles. La
gestion de ces projets s’heurte souvent à de nombreuses
questions étant donné leurs faibles taux de réussites (Shenhar,
2008). Par conséquent, plusieurs chercheurs ont fait
d’importantes études pour identifier les difficultés rencontrées
dans les projets technologiques. Leur succès se rapporte à
d'innombrables facteurs : la gestion des attentes du projet, la
flexibilité des références du projet, la présence des utilisateurs,
la gestion de la valeur, entre autres.
Cet article vise à étudier les facteurs liés à la gestion des attentes
des utilisateurs finaux et leur participation de la conception à la
livraison d’un projet technologique dans le contexte d’un projet
de développement d’un système pour la gestion d’actifs
hospitaliers (pompes à perfusion). L’objectif est de décrire une
approche permettant d’augmenter la sensibilité des
concepteurs et des développeurs des technologies par rapport
aux besoins et exigences des utilisateurs finaux. Cet article est
structuré en 5 sections. Nous présenterons dans le section 2 une
revue de littérature sur le rôle de l’utilisateur final dans les
projets technologiques et, ensuite, le modèle de la trajectoire
d’usage. La section 3 et 4 présente la méthodologie employée et
les résultats obtenus. Finalement, nous présenterons dans la
dernière section les conclusions et les futures pistes d’action.
2. Revue de littérature
2.1. Le rôle de l’utilisateur final dans les projets technologiques
Malgré sa forte utilisation dans le milieu scientifique et
industriel, l’approche déterministe du développement
d’innovations technologiques a reçu plusieurs critiques étant
donné qu’elle n’est pas sensible au contexte et aux besoins des
utilisateurs (Bernoux, 2008). Cette vision est basée sur la
maxime de l’exposition universelle de Chicago de 1933 : « la
science découvre, l’industrie applique et l’homme suit » (Akrich,
1988). Si l’homme ne suit pas, c’est parce qu’il n’est pas mûr
pour accepter l’innovation. Dans ce contexte, les facteurs
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Chaire de gestion de projet
organisationnels et ceux relatifs aux individus sont
des variables qui doivent s’adapter aux contraintes
de la technologie une fois qu’elle est intégrée
(Gagnon, 2010). Ainsi, les utilisateurs finaux sont
exclus du processus de conception des
technologies. Ils sont simplement appelés à y
participer pour vérifier la performance de
l’innovation dans des contextes prédéfinis (les
tests) et pour développer les compétences
nécessaires pour l’utiliser (la formation), en
d’autres mots, pour le rendre mûr face au nouvel
outil. Cependant, plusieurs études démontrent que
le processus d’adoption n’est pas linéaire (Quiguer,
2013). Il s’agit d’un cycle continu provoqué par une
mise en œuvre des fonctionnalités et modalités
d’usages planifiées. Il s’enchaîne ensuite, dans une
logique dynamique, des phases de changements
émergeants basés sur des opportunités, sans que
celles-ci puissent être anticipées puisqu’elles
interagissent les unes avec les autres en fonction
des résultats et des évènements qui surviennent au
fur et à mesure des usages. Les utilisateurs ont alors
la possibilité de décider quand et comment ils vont
intégrer et interagir avec une technologie (Caroll et
Fidock, 2011). Ainsi, la solution technologique
prendra de la valeur seulement si l’elle s’adapte aux
modes d’usage définis par les individus. Accepter
qu’un système technologique puisse ne pas être
fonctionnel et que son développement nécessite
un apprentissage mutuel entre développeur et
utilisateur suppose un changement de logique (Dix
et al., 2007). Cela implique que le concepteur soit
sensible aux besoins, aux enjeux et aux
questionnements des utilisateurs pour bénéfice
des principes fonctionnels de la solution
technologique.
Cahier de recherche
L’acceptabilité est définie comme l'état
psychologique d'une personne par rapport à
l’usage volontaire ou prévu d’une technologie lors
de sa conception. Ce concept s’est profondément
enraciné dans la littérature des systèmes de
l'information avec le modèle d'acceptation de la
technologie (TAM) proposée par Davis en 1989.
TAM et ses variantes (voir Venkatesh, 2003, pour
une synthèse de ces modèles) sont le point de vue
théorique le plus utilisé dans les enquêtes pour
expliquer et prédire l'acceptation par les
utilisateurs des TIC et de leur intention d'utiliser des
technologies (Gagnon, 2010). TAM propose que
l'adoption et l'utilisation des TIC soient directement
déterminées par les croyances et les attitudes des
utilisateurs par rapport à l'innovation (Aggelidis,
2009). En effet, TAM a été largement utilisé pour
l'évaluation et la mesure de déterminants qui
conduisent à l'acceptation initiale d'un système
d'information et pour réaliser la conception et le
développement des technologies (Liao et al., 2009).
Plus fondamentalement, TAM tente d'analyser
pourquoi les utilisateurs acceptent ou rejettent à
priori une TIC basés sur des représentations
subjectives. L’acceptabilité soulève plusieurs
critiques, car elle ne tient pas compte des facteurs
économiques, des influences de l’industrie, des
facteurs organisationnels et de l'environnement
social
et,
surtout,
des
changements
organisationnels nécessaires pour supporter
l’intégration (De Marcellis, 2015).
Figure 1. Modèle intégrant les trois phases de la
trajectoire d’usage
2.2. La trajectoire d’usage
Les théories d'adoption et de diffusion des
technologies fournissent une base conceptuelle
pour comprendre la décision d’utilisation des TIC et
les enjeux qui doivent être gérés pour supporter un
projet technologique. Plus précisément, la théorie
de la trajectoire d’usage (figure 1) permet
d’analyser comment les individus évaluent et
décident d’utiliser une technologie en fonction de
trois différentes phases d’un projet d’intégration
des TIC : soit l’acceptation, l’acceptabilité et
l’appropriation.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
L’acceptation est la compréhension des facteurs de
motivation ou de résistance par rapport à une
nouvelle technologie au cours des premières
interactions entre un individu et celle-ci (Quiguer,
2012). Elle se présente comme la façon dont un
individu, mais aussi un collectif, perçoivent au gré
des situations quotidiennes les enjeux liés à
l’innovation
(atouts,
bénéfices,
risques,
opportunité), et y réagissent (favorablement ou
non). Ce concept peut être analysé à partir d'un
point de vue social ou pratique. Tandis que
l’acceptation sociale traite de ce que les utilisateurs
veulent (Keates, 2007) en incluant leurs
impressions, leurs attitudes sociales, leurs
contraintes et leurs normes, l’acceptation pratique
intègre les facteurs d'utilité, de coût, de
compatibilité et de fiabilité qui peuvent conduire à
la décision individuelle ou collective (organisation)
d’utiliser une technologie (Brangier, 2010). Selon
cette théorie, une technologie peut perturber et
déréguler les activités des individus, en les
obligeant soit à se repositionner dans cette
nouvelle configuration ou soit à écarter la menace
en refusant le nouveau dispositif. L’acceptation
permet alors d’identifier les facteurs qui peuvent
inhiber l’adoption d’une TIC et, par conséquent,
d’identifier les stratégies technologiques ou
organisationnelles pour diminuer la résistance au
changement (Bernoux, 2008). Par ailleurs,
l’acceptation n’est jamais acquise une fois pour
toutes; c’est une capacité de maîtrise qui s’inscrit
dans une dynamique. Elle est constamment remise
en cause par les situations de travail (qui évoluent),
les dispositifs techniques (plus moins maîtrisés ou
détournés) et l’individu lui-même (selon son
développement, ses projets, son inscription sociale
et collective).
L’appropriation est la dernière phase de la
trajectoire d’usage. Elle représente l’évaluation
finale faite par l’utilisateur d’une technologie dans
une activité ordinaire (Wertsch, 1998). Elle permet
de s’assurer que l’utilisateur a intégré dans son
environnement de travail une nouvelle
technologie. Une technologie peut être conçue en
fonction des facteurs décisionnels d’acceptation ou
d’acceptabilité, mais elle peut également être
rejetée (non appropriée) par les utilisateurs si elle
n’est pas accompagnée des changements
technologiques, organisationnels et de gestion
nécessaires pour assurer son utilisation (DeMarcellis, 2015). En gestion du changement,
l’appropriation représente le but ultime : le
changement a été accepté par les individus et ils
ont développé les habiletés pour appuyer la
transformation. Contrairement à l’acceptabilité et à
l’acceptation, l’appropriation a très peu été
étudiée. La principale ligne d’application se base
sur le développement de compétences
individuelles ou organisationnelles nécessaires
pour assurer l’utilisation de la technologie
(Quiguer, 2013). Dans ce cas, une TIC est
appropriable si l’utilisateur peut facilement
apprendre ses fonctionnalités, transformer ses
activités, comprendre son fonctionnement et
développer les compétences nécessaires pour s’en
servir.
3. Méthodologie
Pour mieux analyser la trajectoire d’usage, nous
avons réalisé une étude exploratoire avec un angle
descriptif. Selon Stebbins (2001), la recherche
exploratoire est pertinente lorsque le chercheur
veut saisir plus de connaissances sur un sujet. Sipe
(2004) indique que l'objectif de la recherche
descriptive est de décrire les caractéristiques d'une
population ou d'un phénomène et d'établir des
relations entre les variables. Pour ce faire nous
avons réalisé une étude longitude d’un projet de
développement d’un système de gestion d’actifs
hospitaliers (pompes à perfusion). Selon Yin (2013),
l'étude de cas est utilisée pour étudier un
phénomène contemporain dans son contexte réel,
surtout quand les frontières entre un phénomène
et le contexte ne sont pas évidentes.
3.1. Projet de développement d’un système pour
la gestion des actifs hospitaliers
Les hôpitaux comptent sur de nombreux actifs fixes
et mobiles pour la livraison des soins de santé aux
patients. Des actifs mobiles, tels que les pompes à
perfusion, sont des équipements clés nécessaires
au chevet du patient pour la prestation de soins
étant donné que presque tous les patients
dépendent d'un ou plusieurs actifs mobiles lors de
leur séjour à l’hôpital. Cependant la gestion des
actifs mobiles est une activité laborieuse étant
donné que ce type d’actifs circulent en permanence
Les enjeux actuels de la gestion de projet
10
Chaire de gestion de projet
entre les différents services hospitaliers, et par
conséquent; le personnel clinique et de soutien
investi une partie significative de leur temps dans
leur recherche. Par conséquent, ces actifs critiques
ne sont pas toujours disponibles lorsque les
professionnels médicaux ont besoin de les utiliser.
En effet, ils sont souvent égarés, amassés ou perdus
dans les établissements hospitaliers; retardant ainsi
les soins, diminuant la satisfaction de l'expérience
du patient à l'hôpital, et potentiellement, affectant
la qualité des soins. La gestion inefficace des actifs
médicaux et le manque de visibilité à temps réel de
leur localisation sont un problème croissant
inquiétant les administrateurs ainsi que les
cliniciens dans le milieu hospitalier.
La
technologie
RFID
(Radio
Frequency
Identification) offre le potentiel de réduire ou
même éliminer des inefficacités existantes liées à la
gestion des actifs mobiles en milieu hospitalier, car
cette innovation des fonctionnalités qui
permettent de retracer et suivre de façon unique et
à temps réel les actifs au fur et à mesure qu’ils se
déplacent à travers l'hôpital. Étant donné qu’il y a
un nombre limité d'études empiriques portant sur
le potentiel de la RFID pour améliorer la gestion des
actifs en milieu hospitalier, cette étude a pour but
d’évaluer en profondeur les avantages d’une
implantation réelle de RFID pour la gestion d’actifs
mobiles, plus précisément les pompes à perfusion.
L’implantation réelle de la solution RFID pour la
gestion d’actifs a pris lieu dans un hôpital aux PaysBas. Ceci est un hôpital général moderne avec
environ 180 médecins spécialistes et près de 30
unités médicales. L'hôpital utilise diverses
applications d'entreprise, y compris un système de
gestion de la maintenance, ainsi qu'un système de
gestion d'entrepôt. Dans le but de gérer et de
surveiller l’inventaire, l’entretien et la réparation
des actifs, l'hôpital utilise un système de code à
barres. Par contre, ce type de système ne fournit
pas le niveau de visibilité envisagé par l’hôpital afin
de gérer, retracer et suivre leurs actifs de façon
unique et à temps réel.
Cette recherche adresse un sujet complexe et par
conséquent a impliqué plusieurs organisations et
participants. Huit organisations (incluant l'hôpital
qui est le principal site d'observation) et 35
Cahier de recherche
participants ont été impliqués dans cette étude. Les
organisations participants incluent un hôpital situé
en Hollande, correspondant au site d'observation
et au lieu où l'implantation du système RFID est
mise en place, une PME canadienne, une entreprise
américaine, une PME hollandaise, une entreprise
anglaise, un organisme hollandais sans but lucratif,
deux centres de recherche universitaires. Des
participants clés de l’hôpital ont participé dans
cette étude incluant le personnel clinicien
(médecins et infirmières) et le personnel de soutien
et administratif (gestionnaires, ingénieurs
biomédicaux, commis d’entrepôt, etc.)
3.2. Collecte et analyse de données
Des données empiriques ont été recueillies
pendant une période de 25 mois, de janvier 2007 à
février 2009. Étant donné que l'utilisation de
plusieurs méthodes de collecte de données permet
une triangulation des données (Yin, 2013), on a
utilisé plusieurs sources d'évidence empirique pour
réaliser cette étude, incluant 1) de documents
internes et externes, 2) des observations sur le
terrain, 3) des données générées par la lecture des
étiquettes RFID et les reports correspondants
générés dans le système RFID, 4) des entretiens de
groupe focalisés (mêmes individus pendant toute la
durée de cette étude incluant les chercheurs) et 5)
des entretiens semi-structurés sur le terrain.
La plus vaste majorité des données empiriques
recueillies correspond aux "données primaires",
lesquels proviennent de plusieurs sources: des
observations sur le terrain, des entretiens semistructurés et des entretiens de groupes focalisés.
Les entretiens semi-structurés sur le terrain ont
permis de gagner une connaissance en profondeur
de processus actuels, d'analyser ces processus et
de réfléchir aux pratiques futures envisagées. Par
ailleurs, les entretiens de groupes focalisés ont
donnés l'opportunité d'acquérir une connaissance
et compréhension profonde du contexte, des
enjeux et des activités reliés à la gestion de actives
mobiles, ainsi qui ont permis de recenser des zones
de opportunités d'amélioration, lesquelles n'aurait
pas être identifié autrement.
Les données secondaires incluent par exemple les
données recueillies à partir de documents
existants, ainsi que ces collectes à partir du système
Les enjeux actuels de la gestion de projet
11
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
RFID mise en place. L'interaction entre les données
primaires et celles secondaires renforce leur
validité mutuelle, conduisant à des résultats plus
robustes.
Dans la recherche sur le terrain, les données
empiriques ont été obtenues à partir des méthodes
quantitatives ainsi que qualitatives. En effet, la
combinaison des données quantitatives et
qualitatives peut être très synergique. Les données
quantitatives proviennent essentiellement de
l'analyse
des
documents
internes,
la
transformation des données qualitatives et
quantitatives et de l'analyse des données générées
par les systèmes RFID. Les données qualitatives
proviennent principalement de la transcription des
entrevues et entretiens de groupe focalisés.
4. Résultats
4.1. Les trois phases intégrées dans le cas d’étude
Les données empiriques ont démontré que
l’acceptation de la technologie RFID varie en
fonction de la phase d’implantation, et cela en
fonction du niveau d'analyse (individus, groupes ou
d'une organisation). Si l’on fait une évaluation au
niveau individuel, on peut conclure que les
participants croyaient à l'utilisation de la RFID de
l’initiation du projet, même s’ils n’avaient pas une
compression intégrale de la RFID et de son
potentiel pour résoudre leur problématique. Par
ailleurs, on peut aussi conclure que niveau du
groupe, l’acceptation de la technologie RFID varie à
travers toutes les phases d’implantation et en
fonction des expertises de chaque groupe et de leur
niveau hiérarchique. Finalement, on peut conclure
que l'acceptation de la RFID au niveau
organisationnelle dépend plus fortement sur
l'acceptation comportementale et sociale des
différents groupes au sein de l'hôpital. Les données
empiriques démontrent que l'acceptation de la
RFID est un phénomène à multi-niveaux et très
complexe.
L’acceptabilité pratique de la RFID tout au long son
implantation était élevée et acceptée par tous les
participants. Toutefois, les enjeux soulevés tels que
le coût élevé d’implantation de la RFID pour gérer
les actifs mobiles ont eu un impact direct et par
conséquent ont réduit l'acceptabilité de la RFID. Par
ailleurs, en ce qui concerne l’acceptabilité sociale, il
est intéressant de noter qu’elle est demeurée
importante tout au long les phases du projet.
Cependant, il était remarqué que ce qui était
acceptable collectivement au début de phases
d’implantation n’était plus acceptable dans les
étapes ultérieures. Donc, la mise au point de
l'acceptabilité sociale dans le même contexte
organisationnel change au fil de temps. Concernant
l’appropriation de la RFID, ceci a impliqué la mise
en place des scénarios technologiques qui
répondent aux besoins spécifiques de l'hôpital. Ces
besoins spécifiques à l’hôpital ont été
conjointement identifiés, et évalués durant les
séances de groupes focalisés. Cependant, les
résultats empiriques ont démontré que les
utilisateurs se sont désengagés de la technologie
vers la fin des phases d’implantation de la RFID.
La figure 2 ci-dessous a été construite à partir de
l'analyse du contenu des données qualitatives
recueillies à partir d'observations sur le terrain, des
entretiens et des groupes focalisés. Ceci résume les
résultats de cette recherche concernant
l'acceptation, l'acceptabilité et l'appropriation de la
RFID au niveau organisationnel. Les concepts de
l’acceptation de la technologie, son acceptabilité et
son appropriation ont été explorés lors de cette
recherche et ont conduit à deux observations
principales recensées à partir des données
empiriques. D'abord, on peut affirmer que si la
technologie est acceptée, acceptable et
appropriée, elle est utilisée, de façon partielle ou
plus large. Par extension, l'acceptation,
l'acceptabilité et l'appropriation pourraient être
importantes non seulement pour expliquer
l'ampleur de l'utilisation d'une technologie
(utilisation partielle par rapport à la pleine
utilisation), mais aussi pour expliquer les raisons
pour lesquelles une technologie a été initialement
adoptée, ensuite rejetée. Deuxièmement, les
résultats empiriques ne confirment pas un ordre
chronologique entre ces trois concepts. Par
exemple, l'appropriation ne suit pas l'acceptation,
même au début de l’implantation. Au contraire,
l'acceptation, l'acceptabilité et l'appropriation
coexistent à tout moment pendant le processus
d’implantation. Cependant, l’ordre chronologique
joue quand même un rôle. Dans la figure 2, on peut
Les enjeux actuels de la gestion de projet
12
Chaire de gestion de projet
noter que les niveaux d'acceptation, l'acceptabilité
et l'appropriation varient au fil du temps et donc ils
doivent être surveillés tout au long du cycle
d’implantation technologique. Par ailleurs, ces trois
concepts sont sensibles tant à la technologie (dans
ce cas, RFID) qu’au contexte dans lequel la
technologie est utilisée, qui continuent de leur côté
à changer au fil du temps.
Figure 2. Les niveaux d’acceptabilité, acceptation
et appropriation
5. Conclusions
Les trois approches de la trajectoire d’usage
(acceptabilité, acceptation et appropriation)
abordent la problématique de la gestion avec une
vue partielle, centrée sur les facteurs d’adoption et
diffusion selon trois phases, mais prises de façon
isolée (Myer., 2012). L’acceptation se concentre sur
les caractéristiques de la technologie par rapport à
la perception des utilisateurs, l’acceptabilité se
concentre sur les impacts de l’intégration sur les
individus et l’appropriation sur les capacités à être
intégrées pour appuyer l’usage. Mais, il s’agit
plutôt de phases interdépendantes permettant
d’identifier les facteurs de succès pour le
déploiement des TIC. Nous proposons alors
d’intégrer dans un seul modèle les trois phases de
la trajectoire d’usage (voir figure 1). Une telle
démarche permettra d’identifier les attentes des
utilisateurs par rapport au système technologique
à développer et de les intégrer dans un dispositif de
conception et de réalisation plus harmonieux tout
au long du projet.
Cahier de recherche
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Alejandro Romero est professeur dans les
programmes de 2ième cycle en gestion de projet et
en technologies de l’information à l’École de
Sciences de la Gestion UQAM. Il détient un doctorat
en génie industriel de l’École Polytechnique de
Montréal. Ses travaux portent sur l’adoption et la
diffusion de nouvelles technologies, le rôle de
l’utilisateur final dans le développement de
systèmes technologique et la participation des
citoyens dans les villes intelligentes. Alejandro
collabore comme chercheur à la chaire en gestion
de projets (UQAM), à l’institut universitaire du
centre de réhabilitation en déficience intellectuelle
et en troubles en développement (CRDITED) et au
centre interuniversitaire de recherche et analyse
des organisations (CIRANO). Alejandro possède
plus de 12 ans d’expérience comme gestionnaire de
projets en technologies de l’information et en
transformation organisationnelle dans plusieurs
pays : Canada, Mexique, Venezuela, Colombie et
Chili. Il collabore actuellement avec le PMI pour la
révision du PMBOK version 6.
Linda Bendavid Castro: Titulaire d’un doctorat en
management de la technologie
de l’École
Polytechnique de Montréal (Canada), Linda
Bendavid est gestionnaire de projets au Centre
Hospitaliers de l’Université de McGill. Ses intérêts
de recherche portent sur la gestion des opération,
la chaîne logistique, l’amélioration logistique et la
gestion de projets technologiques.
Nathalie De Marcellis-Warin : Titulaire d’un
doctorat en Science de gestion de l’École Normale
Supérieure de Cachan (France), Nathalie de
Marcellis-Warin est professeure titulaire au
département de mathématiques et de génie
industriel de l'École Polytechnique de Montréal et
présidente de CIRANO en charge des groupes
Risque et Développement durable. Elle est Visiting
Scientist au Harvard Center for Risk Analysis,
Department of Environmental Health à la Harvard
T. Chan School of Public Health. Ses intérêts de
recherche portent sur la gestion des risques et la
théorie de la décision dans différents contextes de
risque et d’incertitude ainsi que les politiques
publiques mises en place.
Pour citer : Romero, A., Bendavid-Castro, L., & De Marcellis, N. (2016, Novembre). Mettre
l’utilisateur au centre du cycle de développement des innovations technologiques pour assurer
la sensibilité des projets technologiques. Cahier de recherche(1), 8-14. Récupéré sur
chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
14
Chaire de gestion de projet
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Cahier de recherche
15
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé :
Le temps revêt une importance cruciale
en projet, et pourtant ce sujet est sousétudié dans la recherche en gestion de
projet. Cette étude exploratoire se veut
un point de départ pour réfléchir sur les
tensions liées au temps en contexte de
projet. Huit entrevues au sein de trois
organisations multiprojets ont été
réalisées. Les résultats illustrent la
variation et la surcharge de travail des
employés, l’harmonisation complexe
des projets entre eux, et une tension
d’identité entre le temps personnel et
organisationnel.
Mots-clés :
Gestion de projet ; Organisations
multiprojets ; Tensions ; Temps ;
Paradoxes
Selon Söderlund et Bredin (2006), l’organisation sous forme de
projets représenterait le changement organisationnel le plus
profond de notre époque. Alors que de plus en plus
d’organisations mettent en place des projets pour réaliser leurs
activités (Bakker, 2010), il est important de se questionner sur
les enjeux et surtout les conséquences d’un tel mode
d’organisation. Car si la gestion de projet possède des avantages,
elle amène aussi son lot d’enjeux pour les employés et les
organisations. Parmi ceux-ci, nous retrouvons une pression du
temps intense sur les employés (Nordqvist, Hovmark, & ZikaViktorsson, 2004) et la difficulté de coordonner plusieurs projets
à la fois (Engwall & Jerbrant, 2003).
Le temps représente un enjeu managérial de premier plan et
s’avère d’autant plus crucial dans un contexte de projets,
puisque ceux-ci possèdent une durée limitée (Lundin &
Söderholm, 1995). Selon ces auteurs, le temps est fondamental
à la compréhension des organisations temporaires et un projet
qui n’est pas livré à temps dans certains contextes (par exemple,
un projet de construction) peut être comparé à la faillite d’une
organisation ordinaire. Le respect de l’échéancier représente
l’un des moyens les plus courants d’évaluer la réussite d’un
projet (Tukel & Rom, 1998) et un retard substantiel représente
la raison principale de l’échec d’un projet dans environ le quart
des cas (Mieritz, 2012), et ce, malgré l’utilisation d’outils de plus
en plus sophistiqués pour gérer le temps en projet (Besner &
Hobbs, 2012).
Malgré la gestion complexe et problématique de projets
successifs ou parallèles, la littérature traditionnelle en gestion de
projet s’est surtout intéressée à l’exécution d’un seul projet,
passant outre les difficultés reliées à un contexte multiprojets
(Jerbrant, 2013), et ce, malgré des appels répétés à ne pas
considérer le projet de façon isolée, dont le très connu « no
project is an island » (Engwall, 2003, p. 789). Pourtant, les enjeux
associés à ce contexte sont multiples et incluent notamment une
pression du temps forte et la difficulté de récupérer entre les
projets (Zika-Viktorsson, Sundström, & Engwall, 2006).
L’importance du temps en organisation, plus spécifiquement
dans un contexte de gestion de projet, et la présence de tensions
évidentes nous amènent à la question de recherche suivante :
comment les tensions reliées au temps dans les organisations
multiprojets sont vécus et gérés par les individus?
Les enjeux actuels de la gestion de projet
16
Chaire de gestion de projet
Afin d’explorer ces enjeux, une étude qualitative
exploratoire de huit entretiens au sein de trois
organisations
multiprojets
(une
institution
financière, une société d’État et une agence
marketing) a été réalisée. Les résultats illustrent la
variation et la surcharge de travail des employés, ce
qui rappelle le concept de « project overload » de
Zika-Viktorsson et al. (2006), où un sentiment de
surcharge est notamment lié au manque
d’opportunités de récupération, au manque de
temps et à un grand nombre de projets en
simultanés.
Méthodologie
Cahier de recherche
lectures alternatives (application de différents
concepts théoriques) et comparatives (comparaison
des mesures et processus pour identifier des
régularités). L’approche utilisée est itérative, et la
littérature pertinente à l’analyse et l’interprétation
des données a été mise à profit.
Discussion
Plusieurs points communs émergent des entretiens,
notamment la variation du travail, la surcharge de
travail, la difficulté à harmoniser les projets entre
eux et une tension d’identité entre le temps
individuel et organisationnel.
Variation du travail
Huit entrevues ont été réalisées (quatre
gestionnaires au niveau multiprojets, deux
gestionnaires de projet et deux membres d’équipe
de projet). Les entrevues de type semi-directif ont
inclus une portion réflexive (sauf une entrevue, car
le participant disposait de seulement 45 minutes),
où des cartons indiquant des tensions temporelles
potentielles (flexibilité-contrôle du temps, courtlong terme, temporaire-permanent, temps individuprojet-organisation, passé-présent-futur), et des
caractéristiques reliées au temps (accélération,
manque de temps, marchandisation du temps,
contrôle du temps, temps multiples) ont été
présentés aux participants, et où ils étaient invités à
identifier la/les tensions les plus présentes dans leur
organisation et à discuter ce que ces éléments
évoquaient dans le cadre de leur travail.
Le premier point commun réside dans la variation du
travail, autant pour les individus qu’au sein des
projets. Le travail varie tout d’abord selon les rôles,
par exemple le travail de PCO nécessite un plus
grand investissement de temps pendant la phase de
faisabilité, alors que d’autres membres de l’équipe
de projet verront leur charge augmenter en
exécution. Les fins de mois représentent une autre
période plus intense pour les PCO, gestionnaire de
projet et de portefeuille de projet. La charge varie
également en fonction de l’échéancier des projets et
des livraisons. Finalement, on retrouve une variation
selon les périodes de l’année, par exemple les
périodes précédent les vacances d’été et le temps
des fêtes sont sujettes à une charge de travail
intense, suivi de périodes plus tranquilles.
Les entrevues ont été entièrement transcrites le plus
rapidement possible après les entretiens et
complétées
de
notes
et
d’observations
additionnelles. Une liste préalable de codes a été
utilisée (voir exemples en annexe) et le codage a été
effectué à l’aide de NVivo. D’autres codes se sont
ajoutés au fil de l’analyse. Les codes ont été
regroupés de manière itérative au cours de
l’analyse, et après l’analyse à l’aide d’ébauches et de
schémas. Plusieurs méthodes de codages (Miles,
Huberman, & Saldaña, 2013) ont été utilisées,
notamment des codes descriptifs (pour résumer les
données et concepts), processuels (pour identifier
les actions et les pratiques) et simultanés (pour
tisser des liens entre les concepts). Les stratégies
d’analyse mobilisées (Langley, 1999) sont narratives
(descriptions du contexte), mettent à profit des
Heureusement, ça adonne bien
parce que ces temps-là de très très
fortes charges sont suivies de
temps qui sont plus tranquilles,
donc évidemment tu ne prends
pas de vacances pendant ce
temps-là, mais une fois que c’est
passé, c’est un temps qui est plus
tranquille l’été puis, après le gel de
décembre on ne livre plus rien,
donc c’est très tranquille, très très
tranquille jusqu’au début janvier.
Donc au fond tu te serres les dents,
tu n’as pas le choix faut que tu
passes au travers. On le sait, la job
est en dos de chameau : deux
bosses.
(Gestionnaire
de
Les enjeux actuels de la gestion de projet
17
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
portefeuille de projet, Institution
financière)
Surcharge de travail
Une deuxième caractéristique commune réside
dans la surcharge de travail, qui est perceptible
autant au niveau individuel, du projet ou
multiprojet. Ainsi, les individus « manquent de
temps » de façon chronique et mentionnent
fréquemment qu’ils ne « peuvent pas en faire
rentrer plus » dans leur horaire surchargé. Au niveau
du projet, les enjeux de disponibilité des ressources
sont fréquemment mentionnés et entraînent des
délais et des impacts financiers, tout en imposant
des surcharges de travail fréquentes qui amènent
les individus à travailler davantage lors de certaines
périodes annuelles plus intenses ou liées aux phases
et livraisons de projet. Au niveau multiprojets, les
enjeux de capacité de ressources sont adressés sous
la forme d’escalades hiérarchiques (enjeu remonté
à la direction), et la difficulté d’harmoniser les
projets entre eux est relevée, attribuable par
exemple à des démarrages parallèles de projet en
début d’année qui causent une surcharge lorsque les
projets sont simultanément en phase d’exécution.
Cette situation cause donc des enjeux majeurs aux
différents niveaux de l’organisation et joue un rôle
dans la pression subie par les employés qui
travaillent en mode projet.
Les gens ne travaillent que sur
l’urgence du moment. À très court
terme, ça peut fonctionner, mais
ça a un effet pervers. On l’a vu sur
des projets, on venait pour
installer une base de données
toute petite, et on se fait dire non,
il n’y a plus de place sur la base de
données, il faut créer une nouvelle
instance, et là il n’y a plus de place
sur le serveur, il faut créer un
nouveau serveur. On a vu des
problèmes où le réseau était
surchargé, on amenait un petit
projet, et on amenait 1 % de
charge, et non on ne peut pas le
prendre parce qu’il y a plus de
capacité. Donc je donne souvent
l’image, on nous dit en projet
partez de Montréal et allez à
Québec, mais on est obligés
d’amener de l’asphalte avec nous
autres parce qu’il y a des bouts de
route qui sont plus faits, qui ne
sont pas faits. (Gestionnaire de
portefeuille de projet, Institution
financière)
Cette situation s’apparente au paradoxe
d’exploitation-exploration, et met en relief leur
interdépendance et l’intérêt à assurer une synthèse
entre ces éléments, plutôt que de privilégier un ou
l’autre des pôles (Papachroni, Heracleous, &
Paroutis, 2015). Ainsi, parce que l’opérationnel est
négligé, les projets subissent des enjeux de
disponibilité des ressources qui doivent régler des
problèmes et incidents. Ces enjeux contribuent
certainement à la culture de l’urgence qu’on peut
observer dans ce groupe. Ce contexte rappelle le
phénomène de famine du temps, décrit par Perlow
(1999) comme le sentiment d’avoir trop à faire et
trop peu de temps pour y arriver. Dans cette étude,
la difficulté à réaliser le travail était causée par des
interruptions constantes, une mentalité de crise et
un système de récompense axé sur les
accomplissements « héroïques » individuels. La
mentalité de crise où le travail doit devenir urgent
pour être réalisé rappelle le climat d’un des groupe
étudié, où le travail est fait lorsqu’il devient urgent
(incidents) ou nécessaire (doit être réalisé pour la
suite du projet, même s’il est hors de l’envergure du
projet). Le problème semble également se situer à
plus haut niveau dans l’organisation, puisque ce ne
sont pas les interruptions individuelles qui viennent
perturber le travail, mais bien les modifications aux
affectations des employés et la surcharge amenée
par une synchronisation difficile des projets entre
eux.
