Le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite

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Le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite
R E V U E
D E
G E S T I O N
Le retrait
préventif
DE LA
T R AVA I L L E U S E
ENCEINTE
OU QUI
ALLAITE
D E
L A
S A N T É - S É C U R I T É
Vol. 16 n° 2 • avril 2000
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Le retrait
préventif
DE LA
T R AVA I L L E U S E
ENCEINTE
OU QUI
ALLAITE
Convergence est publiée
quatre fois par année par
le Centre patronal de santé
et sécurité du travail du Québec.
Ce numéro a été tiré
à 30 000 exemplaires.
Cette revue est rédigée par
les conseillers du Centre patronal.
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N. B. : La forme masculine
utilisée dans cette revue désigne,
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du travail du Québec
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S o m m a i r e
Vol. 16 n° 2 • avril 2000
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Pour une maternité sans danger : entre le rêve et la réalité
5
Est-ce réellement ou virtuellement dangereux ?
6
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PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE
Denise Turenne
COORDINATION
Pascale Correïa
RÉDACTEURS
Josette Boulé
Denyse Brodeur
André Cardinal
Francine Gauvin
Michel Lacombe
Isabelle Lessard
Sylvie Mallette
Diane Rochon
Maryline Rosan
Claudette Sicard
Michel Watkins
ILLUSTRATIONS
Jacques Goldstyn
CONCEPTION GRAPHIQUE
Folio et Garetti
IMPRESSION
Impression BT
Dépôt légal
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISSN 0829-1314
ÉDITORIAL
Félicitations !
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Future maman au travail et enfant à naître :
que sait-on des dangers et des risques ?
Comment est gérée l’affectation de la travailleuse enceinte
à la CSST ?
Gérer, sans surprises, le programme Pour une maternité
sans danger (PMSD)
L’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite.
Inconvénients ou avantages pour l’employeur ?
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Pour une maternité bien indemnisée !
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Quand le tribunal doit trancher
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Que font les médecins ?
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Informations juridiques
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À propos du Centre patronal
EDITORIAL
FÉLICITATIONS !
« Félicitations ! » Pour l’instant, c’est
tout ce que vous trouvez à dire à votre
employée. Radieuse, le regard étincelant,
elle vient tout juste de vous faire part
d’un événement qui va marquer sa vie
à tout jamais. Elle est enceinte.
Dans les faits, les bouleversements
commenceront bien avant la naissance
dans quelques mois du joli poupon.
D’ailleurs, votre employée porte déjà à
votre attention des conditions de travail
qui comportent un danger pour son
enfant. Elle ne veut prendre aucun
risque, son médecin non plus, et
il en va de même pour vous, bien
évidemment...
Pour justement permettre une maternité
sans danger, le législateur a intégré
dans la Loi sur la santé et la sécurité du
travail, le droit au retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite. Les
entreprises employant majoritairement
des femmes ont l’habitude de recevoir
des demandes de réaffectation ou de
retrait préventif de la part de leurs
employées enceintes ou qui allaitent.
D’autres en sont à leurs premières
expériences en cette matière, probablement dans des secteurs d’activités où
peu de femmes travaillent. Enfin, la
présence accrue des femmes dans les
métiers non traditionnels est, pour
nombre d’employeurs, une nouvelle
réalité à apprivoiser.
dans un deuxième temps, si on peut
les contrôler ou les éliminer pour
maintenir l’employée en emploi, sans
l’exposer à des dangers nuisibles à sa
grossesse ou à l’enfant à naître.
Dans des entreprises où l’on a apporté
des changements en de telles circonstances, ce ne sont pas seulement les
travailleuses enceintes qui en ont
bénéficié mais tout le milieu de travail.
D’autres avantages du maintien en
emploi sont sans équivoque : l’employeur
peut continuer de bénéficier de tout ce
que l’employée peut apporter en
matière d’expérience et d’expertise et la
CSST n’a pas à lui verser d’indemnités.
Eh oui, puisqu’il faut bien parler d’argent,
disons que les coûts relatifs au programme Pour une maternité sans danger
de la CSST ne peuvent passer inaperçus
puisqu’ils augmentent au fil des ans
jusqu’à prendre des proportions
inquiétantes.
Le droit au retrait préventif de la
travailleuse enceinte ou qui allaite a
20 ans ! Le moment n’est-il pas
propice pour vous renseigner sur le
sujet – en lisant Convergence – et au
besoin, trouver des pistes de solutions
intéressantes pour votre milieu de
travail ? Vous, aussi, serez félicité
pour votre dernier-né : votre beau
programme !
Quoi qu’il en soit, la gestion des
demandes de retrait préventif peut
parfois, pour toutes sortes de raisons,
poser des difficultés. Il peut alors s’avérer
tentant d’opter pour une forme de
laisser-faire en retirant simplement la
travailleuse du milieu de travail. En
effet, une démarche rigoureuse exige
d’abord une bonne évaluation des
risques réels présents afin de voir,
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CONVERGENCE avril 2000
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POUR UNE MATERNITÉ SANS DANGER :
ENTRE LE RÊVE ET LA RÉALITÉ !
C’est en 1981 que la CSST mettait en application un programme à tout le
moins innovateur visant à assurer aux futures mamans en emploi une maternité sans danger : le Retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite
(RPTEA). À l’aube de ses 20 ans d’existence, qu’en est-il de ce programme ?
Car il n’est pas arrivé à l’âge adulte sans soubresauts... Un peu normal pour
une mesure qui, pour les uns, a un caractère plus social de congé de maternité financé par les employeurs, et qui, pour les autres, se veut un moyen de
prévention et d’élimination des dangers que peuvent présenter certaines conditions de travail pour l’employée enceinte.
De l’intention législative
à son application
C’est la Loi sur la santé et la sécurité du
travail (LSST) qui précise, aux articles
40 à 48, ce droit pour la travailleuse
enceinte : celui de demander d’être affectée à des tâches exemptes de dangers
et qu’elle est raisonnablement en mesure
d’accomplir, lorsqu’il est démontré que
le travail comporte effectivement des
dangers physiques nuisibles à la grossesse, à l’enfant à naître ou allaité.
Ce droit, lorsqu’il est né, visait un nombre
somme toute restreint de travailleuses,
c’est-à-dire celles qui exerçaient des
métiers comportant des dangers de
nature chimique ou biologique. La réalité cependant nous révèle un tout autre
portrait. En 1998, 10 % seulement des
demandes de retrait concernaient des
risques chimiques et biologiques et 40 %
des risques ergonomiques. On est loin
de la clientèle cible visée à l’origine !
Aussi, le législateur a reconnu ce droit
d’abord et avant tout dans une optique
de prévention visant le maintien en
emploi des travailleuses enceintes. En
effet, dans l’esprit de la loi, le retrait du
milieu de travail devrait être la solution
à envisager seulement lorsqu’il s’avère
impossible d’éliminer les dangers, soit à
la source, soit en modifiant la tâche, en
adaptant le poste de travail ou en assignant l’employée à d’autres tâches.
Dans les faits cependant, ce n’est pas ce
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qui s’est passé, puisque la très grande
majorité des femmes qui ont fait une
demande dans le cadre de ce programme ont été retirées de leur milieu
de travail.
Une mesure
de moins en moins unique
Jusqu’à tout récemment, le Québec
était seul en Amérique du Nord à avoir
inscrit dans sa législation en santé-sécurité des dispositions spécifiquement
axées sur la protection des travailleuses
enceintes. Mais voilà que le projet de loi
C-12 prévoit des amendements à la
Partie II du Code canadien du travail : il
stipule notamment que les femmes qui
croient que leur milieu de travail
présente un danger pour le fœtus
qu’elles portent ont le droit, sur présentation d’un certificat médical, d’être
assignées à d’autres tâches, sans perte
de salaire ni autres avantages (comme
c’est le cas au Québec d’ailleurs).
Des chiffres à tout le moins
inflationnistes !
En 1981, la CSST a reçu 1 241 demandes
de retrait préventif. Ce chiffre a grimpé
à 10 753 en 1985 pour atteindre un
plateau se situant autour de 20 000 en
1990, plateau qui s’est à peu près maintenu jusqu’en 1998. C’est donc environ
40 % de l’ensemble des employées
enceintes qui se prévalent du retrait
préventif. Qui plus est, les données
préliminaires de la CSST pour 1999 lais-
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sent entrevoir une autre poussée inflationniste ! Les femmes ont-elles été si
nombreuses à vouloir mettre au monde
le premier bébé du millénaire, ou est-ce
plutôt une tendance qui s’installe ? Cela
sera à voir.
Bien sûr, les montants totaux versés aux
travailleuses ayant bénéficié d’un retrait
ont suivi sensiblement la même courbe :
de 2,6 M$ qu’ils étaient en 1981, ils ont
atteint la barre des 70 M$ en 1990, et
celle des 92 M$ en 1998. Aucune tendance à la baisse sous le soleil, bien au
contraire, puisque, selon les données
financières de la CSST, le coût des
retraits préventifs de 1999 est estimé à...
101,9 M$ !
Et qui paie pour ça ? Chaque employeur du Québec (à l’exception des
entreprises de juridiction fédérale, dont
les employées ne peuvent bénéficier du
RPTEA) cotise à la CSST, à un taux uniforme, pour ce programme maintenant
intitulé Pour une maternité sans danger.
En 1981, ce taux était de 1 ¢ par tranche
de 100 $ de masse salariale assurable. Il
se situe en 2000 à... 13 ¢ !
Est-il possible de mieux contrôler les
coûts de ce programme ? Il existe une
clé : le maintien en emploi de vos
employées enceintes. L’affectation constitue un moyen d’y parvenir.
EST-CE RÉELLEMENT OU VIRTUELLEMENT
DANGEREUX ?
Non, non... il ne s’agit pas ici d’une question touchant l’Internet, mais bien de
l’interprétation que les tribunaux font du mot danger dans le contexte d’un
retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Selon l’article 40 de
la LSST, pour bénéficier du retrait préventif, le travail de votre employée
(enceinte ou qui allaite) doit nécessairement comporter un danger pour elle,
l’enfant à naître ou l’enfant qu’elle allaite. Mais il semble que les tribunaux ne
s’entendent pas toujours sur la définition du mot danger. Ils opposent deux
théories : la théorie du risque zéro (ou virtuel) et la théorie du risque réel (ou
non virtuel). Est-il si étonnant que le gestionnaire fasse parfois face à deux
décisions contradictoires pour deux causes similaires ?
