Chap 11 A coeur d`homme ou quasi homme - Marie

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Chap 11 A coeur d`homme ou quasi homme - Marie
Chapitre XI : A-cœur-d’homme ou
quasi-homme
Femmes à cœur d’homme
Souvenons-nous que la deuxième catégorie de destin pour des femmes à la
ménopause est, selon Françoise Héritier, celle des femmes à cœur d’homme. Aussi aptes
qu’eux dans les métiers qu’elles exercent, elles jouent un rôle important dans les
cérémonies normalement réservées aux hommes. Elles ne sont donc pas sans avoir une
certaine puissance phallique, dont elles font usage. Elles sont connues pour le souci de leur
apparence de leur propre personne et l’intérêt qu’elles portent aux rapports sexuels et ceci
jusqu’à un âge très avancé.
Dans leur discours sur la sexualité, les hommes doivent et peuvent se vanter de
grands besoins, cela fait partie de leur performance phallique, ce qui n’est pas le cas de la
grande majorité des femmes. Les démographes appellent cela la sur-déclaration masculine.
Ils remarquent, par exemple, que 22% des hommes mariés de plus de 50 ans affirment
avoir besoin d’un rapport quotidien et 20% d’entre eux mentionnent les mêmes exigences
chez leur femme, alors que ces dernières ne sont que 9% à l’indiquer1.
Une des caractéristiques des femmes à cœur d’homme est de pouvoir assumer
psychiquement et verbalement leur sexualité, sur un mode donc plus viril. Ceci suppose un
changement de côté dans les formules de sexuation, ce qui n’est possible que quand une
certaine forme de reconnaissance sociale donne à une femme le sentiment de ne pas être
sans en avoir, du phallus2.
Tout en pouvant se soutenir, sur le plan social, d’une certaine puissance phallique,
elles visent toujours une autre forme de phallus – celui de la virilité sexuelle - dans le
champ de l’autre de l’autre sexe. Et, à l’adresse des messieurs, elles jouent de leur charme
féminin, de leur manque.
Par contre, le choix d’objet amoureux se fait maintenant, parfois, sur un “ mode
masculin ”. Se permettre d’avoir un partenaire plus jeune peut en être une des formes.
Sylvain Mimoun3 cite des recherches qui montrent qu’un tiers des femmes, qui à l’âge de
la ménopause n’ont pas de difficulté sexuelle, ont un nouveau partenaire d’environ 10 ans
de moins qu’elles. Cette donnée rejoint ce qui était dit pour les femmes à cœur d’homme :
chez les Pigeans, une grande partie de ces femmes qui aimaient faire l’amour jusqu’à un
âge très tardif, avaient des maris de 5 à 25 ans plus jeunes qu’elles.
Certains écrivains femmes, qui ont écrit sur leur crise du milieu de la vie,
m’évoquent la catégorie des “ femmes à cœur d’homme ”.
Colette4 écrit Chéri pendant sa quarantaine. Dix ans plus tard, elle écrira Naissance
du jour où elle traite de la question de l’amour d’un homme plus jeune pour une femme
dans la cinquantaine. Dans ce roman, la femme d’âge mûr exige du jeune homme qu’il
renonce à ses sentiments pour elle. Ses biographes remarquent qu’elle commence, au
même moment, une relation avec celui qui ne la quittera plus jusqu’à sa mort, Maurice
Goudeket. Il a dix-sept ans de moins qu’elle. Colette correspondait bien à ces femmes
d’une structure nettement narcissique, selon l’expression d’Helene Deutsch. Elle savait se
faire aimer de façon continue. Elle avait rencontré Goudeket le lendemain de sa séparation
avec Bertrand de Jouvenel. Hasard de circonstances ? Si la ménopause est un désastre
comme le dit Deutsch, Colette connaissait une des méthodes les plus favorables pour le
surmonter : non seulement se faire aimer de façon continue, mais aussi être aimante.
Colette
A cinquante trois ans, Colette est une femme qui sait s’imposer, un auteur célèbre.
Connue pour aimer faire l’amour et pour son verbe haut, elle recevra, à la fin de sa vie, les
honneurs habituellement réservés aux hommes : elle sera nommée Chevalier de la Légion
d’Honneur. Voilà pourquoi, elle me fait penser aux femmes à cœur d’homme.
Maurice Goudeket a trente cinq ans quand ils se rencontrent. Cet homme jovial qui
avait espéré devenir écrivain était un spécialiste du commerce des perles. Il n’avait pas
encore éprouvé le besoin de se marier. Lorsqu’il a commençé à fréquenter Colette, il s’est
souvenu d’un fantasme d’adolescence : après avoir lu certain de ses textes, il avait déclaré
à ses parents qu’il n’épouserait personne d’autre.5 Pour certaines femmes écrivains, leur
écriture est un facteur important dans le charme qu’elles exercent sur les hommes.
Plus tard, il s’est consacré, lui aussi à l’écriture et a laissé au moins deux livres de
mémoire où il parle de sa relation à Colette. Dans Près de Colette Maurice Goudeket
écrira : “ Mon amour pour la femme, mon admiration pour l’œuvre, demeuraient, en effet,
parallèles. ”6
Nous voyons là que l’écriture de Colette joue un double rôle dans son rapport à
l’autre de l’autre sexe. Un puissant charme, comme un philtre d’amour mais aussi une
réussite phallique qui lui donne notoriété, titre de chevalier, etc. D’ailleurs, dans le même
livre, Maurice avoue que ce n’était pas chose facile “ d’être mari de Colette, M. Colette. ”7
Si le phallus semble se trouver de son côté, qu’est-ce qui garanti encore sa féminité ? Son
amant la voit comme une femme, la désire comme une femme. Chez elle, l’objet de désir il
le voit dans ses yeux : “ Il n’y a pas eu de plus beaux yeux au monde ni qui mieux savaient
voir. Ils étaient bleus, d’un bleu qui changeait selon l’éclairage comme font tous les yeux
bleus, mis d’un bleu profond, bleus comme certains saphirs, bleu comme la Méditerranée
l’hiver, quand la tourmente le Mistral et légèrement pailletés d’or (…) Aucune
photographie, aucune prise de vues, aucune peinture ne donnaient idée de l’intensité de
son regard ni de sa douceur tout à tour. Elle le dardait sur l’inconnu, et il se sentait
immédiatement pesé à son poids véritable. Il en restait muet ou balbutiant. (…) Elle y
mettait du khôl, avec une petite estompe que, plusieurs fois par jour, elle se passait”8.
Colette est restée coquette jusqu’au bout, même pendant les longues années où sa maladie
la cloua au lit. Elle avait à côté d’elle, caché dans une reliure-boîte d’un livre de Pascal, un
petit nécessaire à maquillage avec du rouge à lèvre et cet inséparable khôl. De ce point de
vue là aussi, elle correspond bien aux femmes à cœur d’homme9.
Goudeket n’est pas seulement un bel homme, jeune et amoureux, il est aussi son
partenaire érotique. Si dans Naissance du Jour la protagoniste - en de multiples points
semblable à Colette - renvoie son jeune soupirant et renonce à l’amour, Maurice et elle
vivent ensemble “ des heures ardentes, exaltés par la chaleur, la lumière, le parfum des
étés provençaux ”10. Et cela au moment même de la rédaction du roman. Ce renoncement –
ajoutera-t-il, elle l’avait envisagé pour elle aussi, non pas par sagesse “ mais par une
propension à éloigner ce qu’elle convoitait le plus. L’heure pour notre couple de muer
l’amour en amitié, c’est elle qui en a, plus tard, avant moi, décidé. ” 11
Ils se sont marié 10 ans après le début de leur relation ; il avait alors 45 ans et elle
62. Ils devaient se rendre aux USA et n’avaient pas envie de faire chambre à part, comme
les mœurs puritaines de l’Amérique de l’époque le leur auraient imposé. A 67 ans, Colette
faisait encore du vélo avec lui au Bois de Boulogne. Tandis qu’elle pédalait allègrement,
“ orgueilleusement je la devançais sur mon coursier ailé, je revenais, je tournais autour
d’elle, à la manière d’un chien de chasse. Nous avons toujours eu, dans l’exercice d’un
certain enfantillage, le même âge elle et moi. ”12 Sa jeunesse lui confère cette phallicité
d’être physiquement le plus fort.
Freud se plaignait du revers que présente le grand charme de la femme narcissique :
l’insatisfaction de l’homme amoureux, le doute sur son amour. Certaines très belles
femmes, elles-mêmes amoureuses de leur image se sont laissés aimer, dans leur jeunesse,
dans un choix d’objet de type féminin. Mais, au milieu de la vie, elles deviennent capables
d’aimer selon le type masculin de choix d’objet, pour employer la terminologie de Freud13.
La jeunesse et la puissance physique, formes imaginaires d’une positivation du
phallus, se trouvent du côté du mari que cette femme investit maintenant d’une
surestimation sexuelle. Selon Freud, c’est ce qui permet à l’objet – ici le mari – d’avoir le
sentiment d’être aimé. Il lit, dans son regard, qu’elle le voit nanti phalliquement. Pour
qu’une femme puisse le faire, cela suppose qu’elle soit un peu pacifiée du côté de l’envie
du pénis. Au milieu de la vie, certaines femmes à qui le succès social sourit, y parviennent.
Cela se retrouve dans beaucoup de couples formés par des “ femmes à cœur d’homme ” et
leur mari plus jeune.
Nous avons vu que le succès peut être vécu comme une menace par le partenaire du
même âge qui ne se sent plus tellement assuré de sa phallicité sur le plan physique. Une
“ femme à cœur d’homme ” pourra plus facilement faire usage de sa réussite sociale,
comme une forme de charme supplémentaire, auprès d’un mari plus jeune et donc moins
menacé dans sa puissance virile. Dans notre société occidentale, nous rencontrons surtout
des “ femmes à cœur d’homme ” parmi celles dont le métier met en jeu leur écriture ou
une voix : des écrivains comme Beauvoir, Colette, Duras, d’innombrables actrices de
théâtre ou de cinéma, des chanteuses comme Piaf. Parfois aussi des journalistes et
certaines intellectuelles qui ont à s’exprimer publiquement. Le recrutement des
échantillons serait-il biaisé ? IL est vrai que ce sont des femmes dont la vie est plus
facilement rendue publique. Ou bien, est-ce peut-être la voix, porteuse d’une certaine
forme de parole, qui vient occuper la place d’un objet “ a ”, cause du désir pour l’autre de
l’Autre sexe ? Les éléments dont nous disposons ne permettent pas de trancher.