Harmonisation complexe
Un troisième point commun concerne la difficulté
d’harmoniser les projets entre eux, causée non
seulement par la variation et la surcharge de travail
dont il vient d’être question, mais également par les
interdépendances des projets entre eux et avec des
parties prenantes et des employés de plusieurs
groupes. « Des fois dans les projets on est obligés
d’accélérer parce qu’on a un autre projet qui nous
Les enjeux actuels de la gestion de projet
18
Chaire de gestion de projet
pousse, puis si on ne peut pas retarder cet autre
projet-là, c’est que ça a un impact majeur. » (PCO,
Institution financière) Cette interdépendance pose
des défis supplémentaires à l’harmonisation des
projets, notamment lorsque des délais de projets
amènent des impacts sur les autres projets et la
disponibilité des ressources. Finalement, les
échéances sont au premier plan de cette
harmonisation temporelle, et peuvent être
imposées par des autorités externes dans le cadre
de projets règlementaires, imposées par des parties
prenantes internes, ou parfois évaluées et négociées
de concert entre le client et le gestionnaire de
projet.
Tension d’identité entre temps personnel
et organisationnel
Une tension d’identité, qui représente une tension
entre l’individu et le collectif (Smith & Lewis, 2011),
ressort des entretiens et se situe entre le temps
personnel et le temps organisationnel. Par exemple,
les participants mentionnent la difficulté de prendre
des congés et des vacances, et parfois l’obligation de
se rendre disponible pendant ceux-ci. La difficulté de
réconcilier le temps personnel et de travail ne se
pose pas seulement lorsqu’il est question de
prendre des congés : « On est à 35 heures, si tu dois
faire 40 heures, on s’attend à ce que tu fasses
quelques heures en plus. » (Gestionnaire de projet,
institution financière). Une gestionnaire de projet
(société d’état) abonde dans le même sens : « on ne
compte pas nos heures ». Pourtant, on retrouve sur
le site web d’une des organisations une promesse
d’employeur qui rappelle qu’il est « reconnu comme
un employeur qui prend à cœur la santé et le mieuxêtre de son personnel. » L’entreprise vise à fournir
un « environnement de travail qui favorise la santé,
le bien-être personnel et l’épanouissement
professionnel », figure parmi les « meilleurs
employeurs pro-famille au Canada », et ses
« pratiques relatives à la conciliation travail-famille
[…] ont été qualifiées d’exceptionnelles par
MediaCorp Canada. » Cette culture de projet et la
pression qu’elle amène impliquent une tension
entre l’identité de l’organisation, qui se veut comme
une entreprise favorisant l’équilibre famille-travail
et la surcharge vécue par ses membres. En fait, cette
pression se fait en dépit de pratiques
organisationnelles visant à concilier vie personnelle
Cahier de recherche
et professionnelle, comme des horaires flexibles et
du télétravail. Par exemple, on retrouve chez un
même participant un discours sur la culture
d’entreprise qui pousse au surmenage (du moins
dans certains départements) et qui pourtant
instaure des pratiques facilitant la conciliation
travail-famille.
Cette tension illustre également que malgré les
initiatives de conciliation, des tensions et des
contradictions sont présentes dans la mise en place
et la façon dont les acteurs organisationnels
réagissent à celles-ci (Putnam et al, 2014). Ces
auteurs définissent la flexibilité du milieu de travail
(workplace flexibility) comme étant l’opportunité de
décider du où, quand et comment du travail.
Cependant, même si les acteurs peuvent décider de
ces paramètres, les contraintes imposées (charge de
travail, rencontres, etc.) rendent cette flexibilité
difficile à mettre en place en pratique. Elle semble
même avoir des effets pervers, puisque la possibilité
de travailler de chez soi rend la frontière moins
claire entre travail et vie personnelle. D’où la
volonté de recréer cette frontière afin de ramener
un certain équilibre :
J’essaie d’avoir un certain contrôle,
comme le soir, je ne veux pas
ouvrir mon téléphone, je ne veux
pas ouvrir mon portable, sinon, on
n’y arrivera pas, on a toujours la
tête qui continue à fonctionner.
C’est des règles de vie que je
m’impose pour pouvoir décrocher.
Parce que sinon l’horaire va nous
engloutir carrément, on n’y
arrivera pas. […] C’est sûr qu’il y a
des périodes qui sont plus
critiques, il faut donner plus
d’efforts, mais il ne faut pas oublier
qu’après cette période-là, on a
besoin de se reposer un peu et de
se recentrer sur les choses qu’on
aime ou les loisirs qu’on aime. Ne
pas le faire… Ça fonctionne
pendant un bout de temps, mais
en moment donné le corps va
allumer une lumière pour te dire
ça ne fonctionne plus, tu arrêtes.
(Gestionnaire de projet, Institution
Les enjeux actuels de la gestion de projet
19
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
financière)
Ainsi, cette tension entre temps organisationnel et
individuel est ici résolue de deux manières, soit en
mettant en place des mesures pour assurer un
certain équilibre (ne pas utiliser d’outils reliés au
travail en dehors des heures de travail) et en
privilégiant l’un ou l’autre des axes selon l’intensité
du travail (périodes plus intenses suivies de périodes
plus calmes). Cette dernière s’apparente à la
séparation temporelle de Poole et Van de Ven, où
« One horn of the paradox is assumed to hold during
one time period and the other during a different time
period. » (1989, p.566) Selon ces auteurs, chacun
des éléments peut exercer une influence distincte,
ainsi que sur l’autre élément, ce qui se reflète dans
le propos du participant, où une période trop
intense peut épuiser l’individu et le forcer à arrêter.
Pour un autre participant, la frontière entre travail
et vie personnelle n’existe tout simplement pas :
« C’est une job où constamment tu peux être
dérangé, le téléphone est toujours ouvert, chez nous
24 heures sur 24, 365 jours par année, d’ailleurs
quand je n’ai pas accès à mes courriels ou à mon
cellulaire je dois l’indiquer dans mon message
d’absence, ça n’arrive pas souvent, mais si je vais en
Europe ou des choses comme ça, je suis obligé de le
dire. Ça fait partie de la job. » (Gestionnaire de
portefeuille de projet, Institution financière) Une
participante avoue être loin de faire le nombre
d’heures prévues (35) et travaille 15 à 25 heures de
plus par semaine. Une autre participante évoque
qu’on s’attend à ce que les employés fassent plus
lorsque requis et soient toujours disponibles. Ces
situations rappellent la tension entre arrangements
fixes et variables (Putnam, Myers, & Gailliard, 2014),
où des arrangements flexibles peuvent être
contraints par la demande (par exemple, des
échéances). Cette situation illustre également le
paradoxe d’autonomie (Putnam et al., 2014) qui
implique qu’un employé disposant d’une grande
autonomie va souvent intensifier son travail et
investir davantage d’heures qu’un employé aux
horaires fixes. Cependant, même si les stratégies de
réponse pour résoudre ces tensions relèvent
souvent du fractionnement et de l’intégration
(compromis), cela ne semble pas avoir des effets
négatifs sur tous les participants. Par exemple, un
participant est prêt à travailler plus fort lors de
périodes intenses, mais en revanche il connaît ses
limites (pour avoir déjà frôlé l’épuisement), et il
profite des périodes plus calmes pour récupérer.
Une autre participante dit ne pas se sentir débordée
et se sent en contrôle, malgré un horaire imposant.
Une conclusion qui ressort de notre étude est
l’importance de la perception pour ce qui est des
effets positifs ou négatifs sur les individus des
tensions vécues. Concevoir la tension comme une
caractéristique du travail sur laquelle des
arrangements ou compromis sont possibles semble
causer moins d’insatisfaction que lorsque c’est vu
comme une contrainte imposée. Ainsi, cette
conclusion confirme que ce ne serait pas les
contradictions en tant que telles qui sont
problématiques, mais bien comment elles sont
formulées (framing) (Tracy, 2004). Nous irions
jusqu’à ajouter que ce ne sont ni les contradictions,
ni comment elles sont gérées qui posent problème,
mais bien comment elles sont vécues.
Conclusion
En conclusion, les organisations multiprojets
impliquent des tensions liées au temps qui ont des
conséquences sur les individus qui travaillent dans
ce contexte. Cette étude exploratoire représente un
point de départ pour réfléchir sur ces enjeux actuels
de la gestion de projet que sont les tensions liées au
temps et ses effets sur les employés et les
organisations, une réflexion indispensable pour tirer
profit de la gestion de projet dans une ère de plus en
plus compétitive.
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Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Julie Delisle est candidate au doctorat en
administration, spécialisation en gestion de projet à
l’ESG UQAM. Diplômée d’une maîtrise en gestion de
projet et d’un baccalauréat en communication, elle
a a eu l’occasion d’œuvrer à titre de conseillère en
gestion de projet, analyste-conseil, chargée de
projet et PCO dans des organisations diverses allant
de la PME à la grande entreprise. Julie est également
cofondatrice de Beeye, une entreprise du secteur
des technologies qui commercialise un logiciel web
de gestion multiprojets. Ses intérêts de recherche
sont variés et incluent notamment la gestion de
projet, les tensions et paradoxes, le temps et
l’entrepreneuriat.
Pour citer : Delisle, J. (2016, Novembre). Enjeux humains en gestion de projet : surcharge,
pression du temps et tension d’identité. Cahier de recherche(1), 16-21. Récupéré sur
chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
21
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé :
Les transferts technologiques sont
considérés comme un moyen efficace et
efficient pour réussir l’innovation dans
une industrie ou organisation.
Cependant, ce type de projet exige des
aptitudes et un savoir-faire managérial
sophistiqués afin de gérer les parties
prenantes. En effet, leurs actions,
motivations et perspectives sont parfois
contradictoires, créant ainsi des
obstacles pour le succès du transfert.
Cet article présente un modèle de
gestion des parties prenantes dans le
cadre d’un transfert technologique de
l’industrie minière à minière.
Mots-clés :
parties prenantes, transfert
technologique, collaboration,
engagement.
Les cycles de vie des technologies se sont radicalement
raccourcis, ce qui se traduit par un rythme d’innovation plus
rapide. Dans ce contexte, de nombreuses entreprises sont
obligées de mettre au point efficacement de nouveaux produits
et procédés. Elles doivent notamment assurer la mise à niveau
constante des outils de production, en particulier par
l'acquisition des technologies de pointe. Pour ce faire, les
entreprises sont de plus en plus portées sur le transfert
technologique (TT) afin de faire face à la complexité
grandissante (Jacoda, 2010), en établissant des alliances avec
d’autres entreprises voire des compétiteurs -alliances leur
permettant de partager l’incertitude et le risque lié au
développement ou l’implantation d’une innovation-.
Bien que l’acquisition de connaissances et d’outils par le TT soit
considérée comme un moyen efficace et efficient de réussir
l’innovation, les projets de TT exigent des aptitudes et un savoirfaire managérial particulier (Efstathiades, 2000). Leur succès ne
dépend de la transmission d’une technologie particulière, il est
modulé par le contexte du transfert et les acteurs qui y sont
impliqués (Schempp, 2010). L’engagement des parties
prenantes (PP) dans le TT joue un rôle de plus en plus critique.
Les actions, motivations et perspectives des PP sont quelques
fois contradictoires et en conflit, créant ainsi des problèmes
spécifiques dans les échanges liés au processus de transfert
technologique (Siegel, 2004). Le défi pour le gestionnaire est
alors de planifier et d’exécuter le transfert de manière à ce qu’il
puisse répondre au mieux à l’ensemble des besoins et
préoccupations des PP sans compromettre la raison du projet.
Malgré l’intérêt grandissant que suscite la question du succès
des projets de TT, peu est connu sur la gestion des PP dans ce
type de contexte (Edler et al., 2011). L’objectif de cet article est
ainsi d’identifier la stratégie la plus appropriée pour assurer la
collaboration et l’engagement des PP dans un projet de TT. Cet
article est structuré en 5 sections. Nous présenterons dans le
Les enjeux actuels de la gestion de projet
22
Chaire de gestion de projet
section 2 une revue de la littérature sur la gestion
des PP et, ensuite, la méthode de recherche. Les
sections 3 et 4 présentent l’étude de cas et les
conclusions.
2 - Revue de littérature
Au cours de la dernière décennie, plusieurs théories
et études empiriques sur les PP ont vu le jour.
Plusieurs modèles de gestion ont des similitudes et
ressemblances.
L’intérêt grandissant de la
recherche sur la gestion des PP repose sur deux
constats : l’augmentation du nombre de PP dans
l’exécution du projet, et la démonstration qu’une
gestion efficace des PP est un facteur de succès du
projet. Les principaux modèles cherchent à: (i)
accommoder les problèmes au sujet des études sur
les PP, (ii) utiliser la perspective des PP pour faire
l’évaluation du projet, (iii) promouvoir les relations
parmi les différents participants, ou analyse de
l’importance de la gestion des relations, et (iv)
analyser l’impact des PP au travers du réseau de
relations. Certains constats ont pu être établis.
Cependant, il ne semble pas avoir de consensus
quant à l’efficacité d’un modèle par rapport à un
autre, plus particulièrement dans le domaine du TT
(Edler et al., 2011). La majorité des articles portent
spécialement sur le cas de création de « spin-off »
universitaire et de relations entre les universités et
le secteur privé.
2.1 - Le transfert technologique et le rôle des
parties prenantes
Dans le cadre d’un projet de TT, les organisations
voulant adopter une nouvelle technologie sont
appelées à caractériser, à évaluer et à prioriser les
innovations disponibles sur le marché. Les
organisations cherchent à impliquer les PP lors de la
phase initiale du projet. Au cours de cette phase de
conception (encore appelée de pré-projet) les
acteurs identifient la solution technologique qui
sera transférée.
Cahier de recherche
apportent plusieurs avantages : elles permettent
notamment aux entreprises de minimiser les
risques, d’augmenter la compétitivité
et la
performance, de maximiser leur capacité à offrir des
produits et services attrayants (Harrison et Bosse,
2013).
Au regard de ces constats la question de l’efficacité
des
modes
de
gestion
des
relations
interorganisationnelles apparaît importante.
2.2 - La gestion de parties prenantes
La participation des PP dans un projet interorganisationnel est de nature et d’envergure
différentes
selon
leurs
préoccupations
organisationnelles/individuelles. Ce contexte crée
une asymétrie entre les bénéfices et les coûts
pouvant rapidement devenir source de conflit
(Romero et Lefebvre, 2013). Un enjeu important
pour le gestionnaire de projet est d’identifier les
conflits et sources de conflits possibles entre les PP
et d’apprendre à les résoudre en vue d’atteindre à
un consensus.
Le modèle d’Olander et Landin (2008) (figure 1)
semble particulièrement pertinent au contexte de la
gestion des relations entre PP provenant de
différentes organisations. Ce modèle se concentre
sur le contexte et l’influence des PP, sur les
décisions prises lors du projet et sur la collaboration.
Selon Olander et Landin (2008), les préoccupations
et les besoins de PP se confrontent tout au long du
projet et affectent l’acceptation et la collaboration
des PP.
Figure 1. Processus de gestion de parties prenantes
(Olander et Landin, 2008)
Identification des parties prenantes
Préoccupations et besoins des
parties prenantes
Les relations inter-organisationnelles font
référence réfèrent à la collaboration entre deux
organisations ou plus pour atteindre les objectifs
prédéterminés en exerçant certaines activités
conjointement (Fleming et al., 2015; Lee et Lim,
2005),. Les relations interorganisationnelles
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Analyse de l’impact des parties
prenantes
Évaluation des opportunités
Acceptation et collaboration
23
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
L’identification et la description des PP (1er
processus) sont le point initial permettant de
détecter les problèmes et les conflits potentiels. Il
apparaît que la compréhension des dynamiques de
doivent être évaluées et définies pour comprendre
les possibles interactions entre les acteurs d’un
projet. Les PP relativement puissantes sont
susceptibles de changer en raison de l’impact que
l’environnement pourrait avoir sur leurs propres
besoins. L’analyse de l’impact des PP (2e processus)
permet de définir dans quelle mesure un acteur
pourrait chercher à imposer ses propres attentes et
influencer
les décisions liées au
projet.
Parallèlement, un des critères permettant d’obtenir
l’acceptation des PP est la reconnaissance des
besoins et préoccupations (3e processus). Une
connaissance approfondie des préoccupations et
besoins des PP permet également d’identifier les
problèmes et conflits dans le déroulement du projet.
Une évaluation claire et transparente des
opportunités (4e processus) basée sur les PP permet
le développement de la confiance Cette évaluation
peut contribuer, par exemple, à la mise en œuvre
de stratégies en vue de favoriser la coopération et la
collaboration dans le déroulement du projet. Le
niveau d’acceptation (5e processus) indique la
position des PP vers le projet et définit l’étendue et
la direction de leur influence.
Le niveau
d’acceptation
dépend
de
deux
considérations principales:
les
besoins
et
préoccupations, le processus de gestion.
3 - Méthodologie
Le modèle d’Olander (2006) a été adapté au
contexte d’un projet de TT interindustrie allant du
forage pétrolier vers le forage d’exploration minière
en Amérique du Nord. Ce modèle a permis
d’identifier et de caractériser les PP en fonction de
leurs actions, motivations et perspectives par
rapport au transfert technologique. Dans le cadre
d’une recherche de type action participative, ce
modèle a permis de soutenir le gestionnaire de
projet lors de la phase de conception pour évaluer
et choisir la solution la plus appropriée pour le
projet.
La recherche repose sur les données
qualitatives telles la révision de documents
existants, le journal de bord du gestionnaire de
projets (observations et réflexions journalières sur
les évènements et actions du projet), des entrevues
semi-dirigées et des groupes de discussion.
Conjointement aux données quantitatives ont été
collectées et obtenues : la grille d’évaluation des
opportunités de TT en fonction des besoins et
préoccupations des parties prenantes et la grille de
classification des PP en fonction de l’intérêt et la
puissance.
Le chercheur a procédé dans un premier temps à la
collecte de données. Les données ont ensuite été
analysées rigoureusement par le chercheur et une
équipe de gestion de projet. L’analyse a été réalisée
pour encadrer la gestion de PP dans le projet étudié.
Le chercheur a adopté tout au long de la recherche
une posture positiviste tout au long du processus de
recherche empirique en s’attardant aux explications
essentiellement rationnelles relatives à ce qui se
passe dans la réalité. La perspective adoptée par le
chercheur vise à produire un savoir transmissible et
est préoccupée par la recherche de solutions
pratiques.
Malgré le caractère subjectif de
l’observation, certaines méthodes telles que la
triangulation des données ont été mises en place
pour valider les interprétations du chercheur.
4 - Étude de cas
Les techniques de forage minier dites
conventionnelles sont aujourd’hui de moins en
moins efficaces pour exploiter des réserves de plus
en plus profondes ou faire face à des
environnements agressifs. Les défis d’exploration et
de forage sont donc de plus en plus complexes.
L’industrie pétrolière est la référence la plus
évidente quant à l’innovation dans le domaine du
forage.
Cette industrie a développé des
technologies très avancées pour être en mesure de
poursuivre la mise en exploitation de nouveaux
sites. En effet, plusieurs défis auxquels l’industrie
minière fait face ont été soulevés avec succès par
des avancées technologiques du forage pétrolier.
Par conséquent, les transferts technologiques
peuvent servir de catalyseurs pour permettre des
innovations dans le forage minier.
Les objectifs du projet de TT étudié étaient :
d’identifier et de documenter les défis d’opération
et technologiques auxquels fait face l’industrie du
forage minier et de diffuser le savoir et le savoir-faire
Les enjeux actuels de la gestion de projet
24
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
du forage pétrolier auprès des entreprises du forage
minier. La collaboration et la coopération entre les
parties prenantes sont primordiales dans le cadre de
la caractérisation et l’évaluation des opportunités
de transfert technologiques. En ce sens, l’équipe de
gestion de projet (GP) se doit de mettre l’emphase
sur ces éléments en vue d’une gestion efficace de
projet de ce type.
4.1 - Identification des parties prenantes
L’équipe de GP a, dans un premier temps, procédé
à l’identification des parties prenantes et à la
détermination de leurs besoins pour ensuite gérer
leurs attentes. Une recherche préliminaire des
entreprises pertinentes (contractant du forage,
fabricants d’outillage, centre de recherche et
géologues) au projet a été entreprise afin de
connaître les intérêts à la participation au projet
(défis et problématiques préliminaires du forage
minier). Des rencontres individuelles entre l’équipe
de gestion de projet et chacune des entreprises ont
été tenues.
Tableau 1. Sommaire des parties prenantes clés
Que ce soit par groupe ou entre elles au sein d’un
même groupe, les parties prenantes ont été jugées
très diverses par l’équipe de gestion de projet. Les
organisations-fournisseurs, par exemple, ont des
caractéristiques et des attentes très différentes les
uns par rapport aux autres. Il est important de
mentionner que dans le cadre de ce projet qui est de
nature collaborative, il peut être délicat de
rassembler des entreprises qui normalement sont
des compétiteurs féroces. Une PP a été jugée clé par
l’équipe de gestion de projet lorsqu’elle pouvait
avoir un impact sur le résultat sur le projet.
4.2 - Préoccupations et besoins des parties
prenantes
Par la suite, l’équipe de GP a analysé les
préoccupations et les besoins des PP. Pour le faire,
le elle a évalué les différentes options de forage (8
différentes technologies).
L’évaluation
des
opportunités de transfert technologiques a permis
de faire ressortir les deux principales opportunités
sur huit. En d’autres mots, ce sont les opportunités
répondant
globalement
le
mieux
aux
préoccupations et aux attentes des PP. Le tableau 2
illustre les résultats obtenus dans l’évaluation des
opportunités. Les opportunités ayant obtenu les
résultats les plus faibles ont été rejetées du projet
afin de répondre le mieux possible aux
préoccupations et besoins des PP.
Promoteur : Groupe MISA
Commanditaires : Organisations A, B et C
Gestionnaire de projet (équipe de gestion de
projet) : Individu A
Organisations clientes : Organisation D, E, F, G et H
Organisations-fournisseur des clients : Individus B,
C et D
Tableau 2. Évaluation des opportunités de transfert technologique
Partie prenante
Individu A
Organisation D
Organisation E
Organisation F
Organisation G
Individu B
Individu C
Individu D
Organisation H
Moyenne
Écart type(s^2)
Écart type (s)
RSS
61.5
62.25
76.75
76.25
70
66.5
N/A
68.75
74.26
69.53
4.78
2.19
MWD
63.75
60.75
60.28
70.25
N/A
72.25
N/A
64.5
76.75
66.93
5.28
2.30
Opportunités de transfert technologiques
Under
Trait.
LWD
Coil tubing
reamer
fluides
72.375
60.5
52.25
47.5
60.75
57.25
56.76
44.25
19.375
20.75
60.56
41.75
20.75
20.75
66.75
47.5
28.75
N/A
N/A
61.07
76.75
61.5
N/A
N/A
N/A
N/A
N/A
42.5
N/A
N/A
N/A
N/A
62.75
47.5
52.25
56.25
48.79
44.71
57.71
48.69
22.13
15.97
4.75
5.70
4.70
4.00
2.18
2.39
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Manipulateur
57.76
64.5
65.25
N/A
27
N/A
N/A
N/A
61.76
55.25
11.30
3.36
Simulateur
48.75
50.25
52.75
N/A
55.94
N/A
N/A
N/A
46.75
50.89
2.77
1.66
25
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
N/A : Ne s’est pas prononcé sur l’opportunité
(compétences nécessaires à l’évaluation de
l’opportunité trop loin du champ de compétences
de la partie prenante).
composante du système. Certaines PP ne l’ont pas
compris ainsi et évaluaient l’opportunité dans son
ensemble et jugeaient qu’il n’y avait pas d’avantage
concurrentiel.
RSS (Rotary Steering System): Système de forage
automatisé permettant de dirigé la trajectoire du
trou de forage à distance;
4.3 - Analyse de l’impact des parties prenantes
MWD (Measurement While Drilling): Réfère aux
données de positionnement en instantané
(positionnement, inclinaison par rapport à la
verticale, direction magnétique par rapport au nord,
mesure de la trajectoire du trou de forage, etc.
LWD (Logging While Drilling): Réfère aux mesures
concernant la formation géologique en simultané
aux operations de forage.
Coil Tubing: Concept de forage bien établi dans le
forage pétrolier qui consiste à utiliser un moulinet en
continue flexible muni d’un moteur de fonds de trou
actionner par l’eau et la boue de forage.
Under reamer: Outils de fonds de trous joints aux
tiges de forage et ayant principalement pour but
d’élargir ou de maintenir la circonférence des trous
préalablement forés.
Trait. Fluids: Réfère aux nouvelles technologies
ayant pour objectif de traiter les eaux usées
générées par les opérations de forage.
Manipulateur : Manipulateur de tiges de forage
automatisé permettant la manipulation des tiges de
forage sans la moindre manipulation humaine.
Simulateur: Appareil permettant la simulation des
opérations de forage utilisé pour la formation des
futurs foreurs ou parfois utilisé pour l’essai de
nouvelles techniques de forage.
L’écart type a été utilisé par l’équipe de gestion de
projet afin de découvrir ou de valider si les PP
évaluaient sensiblement de la même façon. Il a été
constaté
que
plusieurs
PP
manquaient
d’information. Plusieurs tiraient des conclusions
hâtives dans leurs évaluations alors qu’elles ne
connaissaient pas réellement la réponse.
À
l’inverse, le manipulateur de tiges est très connu
dans le forage minier. L’opportunité de transfert
technologique tenait compte que d’une
L’équipe a ensuite identifié le pouvoir que les
différentes PP peuvent avoir sur le développement
du projet. Le pouvoir a été déterminé en tenant
compte de trois variables : la notoriété, la
coordination et le niveau d’expertise. Suite à la
détermination des variables permettant d’évaluer le
pouvoir des PP en fonction de chaque opportunité,
l’équipe a procédé à l’évaluation en fixant des cotes
permettant d’obtenir une valeur quantitative de la
puissance. Le même processus a été développé afin
d’obtenir une valeur quantitative de l’intérêt. Les
variables utilisées pour déterminer l’intérêt sont : la
PP a manifesté son intérêt pour l’opportunité en
cause et la PP a rempli la grille d’évaluation de
l’opportunité.
4.5 - Évaluation des opportunités
L’identification des préoccupations et besoins des
PP ont permis de faire ressortir deux principales
opportunités de transfert technologique (l’under
reamer et le traitement des fluides). Malgré que les
deux opportunités soient celles qui suscitent le plus
d’intérêt par les parties prenantes clés, il n’en
demeure pas moins que certaines n’ont pas fait
l’unanimité. Malgré que certaines opportunités
semblaient très intéressantes pour quelques parties
prenantes, d’autres semblaient les trouver moins
attrayantes. Les perceptions et l’intérêt diffèrent
beaucoup dans l’évaluation d’une opportunité à
l’autre. Les groupes de parties prenantes ont des
objectifs individuels qui leur sont propres dans le
projet en plus des objectifs collectifs. De plus, les
champs
de
connaissances
diffèrent
considérablement d’un groupe de parties prenantes
à l’autre. Ainsi, les perceptions diffèrent beaucoup
dans l’évaluation d’une opportunité à l’autre Les
parties prenantes perçoivent les opportunités de
manière différentes ce qui explique les conflits
possibles et les difficultés d’obtenir le consensus.
4.6 - Acceptation et collaboration
Les enjeux actuels de la gestion de projet
26
Chaire de gestion de projet
Étant donné la l’intérêt variant et du niveau de
connaissances des PP pour les différentes
opportunités, certains conflits et problèmes
d’acceptation et de collaboration étaient à prévoir.
En ce sens, l’équipe a décidé de mettre en place des
systèmes permettant aux PP d’obtenir davantage
d’information afin de mieux supporter leur prise de
décision et de gérer leurs inquiétudes. Les systèmes
employés ont été: les visites aux différents sites de
forage, les consultations aux experts, l’utilisation
d’une plateforme informationnelle et les groupes de
discussion. Ces stratégies ont permis de diminuer les
asymétries d’information entre les PP. Et ainsi,
l’équipe a obtenu leur engagement et collaboration.
5 - Conclusions
Le modèle d’Olander et Landin (2008) apparait
particulièrement pertinent pour comprendre la
gestion des PP dans le contexte du TT. Ainsi, ce
modèle a été adapté au contexte d’un transfert
technologique de l’industrie pétrolière à celle
minière. L’efficacité de ce modèle a été confirmée
comme étant une référence utile pour le
gestionnaire de projet. Par contre, il faut prendre en
considération que la gestion des PP se déroule dans
un contexte spécifique d’un projet à l’autre. Le
gestionnaire doit alors sélectionner ou rejeter des
activités du modèle en fonction de caractéristiques
spécifiques du projet.
Il est également important de mentionner que ce
modèle a été appliqué lors de la phase de
conception du projet. Une analyse doit être faite de
nouveau lors de l’exécution afin de contrôler
l’évolution des besoins et des préoccupations des
PP. Les conditions du projet devront alors d’être
révisées ou même renouvelées. C’est dans cette
perspective qu’une boucle de rétroaction partant de
l’étape de la sélection des opportunités jusqu’à
l’étape de l’identification des PP doit être
considérée tout au long du projet.
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Alejandro Romero est professeur dans les
programmes de 2ième cycle en gestion de projet et
en technologies de l’information à l’École de
Sciences de la Gestion UQAM. Il détient un doctorat
en génie industriel de l’École Polytechnique de
Montréal. Ses travaux portent sur l’adoption et la
diffusion de nouvelles technologies, le rôle de
l’utilisateur final dans le développement de
systèmes technologique et la participation des
citoyens dans les villes intelligentes. Alejandro
collabore comme chercheur à la chaire en gestion
de projets (UQAM), à l’institut universitaire du
centre de réhabilitation en déficience intellectuelle
et en troubles en développement (CRDITED) et au
centre interuniversitaire de recherche et analyse des
organisations (CIRANO). Alejandro possède plus de
12 ans d’expérience comme gestionnaire de projets
Les enjeux actuels de la gestion de projet
27
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
en technologies de l’information et en
transformation organisationnelle dans plusieurs
pays : Canada, Mexique, Venezuela, Colombie et
Chili. Il collabore actuellement avec le PMI pour la
révision du PMBOK version 6.
Eric Leclair travaille en tant que conseiller en
technologie industrielle au sein du Conseil Nationale
de Recherche du Canada (CNRC). Il est également
membre de l’équipe sectorielle minière au niveau
national au sein du CNRC (Mining Sectorial Team ou
MST). Eric est ingénieur mécanique et détient une
maîtrise en administration des affaires de type MBA.
Il possède plus d’une dizaine d’année d’expérience
en gestion des opérations, en gestion de projets et
en développement de nouveaux produits dans les
secteurs alimentaires, de production de l’aluminium
de première fusion et plus particulièrement dans le
secteur minier.
Pour citer : Romero, A., & Leclair, E. (2016, Novembre). La gestion des parties prenantes dans un
projet de transfert technologique : le cas du forage pétrolier vers le forage d’exploration
minière. Cahier de recherche(1), 22-28. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
28
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé :
Les équipes de projet sont
généralement formées d’employés
hautement qualifiés, très scolarisés et
qui recherchent de l’autonomie dans
leur travail (Pearce, 2004). Nous savons
que le leadership partagé est imbriqué
dans la nature de ce type d’équipe et
que de nombreux chercheurs insistent
sur la complémentarité des leaderships
vertical et horizontal (Carson, Tesluk, &
Marrone, 2007; Houghton, Neck, &
Manz, 2003; Shamir & Lapidot, 2003;
Yammarino, Salas, Serban, Shirreffs, &
Shuffler, 2012). Mais comment cette
complémentarité se traduit-elle au sein
de l’équipe de projet ? La présente
recherche longitudinale, tirée de la
thèse de doctorat du premier auteur,
vise à répondre à cette question.