1. La notion de
danger et de
risque ne semble
pas la même selon
que l’on parle aux
juristes ou aux
préventionnistes.
Voir article intitulé
Future maman
au travail et
enfant à naître :
que sait-on
des dangers et
des risques ?
2. Pour une
excellente analyse
de l’évolution de
la notion de
danger, lire :
BERTRAND,
Anne-Marie.
« La maternité
sans danger :
évolution de la
notion de danger »,
Développements
récents en droit
de la santé et
sécurité du travail,
Les Éditions Yvon
Blais inc., 1996,
p. 33 à 81.
3. Hôpital
Jean-Talon
et Lauzon,
DTE 95T-1310
4. Desharnais et
Centre hospitalier
de l’Amiante,
C.A.L.P.
22626-03-9010,
28-06-91,
M. Renaud,
commissaire.
Danger ou risque ?
Dans la Loi sur la santé et sécurité du travail, le législateur emploie parfois le terme
« danger » et parfois le terme « risque ».
Nulle part dans la loi, ces termes ne
sont définis. Pour bénéficier du retrait
préventif, le législateur nous dit que la
travailleuse doit être en présence d’un
danger. Pour certains tribunaux, si le
législateur utilise le terme danger plutôt
que risque en parlant du retrait préventif,
c’est parce qu’il y a une distinction qui
mérite d’être faite1.
Il ressort de cette distinction que les termes risque et danger sont deux notions
se situant à des degrés différents. Le
concept de risque suppose la possibilité,
la crainte ou l’appréhension d’un danger,
alors que le terme danger ne peut être
fondé sur une simple possibilité et requiert
que la personne soit réellement exposée
au danger de contracter une maladie professionnelle ou subir un accident. Pour
illustrer la nuance, l’auteure Anne-Marie
Bertrand2 nous donne l’exemple suivant : « Rouler en voiture sur l’autoroute
20 à 140 km/h est un risque » alors
que « Rouler en voiture sur l’autoroute
20 à 140 km/h alors que les freins sont
défectueux est un danger ».
La théorie du risque zéro
(virtuel) comparée à la théorie
du risque réel (non virtuel)
La distinction établie entre un risque et
un danger par les tribunaux a donné
naissance à deux écoles de pensées : 1)
ceux qui prônent la théorie du risque
zéro et qui assimilent le risque au danger ; 2) ceux qui prônent la théorie du
risque réel ou non virtuel et qui font la
distinction entre un risque et un danger.
La théorie du risque zéro impose donc
un lourd fardeau à l’employeur. Appliquée de manière stricte, la théorie du
risque zéro exigerait l’élimination complète du danger par l’employeur à défaut
de quoi, le retrait préventif serait accordé.
Cette approche pourrait même conduire au raisonnement : « Qu’arriverait-il si... ? » C’est ainsi que, dans l’affaire Hôpital Jean Talon et Lauzon3, la
commissaire Giroux a accordé le retrait
préventif à une infirmière qui avait à
traiter un patient séropositif, bien qu’elle
reconnaissait que le risque de séroconversion soit très faible. Pour les tenants
de la théorie du risque zéro, l’employeur
doit donc démontrer l’inexistence de
tout risque.
5. Blais et
Ministère de
l’Énergie et des
Ressources,
(1990) C.A.L.P.
940.
6. Précité note 1
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La théorie du risque réel et non virtuel,
quant à elle, exige de la part de la travailleuse une preuve prépondérante à
l’effet qu’elle est en présence d’un danger réel, par opposition à une vague
inquiétude ou la simple possibilité d’un
danger. C’est ainsi qu’une technicienne
en radiologie s’est vu refuser un arrêt
de travail, car le commissaire Renaud a
jugé que l’affectation proposée par
l’employeur la protégeait contre toute
exposition pouvant nuire à sa santé ou
celle de l’enfant à naître, puisque la travailleuse était retirée de la salle d’opération et n’avait aucune intervention à
faire en fluoroscopie4.
Soyons logiques !!!
Aucun employeur sérieux ne conteste
le bien-fondé du retrait préventif de la
travailleuse enceinte. Mais la théorie du
risque zéro traduit une logique très
fragile. Il est en effet impossible de faire
disparaître totalement le risque. L’inexistence du danger dans ce domaine ne se
prouve jamais, et une telle exigence ne
peut conduire qu’à l’absurde5.
Comme le précise Me Bertrand,6 le but
de la loi n’est pas de retirer la travailleuse du marché du travail, mais
bien de lui permettre de travailler
dans un contexte favorable pour sa
grossesse. Lorsque le législateur parle
de danger physique et non de risque, ce
n’est pas par pure coïncidence ! Le danger doit être réel et non virtuel. Adopter
un raisonnement contraire à celui-ci
compromettrait la viabilité du programme Pour une maternité sans danger. Et
personne n’en sortirait gagnant !
5
FUTURE MAMAN AU TRAVAIL ET ENFANT À NAÎTRE :
QUE SAIT-ON
DES DANGERS ET DES RISQUES ?
À quel moment les conditions de travail présentent-elles des dangers pour la
femme enceinte, l’enfant à naître ou l’enfant allaité ? Peut-on parler de risque
« acceptable » ? Ces questions sont au cœur même d’un débat portant sur
l’interprétation et la perception du risque... perception qui varie souvent selon
qu’il s’agisse de la personne exposée, la personne qui évalue le risque ou celle
qui a la responsabilité de le contrôler.
Risques : avant la conception,
pendant la grossesse et après...
Depuis quelques années, l’information
scientifique sur les dangers pour la
reproduction s’est enrichie et elle distingue trois aspects différents : effets sur la
fertilité, effets sur le développement de
l’embryon et, enfin, ceux liés à l’allaitement.
L’enfant à naître peut se trouver affecté
bien avant sa conception, quand la fertilité des parents est mise en cause.
Ainsi, l’exposition à certains agents
mutagènes peut affecter le système
reproducteur aussi bien de l’homme
que de la femme. Conséquemment, il
est important d’avoir une approche plus
globale en prévention afin d’inclure les
risques pour la reproduction et non pas
seulement se limiter à la période de la
grossesse.
Au cours de la croissance de l’embryon
puis du fœtus, les différents organes se
développent à différents stades, correspondant à des périodes de sensibilité
différentes à certains agents toxiques.
De façon générale, l’effet pathogène de
ces agents toxiques s’exerce surtout au
cours du premier trimestre de la grossesse avec les conséquences suivantes :
risque de malformation congénitale et
risque d’avortement spontané. Les risques liés à certaines conditions de travail,
comme la station debout prolongée,
ont plutôt des conséquences en fin de
grossesse et peuvent occasionner entre
autres des naissances avant terme.
Des facteurs de risques subsistent également après la naissance, pour l’enfant
allaité. En effet, plusieurs substances,
6
comme certains composés du plomb,
sont susceptibles de passer dans le lait
maternel et ainsi occasionner des intoxications pour l’enfant lors de l’allaitement.
RISQUES CHIMIQUES
Définir le danger
et la notion du risque
Il est souvent difficile d’évaluer les risques.
Il y a d’abord désaccord quant au niveau
de risque qui permet de dire si une situation est acceptable ou sécuritaire. Il y a
divergences d’opinions médicales quant
à la notion de risque acceptable. Également, les décisions concernant les risques
sont souvent influencées par la façon
dont notre société perçoit le risque. On
n’a qu’à penser à la conduite automobile ou à la cigarette. Conséquemment,
l’évaluation des risques repose sur une
combinaison de données scientifiques,
de jugements de valeur et de gros bon
sens.
Mais, du point de vue scientifique, comment définit-on le mot danger et qu’estce que le risque ? Le danger et le risque
sont deux concepts qui diffèrent sur
plusieurs points. Ainsi, on peut définir le
danger comme le potentiel que possèdent une substance, un organisme ou
une situation de causer du tort. Par
exemple, le feu est un danger car il a le
potentiel de causer des brûlures.
Toutefois, ce n’est pas parce qu’une
substance présente un danger qu’il y a
nécessairement un risque. S’il n’y a personne à proximité du feu, c’est-à-dire si
personne n’est exposé, le risque associé
au feu est donc très bas. Le risque, c’est
donc la probabilité qu’un effet néfaste
survienne lorsqu’il y a exposition à un
danger.
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CONVERGENCE avril 2000
Facteurs de risques
Regardons de plus près les principaux
facteurs de risques à la grossesse.
L’exposition de la travailleuse enceinte
ou qui allaite à certaines substances
chimiques peut constituer un risque
pour elle ou l’enfant à naître. Il n’est pas
possible dans cet article de dresser une
liste exhaustive de toutes les substances
chimiques toxiques pour la reproduction. Cependant, certaines substances
peuvent être retenues avec plus de certitude, soit en raison d’arguments cliniques, soit du fait d’observations tirées
de l’expérimentation animale ou d’études épidémiologiques. Il s’agit essentiellement des solvants organiques tels
le benzène, le toluène, le perchloroéthylène ; des métaux et métalloïdes tels
le plomb, le mercure, l’arsenic ; et, enfin,
certains pesticides comme l’aldrine et le
dieldrine. Toutefois, il est à noter que la
seule présence de ces agresseurs chimiques à un poste de travail ne signifie
pas qu’il y a un risque... Celui-ci doit
être évalué en fonction des conditions
d‘exposition (doses, fréquence) ainsi
que des mesures de prévention mises
en place dans l’entreprise.
Pour plus d’information, il est suggéré de
lire les fiches toxicologiques et de consulter le répertoire toxicologique de la CSST.
Les secteurs d’activités à risques sont : travail de laboratoire, cabinets de dentistes,
raffineries, industries chimiques, pharmaceutiques, plastiques, métal, caoutchouc,
buanderies et nettoyage à sec, etc.
PETIT LEXIQUE
Mutagène : agent physique ou
chimique capable de provoquer des changements génétiques ou des mutations.
Tératogène : agent qui a la
capacité de produire des
malformations congénitales.
