Les personnes déplacées à l`intérieur de leur propre pays tentent de
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Les personnes déplacées à l`intérieur de leur propre pays tentent de
28 novembre 2012 CÔTE DʼIVOIRE Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile La Côte d’Ivoire a été le théâtre du plus important déplacement interne de population observé dans le monde en 2011, suite à un violent conflit pour la prise de pouvoir né de la contestation des résultats des élections présidentielles. Les graves violations des droits fondamentaux commises par les partisans des deux camps et les affrontements les opposant ont provoqué le déplacement d’un million de personnes à l’intérieur Environ 150 000 personnes ont été déplacées dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire au du territoire. Deux ans après, la plupart plus fort de la crise post-électorale. La Mission catholique de Duékoué (ci-dessus) a abrité près de 28 000 hommes, femmes et enfants dans des abris de fortune surpeude ces personnes déplacées à l’intérieur plés. © IDMC/E.J. Rushing, octobre 2012 de leur propre pays (PDI) ont regagné leur foyer pour tenter d’y refaire leur vie. Cependant, des dizaines de milliers d’entre elles n’ont toujours pas trouvé de solutions durables à leur déplacement. Faute de processus de suivi global, il est impossible de déterminer le nombre de PDI ayant pu remédier durablement à leur situation, qu’il s’agisse des personnes déplacées pendant la crise post-électorale ou lors du conflit précédent. L’insécurité et les besoins humanitaires sont particulièrement prononcés à l’ouest et au sud-ouest du pays. L’accès à la terre reste l’un des principaux obstacles au retour des personnes déplacées dans ces régions, où les litiges fonciers récurrents perpétuent les déplacements et alimentent les tensions ethniques. D’autres difficultés majeures se dressent devant les PDI qui tentent de retrouver une vie normale : insécurité alimentaire, accès limité aux services de santé, d’éducation et de logement ainsi que violences sexuelles fondées sur le genre. www.internal-displacement.org Zones de déplacement interne lors de la crise post-électorale, 2010-2011 Capitale, capitale économique Attaques armées en 2012: Capitale régionale Attaque contre le camp de Nahibly (20 juillet) MALI Villes, villages Attaque par des groupes armés Frontière internationale Attaques contre les forces de police et militaires Frontière régionale Principales zones de déplacement 0 90 km Novembre 2012 BURKINA FASO DENGUÉLÉ SAVANES Odienné Korhogo GUINEA Touba BAFING ZANZAN VALLÉE DU BANDAMA WORODOUGOU Bondoukou Séguéla Bouaké DIX-HUIT MONTAGNES Man HAUT SASSANDRA N’ZI COMOÉ MARAHOUÉ Daloa Duékoué MOYEN COMOÉ LACS Bouaflé Yamoussoukro Dimbokro Guiglo MOYEN CAVALLY Abengourou Toulépleu GHANA FROMAGER Gagnoa Tai Agboville Divo Tiéolé-Oula Sioblo-Oula LIBERIA AGNÉBY SUD BANDAMA Nigré LAGUNES BAS SASSANDRA San-Pedro Grand-Lahou Abidjan Dabou SUD COMOÉ Aboisso Bonoua Noé Les frontières, noms et désignations présentés sur cette carte n'impliquent pas une reconnaissance ou acceptation officielle de la part d'IDMC. Pour les besoins de la présente vue d'ensemble, cette carte ne contient pas les nouvelles appellations régionales entérinées lors d'une réorganisation administrative fin 2011, disponibles sur : http://bit.ly/UOeKvM Sources: IDMC, OCHA, NRC, Protection and CCCM Clusters, UNHCR Source: IDMC D’autres cartes sont disponibles à l’adresse www.internal-displacement.org/maps Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile Contexte Plus de dix ans d’agitation politique et d’escalade des tensions et des violences interethniques ont écorné la réputation de stabilité que s’était forgée la Côte d’Ivoire par le passé et plongé le pays dans un état de crise durable. Deux vagues de conflit armé et de violence, la première déclenchée en 2002 et la seconde au lendemain des élections présidentielles de 2010, ont provoqué des mouvements de population massifs, chacune à l’origine du déplacement de près d’un million de personnes. La terre comme source de conflit1 L’Ouest de la Côte d’Ivoire, région la plus fertile du pays, peut compter sur des activités agroindustrielles rentables axées sur l’exportation, dont la production de cacao, de bois d’œuvre et de café. Dans le but de doper les exportations, les autorités nationales ont encouragé, à partir des années 1960, les flux migratoires en provenance d’autres régions ivoiriennes et de pays voisins. La terre était allouée par des chefs coutumiers à ceux que l’on appelle en Côte d’Ivoire des allochtones (fermiers originaires d’autres régions du pays) ou allogènes (étrangers). Les crises politiques et économiques qui ont sévi à la fin des années 1980 ont poussé un nombre croissant d’autochtones (Ivoiriens vivant sur la terre de leurs ancêtres) à chercher à récupérer leur terre et à contester les droits acquis par les nouveaux venus. La multiplication et la récurrence des litiges fonciers dans l’Ouest ivoirien sont considérées par de nombreux observateurs comme sources de déplacements de populations et de dissensions, tant avant que pendant le conflit de 2002-2007 et durant la récente crise post-électorale. Ces événements n’ont fait qu’exacerber les tensions existant entre autochtones, allochtones et allogènes : 1 Pour de plus amples informations sur les conflits fonciers dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, se référer à IDMC, A qui sont ces terres ? Conflits fonciers et déplacement des populations dans l’Ouest forestier de la Côte d’Ivoire, octobre 2009. 