Mots-clés :
leadership partagé, équipe de projet,
étude longitudinale, méthodologie
mixte, réseaux sociaux, fonctions de
leadership.
Afin de relever les nombreux défis des projets actuels, qu’ils
soient publics ou privés, les organisations mettent en place des
équipes de projet multidisciplinaires, formées de travailleurs du
savoir.
Ces coéquipiers, des professionnels hautement
scolarisés et experts dans leur domaine, recherchent de
l’autonomie, de la reconnaissance et ils souhaitent être
impliqués et considérés par les leaders formels (les chefs
d’équipe entre autres). Nous savons qu’avec ce type de
coéquipiers, les modèles traditionnels du leadership ne sont plus
appropriés. C’est fini l’époque du leader-héros. Ainsi, la question
n’est pas de savoir si le leadership partagé sera présent dans ces
équipes de projet, mais plutôt de quelle manière il se
manifestera.
La présente recherche longitudinale, tirée de la thèse de
doctorat du premier auteur, vise à mieux comprendre la
cohabitation entre le leadership partagé (horizontal) et le
leadership formel vertical en étudiant l’influence mutuelle des
coéquipiers, entre autres par l’analyse des réseaux sociaux. Les
résultats permettent d’apporter une compréhension nouvelle
de la complémentarité des rôles de leadership, par l’étude des
différents patterns et motifs d’influence entre les membres de
trois équipes de projet étudiées sur une période de trois mois
chacune. Nos résultats démontrent que le rôle et l’influence du
chef de projet n’est pas menacé par le leadership partagé au sein
de son équipe.
Bref retour sur la littérature
Depuis une quinzaine d’années, une partie de la recherche sur le
leadership oriente son centre d’intérêt vers l’interaction entre
les coéquipiers, en incluant le chef de projet, d’où l’émergence
de l’étude du leadership partagé (horizontal et vertical). Avec ce
type de leadership, l’influence est mutuelle et le pouvoir est
diffusé entre les membres de l’équipe. On assiste ainsi à
l’émergence d’une série de leaders formels et informels qui
s’interchangent en fonction du temps. Le leadership partagé
possède deux conceptualisations principales: un partage
d’influence et un partage de fonctions (rôles) de leadership. De
nombreux chercheurs insistent sur la complémentarité des
leaderships vertical et horizontal (Carson et al., 2007; Houghton
et al., 2003; Shamir & Lapidot, 2003; Yammarino et al., 2012).
Toutefois, de nombreux aspects sont encore méconnus et la
présente étude s’attardera à deux d’entre eux : Qui seront les
Les enjeux actuels de la gestion de projet
29
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
leaders émergents dans l’équipe de projet ? Quel
sera le rôle du chef de projet en contexte de
leadership partagé ?
Méthode de recherche:
La présente étude longitudinale et mixte a été
effectuée au sein d’une grande organisation
montréalaise qui réalise de nombreux projets
annuellement, particulièrement en ingénierie et TI.
Les trois équipes étudiées possèdent des structures
organisationnelles différentes : matricielle faible
(équipe 1), matricielle forte (équipe 2) et structure
par projet (équipe 3). Les membres de ces équipes
sont des travailleurs du savoir multidisciplinaires,
experts techniques et professionnels dont 76 %
possèdent au moins un diplôme universitaire.
La chercheure principale a eu un accès privilégié aux
membres de ces équipes de projet, étant présente
au sein de chacune d’entre elles sur une période de
10 à 12 semaines. Débutant la collecte au moment
du lancement du projet, les prises de données ont
été effectuées à plusieurs moments à partir de
sources variées : 68 entretiens individualisés à 360o
(chef de projet, son patron et les coéquipiers), 89
questionnaires, observation non-participative de 19
réunions, documents organisationnels et carnet de
bord du chercheur. Nous avons surnommé design
mixte simultané la méthodologie proposée pour
recueillir nos données. En effet, ce design originale
et innovateur mobilise simultanément des
méthodes quantitatives et qualitatives, tout en
faisant appel à plusieurs sources principales
d’information qui permettent d’étudier le
phénomène sous plusieurs angles. Cette
méthodologie consiste à profiter des entrevues
individuelles effectuées auprès des répondants pour
enrichir la collecte de données effectuée par
questionnaires, en ajoutant des informations
qualitatives complémentaires que le questionnaire
seul n’aurait pas pu fournir avec ses données
quantitatives. Ainsi, nous profitions de l’entrevue,
réalisée peu après que le répondant ait rempli son
questionnaire, pour demander à ce dernier
d’interpréter lui-même ses réponses qu’il vient
d’écrire sur le questionnaire. Au lieu de simplement
se contenter de traiter les données quantitatives
statistiquement ou par l’agrégation, cette
méthodologie a permis d’enrichir notre
compréhension des réponses écrites en ayant accès
aux arguments du répondant, à ses interrogations,
ses hésitations et ses compléments d’information.
Les données ont ensuite été analysées à partir des
réseaux sociaux (Ucinet 6, Netdraw), d’analyses
qualitatives (Nvivo 10) et d’analyses statistiques
(SPSS 22). Seuls les résultats en liens avec les
questions énoncées précédemment seront discutés.
Résumé des résultats : Les leaders émergents
La première question énoncée visait à connaître qui
sont les leaders qui émergent au sein des équipes
étudiées au cours des trois premiers mois du projet.
Les données d’influence ont été analysées à partir
des réseaux sociaux. En plus de permettre la
visualisation de la distribution de l’influence par des
sociogrammes de réseau, cette méthode d’analyse
permet
le calcul
de
plusieurs
indices
complémentaires au niveau du réseau, soit de
l’équipe (densité et centralisation) et au niveau
individuel (centralités de degré).
Pour une
explication plus détaillée de cette méthode, les
auteurs suggèrent de référer à la thèse doctorale du
premier auteur (Bonneau, 2015).
Pour chacune de ces équipes, le chef de projet s’est
avéré être le membre le plus influent selon les
répondants, suivi par les coéquipiers ayant des
fonctions hiérarchiques formelles (par exemple de
chef d’équipe sous le chef de projet), par le membre
représentant le client au sein de l’équipe, le membre
coordonnateur (que ce soit une initiative du
coéquipier ou un rôle formellement attendu de ce
dernier), par les membres ayant la plus grande
ancienneté dans l’organisation ou consacrant le plus
de temps au projet. Les résultats ont également
indiqué que les membres qui se sont avérés être les
plus influents après quelques semaines sont
également ceux qui sont demeurés les plus influents
après quelques mois. De plus, les données ont
démontré que leur influence grandissait en nombre
de membres influencés et en niveau d’intensité du
lien d’influence.
Lors des entretiens individuels, nous avons
demandé aux participants d’expliquer de vive voix
les motifs qui permettaient à leurs coéquipiers de les
influencer. Malgré le fait qu’ils aient d’abord
identifié les directeurs de projet et les patrons
Les enjeux actuels de la gestion de projet
30
Chaire de gestion de projet
hiérarchiques comme étant les plus influents, les
membres des trois équipes ont expliqué que ces
derniers ne les influencent pas à cause de leur rôle
de chef de projet ou parce qu’ils sont leurs patrons.
Ils affirment que le niveau d’influence n’est pas non
plus relié au fait que le coéquipier soit ingénieur ou
technicien, ni à son niveau de scolarité, ni à son âge.
En fait, ils considèrent qu’un coéquipier est influent
quand ils sont interdépendants avec lui, parce que
ce dernier travaille au sein d’une discipline
technique importante pour le projet, parce qu’il est
un expert ou par son rôle dans l’équipe (client ou
coordonnateur). Ils affirment que la hiérarchie
arrive à la fin de de leurs motifs d’influence, juste
devant la personnalité du collègue.
Ces motifs semblent contradictoires avec les types
d’individus les plus influents mentionnés
précédemment. En fait, ce paradoxe semble lié à la
culture professionnelle de ces répondants qui
préfèrent être influencés par un collègue à cause des
aspects techniques de son travail ou par son
expertise plutôt que par un lien hiérarchique
imposé. Dans leurs discours, les répondants font
toujours une distinction entre le fait, par exemple,
d’être influencé par le chef de projet et son rôle
technique dans le projet. Ils s’empressent
d’apporter d’autres motifs que la hiérarchie pour
justifier que ce chef les influence. En fait, l’apport de
chaque motif d’influence est difficile à départager
ici, puisqu’il est vrai que les membres plus influents
sont en même temps ceux avec qui ils sont le plus
interdépendants et qui sont également dans une
discipline importante pour le projet, tout en étant
aussi des experts techniques. En fait, ces leaders
émergents sont tout ça à la fois, en plus d’être les
chefs de projet, les patrons, les clients ou les
coordonnateurs.
Résumé des résultats : Le partage des fonctions de
leadership
Les fonctions de leadership occupées par le chef de
projet et les coéquipiers ont été étudiées à partir de
la typologie proposée par Morgeson, De Rue et
Karam (2010) qui décompose les comportements de
leadership en activités représentatives de celles
retrouvées dans les équipes de projet.
Tableau 1 : Les 15 fonctions de leadership de
Morgeson, DeRue et Karam (2010)
Cahier de recherche
Phase de transition
Phase d’action
Composer l’équipe
Définir la mission
Évaluer l’équipe
Gérer les frontières
de l’équipe (parties
prenantes)
Donner des défis à
l’équipe
Réaliser la tâche
Établir les buts et les
attentes
Structurer et planifier
la tâche
Développer et former
l’équipe
Donner un sens à des
événements critiques
(sensemaking)
Donner
de
la
rétroaction
-
Résoudre
problèmes
Fournir
ressources
les
les
Encourager l’équipe
à s’autogérer
Favoriser un bon
climat dans l’équipe
À partir des comportements observés au cours des
réunions d’équipe, nous avons constaté la présence
de patterns de distribution des fonctions de
leadership au sein de l’équipe, en étudiant qui
effectuait quelle fonction et à quel moment. Le
design longitudinal de notre étude a permis
d’étudier le développement du partage des
fonctions au fil du déroulement de chacun des
projets sur les trois premiers mois.
Nos résultats indiquent que plus les coéquipiers
partagent rapidement l’influence, et plus ils
partagent rapidement certaines fonctions de
leadership. De plus, les coéquipiers les plus influents
sont également ceux qui partagent le plus de
fonctions de leadership, en nombre et en intensité.
Tout comme l’influence, les fonctions sont
partagées en plus grand nombre avec le temps qui
passe, impliquant plus de membres ou d’une
manière plus intense, bien qu’une certaine stabilité
semble s’installer après quelques semaines de
déroulement du projet. La plupart de fonctions
deviennent alors partagées par un groupe distinct
qui ne semble pas se modifier par la suite. Bien
entendu, ces observations sont valides à l’intérieur
des limites de la recherche, soit au cours des 12
premières semaines de collaboration. Au-delà de
cette période, nous ignorons l’évolution du partage
Les enjeux actuels de la gestion de projet
31
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
de l’influence et des fonctions au sein des équipes
étudiées.
Chez les trois équipes à l’étude, l’ensemble des
membres partagent 5 fonctions principales de
leadership incluant celle de réaliser la tâche comme
telle, soit structurer et planifier la tâche, résoudre les
problèmes, donner de la rétroaction et favoriser un
bon climat dans l’équipe. En présentant leur
typologie, Morgeson et al. (2010) ont suggéré que
certaines sources de leadership sont mieux
positionnées que d’autres pour reprendre certaines
fonctions de leadership. En fait, ces chercheurs
considèrent que les coéquipiers sont bien
positionnés pour partager exactement les 5 mêmes
fonctions suggérées par nos résultats obtenus
auprès des équipes à l’étude. Nos résultats vont
également dans le même sens que Houghton et al.
(2003) et Shamir and Lapidot (2003) qui conseillent
de partager la prise de décision, la résolution de
problèmes, la détermination des objectifs, ainsi que
le support mutuel.
Le partage des 10 autres fonctions de leadership du
tableau 1 varie selon le type de structure
organisationnelle de l’équipe (structure matricielle
faible, forte, ainsi que structure par projet). En effet,
cette structure semble avoir un impact sur la
répartition des différentes fonctions, puisqu’elle
délimite celles qui sont sous la responsabilité du
leader formel et celles qui lui échappent. Par
exemple, un chef de projet travaillant dans une
structure matricielle faible sera responsable de
moins de fonctions de leadership qu’un autre qui
évolue dans une structure par projet, puisque
certaines seront réservées à des niveaux
hiérarchiques plus élevées dans l’organisation (ex :
composer l’équipe ou définir la mission). Ainsi, selon
la structure organisationnelle de l’équipe de projet,
certaines fonctions ont été effectuées par des
groupes distincts : 1) par le chef de projet seul; 2) par
le chef de projet et son patron; 3) par le chef de
projet et quelques membres de l’équipe; 4) par son
patron seul; ou 5) par son patron et d’autres
membres de la direction.
Pour l’équipe avec la structure matricielle faible, le
chef de projet, ayant la portée d’action la plus
limitée, a partagé les fonctions suivantes avec son
patron : établir les buts et les attentes, sensemaking,
évaluer l’équipe, gérer les frontières de l’équipe et
encourager l’équipe à s’autogérer, tandis que les 5
autres fonctions ont été réservées à son patron seul.
Dans le cas de l’équipe évoluant avec une structure
matricielle forte, le chef de projet a été impliqué
dans les fonctions précédentes, en plus des
fonctions plus stratégiques suivantes : composer
l’équipe, définir la mission et lancer des défis à
l’équipe, tandis que les 2 autres fonctions
(développer et former l’équipe et fournir les
ressources) ont été réservées à son patron et à
d’autres patrons du même niveau hiérarchique dans
l’organisation. Enfin, l’équipe ayant la structure par
projet, où le chef de projet est également le patron
formel hiérarchique de tous les membres de
l’équipe, ce denier a participé à l’ensemble des 15
fonctions de leadership selon nos données.
Nos résultats viennent appuyer l’affirmation de
plusieurs chercheurs (Carson et al., 2007; Cox,
Pearce, & Perry, 2003; Denis, Langley, & Sergi, 2012;
Houghton et al., 2003; Shamir & Lapidot, 2003;
Yammarino et al., 2012) à savoir que les leaderships
horizontal et vertical sont complémentaires et que
le leadership partagé n’est pas un substitut au
leadership vertical. En effet, nos résultats abondent
dans ce sens, puisque le leader de chaque équipe
étudié ne s’est pas effacé et n’a pas abdiqué son rôle
en présence de leadership partagé. Malgré une forte
présence du phénomène, les trois chefs de projet se
sont avérés être les plus influents parmi tous les
coéquipiers. De plus, ils ont pris part à la majorité
des fonctions de leadership, que ce soit seul, avec
leur patron, avec des collaborateurs ou avec
l’ensemble des coéquipiers.
Conclusion et limites de la recherche
Cette étude comporte certaines limites qu’il est
important de mentionner. Elle est d’abord réalisée
auprès d’équipes de projet formées de travailleurs
du savoir, mais ce type d’équipe est toutefois
représentatif de la majorité des équipes de projet.
De plus, le nombre d’équipes à l’étude est restreint
à trois équipes au sein de la même organisation. Par
contre, ces équipes possèdent des structures
différentes (matricielle faible, forte et par projet),
possédant ainsi des caractéristiques propres qui ont
permis d’effectuer une comparaison riche et
intéressante. Bien entendu, cet échantillon de trois
Les enjeux actuels de la gestion de projet
32
Chaire de gestion de projet
équipes n’a pas la prétention de démontrer tous les
patterns de diffusion de l’influence et des fonctions
de leadership entre les coéquipiers. Pour chaque
équipe, la durée de la collecte a été de 3 mois en
début de projet, ce qui a permis de jeter un éclairage
particulier sur cette période de développement des
projets, riche en interactions entre les coéquipiers.
Par contre, nous ignorons ce qui s’est passé après
cette période, sauf dans le cas de l’équipe 1 dont la
durée du projet correspond à la durée de la collecte
de données.
À l’instar de plusieurs chercheurs (Carter, DeChurch,
Braun, & Contractor, 2015; D'Innocenzo, Mathieu, &
Kukenberger, 2014; Nicolaides et al., 2014; Small &
Rentsch, 2010), nous avons constaté que l’analyse
par les réseaux sociaux s’avère être une méthode
d’analyse complète pour comprendre le leadership
partagé, puisqu’elle permet d’identifier l’émergence
des leaders informels, de visualiser la distribution et
les liens d’influence entre les membres, de calculer
des indices individuels et de réseau qui viennent
bonifier les conclusions qu’il est possible de tirer. De
plus, nous avons également constaté que l’analyse
qualitative des fonctions de Morgeson et al. (2010)
permet de dresser un portrait global des activités ou
rôles de leadership réalisés au sein de l’équipe de
projet et d’en tirer différents patterns de partage
entre coéquipiers.
Le but de notre recherche est de contribuer à
l’avancement des connaissances du leadership
partagé au sein des équipes de projet,
particulièrement au sein de la première perspective
du leadership pluriel (Denis et al., 2012). Ce champ
d’études est relativement jeune et il demeure
méconnu à plusieurs égards. Nous joignons notre
voix à nos collègues qui réclament un plus grand
nombre d’études longitudinales (Byrne & Barling,
2015; Chiocchio & Hobbs, 2014; D'Innocenzo et al.,
2014; Hobbs, Chiocchio, & Kelloway, 2015; Wang,
Waldman, & Zhang, 2014), d’études in situ avec un
accès privilégié auprès d’équipes en organisation
(Burke, Stagl, Salas, Pierce, & Kendall, 2006; Denis,
Langley, & Rouleau, 2010; Lindgren & Packendorff,
2009) afin de pouvoir brosser un portrait plus
complet du phénomène. Nous croyons également
qu’il faut poursuivre la recherche en proposant des
design mixtes innovateurs (Marks, Mathieu, &
Zaccaro, 2001; Mathieu, Maynard, Rapp, & Gilson,
Cahier de recherche
2008; Stentz & Matkin, 2012) afin de recueillir un
éventail de données permettant de cerner le
phénomène sous différentes perspectives. C’est
ainsi que notre connaissance du leadership partagé
pourra se bonifier et qu’il sera possible d’en
apprendre davantage sur ce phénomène fascinant.
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partagé dans les équipes de projet. (Doctorat en
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33
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
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Isabelle Bonneau, Ph.D., ing, PMP, est une
ingénieure
actuellement
professeure
de
management à l'École des Sciences de la gestion de
l'UQAM où elle a complété un doctorat en
administration à l’automne 2015, spécialisé en
leadership et gestion de projet. De plus, elle est
diplômée de HEC Montréal en administration des
affaires (MBA) et a également complété un
baccalauréat et une maîtrise de recherche en génie
civil (option structure) à Polytechnique Montréal.
Avant de débuter ses études doctorales, elle a
acquis une riche expérience pratique en
management et en gestion de projet dans
différentes industries (génie-conseil, transport,
haute-technologie) où elle a occupé différents
postes de gestionnaire. Dr Bonneau a reçu de
nombreuses bourses et subventions de recherche
au cours de son doctorat, notamment la Bourse
d’études supérieures du Canada CRSH JosephArmand Bombardier (35 000 $/an pendant 3 ans),
ainsi que la seule subvention de recherche accordée
au niveau mondial pour 2013-2015 par le Project
Management Institute Educational Foundation
(23 750 US$). Ses intérêts de recherche s’orientent
vers les aspects humains de la gestion, et plus
particulièrement le leadership, les compétences
managériales, la collaboration entre les membres
d’une équipe et l’évolution de la dynamique
d’équipe. Membre chercheure de la Chaire de
gestion de projet de l’ESG UQAM, elle enseigne
également au programme de Maîtrise en gestion de
projet, ainsi qu’au programme de MBA de cette
institution.
Pour citer : Bonneau, I. (2016, Novembre).
Le rôle du chef de projet en contexte de
leadership partagé. Cahier de recherche(1),
29-34. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
34
Chaire de gestion de projet
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Cahier de recherche
35
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Abstract:
This conceptual article presents a
doctoral research which inquires into
the process of translation, from an
institutionalized project governance
framework to its implementation in
practice. Although infrastructure
projects have been studied for decades,
most studies have emphasized
economic or contingency-based
perspectives. This novel approach based
on process investigates the way actors
translate and enact a public governance
framework into practice. This qualitative
research is based on a multiple-case
study of public projects in Quebec,
Canada. Mobilizing the theoretical
perspectives on process, translation and
practice will contribute to shed a new
light on the governance of public
infrastructure projects.
Keywords:
public projects, governance framework,
infrastructure projects, translation,
practice perspective
Nowadays, large infrastructure projects constitute one of the
most important sectors of development in the world. Between
2013 and 2030, the estimates for infrastructure spending (mainly
delivered as large-scale projects) are about US$ 3.4 trillion per
year (The McKinsey Global Institute (2013), cited in Flyvbjerg,
2014b, p. 8). At a global level, megaprojects (defined as projects
of US$1 billion or more) are increasingly used for delivering a
wide range of goods and services, and their scale tend to
increase as well (Flyvbjerg, 2014b). The governance of projects
has been studied more extensively as a specific object of inquiry
around the year 2000 onwards (Ahola, Ruuska, Artto, and Kujala,
2014). The governance of large infrastructure projects is a
subject of importance in project management, as there have
been several seminal studies revealing the mechanisms and
complexities of such complex and costly undertakings (c.f. Ahola
et al, 2014). Even if the subject has been studied for some time,
still to this day the performance of those projects is
unsatisfactory: the wrong projects are selected, the costs are
underestimated and the benefits are overestimated (Flyvbjerg,
2014b).
In order to strengthen their ability to manage and control large
infrastructure projects, some governments (most notably the
United Kingdom and Norway) have adopted a governance
framework, defined as “an organized structure established as
authoritative within the institution, comprising processes and
rules established to ensure projects meet their purpose”
(Klakegg, Williams, Magnussen, and Glasspool, 2008, p. s30). The
explicit objectives of these governance frameworks are to
habilitate decision-makers to take better-informed decisions in
the front-end phase (by having accurate definition of needs,
options and cost estimations), and to define the process by
which the project is to be managed, with the designation of
imputable actors (Christensen, 2011; Williams, Samset, and
Sunnevag, 2009). Yet, preliminary inquiries into the
improvement in project performance by having such governance
frameworks in place are somewhat inconclusive (Committee of
Public Accounts, 2012; Samset & Volden, 2013; SECOR-KPMG,
2012). Whereas project governance has gained recognition as an
important object of inquiry, what is actually done by the different
actors having to manage those projects has been studied much
less (Williams & Samset, 2010). Scholars have mainly focused
Les enjeux actuels de la gestion de projet
36
Chaire de gestion de projet
their attention on the development of a governance
framework, the global process at the front end of a
project cycle and its impacts on the project
performance. But nothing is known on how actors
in individual projects act with such a framework.
This conceptual article is structured in two main
sections. First, the theoretical background of the
process approach, translation and the practice
perspective is exposed, as well as the research gap
addressed. Next, the methodological approach is
presented, along with data collection strategy and
data analysis strategy. Finally, a conclusion opens up
on avenues for carrying on with this research and
contributions.
2. Theoretical background
Project management is an inter-disciplinary field of
study which has expanded substantially in the past
decades (Söderlund, 2011). By looking specifically at
major public infrastructure projects, it is suggested
that so far, most of the existent literature on
infrastructure projects have mobilized either
economic, contingency-based or institutional
theoretical perspectives (e.g. Flyvbjerg, 2014a;
Miller & Lessard, 2000). Yet, several other
theoretical perspectives are increasingly being
mobilized in project management. In this research,
we build on sociological theories and the practice
approach (Floricel, Bonneau, Aubry, & Sergi, 2014;
Flyvbjerg, 2001), departing from the traditional
theoretical perspectives with the aim of opening the
theoretical perspectives of research concerning
major infrastructure projects. We propose that the
mobilization of processual theoretical perspectives
to the study of the governance of major public
infrastructure projects might generate important
insights and thus contribute significantly to the
enrichment of our knowledge. More specifically, the
translation process from an institutionalized
governance framework into practice is studied in
order to generate new understandings.
The process perspective is gaining recognition and
usage within organization theory (Hernes & Maitlis,
2010; Langley, Smallman, Tsoukas, & Van De Ven,
2013). Nicolini (2012, p. 11) argues that in the last
three decades, there has been a radical shift in the
academic community, as the object of inquiry has
shifted from organizations as entities, to
Cahier de recherche
organizations as theoretical discourses, to the study
of organizing as a social process. Pettigrew (1997, p.
338) defines a process as “a sequence of individual
and collective events, actions, and activities
unfolding over time in context.” Langley and Tsoukas
(2010, p. 2) also adopt this view, by highlighting the
centrality of time, and posing questions about
“temporally evolving phenomena”. The process
approach is broad and inclusive of many sociological
theoretical perspectives, as long as they adopt the
underlying ontology of reality as processes. Namely,
the actor-network theory (ANT) and the practice
perspective are contained within the process
approach (Hernes, 2010; Shotter, 2010; Hällgren &
Söderholm, 2011). Translation as a concept is
important in both theoretical perspectives.
According to ANT, translation is a constructed and
on-going process, a movement into space and into
time connecting actants, from one context to
another (Michaud, 2011). Callon (1986, p. 19)
defined translation as “[…] the mechanism by which
the social and natural worlds progressively take
form.” Or, as Lindberg and Czarniawska (2006, p.
295) put it: “[…] translation can be regarded as the
mechanism whereby connecting is achieved.” Yet,
another definition provided by Akrich, Callon, and
Latour (2006, p. 243, my translation) is that “[…] to
translate is to describe, to organize a world
populated by actants”. Callon (1986), studying the
building of actor networks through scallop fisheries,
has described this process of translation as:
problematisation, interessement, enrolment and
mobilization. Summarizing, translation is a
construction until a temporary stabilisation is
achieved.
Translation as used in the practice perspective is
somewhat different in scale than in ANT. In this
sense, it refers rather to a micro-translation, or
micro-practice. For example, Rouleau (2005) has
studied micro-practices of strategic sensemaking
and sense-giving among middle managers, and
found four main micro-practices: translating the
orientation, overcoding the strategy, disciplining the
client, and justifying the change. Gherardi and
Perrotta (2013, p. 255) rightfully note that: “[…]
practice-based theorizing has developed a
vocabulary made up of verbs: learning, organizing,
belonging,
understanding,
translating,
and
Les enjeux actuels de la gestion de projet
37
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
knowing”. Teulier and Rouleau (2013, p. 314)
propose an hybridation of those theories,
acknowledging that “translation studies have underexamined the way translation is done in practice.”
Research gap addressed
Despite its social and academic importance, the
translation of a governance framework for major
public infrastructure projects is a subject on which
there has been relatively little research. This
research will help to understand how a governance
framework is translated into practice, and how the
actors make sense of the institutionalized
framework by enacting it. This research gap is
important to tackle, as the level of investments put
into major projects is quite high, and the overall
performance of these projects is still deficient
(Flyvbjerg, 2011). This article presents a doctoral
thesis which poses the encompassing research
question: How is a governance framework for public
infrastructure projects translated into practice? The
specific research question for this article ensues
from the previous one: How does the translation
process unfolds from an institutionalized
governance framework into public infrastructure
projects?
3. Methodological Approach
As relatively little research has been done in this
regard, the overall goal of the research is heuristic: it
aims to identify the variables, assumptions and
causal mechanisms involved (George & Bennett,
2005). This exploratory study is qualitative, as part of
the interpretativist and constructivist paradigm
(Corbin & Strauss, 1990; Guba & Lincoln, 2005). In
fact, the inductive approach and grounded theory
will be privileged to collect field elements that
enable a better understanding of phenomena which
can be used to develop theories in a subsequent
phase (Glaser & Strauss, 1967). The research
strategy is a multiple-case study in the Quebec
government (Yin, 2009). The context is the sociopolitical context of Quebec, and there are four cases,
each being a major infrastructure project having to
comply with the Quebec governance framework for
public infrastructure projects (Secrétariat du Conseil
du trésor, 2014). The strategy for data collection
includes a preliminary phase (a pilot) in Quebec in
2014 to test the conceptual framework and the
upstream analysis of public data. Field research has
been conducted from September, 2015 to June,
2016). Four projects in different settings have been
selected and are compared, according to maximum
variation sampling (Patton, 2002). This will allow us
seeing how the governance framework is applied in
various situations, what common patterns emerge
and what are the significant distinctions. Important
criteria are that the projects chosen be in the frontend phase at the time of the fieldwork, and that
projects be comparable in size and in the type of
funding (PPP or not). The context and the ministry
promoting the project are also different for the
selected projects.
Data collection strategy
Data collection is based on a set of approaches
whose main components are non-participant
observation in project meetings and semi-structured
interviews. About ten interviews per project have
been carried out with different actors, or until
saturation (Yin, 2009). Additionally, other interviews
have been conducted specifically on the Quebec
governance framework, regarding its objectives, and
its perceived performance to improve overall
projects success. An analysis of documentation
completes the data collection.
Data analysis strategy
The data collected is transcribed and coded using
qualitative data analysis software. The main analysis
strategy consists of using grounded theory, starting
with a flexible frame and revising it according to the
insights generated by the data collected (O’Reilly,
Paper, & Marx, 2012). Starting from the conceptual
framework of the doctoral thesis, we initially code
the interviews, and revise the coding as well as the
framework in an iterative cycle (Charmaz, 2006).
From a focus coding on main themes addresses
(called first order concepts in Gioia, Corley, &
Hamilton, 2013), we then move to an axial coding
(second order themes in Gioia et al, 2013; O’Reilly et
al, 2012). Other analysis procedures include
temporal bracketing of the governance framework,
and a systematic analysis of various governmental
documents. The data analysis strategies chosen
(grounded theory, temporal bracketing and
systematic analysis) are high in accuracy and
somewhat limited in simplicity and generality, even
Les enjeux actuels de la gestion de projet
38
Chaire de gestion de projet
though the transferability could be important
(Langley, 1999).
The translation process is studied according to the
different actors and actants. Those are: the
organizations involved (public and private), the
project teams, the individuals (politicians, civil
servants and private experts), and artefacts (nonhumans). According to the practice perspective,
more emphasis is put on the study of micro actors
(teams, individuals and artefacts), yet all levels are
considered at this point. The general concept of
translation is analyzed according to several
dimensions and variables. We have suggested some
possibilities mostly coming from the literature
review
(e.g.
interpretation,
sense-making,
enactment, localized time/place, appropriation,
adaptation). Yet, those are also subject to
reinterpretation, as the analysis is currently
performed.
4. Conclusion
As the data analysis is still ongoing, for now the
findings are only emerging. Over the next months,
we are presenting preliminary findings in
conferences in order to receive constructive
feedback. The results of the Quebec governance
framework translated into four different public
infrastructure projects will be presented and
thoroughly discussed. Future articles presenting
those results will be part of the overall doctoral
thesis, shedding light on the translation process of a
governance framework for major public
infrastructure projects.
This research proposes a qualitative study to
investigate the governance of projects as it is
actually done by actors (as it is translated from the
institutionalized governance framework), which will
increase knowledge in the field as most studies up to
now have focused on the formal governance
framework. At the practical level, this research will
approach possible solutions to maximize the
benefits in terms of optimizing public finances,
transparency and ethics.
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Maude BRUNET, MGP, PMP, est doctorante en
administration – spécialisation gestion de projet – à
l’École des sciences de la gestion de l’Université du
Québec à Montréal (ESG UQAM) sous la direction de
Monique Aubry, PhD. Ses intérêts de recherche
portent sur la gouvernance des grands projets
d'infrastructures publiques. Plus précisément,
Maude étudie le cadre de gouvernance du Québec
(Canada) pour les grands projets d'infrastructure
publique, comment il a évolué au fil du temps et
comment il est mis en application en pratique dans
les projets. Elle possède près de dix années
d'expérience en gestion de projet et a été
administratrice du PMI-Montréal pour 2012-2013.
Elle est actuellement chargée de cours à l'ESG
UQAM et elle est également impliquée activement
Cahier de recherche
avec l’organisation GP-Québec, la communauté de
pratique en gestion de projets publics au Québec.