Mortinaissance : fœtus mortné de 500 g et plus.
RISQUES BIOLOGIQUES
Il s’agit ici d’exposition à des agresseurs
biologiques (bactéries, virus, micro-organismes, parasites) pouvant affecter l’enfant à naître ou s’avérer un danger pour
la travailleuse enceinte. Les principaux
agents infectieux en cause sont le parvovirus B-19 (5e maladie), la varicelle, la
rougeole, la rubéole, les oreillons, la
coqueluche, l’hépatite B et C, le VIH qui
peuvent être à l’origine de malformations congénitales et d’avortements
spontanés en l’absence d’immunité de
la mère. Les principaux milieux à risques
demeurent les garderies, les établissements scolaires, le milieu hospitalier, les
cliniques vétérinaires ainsi que les laboratoires.
RISQUES PHYSIQUES
Danger d’exposition à des phénomènes
d’ordre physique tels les radiations ionisantes, le bruit, les vibrations, les champs
électromagnétiques émis par les écrans
de visualisation, etc. Ces agresseurs se
retrouvent surtout auprès de la clientèle
travaillant en laboratoires, dans les cabinets dentaires, etc. Certains de ces
risques, telles les radiations ionisantes,
sont connus pour leur pouvoir tératogène. Toutefois, en ce qui concerne
l’exposition aux rayonnements émis par
les écrans de visualisation, celle-ci ne
constitue pas un danger durant la grossesse selon le sous-comité provincial sur
le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite.
RISQUES ERGONOMIQUES
Contraintes ergonomiques entraînant des
dangers pour la travailleuse enceinte et
qui souvent peuvent être éliminées de
la tâche : station debout ou assise prolongée, torsion et flexion répétées, soulèvement de charges lourdes, etc. Des
risques d’avortements spontanés, de
naissance avant terme et de mortinaissance leur sont associés. Ces contraintes
ergonomiques sont souvent invoquées
par les travailleuses œuvrant dans les
secteurs de la santé, l’habillement, les
services de garde et l’enseignement, le
commerce, etc.
RISQUES À LA SÉCURITÉ
Tout traumatisme direct ou indirect d’une
amplitude telle qu’il pourrait compromettre l’issue de la grossesse tel que les
coups à l’abdomen et les agressions
physiques sont considérés comme des
risques à la sécurité. Les professions à
risques sont, entre autres, les travailleuses
de la santé (centre de réadaptation pour
handicapés mentaux), les agentes de
services correctionnels, les gardiennes
de sécurité et policières ainsi que les
conductrices d’autobus.
En matière de prévention
La prévention devrait donc commencer
très tôt. Très souvent, elle débute lors de
la déclaration de la grossesse de la
femme enceinte, ce qui est parfois trop
tard. Car s’il est toujours possible d’agir
sur la charge physique de travail lorsque
la femme enceinte annonce tardivement
sa grossesse, dans le cas d’exposition à
des substances chimiques tératogènes,
c’est très tôt qu’il faut évaluer le risque
et prendre des mesures préventives.
L’employeur doit agir avant que le certificat visant l’affectation ou le retrait préventif n’arrive sur son bureau. Comment ?
En étant proactif, en instaurant une
démarche de prévention qui consiste à
évaluer a priori les risques en entreprise.
Cette démarche permet d’intervenir sur
la maîtrise des risques et de gérer efficacement en dehors de tout contexte
d’urgence. Les grandes étapes consistent à :
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CONVERGENCE avril 2000
• définir les facteurs de risques reliés à
l’environnement ambiant (solvants,
métaux, bruit, radiations, etc.) et à
l’exécution des tâches (horaires, posture, cadences de travail) ;
• évaluer la durée et le niveau d’exposition ;
• procéder à une évaluation globale du
risque en tenant compte des incertitudes quant à la connaissance du danger, du niveau d’exposition, de l’ampleur et de la probabilité du risque ;
• proposer des correctifs et promouvoir
l’élimination du danger ;
• former et informer le personnel.
Des exemples de solutions à apporter ?
Remplacer un solvant toxique par un
produit non nocif tout aussi efficace ;
améliorer la ventilation afin d’éliminer
l’émanation de contaminants ; modifier
les horaires de travail...
Conclusion
Est-ce utopique de parler d’une démarche d’analyse du risque pour la travailleuse enceinte ?
L’interprétation du risque « acceptable »
soulève encore des débats animés car le
manque de preuves scientifiques sur
certains risques entraîne des attitudes
préventives qui sont complètement
opposées parmi les professionnels de la
santé qui doivent jongler entre le
principe de prudence et celui de
l’équité.
Il est à souhaiter que l’avenir sera porteur d’une harmonisation au niveau des
pratiques médicales afin que maternité
ne soit pas synonyme d’arrêt de travail
systématique, mais plutôt que connaissance d’un risque égale mise en place
d’une prévention primaire.
7
COMMENT EST GÉRÉE L’AFFECTATION DE LA
TRAVAILLEUSE ENCEINTE
À LA CSST ?
Lorsque l’agent d’indemnisation de la CSST reçoit une copie du Certificat visant
le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite, le
processus du programme Pour une maternité sans danger (PMSD) est déjà
enclenché depuis un bon moment. L’employée a demandé à son médecin traitant de remplir le certificat. Celui-ci, après avoir consulté le médecin du CLSC –
on utilise souvent également la terminologie « médecin de la Direction de la
santé publique » –, a émis le certificat recommandant soit une affectation
(immédiate ou non) soit l’arrêt de travail. L’employée a ensuite remis son certificat à son employeur, tandis que le médecin traitant en envoie une copie à la
CSST. À ce moment, que l’employée soit encore au travail ou non, l’agent de la
CSST doit néanmoins se prononcer sur le droit au programme. Voyons plus particulièrement sur quels aspects l’agent d’indemnisation se prononcera et quels
sont les mécanismes mis en place en cas de litige dans un dossier.
1. L’admissibilité
Dès qu’il est informé que l’employée est
retirée du travail, l’agent d’indemnisation doit rendre une décision en trois
volets :
A - l’admissibilité de l’employée
au programme ;
B - la validité du certificat ;
C - le droit à l’indemnisation,
à défaut d’une affectation.
Regardons un à un ces trois volets.
A - L’admissibilité de l’employée
au programme
Pour déterminer l’admissibilité, l’agent
d’indemnisation doit se référer à la définition large de travailleur telle que
déterminée à l’article 11 de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail. Ainsi, la
notion de travailleur inclut, pour l’application du programme Pour une maternité sans danger, une personne qui exécute un travail pour un employeur (une
travailleuse), une personne qui représente l’employeur dans ses relations
avec les travailleurs (ex. : une gérante,
une contremaîtresse) ainsi qu’une
administratrice ou une officière de corporation. Il est important de noter que
les administrateurs ou les officiers, bien
qu’ils ne soient pas couverts par la Loi
sur les accidents de travail et les maladies
professionnelles, sauf s’ils souscrivent à
une protection personnelle, peuvent
8
bénéficier du programme Pour une
maternité sans danger et de l’indemnisation qui s’y rattache, même en l’absence de protection personnelle.
Toutefois, les personnes suivantes sont
exclues du programme :
• l’artisane dont l’entreprise n’est pas
incorporée ;
• la domestique ;
• l’employée travaillant dans une entreprise de juridiction fédérale ;
• la travailleuse bénévole ;
• l’étudiante en stage.
B - La validité du certificat
Pour que l’employée ait droit au programme Pour une maternité sans danger, l’agent d’indemnisation de la CSST
doit vérifier la validité du certificat, c’està-dire qu’il doit vérifier que le médecin
du CLSC a été consulté, que le certificat
a été remis à l’employeur et que les
opinions des médecins concordent.
1. Si les opinions médicales concordent quant à la dangerosité du travail,
la CSST confirmera l’opinion des
médecins. En effet, le certificat précise la
nature des dangers auxquels est
soumise l’employée, tels que déterminés par le médecin du CLSC. Par la
suite, le médecin traitant confirmera
généralement la nature des dangers. Il
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CONVERGENCE avril 2000
pourra toutefois adapter ses recommandations en considérant la condition personnelle de l’employée (ex. : si l’employée
attend des jumeaux, le risque ergonomique est présent plus tôt durant la
grossesse).
2. Si les opinions médicales divergent, le médecin régional de la CSST
tentera d’obtenir de l’information additionnelle de chacun des médecins et
fera une recommandation à l’agent
d’indemnisation quant à la décision à
prendre.
C - Le droit à l’indemnisation à
défaut d’une affectation
La CSST doit finalement rendre une
décision sur le droit à l’indemnisation.
Après avoir rendu une décision confirmant que les conditions de travail comportent des dangers pour l’employée
et/ou l’enfant à naître, la CSST communique avec l’employeur pour vérifier s’il
y a possibilité d’affectation immédiate
ou ultérieure. Si la modification de la
tâche ou l’affectation à un autre poste
s’avère impossible, l’employée aura
droit à l’indemnisation. Ce droit sera
confirmé par une décision écrite de la
CSST. Toutefois, ce droit est temporaire.
En effet, l’indemnisation peut être suspendue à n’importe quel moment de la
grossesse. Habituellement, ce droit se
termine le jour de l’accouchement.
Cependant, il peut être suspendu ou
annulé dans certaines circonstances
qu’il est important de rappeler, par
exemple :
• s’il y a affectation chez l’employeur ;
• à la fin du contrat de travail de l’employée ;
• lors d’une grève ou d’un lock-out ;
• à la fermeture de l’entreprise ;
• si l’employée démissionne ;
• au déménagement de l’employée ;
• s’il existe une condition personnelle
qui empêche toute affectation.
En résumé, le droit à l’indemnisation
existe si une affectation est possible. Si
une condition quelle qu’elle soit empêche la possibilité d’une affectation, le
droit à l’indemnisation cesse.
Finalement, il est important de noter
que le processus complet est refait lors
d’une demande d’affectation pour
allaitement.
2. Les recours
Il y a plusieurs situations qui peuvent
faire l’objet de litiges dans le processus
menant au retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite. Des
procédures ont été prévues pour chacune des situations suivantes.