28 novembre 2012 la terre abandonnée dans leur fuite par les personnes déplacées ayant souvent été occupée, louée ou vendue frauduleusement par d’autres en leur absence. De nouveaux conflits et déplacements de populations ont vu le jour suite à l’établissement de PDI dans des zones forestières protégées où les peuplements humains sont interdits. Une décennie de luttes intestines Au cours de la dernière décennie, un grand nombre d’Ivoiriens ont fuit leurs foyers et leurs terres suite au conflit armé qui a éclaté en 2002 après des années de tensions intercommunautaires latentes et la sensation des habitants du Nord d’être marginalisés par le gouvernement du Sud. La discrimination ethnique s’est institutionnalisée à la fin des années 1990 avec l’introduction du concept d’ « ivoirité » établissant une distinction entre Ivoiriens de souche et Ivoiriens naturalisés ou nés d’un parent étranger. En septembre 2002, le coup d’Etat manqué de soldats dissidents s’est mué en rébellion à large échelle. Les rebelles du Nord réunis sous la bannière du Mouvement Patriotique pour la Côte d’Ivoire (MPCI) ont pris le contrôle d’une bonne partie du centre et du nord du pays, tandis que les forces pro-gouvernementales gardaient la main sur le Sud. Ce premier conflit s’est soldé par la mort de milliers de soldats et de civils des deux camps et par le déplacement de centaines de milliers de personnes, beaucoup cherchant refuge à Abidjan, capitale économique et principale ville du pays. Plusieurs accords de paix et négociations de cessez-le-feu ont avorté en 2003 et 2004. Enfin, en mars 2007, l’accord de Ouagadougou a été signé sous l’égide du président du Burkina Faso, mettant officiellement fin aux hostilités et débouchant sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale destiné à guider le pays vers des élections et à sortir de la crise. www.internal-displacement.org 3 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile Les élections présidentielles ivoiriennes ont été reportées à de maintes reprises. Initialement programmées pour octobre 2005, au terme du mandat du président Laurent Gbagbo, elles ne se sont tenues qu’à la fin de 2010. Alassane Ouattara a été donné vainqueur par la Commission électorale indépendante, remportant 54,1% des suffrages au second tour du 28 novembre. Malgré l’issue du scrutin et la reconnaissance internationale de la victoire de Ouattara par l’Union africaine, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’Union européenne et les Etats-Unis, le président sortant Laurent Gbagbo s’est accroché au pouvoir. La lutte pour le pouvoir qui s’en est suivie entre les partisans de Gbagbo et de Ouattara a débouché sur un violent conflit, provoquant la plus importante crise de déplacement interne observée dans le monde en 2011. Causes et types de déplacement Durant la crise post-électorale de 2010-2011, la situation en matière de droits humains s’est rapidement détériorée en Côte d’Ivoire et les deux camps ont commis des violations des droits humains, au nombre desquelles exécutions sommaires, viols, enlèvements et pillages (Centre d’actualités, UN, 10 mars 2011). Profitant de la confusion générale, certains civils se sont également rendus coupables d’atteintes aux droits de l’Homme (FIDH, 2 avril 2011). Au total, plus de 3000 personnes ont été tuées durant la crise (UNHCR), dont des centaines au seul mois de mars 2011, exécutées à Duékoué, à l’ouest du pays (BBC, avril 2011; Centre d’actualités, UN, 24 juillet 2012). Un million de déplacés dans leur propre pays au plus fort de la crise Au plus fort de la crise, près d’un million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du territoire ivoirien par les violences et l’insécurité en découlant, dont plus de 700 000 à Abidjan et 28 novembre 2012 150 000 à l’ouest du pays (UNHCR, site consulté en novembre 2012). Les 35 camps répartis dans le pays ont hébergé jusqu’à 70 000 PDI. Abidjan (notamment les quartiers d’Abobo et de Yopougon) et l’ouest du pays (en particulier les régions des Dix-Huit Montagnes, du Moyen-Cavally et du Bas-Sassandra) ont été les zones les plus touchées par le conflit et par les déplacements de populations. Ces régions ont en effet été prises pour cibles par les deux camps, chacun y voyant un repère abritant ses adversaires. Bien des personnes déplacées n’ont pas eu à aller très loin, trouvant refuge dans des familles d’accueil ou dans des camps relativement proches de chez elles. A l’ouest du pays, un nombre inconnu de personnes sont allées se cacher dans les forêts, où elles sont restées des semaines durant dans des conditions précaires. L’impasse post-électorale a officiellement