Maude Brunet peut être contactée à cette adresse :
[email protected]
Monique AUBRY Ph.D. est professeure titulaire et
elle enseigne dans les programmes de 2e cycle en
gestion de projet et au programme MBA pour cadres
à l’École des sciences de la gestion de l’Université du
Québec à Montréal (ESG UQAM). Elle est membre
de la Chaire de recherche en gestion de projet de
l’ESG UQAM (www.chairegp.uqam.ca) et de
l’Institut Santé et société de l’UQAM. Ses principaux
intérêts de recherche sont : 1) Le design
organisationnel dans le contexte projet; 2) la
planification de projet dans des contextes extrêmes;
3) le praticien réflexif comme compétence
essentielle dans un contexte d’organisations
complexes et dynamiques. Les résultats de ses
recherches ont été publiés dans les plus grandes
revues scientifiques spécialisées en gestion de
projet et ont été présentés dans plusieurs
conférences à travers le monde. En 2012, elle a reçu
le prix de l’International Project Management
Association (IPMA) pour l’ensemble de ses
recherches sur les bureaux de projet. Jusqu’à tout
récemment, elle était membre du comité Standards
Member Advisory Group et du Research Informed
Steering Committee du Project Management
Institute, le plus grand regroupement de
professionnels en gestion de projet. Elle est Senior
Editor pour le Project Management Journal.
Pour citer : Brunet, M., & Aubry, M. (2016, Novembre). The governance of major public
infrastructure projects: Theoretical background and methodological approach. Cahier de
recherche(1), 36-41. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
41
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé:
Cette communication a pour objet
d’éclairer les raisons pour lesquelles les
projets réussissent ou échouent, à partir
du prisme de la complexité socioorganisationnelle. Elle met en exergue
la centralité et l’importance de la
complexité sociale dans le pilotage des
projets contemporains.
S’appuyant sur un cadre théorique
spécifique – la Soft-Systémique
contemporaine – et une démarche
méthodologique originale, une étude de
cas unique a été réalisée : l’analyse
post- mortem de l’échec exceptionnel
d’un projet considéré comme
stratégique (+245% de dépassement
budgétaire). Les résultats de cette
analyse ont révélé de nouveaux
mécanismes sociaux, de nouvelles
variables et de nouveaux déclencheurs
fondamentaux de la complexité sociale
Mots-clés:
Théories sociales – Complexité sociale –
Méthodes interprétatives de
modélisation – Situations
problématiques – Soft-Systémique.
La question de la complexité des projets est un défi majeur du
management des projets contemporains, qui anime
chercheurs et praticiens depuis de nombreuses années
(Baccarini, 1996 ; Cicmil et al., 2006 ; Cooke-Davies, 2004a,
2004b, 2004c ; Hodgson et Cicmil 2003, 2007 ; Williams, 2004).
Plusieurs constats convergents pointent un déficit de prise en
compte de la variable humaine dans la conceptualisation du
projet contemporain et les travaux associés. La complexité
sociale ou socio-organisationnelle est peu explorée.
La complexité socio-organisationnelle, c’est la complexité qui
naît des interactions sociales entre les individus qui créent des
Systèmes d’Activités Humaines (Checkland, 1981, 1994) dont
les dynamiques génèrent des changements et des incertitudes.
Jusqu’à présent, la plupart des travaux sur la complexité des
projets se focalisent sur les aspects physiques, les
caractéristiques intrinsèques de la complexité du projet
(Baccarini, 1996 ; Williams, 1999 ; Pollack, 2007) et sousestiment ou minimisent la composante sociale, les effets et les
conséquences systémiques qu’elle entraîne dans le
déclenchement de la complexité sociale du projet. Finalement,
s’intéresser à la complexité socio-organisationnelle du projet,
c’est reconnaître que le projet est avant tout une activité
fondamentalement humaine et complexe. Complexe par la
nature des activités, dont les interdépendances et
interconnexions entre les tâches créent des tensions et des
chevauchements que les acteurs doivent arbitrer pour avancer.
Complexe aussi par l’intensité des interactions entre les
individus qui évoluent au cours du temps dans l’organisation
du travail à faire et la représentation des problèmes à traiter.
Les conséquences de la complexité sociale dans le contrôle et
le pilotage des projets, dans la gestion des ressources
humaines ou encore dans la communication, sont importantes.
Par conséquent, l’objectif de notre recherche est de mieux
capter la complexité sociale des projets en intégrant leurs
dynamiques sociales constitutives. Appréhender le
fonctionnement interne du projet à partir du prisme de la
complexité sociale permettrait de mieux le piloter, pour
améliorer sa performance.
Une rapide synthèse de la revue de la littérature sur la question
de la complexité du projet, nous permettra de préciser ce
qu’est la complexité sociale (I), avant de présenter notre cadre
Les enjeux actuels de la gestion de projet
42
Chaire de gestion de projet
théorique et méthodologique (II) pour l’explorer.
Par la suite, les résultats de notre étude de cas
souligneront que la complexité sociale est une
dimension centrale pour expliquer l’échec
exceptionnel du projet étudié (III), avant de
conclure (IV).
1 - Synthèse de l’état de l’art
Pour baliser la question de la complexité des
projets, les chercheurs ont développé une
pluralité d’approches ; faute de consensus (Xia et
Lee, 2004 ; Geraldi, 2008), ces approches ne
proposent pas de définition précise et
consensuelle de la complexité des projets. Ainsi,
nous trouvons des approches centrées sur des
processus de management de projet, des
approches centrées sur les types de complexité et
leurs effets. La complexité que ces auteurs
décrivent est, de notre point de vue, statique, et
reste théoriquement et conceptuellement
abordée à partir du prisme de la systémique dure,
faute d’un cadre théorique capable de prendre en
compte la variable humaine dans la réflexion.
Certains travaux se focalisent sur les aspects
socio-organisationnels du projet qui agissent ou
influencent la complexité du projet (De Bruijn et
al., 2003 ; Geraldi et Adlbrecht, 2007 ; Jaafari,
2003). Le mérite de ces travaux est double. D’une
part, ils défrichent un champ de la recherche
jusqu’ici peu développé dans la littérature
classique en management de projet, en
introduisant des variables soft-systémiques dans
la compréhension de la complexité du projet.
D’autre part, ils contribuent au mouvement initié
par la littérature, ces dernières années, pour
mieux s’approcher de la réalité effective des
projets telle que vécue par les individus dans les
organisations. Cependant, les références à la
variable humaine, aux phénomènes sociaux ou
aux comportements des individus sont faites de
manière rigide, non dynamique : ces travaux
décrivent insuffisamment les mécanismes à
l’œuvre dans la complexité du projet et par
extension, la manière dont la complexité sociale
affecte le comportement, donc la trajectoire du
projet. Ces travaux ouvrent néanmoins des
perspectives nouvelles pour intégrer la
complexité sociale et améliorer le pilotage et la
Cahier de recherche
performance du projet, en tenant compte de sa
réalité effective.
La complexité sociale d’un projet, qu’est-ce que
c’est ?
La complexité sociale peut se définir comme le
produit des interactions et des interdépendances
entre les différents processus sociaux qui
s’expriment dans le projet. Ces processus sociaux
constitués par les individus qui forment un
Système d’Activités Humaines (Checkland, 1981,
1994) dont les dynamiques créent des
changements et des incertitudes, et affectent
positivement ou négativement la structure
interne du projet, son comportement et ses
trajectoires (Remington et Pollack, 2007). Le
produit des interactions et des interdépendances
sociales entre les intrants rend les extrants
imprévisibles et agit directement sur le
comportement global du projet (Richardson,
2008). Cela complexifie la coordination, engendre
des problèmes pour atteindre les objectifs, crée
des conflits et de la méfiance au sein des équipes
(Anderson et Roskrow, 1994).
La complexité sociale représente aujourd’hui un
enjeu important (Klein, 2010) à la fois pour la
recherche et la pratique en management de
projet à plusieurs égards. D’une part, parce que la
complexité sociale est au cœur du
fonctionnement du projet, et aide à comprendre
ses multiples dérives et sa sous-performance
générale (Whitty et Maylor, 2009 ; Klein, 2010 ;
Koppenjan, et al., 2011; Favari, 2012). D’autre
part, parce que de nombreux travaux (Koerner
et Klein, 2008 ; Yongkui et Yujie, 2009) expliquent
que les projets échouent davantage en raison de
facteurs humains qu’en raison de défaillances
techniques. En d’autres termes, ces études
montrent que la complexité qui s’exprime dans le
projet a un caractère d’abord social plutôt que
structurel, technologique, directionnel ou
temporel (Pollack, 2007). Enfin, parce que la
question de la complexité sociale devrait faire
l’objet d’un traitement particulier au sein des
recherches sur la complexité des projets (Klein,
2010) : la complexité sociale ne peut pas être
étudiée de la même manière que la complexité.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
43
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Dès lors, saisir la complexité sociale en pratique,
c’est adopter une perspective plus proche de la
réalité effective des projets, et plus sensible aux
expériences vécues sur le terrain, à la complexité
de sens. Cette approche s’appuie sur les
interactions humaines pour co-construire (Pundir
et al., 2007; Richardson, 2008), interagir et
développer en permanence un modèle
d’organisation sociale plus adapté au contexte
(Orlikowski, 2002) et plus favorable à
l’émergence de dynamiques créatrices du projet
(Turner, 1999; Hobbs, Aubry et Thuillier, 2008). Il
en résulte que le projet contemporain est un
processus social complexe (Whitty et Maylor,
2009) qui contient des acteurs sociaux et des
processus d’interactions sociales, et dans lequel
interagit
continuellement
un
ensemble
d’individus dont les comportements individuels
et collectifs forment des systèmes sociaux qui
affectent le projet. Ces systèmes sociaux
apportent des réponses qui favorisent la création
de changements opérationnels concrets et
continus dans l’élaboration des stratégies de
projet et le développement des pratiques
individuelles et collectives de projet (Bredillet,
2008 ; Lineham et Kavanagh, 2006).
Cette brève revue de la littérature montre
cependant que la complexité sociale reste
largement négligée encore aujourd’hui (Cicmil et
al., 2006 ; Winter et al., 2006a, 2006b). Elle
souffre d’un déficit d’exploration et de
connaissance.
Poser la complexité sociale
comme une dimension centrale des projets nous
a conduit vers une approche systémique
alternative plus à même de capter les éléments
soft ou qualitatifs de l’action humaine : la Soft
Systémique contemporaine.
2 - Cadre théorique et méthodologique
Pour capter et explorer la complexité sociale,
nous mobilisons la Soft System Methodology de
Checkland, les cartes cognitives d’Eden et la
Dynamique des Systèmes de Forrester. Ces trois
auteurs se sont attachés, à des niveaux
complémentaires, à dépasser les failles de
l’approche systémique traditionnelle en
s’inscrivant dans une perspective spécifique seule
à même de reconnaître les dynamiques sociales.
Leurs travaux reposent sur un corpus de théories
sociales
fondées
sur
des
approches
interprétatives, sur des pratiques d’observation
communes, et partagent aussi les mêmes finalités
opérationnelles. Leurs démarches éclairent les
faces d’un même prisme : capter la complexité
sociale des systèmes sociaux, à travers la
confrontation négociée des représentations
mentales des individus. Toutes les trois ont une
volonté commune de poser autrement
l’exploration de la complexité organisée des
activités humaines et des systèmes sociaux pour
apporter des réponses et/ou des solutions
innovantes à des problèmes restés sans réponses.
Seuls les moyens pour y parvenir sont différents.
L’objectif majeur poursuivi par l’approche
systémique contemporaine dans l’exploration et
le traitement des situations problématiques
perçues complexes, est la prise en compte de la
subjectivité des individus. Plus précisément, la
subjectivité des individus est considérée comme
un élément constitutif de tout système social et
doit être examinée dans un cadre intellectuel
rigoureux (Checkland et Scholes, 1990 ; Holwell,
2000). Explorer la complexité et les dynamiques
sociales en recherchant une compréhension
commune de la situation problématique, générée
par la confrontation des points de vue, est le
cœur même de ces trois approches. Et c’est tout
l’intérêt de ces trois approches, que de s’attacher
à ce niveau-là des interventions humaines pour
capturer le sens et la signification interprétative
d’une même situation problématique. En
révélant ainsi les nombreuses facettes de la
réalité sociale, ces approches permettent
d’appréhender autrement la complexité de la
situation. C’est en ce sens qu’elles sont
pertinentes pour explorer la complexité sociale.
Ainsi, ces trois approches sont capables :
d’explorer la complexité organisée du monde à
partir des systèmes notionnels, d’interpréter
subjectivement
les problèmes
sociaux
del’organisation, d’analyser des problèmes non
structurés et de penser la systémicité des
phénomènes
comme
un
processus
d’apprentissage. Ces trois approches présentent
d’autres points de convergence : ce sont des
démarches dynamiques de réflexion active et de
Les enjeux actuels de la gestion de projet
44
Chaire de gestion de projet
pensée sur la complexité sociale à partir de
l’examen d’une situation problématique ; ce sont
des démarches qui utilisent des modèles
transitionnels
comme
supports
des
représentations mentales ; ce sont des approches
complémentaires qui peuvent s’imbriquer entre
elles, elles ont la volonté commune de construire
une théorie du social.
Leurs points de convergence indiquent
qu’aujourd’hui il y a une opportunité réelle pour
faire converger ces trois méthodes dans un cadre
intégré cohérent, comme cadre intégrateur
d’exploration de la complexité sociale.
Ce modèle intégré se compose de deux paires de
méthodes. La première paire de méthodes a pour
objectif de structurer et d’enrichir la perception
qu’ont les individus de la situation problématique
à travers la synthèse des définitions racines des
Systèmes d’Activités Humaines qu’un modèle
enrichi vient alors matérialiser et stabiliser. La
passerelle entre la Soft System Methodology et
SODA se situerait aux étapes trois et quatre de la
méthodologie de Checkland (Figure 1). La
seconde paire de méthodes part de ce modèle
enrichi, pour l’étoffer, en catalysant la complexité
des représentations mentales exprimées, à
travers le réseau de concepts et de liens ainsi
formé. La passerelle entre SODA et la Dynamique
des Systèmes se situerait au niveau de la
formalisation du schéma causal que la carte
cognitive met à jour. Ce schéma causal est alors
mis en équations pour permettre de simuler le
modèle ainsi construit.
Cahier de recherche
L’imbrication de ces approches souligne leur
complémentarité dans la structuration et la
résolution des problèmes. Chacune de ces trois
approches a été conçue comme une stratégie
d’amélioration des situations problématiques et
d’implantation de changements au niveau
organisationnel. Les récentes recherches sur
l’efficacité en management démontrent
comment les systèmes de pensée, en particulier
la « Soft System Methdology », la cartographie
cognitive et la Dynamique des Systèmes peuvent
servir de base à l’analyse des opérations
organisationnelles complexes comme par
exemple le management de projet (Costello et
al., 2002 ; Lyneis et Ford, 2007 ; Winter et
Checkand, 2003).
Le cycle d’apprentissage sous-jacent que ce
modèle initie, contribue non seulement à
proposer une méthodologie adaptée aux défis
que la situation problématique soulève, mais
également à mettre à jour de nouveaux modèles
mentaux dans la représentation de la complexité.
Tout l’enjeu de notre approche est
d’opérationnaliser ce modèle intégré sur le
terrain.
3 - Stratégie de recherche et étude de cas
De par l’opérationnalisation de notre modèle
intégré, notre posture est celle du
constructivisme dans sa forme la plus ouverte :
l’interprétativisme. Plus spécifiquement, les
conséquences
épistémologiques
et
méthodologiques de notre modèle intégré
orientent fortement notre stratégie de recherche
vers une démarche compréhensive à partir d’une
étude de cas unique, comme forme prise par la
Recherche Action. Notre démarche d’analyse des
données s’appuie à la fois sur les
recommandations formulées dans le cadre de
l’étude de cas (Yin, 2003), sur les approches
méthodologiques de Checkland, Eden et
Forrester et sur la démarche méthodologique du
modèle intégré. C’est ce que présente la figure cidessous (Figure 2Figure ).
Figure 1. Deux paires de méthodes imbriquées pour
explorer la réalité sociale.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
45
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Figure 1. Articulation de l’analyse des données.
Etude de cas et
analyse des
résultats
L’étude de cas se situe sur le terrain d’une société
de services informatiques et porte sur l’ampleur
exceptionnelle de l’échec d’un projet considéré
comme stratégique pour la société. Notre mission
consiste donc à décrypter les raisons de cet échec
pour en retirer des leçons pour les projets futurs,
en nous plaçant du point de vue unique de la
société de services informatiques, sans possibilité
de rencontrer le client. Le projet « PAPILLON »
avait pour objet de couvrir les prestations
d’acquisition, de mise en œuvre, de formation,
d’accompagnement et de maintenance évolutive
d’une solution informatique dans le cadre de la
refonte du « Portail Intranet / Extranet » d’une
collectivité publique. A terme, ce portail devait
être utilisé par plus de 11.000 agents.
Schématiquement, les résultats mis à jour
soutiennent l’hypothèse principale que les
dynamiques générées par les Systèmes
d’Activités Humaines ont favorisé l’émergence
d’une complexité à l’origine de la variabilité des
Les enjeux actuels de la gestion de projet
46
Chaire de gestion de projet
trajectoires du projet. Cette complexité sociale a
affecté durablement le projet, et les différentes
parties prenantes du projet ne l’ont plus contrôlé.
La complexité sociale a joué ici un rôle de
catalyseur dans la construction progressive de
l’échec du projet qui s’est révélé pleinement dans
la phase de production du projet. A partir de là,
ces dysfonctionnements ont rompu l’équilibre
structurel du projet et créé une instabilité
durable dans son comportement.
Plus fondamentalement, les résultats ont mis en
évidence que la sous-estimation des charges, liée
à l’introduction d’une technologie nouvelle non
maîtrisée, a favorisé le développement d’une
complexité technologique qui a agi directement
sur la qualité des développements et sur les
objectifs à atteindre. Cette complexité
technologique a rétroagi sur les représentations
mentales que les individus se faisaient du travail,
exacerbées par les difficultés de communication.
Les relations sociales à l’origine de la variabilité
des trajectoires du projet, ont affecté
durablement ce dernier, en favorisant
l’émergence d’une complexité sociale que les
différentes parties prenantes du projet ne
contrôlaient pas. Ainsi, à la complexité
technologique existante s’est ajoutée la
complexité sociale qui a, à son tour, entraîné une
complexité générale dans le fonctionnement et le
comportement du projet. Plus largement encore,
les résultats dégagés ont souligné que l’échec de
ce projet était d’abord un échec social, lié à un
ensemble de défaillances humaines, avant d’être
un échec commercial, technique ou managérial.
En soulignant le rôle central des Systèmes
d’Activités Humaines dans le déclenchement des
boucles de rétroactions à l’origine de la dérive de
ce projet, c’est l’importance de la variable
humaine et des dynamiques qu’elle entraîne dans
le fonctionnement du projet que nous avons mise
à jour.
Discussion
En confrontant nos résultats aux travaux
existants, notre analyse de la complexité sociale
dans le projet présentent trois nouveautés au
regard des travaux existants.
Cahier de recherche
1
Ils mettent à jour des phénomènes
sociaux et de nouveaux effets dans le
cadencement et la planification des
tâches à faire, dans les différentes
phases du projet et ses interfaces, dans
la communication et le contrôle du
projet.
2
Ils élargissent la connaissance des effets
(primaires, secondaires et tertiaires) de
la dynamique des projets. C’est ce que
présente le tableau (Tableau 1.1) cidessous.
3
Ils soulignent que la complexité sociale
agit directement sur l’atteinte des
objectifs du projet, qui dépendent de la
capacité des acteurs sociaux à
s’organiser collectivement. Les acteurs
sociaux, en s’adaptant au flux continuel
de demandes contradictoires, sont au
cœur des principales boucles de
rétroaction qui animent et influencent le
comportement chaotique du projet, sa
réussite et donc sa performance
Remarques conclusives
Notre recherche porte un regard différent que la
question de la complexité des projets, et remet en
cause les analyses de la complexité d’un projet
jusque-là proposées par la littérature : la
complexité peut s’analyser à partir de sa
composante sociale.
Nos résultats démontrent qu’un projet n’est pas
nécessairement complexe en raison de sa taille
(Geraldi et Adlbrecht, 2007), de l’équipe qui le
conduit (Xia et Lee, 2005, Williams, 1999), du
budget, de la variété des tâches à faire et des
interdépendances entre les tâches (Geraldi et
Adlbrecht, 2007 ; Williams, 1999;Vidal et Marle,
2008), du nombre de parties prenantes (Baccarini,
1996), ou des incertitudes (Crawford, 2006) qu’il
contient. Un projet est complexe principalement en
raison du comportement dynamique des Systèmes
d’Activités Humaines qui s’y déploient.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
47
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Effets primaires
La persistance des relations sociales difficiles entre
les parties prenantes crée un climat de défiance qui
affecte durablement le déroulement du projet.
Effets secondaires et tertiaires
Le manque de confiance d’une partie prenante au
lancement du projet ne se rattrape que
partiellement.
Le manque de confiance affecte la productivité du
projet, la qualité des livrables et des
développements, la communication projet, et le
moral de l’équipe.
L’inexpérience d’une équipe projet dans la maîtrise
d’une technologie nouvelle dans un projet
stratégique augmente le risque d’échec du projet.
Le manque de clarté dans le travail à faire
augmente les tâches à faire et le délai de
validation.
Affecter
un
chef
de
projet
épuisé
professionnellement à un projet stratégique
augmente le risque de mauvaises décisions.
L’épuisement du chef de projet affecte la
gouvernance du projet, le moral de l’équipe, la
productivité et la qualité des livrables.
Le manque de vision générale du projet et le
manque de précision dans la réponse à un appel
d’offre
affectent
durablement
tous
les
compartiments du projet.
L’augmentation des délais de validation des
développements et des livrables augmente la
durée et le coût général du projet.
Le manque de clarté le travail à faire ou le manque
de précision dans les réponses apportées
augmentent les défaillances du chiffrage et la durée
du projet.
Tableau 1. Les dix effets additionnels de la dynamique des projets mis en lumière par les résultats de notre
étude de cas.
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Les enjeux actuels de la gestion de projet
49
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
sponsored by Shanghai Leading Academic discipline
Project and STCSM Important Sci-Tech Special
Projects.
Philippe Boigey, Université de Toulouse I Capitole,
Laboratoire LGCO (Laboratoire Gouvernance et
Contrôle Organisationnel), Membre de la Chaire
.
Entrepreneuriat, Innovation et Territoire, Fondation
Catalyses, Université Paul Sabatier, France.
Coordonnées : Vignoble de Minors, 47200 Birac-surTrec, France Mobile : + 33 6 84 82 18 52
Email : [email protected]
Pour citer : Boigey, P. (2016, Novembre). Essai de modélisation de la complexité socioorganisationnelle de projets : analyse post- mortem de l’échec d’un projet stratégique. Cahier
de recherche(1), 42-50. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
50
Chaire de gestion de projet
Les enjeux actuels de la gestion de projet
Cahier de recherche
51
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé:
Québec se tourne vers la méthode du
financement basé sur les activités pour
tenter d’optimiser le réseau de la santé.
Pour respecter le financement octroyé,
les dirigeants doivent allouer leurs
ressources efficacement au sein de leur
portefeuille de services. Des outils
permettant d’acquérir une
connaissance de la structure des coûts
sont nécessaires. L’implantation de
méthode Time-Driven Activity-Based
Costing (TDABC) à une trajectoire de
soins permettrait de déterminer le coût,
le comparer au financement et dégager
des constats qui favoriseront la
réalisation des projets Lean et une
réallocation des ressources en milieu
hospitalier.
Mots-clés:
Portefeuille de services, Projets Lean,
Optimisation des processus, Trajectoires
de soins, TDABC, Time-Driven ActivityBased Costing
1
Plusieurs recherches ont démontré que les méthodes de
financement ne permettent pas de comprendre la composition
des coûts du système de santé. Cette compréhension est
essentielle si l’on souhaite réaliser du Lean management pour
améliorer la performance des processus. En disposant des
informations précises sur la composition des coûts, cela aiderait
les gestionnaires à connaître leur provenance, et à prendre des
décisions pour mieux administrer les ressources et les distribuer
au sein du portefeuille de services de soins. Cela leur permettra
aussi de mieux cibler et prioriser les projets Lean identifiés grâce
à cette compréhension des coûts. Afin de répondre aux limites
des méthodes de coûts traditionnels, des chercheurs se sont
intéressés aux méthodes d’évaluation dont celle de la méthode
Activity-Based Costing (ABC) pilotée par le temps, nommé TimeDriven activity-based costing (TDABC) en anglais.
Projets de réingénierie Lean en santé
Le Lean management, ou le modèle Toyota, est un concept qui a
été élaboré par des chercheurs américains du Massachusetts
Institute of Technology (MIT) qui se sont penchés sur le système
de production pour la fabrication de véhicules (Womack, Jones,
& Roos, 1990). Cette méthode de gestion permet aux
organisations de placer le client au centre de leurs
préoccupations tout en éliminant toutes formes de gaspillage
(Fillingham, 2007).
Dans le contexte de la santé, des projets Lean ont vu le jour un
peu partout dans le monde depuis les années 2000 (Ballé &
Régnier, 2007; Ben-Tovim et al., 2007; D’Andreamatteo, Ianni,
Lega, & Sargiacomo, 2015; King, Ben-Tovim, & Bassham, 2006;
Niemeijer, Trip, de Jong, Wendt, & Does, 2012; Z. Radnor,
Walley, Stephens, & Bucci, 2006). Au Canada, certains projets
Lean dans le réseau de la santé ont eu du succès (Jancarik &
Vermette, 2013; Jobin & Lagacé, 2014). Depuis 2012, au Québec,
plusieurs hôpitaux ont amorcé des projets Lean avec l’appui du
Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) qui a investi
24 000 000 $ dans 19 établissements (Ministère de la Santé et
des Services sociaux)1. Toutefois, l’étude de Z. J. Radnor, Holweg,
et Waring (2012) conclut qu’il y a encore beaucoup de chemin à
parcourir avant que l’on puisse alléguer que les projets Lean ont
rempli toutes leurs promesses.
Information tirée du site Internet du MSSS, à l’adresse suivante : www.msss.gouv.qc.ca/reseau/lean-sante/
Les enjeux actuels de la gestion de projet
52
Chaire de gestion de projet
Défis des projets Lean
Malgré l’implantation de projets Lean, des études
démontrent que certains d’entre eux ont échoué en
raison de la non-atteinte des résultats attendus et
des coûts d’implantation trop élevés (Chakravorty,
2009; Kumar, Nowicki, Ramírez-Márquez, & Verma,
2008). Ces échecs ont amené les chercheurs à se
questionner sur leurs causes. Parmi ces études, celle
de Coman et Ronen (2009), note qu’il y a une
saturation des méthodes et que cela peut se révéler
difficile dans certains cas d’utiliser les techniques et
outils les plus appropriés, et ce dans les bonnes
situations.
Dans le même sens, l’étude de Zhang, Hill,
Schroeder, et Linderman (2008) mentionne que les
choix stratégiques entre plusieurs projets et le
management par projet peuvent avoir un impact
positif sur la performance des organisations. Dans ce
contexte de temps et de ressources limités, les
organisations cherchent à faire les bons projets au
bon moment. Par conséquent, la gestion de
portefeuille de projets offre une solution possible,
voire intéressante à explorer.
Un portefeuille de projets représente un groupe de
projets qui se partage les mêmes ressources (Müller,
Martinsuo, & Blomquist, 2008). Ce processus est un
moyen de diminuer le coût des opérations et permet
de créer un équilibre entre les activités d’une telle
organisation et l’alignement stratégique lors des
choix de projets (Reyck et al., 2005). Pour être en
mesure de faire un pilotage adéquat des projets en
cours dans les organisations, il est nécessaire d’avoir
les informations pertinentes à la prise de décision,
c’est-à-dire sur les ressources, et plus précisément,
sur le coût et de leur utilisation.
Gestion de portefeuille de projets Lean en santé
Malgré l’essor de la gestion de projets dans le milieu
de la santé, la gestion de portefeuille de projets n’a
pas été étudiée au niveau opérationnel. Toutefois,
certains éléments nous permettent de faire des
rapprochements. En fait, les hôpitaux ont à
prodiguer des soins aux patients, ils ont donc un
portefeuille de services qu’ils gèrent en fonction de
certaines priorités. Celles-ci sont gérées
différemment des entreprises dont le but premier
est de générer des revenus, mais les gestionnaires
Cahier de recherche
doivent aussi faire face à des ressources limitées.
L’étude de Cooper, Edgett, et Kleinschmidt (1999)
mentionne que les hôpitaux doivent gérer les
ressources selon les services de soins de santé
offerts.
La gestion par portefeuille de projets s’avère utile à
deux différents endroits en santé. D’abord, les
projets Lean sont en essor au Québec depuis les
dernières années. Ils visent à la fois l’élimination du
gaspillage ainsi que la réduction des activités ayant
peu ou pas de valeur ajoutée. Comme le milieu de la
santé est restreint quant à la disponibilité des
ressources, le principe d’évaluation, de sélection et
de priorisation des projets Lean s’adapte facilement
au milieu de la santé. Ensuite, il est aussi possible
d’adapter la gestion par portefeuille de projets au
sein même des trajectoires de soins réalisées par un
hôpital. Il est effectivement possible de voir ses
trajectoires comme étant des portefeuilles pas de
projet, mais de service en soi, car chacune d’elles
diffèrent l’une de l’autre, et un centre hospitalier
doit assurer la coordination de l’ensemble des
trajectoires de soins. La notion de gestion par
portefeuille de projets peut ainsi permettre aux
établissements de la santé de se doter de nouvelles
modalités d’allocation des ressources afin de mieux
gérer ces projets ou trajectoires de soins.
Méthodes d’évaluation des coûts en santé
Bien qu’il existe différentes méthodes de
financement des systèmes de soins de santé à
travers le monde, plusieurs pays, dont le Canada et
ses provinces, commencent à se tourner vers la
méthode du financement basé sur les activités
(FBA). Mais les recherches ont démontré que
l’application de ces méthodes n’est pas suffisante
pour pallier au problème de la hausse constante des
coûts du système de santé. Effectivement, «
modifier les mécanismes de rémunération des
hôpitaux ne suffira pas à améliorer l’efficience de
notre système de santé. Cette stratégie pourrait
même générer des effets opposés à ceux escomptés
» (Castonguay, 2013, p. 4). De plus, l’étude de Lance
(2013) montre que l’implantation d’une méthode
FBA entraîne généralement une diminution de
l’efficience, donc génère une production d’extrants
à un coût plus élevé.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
53
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
En fait, les dirigeants des hôpitaux ont un
portefeuille de services à gérer et doivent allouer les
ressources à ces services de santé, le plus
efficacement possible, dans le but de respecter le
financement octroyé par le MSSS. L’étude du
Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (2013)
indique qu’il faut développer des outils qui «
[aident] les décideurs à fixer les priorités en matière
de soins de santé ». Cette priorisation permettrait
alors une amélioration de l’allocation des
ressources, mais cela nécessite
« une bonne
connaissance de la structure de coûts selon les
activités [car elle] permet de lier les paiements aux
activités et ultimement [permet de] meilleures
pratiques » (Castonguay, 2013, p. 21). Cette
connaissance des coûts ne peut pas venir d’une
simple méthode de financement. Pour être en
mesure d’obtenir une telle connaissance de la
structure de coûts selon les activités, diverses
méthodes d’évaluation des coûts existent et
peuvent être mises en place. C’est d’abord en
appliquant ces méthodes, et ensuite, en comparant
la structure de coûts établie, et le financement reçu
du gouvernement du Québec qu’il sera possible de
statuer quant à l’amélioration éventuelle de
l’allocation des ressources.
Par conséquent, ce que l’on cherche à comprendre
c’est : de quelle manière les méthodes peuvent-elles
servir à identifier les activités ayant peu ou pas de
valeur ajoutée, et ce au niveau de la trajectoire de
soins dans un service donné, et peuvent-elles guider
l’allocation efficace des ressources et la priorisation
des projets Lean au sein d’un service autant qu’au
sein du portefeuille de projets d’un hôpital?
Cet objectif de recherche s’insère dans les études
des projets Lean recensées par Brandao de Souza
(2009), et principalement l’implantation de projets
Lean pour optimiser les trajectoires afin de diminuer
le temps, de réduire les coûts et les listes d’attente
sans compromettre la qualité des soins et la sécurité
des patients.
De plus, cela est en lien avec la notion de gestion de
projets, car cet objectif nous permet de gérer des
trajectoires de soins, qui elles, peuvent être
appariées à la notion de projet. En effet, selon le PMI
« un projet est une entreprise temporaire décidée
dans le but de créer un produit, un service ou un
résultat unique » (Project Management Institute,
2004, p. 5). Chaque trajectoire de soins est donc
constituée de résultats uniques qui nécessitent à la
fois la réalisation de celle-ci dans un temps limité, et
à l’aide de ressources humaines, matérielles et
financières limitées.