A - L’employée conteste l’affectation et
allègue que cette nouvelle affectation
comporte les mêmes dangers. Dans le
cas présent, voici les étapes qui seront
suivies :
• l’employée informe la CSST de ses
prétentions par écrit ;
• la CSST évalue, très rapidement, le
poste de travail ;
• la CSST rend une décision sur la conformité ou non de l’affectation.
Notons que si l’employée décide de ne
pas occuper le poste auquel elle a été
affectée et que par la suite la CSST rend
une décision indiquant que l’affectation
était conforme, l’employée n’aura pas
droit aux indemnités pour la période
entre l’arrêt de travail et la décision.
L’employée et l’employeur peuvent faire
une demande de révision de cette décision dans les 30 jours. La décision de
révision peut être contestée à la
Commission des lésions professionnelles (CLP) dans les 45 jours.
B - L’employée conteste l’affectation et
allègue qu’elle comporte de nouveaux
dangers. La procédure est alors différente :
• l’employée consulte son médecin
pour obtenir un nouveau certificat ;
• sur réception, la CSST recommence le
processus d’admissibilité (en évaluant
les trois volets décrits précédemment).
C - L’employée ou l’employeur conteste
le droit au retrait préventif, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu
(IRR) ou le montant et la durée de l’indemnité. Voici les étapes à suivre dans
ce cas :
• l’employée ou l’employeur peut
demander la révision d’une des décisions dans les 30 jours de la notification de la décision de la CSST ;
• la décision de révision peut être contestée à la CLP dans les 45 jours.
D - L’employée conteste l’affectation et
allègue qu’elle n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches
du poste d’affectation. Cette situation se
produit lorsque l’employée estime
qu’elle n’a pas la capacité physique, les
aptitudes requises, la formation nécessaire, etc. pour occuper le poste auquel
elle a été affectée.
L’objectif du programme Pour une
maternité sans danger n’est pas de donner à l’employée enceinte des vacances
de plusieurs mois, mais plutôt de faire
en sorte que cette employée soit affectée à des tâches qui ne comportent pas
de dangers pour elle-même et son
enfant. Pour ce faire, la CSST s’est fixé
des balises et a mis en place une politique d’admissibilité au programme, en
plus de préciser les droits d’appel relatifs aux décisions sur ce programme. Ce
texte était un résumé de ces politiques.
Toutefois, si vous désirez approfondir le
sujet, nous vous recommandons de
consulter le Recueil des politiques en
matière de réadaptation et d’indemnisation (section : Les politiques du programme Pour une maternité sans danger) publié par la CSST, recueil qui est
accessible sur le site Internet de la CSST
à l’adresse www.csst.qc.ca (voir
rubrique « Index rapide » sur ce site).
Dans ce dernier cas :
• l’employée demande au comité de
santé et sécurité du travail (CSS)
d’examiner la situation ;
• s’il n’y a pas consensus ou s’il n’existe
pas de CSS, l’employeur et le
représentant à la prévention, en col-
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CONVERGENCE avril 2000
laboration avec le directeur de la
Direction de la santé publique, analysent l’affectation et tentent de trouver
une solution satisfaisante pour toutes
les parties ;
• (Il est à noter que dans les cas où l’entreprise n’est pas dans un groupe prioritaire, qu’il n’y a pas de CSS reconnu
ni de représentant à la prévention, la
demande est transmise directement à
la CSST.)
• si les opinions divergent, une demande est faite à la CSST de rendre
une décision. Cette décision sera rendue dans les 20 jours et elle aura effet
immédiatement ;
• une demande de révision peut être
faite dans les 10 jours de la décision
de la CSST. Si cette décision de la révision administrative ne convient toujours pas à une des parties, elle est
contestable à la CLP dans les 10 jours.
9
GÉRER, SANS SURPRISES, LE PROGRAMME
POUR UNE MATERNITÉ SANS DANGER
(PMSD)
Êtes-vous prêt à gérer efficacement vos demandes de retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite (RPTEA) ? Êtes-vous en mesure de répondre à des questions comme : Le
médecin traitant peut-il remplir seul le certificat ? Recevrez-vous la visite d’un médecin de la
Direction de la santé publique (DSP) pour chaque demande ? Quels sont les critères vous permettant de vous assurer que l’affectation proposée est adéquate ? Pouvez-vous modifier l’horaire de travail pour favoriser une affectation ? La travailleuse peut-elle la refuser ? Quelle est
la limite de temps accordée à un retrait préventif pour allaitement ? Voici quelques-uns des
nombreux points que nous vous proposons de clarifier afin de vous aider à faire une gestion
efficace de ce dossier.
Un petit coup de téléphone
ou une petite visite ?
Le premier indice qu’une demande
visant le retrait préventif de la travailleuse enceinte et qui allaite est sur le
point de vous être remise est, la plupart
du temps, un simple coup de téléphone. Simple, dans la mesure où vous
vous êtes bien préparé à recevoir ce
genre de demande. En effet, avant
même que la travailleuse dépose son
certificat sur votre bureau, un membre
de l’équipe de santé au travail du CLSC
de votre région vous aura contacté. Son
appel vise à préciser avec vous les conditions de travail de l’employée, les
motifs justifiant sa demande et à vérifier
s’il y a des aménagements du poste ou
une affectation possible. C’est ici que
toute la préparation préalable à une
telle demande va faire la différence sur
votre rapidité à affecter votre employée
enceinte dans un poste qui respecte son
état de grossesse.
Si vous recevez cet appel, c’est que le
médecin de la DSP du territoire où se
trouve votre établissement s’apprête à
compléter son étude de poste de même
que le rapport médico-environnemental
qui servira au médecin traitant pour
remplir le certificat. Si les membres de
l’équipe de santé au travail du CLSC
connaissent votre secteur d’activités et
que les conditions d’exécution du travail
leur sont familières, un suivi téléphonique suffira. Dans le cas contraire,
il y aurait une visite des lieux de travail
afin d’évaluer précisément la nature du
10
travail et les dangers présents.
« Oui, mais un instant !, direz-vous,
pourquoi l’appel provient-il d’un membre de l’équipe de santé au travail du
CLSC puisque la travailleuse doit consulter son médecin traitant ? » Effectivement, pour se prévaloir du droit au
RPTEA, votre employée doit consulter
son médecin traitant. Celui-ci est responsable de confirmer l’état de grossesse et
d’émettre le certificat requis pour
enclencher le processus. Toutefois, dans
le traitement de la demande, le médecin traitant a l’obligation de consulter le
médecin de la DSP.
À cette étape, particulièrement si les
dangers de votre secteur d’activités peuvent affecter une travailleuse enceinte, il
importe que vous ayez une bonne connaissance de vos postes de travail de
même qu’une liste de postes ou de
tâches susceptibles de convenir à une
employée enceinte. Ainsi, dans la
mesure où vous ne pouvez pas éliminer
les dangers du poste occupé par votre
employée (ce qui devrait faire partie de
vos objectifs en prévention), il sera plus
facile de lui présenter clairement les
conditions d’exécution du travail.
Notez, par contre, que, si vous n’étiez
pas d’accord avec la description finale
des conditions d’exécution du travail et
des dangers, vous auriez toujours la
possibilité d’en discuter avec l’agent
d’indemnisation de la CSST ou encore
de contester la validité du certificat.
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CONVERGENCE avril 2000
La travailleuse vous remet
le certificat
Les informations sur le certificat sont
nombreuses et certaines d’entre elles
méritent une attention particulière de
votre part :
1. Les conditions d’exécution du travail
sont-elles clairement décrites et reflètent-elles bien la réalité du milieu de travail ? Ne vous contentez pas de « travaux
d’entretien ». Le certificat devrait préciser,
pour de tels travaux, entre autres, les
produits utilisés, la durée du travail, le
temps où la travailleuse doit demeurer
debout, la fréquence et le poids des
charges qu’elle doit manipuler de
même que la hauteur à laquelle elle
doit les soulever.
2. Les motifs justifiant le retrait préventif
concernent-ils les dangers liés aux conditions de travail ? Toute demande faite en
raison d’une condition personnelle ne
permet pas à la travailleuse de bénéficier du retrait préventif.
3. Le certificat porte-t-il la signature du
médecin traitant et le nom du médecin
de la DSP consulté ?
4. La date du début de l’affectation ou
du retrait préventif est-elle bien indiquée sur le certificat ? En effet, selon la
nature du danger auquel l’employée
enceinte est exposée, la date peut ne
pas prendre effet immédiatement mais
seulement, par exemple à la 24e
semaine de grossesse.
Avant de penser au retrait...
pensez à l’affectation
La cessation de travail
Comme vous le savez probablement
déjà, la remise du certificat constitue, de
la part de la travailleuse, une demande
d’affectation. Deux possibilités s’offrent
à vous :
Dans les cas où vos tentatives pour
offrir une affectation adéquate à la travailleuse se sont avérées infructueuses,
vous n’avez pas d’autre choix que de lui
permettre de cesser de travailler. L’arrêt
de travail peut aller jusqu’à la date de
l’accouchement.
1. Une affectation immédiate
Si vous pouvez modifier le poste, ou
certaines tâches, ou encore, affecter la
travailleuse à un nouveau poste, ou à de
nouvelles tâches, qui ne comportent pas
de dangers pour elle ou son enfant à
naître et qu’elle est raisonnablement en
mesure d’accomplir, l’affectation peut
se faire immédiatement.
Par contre, en tout temps, suite à la
réception de la demande, si les conditions de travail redevenaient adéquates,
si le danger disparaissait, ou si une nouvelle affectation était disponible, la
travailleuse serait tenue de revenir au
travail.
Quelles informations devez-vous
transmettre à la CSST ?
Il importe d’informer la CSST chaque
fois que votre employée s’absente et
revient au travail, par exemple entre
deux affectations, afin que le versement
des indemnités soit adéquat. Vous
devez le faire également lorsqu’une
période de congé ou de vacances
survient en cours de retrait ou encore si
la travailleuse est mise à pied. Dans ces
circonstances, n’étant plus exposée aux
dangers, elle ne peut plus bénéficier du
droit au RPTEA et elle n’a plus droit aux
indemnités.