Quand le monde entier s’inclinait à ses pieds, Colette n’avait pour cet époux plus
jeune que des paroles de dévotion et de gratitude, écrira Maurice Goudeket, qui le
laissaient confus : “ Je lui répondait qu’elle m’avait tout donné, y compris l’occasion de
lui vouer cette ferveur que chez tant d’hommes reste sans emploi ”. Parfois, Colette lui
disait : “ Ah ! que je te plains d’avoir une femme tellement plus vieille que toi ”. Il lui
faisait valoir que si la différence d’âge avait été en sens contraire, il aurait eu quatre-vingt
quinze ans et serait mort depuis longtemps, inconsolable de l’abandonner. Il se demandait
si c’était juste que ce soit la plus désarmée qui dans la majorité des cas reste seule ? Et il
concluait : “ Pour Colette et moi, notre disparité d’âge, telle qu’elle existait, a
constamment joué, non pas contre mais en faveur de notre entente. ”14 La fragilité due à
l’âge lui permettait alors de l’aimer pour ce qu’elle n’avait pas. Il disait d’ailleurs que “ un
homme n’aime pas une femme pour son génie. Il l’aime malgré son génie. ”15 Néanmoins,
tout le brillant autour de l’écrivain Colette n’était pas sans auréoler le personnage à ses
yeux.
Il décrit de façon touchante la mort de Colette : “ Je la regardais dormir, et le
sentiment qui me dominait était celui de la gratitude. Elle m’avait, pendant 30 ans d’un
bonheur sans faille, fait vivre un monde féerique, offert le spectacle d’une grandeur telle
que je désespère d’en pouvoir donner témoignage. Elle faisait la faveur de s’éteindre sans
souffrance, pareille à un soleil qui sombre.” 16 Nous sommes là, semble-t-il, dans le
registre, non plus du désir, mais de l’amour courtois, du service à la Dame. Elle a peut-être
incarné une forme de l’Autre pour Maurice.
Ce tableau idyllique n’est qu’une des faces de la réalité. Comme beaucoup de
femmes, Colette avait aussi sa sœur jumelle de l’ombre. Dans une lettre à une amie, écrite
le 14 mars 1944, Colette avoue : “ Je ne dis pas à Maurice qu’elles sont mes heures de me
dire : ‘Ah ! C’est trop long et je suis trop usée, je serai finie avant “ Elle ” ( la guerre).
Cela lui ferait trop de peine. Il est lui merveilleusement égal et ferme17 (…) nos âmes ne
commettent pas ce que j’appelle le délit de mauvaise humeur.”
Des années plus tard, en faisant le bilan de sa vie, Maurice écrivait : “ Mes trente
années de vie commune avec Colette forment évidemment le centre de mon existence. J’ai
épousé, depuis, une femme assez intelligente non seulement pour ne pas contrarier le culte
que je voue à une autre, mais encore pour le partager dans une certaine mesure ”18. Il a
alors 87 ans et est le père d’un fils de 15 ans.
Simone de Beauvoir : Une “ femme à cœur d’homme ”
Cette femme, hors pair, est un exemple intéressant de deux délocalisations survenus,
successivement, au milieu de la vie, dans sa relation désirante. Dans sa première période
de femme “ mature ” - ce qui correspond à la deuxième partie de sa quarantaine - elle va se
positionner d’une façon qui évoque les femmes à cœur d’homme. Dix ans plus tard, ce sera
plutôt une femme quasi-homme qu’elle évoquera19.
Longtemps Beauvoir a entretenu l’idée que les quadragénaires sont trop vieilles pour
avoir des rapports sexuels. Dans Tout Compte fait, elle s’en souvient: “ Même à trentecinq ans, j’étais choquée quand les aînées faisaient allusion devant moi à leurs ébats
conjugaux: il vient un moment où il faut avoir la décence de renoncer, pensais-je ”.
Au début du deuxième volume de La Force des choses, c’est avec une certaine ironie
qu’elle reprend son opinion passée: “ C’est ainsi que je décrétais à trente ans: Un certain
amour, après quarante ans, il faut y renoncer. Je détestais ce que j’appelais ‘les vieilles
peaux’ et je me promettais bien, quand la mienne aurait fait son temps, de la remiser. Cela
ne m’avait pas empêchée, à trente-neuf ans, de me jeter dans une histoire. Maintenant, j’en
avais quarante-quatre, j’étais reléguée au pays des ombres: mais, je l’ai dit, si mon corps
s’en accommodait, mon imagination ne s’y résignait pas. Quand une chance s’offrit de
renaître encore une fois, je la saisis ”.
La chance qu’elle saisit avec tant d’ardeur, c’est une liaison amoureuse avec Claude
Lanzmann, de dix-sept ans son cadet. Il venait d’intégrer le comité éditorial des Temps
modernes, et devait connaître la notoriété en tant que réalisateur du film Shoah. Lanzmann,
qui n’avait jamais rencontré Simone de Beauvoir, dès la première réunion, “ est frappé par
son visage merveilleux, lumineux, intelligent et à mesure que la réunion progressait par
son honnêteté et sa franchise ”, écrit son biographe Deirdre Bair. Il la trouve belle et se
sent attiré par elle20.
Beauvoir, étonnée de cette attirance réciproque, écrit à Algren, l’ancien amant et
confident: “ Quelqu’un veut m’aimer, alors que je pensais que ma vie amoureuse était
définitivement terminée ”. Elle était à l’époque particulièrement séduisante, s’étant
imposée un régime très strict avant sa dernière visite à Algren. Cette rencontre avait mal
fini, Algren avait mis fin à leur relation en déclarant qu’il voulait vivre avec une femme
qui serait réellement à lui. Au retour, sans doute en raison de son humeur dépressive, elle
avait perdu quatre kilos. Pour écrire Les Mandarins elle a cessé de boire et fait de longues
marches dans Paris. Elle portait des vêtements aux couleurs vives qui mettaient en valeur
son teint clair et ses yeux d’un bleu intense. “Lorsqu’elle rencontra Lanzmann, écrit
Deirdre Blair, elle n’avait sans doute jamais été en meilleur état physique de toute sa vie
d’adulte, et, comme elle avait toujours fait plus jeune que son âge, les dix-sept ans qui les
séparaient paraissaient moins rédhibitoires ”.21
Remarquons combien son biographe a besoin de nous dire que la différence d’âge ne
se voyait pas. Et comment lui-même opère des découpes sur le corps de cette femme de
quarante quatre ans: la peau, les yeux, objets “ a ” susceptibles de retenir le désir
masculin. Discours incongru s’il s’était agi d’un homme.
Simone de Beauvoir fait exactement ce qu’elle avait dénoncé chez les femmes du
milieu de la quarantaine- ce qu’elle reconnaît - elle se précipite dans une histoire
amoureuse. Dans Le deuxième sexe, son chapitre sur la femme mature reprend en grande
partie le texte de Deutsch. Celle-ci avait isolé une première partie de la péri-ménopause : la
période qui correspond aux premières ratées des règles, quand “ l’appareil sexuel
endocrinien n’a pas encore cessé de fonctionner dans son ensemble ”. Cette première
partie serait caractérisée par un accroissement de l’excitation sexuelle, par une aptitude
sexuelle augmentée, et pour certaines femmes, par une lutte plus ou moins sévère contre
ces mouvements, tout comme lors de sa puberté. C’est pourquoi la ménopause est
considérée comme “ un âge dangereux ”. A la limite du comportement hypomaniaque,
disait Deutsch, les voilà qui se sentent de toutes jeunes filles et veulent recommencer leur
vie. Ces jugements nous semblent bien sévères, mais à l’époque où elle écrit Le Deuxième
Sexe, Simone de Beauvoir ne pensait pas autrement.
Anne, l’héroïne des Mandarins, donne des corps et des désirs de femmes qui ont
dépassé la quarantaine une image très négative. L’écrivain dit à son propos: “ Je lui ai
prêté des goûts, des sentiments, des réactions, des souvenirs qui étaient miens; souvent je
parle par sa bouche22. ” Mais Anne, n’a ni ses appétits, ni ses entêtements, ni surtout
l’autonomie que le métier d’écrivain donne à Simone de Beauvoir.
Si, le moment venu, Simone de Beauvoir s’est comportée en “ femme à cœur
d’homme ” - pour emprunter métaphoriquement cette catégorie à Françoise Héritier - c’est
justement parce qu’elle était un écrivain renommée, qu’elle réussissait aussi bien que
beaucoup d’hommes. Si cette condition n’est pas suffisante, elle est néanmoins nécessaire
pour qu’une femme mature puisse se permettre ce type de délocalisation. Quand
Lanzmann, jeune normalien, la rencontre aux Temps Modernes, sa parole a autant de
valeur que celle d’un homme et peut-être plus que la sienne.
Voyons le changement de conception qui va s’opérer dans Simone de Beauvoir ellemême. Dans le Deuxième Sexe, les subterfuges de séduction sexuelle, auxquels ont recours
les femmes “ âgées ”, sont décrits sans pitié. En voici un exemple : “ Elles déclarent toutes
que jamais elles ne se sont senties si jeunes. Elles veulent persuader autrui que le passage
du temps ne les a pas vraiment touchées; elles se mettent à “ s’habiller jeune ”, elles
adoptent des mimiques enfantines. ”
Dans Le Deuxième Sexe, rappelle Toril Moi, la seule chose que puissent faire ces
femmes, c’est d’accepter leur destinée, c’est-à-dire, abandonner toute idée de désir ou de
plaisir sexuel: “ Du jour où la femme consent à vieillir, sa situation change. [...] Elle
devient un être différent, asexué mais achevé : une femme âgée ”. Nous retrouvons là, sous
la plume de Beauvoir, la thématique bien banale du renoncement, chère à certaines
psychanalystes américaines.