pris fin en avril 2011 avec l’arrestation de Laurent Gbagbo. Les violences ont néanmoins perduré pendant plusieurs semaines, semant la terreur dans certaines localités et provoquant de nouveaux déplacements. Ainsi, entre le 5 et le 9 avril 2011, les exactions perpétrées par plusieurs groupes armés dans cinq villages du Bas-Sassandra ont causé la mort de plus de 200 personnes et le déplacement d’au moins 1000 autres (Amnesty International, 28 juillet 2011). En septembre 2011, cinq mois après la fin du conflit, la Côte d’Ivoire comptait encore 247 000 PDI selon les estimations, ;en mars 2011, il y avait entre 700 000 et un million en mars 2011 (OCHA, 30 septembre 2011). Retour de la plupart des personnes déplacées, hésitantes L’amélioration des conditions de sécurité tout au long de 2011 a permis le retour de nombreuses personnes déplacées. On estime que 84% d’entre elles avaient regagné leur foyer en juillet 2012. (OCHA, site consulté en novembre 2012). www.internal-displacement.org 4 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile Néanmoins, traumatisés et sceptiques quant au processus de paix, de nombreux déplacés ont hésité à prendre le chemin du retour. En octobre 2011, environ 22% des PDI interrogées dans la région du Moyen Cavally ont déclaré ne pas vouloir rentrer chez elles pour plusieurs raisons : destruction de leur maison, insécurité, peur de représailles, traumatisme subi dans leur région d’origine, désir de ne plus revivre les expériences douloureuses, conflits fonciers, pénurie alimentaire et accès limité aux services et aux moyens de subsistance (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). Fin 2011 et début 2012, de nombreuses personnes déplacées interrogées pour le compte du Groupe sectoriel Protection à Abidjan et dans les régions de l’Ouest et du Bas Sassandra ont également motivé leur réticence à rentrer par des raisons allant de l’insécurité au traumatisme vécu en passant par le manque de moyens. Dans l’Ouest, 49% des déplacés ont déclaré ne pas vouloir regagner leur foyer, la plupart étant originaires d’Abidjan et de Duékoué, où les violences extrêmes durant le conflit se sont soldées par un lourd bilan humain et matériel. Un autre motif fréquemment invoqué pour expliquer la réticence des personnes déplacées à rentrer chez elles est le niveau acceptable d’intégration dans les communautés d’accueil et l’acceptation par ces dernières de la présence des PDI, situation observée dans les trois régions évaluées par le Groupe sectoriel Protection (Groupe sectoriel Protection, 27 décembre 2011, janvier 2012, 12 janvier 2012). Début 2012, la plupart des camps de personnes déplacées avaient été progressivement fermés, leurs occupants continuant à regagner leurs foyers ou trouvant à s’établir ailleurs; tous les camps restants à Abidjan ou dans ses alentours étaient fermés à la fin du mois de mars. La Mission catholique de Duékoué, à l’Ouest du pays, l’un des premiers camps à être établi et ayant hébergé jusqu’à 28 000 PDI au plus fort du conflit, a fermé ses portes en juillet 2012 (OCHA, 17 juillet 2012). 28 novembre 2012 Certains de ses occupants ont été transférés à Nahibly, le dernier camp de personnes déplacées internes du pays, quelques semaines avant qu’une attaque ne les jette une nouvelle fois sur les routes et ne provoque la fermeture prématurée du camp (voir ci-dessous). Reprise des déplacements en 2012 Malgré ces vagues de retours massifs, un climat général de peur et de méfiance intercommunautaire perdure, notamment à l’Ouest du pays. Dans cette région, des milliers de personnes ont de nouveau été contraintes de fuir au cours d’attaques transfrontalières menées par des groupes armés, supposément composés de mercenaires ivoiriens et libériens loyaux à Gbagbo ou d’anciens soldats ivoiriens mécontents, qui visaient des civils appartenant à des groupes ethniques majoritairement pro-Ouattara (HRW, 6 juin 2012; IRIN, 29 juin 2012). Entre la fin de la crise post-électorale et le mois de juin 2012, ces attaques ont coûté la vie à 64 personnes au moins et fait des milliers de déplacés (IRIN, 29 June 2012). Le 25 avril, suite à une attaque armée contre Sakré, au sud-ouest du pays, 6320 personnes ont dû fuir leur village, se réfugiant pour la plupart à Taï, 27 kilomètres plus loin. 13 000 autres personnes ont été déplacées à la mi-juin suite aux violents incidents qui se sont produits dans des villages situés entre Taï et Nigré, le long de la frontière avec le Liberia. Au 19 juin, plus de 7700 déplacés étaient dénombrés à Para, tandis que 2730 personnes vivaient dans des familles d’accueil et que d’autres s’étaient établies sur des terrains publics à Taï (OCHA, 19 juin 2012). La plupart de ces PDI ont regagné leur lieu d’origine peu de temps après leur déplacement. On rapporte également des cas de déplacements préventifs de court terme, les gens fuyant les violences avant qu’elles n’aient lieu de crainte d’une attaque. A la mi-août, deux postes de contrôle ont été attaqués près de Toulépleu à l’Ouest, donnant www.internal-displacement.org 5 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile lieu à des confrontations entre les assaillants et les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Ces événements isolés ont provoqué le déplacement de la moitié de la population de la zone de Toulépleu vers des villages situés le long de la frontière ivoiro-libérienne ou des forêts voisines. Ces personnes ont pris le chemin du retour une fois le calme revenu (OCHA, 24 août 2012). Attaque armée du camp de PDI de Nahibly en juillet 2012 Des personnes déjà déplacées étaient au nombre des populations forcées de fuir les violences ravageant l’Ouest de la Côte d’Ivoire en 2012. Le 20 juillet, un groupe de près de mille hommes armés a pris d’assaut le dernier camp de personnes déplacées internes du pays, Nahibly, près de Duékoué, faisant au moins sept morts, des douzaines de blessés et forçant la totalité des occupants du camp, soit quelque 5000 personnes, à fuir une nouvelle fois vers des destinations plus sûres (NRC, 24 juillet 2012). La plupart d’entre elles ont trouvé temporairement refuge dans des familles d’accueil, auprès de la Mission catholique de Duékoué, de la mairie ou dans la brousse environnante (IRIN, 1er août 2012). Au moment de la rédaction du présent rapport, la majorité des PDI contraintes de quitter le camp de Nahibly avaient réussi à rentrer chez elles, bien que de façon improvisée et dans des conditions précaires. Un nombre inconnu d’entre elles n’avaient nulle part où aller et étaient toujours hébergées par des membres de leurs familles ou des amis. Les auteurs de l’attaque de Nahibly n’ont pas été placés en détention (Centre d’actualités, UN, 24 juillet 2012; AFP, 12 octobre 2012). Le 11 octobre, six corps ont été découverts dans un charnier près de Duékoué, probablement ceux de déplacés tués au cours de l’assaut (Xinhua, 17 octobre 2012). De nouvelles recherches ont débuté en novembre dans les environs de Duékoué, susceptibles de receler les cadavres d’autres victimes (RFI, 5 novembre 2012). 28 novembre 2012 Manque de précision des chiffres actuels en l’absence de suivi à l’échelle nationale Au mois de novembre 2012, le nombre de personnes encore déplacées en Côte d’Ivoire était estimé entre 40 000 et 80 000 (correspondance par courrier électronique avec le Groupe sectoriel Protection, novembre 2012). Selon la revue à mi-parcours de l’Appel de fonds consolidé (CAP) 2012 des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire, 74% d’entre elles se trouvaient à l’Ouest (CAP, 17 juillet 2012). On compte encore des centaines de personnes vivant dans des zones urbaines comme Abidjan et Bouaké se considérant comme déplacées dans leur propre pays. Beaucoup sont arrivées dans ces communautés avant la crise post-électorale et la précarité de leurs conditions de séjour les expose au risque d’expulsion. Faute de mécanisme de suivi à l’échelle nationale, il est difficile d’obtenir des estimations globales du nombre de personnes encore déplacées. Le fait que la grande majorité des PDI ont été hébergées dans des familles d’accueil n’a fait que limiter encore davantage la précision de ces évaluations. Il est par conséquent difficile d’évaluer de façon rigoureuse le nombre de personnes ayant trouvé des solutions durables pour remédier à leur déplacement (retour, intégration locale ou établissement ailleurs dans le pays). Si la plupart des personnes déplacées par le conflit de 2002-2007 sont censées avoir regagné leur foyer, le nombre de personnes toujours déplacées au début de la crise post-électorale reste inconnu. Durant ce conflit, des estimations concernant les PDI ayant trouvé refuge dans des camps ont été fournies par le Groupe sectoriel de Coordination et de gestion des camps (CCGC); de leur côté, le Groupe sectoriel Protection et le HCR continuent à procéder à des évaluations globales du nombre de personnes déplacées internes. Fin 2011, début 2012, le Groupe sectoriel Protection a réalisé des exercices exhaustifs de profilage des PDI dans les trois régions de la Côte d’Ivoire abritant la majorité des personnes déplacées (Abidjan, Bas www.internal-displacement.org 6 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile Sassandra et Ouest), opérations non renouvelées à l’échelle nationale depuis. Les inondations, cause supplémentaire de déplacements Abidjan est une zone sujette aux inondations, lesquelles ont à plusieurs reprises occasionné des déplacements de populations. En juin 2010, des milliers de personnes vivant dans des plaines inondables autour de la ville auraient été expulsées, les autorités ivoiriennes désirant mettre en œuvre un plan d’urgence avant le début de la saison des pluies : les raids menés par le gouvernement ont conduit à des évacuations souvent brutales, sans compensation adéquate (IRIN, 18 juin 2010). En juin 2011, quelque 28 000 Ivoiriens ont été affectés par des inondations et près de 10 000 personnes ont été déplacées ou menacées de l’être (AP, 21 juin 2011). Les obstacles aux solutions durables En 2011, les personnes déplacées internes ont dû faire face à de sérieux obstacles pour regagner leurs terres d’origine, s’intégrer localement ou se réinstaller dans une autre