Au retour
Lors du choix de l’affectation, vous pouvez demander à votre employée de vous
remettre une copie de l’étude de poste
réalisée par le médecin de la DSP et
considérer les recommandations médico-environnementales proposées. Si
elle ne l’a pas, elle peut la demander à
son médecin traitant. L’important, lors
du choix d’une affectation, c’est de vous
assurer en tout temps qu’elle réponde
aux trois critères suivants :
1° l’affectation ne comporte pas les dangers mentionnés sur le certificat ;
2° la travailleuse est raisonnablement en
mesure d’accomplir le travail c’est-à-dire
qu’elle a la capacité physique, les aptitudes requises, ou la formation nécessaire pour occuper l’affectation ;
3° l’affectation offerte ne comporte pas
de nouveaux dangers.
Si l’affectation proposée ne rencontre
pas tous ces critères, votre travailleuse
pourrait décider de contester l’affectation. À ce sujet, nous vous conseillons
de lire les articles des pages 8, 9 et 15.
2. Une affectation ultérieure
Si vous ne pouvez offrir d’affectation
immédiatement, informez votre employée que vous la contacterez dès
qu’une affectation sera disponible.
Ainsi, elle ne sera pas surprise de votre
appel au moment où l’affectation sera
prête.
Une fois l’affectation choisie et acceptée
par la travailleuse, elle se termine à la
date de l’accouchement ou au moment
où les conditions de travail sont
adéquates ou encore lors de la prise du
congé de maternité.
Le retrait préventif pour
allaitement
Dans le cas d’un retrait préventif pour
allaitement, votre employée doit faire
une nouvelle demande de RPTEA donc,
traverser à nouveau toutes les étapes
mentionnées précédemment. L’objectif
de ce retrait préventif est de prévenir la
transmission de contaminants à l’enfant
par le lait maternel et non d’offrir des
conditions facilitant l’allaitement.
Mais à quel moment peut-elle faire
cette demande ? Le lendemain de l’accouchement ? Non, bien entendu, la
travailleuse peut faire la demande
lorsqu’elle est prête à reprendre son
emploi habituel. C’est le fait d’être
exposée à un danger pouvant contaminer du lait maternel et affecter l’enfant allaité qui lui permet de bénéficier
du droit à l’affectation ou au retrait
préventif, mais elle doit être apte à
reprendre le travail. Pour vous en assurer,
particulièrement si elle fait la demande
peu de temps après son accouchement,
vous pouvez lui demander de rencontrer votre médecin d’entreprise afin de
vous assurer qu’elle est effectivement
apte à reprendre le travail ou à être
affectée à d’autres tâches.
Et pourquoi ne pas vous doter
d’une politique ?
Pour une gestion juste, équitable et
transparente du programme Pour une
maternité sans danger, tout employeur
devrait se doter d’une politique claire
sur le sujet.
En plus d’y présenter les objectifs de
prévention de ce programme, il pourrait
y préciser les rôles des différents intervenants, la démarche à suivre pour la
travailleuse, l’importance de déclarer
rapidement son état de grossesse en
vue de s’assurer d’éviter toute exposition à des dangers, les procédures d’affectation qui seront enclenchées, de
même que les différentes modalités de
gestion qui seront mises en application.
Une politique claire et appliquée dans
l’entreprise constitue pour tout employeur une bonne façon de démontrer
son engagement en matière de prévention et d’éviter à tous bien des surprises !
Au sujet de l’allaitement, une question
revient fréquemment : « Y a-t-il une limite
dans la durée de l’allaitement ? » Non.
Notez toutefois que la CSST prend les
moyens pour s’assurer que la travailleuse allaite toujours son enfant en
demandant de remplir, tous les mois,
une déclaration signée par la travailleuse et non par son médecin.
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CONVERGENCE avril 2000
Au moment de son retour, la travailleuse peut reprendre son poste pour
lequel elle aura conservé tous les avantages liés à son emploi.
11
L’AFFECTATION DE LA TRAVAILLEUSE ENCEINTE OU QUI ALLAITE :
INCONVÉNIENTS OU AVANTAGES
POUR L’EMPLOYEUR ?
Pourquoi se donner tant de mal à réaffecter une
employée qui présente un Certificat visant le retrait
préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou
qui allaite puisque celle-ci, de toute façon, se retirera du
travail à l’accouchement et qu’il faudra tout de même la
remplacer ?
Que disent les employeurs pour
se soustraire à l’affectation ?
Les raisons invoquées par des employeurs qui démissionnent face à ces
demandes ou refusent de gérer l’affectation d’une travailleuse enceinte ou qui
allaite sont variées. On entend souvent
dire : « L’employée va se retirer de toute
façon à son congé de maternité, donc il
est plus simple de laisser partir une travailleuse enceinte que de modifier ses
tâches ou celles de ses collègues de travail, d’autant plus qu’il faudra gérer les
insatisfactions du personnel en place
qui n’accepte pas toujours avec enthousiasme des modifications dans son propre poste ! » et « L’affectation n’a pas
d’impact financier direct sur la cotisation
de mon entreprise à la CSST. »
Il s’agit là d’une vision étroite, car il y a
aussi les coûts indirects de la non-affectation liés à l’embauche et la formation
pour le remplacement de l’employée.
Problème qui risque de prendre des
proportions alarmantes si plusieurs
employées s’absentent en même
temps. Cela peut occasionner certaines
difficultés de recrutement, de mobilité,
de gestion des effectifs.
Il faut souligner tout de même que l’affectation n’est pas toujours facile. Dans
de grandes organisations, l’employée
peut s’opposer à une affectation à une
unité d’accréditation différente en raison
des cloisonnements des conventions
collectives. Dans les petits établissements,
l’affectation de la travailleuse enceinte
est limitée en raison du peu de postes
disponibles. Il faut alors faire preuve de
créativité et plusieurs entreprises en
sont capables.
12
Enfin, la méconnaissance des dangers
présents aux postes de travail est peutêtre un symptôme d’une déficience de
la gestion de la prévention. La remise
du certificat est peut-être l’occasion de
s’y attarder !
Il n’y a pas que
des inconvénients, il existe
aussi des avantages !
Il existe de nombreux avantages à
maintenir au travail une travailleuse
enceinte ou qui allaite. D’abord, cela
permet de garder en emploi une personne aux compétences précieuses
pour l’entreprise. Lorsque l’affectation
est possible, cela peut être l’occasion
pour l’employée de faire de nouveaux
apprentissages et d’acquérir de nouvelles connaissances se traduisant pour
l’employeur par une plus grande polyvalence de l’employée. Cela permet
aussi de diminuer la période d’absence
reliée à la grossesse et d’éviter les deux
poids, deux mesures : réassigner un
employé accidenté mais pas une
employée enceinte ! Ce qui contribue à
changer les mentalités, c’est que le
Retrait préventif de la travailleuse
enceinte ou qui allaite n’est pas un
congé de maternité, mais plutôt une
mesure visant à assurer à l’employée
une maternité en emploi sans danger.
Ce n’est pas nécessairement bien compliqué. L’affectation consiste souvent en
une modification somme toute minime
des conditions de travail. Il suffit que
l’employeur s’en donne la peine, par
exemple, en déplaçant les horaires de
soir et de nuit dans le jour, en permettant de varier les positions au besoin –
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CONVERGENCE avril 2000
alterner debout/assis – et en diminuant
la charge physique de travail - éviter le
soulèvement des charges. Près de la
moitié des dangers invoqués sont de
nature ergonomique. Dans bien des
cas, ils sont faciles à circonscrire !
Gérer une demande d’affectation
donne le coup d’envoi à l’employeur
pour déterminer et évaluer les dangers
présents aux postes de travail, lui permettant ainsi d’acquérir une connaissance de ces dangers, afin de contribuer à l’élimination des risques et
procéder à des modifications de tâches
ou investir dans l’achat d’équipements
plus sécuritaires. Cela ne sera pas seulement bénéfique pour la travailleuse
enceinte ou qui allaite mais aussi pour
tout le personnel. En procédant de la
sorte, l’employeur diminue les risques
présents aux postes de travail et par le
fait même, les lésions professionnelles
et les futures demandes de retrait
préventif.
Aidez-vous !
Pour que l’affectation de la travailleuse
enceinte ou qui allaite fonctionne bien,
l’entreprise doit procéder à une bonne
évaluation des postes et des tâches « problématiques » et élaborer une politique
et une procédure d’affectation. Évidemment, l’entreprise a tout à gagner en
mettant sur pied une telle politique qui
sera aussi bénéfique pour les employées.
Ah, si tous les employeurs en faisaient
autant ! Ce ne sont pas seulement les
coûts reliés au programme Pour une
maternité sans danger qui diminueraient. Ce serait aussi le coût des lésions
professionnelles !
POUR UNE MATERNITÉ
BIEN INDEMNISÉE !
Le programme Pour une maternité sans danger prévoit que
l’employée peut cesser de travailler s’il n’est pas possible
d’éliminer le danger présent à son poste de travail et qu’aucune
affectation ne peut être faite. Il prévoit également que l’employée peut recevoir des indemnités de la CSST s’il y a arrêt de
travail. L’indemnisation dans le cas d’un retrait préventif comporte certaines particularités qu’il faut connaître afin de ne pas
gonfler inutilement les coûts de ce programme et faire en sorte
que tous les employés soient traités de façon équitable.
Les modalités d’indemnisation pour le
retrait préventif d’une travailleuse
enceinte ou qui allaite sont prévues en
partie à l’article 36 de la Loi sur la santé
et la sécurité du travail (LSST) et à l’article
60 et suivants de la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles
(LATMP). Il faut cependant se rappeler
que si la convention collective de l’entreprise prévoit des modalités plus avantageuses pour la travailleuse, ce sont ces
conditions qui s’appliquent. Voyons ce
que prévoient les lois quant à l’indemnisation dans les cas de retrait préventif
pour une travailleuse enceinte ou qui
allaite.
Pour les travailleuses à pourboire, l’article 36, LSST prévoit que l’employeur
doit inclure « une rémunération égale à
l’ensemble des pourboires qui pourraient
raisonnablement être considérés comme
attribuables à ces jours et que le travailleur
aurait déclarés à son employeur... »
Après ces cinq jours, la LSST prévoit
que l’indemnisation d’une employée en
retrait préventif se fait selon les mêmes
règles qu’une réclamation faite à la
CSST pour une lésion professionnelle.