Par contre, quatorze ans plus tard, le second volume de La force des choses s’ouvre
ainsi : “ Les jeunes femmes ont un sens aigu de ce qu’il convient de faire et de ne pas faire
quand on a cessé d’être jeune; je ne comprends pas, disent-elles, que passé quarante ans
on se teigne en blond, qu’on s’exhibe en bikini, qu’on coquette avec les hommes. Moi,
quand j’aurai cet âge là. Cet âge vient: elles se teignent en blond; elles portent des bikinis,
elles sourient aux hommes. ”23 C’est d’elle-même que parle ici Simone de Beauvoir. Elle
vient de rencontrer Lanzmann, il est jeune, il l’aime; elle est heureuse, elle l’aime.
A la fin de sa relation avec Algren, elle avait pensé que sa vie sexuelle était bel et
bien terminée: “ Plus jamais je ne dormirai dans la chaleur d’un corps. Jamais: quel glas.
Quand cette évidence me saisissait, je basculais dans la mort. ”
Et puis Claude Lanzmann l’invite pour la première fois, et elle verse des larmes de
joie: “ Après deux années où le marasme universel avait coïncidé pour moi avec la brisure
d’un amour et les premiers pressentiments de la déchéance, je rebondis avec emportement
dans le bonheur ”24.
“ Il y avait entre nous dix-sept années de différences, elles ne nous effrayèrent pas. ”
En tant qu’analyste, nous entendons dans cette dénégation effrayèrent; ce qui n’est pas
surprenant chez une femme pour qui l’âge est une chose si difficile. Il est intéressant
d’écouter comment Simone de Beauvoir dit s’en être accommodée: “ Quant à moi, j’avais
besoin de distance pour engager mon cœur, car il n’était pas question de doubler mon
entente avec Sartre. (...) Son âge me vouait à n’être qu’un moment de sa vie : cela
m’excusait à mes propres yeux, de ne pas lui donner aujourd’hui toute la mienne. ”25
En 1953-1954, Simone de Beauvoir consacre l’essentiel de son temps à travailler aux
Mandarins et à voyager. Elle ira plusieurs fois dans le Midi avec Lanzmann, et aussi à
l’étranger, notamment en Suisse, en Italie, en Yougoslavie, en Algérie et en Espagne. Lui
avait peu voyagé, en France ou ailleurs. Maintenant qu’elle a de l’argent, elle prend grand
plaisir à lui faire découvrir des lieux qu’elle connait et qu’elle aimr. Ce type de rapport, où
c’est une femme qui joue Pygmalion, nous semble constitutif d’un rapport jocastien26 à
l’amant. Il peut se trouver parfois dans la relation d’une femme à cœur d’homme avec son
partenaire plus jeune.
Claude Francis et Fernande Gontier, commentent ainsi leur relation : “ A 44 ans, elle
fait ce qui est le privilège des hommes à cet âge là: elle recommence une vie avec un
partenaire de 17 ans son cadet ”. Il nous semble, qu’en effet, il y a un élément viril dans ce
type de choix d’objet. Elle a un pouvoir phallique imaginaire: son prestige, mais aussi de
l’argent. Simone de Beauvoir, au milieu de sa quarantaine correspond bien, me semble-t-il,
à cette catégorie des femmes à cœur-d’homme Helene Deutsch fait une analogie entre le
premier temps de la péri-ménopause - généralement dans la quarantaine – et la prépuberté. A ce moment, le choix amoureux d’une femme suit, selon elle,- comme à la prépuberté - un frayage incestueux. A cette différence près que ce serait l’amour pour le fils
qui viendrait remplacer l’amour que, petite fille, elle avait voué à son père
Malgré les exemples cliniques apportés à l’appui de cette hypothèse et les nombreux
exemples consignés dans la littérature, nous avons vu que l’idée d’un possible choix
d’objet incestueux à la ménopause n’a jamais été reprise par les psychanalystes. La seule
qui l’ait reprise, c’est Simone de Beauvoir. Elle donne à cette hypothèse un développement
qui ne se trouve pas chez Deutsch, celui du lien avec un fils que l’on adopte et qui devient
souvent l’amant. Elle pense ici explicitement à Chéri de Colette.
Il est évident que Lanzmann n’est pas un adolescent et que Simone de Beauvoir n’a
pas été avec lui particulièrement maternelle. Peut-être s’en défendait-elle? Mais, c’est ellemême qui, à propos du bonheur dans lequel ils vivaient, décrit: “ une sorte de relation
mère-fils incestueuse, et elle durera sans doute toute notre vie ”27.
Pendant leurs années de vie commune, Lanzmann va être son rempart contre ses
angoisses face au vieillissement. Il va aussi lui permettre un regard jeune et neuf sur les
choses: “ grâce à lui, mille choses me furent rendues : de joies, des étonnements, des
anxiétés des rires et la fraîcheur du monde. ”28 Il vient habiter chez elle et livres et
journaux vont submerger meubles et planchers. Lanzmann fut le seul homme avec qui
Beauvoir habita. “ J’ai emménagé rue de la Bûcherie, dit-il. Malgré tout ce qu’elle a pu
me dire, il n’y avait qu’une pièce. La cohabitation posait un problème. Elle travaillait sans
arrêt, avec une discipline de fer. Sartre aussi. Le premier matin, je pensais rester au lit,
mais elle s’est levée, elle s’est habillée et s’est installée à sa table de travail (...) Elle n’a
pas dû ouvrir la bouche jusqu’à l’heure du déjeuner ”.29
Leur référence à tous deux, c’est Sartre: “ Les nouvelles positions de Sartre
comblaient d’aise Lanzmann ”, dit-elle à propos du rapprochement de Sartre avec le PCF.
C’est Lanzmann qui s’occupe de la publication des articles de Sartre dans les journaux. Ils
voyagent ensemble mais, dès le premier été, ils retrouvent Sartre et Michelle - sa maîtresse
de l’époque - à Venise. Simone de Beauvoir consacrait son été, exclusivement, à voyager
avec Sartre. “ Les vacances que je prenais, chaque année, avec Sartre nous posaient un
problème : je ne voulais pas y renoncer; mais une séparation de deux mois nous serait à
tous deux pénible. Nous convîmes que chaque été Lanzmann viendrait passer une dizaine
de jours avec Sartre et moi ”.30 Lanzmann disait que ses rapports avec Sartre étaient “ très
amicaux, sans le moindre problème ”, que tout dans leur vie était en commun avec lui et
que Simone de Beauvoir adjugeait elle-même à chacun sa place dans ses affections.
A propos des formules de la sexuation, nous avons vu que L/a femme est divisée
entre ce qu’elle vise du côté de la jouissance de l’Autre, S(A/ ), et ce qu’elle vise du côté
du phallus, Ô. Dans le cas de Simone de Beauvoir, son amant n’incarnait,
vraisemblablement, pas la place de L’Autre barré A/ - place qu’elle a gardé longtemps à
Sartre31 – mais il lui offrait sûrement une forme incarnée du phallus. Simone de Beauvoir
est véritablement divisée entre deux hommes, dans son investissement amoureux, ce qui
n’est pas fréquent chez des femmes. Il semble évident que Lanzmann vise chez elle un
objet “ a ”, cause de désir. Elle avoue, elle-même, avoir compris qu’à 40 ans, les femmes
pouvaient toujours se teindre en blondes, porter des bikinis, et sourire aux hommes. Cette
relation amoureuse y a sûrement collaboré et nous lui devons de vivre aujourd’hui, en
France, avec des féministes qui ne tournent pas le dos à la séduction, qui acceptent de
jouer le jeu de l’objet de désir pour un homme.
De son côté, si Lanzmann parle de son visage merveilleux, lumineux, il souligne
aussi son intelligence, son honnêteté et sa franchise. Au milieu de la vie, les charmes d’une
femme sont liés certes à des morceaux de corps, mais aussi à des qualités plus spirituelles.
Il est possible que Sartre ait pu représenter une des formes d’accès à l’Autre, d’autant
qu’elle y croyait.
Lanzmann raconte: “ Elle partait retrouver Sartre et ils déjeunaient ensemble; je les
rejoignais parfois. L’après-midi, elle allait chez lui, et ils travaillaient trois, quatre heures,
peut-être. Ensuite, il y avait les réunions, les rendez-vous. Nous nous rencontrions plus
tard pour dîner, et presque toujours Sartre et elle s’installaient à l’écart et elle lui donnait
ses impressions sur ce qu’il avait écrit ce jour là. Ensuite nous rentrions dormir, elle et
moi, rue de la Bûcherie.32
Lanzmann nie toute rivalité avec Sartre, “ il n’y avait pas de tension, Sartre était
l’élément unificateur, catalyseur. La famille, le bureau des Temps Modernes ; tous avaient
quelque chose en commun : ce rapport à Sartre qui nous donnait une unité
supplémentaire, une complicité, parce que nous avions tous la même façon de penser ”33.
Nous avons le sentiment que ce trio constitue une véritable famille où le père, c’est Sartre.
Après tout pourquoi pas? Sinon qu’on entend bien que l’amant en question ait pu, un jour,
souhaiter venir aussi incarner cette place d’Autre, du père, pour une femme. Dès lors, la
rupture devenait inévitable.
En 1958, Simone de Beauvoir a 50 ans à la fin de sa relation avec Lanzmann ; elle
écrit: “ Le dernier câble qui me retenait loin de mon véritable état craqua : mes rapports
avec Lanzmann se défirent. C’était normal, c’était fatal et même, pour l’un comme pour
l’autre, à la réflexion, souhaitable; mais le moment de la réflexion n’était pas encore
arrivé. L’action du temps m’a toujours déconcertée, je prends tout pour définitif, aussi le
travail de la séparation me fut-il difficile; à lui aussi d’ailleurs, bien que l’initiative fût
venue de lui. Je n’étais pas sûre que nous réussirions à sauver le passé et j’y tenais trop
pour que l’idée de le renier ne me fût pas odieuse ”.34
Cette histoire d’amour, entre une femme d’âge mûr et un homme beaucoup plus
jeune, même si elle n’a duré que sept ans, est exemplaire car elle est bien plus heureuse
que celles que le cinéma et la littérature nous présentent. Notre culture se plait à montrer la
fin tragique de ces amours des femmes qui, à déjà maturité, osent encore s’y risquer. Il
serait trop facile de penser que la différence d’âge est, ici aussi, cause de cette fin. J’ai
essayé de suivre les derniers mois de cette relation, dans les notes que Simone de Beauvoir
en a laissé dans La force des choses et dans la biographie de Deirdre Bair .