Les méthodes d’évaluation des coûts deviennent
donc des outils permettant de mieux gérer les
ressources financières, humaines et matérielles des
trajectoires de soins auxquelles elles sont
appliquées, car elles permettent d’abord une
compréhension de la structure des coûts de cellesci, et favorisent la prise de conscience quant à
l’allocation des ressources qui permettra de réaliser
les trajectoires dans un temps fixé et à un coût
moindre. De plus, il est possible que certaines
réallocations de ressources soient si importantes
qu’elles nécessitent la mise en place de projets
qualifiables d’être Lean. La gestion par portefeuille
de projets est alors tout indiquée.
Méthode Time Diven Activity-Based Costing
Différentes méthodes permettant l’évaluation
efficace des coûts des activités dans les
établissements de soins de santé existent et ont déjà
été implantées un peu partout à travers le monde.
La difficulté que représente l’implantation de la
méthode de la comptabilité par activité (CPA) fait en
sorte que les gestionnaires ont remis en question
son application. Certains auteurs ont émis des
doutes quant au fait qu’il n’était pas possible d’avoir
divers inducteurs pour chacune des activités.
(Everaert, Bruggeman, Sarens, Anderson, & Levant,
2008). L’article de Demeere, Stouthuysen, et
Roodhooft (2009) donnent l’exemple d’une clinique
qui a comme activité de faire l’enregistrement des
patients. Si on utilise le nombre de patients comme
inducteur de coût, cela ne tient pas compte du type
de patient. Effectivement, certains d’entre eux
peuvent être connus de la clinique alors que
d’autres non ainsi l’enregistrement de ces derniers
sera plus long et le coût sera plus élevé (Demeere et
al., 2009). La méthode développée par les
chercheurs pour pallier à ces problèmes est le TimeDriven Activity-Based Costing (TDABC), ou approche
ABC pilotée par le temps (R. Kaplan & Anderson,
2008; R. S. Kaplan & Anderson, 2004).
Les enjeux actuels de la gestion de projet
54
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
La méthode TDABC est différente de la CPA, car elle
tient compte des unités de temps des ressources. En
effet, « dans l'approche révisée, les gestionnaires
estiment directement les demandes de ressources
imposées par chaque [produit ou service] plutôt que
de premièrement assigner les coûts des ressources
aux activités, et ensuite à des produits ou clients.
Pour chaque groupe de ressources, les estimations
de deux paramètres sont nécessaires : le coût par
unité de temps des ressources nécessaires pour
[fabriquer le produit ou rendre le service] et le temps
de consommation des ressources nécessaire pour
[fabriquer le produit ou rendre le service] » (R. S.
Kaplan & Anderson, 2004, p. 133; Traduction libre).
coût d’une nouvelle activité. Il suffit, en effet,
d’estimer le temps nécessaire à sa réalisation et de
multiplier ce temps par le coût du groupe de
ressources impliqué dans cette activité (R. S. Kaplan
& Anderson, 2004).
Cette méthode permet de calculer plus
adéquatement l’équation fondamentale dans
l’établissement du coût de revient d’un produit ou
d’un service. Chaque activité est divisée et illustrée
pour qu’une visualisation de la trajectoire de soins
soit plus claire. Dans cette illustration, les ressources
nécessaires pour accomplir chaque activité sont
énumérées et pour les ressources qui sont humaines
ou
machines,
le
temps
nécessaire
à
l’accomplissement de chaque activité est aussi
indiqué. Ces données représentent la variable
quantité dans l’équation. Pour être en mesure
d’avoir les quantités de toutes les ressources
utilisées pour chaque activité, le nombre de
matériaux et de médicaments doit aussi être établi.
Pour les ressources qui sont humaines ou machines,
le prix est établi en fonction d’un prix par minute. Ce
prix par minute est établi par une fraction. Le
numérateur correspond à tous les coûts en lien avec
la ressource. Si cette ressource est humaine, on
inclura alors les coûts de formation, l’espace utilisé,
la technologie, les coûts de supervision, etc. alors
que si cette ressource est une machine,
l’amortissement ou le coût de location, l’espace
occupé, les frais de services publics, de réparations,
etc. devront être inclus. Le dénominateur, lui,
représente la capacité de production de chaque
ressource, mesurée en minute (Everaert et al., 2008;
R. Kaplan & Anderson, 2008; R. S. Kaplan, 2014).
Certaines
études
sont
concentrées
sur
l’implantation du modèle TDABC pour un type de
soins. C’est le cas de l’étude de Chen, Sabharwal,
Akhtar, Makaram, et Gupte (2015) dont la recherche
effectuée à Londres, concernant le coût d’une
intervention chirurgicale du remplacement du
genou, a démontré que le coût calculé selon la
méthode TDABC était inférieur au remboursement
du gouvernement. Chaque chirurgie permettait à
l’institution de faire un profit d’un peu plus de mille
livres sterling. Notons, toutefois, que leur étude a
été faite spécifiquement sur un type de patient qui
n’avait aucune particularité complexe. Dans ce
même ordre d’idée, des auteurs ont comparé le coût
de deux traitements contre le cancer du sein aux
États-Unis, soit une radiation complète ou la
curiethérapie. Ils ont démontré, par l’emploi du
TDABC, que le total des coûts de ce second
traitement était de 41% plus élevé que de procéder
à la radiation complète de toute la poitrine
(Schutzer, Arthur, & Anscher, 2014). Cette étude
n’identifie toutefois aucune stratégie de réduction
des coûts dans l’une ou l’autre des deux analyses
effectuées.
Cette façon de calculer les coûts est donc différente
et moins complexe que la méthode CPA.
Contrairement à la CPA, le modèle du TDABC
attribue un coût par minute aux divers groupes de
ressources, il devient alors assez facile de calculer le
Discussion de l’implantation de la méthode TimeDriven Activity-Based Costing
Depuis les dernières années, la méthode TDABC est
de plus en plus utilisée par les entreprises
manufacturières et le milieu de la santé. Toutefois,
aucune étude concernant son implantation dans des
hôpitaux canadiens n’a été recensée, mais on
retrouve d’autres exemples ailleurs dans le monde.
Ensuite, des recherches ont aussi été menées sur
l’ensemble des activités d’un département donné
d’un hôpital. C’est le cas de l’étude de Yun et al.
(2015) qui étudie l’application du TDABC à l’urgence
aux États-Unis. En plus d’établir un coût pour un
type de patient se présentant à l’urgence, ces
chercheurs démontrent comment cette méthode
est plus appropriée que les méthodes
traditionnelles utilisées pour calculer le coût. Cette
étude est pertinente, car elle étudie un type de
Les enjeux actuels de la gestion de projet
55
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
département d’un hôpital et un type de patient.
Toutefois, elle a été réalisée aux États-Unis, pays qui
a un contexte de gestion différent de celui du
Canada. De plus, les méthodes alternatives ne sont
pas répandues dans la pratique au Canada.
Conclusion
Une première composante est que le modèle TDABC
doit être appliqué à toutes les trajectoires
identifiées comme étant à coût élevé ou à volume
élevé. En santé, ce n’est pas un simple changement
dans une trajectoire de soins qui fait une différence
pour tout un centre hospitalier, mais c’est
l’ensemble des améliorations qui permettront, avec
le temps, d’obtenir un coût global moindre (R. S. P.
Kaplan et al., 2014).
Ensuite, le modèle TDABC permet l’identification
des situations de sur ou sous absorption des coûts (il
y a sur absorption lorsqu’il y a un nombre excessif
d’activités en rapport avec les ressources
disponibles et il y a sous absorption dans une
situation contraire). « En fournissant cette
information, le TDABC supporte les décisions telles
que la réorganisation des activités de l’hôpital et la
redistribution des ressources en fonction des
activités effectuées » (Campanale, Cinquini, &
Tenucci, 2014, p. 183; Traduction libre). C’est cette
composante qui explique en quoi le modèle TDABC
peut permettre une allocation des ressources au
sein du portefeuille de projets (ou services) d’un
hôpital.
De plus, cette étude permet de se concentrer sur ce
qui est important pour tous les établissements de
soins de santé, soit de diminuer les coûts tout en
améliorant la qualité des services (R. S. Kaplan,
2014). Cependant, ces études n’ont pas été réalisées
dans le contexte canadien. Effectivement, elles ont
eu lieu aux États-Unis et en Europe. Rien ne nous
permet de conclure que le système de santé
canadien, et spécifiquement celui du Québec,
bénéficierait des mêmes avantages suite à une telle
implantation.
Notre objectif de recherche est d’explorer la mise en
place du TDABC et de vérifier si ce modèle
d’évaluation des coûts nous permet d’identifier des
forces, mais aussi, des faiblesses au niveau de
l’allocation des ressources au sein du portefeuille de
services en milieu hospitalier. Cela pourrait
permettre de cibler les activités sans valeur ajoutée,
d’éliminer le gaspillage comme le veut le modèle
Lean, et donc de réduire les coûts des trajectoires de
soins en apportant des changements de pratique de
gestion hospitalière. Toutefois, l’implantation d’une
méthode telle que le TDABC pour des fins de gestion
des projets Lean n’est pas simple. Cela demande une
adaptation à la fois de la part de l’organisation qui la
met en place, mais aussi de la part du personnel qui
utilise une telle méthode.
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Véronique Plouffe est professeure invitée au
département des sciences comptables de
l’Université du Québec en Outaouais (UQO) depuis
mai 2015. Ancienne étudiante au diplôme d’études
supérieures spécialisées (DESS) et au baccalauréat
en sciences comptables elle a obtenu son titre de
CPA auditrice, CA et a travaillé dans le domaine de la
comptabilité pendant plus de 5 ans. Elle a entrepris
des études à la maîtrise en gestion de projet en 2013
et c’est en la complétant qu’elle a décidé de se
tourner vers une carrière professorale. Elle a
terminé la maîtrise et son mémoire en juin 2016 en
choisissant de marier, dans cette recherche, son
expertise en comptabilité à la gestion de projet pour
améliorer l’efficience du milieu hospitalier.
Véronique Nabelsi est professeure au département
des sciences administratives à l’Université du
Québec en Outaouais (UQO) depuis 2008. Elle est
responsable du programme de doctorat en gestion
de projet depuis 2012. Elle est titulaire d’une M.Sc.A
et d’un Ph.D. en génie industriel de l’École
Polytechnique de Montréal. Pendant cinq ans, elle a
été chercheure au Centre d’expertise en commerce
électronique de l’École Polytechnique de Montréal
(ePoly).
Véronique Nabelsi a été promotrice et co-auteure
du contrat d’affiliation entre le Centre intégré de
santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO)
et l’UQO qui a été signée en novembre 2012. Elle est
co-directrice de l’axe de recherche en première ligne
et chercheure régulière au CISSSO. Elle est
également chercheure au Centre de recherche en
technologies langagières (CRTL). Ses intérêts de
recherche sont la gestion de projet, l’informatique
médicale, la gestion des connaissances, la gestion
des processus d’affaires et l’administration de la
santé.
Pour citer :Plouffe, V., & Nabelsi, V. (2016, Novembre). Amélioration de l’efficience du
portefeuille de services en milieu hospitalier par la méthode Time-Driven Activity-Based Costing.
Cahier de recherche(1), 52-58. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
58
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé:
Dans le but de répondre aux besoins
délicats et complexes d’une population
vieillissante, les organisations
soignantes devront mettre en place des
initiatives innovantes menant à
l’adoption de pratiques médicales
accessibles, sécuritaires et de haute
qualité. Dans cet article, la gestion de
projet, désormais flexible et modulable
à divers contextes, se greffe aux
expertises des professionnels de la
santé créant un outil de partage des
connaissances intégrées efficient,
interactif et évolutif. L’union entre la
gestion de projet et le domaine de la
santé permet infailliblement le
dégagement d’apprentissages mutuels
pour ces disciplines et une piste de
solution aux enjeux médicaux.
Mots-clés:
Lean, gestion de projet, professionnels
de la santé, meilleures pratiques,
technologies de l’information.
Les nombreuses découvertes médicales, scientifiques et
pharmaceutiques occasionnent le raffinement des soins de
santé, mais aussi une augmentation considérable de l’espérance
de vie. Les recensions démographiques démontrent clairement
un vieillissement accéléré de la population qui occasionnera des
rebondissements au niveau des sphères personnelles, sociales et
nationales (Hébert, 2003). Certaines maladies jadis mortelles
sont désormais troquées pour des maladies chroniques
nécessitant une prise en charge teintée de continuité, de
cohérence et de coordination des soins (Berthel & PeterBosquillon, 2012). Le domaine de la santé québécois fait donc
face à de multiples enjeux complexes nécessitant une attention
posée, sérieuse et réfléchie.
Aux termes de ce qui précède, les autorités politiques entament
des réorganisations et des changements structurels majeurs au
réseau de la santé afin d’améliorer l’accessibilité et la qualité des
soins tout en augmentant l’efficience du système (Barrette,
2014). En effet, des statistiques démontrent qu’en Amérique du
Nord, la qualité des soins de santé offerte est accablante en
dépit des investissements majeurs assurés par les instances
gouvernementales (Berg & Black, 2014). À ces égards, les
professionnels ainsi que les gestionnaires du réseau de la santé
font face à un double mandat quasi irréalisable
(Contandriopoulos, Perroux, Brousselle, & Breton, 2014). D’une
part, ils doivent offrir des soins médicaux, standardisés et
adaptables aux cas atypiques, de haute qualité à une population
vieillissante aux pathologies multiples (Piveteau, 2011). D’une
autre part, les changements organisationnels doivent être
orchestrés et mis en branle afin de bonifier la performance du
réseau sans affecter les soins de santé. L’ordre des infirmières et
infirmiers du Québec, l’Ordre des pharmaciens du Québec et le
Collège des médecins du Québec prennent position
conjointement
sur
l’importance
du
partenariat
interprofessionnel afin d’atteindre les cibles visées par cette
réforme sans toutefois suggérer un plan d’action concret (Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec, 2015).
Méthodologie Lean en santé
Compte tenu de ce qui précède, il s’avère intéressant de prendre
conscience des différentes pistes de solutions envisagées dans le
passé. Depuis plus de trente ans, la méthodologie Lean suscite
Les enjeux actuels de la gestion de projet
59
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
émoi et frénésie auprès d’organisations œuvrant
dans le domaine de la production de biens et de
services (de Souza, 2009). Avides de ce désir
d’optimisation des processus, ces organisations
entreprennent des changements en s’inspirant, tant
bien que mal, de la philosophie originelle issue de
l’industrie automobile japonaise (Ballé & Régnier,
2007). Incapable d’échapper à cet envoûtement, le
domaine de la santé manifeste un intérêt particulier
aux méthodologies Lean au début des années 2000
(Thompson, Wolf, & Spear, 2003). Suite aux
résultats remarquables d’hôpitaux américains ayant
réussi avec brio leur transformation Lean (Spear,
2005), plusieurs organisations déployèrent des
projets Lean dont les résultats déviaient
malheureusement des attentes initiales. De
nombreux
échecs
d’implantation
de
la
méthodologie Lean furent répertoriés et
notamment occasionnés par une incompréhension
des principes maîtres de celle-ci et par une
désinvolture du cadre de gouvernance (Radnor &
Osborne, 2013). Néanmoins, la méthodologie Lean
détient le potentiel de révolutionner à la fois
l’organisation des soins de santé et les services
directement offerts à la population (Radnor &
Osborne, 2013).
Nouvelle alliance entre la gestion de projet et les
projets Lean en santé
À la lumière de l’ensemble de ces constats, il devient
inévitable d’approcher cet enjeu complexe avec un
regard neuf. Les audacieuses directions
ministérielles s’avèrent difficilement atteignables et
de nouvelles approches se doivent d’être explorées
afin de s’arracher à ce tourbillon susceptible
d’occasionner de sérieux traumatismes au réseau de
la santé. Dans le cadre de cette contribution, une
brèche disciplinaire sera créée dans le but d’illustrer
la pertinence de l’ajout des expertises de la gestion
de projet au domaine médical. Cet investissement
majeur, appuyé par les communautés académiques
et professionnelles, pourrait s’avérer un point
tournant pour ces disciplines qui dégageraient des
apprentissages riches et grandement profitables.
Noblement influencés par les sphères d’une
recherche doctorale portant sur l’étude de
l’implantation d’un outil informatisé de partage de
connaissances intégrées en soins gériatriques, le
contenu du texte qui suivra dégagera les bénéfices
mutuels de l’alliance sincère entre la gestion de
projet et des sciences de la santé; exposant ainsi de
nouvelles venues pour la recherche.
Depuis la fin des années 1940, la gestion de projet
se démarque par son approche rigoureuse et par sa
capacité d’élaborer des outils menant à
l’optimisation des performances (Turner, Huemann,
Anbari, & Bredillet, 2010). De plus, guidée par des
méthodes de planification de tâches complexes
issues des mathématiques, la discipline tend
définitivement à la maximisation des ressources
temporelles, humaines et financières (Söderlund,
2012). La gestion de projet, discipline évolutive et à
l’affut des opportunités d’épanouissement,
s’imprégna des méthodologies Lean et leur attribua
une place de choix quant à la gestion de la qualité du
projet (Project Management Institute, 2013).
Parallèlement, les initiatives d’implémentation de
méthodologies Lean dans le domaine de la santé
sont initialement associées à des projets
d’amélioration opérationnelle bien avant de passer
à l’instauration d’une culture organisationnelle à
l’image des principes directeurs (Black et al., 2013).
Nonobstant une projectification (Aubry & Lenfle,
2012) grandissante des organisations soignantes
(Chiocchio, Rabbat, & Lebel, 2015), les
professionnels et les gestionnaires du réseau de la
santé démontrent de sérieuses difficultés à
orchestrer les projets et à atteindre un niveau de
maturité supérieur de leurs pratiques. Occupant
une position stagnante au niveau initial (Software
Engineering Institute, 2010), la gestion de projet est
plutôt de type circonstancielle, chaotique et aux
succès isolés (Foropon & Landry, 2014; Halling &
Wijk, 2013; Landry & Beaudoin, 2014). Quoi que
l’accompagnement par un service de consultation
externe peut permettre le déploiement et
l’épanouissement des projets Lean en santé (Jobin &
Lagacé, 2014), il devient primordial de choisir
judicieusement celui-ci afin d’éviter les approches
génériques et inadaptées au domaine de la santé
compromettant ainsi le transfert des connaissances
(Poksinska, 2010).
Aux termes de ces constats, l’enfreinte aux
frontières classiques disciplinaires devient une
nécessité afin d’adresser des solutions nouvelles,
durables et fructueuses aux enjeux complexes
contemporains (Morin, 2003). En effet, les
Les enjeux actuels de la gestion de projet
60
Chaire de gestion de projet
expertises issues de la gestion de projet pourraient
contribuer positivement à la réalisation de projets
Lean en santé et ainsi réduire l’écart entre la
situation actuelle et la situation souhaitée. Ce type
d’alliance fut préalablement observé dans un
contexte de changement majeur dans le domaine de
la santé québécois. Un bureau de projet temporaire
a permis l’achèvement avec succès de projets
innovants menant à des changements permanents
tout en assumant un rôle majeur au sein de la
gestion réfléchie des connaissances (LavoieTremblay et al., 2012). De surcroit, l’ajout de cette
expertise en gestion de projet amena l’adoption
d’une vision et d’une appréciation davantage
nuancée de la performance organisationnelle
(Aubry, Richer, & Lavoie-Tremblay, 2014). En raison
de ce qui précède, l’accompagnement des
professionnels de la santé, par une équipe de
chercheurs en gestion de projet, dans une initiative
d’amélioration des trajectoires de soins par
l’entremise de l’instauration d’un outil informatisé
partagé pourrait s’avérer extrêmement bénéfique.
Projet doctoral
Le projet doctoral, dont il est question ici-haut,
propose une étude mixte où un regard sera posé sur
le processus entourant la mise en place d’un outil
innovateur
informatisé
de
partage
des
connaissances
intégrées,
en
soins
interprofessionnels de première ligne, auprès d’une
clientèle gériatrique dans le réseau de la santé en
Outaouais. Interactif et évolutif, l’outil permet une
prise en charge globale du prestataire de soins par
l’union de l’expertise des professionnels de la santé;
contribuant ainsi à l’optimisation de la trajectoire de
soins (Riou & Jarno, 2000). Créant ainsi un
amalgame idéal entre les technologies de
l’information et les soins de santé, l’outil suggère
une piste de solution potentielle aux multiples
enjeux entourant la prise en charge des personnes
âgées. Cette recherche se subdivise en trois sphères
distinctes, dont le point d’ancrage commun est le
professionnel de la santé ainsi que ses pratiques. La
présente étude se penche particulièrement sur les
professionnels suivants : les infirmières, les
médecins, les pharmaciens et les résidents en
médecine. Un bref résumé de ces sphères sera
présenté dans les sections suivantes.
Cahier de recherche
En premier temps, le processus de création des
ressources médicales informatisées sera observé en
portant une attention particulière à l’élaboration
des standards de pratiques médicales et de leur
approbation. Le logiciel informatisé interactif et
évolutif permet la création de plus de vingt-cinq
types de ressources variant de gabarits de prise en
charge globale d’une maladie à des examens
diagnostiques très spécifiques. Les professionnels
de la santé, en plein contrôle du processus de
construction des ressources médicales, s’inspirent à
la fois des données probantes issues de la médecine
des preuves et de leurs expériences de travail afin
d’assurer une pertinence optimale de la ressource.
Compte tenu des nuances contextuelles des
recherches menant aux meilleures pratiques (FondHarmant, 2011; Holmes, Perron, & O'Byrne, 2006),
le noyau de cette sphère se situe au niveau du
processus de standardisation et d’approbation de la
ressource produite. Cette rigueur permet d’assurer
une qualité indéniable et l’exactitude de
l’intervention proposée au professionnel de la santé
via le logiciel. Finalement, compte tenu de sa nature
évolutive, la ressource médicale peut facilement
être modifiée, ajustée et personnalisée, selon les
besoins, afin d’assurer sa pertinence aux différents
contextes d’application permettant l’éloignement
de la déshumanisation des soins (Timmermans &
Almeling, 2009).
La deuxième sphère de la recherche doctorale se
penchera sur l’impact de l’implantation et de
l’utilisation de l’outil informatisé par les
professionnels de la santé. Les pratiques cliniques
réelles seront observées et comptabilisées en
contexte d’application directe puis reliées à leur
performance
globale,
toutes
professions
confondues. L’utilisation d’une terminologie
commune à tous les professionnels permet une
appréciation honnête des soins prodigués par
l’équipe soignante et des effets encourus par ces
derniers (Savard & Boëls, 2015). Néanmoins, ces
observations seront grandement modérées par le
niveau d’adoption et d’approbation de l’outil
informatisé. Les changements occasionnés par ce
projet d'informatisation des pratiques médicales
occasionnent la redéfinition des procédures, des
habitudes et des pratiques ancrées des
professionnels de la santé (Grol & Grimshaw, 2003).
Les enjeux actuels de la gestion de projet
61
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Afin de contrer à cette possible résistance, les
observations participatives de l’équipe de recherche
en gestion de projet s’avèreront donc cruciale à la
rencontre des cibles du projet et au développement
de nouvelles routines de travail menant ainsi à un
changement durable.
En troisième temps, une observation attentive
qualitative sera portée aux dynamiques
disciplinaires au sein de la communauté de gériatrie.
Une compréhension fidèle et viscérale des
interactions sera assurée par un processus rigoureux
d’activités de recherche puis par une appréciation
de la logique disciplinaire instaurée (Ramadier,
2004). Ces observations, appuyées par un cadre
théorique réunissant les disciplines alliées à la
gestion de projet, concèdent la possibilité d’enrichir
les connaissances au niveau des relations entre les
membres des équipes de projet pluridisciplinaires.
Ce dernier guidera une approche axée sur
l’observation
authentique
des
différents
phénomènes sans toutefois les mutiler (Morin,
2007). Une juxtaposition des contradictions, des
paradoxes, des constats et des éléments
observables sera habilement dressée. Cette fois-ci,
les connaissances en gestion de projet profiteront
grandement de cette étude. En réalité, la
coopération ainsi que la coordination des groupes
demeurent des défis de taille en gestion de projet
(Söderlund, 2012) en raison des différentes
priorités, motivations, valeurs et agendas des
disciplines qui s’unissent dans le cadre du projet
(Roberts, 2007). Tout bien considéré, l’étude des
relations disciplinaires en santé, où un outil
informatisé rassemble les expertises de tous et
chacun, demeure contextualisée mais d’une
richesse capitale compte tenu des découvertes et
apprentissages potentiels à la fois pour le domaine
de la santé, mais aussi pour la gestion de projet.
Conclusion
Cette alliance proposée entre la gestion de projet et
l’univers des soins de santé devient un point
tournant pour ces disciplines. Cette ouverture aux
expertises, issues de domaines alliés, permet
d’adopter un regard neuf sur les enjeux complexes
tout en dégageant des solutions potentielles,
innovantes et pérennes. La gestion de projet
procure des outils et des connaissances nécessaires
aux organisations soignantes afin d’atteindre les
cibles d’efficience, d’accessibilité et de qualité
émises par les autorités gouvernementales. Malgré
les nombreux défis entourant l’application des
méthodologies Lean en santé, la persévérance est
de mise et la diversification des équipes d’appui
s’avère capitale. Le projet doctoral procure aux
organisations soignantes un cadre de référence
solide et bien documenté; devenant ainsi répétable
et adaptable à d’autres milieux de soins.
L’implantation du logiciel informatisé de partage des
connaissances intégrées devient un point central à
la fois pour les professionnels de la santé et les
communautés académiques. Les résultats, tangibles
et observables, deviennent un point de
rassemblement où tous les professionnels et
gestionnaires de la santé, les chercheurs et aussi la
population peuvent se réjouir de leurs succès. En
somme, dans le dessein d’assurer sa croissance, son
épanouissement, voire même sa survie, la gestion
de projet sera tenue d’affronter les frontières
disciplinaires tissant ainsi de nouvelles alliances au
potentiel inestimable.
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Marie Chantal Leclerc d’abord et avant tout
infirmière clinicienne en santé mentale depuis plus
de 10 ans. Souhaitant diversifier ses connaissances,
elle compléta une M.Sc en développement des
organisations – gestion et développement des
organisations de l’Université Laval. Curieuse et
détenant un intérêt marqué pour la recherche
scientifique, elle débuta le programme de doctorat
en gestion de projet à l’Université du Québec en
Outaouais en 2014.
Le projet de recherche doctorale porte sur la mise
en place d’un outil informatisé de partage des
connaissances
intégrées
en
soins
interprofessionnels de première ligne auprès d’une
clientèle gériatrique sous la direction de Véronique
Nabelsi. Les différentes sphères de la recherche se
rattachent
notamment
aux
pratiques
professionnelles des praticiens du réseau de la
santé.
Véronique Nabelsi est professeure au département
des sciences administratives à l’Université du
Québec en Outaouais (UQO) depuis 2008. Elle est
responsable du programme de doctorat en gestion
de projet depuis 2012. Elle est titulaire d’une M.Sc.A
et d’un Ph.D. en génie industriel de l’École
Polytechnique de Montréal. Pendant cinq ans, elle a
été chercheure au Centre d’expertise en commerce
électronique de l’École Polytechnique de Montréal
(ePoly).
Véronique Nabelsi a été promotrice et co-auteure
du contrat d’affiliation entre le Centre intégré de
santé et de services sociaux de l’Outaouais (CISSSO)
et l’UQO qui a été signée en novembre 2012. Elle est
co-directrice de l’axe de recherche en première ligne
et chercheure régulière au CISSSO. Elle est
également chercheuse au Centre de recherche en
technologies langagières (CRTL). Ses intérêts de
recherche sont la gestion de projet, l’informatique
médicale, la gestion des connaissances, la gestion
des processus d’affaires et l’administration de la
santé.
Pour citer : Leclerc, M. C., & Nabelsi, V. (2016, Novembre). Une ravissante symphonie entre la
gestion de projet et le domaine de la santé. Cahier de recherche(1), 59-64. Récupéré sur
chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
64
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Abstract:
This research aims to unveil possible
mutual influence between project
portfolio risk management and
organizational risks within project-based
organizations. This paper presents a
preliminary version of a paper covering
the literature review and the
methodology chosen to reach the
research goals. Preliminary literature
review shows that this issue has not
been so far sufficiently investigated. The
methodology consists of focus groups
sessions with 18 participants followed
by data analyzes using the grounded
theory approach. The research allows to
better understand how the integration
of risk management occurs between the
different organizational levels.
.Mots-clés:
Risk, Portfolio risk management,
Organizational risk, Risk integration.
Projects fail (Pinto & Mantel, 1990), especially complex and risky
ones (Robertson & Williams, 2006). These failures may cause
measureless losses for companies and society as illustrated in
the three following examples. First, Motorola has spent $5
billion in 1999 to build and launch its infrastructure to provide
worldwide wireless phone service for its global satellite phone
named Iridium. Due to technical problems, operation costs and
the arising of cell phones technology the project was canceled
and considered a disaster (McIntyre, 2009). In a different
context, the Space Shuttle Challenger disintegrated over the
Atlantic Ocean leading to the deaths of its seven crew members
in 1986. Investigations blamed the accident to a failure in an Oring seal in the right solid rocket booster. The O-ring was not
designed to fly under unusually cold conditions as in that launch
(Lewis, 1988). In this last example from the defense, formally
known as the Strategic Defense Initiative, the 1980’s Star Wars
Program budgeted in $ 30 billion aimed to use weapons on the
ground and in space to shoot down nuclear missiles from the
Soviet Union targeting the American territory. The program was
proved impossible to be implemented at that time due to the
lack of technology. Development of the necessary technology
would have required at least a decade's worth of effort
(Abrahamson & Cooper, 1993).
From these examples, one can observe the importance of
resources invested in projects without delivering the expected
outcomes and benefits. Several explanations can be found to
understand these failures, one of which a non-efficient risk
management process.
Several scholars have shown the influence of risk management
in projects’ success (de Bakker, Boonstra, & Wortmann, 2010;
Pasian, Williams, Motaleb, & Kishk, 2014; Zwikael, Pathak, Singh,
& Ahmed, 2014). However, within an organization, risk
management can be observed in different levels: projects,
programs, portfolfios, and organizational. At each level, risk
management helps decision makers to deal with situations that
may affect the organization’s objectives. Project risk
management is related to the set of practices and tools used to
manage project risk (Besner and Hobs, 2012). Portfolio risk
management, in turn, is characterized by the focus on the entire
Les enjeux actuels de la gestion de projet
65
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
project portfolio concerning strategic issues and the
ability to achieve strategic objectives rather than
identifying and managing risks solely at the project
level (Teller, Kock, & Gemünden, 2014). Moreover,
in the 1980s and 1990s, risk management turned
into a vital part of an organization strategy and was
integrated with more organization functions and
become known as Enterprise Risk Management
(ERM) (Dickinson, 2001). ERM is a process, effected
by an entity’s board of directors, management, and
other personnel, applied in strategy setting and
across the enterprise, designed to identify potential
events that may affect the entity, and manage risks
depending on its risk tolerance (COSO, 2004).
Scholars have been studying the influence and
benefits of risk management at these different
levels. De Bakker, Boonstra, and Wortmann (2010)
have studied the influence or risk management in IT
projects. Teller and Kock (2013) demonstrated a
positive
relation
between
portfolio
risk
management and project portfolio success. The
literature review presented by Sanchez, Robert,
Bourgault, and Pellerin (2009) about risk
management in projects, programs, and portfolios,
cites benefits for a company to manage risks at a
higher level such as an aggregated view on risks and
knowledge transferring about risk between projects.
Hunt, Killen, and Olsson (2008) corroborate these
findings highlighting that at a portfolio level, risk
management helps to identify common risks and
trends for the portfolio, as well as the exchange of
experiences. Wu and Olson (2010) studied the
influence of ERM in coping objectives in a large bank.
However, Olsson, Hunt, and Killen (2008) comment
that single project risk management is insufficient to
manage a project portfolio, since the dependencies
between the projects trigger the emergence of new
risks in addition to single project risks. (Shortreed,
2010) suggests that project portfolio risk
management can contribute to ERM. Teller (2013)
argues that ERM alone is not sufficient either, since
decision makers at a corporate level are
hierarchically too far away from the project
environment so that an agile identification and
management of risks that may impact business goals
may become an issue. Also, Martinsuo and Killen
(2014) advise more researches on how project and
portfolio management frameworks can be improved
to account strategic value. Teller (2013) suggests
future researches should be performed to
investigate the link between project portfolio risk
management and ERM, since there is no empirical
evidence in this link. Therefore, a broader and
integrated risk management, aligned with business
goals should be implemented (Pellegrinelli, 1997), in
order to consider not only project, program,
portfolio or organizational risk management by
themselves, but also the relationship between these
managerial processes.