C’est donc dire qu’à partir de ce
moment, c’est la LATMP qui prévaut au
chapitre de l’indemnisation.
Les 5 premiers jours
Pour les 5 jours ouvrables suivant la
journée de l’arrêt de travail, la travailleuse reçoit, de son employeur, son
salaire régulier. Par salaire régulier, la
CSST entend le salaire que l’employée
aurait reçu pour ces journées n’eût été
le retrait préventif.
Dans le cas d’une employée à temps
partiel, sur appel, etc., l’indemnité est
calculée en tenant compte des journées
où la travailleuse aurait réellement travaillé. C’est donc dire qu’une employée
travaillant à temps partiel (par exemple :
deux jours par semaine) recevra son
salaire pour ces deux jours. S’il n’était
pas prévu que l’employée travaille au
cours des cinq premiers jours ouvrables
suivant son arrêt de travail, elle ne recevra
pas d’indemnité pour cette période.
Les 14 jours suivant
les 5 premiers jours
Pour cette période de quatorze jours
calendrier, l’employeur avance à l’employée l’indemnité. Cette indemnité
représente 90 % du salaire net de la
travailleuse pour chaque jour ou partie
de jour où elle aurait normalement travaillé jusqu’à concurrence du salaire
maximum assurable (50 000 $ en
2000). Pour établir l’indemnité, les
retenues à la source sont calculées selon
la situation familiale déclarée à l’employeur. La CSST rembourse cette
avance à l’employeur. L’indemnité est
donc calculée comme pour toute autre
réclamation à la CSST.
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CONVERGENCE avril 2000
Par la suite...
...les indemnités sont calculées à partir
du revenu annuel brut de l’employée
prévu au contrat de travail sans toutefois
dépasser le salaire maximum assurable.
Cette fois-ci les retenues à la source sont
établies en prenant en compte la situation familiale réelle (nombre de dépendants) de l’employée.
L’employée peut obtenir des indemnités
plus élevées sans toutefois dépasser le
salaire maximum assurable si elle
démontre à la CSST qu’elle a eu des
revenus plus élevés au cours des douze
derniers mois chez l’employeur (heures
supplémentaires, etc.) ou dans un autre
emploi du même genre. Les indemnités
sont généralement versées par la CSST
mais l’employeur peut verser lui-même
les indemnités à la travailleuse et se faire
rembourser ensuite par la CSST.
Toutes les indemnités sont calculées en
fonction des conditions d’emploi en
vigueur au moment où la travailleuse
cesse de travailler. C’est donc dire que
les indemnités de l’employée ne seront
pas réévaluées si de nouvelles conditions de travail entrent en vigueur
durant le retrait préventif. Par exemple,
la signature d’une nouvelle convention
collective ne fait pas en sorte que les
indemnités de l’employée seront réévaluées à moins que ces nouvelles conditions de travail ne s’appliquent rétroactivement et ce à une date antérieure à
l’arrêt de travail.
13
Par contre, l’employée conserve tous les
avantages liés à son emploi. Par exemple, elle continue d’accumuler de l’ancienneté dans l’entreprise. De plus, elle
peut continuer à participer aux programmes d’assurance. Pour ce faire, la
travailleuse et l’employeur doivent
payer leurs cotisations à ces régimes
pour la durée de l’absence.
La CSST a aussi des façons de faire dans
certains cas particuliers : travail saisonnier ou sur appel, travail à temps partiel,
travail à commission, à forfait, travailleuse qui occupe deux emplois
qu’elle doit quitter. Dans ce dernier cas,
la CSST retient le salaire de l’emploi le
plus rémunérateur et l’applique comme
si cet emploi était effectué à temps
plein.
Le cas de la travailleuse
qui allaite
Dans ce cas, tout le processus recommence et l’indemnisation se poursuivra
jusqu’à l’affectation ou jusqu’à ce que la
travailleuse cesse d’allaiter. Le programme s’applique si les caractéristiques du
travail peuvent avoir une influence sur
le lait maternel. Par exemple, certains
produits chimiques peuvent passer
dans le lait maternel.
Si la travailleuse n’est plus disponible au
travail parce qu’elle choisit d’allaiter,
c’est une autre histoire. Les dispositions
du retrait préventif n’ont pas été mises
en place pour favoriser, promouvoir ou
faciliter l’allaitement. Elles visent à protéger l’enfant allaité.
S’il y a affectation...
Fin de l’indemnisation
Les indemnités sont versées jusqu’à ce
qu’une affectation soit possible, jusqu’à
la date de l’accouchement ou jusqu’à la
date où la travailleuse quitte son affectation pour prendre son congé de
maternité.
D’autres situations peuvent faire en
sorte que la CSST cessera le versement
des indemnités à la travailleuse. S’il y a
mise à pied, si le contrat de travail se
termine, si l’entreprise ferme et ce
même de façon temporaire, etc., l’indemnisation cesse. Pour la CSST, si
l’emploi disparaît, le danger disparaît, ce
qui annule le besoin de retrait préventif.
Dans le cas où l’arrêt des activités est
temporaire, il est possible que l’employée retrouve son droit à des indemnités à la reprise des activités de l’entreprise. Le même raisonnement s’applique
pour les cas de grève, lock-out, etc.
La situation est sensiblement semblable
dans le cas où l’employée prend ses
vacances alors qu’elle est retirée de son
milieu de travail. Puisqu’elle n’est pas
disponible pour le travail ou pour une
éventuelle affectation, la CSST considère que le versement des indemnités
doit cesser. L’employeur doit donc être
vigilant et signaler à la CSST tout
événement pouvant avoir un impact sur
le droit au retrait préventif. C’est une
question d’équité pour l’ensemble des
employés.
14
Si une affectation est possible, la travailleuse a le droit de recevoir le même
salaire qu’à son poste habituel. C’est
donc dire que si l’employée travaille
normalement de nuit et reçoit une
prime de nuit et que son affectation se
fait de jour, le salaire qui lui sera versé
durant l’affectation devra inclure cette
prime.
Si vous réaffectez une travailleuse à un
emploi moins rémunéré (ou moins
d’heures par semaine), vous devez lui
verser le même salaire que pour son
poste habituel, incluant les primes, etc.
Pour favoriser les affectations plutôt que
le retrait du travail, la CSST a mis en
place un mécanisme de « subvention ».
Ainsi, l’entreprise peut obtenir un remboursement pour combler la différence
de salaire entre le poste d’affectation et
l’emploi habituel. Rappelons que les
indemnités reliées au programme ne
sont pas imputées à l’entreprise.
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CONVERGENCE avril 2000
Et si le danger disparaît ?
Le retrait préventif a pour but d’éviter
qu’une travailleuse enceinte ne soit
exposée à un danger pour elle ou pour
son enfant à naître. Mais que faire si le
danger précisé sur le certificat disparaît ? L’employée reprend son travail. Par
exemple, une travailleuse est retirée du
travail parce que l’entreprise utilise un
produit chimique nocif. Deux mois plus
tard, le produit est remplacé par un
autre, inoffensif. Le danger n’existe plus
et le droit au retrait préventif prend fin.
À ce moment-là, l’employeur doit en
avertir la CSST et le médecin traitant.
Après le retrait préventif
À la fin du retrait préventif, l’employée
a le droit de reprendre son travail habituel. Certaines questions peuvent alors
se poser.
L’employée peut-elle prendre ses vacances à la fin de son retrait préventif ?
Selon la Loi sur les normes du travail
(LNT), elle a droit à ses vacances normales selon le nombre d’années de
service continu. Quant à sa paie de
vacances, les indemnités de la CSST
n’étant pas considérées comme du
salaire, la paie de vacances sera calculée
à partir d’une moyenne hebdomadaire
du salaire reçu durant les semaines travaillées au cours de la période de
référence, généralement du 1er mai au
30 avril (art. 74, LNT).
Si l’employée s’est absentée durant
toute la période de référence (grossesse
et allaitement), elle a droit à ses vacances annuelles. Elle n’aura cependant
pas de paie de vacances puisqu’elle n’a
reçu aucun salaire au cours de la période de référence.
Rappelons que la question des vacances
doit être analysée en prenant en compte
le fait que l’employée a peut-être pris
un congé de maternité ou un congé
parental et en respect des termes de la
convention collective.
L’indemnisation dans le cas d’un retrait
préventif n’est pas en soi très compliquée. Il y a quelques particularités,
c’est tout. Évidemment, si l’on peut
affecter la travailleuse à d’autres tâches,
tout le monde y gagne !
QUAND LE TRIBUNAL DOIT
TRANCHER
Le certificat doit être conforme
et être présenté à l’employeur
La présentation à l’employeur d’un certificat complet et valide est une condition incontournable pour que naisse, à
ce moment, le droit de demander une
affectation à des tâches ne comportant
pas de dangers1.
La demande d’être affectée
comprend nécessairement
la capacité d’être affectée
à un travail
La disponibilité de l’employée est une
des conditions essentielles à la
demande d’affectation, ce qui n’est pas
le cas par exemple :
• lorsque son état de santé ne lui permet pas d’effectuer un travail quelconque2 ;
• lorsque, par son attitude ou son comportement, elle rend toute affectation
impossible, tels un déménagement et
l’achat d’une maison à 300 km du lieu
de travail combiné avec l’acceptation
par l’époux d’un poste permanent dans
cette région3 ;
• ni lorsqu’il y a conflit d’horaires avec
un autre emploi4.
Aussi, l’affectation à un autre poste n’est
plus requise lorsque le danger engendré par les conditions de travail disparaît, notamment à cause :
• d’une faillite de l’entreprise5 ;
• de l’interruption des activités pendant
la période des fêtes6, des vacances estivales7 ;
• d’une mise à pied en raison de l’abolition de poste8 ou d’une période de
grève ou de lock-out9.
L’employée n’a alors pas droit au programme Pour une maternité sans danger.
Les conditions de travail doivent
comporter un danger physique
Le danger doit être imputable au travail.
Ce n’est pas le cas :
• si le motif allégué est que l’horaire de
travail ne permet pas de maintenir un
allaitement adéquat10 ;
• ni si la source des malaises qui
affectent la travailleuse ne provient pas
du travail mais de sa condition personnelle de somnolence11, ou de douleurs
abdominales et lombaires12 ;
• ou que la grossesse empêche la prise
de médication13.