En mai 1958, Lanzmann part en Corée pour son travail, il y restera assez longtemps.
Ils ont, juste avant, fait ensemble un voyage à Londres dont Simone de Beauvoir omet de
parler dans la Force des Choses. Elle signale, par contre, qu’en route pour la Corée, il l’a
appelé de Moscou, cela ne semble pas l’affecter. La guerre d’Algérie, ainsi que le retour
du général de Gaule, occupent le centre de ses pensées.
Il est difficile de juger de ce que vit et pense cette femme de cinquante ans; on
n’écrit que ce que l’on veut bien et, dans l’après-coup de la fin de cette relation, elle aurait
pu vouloir en minimiser la perte. Mais n’oublions pas que celui qui tient une place d’Autre
pour elle - dont on peut dire qu’elle consacre une grande énergie à ce qu’il ne se barre pas
trop - c’est Sartre. Elle se vouera non seulement à le garder près d’elle autant que faire se
peut, mais aussi à maintenir de lui une image aussi entière que possible, sauf dans le livre
qu’elle consacrera plus tard à sa mort.
A cause de la guerre d’Algérie, Sartre et elle sont menacés, ils doivent se cacher; ils
sont de ce fait tout le temps ensemble ; ils en souffrent ensemble. Le 16 juin, ils partent
tous deux en Italie. Ils sont à Venise quand lui parvient une lettre de Lanzmann, écrite de
Corée; il y en aura deux autres, assez longues, les 4 et 15 juillet. Elle les signale sans
aucune émotion ; c’est de la même façon qu’elle raconte avoir retrouvé Lanzmann a Paris
mi-août. Elle commente simplement que les souvenirs d’Extrême Orient, rapportés par
Lanzmann, envahissent la pièce et elle ajoute : “ C’est la première année depuis six ans
que je ne pars pas en vacances avec lui, à cause de la Corée. Mais je vieillis. Très
nettement mon désir de courir les routes s’est émoussé ”35. Phrase étonnante! Elle vient de
parcourir avec Sartre toute l’Italie. Après 15 jours passés à Venise, ils étaient partis, début
juillet, pour Ferrare, puis Ravenne. Elle trouve Spolète belle, la description qu’elle en fait
donne envie d’y aller. Ils sont ensuite à Rome, où ils rencontrent de nombreux amis. Elle
écrit que Rome est un bonheur. Venise, cela n’avait pas été mal non plus. Ils descendent
ensuite jusqu’à Capri, qu’ils connaissent et qu’ils aiment. Ils y voient des amis, Clouzot,
Moravia et d’autres.
On apprend, incidemment, qu’ “ Il y a eu le voyage éclair de Lanzmann et six cents
millions de Chinois, sans compter les Coréens, envahissant la petite île de Capri ”. J’ai cru
rêver en lisant cela. Il ne s’agit pas du jeune amant retrouvé après trois mois de séparation,
mais d’un envahissement. Est-ce qu’une telle masse humaine ne venait pas là, du côté de
Lanzmann, pour essayer de faire le poids ? Elle le raccompagne à Naples où il doit prendre
un avion pour le Liban. Cette séparation n’est pas nommée en tant que telle mais celle
avec Sartre, quelques jours plus tard, lui sera douloureuse. Il est difficile de savoir si elle
sait cette douleur, mais elle l’écrit. Elle est rentrée avec Sartre jusqu’à Pise où il a retrouvé
Michelle et elle est rentrée seule en conduisant la voiture jusqu’à Turin via Gênes. Elle
écrit alors: “ Signe de vieillesse: l’angoisse de tous les départs, de toutes les séparations. Et
la tristesse de tous les souvenirs parce que je me sens condamnée à mort ”36.
A ceci près que cette tristesse ne vient, associativement, qu’après avoir laissé Sartre
dans les bras d’une autre femme. Début septembre, elle écrit que Sartre n’est pas encore
rentré d’Italie et que la matinée a un goût vaguement sinistre. Lui trouve moyen de passer
plus de deux semaines avec Michelle. Le 16 septembre, elle va le chercher à la gare de
Lyon.
Les mois qui suivent sont remplis par les soucis qu’elle partage avec Sartre toujours
à propos de la guerre d’Algérie, tandis que Lanzmann, de son côté, est complètement
absorbé par la campagne électorale. Début octobre, sur fond d’échec électoral, Sartre est
malade, il évite de justesse une attaque cardiaque. Mi-novembre Sartre est un rescapé ;
c’est sa relation à Lanzmann qui sombre. Simone de Beauvoir plongera alors dans une
grande détresse qu’elle attribuera au vieillissement.
En 1962, Beauvoir semble être arrivée au bout de toutes ses illusions; son
découragement paraît durable; la vieillesse et la mort l’attendent au tournant; sa vie est
finie, dit-elle. Mais les auteurs, tel Lax, qui parlent d’un passage nécessaire par la
dépression, seront heureux de savoir que, dix ans plus tard, dans Tout Compte fait (1972)
elle a retrouvé une forme de sérénité. Elle dit, avec un certain soulagement : “ Là où je me
suis trompée, c’est en esquissant le tableau de mon avenir: Il a été beaucoup moins
sombre que je ne le prévoyais. (…) J’avais tort de penser en 1962 qu’il ne pouvait plus
rien m’arriver d’important, sinon des malheurs : une grande chance m’a de nouveau été
donnée “ .
Simone
de
Beauvoir
une
“ femme
quasi
homme ”?
Elle a cinquante cinq ans, cet automne 1963, quand elle rencontre Sylvie Le Bon,
une jeune étudiante de dix-huit ans, qui se préparait à entrer à l’ENS de Sèvres. Elle
gardera, jusqu’à sa mort, cette compagne femme avec qui elle échangeait et partageait
presque tout. Elle l’adoptera, et Sylvie portant désormais son nom, sera légataire
testamentaire de l’œuvre de Beauvoir. Il va y avoir, chez Simone de Beauvoir, une
nouvelle délocalisation que je n’ai pu saisir que grâce aux catégories de Françoise Héritier.
Sans ces elles, je n’aurais pas repéré chez la romancière ce passage de femme à cœur
d’homme à femme quasi-homme.
Souvenons-nous que Françoise Héritier repère un troisième destin pour les femmes
ménopausées dans les sociétés traditionnelles : celui des femmes quasi-homme. Femmes
puissantes économiquement, elles prennent, après la ménopause, des épouses dont elles
deviennent le mari. Les enfants de ces épouses les considèrent comme le père.
Si j’utilise les mêmes termes que l’anthropologue, ils n’ont pour moi que valeur
métaphorique, ce qui m’intéresse c’est le repérage de délocalisations d’une telle envergure chez
une femme, à ce moment de la vie. Et il s’agit là d’un type radical de délocalisation, impliquant
un changement de côté dans les formules de la sexuation. Pour Françoise Héritier, il ne s’agit
pas d’homosexualité chez les femmes quasi-homme, tout rapport sexuel étant exclu.
Que faut-il entendre par homosexualité féminine ?
Selon Sylvie Le Bon
et Beauvoir, entre elles deux, le lien n’était pas
d’homosexualité, mais d’amour. En effet, le terme homosexualité évoque, en général,
l’idée d’une sexualité agie avec un partenaire du même sexe. Mais la lecture que Lacan fait
du lien qui peut unir une femme à une autre laisse ouverte la question puisque, selon lui, il
n’est pas certain qu’il faille ranger les femmes qui aiment les femmes37 sous la bannière
univoque de la prétendue classe des homosexualités.
Ce livre n’a pas pour but d’aborder la question de la ménopause chez les femmes qui
se déclarent homosexuelles, non pas que la ménopause ne fasse pas problème pour
certaines d’entre elles38, mais parce que j’ai voulu centrer mon propos sur les
remaniements qui ont lieu, pendant cette période, chez celles qui auparavant visaient un
partenaire de l’autre sexe39. Voyons comment - au décours de leurs années de maturité –
certaines vont être menées à se délocaliser40, à passer du côté “ homme ” de la formule de
la sexuation et à se choisir une partenaire femme.
Avant d’essayer de montrer en quoi Simone de Beauvoir pourrait correspondre, à ce
moment de sa vie, à la catégorie femme quasi-homme, il nous faut reprendre la question de
l’homosexualité chez Jones et Lacan. D’ailleurs, pour mieux saisir la question de la
mascarade, il convient de s’arrêter à une forme particulière d’homosexualité féminine,
décrite par Jones : celle de femmes qui veulent être aimées et désirées par des hommes tout
en voulant être reconnues par eux comme leurs semblables41.
Chez Jones
Dans son article de 192742, Jones se demande à quoi correspond l’angoisse de
castration masculine chez la femme. Il dénonce la position phallocentrique des
psychanalystes et propose de penser l’envie du pénis comme une défense secondaire contre
l’aphanisis : la peur de perdre la jouissance ou bien le plaisir (Lust) sexuel. L’envie du
pénis ne serait que secondaire et correspondrait à une défense liée à la période oedipienne
chez la fille. Il s’agirait d’une régression défensive contre une privation : celle de ne jamais
partager le pénis du père dans le coït, ce qui la renverrait de l’amour pour le père vers une
identification à ce dernier. Le stade phallique ne serait rien d’autre que cette défense
oedipienne.