région du pays. Si la plupart des Ivoiriens déplacés durant la crise post-électorale ont pu rentrer chez eux grâce à la nette amélioration des conditions de sécurité en 2011-2012, la pérennité de leur retour est fragile, beaucoup restant aux prises avec des difficultés inhérentes à leur déplacement passé. Persistance des tensions intercommunautaires et des violences armées La Côte d’Ivoire reste un pays lourdement armé, le nombre d’anciens combattants conservant des armes légères étant estimé par certains analystes à 100 000 (IPS, 22 septembre 2012). Les personnes déplacées et retournées considèrent le désarmement et la réinsertion de ces ex-soldats comme des conditions indispensables à leur retour (IRIN, 3 août 2012). Les tensions intercommunautaires restent élevées, notamment à l’Ouest du pays, 28 novembre 2012 et dégénèrent parfois en violents affrontements semant la mort et provoquant des déplacements de populations. Courant 2011, les tensions intercommunautaires ont déclenché différents accès de violence qui ont entravé le retour ou l’établissement des personnes déplacées. A l’Ouest du pays, les partisans de Gbagbo ont rapporté avoir craint d’être victimes de représailles de la part des sympathisants du président Ouattara. En juin 2011, la mobilisation des Dozos (confrérie de chasseurs traditionnels réputés pour leurs prétendus pouvoirs mystiques et considérés comme pro-Ouattara) était encore plus forte qu’au cours des quatre premiers mois de l’année, au plus fort de la crise. La simple vue de ces miliciens, basés à des postes de contrôle ou circulant à moto, à vélo ou à pied, suffisait à terrifier la population locale, selon des témoignages (Amnesty International, 28 juillet 2011). D’autres ont rapporté que des hommes armés empêchaient les gens d’accéder à leurs maisons et à leurs terres ou les intimidaient en recourant à l’extorsion ou en leur faisant écouter les enregistrements audio d’attaques antérieures contre des membres de leur groupe ethnique (IRIN, 13 octobre 2011). Des rumeurs et messages contradictoires ont également renforcé le sentiment d’insécurité des PDI, provoquant de nouveaux déplacements et dissuadant les personnes de rentrer. Ainsi, des milices pro-Gbagbo auraient dit aux déplacés qu’aucune paix n’était possible et qu’ils trouveraient la mort s’ils choisissaient de revenir. A la fin de 2011, des personnes déplacées ont indiqué que, malgré le manque d’informations fiables de la part des autorités gouvernementales concernant les conditions de sécurité dans leurs régions d’origine, les représentants ivoiriens leur conseillaient fortement de rentrer chez elles pour participer au processus de réconciliation (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). www.internal-displacement.org 7 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile Les violences sexuelles et fondées sur le genre insuffisamment dénoncées et combattues Les violences sexuelles et fondées sur le genre peuvent entièrement empêcher les femmes de trouver des solutions durables pour remédier à leur déplacement. Des centaines, voire probablement des milliers, de femmes et de jeunes filles ivoiriennes ont été victimes de graves violences sexuelles et fondées sur le genre depuis 2002. Pendant et après les récentes violences postélectorales, les femmes ont été prises pour cibles par les deux parties au conflit, souvent sur la base de leur appartenance ethnique, subissant des agressions, coups ou viols (Amnesty International, 31 novembre 2011). Les femmes et jeunes filles déplacées ne disposant d’aucun document d’identité étaient plus exposées au risque de mauvais traitements aux postes de contrôle. Actuellement, les violences sexuelles restent fréquentes à Abidjan et sont en augmentation dans les régions occidentales, qui ont connu de forts taux de déplacements internes durant la crise post-électorale (Sous-groupe sectoriel SGBV, juin 2012). A Duékoué, trois fois plus de cas de violences sexuelles ont été signalés au cours du deuxième trimestre 2012 par rapport au premier (OCHA, 24 août 2012). Limitation de l’accès à la terre et aux moyens de subsistance Les difficultés d’accès à la terre et à d’autres sources de revenus rencontrées tant par les déplacés que par les retournés les empêchent de retrouver des moyens de subsistance durables. Ces populations restent ainsi fortement dépendantes de l’aide pour assurer leur survie. En octobre 2011, une étude conjointe a révélé que 58% des retournés et 82% des déplacés interrogés avaient perdu la totalité de leurs sources de revenu. Pour beaucoup, le choix du retour a été motivé non pas tant par l’amélioration des conditions de sécurité que par le manque d’accès à la terre, à la nourriture et aux activités rémunératrices dans les zones de déplacements (CARE, DRC, Oxfam, 11 28 novembre 2012 octobre 2011). En décembre 2011 et janvier 2012, 72,5%, 68% et 61,25% des personnes déplacées interrogées respectivement à l’Ouest, à Abidjan et dans la région du Bas-Sassandra ont rapporté avoir perdu leurs moyens de subsistance durant la crise. Elles sont dans l’impossibilité de reprendre leurs