Thus, it seems that a link between risk management
in these different levels and organizations’ success
does exist, but a lack of integration among different
types of risk management is still an issue to be
understood and investigated. In this sense, the main
goal of this research is to explore and better
comprehend the mechanisms used by organizations
to as integrated risk management process. This
research explores more attentively the relation
between project portfolio risk management and the
organizational levels. Our assumption being that,
the portfolio level has per se an integration role.
2 - Literature Review
Literature review has been undertaken on two
themes: project portfolio risk management and risk
management
within
management
and
organizational literature.
2.1 - Risk Management in Project Portfolio
Aiming to provide a context to the research we have
performed a systematic literature review (Denyer &
Tranfield, 2009) in project portfolio risk
management, since this was considered a good
sample of how an organization can integrate risk
management. The goal was to outline gaps, learn
from previous experiences and unveil what
researchers have been doing related to the theme.
Two different databases (Business Source Complete
and SCOPUS) were used to ensure the best coverage
of the topic. Following Dieste and Padua (2007), the
search strings have been worked out to focus on the
project portoflio (excluding financial portfolio) with
combination of strings containing terms related to
project portfolio risk management, such as
processes’ names, models, techniques, types of risks
Les enjeux actuels de la gestion de projet
66
Chaire de gestion de projet
and behaviors. In all, we have retrieved 79 articles.
After reading the all abstracts, titiles and keywords,
45 papers were considered related to our research.
We have downloaded all possible articles (engines
restrictions) and also have sended emails to authors
requesting their papers. At the end, 24 papers were
considered valid publications. All of them were read
and analyzed to observe communalities and
differences.
It was observed that project portfolio risk
management in an integrated manner has been
researched in many different aspects, but the most
prevalent issues is the project portfolio selection. It
was also observed that many researchers use
quantitative financial methods to solve problems.
Information Technology and Engineering are the
fields that most invest in project portfolio risk
management and/or integration. There is only one
framework on how to manage risks at a portfolio
level, so that risk can be integrated. Nonetheless,
this framework is a theoretical model with no
evidence of empirical use.
To our knowledge, we could not find any research
promoting the link between organizational risk and
project or portfolio risk management. It could not be
found a publication to describe what companies are
really doing to manage risk in an integrated way,
since most of the publications are proposals and
techniques suggested to solve specific problems.
Finally, no evidence was found of the advantage on
how risk management integration could help
organizations and promote better results in a
strategical level.
2.2 - Risk Management in the Management
and Organizational Literature
A discurse is a collection of interrelated texts and
practices that systematically form the objects of
which they speak (Foucault, 1977). Fairclough
(1992) comments that a discourse is not only a
means of representing the world, but also of
signifying it, constituting and constructing the world
in meaning. Finally, Potter and Wetherell (1987) say
that a discourses do not just describe something,
they do something. Thus, the first step to
understand how risk management integration may
contribute to value creation in organizations is to
Cahier de recherche
undertand what is the current discurse of risk
management at different levels.
Hardy and Maguire (2016) discuss the subject saying
that a risk discourse is constituted by texts and
practices that systematically bring risk as an object
of knowledge into existence. They proposed a set of
recommendations to respond the risk inherited
from risk discourse depending on the moment risk is
occurring. In particular, they call for a continuous
questioning of the existing practices to manage risk.
Indeed, the current paradigm applied in many
organizations is heavily based on a “scientific”
approach of risk management. The development of
optimization techniques and simulation software
programs has provided decision makers with a
comfortable feeling that risk is “manageable” and
“identifiable” as it can be determined accurately and
objectively through the application of scientific
knowledge based on historical and observed data
(Hardy & Maguire, 2016). However, the attempt to
rely purely on an economic background, i.e. using an
economic logic appears to be often fruitless and
even dangerous. Instead, the economic logic must
be supported by a more holistic approach of risk
management (Vit, 2013).
The main reason for this kind of discourse is that
many social and institutional aspects in risk
management cannot be sufficiently understood with
merely economic models used by the majority of
decision makers involved in projects, portfolios or
enterprise risk management.
Besides this holistic view regarding the scope of risk
management concerning economic and social
perspectives, Hardy and Maguire (2016) challenges
the present dominant discourse of risk management
argueing that a risk organization through time
should be considered and implemented. The
authors propose this organizing approach in three
different modes: prospectively, in real-time and
retrospectively. The prospective mode aims to
analyze future uncertain events traditionally
identified so that actions can be taken to manage
them, what is closely associated to the dominant
discourse of risk. The real-time mode refers on how
organizations act when risks are believed to be
materializing and have to be organized in real time.
In this sense, risks are organized in terms of
Les enjeux actuels de la gestion de projet
67
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
implementation of plans, scripts, or protocols within
and across organization. Finally, risks can be
organized retrospectively, aiming to improve both
the prospective and real-time organizing of risks in
future projects. Companies organize risks
retrospectively with mechanisms such as audits and
regular meetings (Trundle, 2012).
Thus, prospective, real-time and retrospective risk
organising can be considered a kind of risk
integration, since the first deals with what may
happen, the second, what is really happening and
the third to prepare the organization for future
events, creating plans, recommendations, processes
or protocols to help managers in the future, creating
a valuable body of knowledge.
One third way to observe risks in a broader view is
to consider the stakeholdres associated during the
process. Typically, in a prospective time, the
traditional risk discourse recommends the use of
knowledge from the past and to question the
existing experts in risk knowledge to identify,
analyze and plan risk responses. Nontheless, the
engagement of different stakeholders with different
hierarchy or even with lay knowledge is advisable,
since sometimes risk assessors are part of the
problem. Hardy and Maguire (2016) aslso suggest
incorporating the experiential knowledge of locally
situated risk assessors.
One final aspect to be considered to observe risks in
a more holistic view is the risk dependency. Kwan
and Leung (2011) define risk dependency as the
influence of one risk on another. This influence may
change the probability and/or the impact of the risk
being influenced. A common practice of current risk
management approaches is to consider risks as
independent events. However, it is more likely one
risk can impact another risk and this relationship
should be explicitly identified (Ackermann, Eden,
Williams, & Howick, 2007).
Kwan and Leung (2007) say that risks can be seen as
a network of interrelated possible events, which
may be referred to as "risk systemicity". Adner
(2006) explores the construct of "risk ecosystem” as
a way of making risk interdependencies more
explicit. The work points out that the success of a
company's strategy hinges on the assessment of its
risk ecosystem, once an holistic and systematic
approach will establish more realistic expectations,
more refined set of contingencies, and a more
robust strategy.
Thus, after understanding the problem related to
risk management integration and the context
provided by the literature review, the following
research question was defined: what are the
mechanisms in place to integrate risks at different
levels of project-based organizations?
3 - Methodology
This research is explorative by nature leading
naturaly to a qualitative approach. The focus group
technique was then adopted as a pertinent method
in this research to discover if and how practitioners
were doing to integrate risks in organizations.
3.1 - Data Collection
A focus group involves having experts come
together to discuss something. Each participant
shares his or her opinion, criticisms or feedback
questions posed by a mediator (Babbie & Mouton,
2001). Participants was recruted by emails based on
the networks of researchers. The criteria applied to
take part of the sessions was to be knowledgeable
of the mechanisms related with risk management at
different levels of the organization.
A total of 18 individuals participated in three groups.
Groups were formed randomly with the only criteria
of forming groups of similar size. All groups were
scheduled in the same week. The agenda for each
group included a short presentation on the
objectives of the research followed by a series of five
questions. Each session lasted around 90 minutes.
The sessions were mediated by one of the
researchers, while the others took notes of
important topics spoken by the participants.
Discussions were recorded and videotaped with the
authorization of all participants. In this regards, an
ethical
certification
has
been
obtained.
Transcriptions were made from the audio
registration.
3.2 - Data Anlysis Strategy
Transcriptions were analyzed using a grouded
theory approach (Glaser & Strauss, 1968). Grounded
theory is a qualitative research method applied to
Les enjeux actuels de la gestion de projet
68
Chaire de gestion de projet
unexplored subjects or where it is necessary to
deepen the understanding of
a specific
phenomenon (Strauss & Corbin, 1998). The
transcriptions were analyzed line by line searching
for procedures, processes, mechanisms, techniques
or anything related to risk management integration,
creating groups of similar subjects named
categories. The second step established more
abstract categories from the original ones, aiming to
consolidade the data. The final analysis step was the
identification of a central category capable to
integrate all others and express the essence of the
social process under study (Suddaby, 2006).
4 - Preliminary Results
By means of our preliminary results, we could
observe that there are still many gaps to be filled in
this field of research. The analysis is not yet
concluded, but some main preliminary findings can
be cited, such as: (i) risks between projects,
programs, portfolios, internal processes and
organizational risks are interconnected, creating a
complex network of organizational risks; (ii)
effective communication channels, such as policies,
tools and strategies are the core of risk integration
process; (iii) risks as well as benefits are the main
criteria for project selection, specially those related
to strategical goals; (iv) there are many actors
involved in the risk integration process such as
project managers, program managers, portfolio
managers, process owners, CEOs and Board of
Directors. (v) mechanisms such as risks aggregation,
regular meetings, databases, timely reports have
been used to promote risk integration; (vi) decision
makers, regardless their level, must always be
supported by risk status to help their decision
process related to achievement of planned goals;
and (vii) there are some biases that may influence an
effective integration process, such as organizational
culture, taboos and focus on achieving financial
bonus.
5 - Final Remarks and Conclusions
This paper is intended to provide preliminary results
of our exploratory project on the integration of risks
in organizations. This is a work in progress. Current
problematic situations shows the relevence of this
topic to support project-based organization in the
Cahier de recherche
management of their risks. Literature in project
management confirms the management of risks
taken by individual projects, programs or portfolios
does not suffice to deal with the complexity of risks
in organizations. The research question aims at the
identification of mechanisms to ensure some risk
integration, if they exist. Preliminary results suggest
that such mechanisms exist.
There are some limitations in this research. The first
one is the number of participants in the focus
groups. The information collected came from only
18 professionals. If more participants had taken part
of the study, maybe more information could be
collected and analyzed. Second is the fact that we
have collected data only from practioners located in
Montreal. Some possible future researches include
the study of how communication mechanisms are
being applyed in the context of risk management; a
possible replication of the focus group would be
interesting to enlarge the data base used in our
analysis; The search for tools and techniques to
quantify risks in a integrated way could help
managers to make better decisions; a framework of
good practices could also be considered in the
process to better guide risk management
integration. Finally, studies could be conducted to
measure the benefits of risk management
integration an justify its implementation.
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Hélio R COSTA est titulaire d’un Ph. D. de
l’Université Federal de Rio de Janeiro. Sa thèse porte
sur la sélection du portefeuille de projet basé sur les
théories modernes des portefeuilles.
Monique AUBRY Ph.D. est professeure titulaire et
elle enseigne dans les programmes de 2e cycle en
gestion de projet et au programme MBA pour cadres
Cahier de recherche
à l’École des sciences de la gestion de l’Université du
Québec à Montréal (ESG UQAM). Elle est membre
de la Chaire de recherche en gestion de projet de
l’ESG UQAM (www.chairegp.uqam.ca) et de
l’Institut Santé et société de l’UQAM. Ses principaux
intérêts de recherche sont : 1) Le design
organisationnel dans le contexte projet; 2) la
planification de projet dans des contextes extrêmes;
3) le praticien réflexif comme compétence
essentielle dans un contexte d’organisations
complexes et dynamiques. Les résultats de ses
recherches ont été publiés dans les plus grandes
revues scientifiques spécialisées en gestion de
projet et ont été présentés dans plusieurs
conférences à travers le monde. En 2012, elle a reçu
le prix de l’International Project Management
Association (IPMA) pour l’ensemble de ses
recherches sur les bureaux de projet. Jusqu’à tout
récemment, elle était membre du comité Standards
Member Advisory Group et du Research Informed
Steering Committee du Project Management
Institute, le plus grand regroupement de
professionnels en gestion de projet. Elle est Senior
Editor pour le Project Management Journal.
Skander Ben Abdallah est titulaire d’un Ph.D. en
économie et d’un diplôme d’ingénieur civil. Il est
professeur à l’École des Sciences de la Gestion (ESG)
de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Son
expertise a trait à la gestion de risque, la finance de
projet,
l’analyse
avantage-coût
et
plus
généralement à la prise de décision liée à la gestion
de projet dans un contexte d’incertitude. Il explore
plusieurs approches pour mieux concevoir, gérer et
évaluer les projets et les portefeuilles de projets en
présence de sources de flexibilité managériale et de
conception, en contexte d’incertitude. Ses domaines
d’intérêt comprennent en particulier les énergies
renouvelables, les changements climatiques et les
partenariats public-privé. Il est membre de la Chaire
de recherche en gestion de projet de l’ESG UQAM
(www.chairegp.uqam.ca).
Pour citer : Costa, H. R., Aubry, M. & Ben Abdallah, S. (2016, Novembre). Project Portfolio Risks
Management and its Integration to Organizational Risks. Cahier de recherche(1), 65-71.
Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
71
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Les enjeux actuels de la gestion de projet
72
Chaire de gestion de projet
Résumé:
Notre projet de recherche consiste à
proposer le recours au Crowdsourcing
(CS) à la banque coopérative comme
moyen original de mobilisation de ses
sociétaires. Pour ce faire, nous
précisons dans ce papier le type
d’opérations de CS proposées aux
sociétaires qui pourraient alimenter le
projet porté par la banque coopérative
d’une part. Nous exposons également la
manière dont le projet peut être
managé par la banque afin qu’il
réponde à son objectif : contribuer à
l’identité coopérative par la
mobilisation des sociétaires de la
banque.
Mots-clés:
banques coopératives, projets de
crowdsourcing, engagement des parties
prenantes/sociétaires.
Cahier de recherche
Le secteur bancaire, et les banques coopératives européennes
en particulier, font face aujourd’hui à de multiples évolutions
dont les conséquences doivent, a minima, être considérées et,
au-delà, être désamorcées si l’on souhaite assurer leur
pérennité. Dans ce contexte, notre projet de recherche consiste
à proposer le recours au Crowdsourcing aux banques
coopératives, comme moyen original de mobilisation de ses
sociétaires. En effet, (re)mobilisés, ces derniers pourraient
contribuer à la restauration de l’identité coopérative et, par
suite, soutenir la pérennité de ces banques.
Le Crowdsourcing (CS) peut être défini comme le fait, pour une
organisation, d’externaliser certaines activités auprès de la foule
des internautes, via une application internet (Lebraty & Lobre,
2010 ; Jean-Fabrice Lebraty & Lobre, 2015). Il s’agit donc de faire
participer la foule à une ou plusieurs activités d’une
organisation. Dans la recherche qui nous intéresse, le projet
consiste pour une banque coopérative à faire réaliser des
activités pour ses sociétaires, par ses sociétaires, en s’appuyant
sur une plateforme internet. Le projet CS se concrétisera donc
par différentes opérations de CS portées par la banque.
L’identité coopérative, quant à elle, renvoie à l’identité des
organisations au statut coopératif, organisations bien connues
au Québec, et qui reposent sur différentes valeurs telles que la
démocratie, la solidarité ou encore la proximité2. Il se trouve que
cette identité coopérative est mise en péril dans le secteur
bancaire, en Europe tout du moins. Plus précisément, nous
observons que la banque coopérative fait face à une double
menace que nous pouvons qualifier d’identitaire.
Premièrement, elle tend à la banalisation par rapport à la
banque dite commerciale. En effet, pour assurer leur pérennité,
les banques coopératives ont beaucoup évolué depuis leur
émergence au 19ème siècle. En particulier, elles sont devenues
des organisations hybrides en s’adjoignant des véhicules cotés3
(Lobre & Cartier, 2012 ; Lobre-Lebraty, 2014). En outre, la
proximité actuelle entre banques commerciales et coopératives
est telle, que leur statut d’entreprises coopératives et les
avantages qui en découlent (OPA non possibles, assimilation
parts sociales et fonds propres, régionalisation du territoire,
etc.) sont régulièrement mis en cause par l’autorité de
2
http://www.entreprises.coop/7-principes-cooperatifs.html
Structures cotés en bourse, conduisant les banques coopératives à se transformer en groupes coopératifs bancaires et
leur permettant d’accéder au marché boursier.
3
Les enjeux actuels de la gestion de projet
73
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
régulation européenne, au nom du principe de
concurrence (Lobre-Lebraty & Cartier, 2014).
Deuxièmement, le business model des banques,
qu’elles soient coopératives ou non d’ailleurs, est
mis en péril par une multitude de start-ups, les
« FinTech », susceptibles de prendre en charge de
manière inédite certains métiers de la banque,
comme par exemple celui des moyens de paiement
en Afrique, pris en charge par Orange Money,
opérateur de téléphonie mobile. Le risque
identitaire ici ne tient pas à la banalisation mais
plutôt à « l’Uberisation »4.
Dans le contexte européen, la restauration de
l’identité coopérative renvoie directement à la
question de la pérennité de ces banques, qu’il nous
semble important de préserver afin de maintenir
une saine concurrence au sein du secteur, facteur
de résilience comme on a pu l’observer avec la crise
de 2008 où les banques coopératives se sont
généralement avérées plus solides que leurs
concurrentes commerciales5.
Le recours au CS par les banques coopératives a
précisément pour objet d’aider à remettre le
sociétaire à sa place, à savoir la place centrale dans
le dispositif coopératif, dont il a été
progressivement écarté au fil des transformations
de la banque coopérative que nous avons déjà
évoquées. En effet, la présence de sociétaires (à la
fois propriétaires et clients) reste l’un des
principaux marqueurs de l’identité coopérative
(Lobre-Lebraty & Cartier, 2014 ; Lobre-Lebraty,
2015 ; Richez-Battesti, 2006). C’est pourquoi,
renouer des liens spécifiques avec leurs sociétaires,
en dépassant les multiples expériences qu’elles ont
déjà mises en œuvre et qui se sont révélées peu
convaincantes, constituent pour les banques
coopératives un moyen privilégié pour recouvrer
leur identité.
Ainsi, notre question de recherche peut être
formulée de la manière suivante : Comment un
projet de CS, porté par un établissement bancaire
coopératif,
permettrait-il
de
renforcer
significativement
l’engagement
de
ses
sociétaires ?
aux sociétaires qui pourraient alimenter le projet
porté par la banque coopérative. Dans un second
temps, nous présentons la manière dont le projet
peut être managé par la banque afin qu’il réponde
à son objectif ; le renforcement de l’identité
coopérative.
1 - Des opérations de CS pour créer du lien
entre et avec les sociétaires ?
Afin de renforcer significativement l’engagement
des sociétaires des banques coopératives, certaines
opérations auront pour objet la création de liens
entre les sociétaires (1.1), alors que d’autres
s’attacheront au renforcement du lien de la banque
avec ses sociétaires (1.2).
1.1 - Des sociétaires au service d’autres
sociétaires
Pour créer du lien entre les sociétaires, l’idée
majeure consiste à ce que la banque porte des
opérations de CS mettant en relation le besoin d’un
sociétaire avec la réponse à ce besoin apportée par
d’autres sociétaires. À titre d’illustration, nous
pouvons citer l’exemple suivant, dont la
représentation se trouve dans la Figure 1 ci-après :
une PME sociétaire a besoin d’un nouveau logo. La
banque, par le biais d’une plateforme internet
accessible à l’ensemble de ses sociétaires, publie le
besoin
sous
forme
de
challenge
(brief/durée/récompense). Chacun des sociétaires
qui le souhaitent peut participer au challenge et
proposer un logo au sociétaire demandeur via la
plateforme. À la fin du challenge, le sociétaire
demandeur choisit parmi les logos qui lui ont été
proposés celui qui le convient le mieux. Enfin, le
sociétaire qui a proposé le logo choisi remporte le
challenge et la récompense associée (quelques
milliers d’euros et le nom du gagnant affiché sur le
site de la banque par exemple).
Afin d’apporter des éléments de réponse à cette
question, nous proposons dans un premier temps
de préciser le type d’opérations de CS proposées
4
http://www.revue-banque.fr/banque-detailassurance/article/les-banques-sous-menace-uberisation
5
http://blogs.economie.gouv.fr/les-cafes-economiquesde-bercy/les-banques-cooperatives-des-banquescomme-les-autres/
Les enjeux actuels de la gestion de projet
74
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
sociétaire qui a proposé la vidéo choisie remporte
le challenge et la récompense associée.
Figure 1 Des sociétaires au service d’autres
sociétaires
Selon la même logique, d’autres exemples
pourraient être développés, lesquels ne concernent
pas l’externalisation d’activités de communication.
Parmi ces exemples, nous pouvons citer le test de
prototypes ou encore la collecte de dons. Enfin,
nous remarquons que, dans le cadre de ces
opérations de CS, la banque offre de nouveaux
services à ses sociétaires plus ou moins éloignés
selon les cas des services bancaires traditionnels.
1.2 - Des sociétaires au service de leur
banque
Pour renforcer les liens de la banque avec ses
sociétaires, l’idée majeure consiste à ce que la
banque porte des opérations de CS lui permettant
de solliciter ses sociétaires pour qu’ils prennent en
charge certaines de ses propres activités. À titre
d’illustration, nous pouvons citer l’exemple suivant,
dont la représentation se trouve dans la Figure 2 ciaprès : la banque souhaite initier pour elle-même
une nouvelle campagne de communication par le
biais d’une vidéo de 45 secondes à propos de ses
valeurs. Pour cela, qui mieux que ses propres
sociétaires, est capable de proposer une vidéo qui
parle des véritables valeurs de la banque aux futurs
sociétaires ? Comme dans l’exemple précédent,
l’opération sera proposée aux sociétaires sous
forme de challenge (brief/durée/récompense) via
la plateforme internet. Chacun des sociétaires qui
le souhaitent peut participer au challenge et
proposer une vidéo ventant les valeurs de la
banque coopérative. À la fin du challenge, la
banque choisit parmi les vidéos qui lui ont été
proposés celle qui lui convient le mieux. Le
Figure 2. Des sociétaires au service de leur banque
coopérative
Si des opérations de CS, par leur nature, sont
susceptibles de renforcer l’engagement des
sociétaires auprès de leur banque, le projet de CS
porté par la banque coopérative doit être managé
en ce sens par cette dernière.
2 - Quel management de projet pour
renforcer l’engagement des sociétaires
auprès de leur banque ?
Afin d’analyser le projet de CS multi parties
prenantes porté par la banque coopérative, nous
proposons de mobiliser la grille de lecture
développée par Missonier et Loufrani-Fedida
(2014), à partir de la théorie des Parties Prenantes
(Freeman, 1984 ; Rowley, 1997) et de celle de
l’Acteur-Réseau (Callon, 1986 ; Latour, 2005). Cette
grille de lecture (cf. Tableau 1 à la page suivante)
permet d’analyser le projet de recours au CS de la
banque coopérative et par là-même facilite la
compréhension
et
le
renforcement
de
l’engagement durable de ses sociétaires. Plus
précisément, elle présente l’intérêt de lier l’analyse
des parties prenantes à leur engagement dans le
temps du projet, notamment grâce à la
complémentarité de la théorie des Parties
Prenantes avec celle de l’Acteur-Réseau. En effet, la
théorie des Parties Prenantes offre une vision
plurielle mais individualisée et séparée des
individus et institutions qui ont un enjeu ou un
intérêt à participer à un projet, alors que la théorie
de l’Acteur-Réseau permet d’appréhender la
Les enjeux actuels de la gestion de projet
75
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
dynamique et l’émergence du réseau en tant
qu’« acteur collectif » au cours du projet.
La grille de lecture retenue repose sur une
approche conceptuelle, en deux étapes,
permettant d’offrir une analyse des parties
prenantes et de leur engagement tout au long d’un
projet inter-organisationnel, et ce, à partir du cadre
théorique de l’Acteur-Réseau. La première étape a
pour but d’analyser la morphologie du réseau de
parties prenantes (le projet inter-organisationnel).
Rapprochée à la démarche d’analyse de la théorie
de l’Acteur-Réseau, cette première étape consiste
à identifier les actants. La seconde étape de cette
approche conceptuelle permet, quant à elle, de
suivre et visualiser l’évolution du réseau dans le
temps, à partir de l’observation des controverses
qui se produisent au sein du réseau (ou à
l’extérieur) et de leurs effets sur le réseau de
parties prenantes. Il s’agit donc ici de suivre les
parties prenantes dans leur trajectoire, jusqu’à ce
qu’ils forment un acteur-réseau, qui acquiert alors
un caractère distinct et relativement stable.
Tableau 1 : Grille de lecture du projet de CS permettant de comprendre et de renforcer l’engagement des
sociétaires (Missonier & Loufrani-Fedida, 2014)
nde
2 étape : Analyse dynamique des
parties prenantes (au cours du projet)
1ère étape : Analyse morphologique du
réseau de parties prenantes (« front-end »)
Étapes
Analyse des parties prenantes
Engagement des parties prenantes
Phases
Phases
Contenu
Contenu
- Pôles (statuts et rôles)
Cerner le(s) problème(s),
1. Identifier les - Intermédiaires (ce qui est
identifier les autres acteurs
parties prenantes produit, sera produit et mis A.
concernés
et
souligner
et analyser leurs en circulation entre les Problématisation
comment le(s) problème(s)
relations
acteurs) : nature, diversité,
affecte(nt) les autres acteurs
quantité et fréquence
- Intéressement
(en
Capacité d’un acteur à
2. Identifier les identifiant
les
facteurs
susciter l’intérêt des autres
B. Intéressement
intérêts des parties d’intérêts des membres des
pour son propre projet
et Enrôlement
prenantes
pôles dans le projet et les
Assigner un rôle à chaque
dispositifs)
pôle
- Identifier le degré de
3.
Évaluer convergence du réseau
l’influence
des (degré d’alignement des C. Mobilisation
parties prenantes intérêts et objectifs, degré de
coordination)
Stabilisation
prenantes
des
parties
- Nature, i.e. l’objet de la
controverse et ses enjeux
- Évolution des actants
(humains et non-humains)
4. Identifier les
- Stabilisation
si
un
controverses
nécessaire
compromis semble avoir été Si
réengager
le Problématisation
–
atteint ou non
processus
de
Intéressement
–
Enrôlement
- Redéfinition de l’objet
traduction
– Mobilisation
technique
(A-B-C)
5. Analyser les
effets
des
controverses sur le Effets sur le réseau
réseau de parties
prenantes
Les enjeux actuels de la gestion de projet
76
Chaire de gestion de projet
Cette approche conceptuelle nous sert et servira de
grille de lecture pour analyser et comprendre
l’évolution d’un projet de CS. À ce stade de notre
recherche, nous avons commencé la première étape
Cahier de recherche
d’analyse morphologique, notamment en identifiant
les Parties Prenantes d’un projet de CS de la banque
coopérative (cf. Tableau 2 ci-dessous).
Parties Prenantes issues de l’organisation
Parties Prenantes issues de la Banque
partenaire spécialiste de CS
coopérative
(si tel est le choix de la banque)



Entités humaines 



Entités
humaines
Conseil d’Administration
Comité Sociétariat
Equipe projet
Acteurs de la technostructure
Sociétaires
Clients
…

Experts de CS

Acteurs de la technostructure
(gestion de la relation client)

…

Applications métiers de la banque 
Application de CS (gestion de la
(gestion des sociétaires et clients)
plateforme)
non

Application de CS (gestion de la 
Applications métiers du partenaire
plateforme, si tel est le choix de la banque) (gestion de la relation client)

…

…
Tableau 2: Première identification des Parties Prenantes d’un Projet de CS de la banque coopérative
Toujours dans la phase d’analyse morphologique,
nous continuons actuellement notre réflexion
autour des questionnements suivants :

Quelles sont les Parties Prenantes du projet de
CS de la banque, quels sont leurs liens, leur
influence, leurs enjeux ?

Comment seront sélectionnées les opérations
de CS ? Des types d’opérations sont-ils
prédéfinis et/ou des opérations peuvent-elles
émerger des demandes des sociétaires ?

Quelle plateforme support des opérations de
CS ? Interne ou externe ? Autrement dit, la
banque développe-t-elle une plateforme
dédiée aux opérations de CS ou noue-t-elle des
partenariats avec des plateformes spécialisées
telle Eyeka en France, spécialiste de la
communication collaborative, pour rester dans
le domaine de nos exemples d’opérations de CS
utilisés précédemment ? Remarquons que ces
interrogations en recoupent d’autres du type :
« Qui aidera les sociétaires à rédiger leur brief ?
à déterminer la valeur de la récompense du
gagnant du challenge ?... ».
Par ailleurs, l’analyse morphologique sera combinée
à l’analyse dynamique. Cette dernière n’a pu
débuter puisqu’elle consistera en l’identification et
l’analyse des controverses qui se développeront au
fur et à mesure de l’avancement du projet, c’est-àdire dans notre cas au fil des opérations successives
de CS qui seront portées par la banque. Le concept
de « controverse » apparaît être très utile dans le
cadre théorique de l’Acteur-Réseau. Une
controverse peut être n’importe quoi (un argument,
une idée, une idéologie, etc.) qui remet en question
le statu quo du réseau et donc affecte et modifie les
interactions entre les parties prenantes (Latour,
2005). Une controverse émerge lorsque des
questions qui ont été prises pour acquis sont
remises en question et discutées. Les chercheurs et
les acteurs du projet ont à examiner les bases de
chaque controverse (ses composants) dans un
réseau de projet parce que, d’une part, les
controverses révèlent les interactions, qui
soulignent que les relations entre humains et nonhumains ne sont jamais fixes. D’autre part, les effets
des controverses dans le réseau révèlent de
nouvelles définitions et, par conséquent, l’évolution
des trajectoires. La controverse semble donc être un
marqueur pertinent de la transformation du réseau
Les enjeux actuels de la gestion de projet
77
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
d’intervenants et de l’évolution tout au long du
projet.
Conclusion
Sur le plan des contributions futures de notre
recherche, nous espérons mettre en exergue à partir
de notre future étude de cas, la nature dynamique
et émergente des relations entre parties prenantes,
puisque nous pensons démontrer que les rôles et les
relations entre eux co-évoluent avec la définition et
la trajectoire du projet. Si tel est bien le cas, nous
offrirons aux chercheurs et managers de projet une
approche pertinente permettant de les informer sur
des questions clés : Quelle(s) partie(s) prenante(s)
observer pendant un projet de CS ? Comment et
quand les observer ? L’analyse est dynamique dans
la mesure où elle permet à un projet d’être perçu
comme un réseau émergent (associations, relations)
qui se prolonge et se transforme au fil du temps.
Références bibliographiques :
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translation: Domestication of the scallops and the
fishermen. Power, action and belief: A New
Sociology of Knowledge. J. Law. London, Routledge
& Kegan.
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stakeholder approach. Cambridge, Mass.: Ballinger.
Latour, B. (2005). Reassembling the social-an
introduction to actor-network-theory. Reassembling
the Social-An Introduction to Actor-NetworkTheory, by Bruno Latour, pp. 316. Foreword by
Bruno Latour. Oxford University Press, Sep 2005.
Lebraty, J.-F., & Lobre, K. (2010). Créer de la valeur
par le crowdsourcing : la dyade InnovationAuthenticité.
Systèmes
d’Information
et
Management, 15(3), 9–40.
Lebraty, J.-F., & Lobre, K. (2015). Crowdsourcing,
porté par la foule. ISTE Edition.
Lobre, K., & Cartier, J.-B. (2012). Mutualisme
bancaire, Hétérosis organisationnelle et difficultés
de gouvernance. Conférence Internationale de
Gouvernance d’Entreprise. Lyon - France.
Lobre-Lebraty, K. (2014). Groupes bancaires
coopératifs français : quel contrôle. Recherches En
Sciences de Gestion, (101), 121–144.
Lobre-Lebraty, K. (2015). La spécificité du modèle
mutualiste bancaire français est-elle durable ? La
Revue Des Affaires, 82–85.
Lobre-Lebraty, K., & Cartier, J.-B. (2014). Banques
mutualistes et RSO : Histoire d’un double paradoxe.
In La Responsabilité Sociétale des Organisations :
des discours aux pratiques ? (pp. 151–170). Vuibert.