Il aborde alors ce qu’il appelle les homosexualités féminines. En fait, n’échappent à
cette catégorie que les femmes qui ont abdiquée de leur lien tendre au père en choisissant
leur féminité, ce qui, pour l’auteur, correspond à une identification anale à la mère qui se
réalisera, à l’âge adulte, dans le désir de grossesse et d’enfantement. Pour Jones féminité se
confond absolument avec maternité. Hors de ce désir maternel, on se retrouve
nécessairement dans une des deux catégories d’homosexualités : il y a celles qui
conservent leur intérêt pour les hommes mais qui s’efforcent d’être acceptées par eux
comme étant des leurs. Et il ajoute qu’à ce groupe appartiennent les femmes qui ne cessent
de se plaindre de l’injustice de la condition féminine. Remarquons, au passage, que les
“ femmes à cœur d’homme ” appartiennent à ce groupe.
L’homosexualité féminine concernerait une grande partie des femmes d’aujourd’hui
qui font passer leur carrière, quitte à rivaliser avec les hommes, bien avant leur souci de
maternité, au point de se retrouver parfois, quand, enfin, le temps pour le désir d’enfant est
là, confrontées à la ménopause.
Dans la deuxième catégorie se trouvent celles qui ne s’intéressent que peu ou pas
aux hommes et dont la libido se porte vers une femme. L’identification au père est
commune à toutes les formes d’homosexualité, même si elle est plus complète dans le
premier groupe que dans le second, où subsiste une certaine forme de féminité. Pour Jones,
le fait de ne pas s’intéresser au maternel équivaut à un abandon du sexe féminin.
Jones va, cependant, s’apercevoir que l’identification au père, comme mode défensif,
est si parfaite qu’elle se retrouve chez toutes les filles traversant le stade oedipien du
développement. Il la considère, dès lors, comme un phénomène universel. Mais alors,
pourquoi certaines deviendront-elles homosexuelles ? La réponse en termes
d’intensification du stade sadique-oral, ne semble pas le satisfaire tout à fait.
Chez Lacan
Quand il reprend le cas de la jeune homosexuelle de Freud, Lacan annonce d’emblée
que l’on ne pourrait parler de perversion qu’entre guillemets, l’homosexualité féminine se
retrouvant à “ chaque fois que la discussion porte sur les étapes que la femme a à franchir
pour accomplir son achèvement symbolique ”. Plus loin, toujours à propos de ce cas, il dira
de la jeune fille - qui a choisi une femme plus âgée qu’elle comme objet de sa passion que ce n’est pas une relation homosexuelle comme les autres et que “ Freud souligne
admirablement (…) qu’il s’agit ici de l’amour platonique dans ce qu’il a de plus exalté. ”43
Il ajoute que c’est un amour qui ne demande aucune satisfaction que le service de la
Dame. “ C’est vraiment l’amour sacré, ou l’amour courtois dans ce qu’il a de plus
dévotieux. ” C’est un amour qui, en soi, vise la non satisfaction, ajoutera-t-il.
Pour Lacan, l’ordre même dans lequel un amour idéal peut s’épanouir implique
l’institution du manque . Ce qui est cherché dans cette femme aimée, c’est ce qui lui
manque. Ce qui est cherché, au-delà d’elle, c’est l’objet central de toute l’économie
libidinale : le phallus. Et Lacan de rappeler que ce qui est aimé, c’est ce qui est au-delà du
sujet, ce qu’il n’a pas. Ces éléments vont nous permettre de nous orienter dans ce que
Sylvie et Simone de Beauvoir ont souhaité dire de leur relation.44
L’amour entre femmes
Beauvoir écrit que cette jeune femme - qui vient d’ailleurs d’un milieu très
semblable au sien - connaît, comme elle, une relation empoisonnée à sa mère. Quand les
parents ont vent de l’amitié intense de Sylvie avec cette femme célèbre, de plus de trente
ans son aînée, ils la rapatrient de force à Rennes, où ils habitent. Elle ne retournera à Paris
qu’à sa majorité. Durant toute cette période, Simone de Beauvoir est restée très distante
craignant de voir se répéter son expulsion de l’Education Nationale, pendant la guerre,
pour une accusation de corruption de mœurs sur une élève mineure.
Sylvie , rebelle, est partagée entre une affirmation passionnée de la vie et du bonheur
et de violentes crises de rage et de dépression . Elle aussi a été accusée de relations
homosexuelles dans le passé. Comme Beauvoir, c’est une intellectuelle; elle sera même
nommée, un temps, professeur de philosophie au lycée de Rouen où Beauvoir avait
enseigné dans les années 30. A ce propos Beauvoir écrira : “ Cela me donnait un peu
l’impression d’être réincarnée”. En effet, en Sylvie elle retrouve la jeune fille qu’elle a
été.
Elles ne devaient devenir inséparables qu’à la mort de la mère de Simone de
Beauvoir, période où Sylvie se montra très à l’écoute. Bien que vivant séparément, elles se
téléphonaient tous les jours. Les jeudis et samedis, Sylvie restait coucher chez Beauvoir ;
elles passaient le dimanche ensemble et Beauvoir dormait chez Sylvie le lundi. Le
mercredi après-midi, elles se voyaient plusieurs heures et, si Beauvoir n’avait pas d’autres
occupations, elles dînaient ensemble.
Quand, en 1972, Beauvoir rendit leur relation publique en lui dédicaçant Tout
compte fait, le dernier volume de son autobiographie, le rapport des deux femmes suscita
des spéculations passionnées. Simone de Beauvoir avait beau répéter qu’elles n’étaient que
de très bonnes amies, les hypothèses les plus diverses ont couru à leur propos : un lien
mère-fille, une relation homosexuelle, l’imitation de Sartre qui avait adopté une de ses
jeunes élèves...
Simone de Beauvoir comparait cette amitié à celle qu’elle avait eue, adolescente,
avec son amie Zaza, relation marquée du sceau d’un amour platonique. Sa relation avec
Sylvie était “ absolue parce que dès le départ – disait-elle - nous étions prêtes toutes les
deux à vivre entièrement l’une pour l’autre. ” Cela avait été l’amitié la plus importante de
sa vie, ajoutait-elle.
Pour Sylvie, c’était “ de l’amour entre Castor et moi. La difficulté tenait au fait
qu’aucune de nous deux ne s’attendait, surtout moi, à aimer quelqu’un qui était une
femme. Mais indéniablement c’était de l’amour, un point c’est tout. ” Pour expliquer ce
qu’elle entendait par “ amour ”, elle aussi parlait de Zaza, en disant que depuis la mort de
cette amie – à la fin de l’adolescence de Beauvoir – celle-ci “ avait toujours voulu avoir
avec une femme une relation totale, intime. Elle avait aimé Zaza d’amour, que c’était elle
qui lui avait appris la joie d’aimer. Comme elles étaient des jeunes filles de bonne famille,
il n’y eut jamais rien de physique entre elles, mais c’était de l’amour ”45.
Comment entendre cette relation sur le plan psychanalytique ?
Au moment de la ménopause, certaines femmes, qui jusqu’alors avait vécu des
histoires d’amour et de désir avec un homme se retrouvent aimer une femme, souvent plus
jeune. Une des raisons de ce choix réside dans le fait qu’elle garde ainsi, par procuration,
pourrait-on dire, cette féminité, cette identité féminine, qui se trouve alors menacée par le
processus même de la ménopause. Lacan dit bien qu’il ne faut pas croire que - dans son
amour pour une autre - une femme renonce alors à son sexe de femme, car c’est sur la
féminité que porte l’intérêt suprême.
Il est important de souligner qu’avec Simone de Beauvoir, nous nous trouvons
confrontés non pas à la problématique de la jeune homosexuelle qui défie son père qui a
fait un bébé à sa mère, mais à celle de la femme d’âge mûre vers qui peut aller l’amour de
la jeune fille. Quant à Simone de Beauvoir, le bébé-phallus – l’œuvre de Sartre – lui, le
compagnon de toujours, l’homme qu’elle a aimé si longtemps, il vient de l’offrir à une
autre, qu’il a adoptée comme fille, la jeune Arlette, qui devient la légataire testamentaire
de l’ensemble de son œuvre.
Mais, telle la jeune homosexuelle, elle va remplacer son amour pour l’homme par
une relève de l’objet, ici dans le sens d’une “ relève de la garde ” quand quelqu’un vient
littéralement occuper la place d’un autre. Il y a donc changement de place, elle quitterait sa
place pour occuper celle de l’Autre. D’où provient la notion de relève de l’objet chez
Lacan ?
Lacan, à la suite de Freud, mais surtout de Jones, a repris à son compte l’idée de
l’identification au père, produite par la privation, comme une identification à un trait ou
aux insignes du père, base de la constitution de l’Idéal du Moi. Mais l’idée de
l’identification ne semble pas éclairer la question de l’homosexualité féminine et il
avancera, dès 1958, qu’il s’agit plutôt d’une relève de l’objet46 que d’une identification à
un trait. Pour la jeune fille homosexuelle, Lacan parle de “ relève du défi ”.
L’hommosexuelle est hors-sexe
Lacan ne trouvera les outils pour formaliser cette relève de l’objet qu’une fois qu’il
aura introduit les formules de la sexuation. Dans son séminaire Encore, Lacan reprend
cette question par le biais de l’amour de l’âme. Quand “ l’âme âme l’âme, il n’y a pas de
sexe dedans. Le sexe n’y compte pas. L’élaboration dont elle résulte est hommosexuelle,
comme cela est parfaitement lisible dans l’histoire ”. Il ajoute plus loin que l’hors-sexe de
cette éthique est manifeste. Ce type de relation peut aussi exister chez des femmes, car
elles “ aussi sont âmoureuses, c’est à dire qu’elles âment l’âme ”. Et alors, que leur
partenaire soit homme ou femme, elles – ces âmoureuses – font l’homme et sont de ce fait
hommosexuelles ou hors-sexe. Ce que Lacan appelle l’hystérie.
Il semble que nous ayons là la possibilité de penser cet amour entre Simone de
Beauvoir et Sylvie qui ne cessait d’interpeller ses biographes et les féministes qui les
entouraient. Ils ne pouvaient le comprendre qu’en termes d’homosexualité quoi qu’en
disent les intéressées. La manière dont Lacan pose les choses aurait permis de les
réconcilier : il y a une homosexualité féminine qui est hors sexe, qui joue dans cette forme
d’amour dont il parle. Il l’appelle hommosexuelle, celle qui fait l’homme et il ajoute que
cette hystérique se même dans l’Autre, qu’elle le sache ou non. Ce verbe réflexif, ce
néologisme qu’il fabrique avec même, lui permet d’éviter le verbe s’identifier. Il laisse
l’identification à un trait du père comme temps constitutif de l’Idéal du Moi, pour chaque
sujet, y compris les petites filles.