Le danger doit être d’ordre physique :
• le fait d’alléguer le stress de travailler
un peu différemment ou de façon plus
intense le jour que la nuit n’établit
aucunement la preuve d’un danger
physique14 ;
• ni le stress provoqué par les clients
agressifs, qui relève davantage de la peur
que des conditions de travail15 ;
• ni le danger d’un braquage16.
Le danger doit être prouvé
Lorsque la validité du certificat est reconnue et que les conditions de travail
décrites correspondent bien à la réalité,
l’avis du médecin qui l’émet fait preuve,
à sa face même, de l’existence du danger, lequel ne peut être réfuté que par
une preuve contraire prépondérante.
L’avis sera d’autant plus probant s’il est
confirmé par l’opinion du médecin de la
direction de la santé publique17.
La CALP a déjà retenu comme preuve
contraire déterminante l’opinion de la
Direction de santé publique qui, appuyée
par l’étude médico-environnementale du
poste en question, considérait :
• qu’il n’y avait pas de danger à l’utilisation d’amalgames dentaires prédosés et
encapsulés18 ;
• que les solvants utilisés ne passent pas
dans le lait maternel19 ;
• que les risques biologiques sont contrôlés par les précautions universelles20.
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CONVERGENCE avril 2000
Malgré des règles assez simples, les demandes d’affectation ont soulevé de nombreux débats qui ont dû
être tranchés par le tribunal. Voici un aperçu de
quelques décisions rendues.
La CALP a aussi retenu l’opinion d’un
témoin expert de l’employeur sur les
effets du stress (Caron et Gestion informa, précitée) et d’un expert du Centre
de toxicologie du Québec sur le
phénomène d’absorption percutanée
de produits chimiques21.
Sujet épineux ? À gérer avec douceur...
1. Dion et Informatique Quantum, 1988 CALP
449 ; Royer et Sheraton Laval, 1991 CALP 514.
2. Fortin et Provigo, 1986 CALP 25 ; Fafard et
Maison mère Soeurs de la Providence, 1996
CALP 490 ; Nguyen et 139100 Canada inc.,
CLP 104694-62-9808, 1999-01-14.
3. Lachance et Ferme Donald Després inc., 1998
CLP 1180.
4. C. H. St-Joseph de Trois-Rivières et
Lafontaine, 1992 CALP 620.
5. Auvinet et Aventure électronique, 1999
CLP 147.
6. Gosselin et Dominion Textile inc., CLP
104247-05-9808, 1999-03-05.
7. Renaud et Commission scolaire Jérôme Le
Royer, 1996 CALP 763.
8. Grondin et Cafétéria I.C.S., 1991 CALP 854.
9. Bothelo et als et Hilton International, 1996
CALP 57.
10. Hôpital Christ-Roi et Richard, CALP
56505-03-9401, 1994-04-25.
11. Deschamps-Buteau et Les salaisons Brochu
inc., CALP 25136-03-9011, 1994-09-06.
12. Ouellet et C. S. des Basques, CALP 3932901-9205, 1992-12-10.
13. Stryz et Centre dentaire Bozzo-Dorman,
CLP 112205-73-9903, 1999-06-21.
14. Lyons et C. H. Angrignon, 1998 CLP 314.
15. Caron et Gestion Informa, 1995 CALP 812.
16. Caisse populaire de Vanier et Marquis, CLP
102866-31-9807, 1999-08-26.
17. Cité de la Santé et Houle, 1988 CALP 843 ;
Gagnon et Hôpital de la Baie, 1992 CALP
284 ; CSST et Piché et Centre dentaire Luc
Daigneault, 1995 CALP 704.
18. CSST et Piché et Centre dentaire Luc
Daigneault, 1995 CALP 704.
19. Samson et Nouvelliste T. R. Offset, 1996
CALP 92.
20. Viel et Clinique dentaire, CLP 111675-629902, 1999-05-20.
21. Les Entreprises Premier CDN et Arsenault,
CALP 46064-01-9211, 1993-12-02.
15
QUE FONT LES
MÉDECINS ?
Plusieurs acteurs interviennent dans le processus du programme Pour une
maternité sans danger : employée, employeur, CSST, médecin traitant et
médecin de la Direction de la santé publique, que nous nommerons dorénavant médecin du CLSC pour alléger le texte. Or, de tous ces acteurs, ce sont
les médecins qui ont le dernier mot quant à l’existence d’un danger. Leur opinion est déterminante dans le retrait de l’employée enceinte de son poste de
travail ou dans l’affectation à un autre poste.
On peut se demander si cette opinion cruciale est toujours parfaitement
bien fondée compte tenu du manque d’homogénéité observé dans les décisions rendues par les médecins de différentes régions et même à l’intérieur
d’une région. Ce problème est soulevé tant par les employées, qui perçoivent
qu’il y a iniquité, que par les employeurs qui sont aux prises avec des recommandations qui diffèrent pour une même situation. Dans les lignes qui suivent,
nous regarderons donc plus en détail le rôle des médecins traitants et des
médecins des CLSC dans le programme Pour une maternité sans danger
(PMSD) et nous vous présenterons les mesures qui ont été prises par les
médecins du réseau public de la santé pour favoriser un traitement équitable
et homogène des demandes.
Le rôle des différents médecins
1. CSST.
Travailler en
sécurité pour une
maternité sans
danger,
Guide du
médecin,
1993, 20 p.
2. Comité
permanent en
matière de service
de santé au travail
CSST/MSSS.
Pour une
maternité sans
danger,
Orientations,
8 juin 1999, 21 p.
3. LABERGE,
Philippe Y.
Retrait préventif :
Point de vue du
médecin traitant,
Colloque de
l’Association des
médecins du
réseau public en
santé au travail du
Québec : Pour
une maternité
sans danger :
un virage bien
amorcé,
7 juin 1996.
16
Le médecin traitant est le premier à
intervenir dans le programme PMSD,
lorsque la travailleuse enceinte le consulte. C’est lui qui émet le Certificat
visant le retrait préventif et l’affectation
de la travailleuse enceinte ou qui allaite.
Il doit, sur ce certificat :
• attester de la présence de dangers dans
le milieu de travail ;
• évaluer les problèmes de santé particuliers de la travailleuse qui, liés à ses
conditions de travail, peuvent représenter un danger ;
• suggérer des modifications qui pourraient favoriser son maintien en emploi ;
• fixer la date souhaitée de la modification du poste de travail ou des tâches,
de la nouvelle affectation de la travailleuse ou de son retrait du travail1.
Vous en conviendrez, c’est un lourd
fardeau pour des médecins qui ne connaissent pas nécessairement le milieu
de travail et qui ne sont pas des experts
en retrait préventif. C’est pourquoi le
médecin traitant doit consulter le
médecin du CLSC (santé publique) de
la région administrative où est située
l’entreprise.
Le médecin traitant téléphone au
médecin du CLSC pour lui transmettre
l’information sur le travail qu’il a reçue
de l’employée. Après vérification des
conditions dangereuses auprès de l’entreprise, le médecin du CLSC émet des
recommandations sur les dangers présents au poste de travail et il envoie au
médecin traitant le Rapport de consultation médico-environnementale. Tout ceci
doit se faire rapidement pour éviter les
délais dans la délivrance du certificat.
Dans plus de 90 % des cas, les recommandations sont entérinées par le
médecin traitant qui signe le certificat et
le remet à l’employée. Par la suite, celleci remet le certificat à son employeur.
Les problèmes identifiés
au fil des ans
Un problème majeur est le fait que le
programme a été perçu au départ, par
plusieurs intervenants, comme un droit
à un retrait du travail plutôt qu’à une
nouvelle affectation.
Un sous-comité provincial, regroupant
des intervenants de la CSST et du ministère de la Santé et des Services sociaux
(MSSS), a été mis sur pied, en 1995,
pour travailler spécifiquement sur le
programme Pour une maternité sans
danger. Ce groupe a relevé plusieurs
autres situations problématiques dans
l’application du programme dans certaines régions2 :
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CONVERGENCE avril 2000
• faible fréquence, voire absence de
vérification des conditions de travail
de la travailleuse enceinte, auprès des
employeurs, par les intervenants des
équipes de santé au travail des CLSC ;
• communication d’une information
partielle sur les dangers retenus et sur
la période à partir de laquelle la réaffectation devient applicable ;
• insuffisance, voire absence, de recommandations de la part du médecin
désigné (médecin du CLSC) quant à
la façon d’éliminer le danger ou de
réaliser une affectation ;
• utilisation d’un langage trop technique
dans certains cas, rendant les recommandations formulées par les professionnels de la santé incompréhensibles aux employeurs.
Ces lacunes causent également des iniquités pour les employées lorsqu’on
leur refuse un retrait préventif alors
qu’une consœur habitant une autre
région du Québec est retirée du travail,
dans des situations de travail similaires.
Même les médecins traitants sont
déroutés par le manque d’homogénéité
dans les recommandations des médecins des CLSC3.
Pour le Dr Pierre Gourdeau, médecin
au CLSC Haute Ville, le problème dans
l’application du programme Pour une
maternité sans danger tourne autour de
deux axes :
1 - le niveau de connaissance de la problématique par les intervenants n’est
pas le même à travers la province ainsi
que la perception du programme par
les travailleuses qui, dans plusieurs cas,
pensent toujours qu’il s’agit d’un congé
de maternité ;
2 - la notion d’évaluation et de gestion
du risque n’est pas la même pour tous
les médecins. À partir de quel seuil un
risque est-il acceptable ? Voilà une question qui soulève bien des discussions.
Un constat... On réagit
Le réseau public de santé-sécurité du
travail est donc plus que conscient des
problèmes reliés au programme Pour
une maternité sans danger et c’est
pourquoi, en plus de participer aux différents comités CSST/MSSS, on a mis
sur pied un comité d’harmonisation de
la pratique médicale regroupant des
médecins des CLSC provenant de différentes régions de la province. Le Dr
Gourdeau est président de ce comité.