activités, ne disposent que d’un revenu irrégulier pour vivre et n’ont pas d’autre choix que de rester en famille d’accueil (Groupe sectoriel Protection, 27 décembre 2011, janvier 2012, 12 janvier 2012). L’une des nouveautés observées au lendemain des violences post-électorales qui ont secoué le pays est la présence d’hommes armés, souvent des Dozos, empêchant les déplacés de retour chez eux d’accéder à leurs terres ou leur imposant des taxes arbitraires en échange. Si, dans certains cas, les retournés ont pu accéder de nouveau à leurs terres, l’occupation des plantations, principalement par des communautés de migrants, a rendu les retours massifs plus complexes (DRC, FAO, NRC, 2012). Insécurité alimentaire et malnutrition Parmi les personnes déplacées et retournées interrogées fin 2011, 83% et 77% respectivement ont mentionné l’alimentation comme une priorité absolue et ont déclaré ne pas avoir assez à manger (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). L’insécurité alimentaire sévissant en Côte d’Ivoire a été aggravée par les restrictions sur l’accès à la terre et par des années de conflits et de déplacements. Une évaluation menée en septembre 2011 prévoyait une diminution de 38,5% de la récolte 2011-2012 dans les régions directement touchées par le conflit, sous l’effet des déplacements de populations, des litiges fonciers et du manque de facteurs de production agricoles, de main d’œuvre notamment (DRC, FAO, NRC, 2012). Beaucoup de réserves de graines et de greniers ont été pillés ou brûlés durant le conflit. En mai 2012, l’UNICEF a estimé que dans les régions du pays visées par l’Appel de fonds www.internal-displacement.org 8 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile consolidé (CAP), environ 7700 enfants souffraient de malnutrition aigüe grave, 55 000 de malnutrition aigüe modérée, 33 600 femmes enceintes et allaitantes de malnutrition et que 64 150 personnes vivaient avec le sida (OCHA, 17 juillet 2012). L’insécurité alimentaire est particulièrement élevée dans les régions de l’Ouest touchées par les déplacements, où l’essentiel des ressources disponibles est consacré aux dépenses alimentaires (DRC, FAO, NRC, 2012). Difficultés d’accès à des logements adéquats La difficulté d’accès à des logements adéquats constitue un autre obstacle de taille au retour durable des personnes déplacées en Côte d’Ivoire, notamment à l’Ouest. Pendant la crise, bon nombre d’habitations ont été détruites, endommagées ou arbitrairement occupées. Les camps de déplacés fermant peu à peu leurs portes, leurs occupants se sont empressés de trouver un autre refuge (AFP, 30 septembre 2011). Beaucoup ont vu leurs maisons détruites ou endommagées durant les combats et craignent toujours d’être confrontés à l’insécurité et à des représailles dans leurs régions d’origine. La moitié des personnes déplacées ayant exprimé leur intention de ne pas rentrer chez elles ont mentionné la destruction de leur maison comme principal motif à l’origine de leur décision (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). Selon le Groupe sectoriel Abris, 23 000 habitations ont été soit détruites soit endommagées dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire durant la crise postélectorale, dont 90% faites de terre crue. Au 1er août 2012, 55% des villageois avaient eux-mêmes reconstruit leurs maisons en briques de terre, mais 12 000 restaient endommagées ou détruites, dont plus de 7100 appartenant à des ménages considérés comme fragiles (Groupe sectoriel Abris et NFI, 1er août 2012). Les tensions ethniques liées à la terre ont également empêché les personnes déplacées de prendre le chemin du retour et de reconstruire leur logement. Les déplacés allochtones et allogènes peuvent avoir du mal à rebâtir 28 novembre 2012 leur maison lorsque la propriété de la terre est contestée par des autochtones et vice versa. Perte ou destruction des documents d’identité En Côte d’Ivoire comme partout ailleurs, les documents d’identité sont nécessaires pour accéder à toutes sortes de services, bénéficier des programmes de protection sociale et mener une vie normale en général. Cependant, dans leur fuite précipitée, environ 80% des personnes déplacées ont perdu des documents d’état civil aussi essentiels que leurs cartes d’identité, certificats de naissance, cartes d’électeur et titres de propriété foncière (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). La destruction et le pillage des bureaux d’état civil dans certaines régions du pays continuent d’entraver l’obtention de nouveaux documents d’identité (NRC, octobre 2011; CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). Le manque de documents d’identité représente un obstacle majeur à la mise en œuvre de solutions durables aux déplacements. Ainsi, entre 40 et 53% des déplacés internes interrogés à Abidjan, au Bas Sassandra et à l’Ouest du pays n’ont pas pu participer aux élections, faute de carte d’électeur (Groupe sectoriel Protection, 27 décembre 2011, janvier 2012, 12 janvier 2012). Ces groupes sont également exposés à des risques menaçant leur protection, tels qu’entraves à la