Un amour hors-sexe, ou en tout cas hors génitalité, est difficile à concevoir pour
Deirdre Bair, son biographe, qui attribue les affirmations de Simone de Beauvoir à des
vestiges de ses préjugés de jeunesse.
Simone de Beauvoir, elle, dit: “ J’ai toujours eu de très grandes amitiés avec des
femmes. Très tendres, parfois même de tendresse caressante. Mais ça n’a jamais éveillé en
moi de passion érotique... sans doute un conditionnement de mon éducation... les femmes
ne devraient plus être conditionnées uniquement par le désir de l’homme. D’autant plus
que, à mon avis, toute femme aujourd’hui est déjà un peu homosexuelle. Tout simplement
parce que les femmes sont plus désirables que les hommes... Elles sont plus jolies, plus
douces, leur peau est agréable. D’une manière générale, elles ont plus de charme. ”47
Dans une note, à la fin de son livre, Deirdre Bair48 rapporte qu’elle a évoqué avec
Simone de Beauvoir sa vie sexuelle en détail lors de leur dernier entretien (un mois avant
sa mort). C’est Beauvoir qui avait abordé le sujet car elle craignait que sa biographe ne
décrive son couple avec Sylvie comme lesbien.
S. de Beauvoir : “ C ‘est exact, j’embrasse les femmes sur la bouche. Je les serre
contre moi et parfois nous nous caressons les seins. Mais il ne se passe jamais rien plus
bas. ” Elle affirmait que n’ayant connu aucune activité génitale avec des femmes,
personne ne pouvait la qualifier de lesbienne.
Lacan n’emploie pas le terme “ lesbienne ” mais, en 1963, il appelle la jeune
homosexuelle de Freud de “ chevalière de Lesbos ”49. Lesbos, pour lui, c’est l’île de la
poétesse Sapho50. En 1972, il dira qu’elle fait l ‘homme et il écrira hommosexuelle avec
deux “ m ”. L’année suivante, il refera allusion à la poétesse de Lesbos pour comparer son
écriture poétique à celle de l’amour courtois51. Ce parallèle entre l’amour d’une femme
pour une femme et l’amour courtois est souvent présent chez Lacan.
Comment entendre son “ nous nous caressons les seins ” ? Voici ce que Beauvoir
écrivait à ce sujet, en 1949, dans le chapitre du Deuxième sexe, consacré à la lesbienne52 :
“ Il est très important de le souligner : ce n’est pas toujours le refus de se faire objet
qui conduit la femme à l’homosexualité ; la majorité des lesbiennes cherchent au contraire
à s’approprier les trésors de leur féminité.
Poursuivons le texte de Beauvoir : “ Consentir à se métamorphoser en chose
passive, ce n’est pas renoncer à toute revendication subjective : la femme espère ainsi
s’atteindre sous la figure de l’en soi ; mais alors elle va chercher à se ressaisir dans son
altérité. Dans la solitude, elle ne réussit pas réellement à se dédoubler ; qu’elle caresse sa
poitrine, elle ne sait pas comment ses seins se révéleraient à une main étrangère, ni
comment sous la main étrangère ils se sentiraient vivre ; un homme peut lui découvrir
l’existence pour soi de sa chair, mais non ce qu’elle est pour autrui. C’est seulement
quand ses doigts modèlent le corps d’une femme dont les doigts modèlent son corps que le
miracle du miroir s’achève.(…) Les caresses sont destinées moins à s’approprier l’autre
qu’à se recréer lentement à travers elle. ”53
A cinquante-cinq ans, Simone de Beauvoir est encore une belle femme, disait
Francis Jeanson qui trouvait extraordinaire qu’une si belle femme ne flirte jamais avec des
hommes. “ Elle se montrait en fait agressive, parfois coupante, généreuse envers les
hommes seulement lorsque ce qu’elle en disait impliquait des prises de position ou des
causes qu’elle encourageait ”54.
Un changement de côté dans les formules de la sexuation
S’il paraît secondaire de savoir s’il y a eu sexualité agie et de quelle nature, il est
important de noter que Simone de Beauvoir semble avoir changé de côté au niveau de la
formule de la sexuation. Son désir ne vise plus le champ de l’autre, de l’autre sexe. Son
discours à propos de l’âge aussi a changé. Ce n’est plus la crainte de perdre une certaine
image, de devenir laide qui l’habite. Ce qui l’inquiète, dans le vieillissement, ce n’est que
la perte de ses forces.
En effet, dans le rapport à une autre femme, la détresse de la perte de l’image ne joue
pas de la même façon. Les féministes du collectif de Boston, très militantes sur la
ménopause préconisent, à certaines femmes seules, ce rapport à une autre femme comme
protection contre l’angoisse due aux ravages du temps. Nous pouvons penser que la
question de la phallicité du corps glorieux n’a d’importance que tant qu’une femme
souhaite se prêter, dans le jeu de la mascarade, à ce qu’un homme puisse découper sur son
corps l’objet a, cause de son désir.
Au niveau de l’identité féminine les choses sont aussi très intéressantes. Dans la
position de femme quasi-homme, cette identité peut lui rester, indirectement, acquise : en
se mirant dans la jeune femme aimée, à condition que cette dernière soit un double de ce
qu’elle-même s’imagine avoir été dans sa jeunesse. Il s’agit somme toute, d’une position
stable et confortable.
Dans la mesure où une femme quasi homme vient occuper, pour la plus jeune, une place
de A/ , son regard-parole suffira à assurer sa compagne de son identité féminine. De ce point
de vue, la solution trouvée par Simone de Beauvoir, ne manque pas d’élégance. Il s’agit ici
d’une lecture des formules de la sexuation un peu libre. En S(A/ ) la jouissance féminine, en
tant que non phallique, se rapproche de celle d’un grand Autre primordial dont la voix-regard,
vient indiquer à L/a femme, que sa présence, que son image, le réjouissent. Dimension plus
narcissique qui, ici, ne pose pas problème. Celle qui, de l’autre côté, vient relever la place de
cet Autre - lui prêter son regard-voix de sujet - peut retrouver sa propre féminité dans celle
qu’elle contemple.
Si cette relation a duré deux décennies, c’est que Beauvoir a pu tenir dans la durée son
“ hommosexualité” avec deux m - pour reprendre ce néologisme de Lacan - qu’elle a pu
continuer à se mêmer dans l’Autre. Dans les formules de la sexuation, nous proposerons de
situer Beauvoir, à gauche, du côté masculin de la formule, en place de sujet s’appuyant sur le
phallus : S/ sur Ô.
Beauvoir apparaît alors, en effet, auréolée d’une puissance phallique, admirée par
Sylvie. En tant qu’auteur, elle reçoit le prix de Jérusalem (1975) qui avait été décerné à des
hommes importants: Bertrand Russel, Max Frisch, André Schwarz-Bart, Jorge Luis
Borges. Francis Jeanson, qui à l’époque travaillait aux Temps Modernes, disait des amitiés
de Beauvoir avec les femmes qu’il s’agissait “ surtout de disciples, des filles qui se
réclamaient d’elle sans réserve ” et paraissaient se soumettre ouvertement à son emprise.
Dans cette relation à Sylvie, Beauvoir peut aussi se soutenir du phallus imaginaire que
représente l’argent. Quand elle reçoit le prix Sonning, elle invite Sylvie aux USA. Simone
de Beauvoir lui faisait remarquer qu’elle gagnait suffisamment pour deux. Si Sylvie avait
consenti à arrêter de travailler, cela leur aurait permis de voyager à tout moment. Mais
Sylvie refusa.
Comme Sartre, Simone de Beauvoir aidait financièrement plusieurs de ses jeunes
amies et disciples, en leur versant une allocation mensuelle. Pour certaines, elle l’a fait
pendant toute leur vie55. Ceci vaut d’être souligné par rapport à la catégorie proposée par
Françoise Héritier, de femmes quasi-homme.
Simone de Beauvoir lui laissera un enfant, son œuvre, dont Sylvie sera légataire
testamentaire. Elle lui laissera aussi son nom, puisque, sous ce prétexte, elle l’adoptera.
Sylvie était réticente, craignant, là encore, que ce fût interprété dans le cadre d’une relation
mère-fille. Beauvoir la rassura : après tout, c’était comme un mariage. Après sa mort, c’est
sous le nom de Sylvie le Bon de Beauvoir que cette dernière s’occupera de l’enfant-œuvre.
Cette femme, arrivée à la ménopause et à une forme certaine de pouvoir, dans son
rapport à celle à qui elle donnera son nom, se trouve du côté gauche, du côté masculin de
la formule de la sexuation. Elle s’appuie sur sa puissance phallique - ce en quoi elle “ fait
l’homme ” - pour remarquer chez sa compagne, du côté féminin de la formule, les charmes
et attraits propres au sexe. Mais son identité féminine n’est pas perdue pour autant car elle
la retrouve chez cette compagne dans laquelle elle se sent réincarnée.
Du côté de cette dernière, nous pouvons penser que le sujet aimé, Simone de
Beauvoir en l’occurrence, représente une forme du grand Autre barré dans le regard-voix
duquel – ou de laquelle en l’occurrence – elle peut trouver une garantie de son identité
féminine. Elle peut viser le phallus dans le champ de Simone de Beauvoir, dans la figure
de son œuvre, dont elle aura d’ailleurs l’héritage
Une même femme peut avoir à occuper, à différents moments de sa vie, différentes
positions dans les formules de la sexuation. Remarquons encore combien, après la
ménopause, elle a à faire autrement avec la question phallique. D’une façon ou d’une
autre, elle se virilise; d’ailleurs les termes à cœur d’homme ou quasi-homme, l’indiquent
bien.