Leurs objectifs : favoriser l’harmonisation de la pratique des médecins des
CLSC et appuyer et promouvoir des
mécanismes pour rejoindre ces
médecins partout au Québec. Il s’agit
donc d’informer les médecins du
réseau de la santé publique qui, comme
nous l’avons dit plus tôt, ont un rôle de
premier plan dans l’application du programme. Comme ce sont eux qui font
des recommandations aux médecins
traitants, on rejoint alors ces derniers
par le fait même.
Le comité d’harmonisation travaille,
entre autres, à la conception de guides
de pratique professionnelle pour différents types de risques. Ces guides
s’adressent aux médecins des CLSC. En
plus d’une revue de la littérature pertinente sur le facteur de risques, on y retrouve la description des milieux à risques et des recommandations pour le
retrait ou l’affectation.
Ces guides sont accessibles à tous sur le
site Internet du ministère de la Santé et
des Services sociaux. Vous pouvez les
consulter à l’adresse électronique
www.msss.gouv.qc.ca/sante_travail/
Les guides peuvent être regroupés par
classe de risque.
• Les risques biologiques : des guides
pour la coqueluche, les oreillons, la
rougeole et la varicelle sont déjà
disponibles. D’autres sont actuellement en préparation : l’hépatite B,
l’hépatite C, le VIH/SIDA, le parvovirus, aussi appelé 5e maladie.
• Les risques ergonomiques : le
soulèvement de charges, la station
debout. Un guide sur les horaires de
travail est en préparation.
• Les risques physiques : le bruit, les
vibrations, le travail sur écran de visualisation.
• Les risques chimiques : aucun guide
n’a encore été adopté, mais des discussions sont en cours pour un guide
sur le travail des coiffeuses, sur le mercure dans les cabinets de dentiste, sur
le tabagisme.
Le Dr Gourdeau fait toutefois une mise
en garde et il précise que ces guides
donnent seulement des orientations.
Le médecin appelé à émettre une opinion sur un risque donné jouit d’une
autonomie professionnelle. Il pose un
acte médical et il émet un jugement. Il
peut donc encore y avoir des différences
entre les opinions des différents
médecins. Les guides contribuent toute-
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CONVERGENCE avril 2000
fois à établir certains standards et ils
encadrent mieux les pratiques.
Et les résultats...
Maintenant que tous ces mécanismes
ont été mis en place pour favoriser une
plus grande efficacité et une meilleure
harmonie dans le programme, peut-on
dire que l’harmonisation est atteinte ?
Le Dr Gourdeau est d’avis que beaucoup de progrès ont été faits. Il y a une
certaine uniformisation dans l’information, ce qui était un problème il y a
quelques années. Les recommandations sont plus précises et sont mieux
transmises. Les médecins traitants sont,
quant à eux, plus à l’aise avec l’harmonisation des pratiques entre les différents médecins des CLSC. Il reste
toutefois encore du chemin à parcourir
en ce qui concerne la notion d’évaluation et de gestion du risque.
Une enquête menée au CLSC Haute
Ville, à Québec, a révélé que, pour toutes
les demandes reçues récemment dans le
secteur du commerce de détail, il y a eu
50 % de réaffectation. Résultat très
encourageant ! Dr Gourdeau insiste toutefois sur le fait que le médecin du CLSC
n’est pas le seul intervenant dans ce programme. Les employeurs doivent également bien faire leurs devoirs. Devant des
recommandations médicales identiques, il
y a des employeurs qui procèdent à une
réaffectation de l’employée, tandis que
d’autres ne réaffectent pas.
Il est certain que le monde médical a une
grande responsabilité dans cet important
programme, mais les employeurs ont
eux aussi un rôle à jouer. Pensez à ces
responsabilités lorsque vous recevrez
votre prochain Certificat visant le retrait
préventif et l’affectation de la travailleuse
enceinte ou qui allaite !
17
INFORMATIONS JURIDIQUES
LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC
ET LA SST
Une décision de la Commission
des lésions professionnelles
(CLP) est en principe finale.
Malgré cela, il arrive qu’elle
soit contestée devant la Cour
supérieure, par le biais d’une
requête en évocation et enfin,
devant la Cour d’appel du
Québec. Ces recours visent à vérifier le caractère « raisonnable » de la décision de la CLP.
Essentiellement, la Cour supérieure ne doit pas intervenir à l’encontre d’une décision d’un tribunal
administratif telle la CLP à moins que la décision du commissaire ne soit « manifestement
déraisonnable » ou en présence d’un « excès de juridiction ». Ces termes techniques reflètent en
fait une très mince marge de manoeuvre à la Cour supérieure et encore plus mince à la Cour
d’appel. Néanmoins, la Cour d’appel émet fréquemment des opinions intéressantes même
lorsqu’elle rejette l’appel déposé devant elle. Voici quelques décisions récentes de ce tribunal.
Le calcul du
« revenu brut »
1. C.A. Québec,
200-09-000128899, 31-08-1999
2. 1999 R.J.Q.
2229
3. Association des
chiropraticiens du
Québec inc.
c. CSST et
Ordre des
chiropraticiens,
1999 RJQ 2187
4. Gemme c.
Sidbec-Dosco
(Ispat) inc. et
CALP, CA
Montréal,
500-09-002873966, 26-11-1999 ;
500-09-003297,
26-11-1999.
18
Dans l’affaire Maçonnerie Godbout inc.
c. CALP1 la Cour d’appel a décidé,
comme la Cour supérieure, que la décision de la CALP voulant que le revenu
brut d’un travailleur de la construction,
aux fins de l’article 67 LATMP, devait
être « annualisé », n’était pas déraisonnable. La Cour d’appel a noté que la
décision de la CALP (datant de 1988)
s’appuyait sur un courant majoritaire au
sein de ce tribunal. Pourtant depuis les
dix dernières années, plusieurs décisions de la CALP arrivaient à des conclusions contraires. Il faudra maintenant
voir la portée de cette décision de la
Cour d’appel face à de semblables litiges.
La preuve vidéo, la filature
et la surveillance
Dans un cas ayant fait couler beaucoup
d’encre, Syndicat des travailleurs (euses)
de Bridgestone Firestone c. Trudeau2, la
Cour d’appel a jugé que l’arbitre
Trudeau avait eu raison d’accepter la
preuve de l’employeur, une vidéo
faisant état de la filature d’un employé
absent en raison d’une lésion professionnelle, lors de l’audition du grief de
l’employé congédié. Rappelant que le
droit à la vie privée est un concept flou,
ne pouvant se limiter aux seuls murs du
foyer, la Cour d’appel est d’avis que
l’employeur était justifié de filer son
employé absent, dans ce dossier, ayant
accumulé suffisamment d’indices permettant de douter de la véracité des
propos de l’employé.
Les chiropraticiens
mordent la poussière
L’Association des chiropraticiens a contesté en Cour supérieure, le Règlement
sur l’assistance médicale de la CSST.
Selon l’Association, la CSST ne pouvait
assujettir à la délivrance d’une ordonnance médicale le remboursement par
la CSST du coût de traitements chiropratiques à titre d’assistance médicale,
ce règlement étant, selon eux, discriminatoire envers les chiropraticiens. La
Cour d’appel, comme la Cour supérieure, a rejeté la demande de l’Association, jugeant valides les dispositions
du règlement sur l’assistance médicale
et donc légale la nécessité d’une prescription médicale de soins chiropratiques et les conditions de remboursement de tels frais3.
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CONVERGENCE avril 2000
La plainte sous l’article 32
LATMP et les programmes
d’aide aux employés (P.A.E.)
Dans le cadre de la fermeture d’une
usine, l’employeur a mis sur pied un
programme d’aide aux employés permettant à ceux-ci de toucher certaines
indemnités de retraite. Le programme
excluait cependant tout employé recevant une indemnité de la CSST, de la
SAAQ ou d’un autre régime d’assurance. Certains employés ont déposé
une plainte à la CSST en vertu de l’article 32 LATMP, alléguant que la clause
d’exclusion constituait de la discrimination à leur endroit. La CALP a donné
raison aux employés. Dans un dossier,
la Cour supérieure a jugé que la décision de la CALP était déraisonnable.
De son côté, la Cour d’appel du
Québec a rétabli la décision de la CALP,
jugeant que celle-ci n’avait pas rendu de
décision déraisonnable et mentionnant
que la Cour supérieure aurait dû faire
preuve de « retenue judiciaire »4. Selon
la Cour d’appel, la CALP a appliqué le
bon test en jugeant la clause d’exclusion
par rapport aux employés non blessés
plutôt qu’en comparant les différents
employés exclus (CSST, SAAQ, ou
autres) entre eux.
QUESTIONSRÉPONSES
Les étudiants en stage
Plusieurs entreprises acceptent des étudiants en stage et se demandent comment traiter ces étudiants en ce qui
concerne la CSST.
Pour ce qui est des stages non rémunérés, c’est l’établissement d’enseignement ou la Commission scolaire qui
est considérée comme l’employeur. Les stagiaires doivent cependant être inscrits à la CSST (6 $ par stagiaire). En
cas de lésion professionnelle, l’entreprise qui utilise le stagiaire n’aura pas d’imputation sur les coûts. Avant le
début du stage, l’entreprise doit cependant demander une preuve établissant que le stagiaire est inscrit à la CSST.
Dès qu’il y a rémunération, il ne s’agit plus d’un stage non rémunéré. L’entreprise qui utilise les services du stagiaire devient son employeur. Dans ce dernier cas, l’entreprise doit inclure cette rémunération dans sa Déclaration
des salaires. En cas de lésion professionnelle, les coûts seront imputés à l’entreprise.
L’entreprise doit donc être prudente si elle désire « récompenser » un stagiaire. Si la récompense est considérée
comme du salaire aux fins de l’impôt, il ne s’agit plus d’un stage non rémunéré. Généralement, si la gratification
génère un revenu d’emploi (Relevé 1, Case A), le stagiaire devient un salarié.
En terminant, ajoutons qu’il n’existe aucune entente entre la CSST ou quelque commission scolaire que ce soit
pouvant faire en sorte qu’un stagiaire rémunéré par l’entreprise demeure considéré à l’emploi de la commission
scolaire.
QUESTIONSRÉPONSES
Vous avez des questions ? Nous choisirons les questions qui nous semblent d’intérêt pour l’ensemble des lecteurs
de Convergence et, dans chaque numéro, nous y répondrons.
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