Missonier, S., & Loufrani-Fedida, S. (2014).
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From stakeholder relational perspective to
stakeholder relational ontology. International
Journal of Project Management, 32(7), 1108–1122.
Richez-Battesti, N. (2006). Entre banalisation et
reconquête de l’identité coopérative : Le cas des
banques coopératives en France. Colloque
International Du Réseau RULESCOOP : Les Défis Du
Secteur Des Organisations Coopératives et
Mutualistes. Brest - France.
Rowley, T.J. (1997). Moving beyond dyadic ties: A
network theory of stakeholder influences. Academy
of management Review, 22, 887–910.
Jean-Fabrice Lebraty est Professeur des Universités
en Sciences de Gestion à l’Université Jean-Moulin
Lyon3 / iaelyon (Ecole universitaire de
Management) où il enseigne notamment les
systèmes d’information et business economics. Il est
membre du laboratoire de recherche Magellan et
chargé de mission numérique de son Université.
Spécialiste en gestion des systèmes d'information et
de communication, ses recherches portent sur la
prise de décision en situation extrêmes et sur les
relations entre foule et technologie de l'information.
Il a écrit sur le crowdsourcing, sur les systèmes
décisionnels et sur les problématiques cyber en
particulier dans des revues scientifiques classées
(Scandinavian Journal of Management, Journal
of Contingencies and Crisis Management,
International journal of technology and human
interaction,
Systèmes
d'Information
et
Management, Revue Française de Gestion,
Management & Avenir…). Enfin, il a rejoint la
Fondation Nationale pour l’Enseignement de la
Gestion des Entreprises (FNEGE) en 2015 pour
œuvrer au développement des programmes
internationaux.
Plus d’infos et contact :
http://www.gestion-sic.net/
[email protected]
Les enjeux actuels de la gestion de projet
78
Chaire de gestion de projet
Katia Lobre est Maître de Conférences en Sciences
de Gestion à l’Université Jean-Moulin Lyon3. Au sein
de l’iaelyon (Ecole Universitaire de Management),
elle enseignement notamment le contrôle de
gestion et la responsabilité sociétale des
organisations (RSO) et assure la responsabilité
pédagogique du Master 2 « Contrôle de Gestion et
Audit Organisationnel » (CGAO) et de la Licence
Professionnelle
« Gestion
des
Systèmes
d’Information de la Paie » (GSI Paie). Elle est
membre du laboratoire de recherche Magellan.
Spécialisée en gestion des systèmes d’information
et de contrôle, ses recherches portent sur les
pratiques de RSO, l’organisation, le contrôle et la
gouvernance des organisation hybrides que sont les
groupes bancaires coopératifs ; sur les relations
entre foule des internautes et technologie de
l’information (le crowdsourcing et l’open data) ; et
enfin sur l’ISR, en particulier la confiance et les
motivations des investisseurs pour ce type
d’investissement. Chacune de ces thématiques a
donné lieu à différentes publications, en particulier
dans des revues scientifiques classées (Systèmes
d’Information et Management, Revue des Sciences
de Gestion, Management & Avenir, Gestion 2000).
Cahier de recherche
[email protected]
Sabrina Loufrani-Fedida est Professeur des
Universités en Sciences de Gestion à l’Université
Côte d’Azur. Au sein de l’IAE Nice, l’Ecole
Universitaire du Management, elle enseigne
notamment la gestion des ressources humaines et le
management de projet. Elle est également
responsable du Master 2 « Communication
Organisationnelle » à l’IAE Nice. Habilitée à diriger
des recherches et membre du Groupe de Recherche
en Management (GRM), ses travaux portent sur le
management des compétences, ainsi que sur les
dimensions humaines et organisationnelles du
management de projet, tout particulièrement dans
des secteurs d’activité innovants (informatique,
télécommunications, électronique, pharmacie ou
encore tourisme). Elle a notamment publié les
résultats de ses recherches dans des revues
scientifiques
internationales
(Long
Range
Planning, International
Journal
of
Project
Management), ainsi que dans des revues
francophones reconnues (Revue de Gestion des
Ressources Humaines, @GRH,Revue Internationale
PME ou encore Revue des Sciences de Gestion).
Plus d’infos et contact :
Plus d’infos et contact :
http://iae.univ-lyon3.fr/lobre-lebraty-katia533463.kjsp?RH=IAE-FORM
Homepages: fr.linkedin.com/in/SabrinaLoufrani; re
searchgate.net/profile/Sabrina_Loufrani-Fedida
E-mail : [email protected]
Pour citer : Lebraty, J.F., Lobre, K. & Loufrani-Fedida, S. (2016, Novembre). Le recours au
Crowdsourcing un Projet Contributeur à l’Identité Coopérative?. Cahier de recherche(1), 73-79.
Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
79
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Introduction
Résumé:
Les méthodologies agiles sont surtout
utilisées dans des projets ayant
certaines caractéristiques appelées
“agile sweet spot”. Bien que ces
méthodologies soient de plus en plus
utilisées dans de grands projets, il y a eu
très peu de recherches sur le sujet.
Cette recherche investigue deux
questions : Quels sont les défis
rencontrés lorsque les méthodes agiles
sont utilisées dans des projets
d’envergure de développement de
logiciel et quelles sont les pratiques
mises en place pour y faire face ?
Comment le contexte des grandes
organisations affecte-t-il la mise en
place et l’adoption des méthodes
agiles?
.Mots-clés:
Agile, Développement logiciel, Scrum,
Projet, Organisation.
Ces dernières années, les méthodes agiles sont devenues très
répandues dans l’industrie du logiciel (Abrahamsson, Conboy, &
Xiaofeng, 2009; Dingsøyr, Nerur, Balijepally, & Moe, 2012). Les
avantages de l’utilisation des méthodologies agiles sont : un
environnement de travail qui tient compte de la créativité et de
la productivité, une adaptation rapide aux changements et des
livraisons rapides aux clients basées sur une meilleure
identification et une meilleur priorisation des besoins
(Schwaber, 2004; Thomke & Reinertsen, 1998). Ces avantages se
retrouvent habituellement dans de petits projets ayant des
caractéristiques précises. Kruchten (2013) a d’ailleurs
caractérisé ces environnements idéaux (“agile sweet spots”)
pour l’utilisation des méthodes agiles: de petites équipes colocalisées travaillant sur de petits projets non-critiques, visant un
nouveau marché, ayant des architectures stables et bien établies
ainsi que des règles de gouvernance simples. La plupart des
recherches sur les méthodes agiles ont été effectuées sur des cas
se rapprochant du agile sweet spot bien que l’étude des grands
projets agiles soit considérée comme un des sujets de recherche
privilégiés par les praticiens (Freudenberg & Sharp, 2010).
Leffingwell (2010) a identifié plusieurs défis associés à la mise en
place des méthodes agiles dans des environnements multi-sites,
multi-clients, multi-projet, mais très peu de recherches ont été
effectuées afin d’identifier les pratiques utilisées dans ces grands
projets (Kettunen, 2007). L’objectif principal de cette recherche
est donc de combler cette lacune en examinant des projets et
des contextes qui ne se trouvent pas dans le agile sweet spot, en
tentant de répondre à deux questions de recherche : Quels sont
les défis rencontrés lorsque les méthodes agiles sont utilisées
dans des projets d’envergure de développement de logiciel et
quelles sont les pratiques mises en place pour y faire face?
Comment le contexte des grandes organisations affecte-t-il la
mise en place et l’adoption des méthodes agiles?
Revue de littérature
Méthodologies Agiles
Plusieurs méthodologies agiles ont été développées afin de
répondre aux besoins spécifiques des projets de développement
de logiciel tout en rencontrant les principes émis dans le
manifeste agile (Agile Alliance, 2001) et par certains des auteurs
du manifeste (Levin, 2012; Schwaber, 2007). Les méthodes les
Les enjeux actuels de la gestion de projet
80
Chaire de gestion de projet
plus répandues sont Scrum and Extreme
Programming (XP). Ambler (2009) propose la
définition suivante de l’agilité dans les projets de
développement logiciel:
“Agile software development is an evolutionary
(iterative and incremental) approach which regularly
produces high quality software in a cost effective
and timely manner via a value driven lifecycle. It is
performed in a highly collaborative, disciplined, and
self-organizing manner with active stakeholder
participation to ensure that the team understands
and addresses the changing needs of its
stakeholders. Agile software development teams
provide repeatable results by adopting just the right
amount of ceremony for the situation they face.”
(page 6)
Agilité à grande échelle
Certaines grandes organisations tentent maintenant
d’utiliser les méthodes dans de grands projets mais
cette notion d’agilité à grande échelle est encore
mal définie (Dingsøyr & Moe, 2014). Dingsøyr,
Fægri, and Itkonen (2014) suggèrent une taxonomie
d’échelle basée sur le nombre d’équipes : petite
échelle correspond à une équipe, grande échelle à
de deux à neuf équipes et, très grande échelle à plus
de dix équipes.
La recherche demeure très limitée sur ce sujet (Dybå
& Dingsøyr, 2008; Razavi & Ahmad, 2014) à
l’exception de l’analyse de quelque cas spécifiques,
par exemple dans l’industrie pétrolière (Grewal &
Maurer, 2007), à Hewlett-Packard (Gruver &
Mouser, 2015), dans des environnements
réglementés (Fitzgerald, Stol, O'Sullivan, & O'Brien,
2013), et à BMC Software Infrastructure (Gat, 2006).
Cadres d’agilité à grande échelle (Agile Scaling
Frameworks)
Depuis quelques
organisationnels
années, certains cadres
ont
été
développés
Cahier de recherche
(Agilealliance.org) afin de supporter et de faciliter la
mise ne place des méthodes agiles dans de grands
projets. Le cadre le plus connu, Scaled Agile
Framework (SAFe®)tire son origine sur le Processus
Unifié Rationale (Leffingwell, 2015). On a aussi vu
apparaître d’autres modèles tels Disciplined Agile
Delivery (DAD) (Ambler & Lines, 2014; DAD Disciplined Agile Delivery, 2015), Large-Scale Scrum
(LeSS) (Larman, 2015; Larman & Vodde, 2014), et
Nexus (Schwaber, 2015). Tous ces cadres et modèles
tentent de préserver les bénéfices de l’agilité au sein
de grandes organisations (Gruver & Mouser, 2015).
Méthodologie
La recherche a été menée en deux phases. Une
première phase, qualitative, a permis de mieux
cerner le phénomène. Dans la deuxième phase, un
sondage a permis d’enrichir les résultats initiaux
tirés des études de cas.
Études de cas (Étude qualitative)
Des entrevues ont été menées dans trois
organisations et ces entrevues visaient à mieux
comprendre les défis et les pratiques utilisées au
niveau des projets et au niveau de l’organisation.
Les personnes ciblées pour les entrevues au niveau
projet étaient des scrum masters, des product
owners, des gestionnaires de projets, des analystes
et des architectes système. Les personnes ciblées
pour ces entrevues au niveau organisationnel
comprenaient des membres de la haute direction,
des gestionnaires de programme et/ou de
portefeuille de projets, des directeurs de bureau de
projets, des champions des méthodes agiles et des
gestionnaires fonctionnels. Un total de 41
entrevues d’une durée moyenne d’une heure ont
été menées. Le tableau 3 montre un sommaire des
entrevues et le Tableau 4 un aperçu des
organisations.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
81
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Tableau 3: Sommaire des entrevues
Gestionnaire de projet
Systèmes complexes
Nombre
Durée
d'entrevues (minutes)
5
328
Scrum Master
2
83
Product Owner
1
68
Exécutif
Bureau de projet
Gestionnaire de portefeuille
Analyste
2
93
Gestionnaire fonctionnel
1
66
Architecte
1
49
Sous-total
12
687
Financier
Nombre
Durée
d'entrevues (minutes)
2
128
5
333
Public
Nombre
Durée
d'entrevues (minutes)
3
237
Total
Nombre
Durée
d'entrevues (minutes)
10
693
4
209
11
625
3
185
4
253
3
134
3
134
2
149
4
242
1
56
1
56
10
666
1
66
6
316
7
365
19
1081
41
2434
Tableau 4: Aperçu des organisations rencontrées
Domaine
Type de systèmes
Fournisseur de systèmes complexes Plusieurs noeuds intégrés
Financier
Systèmes internes
Grands systèmes déjà en place, intégrés à
Public
d'autres systèmes
Trois entretiens supplémentaires de 90 minutes ont
été menés avec un informateur clé de trois
organisations additionnelles. Ces trois organisations
ont été sélectionnées dans des industries similaires
aux cas initiaux, c'est-à-dire le domaine financier, le
développement de grands systèmes et le secteur
public. Les entretiens complémentaires visaient
aussi bien le niveau organisationnel qu’au moins un
grand projet spécifique. Toutes les entrevues ont
été enregistrées, transcrites et analysées à l’aide
d’ATLAS.TI®.
Sondage
Le sondage visait la participation de professionnels
en mesure de fournir une description détaillée d’un
projet de développement de logiciel constitué d’au
moins trois équipes de développement ayant
travaillé dans une organisation comptant au moins 2
000 employés. Toutefois, deux réponses avec 1600
à 1652 employés respectivement ont été retenues
dans l’échantillon. Une description plus détaillée du
questionnaire est fournie à l’Annexe A. Un total de
48 questionnaires suffisamment complétés a été
retenu.
Résultats
Commanditaire
Gestionnaire de produit
Département utilisateurs
Clients
Externes
Internes
Département utilisateurs
Internes
Les résultats présentés dans cette section sont basés
à la fois sur les études de cas et sur les résultats du
sondage. Bien que les résultats concordent bien,
l’échantillon demeure évidemment trop petit pour
pouvoir généraliser les résultats.
Stratégies de déploiement
Dans les six cas étudiés et dans 74% des
organisations du sondage, le déploiement des
méthodologies agiles a été fait en utilisant d’abord
un projet-pilote. Des coachs agile furent utilisés pour
faciliter la formation et l’introduction des nouvelles
façons de faire dans la presque totalité des équipes
étudiées. Bien que l’une des organisations
expérimente avec les méthodologies agiles depuis le
début des années 2000, on peut considérer que les
cinq autres organisations sont encore dans les
premiers stades de leur déploiement, en particulier
pour les grands projets.
Tel que suggéré dans la littérature (Kruchten, 2013),
la très grande majorité des organisations débutent
avec de petits projets afin de se familiariser avec la
méthodologie. La seule exception est l’une des
organisations publiques où un nouveau viceprésident et un nouveau cadre supérieur ont été
Les enjeux actuels de la gestion de projet
82
Chaire de gestion de projet
embauchés afin de gérer le déploiement des
méthodes agiles. Dans ce cas, ils ont plutôt opté de
démarrer avec leur plus gros projet ; leur stratégie
étant de faire la démonstration que les méthodes
agiles peuvent être appliquées aux grands projets.
Ils veulent aussi montrer l’engagement de la haute
direction à la conversion à grande échelle des
méthodes agiles.
Le rôle des gestionnaires de projet
Toutes les études de cas et toutes les réponses au
sondage montrent que le déploiement des
méthodes agiles a un impact significatif sur le rôle
des gestionnaires de projet. En particulier, la
responsabilité de planification détaillée est plus
souvent déléguée aux scrum masters et aux équipes
de développement qui sont, en général, autogérées.
Bien que le rôle du gestionnaire de projet soit
devenu plus stratégique, plus orienté vers la gestion
des parties prenantes et plus axé sur la coordination
inter-équipes, dans certains cas, cette coordination
était plutôt accomplie par le biais de scrums de
scrums, i.e. une réunion récurrente des scrum
masters.
Dans l’un des cas étudiés, on avait même tenté de
supprimer complètement le rôle de gestionnaire de
projet. Ils ont conclu que, pour de petits projets avec
seulement une équipe de développement, le rôle de
gestionnaire de projet pourrait effectivement être
comblé par le scrum master, mais ont préféré
maintenir le rôle lorsque les projets étaient
composés de plusieurs équipes de développement.
Dans une des organisations étudiées et chez 6 % des
répondants au sondage, le rôle de gestionnaire de
projet a été complètement aboli. Ceci indique une
tendance que, pour certaines organisations, le
développement de logiciels ne sont plus considérés
comme des projets mais plutôt comme un
développement continu de fonctionnalités par des
équipes semi-permanentes.
La présence de scrum masters
La méthodologie scrum et des scrum masters était
utilisée dans les six cas étudiés. Ceci correspond aux
résultats d’un sondage récent réalisé par Version
One auprès de la communauté agile (VersionOne,
2016). Le rôle du scrum master est bien documenté
et est bien établi dans l’industrie (Cohn, 2009;
Cahier de recherche
Schwaber, 2004, 2007; Sutherland, Viktorov, Blount,
& Pintikov, 2007). Dans plusieurs organisations, les
scrum masters prennent d’abord de l’expérience
dans les petits projets et deviennent ensuite
disponibles pour supporter les projets de plus
grande envergure.
Le rôle des Product Owners
Un product owner est défini dans la méthodologie
Scrum (Schwaber, 2004, 2007) comme une
personne ayant les connaissances et l’autorité pour
modifier et/ou re-prioriser le carnet de commande
du produit (product backlog) au début de chacun
des sprints. Idéalement, le product owner devrait
être à temps plein sur le projet et donc être
facilement accessible pour les membres des équipes
de développement.
Cependant nos observations indiquent que ce rôle
est en fait un des plus problématiques dans les
projets d’envergure. Les product owners n’ont
souvent ni la compétence, ni l’autorité pour jouer
leur rôle. Les études de cas ainsi que le sondage
confirment que les product owners doivent souvent
se référer à d’autres groupes ou d’autres personnes
pour valider leurs décisions. Dans deux des cas et
pour 60% des répondants au sondage, il existait en
fait une hiérarchie de product se rapportant à une
personne ultimement responsable d’un groupe de
product owners (chief product owner).
Sprint Zéro
L’expression « sprint zéro » est souvent utilisée pour
identifier les activités initiales d’un projet agile. Au
cours des entrevues, plusieurs répondants ont
utilisé ce terme. Cependant les activités auxquelles
ils faisaient référence variaient considérablement
d’une personne à l’autre même au sein d’une même
organisation. Voici une liste des activités que les
personnes interrogées ont mentionnées comme
faisant partie de l’itération zéro. Les pourcentages
correspondent aux résultats du sondage :
 Planification des sprints
 Développement d’une architecture
de haut niveau
 Production
des
scénarios
utilisateurs (user stories) pour les
premier sprints
Les enjeux actuels de la gestion de projet
71%
66%
66%
83
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
 Création du carnet de produit
(backlog)
 Création des epics
60%
51%
Bien que le manifeste agile spécifie que “ les
meilleures
architectures,
spécifications
et
conceptions émergent d'équipes auto-organisées”
(Agile Alliance, 2001), des activités de
développement de l’architecture (avant le début des
itérations de développement de logiciels) ont été
observées dans les six cas ainsi qu’auprès des
répondants du sondage. Ceci semble indiquer que
ce principe ne s’applique pas vraiment, ou n’est pas
suivi, dans le cas de grands projets.
Intégration avec d’autres systèmes
Dans les cas étudiés, une caractéristique importante
des systèmes développés était l’intégration du
système modifié (ou développé) avec de nombreux
autres systèmes au sein de l’organisation (et parfois
avec des systèmes externes à l’organisation). Cette
intégration, avec en moyenne de 10 autres
systèmes, faisaient en sorte que les livraisons
fréquentes de fonctionnalités aux utilisateurs
devenaient difficile, voire impossible, en raison des
tests d’intégration nécessaire. Pour la moitié des
répondants du sondage, des contraintes
organisationnelles ou techniques ont aussi retardé
l’utilisation
de
fonctionnalités
pourtant
potentiellement prêtes à être utilisées.
La stratégie principale pour faire face à ce défi était
de créer une équipe spécialisée dans l’intégration
avec les autres systèmes et responsable de la
planification des tests finaux. Un objectif à plus long
terme dans deux des cas, était la restructuration des
bases de données afin de rendre les composantes
plus indépendantes.
Les organisations
sondage) avaient expérimentés ou mis en place des
scrums de scrums i.e. des comités regroupant les
scrum masters. Le scrum de scrum leur permet
d’échanger et de coordonner les différentes
interfaces et dépendances entre les équipes, un rôle
qui était habituellement joué par le gestionnaire de
projet dans les projets traditionnels.
Un autre défi important est la relation entre le projet
et le client. Dans le cas de grands projets,
l’implication du client (interne ou externe) est
majeur et beaucoup plus exigent que dans les
projets traditionnels. Dans certains cas, cela causait
des problèmes de résistance au changement. De
plus, pour des projets ayant des contrats avec des
clients externes, la question de la spécification
exacte du contenu demeure un défi non
entièrement résolu. Cette contrainte fait en sorte
que les principes agiles sont difficilement mis en
place d’un bout à l’autre du projet.
Conclusion
Les méthodes agiles sont de plus en plus utilisées
dans de grands projets de développement de
logiciels dans les grandes organisations. L’utilisation
de ces méthodes dans ce contexte nécessite
cependant des adaptations importantes à la fois au
niveau du projet et de l’organisation puisqu’il il y a
contradiction la bureaucratie établie dans les
grandes
organisations,
en
général
des
méthodologies traditionnelles, et les principes
nécessaires à la mise en place des méthodes de
principes agiles. Il s’agit d’un sujet qui nécessite des
recherches plus poussées. Une des plus importantes
questions en suspens est : quel sera le rôle du
gestionnaire du projet à l’avenir ? On peut même se
demander si ce rôle continuera d’exister dans ce
nouvel environnement.
Remerciements
Un défi important des grands projets dans de
grandes organisations est l’intégration de ces
projets au sein de l’organisation déjà existante. Le
grand nombre d’équipes exige des mécanismes de
coordination supplémentaires. La majorité des
organisations étudiées avaient mis en place
différents comités de coordination : comité
d’architecture, comité de validation des priorités
des utilisateurs, comité de product owners, etc. La
plupart des organisations (et des répondants du
Cette recherche a été financée e partie par Project
Management Institute’s Sponsored Research
Program. PMI et Agile Montréal ont aussi donné leur
support pour la collecte de données.
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Les enjeux actuels de la gestion de projet
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Yvan Petit est titulaire d’un baccalauréat en génie
physique, d’une maîtrise en génie électrique de
l’École Polytechnique de Montréal, d’un MBA de
l’INSEAD (Fontainebleau, France) et d’un doctorat
en administration de l’ESG UQAM. Ses intérêts de
recherche portent sur la gestion de portefeuilles de
projets, la gestion de l'incertitude dans les projets et
l'utilisation des méthodes agiles au niveau
organisationnel. Il est professeur à l'UQAM depuis
2010 et directeur des programmes de deuxième
cycle en gestion de projet depuis 2014.
Il est membre de l’Ordre des Ingénieurs du Québec
depuis 1981, certifié Project Management
Professional (PMP) depuis 2001 et Portfolio
Management Professional (PfMP) depuis 2014. Il
apporte plus de 25 ans d’expérience comme
gestionnaire de projets dans le domaine des
télécommunications et du développement de
logiciel incluant la gestion de projets R&D
multinationaux de grandes ampleurs.
Dr Petit a participé à la mise à jour du "Standard for
Portfolio Management (PMI) (Version 3) et il fait
partie, depuis 2014, du Standards Member Advisory
Group (MAG) ; le comité aviseur pour le
développement des standards en gestion de projet
du PMI. Il a aussi fait partie de la délégation
canadienne pour ISO/TC258 pour la normalisation
en gestion de portefeuille de projet.
Dr Brian Hobbs PMP est professeur au Programme
de maîtrise en gestion de projet de l’ESG UQAM
depuis plus de trente ans. De 2007 à 2015, il a été
titulaire de la Chaire de gestion de projet. Il a fait des
mandats aux comités conseillers sur les référentiels
et sur la recherche du PMI. Il est membre du Bureau
des gouverneurs de PMI-Montréal. En 2012, il a reçu
de PMI le Research Achievement Award pour
l’ensemble de sa recherche et avec sa collègue
Monique Aubry a reçu le Research Award de
l’International Project Management Association
pour leurs travaux sur les bureaux de projet. En
2013, il a reçu le Prix de la recherche – carrière de
l’ESG-UQAM. En 2015, il est devenu Fellow du PMI.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
86
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Annexe A: Aperçu du questionnaire pour le sondage
Section 1. Respondent demographics
Section 2. The relevant organisational context:
a. Which in most cases is only a part of the organisation, a division or subsidiary, for example,
b. The years when agile methods were used of the first time on small project and on large projects. From
the case studies and a general knowledge of the context it is known that many organisations, but not all,
implement agile methods first on small projects ,
c. The level of maturity in the use of agile methods,
d. The presence of an agile community of practice,
e. The total number of projects and the proportion employing agile methods,
Section 3. A specific large project that employed agile methods:
a. The level of knowledge of agile methods of people involved in this project,
b. Type of deliverable, scope and duration,
c. Level of integration with other systems,
d. Number and duration of sprints,
e. Project organisation:
i. Number and composition of development teams.
ii. Other teams or committees,
iii. Other individuals,
f. Project initiation, activities related to architecture and to the planning of sprints before the beginning of
software development per se, often referred to as sprint zero,
g. Agile practices employed,
h. Benefits and disadvantages of agile methods and project performance.
Section 4. The transition from traditional methods to agile methods.
From a general knowledge of the field, it is known that most large organisations had well-established
traditional project management methods prior to implementing agile methods and that in most cases the
two are present. However, some organisations use agile methods explosively. For these reasons, section
four of the survey was completed only by respondents in contexts where both methods are currently in
use.
a. Decision rules for determining which projects use agile methods
b. Performance objectives that motived use of agile methods
c. Organisational objectives that motived use of agile methods
d. Strategy for implementing agile methods, including change management
e. Organisational characteristics that supported implementation
f. Organisational characteristics that are obstacles to implementation
g. Performance outcomes
h. Organisational change outcomes
i. New and changed organisational roles, particularly for project managers, scrum masters, and product
owners
Pour citer : Petit, Y., & Hobbs, B. (2016, Novembre). Les méthodes agiles à l’échelle de
l’organisation. Cahier de recherche(1), 80-87. Récupéré sur chairegp.esg.uqam.ca
Les enjeux actuels de la gestion de projet
87
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
1 - Introduction : du besoin de comprendre le processus de management d’un projet d’IDE.
Résumé:
L’objectif de cette recherche est de
proposer un éclairage sur le rôle des
acteurs dans le processus de gestion
d’un projet d’investissement direct
étranger (IDE) sur un territoire. Qui fait
quoi et comment dans le processus d’un
projet d’IDE est la question centrale. En
mobilisant le cadre de la sociologie de la
traduction, nous montrons sur deux cas
de projets d’IDE, comment le
management public va produire une
impression d’échec en France et au
contraire faire preuve d’agilité
stratégique au Brésil. On constate
finalement que les jeux d’acteurs vont
conduire à la déconstruction d’une «
triple hélice territoriale » en France
alors qu’au contraire ils vont en
favoriser l’émergence stratégique au
Brésil.
Mots-clés:
théorie de la traduction, stratégie
chemin faisant, triple hélice, territoire,
projet d’IDE.
Attirer, localiser et ancrer sur un territoire un investissement
direct étranger (IDE) est un challenge pour les acteurs en charge
de la construction et de la mise en œuvre de politiques publiques
de développement économique. En effet, le management d’un
tel projet doit être fondé sur la coopération d’acteurs multiples
aux objectifs et enjeux différents. Les praticiens constatant des
dysfonctionnements dans la chaîne d’actions du processus de
gestion de projet, la proposition de cette recherche est d’ouvrir
la « boite noire » du processus de management par les parties
prenantes sur le territoire en étudiant la gestion de projets d’IDE
que ce soit dans une économie mature ou bien dans une
économique émergente ou en développement. Nous analysons
le management territorial de tels projets en considérant ces
derniers comme des « innovations » sur le territoire,
« innovations » qui viennent perturber le réseau d’acteur déjà
présents. Nous considérons ainsi ces projets en tant que
construction sociale en faisant comme hypothèse générale que
le cycle de vie d’un projet d’IDE est un processus complexe et
non-linéaire qui repose sur la mobilisation d’un réseau d’acteurs.
La littérature est riche de recherches portant sur la localisation
des IDE sur un territoire mais la plupart de ces recherches se sont
concentrées sur les facteurs ou les modes de localisation, sur le
marketing territorial et non sur la gestion du projet en lui-même
(Carluer & Foignet, 2012; Mayer, 2004; Mucchielli & Mayer,
2004). Seule Serval (Serval, 2015) s’intéresse au projet en luimême mais sous l’aspect de l’ancrage territorial postimplantation en relevant une perspective ago-antagoniste. Ces
travaux posent plus, en définitive, la question de l’attractivité et
de la compétitivité des territoires et disent peu de choses sur le
processus concret par lesquels les IDE s’implantent et donc sur
l’impact de la contribution managériale de la puissance publique
au résultat final ; aucune étude n’interroge la problématique du
management de l’implantation greenfield sur un territoire, c’est
à dire la création d’une unité entièrement nouvelle, et du
processus qui conduit à sa pérennité. Ainsi, notre propos est
d’interroger la pertinence et la performance du dispositif public
d’accompagnement et de management d’un projet d’IDE sur un
territoire afin d’expliquer les raisons du succès ou de l’échec du
processus. Dans ce but, nous proposons de répondre à la
question de recherche suivante :
Les enjeux actuels de la gestion de projet
88
Chaire de gestion de projet
Comment un projet d'IDE est-il géré par les
différentes parties prenantes (publiques et privées),
dans l’objectif de favoriser la création durable de
valeur ajoutée, en particulier en termes d’emplois,
pour le territoire concerné?
2 - Design de la recherche
Le positionnement épistémologie de cette
recherche se situe dans un cadre interprétativiste
qui a pour but est de comprendre le sens donné par
les parties prenantes au phénomène observé ; la
validité de connaissance produite passe donc par le
caractère idiographique (une description dense du
phénomène étudié) des recherches et en
conséquence, dans une hypothèse relativiste, une
forte contextualisation et subjectivité (Martinet &
Pesqueux, 2013). De part ce positionnement, nous
conduisons une recherche qualitative exploratoire
dans une démarche abductive. En effet, la recherche
des causes, et non des lois, consiste à établir des
conjectures entre les éléments du phénomène puis
de les tester et de les discuter.
D’un point de vue méthodologique nous structurons
notre stratégie de recherche autour de l’étude de
cas comme méthode de recherche (Yin, 2003). Cette
dernière est réalisée sur la base de l’utilisation dans
un premier temps de sources secondaires
principalement composées d’articles de presse
(écrites, internet), de notes et documents
accessibles ainsi que d’entretiens semi-directifs
réalisés avec les principaux protagonistes des
projets étudiés. Cette étude ethnographique des
faits sur une base historique fournit une première
analyse dans une stratégie narrative (Langley, 1999).
Ensuite, sur la base des principes de l’analyse
secondaire (Chabaud & Germain, 2006), nous
approfondissons les résultats de recherche dans une
vision holistique du phénomène en appliquant le
cadre théorique dont le choix s’est porté sur la
sociologie de la traduction (ou théorie de l’acteurréseau ou ANT). En effet, cette théorie a pour
ambition de rendre compte de l’évolution et ainsi
d’analyser un processus en identifiant et décrivant
les mouvements entre acteurs durant ce processus.
Ces mouvements et négociations forment ainsi une
« chaîne de traduction » sous la forme d’une
séquence d’étapes plus ou moins bien conduites, en
intégrant non seulement la dimension sociale (les
Cahier de recherche
individus) mais aussi la dimension matérielle (les
objets) sous la forme d’un réseau socio-technique
qui se construit (Callon, 1986). En mettant l’actant
au cœur du dispositif d’analyse, la sociologie de la
traduction permet d’étudier la naissance et le
développement des sphères d’influence et des jeux
de pouvoir. Cette théorie postule en effet une
symétrie entre les acteurs humains et les acteurs
non-humains ; entre le social et la nature. Ainsi, dans
un même réseau, acteurs humains et non-humains
entrent en interactions et se trouvent tour à tour à
l’origine de transformations et/ou se trouvent euxmêmes changés par le réseau sociotechnique ainsi
créé. Ce cadre permet de comprendre les
ajustements et négociations nécessaires entre
acteurs pour passer d’une situation à une nouvelle.