Cet élément masculin, qui peut soutenir une femme à ce moment de la vie, ne lui est
accessible qu’à travers son identification au père. Françoise Héritier aime rappeler que les
femmes à cœur d’homme ont été les préférées du père. Et nous voyons bien qu’une femme
quasi-homme tient, dans sa relation à l’autre femme, une place paternelle; qu’elle soit le
père de ses enfants ou qu’elle lui lègue son nom et son œuvre.
Simone de Beauvoir et la vieillesse
En lui apportant stabilité sentimentale et compagnie, Le Bon permit à Beauvoir de
renouer avec la fiction. En fin de compte, l’âge lui-même devint une source de créativité:
La Vieillesse (1970) est un véritable règlement de comptes avec son ancienne ennemie.
Désormais, elle se dit capable d’affronter l’âge avec équanimité: “ Je me trouve en somme
installée dans la vieillesse, ” déclare-t-elle dans Tout Compte fait. Simone de Beauvoir
devait néanmoins tomber gravement malade à la suite du décès de Sartre et Sylvie
l’entoura le plus possible. Tous ses amis craignaient pour sa vie. Quelques mois plus tard,
Beauvoir décida d’aller faire un long voyage avec elle en Norvège. Sylvie a raconté
qu’elle lui avait dit que leur relation lui redonnait le goût de vivre, une raison de vivre, “
je ne vis pas pour vous, je vis grâce à vous, à travers vous ”, lui aurait-elle confié.56
Sylvie Le Bon et Simone de Beauvoir devaient rester ensemble jusqu’à la mort de
cette dernière, le 14 avril 1986.
Claude Lanzmann, aussi, est resté proche. A partir du moment où Simone de
Beauvoir n’est plus à l’unisson avec Sartre, qui a désinvesti Les Temps Modernes, c’est
auprès de lui qu’elle va chercher conseils et réconfort. Lanzmann s’est marié, il s’intéresse
plus au cinéma qu’au journalisme, mais il sera une des rares personnes à qui elle fera
confiance jusqu’à la fin de sa vie. Il devient même son confident, son secrétaire, son porteparole quand elle se sépare intellectuellement de Sartre, qui à la fin de sa vie, s’intéresse
au messianisme et à son dialogue avec Benny Lévy.
Simone de Beauvoir vivra néanmoins très mal la mort de Sartre. Le soir de son
enterrement, quand Simone de Beauvoir est si mal, Lanzmann la prend chez lui. Avec
Sylvie, il l’entourera pendant tout le temps de cette maladie suscitée par le décès de Sartre.
Au moment de l’adoption de Sylvie, il en est le témoin. Quand Simone de Beauvoir
mourra, six ans plus tard, à un jour près de la date anniversaire du décès de Sartre, c’est lui
qui s’occupera de tout. Et même, discrètement, de l’achat d’une tombe à côté de celle de
Sartre. A la cérémonie d’enterrement, il lira les dernières pages de La force des choses, si
douloureuses, si dépressives, pages qu’elle avait écrites, à cinquante quatre ans, sans doute
en partie à cause de leur séparation.
Une autre délocalisation possible : laisser tomber
la féminité
Dans Colette et le temps surmonté57, Sylvie Tinter affirme que le drame de la
vieillesse, directement traité ou dissimulé derrière le leurre de la jeunesse et de l’amour, est
un thème obsédant chez Colette. Temps contradictoire et ambivalent: “ Un âge vient où il
n’est plus donné à une femme que de s’enrichir ”, écrit-elle. Ce temps qui dépossède
permet parfois aussi l’accès à une certaine forme de puissance.
La vieillesse représente surtout ce temps de passage, où l’image de soi se modifie. Il
ne s’agit pas du passage de la vie à la mort, mais bien d’une position subjective à une
autre. Cette blessure infligée à l’image de soi affecte aussi la relation à l’autre, surtout à
l’intérieur du couple ; c’est au sein de la relation amoureuse qu’elle s’avère dramatique.
Autour de ce thème tourne un certain nombre de romans de Colette, où la différence d’âge
mène inéluctablement à la dissolution du couple. A une femme, il reste alors deux
ressources : l’écriture et le retour à la nature. Mais ceci implique une abdication volontaire
du sexe, un renoncement délibéré à “ l’inestimable douleur d’aimer ”. Dans Naissance du
jour, telle est le remède qu’elle propose à une femme dans la cinquantaine bien qu’elle ne
se le prescrive pas personnellement.
Chéri et La fin de Chéri
Même si Chéri paraît quand Colette a 38 ans - avant sa rencontre avec Bertrand de
Jouvenel et bien avant qu’elle ne connaisse Maurice Goudeket - Herbert Lottman pense
qu’il “ préfigurait déjà toutes les peurs qu’elle put éprouver plus tard dans sa vie ”58.
Colette n’est pas Léa - demi-mondaine qui aime surtout profiter des plaisirs de la vie
et qui ne transmettra rien sur le plan spirituel et intellectuel à Chéri. Peut-être que le point
commun entre ces deux femmes est leur aptitude à tenir une place de type “ femme à cœur
d’homme ”. D’ailleurs, Chéri lui-même nomme sa maîtresse à cette place. A la fin du
livre, quand ils vont se séparer, il s’adresse à elle en disant : - “ Peux-tu le nier, toi qui est
un honnête homme ? ”59 . Plus loin, dans le même dialogue il l’interpelle encore sur le
mode viril :- “ Ma Nounoune, chic type que je t’ai connue, chic type je t’ai aimé, quand
nous avons commencé ”60. Un certain registre viril chez Léa, dans sa relation à cet homme
plus jeune, semble être passé inaperçu. Ce qui a souvent été souligné, c’est ce rapport
mère-enfant incestueux représenté par les signifiants : Nounoune et Méchant Nourrisson.
Chéri est un adolescent frustré d’amour maternel, qui rechercherait dans la femme
aimée la mère dont il a besoin, mais le personnage central, c’est Léa. C’est elle qui subit le
charme du jeune homme. Le besoin d’amour maternel trouve en Léa un écho heureux, elle
aime en Chéri à la fois son dernier amant et son premier enfant. Léa dit d’ailleurs qu’il
ressemble au nourrisson méchant qu’elle n’avait pu enfanter. Quand, à la fin du récit,
Chéri revient vers elle en délaissant l’épouse jeune et belle, il s’exclame, plus épris que
jamais : - “ Nounoune chérie ! Je te retrouve ! Ma Nounoune. ”
La fin de ce roman s’articule autour de la question de la perte de l’image corporelle
pour une femme. Le réveil du jour coïncide avec l’éveil du drame : au petit matin, Chéri
découvre avec stupeur les premiers signes du monstre. La vieille femme qui ne s’est pas
observée, n’entreprend pas encore de masquer les avanies du temps : “ Pas encore
poudrée, une maigre torsade de cheveux sur la nuque, le menton double et le cou dévasté,
elle s’offrait imprudemment au regard… ”
Léa comprend dans le regard de Chéri qu’il a vu. Elle rompra pour ne pas avoir à
affronter la pitié dans ce regard. Après l’avoir laissé partir son jeune amant, Léa fait un
geste face à sa glace : “ Une vieille femme haletante répéta, dans le miroir oblong, son
geste, et Léa se demande ce qu’elle pouvait avoir de commun avec cette folle ”. Le terme
de “ dépersonnalisation ” trouve ici toute sa portée.
Dans La fin de Chéri, il est évident que la créature de cauchemar, qu’est devenue Léa, n’a
rien à voir avec Colette qui, jusqu’au bout, est resté coquette. Léa elle est passée radicalement
du côté masculin, et ne vise plus l’autre de l’autre sexe dans un quelconque désir. Elle s’est
libérée de toute détresse quant à la perte de l’image corporelle par un renoncement à sa
féminité.
Dans les écrits de Colette, nous trouvons, très tôt, des traces de son fantasme de
renoncer à la jeunesse, d’accepter le vieillissement. Dans Les vrilles de la vigne, paru en
1908, l’héroïne qui a trente deux ans, l’âge de Colette à l’époque se dit : “Ne pleure pas,
ne joins pas des doigts suppliants, ne te révolte pas : il faut vieillir. Répète-toi cette parole,
non comme un cri de désespoir, mais comme le rappel d’un départ nécessaire. ” Comme
dans bien d’autres romans - La vagabonde, par exemple - c’est par l’écriture qu’une
femme se prépare à affronter elle-même le drame du vieillissement. Madeleine Gueydan
prône, elle aussi, la sublimation par l’écriture pour affronter ce difficile moment.
La naissance du jour
Comme Colette, la narratrice a cinquante cinq ans et elle est écrivain. L’action se
déroule à la Treille Muscate, petite propriété que Colette vient d’acquérir à côté de SaintTropez. Nous savons qu’elle rappelle Colette en de nombreux points, sauf qu’elle renonce
à l’amour : elle choisit de faire partir Vial, l’homme, plus jeune, follement amoureux d’elle
qui la courtise. Une jeune femme, Hélène Clément, en est très éprise, mais c’est la plus
âgée qu’il préfère. Cependant, l’héroïne du roman décide qu’il doit se tourner vers la plus
jeune pour construire une famille et elle le chasse. Au même moment, Colette se laisse
entourer de l’amour et de l’admiration de Maurice ; elle a même adopté cette nature
méditerranéenne, qu’il aime tant, et qu’il lui a fait connaître deux ans auparavant.
Colette avouera avoir, quand même, eu une immense difficulté à écrire la scène où la
protagoniste renvoie Vial, l’homme qui l’aime. Vial n’est pas Maurice Goudeket, écrira
celui-ci, des années plus tard, dans son livre Près de Colette61. L’auteur a pris un autre
homme comme modèle, mais il y a quelque chose de faux dans ce personnage. Selon
Claude Pichois62, cela tiendrait à la démarche d’inverser “ celui que l’on aime, et qui est
doué de toutes les séductions de la vie, en celui à qui l’on renonce et qui s’estompe ”.
Colette fait dire à sa quinquagénaire “ Une des grandes banalités de l’existence,
l’amour, se retire de la mienne. L’instinct maternel est une autre grande banalité, nous
nous apercevons que tout le reste est gai, varié, nombreux. Mais on ne sort pas de là quand
et comme on veut ”63. Nous retrouvons là – aux antipodes de ce que Colette, elle-même,
fait à ce moment de sa vie – l’énoncé du renoncement, antidote assuré contre des
souffrances liées à la perte de l’image corporelle.
Tous les quinquagénaires ensemble, du côté masculin
De ce point de vue, le paragraphe qui précède ce renoncement est éclairant.
“ Homme, mon ami, viens respirer ensemble ?… J’ai toujours aimé ta compagnie. Tu me
regardes à présent d’un œil si doux. Tu regardes émerger, d’un confus amas de défroques
féminines, alourdie encore comme d’algues une naufragée, - si la tête est sauve, le reste se
débat, son salut n’est pas sûr - tu regardes émerger ta sœur, ton compère : une femme qui
échappe à l’âge d’être une femme. Elle a, à ton image, l’encolure assez épaisse, une force
corporelle d’où la grâce à mesure se retire, et l’autorité qui te montre que tu ne peux plus
la désespérer, sinon purement. Restons ensemble : tu n’as plus de raisons, maintenant, de
me quitter pour toujours ”64.
Cet amas de défroque, desquelles émerge un corps qui se virilise, figure bien la
féminité qui se perd - ou que l’on abandonne – quand une femme ne se croit plus en âge
d’être une femme. Si le regard de l’autre est invoqué, il ne s’agit plus d’être cause d’un
désir pour lui. Il n’est plus qu’un petit semblable, un compère.
Pour Sylvie Tinter cet adieu à l’amour n’est point l’adieu à l’homme. Selon elle “ cet
attachement se fortifie à mesure que l’homme se dépouille aux yeux de la femme de ses
attributs sexuels, qui constituent pour la femme une éternelle séduction, mais aussi une
menace. (…) Exclue du domaine sexuel, son altérité perd toute portée destructrice pour se
muer en similarité. L’amant deviendrait l’ami ”.65 Tous les quinquagénaires se retrouvent
du côté masculin, seul côté à exister dans un système où toute altérité étant abolie, il n’y a
plus de place pour un quelconque désir sexué. De même, la vue de l’organe masculin,
dépourvu d’un quelconque prestige phallique perd désormais toute portée blessante pour
une femme; victoire radicale de l’envie du pénis.
Sylvie Tinter - tout comme Germaine Greer et Therez Benedek66 aussi, d’une
certaine façon - salue cette nouvelle période comme “ l’éclatante victoire de la femme sur
elle-même, en même temps que la naissance en elle d’un être libre et dégagé à tout jamais
de la contrainte des sens et de la lutte contre l’homme ”.67 Solution antalgique face aux
pertes de la ménopause. Cependant, le sujet qui émerge de ce naufrage de la féminité n’est
plus une femme, c’est un compère. Voilà sans doute pourquoi, dans sa vie personnelle,
Colette est encore restée “ femme à cœur d’homme ”.
Mais alors, pourquoi Colette a-t-elle choisi, dans son livre, de représenter une
quinquagénaire qui abdique ? Pourquoi n’a-t-elle jamais écrit sur celles qui continuent
d’être désirées et aimantes ? Aurait-elle cédé, sans le savoir, à un interdit de représentation
omniprésent dans notre société, celui de mettre en scène les amours d’une femme après la
ménopause ? Même s’ils finissent souvent mal, ces semblent encore permis pendant la
quarantaine. Après, il y a black out.
1
Desbès et Gaymu: Op. cit. p. 1454
2
Laissons de côté celui qui provient de la maternité, puissance phallique qui se perd à la ménopause.
3
Mimoun S. : “ Ménopause et sexualité ”, in Traité de gynécologie-obstétrique psychosomatique,
organisé par S. Mimoun, Médecine-Sciences, Flammarion, Paris, 1999, p. 293-302.
9
4
Colette, Oeuvres complètes; Paris Pléiades, 1984.
5
Goudeket M. : La douceur de vieillir, Paris, Flammarion, 1965. Cité par Lottman H. : Op. cit. 253.
6
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 23.
7
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956.
8
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 30.
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956.
10
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 59.
11
Idem.
12
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 179.
13
Freud S. : (1914) “ Pour introduire le narcissisme ”, op. cit. p. 95.
14
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 244.
15
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 65.
16
Goudeket M. : Près de Colette, Club de la femme, Flammarion, Paris 1956, p. 249.
17
Et cependant, Maurice, en tant que juif, avait été déporté au camp de Drancy. Colette mobilisa tous
ses amis influents pour l’en sortir - Bertrand de Jouvenel entre autres - et elle réussit.
18
Goudeket M. : Ce que je ne crois pas, Op. cit., p. 86.
19
Je ne me suis appuyée que sur ce que Simone de Beavoir a raconté dans La force des choses, ce
qu’elle a bien voulu dire à son biographe l’américain Deirdre Bair (1990) - Simone de Beauvoir, éd.
française Fayard, 1991, trad. Marie France de Paloméra – et et sur ce qui a été écrit par Claude Francis et
Fernande Gontier (1997) : Simone de Beauvoir, Lib. Académique Perrin.
20
Deirdre Bair cite un entretien fait avec Lanzmann le 23/1/82; op. cit. p. 512.
21
Deirdre Bair, op. cit. p. 513.
22
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses I, Éd. Gallimard, folio, Paris, 1972, p.365.
23
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, Éd. Gallimard, folio, Paris, 1972, p.9.
24
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p 18
25
de Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p. 16.
26
Voir dans la partie réservée au complexe de Jocaste.
27
Lettre de Simone de Beauvoir à Nelson Algren du 15/2/1954.
28
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p 18
29
Deirdre Bair cite un entretien fait avec Lanzmann le 23/1/82; op. cit. p.514
30
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p. 16.
31
Peut- être jusqu’au moment où elle en a, elle même, occupé la place. Voir la partie concernant la
femme quasi homme.
32
Deirdre Bair cite un entretien fait avec Lanzmann le 23/1/82; op. cit. p.514
33
Deirdre Bair cite un entretien fait avec Lanzmann le 23/1/82; op. cit. p.514
34
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p. 237.
35
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p. 208
36
De Beauvoir S. : (1963) La force des choses II, op. cit. p. 212
37
L’anthropologue n’a pas à s’interroger sur les sentiments et fantasmes qui lient les sujets d’une
communauté mais plutôt à établir l’ordre des échanges qui s’organisent entre eux. Nous ne pouvons donc pas
savoir, à partir de l’article de Françoise Héritier, si les femmes quasi-homme aiment celles qu’elles épousent.
38
Le collectif des femmes de Boston, que nous avons cité à plusieurs reprises, consacre un chapitre à
cette question.
39
Celles qui, au départ, avaient choisi le coté féminin de la formule de la sexuation.
40
C’est à dire : changer de côté dans ces formules de séxuation.
41
Ce qui rappelle la structure des femmes à cœur d’homme.
42
Jones E. : “ Le développement précoce de la sexualité féminine ”, in Théorie et pratique de la
psychanalyse, chap. XXV, Paris, Payot, 1997.
43
Lacan J. : (1956-1957) Le séminaire livre IV : La relation d’objet, le Seuil, 1994, p. 108-109.
44
Notre seule source de renseignements se trouve, volontairement, dans les livres, articles et
entretiens dont elles-même ont autorisé la publication.
45
Deirdre Bair: (1990) Simone de Beauvoir, éd. française Fayard, 1991, trad. Marie France de
Paloméra. p. 591.
46
Lacan J. : (1958) “ Propos directifs pour un congrès sur la sexualité féminine ”, in Ecrits, Le Seuil,
Paris, 1966, p.735.
47
Cité par Claude Francis Fernande Gontier : Simone de Beauvoir, Librairie Académique Perrin,
1997 p.378.
48
Deirdre Bair : Op. Cit. p. 802-803.
49
Lacan J. : L’angoisse, leçon du 16/1/63, séminaire inédit.
50
En 1961, Lacan avait promit qu’il lirait les vers de Sapho pour illustrer une certaine forme
d’identification. Je n’en ai pas retrouvé la trace. Lacan J. : Le Transfert, leçon du 14/6/61, cette référence, en
tout début de la leçon, n’a pas été reprise dans la version de J. A. Miller.
51
Il se réfère à Catulle, qui avait traduit les vers de Sapho. Lacan J. : Les non dupes errent, leçon du
18/12/73, séminaire inédit.
52
Pour la pensée philosophique lesbienne ce texte a beaucoup d’importance car c’est le premier texte
philosophique, disent-elles, sur la question. Voir Claudia Card : Adventures in lesbian philosophy, Indiana
University Press, U.S.A., 1994.
53
Beauvoir Simone de : “ Le deuxième sexe ”, Gallimard, 1949, p. 183-184.
54
Cité par Deirdre Bair; op. cit. p. 592-593.
55
Deirdre Bair : op. cit. p. 585
56
Deirdre Bair : op. cit. p. 683
57
Tinter Sylvie: Colette et le temps surmonté, Ed. Slatkine, Genève, 1980
58
Lottman H. : Op. Cit., p. 202.
59
Colette : (1920) Chéri, Fayard, coll. Livre de Poche, Paris, p. 178.
60
Colette : (1920) Chéri, p. 183.
61
Goudeket M. : Près de Colette, op. cit.
62
Pichois C. : “ Préface à la Naissance du Jour ”, in La naissance du jour, GF-Flammarion, Paris,
1984 p. 8.
63
Colette : La naissance du jour, GF-Flammarion, Paris, 1984 p. 34-35.
64
Colette : La naissance du jour, GF-Flammarion, Paris, 1984 p. 34
65
Tinter Sylvie: Colette et le temps surmonté, Ed. Slatkine, Genève, 1980, p. 56-57
66
Souvenons-nous que, pour Benedek, l’énergie libérée par l’émancipation de la compétition sexuelle
et de la peur d’être rejetée comme objet sexuel donne place à l’émergence de talents et qualités que l’on
n’aurait même pas suspectés. Le climatère est une “ phase de développement ” grâce à l’abandon de la
sexualité.
67
Tinter Sylvie: Colette et le temps surmonté, OP. cit, p. 58