Callon (1986) utilise le terme de traduction pour
cerner les mécanismes précédents et surtout
comprendre son résultat final. Cette théorie repose
sur trois principes : l’agnosticisme de l’observateur
(la neutralité), la symétrie généralisée (on ne change
pas de registre lorsque l’on passe des aspects
techniques aux aspects scientifiques ou sociaux) et
la libre association entre les entités actrices. Nous
avons fait le choix de mettre en œuvre ce cadre
d’analyse en réorganisant la chronologie du
processus de management des projets d’IDE en
quatre phases de traduction (Callon, 1986) :
1.
2.
3.
4.
La problématisation : un problème est
formulé ; problème dont la résolution est
rendue indissociable du recours à un objet
sociotechnique (un dispositif, un outil de
gestion…). Cet objet devient un point de
passage obligé (PPO).
L’intéressement : l'acteur à l'origine de la
formulation du problème doit négocier
avec leur participation au projet après avoir
identifié des alliés potentiels.
L’enrôlement : articulation des rôles
proposés par l'initiateur du projet.
La mobilisation : coordination du réseau
constitué par les alliés à l'aide de porteparole qui représentent les différents
groupes d'acteurs enrôlés.
Ce processus de traduction permet aux acteurs de
converger et d'aboutir à un consensus stable et
irréversible. Ainsi, l’adoption ou le rejet, le succès ou
l’échec, du projet, résulterait d’un mouvement
Les enjeux actuels de la gestion de projet
89
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
tourbillonnaire d’adaptations, d’intéressements et
d’enrôlements successifs d’acteurs et d’actants. La
question de recherche initiale se trouve donc ainsi
transformée :
Comment s’établit le processus de traduction
permettant de manager un projet d’IDE sur un
territoire ? Pour quel résultat ?
un cadre d’étude de cas multi-sites et longitudinale
permettant de retracer, outre la chronologie des
évènements, l’histoire du processus en s’intéressant
aux faits idiosyncratiques à identifier et prendre en
compte :
1.
3 - Résultats
2.
Nous étudions deux cas archétypaux tant leurs
contextes et résultats respectifs constituent une
sorte de « grand écart » sur les pratiques et le mode
de management du processus de gestion d’un IDE
sur un territoire. Cette recherche se situe ainsi dans
Période d’étude
Pays d’origine
Pays de destination
Secteur économique
Emplois en création
Investissement
Forme
Nombre de sources secondaires
Nombre d’entretiens
Pour l’implantation d’une société chinoise
du secteur des télécommunications sur le
site d’un technopôle en France.
Pour l’implantation d’une société sudcoréenne de fabrication de semiconducteurs sur le campus d’une université
dans le sud du Brésil.
Le Tableau 1 décrit les principaux éléments
caractérisant chacun de ces deux projets.
Projet d’IDE n°1
Echec ?
2005-2013
Chine
France
Télécom
1000
35 M€ puis 200M€
Greenfield
67
5
Projet d’IDE n°2
Succès
2009-2014
Corée du Sud
Brésil (RS)
Semi-conducteurs
1300
200 M$
Joint Venture
122
6
Tableau 1 – Caractéristiques des deux projets d’IDE étudiés dans cette recherche
Le tableau 2 présente une synthèse des processus
de traduction des deux projets d’IDE étudiés que
l’on peut retrouver en détail dans (Coussi, 2014;
Coussi, Faccin, & Balestrin, 2015).
Le projet d’IDE n°1 concerne une entreprise chinoise
du secteur des télécommunications qui souhaite
s’implanter sur un territoire français. Ce projet,
après avoir été annoncé par différentes parties
prenantes en juin 2005, semble remis en cause en
2012 causant ainsi le désappointement des élus
locaux qui voyaient là une opportunité de
développement économique en période de crise,
dans un secteur high-tech, replaçant ainsi le
technopôle réceptacle dans une perspective de
Silicon Valley à la française. Ce projet peut être perçu
comme un échec car il n’y a pas eu de
développement de l’activité économique, et donc
pas d’emplois en création, sur le territoire ; alors que
6
cercle d’amis spécifique aux réseaux sociaux en Chine
qui peut se définir (Liu & Boutin, 2012; Milliot, 2006)
comme un portail, de nature interpersonnelle, qui
le point de passage obligé, incarné par le complexe
immobilier, introduit dans la phase de
problématisation, s’est conclu positivement. Le
traducteur initial du projet (l’université française),
dont certains responsables étaient associés au
guanxi6 des dirigeants de l’entreprise, a disparu de
l’échiquier. Cette mise à l’écart a laissé la place à une
collectivité et à un élu (le sénateur) qui ne sont pas
neutres car ils ont des objectifs particuliers qui
peuvent entrer en conflit avec ceux d’autres acteurs.
L’entreprise chinoise n’a pas réussi à atteindre ses
objectifs économiques et se sent prisonnière du
discours des élus, principalement focalisé sur la
création d’emplois directs. Pour protéger sa liberté
décisionnelle et sauver la face, elle va chercher une
échappatoire en lançant une polémique sur la
difficulté de recruter des personnels compétents et
sur la nécessité de construire un programme de
formation dans lequel l’université doit s’impliquer.
permet à une personne d’ouvrir son système de liens à
une autre.
Les enjeux actuels de la gestion de projet
90
Chaire de gestion de projet
C’est un moyen subtil d’enrôler à nouveau
l’université qui, historiquement, fait partie de son
réseau. Pour autant, cette demande est vécue
comme une provocation et le doute sur la volonté
réelle d’implantation de l’entreprise chinoise va se
disséminer, jusqu’à être relayé dans la presse,
laissant une impression d’échec dans les esprits
pour ce projet alors qu’il a été créateur de richesse
pour le territoire. Au 31 juillet 2016, le projet est à
l’arrêt sur le technopole.
Le projet d’IDE n°2 concerne un investissement au
Brésil d'un fabricant sud-coréen de semiconducteurs. La localisation de cet IDE s’est faite par
la constitution d'une joint-venture avec un
consortium d’entreprises brésiliennes comme
véhicule pour l'investissement. L’université localisée
à proximité ainsi que les autorités administratives de
la ville ont construit conjointement une offre
complète pour assurer la localisation de l’usine dans
le parc technologique, partie intégrante du campus
de cette université. Outre un soutien pour le
recrutement, les infrastructures techniques liées à
l’implantation d’un tel projet sont prises en charge
par les autorités administratives de la mairie, qui
revendique les efforts engagés pour garantir le
succès de l’opération (terrain, utilities, aides
fiscales). L’université est prête pour recevoir
l’entreprise car elle a anticipé son arrivée,
notamment en mettant en place des cours adaptés
Cahier de recherche
pour une bonne formation des futurs employés de
la société. En effet, un nouveau Master en ingénierie
électriques a été créé au sein de l’université, un
programme de formation professionnelle sera
constitué et un centre de transfert de technologies
pour les semi-conducteurs approuvé par le
ministère brésilien de la recherche verra le jour ;
créant ainsi une ambiance universitaire afin de
stimuler le processus d’innovation.
En synthèse, l’analyse des processus de traduction
pour les deux projets amène aux conclusions
suivantes :
-
-
-
-
La phase de problématisation est cruciale
afin de déterminer le bon point de passage
obligé ;
la phase d’intéressement implique que
chacune des parties prenantes puisse avoir
un rôle au risque d’en voir certaines
disparaitre lors du processus ;
le rôle du porte-parole initial est crucial,
surtout dans des contextes interculturels
forts avec des facteurs de contingence
importants ;
dans un contexte public/privé, la phase
d’enrôlement ne peut se produire que si le
chef de projet est neutre politiquement
Les enjeux actuels de la gestion de projet
91
Enrôlement
Intéressement
Problématisation
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Projet d’IDE Chinois en France
 Pour accéder aux marchés européen et africain,
l’entreprise doit disposer d’activités de support à
proximité
nécessitant
une
implantation
physique ; elle est partenaire d’une université
chinoise elle-même partenaire d’une université
française.
 Implication de l’université française en localisant
l’investissement sur son territoire  afin
d’affirmer son inscription dans l’économie locale,
l’université problématise en choisissant les
acteurs et en leur attribuant un rôle : l’ARD, les
élus et les collectivités territoriales locales.
 Un projet immobilier vient concrétiser cette
phase devenant ainsi son PPO.
 Les élus : perspective de création d’emplois
opportune à saisir à des fins électorales.
 Les collectivités locales : légitimer et valoriser le
technopole.
 L’ARD : respecter son obligation de moyens et
légitimer son rôle de coordinateur  elle sort très
rapidement du réseau des acteurs car son rôle est
réduit à un simple soutien pour le montage de
dossiers d’aides financières.
 L’Etat : soutient dans un contexte de forte
concurrence européenne.
 L’université : garantir l’implantation du 1er Institut
Confucius en France.
 Une collectivité et un sénateur (ancien Premier
ministre) prennent le leadership annihilant ainsi
le rôle de porte-parole de l’université 
l’université disparait peu à peu du projet avant
d’avoir pu effectuer son rôle d’articulation des
acteurs
 Dysfonctionnements dans la résolution des
controverses : visas pour les salariés chinois qui
viendront en France, captation des marchés en
France, octroi des aides publiques, recrutement
des ingénieurs et techniciens compétents,
financement d’un programme de formation
dédié à l’entreprise.
 Bien qu’un élu important soit impliqué dans le
projet, cela n’a pas suffi à véritablement enrôler
l’Etat ; ceci, malgré la signature de multiples
protocoles officiels.
Projet d’IDE Sud-Coréen au Brésil
 Pour diminuer le cout de produits électroniques
assemblés au
Brésil, un
consortium
d’entreprises brésiliennes réussissent à
convaincre un fabricant de semi-conducteurs
sud-coréen de s’implanter à proximité de
l’assemblable finale  les produits finaux ne
sont plus surtaxés car composés à plus de 50 %
de composants fabriqués localement.
 Implication des autorités locales et choix d’une
localisation sur le parc technologique situé sur
le campus d’une université.
 Un chef de projet est désigné.
 Un projet d’usine vient concrétiser cette phase
devenant ainsi son PPO.
 Le consortium brésilien : disposer de
composants performants et gagner des
marchés.
 Les collectivités locales : localiser de la valeur
ajoutée sur le territoire et assurer une
reconversion économique.
 L’université : s’inscrire dans une dynamique
sociale et économique locale.
 Le gouvernement provincial : capter un IDE.
 Le gouvernement fédéral : augmenter les
transferts de technologie et la production de
connaissance locale.
 Un contrat liant tous les acteurs est signé.
 L’état fédéral promeut une loi sur l’innovation
qui accorde une aide pour un programme de
support technologique.
 Les collectivités locales accordent une réduction
fiscale exceptionnelle
 L’université investit 10 M$ dans le bâtiment et
sera le maître d’ouvrage
 Un partenariat est signé par l’état fédéral et la
Province afin de développer une industrie des
semi-conducteurs
 Création d’un institut de recherche dédié aux
semi-conducteurs par l’université
 Mission conjointe univ-gvt-entreprises en Corée
du Sud afin de partager expériences et
connaissances
 Création d’une école polytechnique et d’un
Master en Ingénierie Electrique afin de former
les futurs cadres et employés
 Création d’un institut de transfert de
technologies pour les semi-conducteurs
Les enjeux actuels de la gestion de projet
92
Mobilisation
Chaire de gestion de projet
 Il n’existe pas de véritable porte-parole qui
facilite les liens entre les acteurs dans un contexte
interculturel, économique et politique très
complexe.
 Les irréversibilités construites par la signature des
différents protocoles permettent la réalisation du
PPO qui pour autant ne crée pas d’emplois.
 Une polémique émerge : les emplois annoncés
par les élus dans le cadre de leur communication
politique ne sont pas au rendez-vous.
 Chacun des acteurs en présence va rester sur ses
positions, et le PPO ne permet pas aux différentes
parties d’atteindre ses objectifs propres.
 Des acteurs non intégrés durant la
problématisation ne vont pas vouloir s’impliquer
 pas de financement pour la formation à la
hauteur des espérances de l’entreprise.
 L’entreprise chinoise doit s’adapter rapidement à
un changement du modèle économique qu’elle
avait initialement prévu  son développement
sur son cœur de métier, les télécommunications,
et la création d'emplois sont alors compromis.
 Le sénateur propose une reformulation de la
problématisation en impliquant l’Etat. Le
nouveau PPO serait : permettre à l’entreprise
chinoise d’accéder aux marchés en France en
l'autorisant à vendre ses dispositifs de cœur de
réseau de télécommunication.
Cahier de recherche
 Partenariat avec le Technoparc de Séoul afin de
promouvoir les échanges avec le Technoparc de
l’université et inciter à l’implantation croisée
d’entreprises
 L’université ouvre un cours de spécialisation sur
l’environnement des affaires fait par des
professionnels brésiliens au sein du cluster
technologique sud-coréen
 5 % du chiffre d’affaire sera investie en R&D
dont 1% dans des contrats de recherche avec
l’université
 L’usine est inaugurée en 2014 par la présidente
du Brésil.
Tableau 2 – Synthèse du processus de traduction pour l’étude de cas multi-sites
4 - Discussion
La compétitivité des territoires ne dépend plus
seulement des ressources traditionnelles (capital,
main-d'œuvre, matières premières …) mais
beaucoup plus de sa dynamique d'innovation. Or,
cette dynamique n'est possible que s’il existe des
réseaux d'acteurs qui, ensemble, peuvent stimuler
les entreprises et le développement des territoires,
des secteurs économiques et donc en conséquence
des pays concernés (Leydesdorff & Etzkowitz, 1996;
Ye, Yu, & Leydesdorff, 2013). Pour autant, il est
classiquement constaté un manque d'interaction
entre les entreprises et les universités. Dans ce
contexte, il est alors nécessaire de souligner
l'importance d’une action coordonnée des
différentes parties prenantes (universités et
laboratoires de recherche, entreprises, institutions
financières, organismes gouvernementaux) avec les
politiques publiques contribuant à une meilleure
capacité de création d’une synergie entre acteurs,
fondée sur connaissance et information,
directement liée à la production industrielle et aux
applications commerciales. Le modèle de la triple
hélice a été créé pour décrire et caractériser les
interactions entre les acteurs (université-industriegouvernement) dans le processus d'innovation et de
développement. La triple hélice suppose que la base
de connaissances et son rôle dans l'innovation
peuvent être expliqués en termes de changements
dans la relation entre les universités, l'industrie et le
gouvernement ; c’est un paradigme alternatif aux
représentations fondées sur la mise en commun de
ressources (cluster) pour le transfert de technologie.
L’interaction entre l'université, l'industrie et le
gouvernement y est vu comme l'interaction entre
les
sphères
économiques,
sociales
et
Les enjeux actuels de la gestion de projet
93
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
institutionnelles, qui influe sur l'élaboration des
politiques ainsi que sur la diffusion des
connaissances et de l'innovation. Au cœur de la
triple hélice se trouve un réseau collaboratif
composé
d'entreprises,
d’entrepreneurs,
d’universités, d’institutions de recherche et
d’organismes gouvernementaux qui visent à
engendrer des connaissances et de l'innovation.
Il apparait clairement que si les conditions d’une
« triple hélice » préexistait dans le projet d’IDE n°1,
le processus de management de l’implantation de
l’entreprise chinoise sur le territoire a produit la
« déconstruction » de celle-ci. A contrario, force est
de constater que « sans le vouloir » les parties
prenantes du projet d’IDE n°2 ont construit un
modèle « triple hélice » sur leur territoire grâce à
l’implantation de l’entreprise sud-coréenne mais
surtout grâce à leur prise de décisions stratégiques
durant le cycle de vie du projet.
5 - Conclusion et perspectives de recherche
Il apparait qu’il est important, sur le long terme,
d’avoir un traducteur neutre politiquement et
capable de gérer les conflits d’intérêts éventuels
entre les acteurs. La présence d’un chef de projet
(un praticien qui a l’expérience du management de
projet d’IDE ainsi que du management
interculturel), en position de neutralité au sens
politique, permet d’éviter la focalisation sur des
objectifs propres (des emplois directs immédiats) et
une communication publique excessive.
Nous suggérons qu’il faudrait un mode particulier de
management public des projets d’IDE. Cette étude
de cas multi-sites apporte quelques éléments pour
analyser les actions produites et les qualifier en
termes d’erreurs commises ainsi que de bonnes
pratiques, et proposer des voies de réflexion
nouvelles. En effet, nous expliquons que, si le
processus de management laisse une impression
d’échec dans les esprits dans le projet n°1, c’est qu’il
n’a pas été piloté par un acteur neutre apte à
résoudre les controverses et les conflits d’intérêts
qui surgissent tout au long de la vie du projet.
S’il n’a pas vocation de généralisation, l’intérêt du
cadre théorique mobilisé est qu'il peut être adapté
pour se transformer en un modèle prescriptif de
gestion d'un projet, ce qui pourrait constituer une
recherche-action très pertinente en accompagnant
le management le projet d’IDE sur les bases des
quatre phases de la sociologie de traduction.
Enfin, le rôle des contrats, protocoles et différentes
conventions signés par les parties prenantes semble
prépondérant pour une gestion performante de ce
type de projet, nous envisageons alors une
continuité de la recherche qui permettrait, après en
avoir
identifié
les
différentes
formes
(psychologique, sociale, normatif, …) de décrypter
les mécanismes d’engagement, ou a contrario de
violation, les changements éventuels (par dérive ou
contractuel) ainsi que les stratégies associés
(Rousseau, Rozario, Jardat, & Pesqueux, 2014) qui
accompagnent les projets d’IDE.
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Olivier COUSSI : Maître de Conférences Associé à
l’Université de Poitiers. Après un Doctorat en
Sciences pour l’Ingénieur (spécialité Mécanique)
obtenu en 1997, il débute sa carrière dans le secteur
privé comme Directeur du Développement d’une
société de valorisation de la recherche et de
transfert de technologie et y manage une équipe de
10 Ingénieur-Docteurs sur des programmes de R&D.
En 2001, il rejoint le secteur parapublic comme
Directeur régional Poitou-Charentes de l’Agence de
Promotion des Investissements dans l’Ouest et
développe alors une expertise en marketing
territorial, ingénierie financière publique et gestion
de projets internationaux. Après 2 ans comme
enseignant à temps partiel, il rejoint l’IAE de Poitiers
à temps plein en 2013. Ses recherches portent sur
l’étude du management public des dispositifs
d’Intelligence Territoria
Pour citer : Coussi, O. (2016, Novembre). Management territorial de projet d’investissements
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Les enjeux actuels de la gestion de projet
95
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Le colloque "enjeux actuels de la gestion de projet" a été l'occasion de présentations et d'échanges tout à fait
intéressant mettant en exergue à la fois la place et les mutations de la gestion de projet dans le monde des
organisations de toute nature et de la manière dont la recherche peut accompagner les transformations à
l'œuvre.
Dans ce bref texte, je souhaite proposer quelques réflexions personnelles sur ce que j'ai pu "lire" lors de ces
débats. Mon propos se veut transcrire une pincée de pensée philosophique, avec un soupçon d'opinion et à
situer les présentations par rapport à ces réflexions succinctes. Commençons donc !
De l'insatisfaction et du mystère
A l'écoute des présentations et discussions, comment ne pas penser au fameux discours inaugural de Ian
Hacking, lors de sa réception comme titulaire la Chaire de Philosophie et Histoire des Concepts Scientifiques au
Collège de France le 16 Janvier 2001. En particulier, et à l'intérieur de son propos sur les styles de raisonnement,
les premiers paragraphes sont pour lui l'occasion de mettre en évidence un point qui me paraît bien refléter un
"non-dit" et un "ressenti" à l'écoute des présentations : je soupçonne que nous ne faisons que transmuter de
veilles questions, mais laissant les points essentiels intacts : "nous pensons que nous avons dépassé nos
ancêtres, alors qu'en fait, nous retravaillons la source de leur insatisfaction de manières nouvelles" (Hacking,
2002, p. 2, ma traduction).
L'insatisfaction est en effet à l'origine du travail des chercheurs depuis la nuit des temps. Commencer ses travaux
en pointant quelque problème, antinomie, perplexité est ainsi la "règle". Aristote lui-même, cher à mon cœur
et à ma pensée, nous dit que la bonne méthode en philosophie implique de noter des contradictions dans les
croyances populaires, ou l'existence de conflits en l'opinion général et celle des sages. Et comme Hacking le fait
remarquer, citant Merleau-Ponty : "le monde et la raison ne sont pas problématiques. Nous pouvons dire, si
nous le souhaitons, qu'ils sont mystérieux, mais c'est ce mystère qui les définit : il ne peut être question de le
dissiper par quelque "solution", car il est présent ici et là dans toutes les solutions" (Merleau-Ponty 1962, p. 20,
cité par Hacking, 2002, p. 2).
Ainsi cette quête du mystère en gestion de projet, à travers des perspectives nouvelles ou "actuelles" (l'actualité
impliquant de fait une forme de nouveauté), peut être mesurée à l'aune de cette réflexion préliminaire, avec
quelques conséquences qui me paraissent importantes : 1) chercher, sous l'apparence de la problématique ce
qui est essentiel : par exemple tel ou tel problème organisationnel peut exister sous des "formes" différentes
sans être "en essence" différentes; 2) avoir pleine conscience du point précédent, le dire et l'écrire : "Nihil novi
sub sole" comme le dit l'Ecclésiaste; 3) une fois ces deux points reconnus, et ses suppositions ou présomptions
élicitées, le chercheur peut alors, en toute humilité, proposer une lecture et interprétation "nouvelle" du
mystère considéré, reconnaissant que sa façon d'appréhender le mystère et de classifier les "phénomènes" de
manière(s) nouvelle(s) – i.e. selon un style de raisonnement – engendre une dynamique de co-transformation
de sa manière d'être et d'agir ainsi que du "problème", ce qu'Hacking nomme "la dynamique de classification"
(Hacking, 2002, p. 12).
Les enjeux actuels de la gestion de projet
96
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Dans les lignes qui suivent, je vais m'essayer à l'art de la classification, c'est-à-dire de lier les thèmes des
présentations qui donnent lieu à des articles dans cette publication et la musardise, toute en pensée, qu'ils ont
suscité.
Disons le tout de gob [sic], ma classification ne recoupe pas l'organisation par thématique proposée. Cela
n'enlève aucun mérite ni à l'une ni à l'autre, et reflète bien la pluralité des ressentis.
Tensions, paradoxes, et ingenium
Les aspects de non-linéarité dans l'adoption des technologies (Romero, BenDavid & de Marcellis-Warin), et
tension d'identité entre temps personnel et temps organisationnel (Delisle) me conduise à exposer quelques
idées.
La reconnaissance de la relation dynamique et transformante entre style de raisonnement, définition de la
problématique, "solutions", être et agir du chercheur trouve un reflet dans la perception de l'environnement
socio-économique comme étant "de plus en plus complexe et incertain". Les interactions entre individus,
organisations, systèmes sociaux, influencées par les technologies de la communication créant une tension entre
temps biologique et temps informationnel, et par les technologies de l'information créant une tension entre le
sens et l'intuition et les quantités de données disponibles et traitées par algorithmes, conduisent à "raisonner"
autrement l'action dans et sur le monde et à reconnaître et prendre en compte une pensée paradoxale.
Face à la complexité et à l'incertitude, d'un côté, les individus, organisations et systèmes sociaux, sont en quête
de maitrise et contrôle, recherchant méthodes, outils et bonnes pratiques, en un mot des "solutions"
permettant une vision linéaire ou, à tout le moins, permettant de calculer et d'élaborer des prévisions du futur;
d'un autre côté, la non-linéarité des systèmes complexes et l'incertitude quant au futur, conduisent à admettre
la vanité de toute prétention à prévoir et / ou contrôler le futur, toute action engendrant temps, irréversibilité,
indétermination et contingence et donc des conséquences ou trajectoires incertaines (Bredillet, 2013, p. 64).
Comprendre les faits organisationnels dans leur richesse et diversité conduit à reconnaître les demandes
contradictoires (ex. plus de contrôle et plus de leadership, plus d'anticipation des résultats financiers et plus de
flexibilité et d'adaptabilité, etc.) et à les prendre en compte de manière itérative et intégrative. Ceci conduit à
justifier des approches prenant en compte une perspective paradoxale (Smith & Lewis, 2011), et des modèles
d'équilibre dynamique pour à la fois étudier, et agir sur, les phénomènes organisationnels.
Je souligne deux implications de ce mode pensée paradoxale : d'une part l'importance de l'intégration entre
compréhension, interprétation ET moment de l'action en situation (Gadamer, 1975, p. 273-274 ; Warry, 1992,
p. 156); d'autre part comme relevé par G.B Vico, dès 1708, se rappeler que "l'intelligence de la raison ne se
réduit pas à la seule analyse déductive, intelligence de la raison qu'il appelle "l'ingénium", cette "faculté mentale
qui permet de relier de façon rapide, appropriée et heureuse des choses séparées"". (Le Moigne, 1995, p. 17).
Les approches mixtes, intégrant dimensions qualitatives et quantitatives paraissent particulièrement adaptées
pour accommoder perspective paradoxale et ingenium.
Vision systémique : modéliser pour comprendre
La prise en compte des parties prenantes (Romero & Leclerc; Lebraty, Lobre & Loufrani-Fedida), des acteurs
(Coussi), l'influence mutuelle en management des risques d'un portefeuille de projets et les risques
organisationnels (Costa, Aubry & Ben Abdallah), la modélisation de la complexité socio-organisationnelle
(Boigey), sont des thèmes qui nous invite à porter un regard systémique sur les organisations en général,
incluant ainsi individus, organisations, systèmes sociaux et leurs interactions.
Considérer complexité et patterns (i.e. "essence"), réflexivité et co-transformation, pratiques socio-matérielles
(interaction indissociable "humain" / "technologie"), intégration et paradoxe, ingenium, conduit à changer de
manière d'envisager les interactions entre concepts et leurs liens causaux (les fameuses représentations en
Les enjeux actuels de la gestion de projet
97
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
boites et flèches des études de variance). Ici, nous suggérons de prêter attention aux "flèches" de nos modèles,
c'est-à-dire aux interactions, évènements, processus, activités, les "boites" devenant alors des "états" en
transformation (Langley et al, 2013, p. 8). Par ailleurs, et en cohérence avec les considérations sur la complexité
et l'incertitude évoquées plus haut, l'élaboration de modèles de systèmes a pour objet de construire de sens,
de débattre et de comprendre, et non de prédire (Le Moigne, 2003).
Dans cette ligne d'arguments, illustrée à titre d'exemple par le développement actuel du "practice-turn"
reconnaissant l'influence de l'action individuelle en interaction avec les aspects organisationnels et
institutionnels (Rouleau, 2013; Sandberg & Tsoukas, 2011), étudier (et agir sur) les interactions pratiques,
routines, processus, capacités, structures, systèmes, changements et transformations requiert un appareillage
conceptuel et théorique idoine. C'est également ce qu'offre Niklas Luhmann, avec sa théorie des systèmes
sociaux, prenant comme unité élémentaire la communication et sa reproduction. Luhmann montre comment
des systèmes organisationnels fondés sur le principe de distinction (par codes de communication différents, par
exemple le système des chercheurs et des praticiens) et de reproduction (autoréférence, autopoiesis)
(Luhmann, 2006; Seidl & Becker, 2006) sont en interaction, i.e. couplage dit "structurel" en particulier via les
discours et le langage partagé même ces discours ne constituent pas un sens partagé par les systèmes distincts
– notion d'"incompréhension productive" (Seidl, 2007, p. 210), malgré leur "fermeture opérationnelle"
(Luhmann, 1992). Par exemple, un discours sur la gouvernance, partageant les mêmes mots, aura un sens
différent pour le système "académique", le système "organisationnel économique", et le système "consultant",
chacun de ces systèmes ayant un code de communication propre (par ex. "vrai/faux"; "revenus/dépenses";
"profitable/non-profitable").
Les pratiques socio-matérielles
Les articles traitant des pratiques de leadership partagé (Bonneau), les pratiques de gouvernance et l'aspect
performatif (Brunet & Aubry), les approches et pratiques "lean" (Plouffe & Nabelsi; Leclerc & Nabelsi), les
méthodologies "agiles" (Petit & Hobbs) touchent à la problématique générale de mise en évidence de bonnes
pratiques et des pratiques socio-matérielles.
La recherche de bonnes pratiques, permettant d'atteindre un niveau de performance satisfaisant, sinon optimal,
est un enjeu permanent en gestion de projet, comme ailleurs, ce malgré le papier fondamental de March et
Sutton (1997), ces auteurs démontrant que la recherche unique de facteurs causaux ou variables indépendantes
influençant la performance organisationnelle comme variable dépendante, est une quête vaine.
Toutefois, et à la lumière de nos propos précédents, étudier et élaborer des "bonnes pratiques", au sens élargi
de pratiques socio-matérielles (lors du colloque, la présentation de Sergi et Aubry "La gestion des bénéfices vue
comme une pratique performative : repères théoriques et méthodologiques" du 12 mai 2016 était éloquente à
cet égard), prenant en compte l'interaction indissociable entre les dimensions "humaines" et "technologiques"
(ou artefactuelles et discursives), des aspects quantitatifs et qualitatifs, etc. fait sens .
Une conséquence de la conscience du paradoxe entre contrôle et prédictivité d'une part, et pratiques pour
influencer l'évolution d'un système et prise en compte de la variété requise est que les bonnes pratiques sont
de plus à considérer comme flexibles et adaptatives (French, 2013; Kurtz & Snowden, 2003), favorisant
l'implication des acteurs des systèmes organisationnels et sociaux à la fois en terme d'ingenium mais quant à la
prise ne compte d'un écosystème de discours favorable au couplage structurelle entre ces systèmes (Seidl,
2006).
Un exemple de cette évolution des bonnes pratiques est le développement des méthodes dites "agile"
combinant à la fois un processus normatif global et l'adaptabilité aux situations. Ou dans les différentes
approches liant caractérisations de la complexité des projets, et alignement avec le choix de modalités de
gouvernance et des pratiques de management de projets (ex. IPA, 2016; NAO, 2013).
En guise de conclusion : le paradoxe des enjeux actuels
Les enjeux actuels de la gestion de projet
98
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
Gageons que la recherche toujours renouvelée de réponses aux sources d'insatisfaction et aux enjeux actuels,
expression qui porte paradoxalement en soi à la fois un sens de changement et de permanence, permette d'aller
au-delà du voile des mystères, reconnaissant les points essentiels des "vieilles questions", plutôt que de s'arrêter
au manteau d'apparat, l'actualité, dont ils se drapent.
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Les enjeux actuels de la gestion de projet
100
Chaire de gestion de projet
Cahier de recherche
L’objectif de ce Cahier est d’offrir à la communauté de chercheurs en gestion de projet un moment de recul
pour prendre connaissance des intérêts de recherche des collègues et de se laisser inspirer, peut-être. On peut
constater que les sujets abordés sont variés et que certains n’hésitent pas à ouvrir de nouveaux chantiers.
D’autres, au contraire, font évoluer des pratiques dans de nouveaux contextes. Les appuis théoriques des
articles sont solides et font appel à des fondements dynamiques. Bref, on peut dire qu’avec les articles de ce
cahier, nous avons un bon échantillon de la richesse du champ de la gestion de projet.
Ce qui est le plus important, je crois, c’est de contribuer à l’enrichissement scientifique dans le domaine de la
gestion de projet.
En terminant, je tiens à remercier les participants au colloque et les auteurs des articles de ce cahier. Aussi,
rien de tout cela n’aurait été possible sans l’aide et le support immense d’Hicham Rahali. Il a assuré une
excellente coordination et du colloque et du Cahier. Tous nos remerciements à la Chaire de gestion de projet,
sa titulaire et ses partenaires, pour leur appui inconditionnel.
Le comité scientifique du colloque :
Monique Aubry, Ph. D.
Professeure, Département Management et
technologie, ESG UQAM
Téléphone : (514) 987-3000 poste 4658
Courriel : [email protected]
Hélène Vidot-Delerue
Professeure, Département Management et
technologie, ESG UQAM
Téléphone : (514) 987-3000 poste 1583
Courriel : [email protected]
Christophe Bredillet, Ph.D, D.Sc.
Professeur, Département Management, École de
gestion UQTR
Directeur du comité conjoint réseau des
programmes de 2e cycle en gestion de projet,
Université du Québec
Téléphone : +1 (819) 701-2835
Courriel : [email protected]
Lavagnon Ika, Ph. D.
Professeur
École de gestion Telfer, Université d’Ottawa
Courriel : [email protected]
Ewan Oiry, Ph. D.
Professeur, Département d’organisation et
ressources humaines, ESG UQAM
Téléphone : (514) 987-3000 poste 3362
Courriel : [email protected]
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