libre circulation, harcèlement et violences sexuelles de la part de groupes armés (Groupe sectoriel Protection, 27 décembre 2011). Un accès irrégulier à l’éducation Au cours de la dernière décennie, les services éducatifs en Côte d’Ivoire ont subi des interruptions durant les périodes de conflit. Lors de la dernière crise, plus de 200 écoles ont été endommagées sur l’ensemble du territoire, sans compter les nombreux établissements pillés ou occupés par des forces armées (OCHA, 17 juillet 2012). Certains déplacés internes ont indiqué que les services d’enseignement étaient en général plus accessibles dans les zones d’accueil que dans les régions www.internal-displacement.org 9 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile d’origine (Groupe sectoriel Protection, janvier 2012), sauf à Abidjan, où la situation inverse a été observée (Groupe sectoriel Protection, 27 décembre 2011). Les dommages subis par les établissements scolaires, la perte d’espace et de matériel en résultant et le déplacement de nombreux enseignants ont reporté la réouverture des écoles en de nombreux endroits (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). En 2012, l’insécurité persistant dans certaines régions de l’Ouest a freiné la reprise du chemin de l’école, certains parents craignant d’envoyer leurs enfants en classe, en particulier leurs filles, de peur de les exposer à des abus sexuels; environ 140 000 enfants scolarisés avant le conflit ne fréquentaient toujours pas l’école en juillet (OCHA, 17 juillet 2012). Durant la crise, un grand nombre d’enfants déplacés ont perdu leurs certificats de naissance et livrets scolaires. Entre trois et quatre millions d’enfants sont dépourvus d’actes de naissance. Dans la seule région de Man, plus de 5000 enfants ne disposaient d’aucun document d’identité au mois de juillet 2012. Le manque de moyens financiers pour payer les coûts connexes, tels que les frais d’inscription aux examens, ne fait que limiter davantage la capacité des enfants déplacés à fréquenter l’école et à se présenter aux épreuves scolaires (Groupe sectoriel Education, juillet 2012). Besoins continus en matière de soins de santé et de soutien psychologique Durant la crise post-électorale, l’accès aux services de santé a été gravement perturbé dans les régions de l’Ouest touchées par les déplacements : selon l’Organisation mondiale de la santé, au plus fort de la crise en avril 2011, la moitié des dispensaires présentaient des dysfonctionnements et moins de 30% du personnel de santé était présent sur place. Les hôpitaux de Duékoué, Guiglo et Toulépleu ont été pillés et endommagés durant le conflit. La plupart des établissements sanitaires ont réouvert leurs portes mais la prestation de soins de santé reste peu satisfaisante en raison 28 novembre 2012 du manque de personnel et de moyens matériels. Les personnes déplacées ou retournées doivent généralement se rendre en ville pour bénéficier de soins. Au début du mois de juin 2012, l’hôpital de Duékoué était le seul établissement pleinement fonctionnel en mesure de pratiquer des opérations dans la région du Tonkpi. D’autres établissements manquent encore de personnel, de médicaments ou de matériel (Groupe sectoriel Santé, juin 2012). La majorité des personnes déplacées a subi un traumatisme psychologique. La plupart ont dû fuir leur maison dans la peur et la précipitation et ont vécu dans des conditions précaires. Beaucoup ont été victimes de traitements inhumains et/ou été témoins d’atrocités, y compris commises contre des membres de leur propre famille. Certains déplacés avaient connu le conflit de 2002-2007 et ne s’étaient pas remis de cette période de violence. Bien que la crise soit officiellement terminée, les personnes déplacées et retournées doivent encore surmonter le traumatisme qu’elles ont subi et faire face aux tensions intercommunautaires persistantes, dont beaucoup rappellent douloureusement les épisodes de violence passés (MSF, 7 décembre 2011). Les attaques de villages et d’un camp de déplacés en 2012 ont davantage aggravé le traumatisme et retardé le retour à la normale. Pourtant, l’assistance psychosociale et psychologique reste l’un des domaines humanitaires les plus négligés en Côte d’Ivoire. Des services de distribution d’eau et d’électricité non fonctionnels En octobre 2011, de nombreuses PDI retournées ont signalé que leurs villages, raccordés au réseau national, étaient toujours privés d’électricité et que les réseaux téléphoniques et radiophoniques ne fonctionnaient nulle part, autant de facteurs qui ont amplifié le climat général de peur et d’insécurité (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). A la mi-2012, l’accès à l’eau potable restait difficile dans la plupart des villages voyant revenir leurs habitants déplacés. Selon une évaluation www.internal-displacement.org 10 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile réalisée début 2012 par le Groupe sectoriel Eau, Hygiène et Assainissement (EHA) dans les villages de Toulépleu, Kouibly et Zouan-Hounien, entre 63 et 78% des pompes à eau étaient hors service. Les communautés se trouvent en général dans l’incapacité d’en assurer la réparation en raison du manque de vendeurs de pièces détachées. Certains dispensaires et écoles ne disposent pas de latrines et, dans la plupart des villages ruraux, les toilettes familiales font également défaut. Cette pénurie d’installations sanitaires accroît la vulnérabilité aux épidémies (OCHA, 17 juillet 2012). Des enfants séparés et non accompagnés Durant leur fuite ou au cours de leur déplacement, de nombreux enfants ont été séparés de leur famille, se retrouvant en position d’extrême vulnérabilité face aux mauvais traitements et à la violence (OCHA, 5 janvier 2012). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a identifié près de 840 enfants séparés de leurs parents durant la crise post-électorale (ICRC, 18 septembre 2012). Le sous-groupe sectoriel pour la protection de l’enfance a recensé 785 enfants séparés et non accompagnés. Il est difficile d’identifier tous les enfants concernés, dans la mesure où ils sont dispersés dans plusieurs régions et vivent souvent dans des familles d’accueil qui n’ont pas forcément connaissance des mécanismes de déclaration. Le sous-groupe a constaté le nombre réduit d’agences œuvrant à la réunification des familles séparées ainsi que leur manque d’expertise et de financement (OCHA, 23 mai 2012). Réponses aux déplacements internes de populations Compte tenu de l’amélioration des conditions de sécurité à la mi-2011, les déplacés internes ont été informés par le gouvernement qu’ils pouvaient commencer à rentrer chez eux, certains y étant fortement encouragés, à l’instar de ces populations vivant près d’Abidjan qui ont reçu de l’argent afin de pouvoir louer une maison de retour en 28 novembre 2012 ville. En février 2012, le Secrétariat national à la reconstruction et à la réinsertion (SNRR) a offert quinze tonnes de vêtements, jouets et articles divers à des personnes déplacées vivant dans les camps de Bingerville, dans la banlieue d’Abidjan (SNRR, 27 février 2012). Dans le reste du pays, notamment à l’Ouest, les PDI se sont senties abandonnées, déplorant l’absence de l’Etat et le manque d’actions pour remédier à leur situation (IRIN, 26 avril 2012). Peu de programmes gouvernementaux ont été spécifiquement mis en place en faveur des personnes déplacées. Le Programme présidentiel d’urgence (PPU), promulgué après l’investiture du président Ouattara, a permis la réparation d’environ 380 pompes à eau dans les villages accueillant les déplacés de retour durant le premier semestre de 2012 (OCHA, 17 juillet 2012). En dehors des fonds octroyés à l’agence CARE pour la reconstruction de 1000 habitations, l’Etat ne finance directement aucun autre projet de reconstruction de logements. Suite à sa visite en Côte d’Ivoire en juillet 2012, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des personnes déplacées dans leur propre pays a loué le travail mené par le gouvernement ivoirien pour rétablir l’ordre public et garantir le retour volontaire des populations déplacées. Il a néanmoins noté que l’assistance fournie par l’Etat pour encourager le départ des camps, faute d’être accompagnée de mesures de soutien aux moyens de subsistance, ne favorisait pas, dans l’ensemble, la mise en place de solutions durables (OHCHR, 31 juillet 2012). Par ailleurs, rien n’indique l’existence d’une aide de l’Etat au nombre considérable de PDI vivant encore en famille d’accueil ou favorables à une intégration locale. Une Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation a été mise sur pied en mai 2011, mais des doutes subsistent quant à son degré d’impartialité et d’efficacité (ICG, 1er août 2011). En octobre 2011, de nombreux déplacés internes ont www.internal-displacement.org 11 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile signalé ne pas en avoir entendu parler ou ne pas savoir comment la saisir (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). Plus récemment, cette commission a indiqué qu’elle ne disposait toujours pas des fonds nécessaires pour remplir son mandat. Cadre juridique et coordination gouvernementale La Côte d’Ivoire a signé la Convention de l’Union africaine sur la protection des personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) en novembre 2009 mais ne l’avait toujours pas ratifiée en novembre 2012. Elle n’en demeure pas moins partie à différents traités internationaux majeurs pour la protection des droits de l’Homme (cf. OHCHR). L’ébauche d’un cadre juridique national faisant respecter les droits des personnes déplacées dans leur propre pays, dont un projet de loi définissant les mécanismes de compensation des victimes de guerre (parmi lesquelles les PDI), a été rédigée il y a plusieurs années mais n’a été ni signée, ni mise en application depuis. Le Ministère de la solidarité et des victimes de guerre, ancien agent de coordination des personnes déplacées, a été fermé dans le cadre d’un remaniement ministériel en février 2010 (IDMC, 22 février 2010). Le Ministère de l’emploi, des affaires sociales et de la solidarité, chargé d’assurer la coordination avec les organisations humanitaires, a créé, en octobre 2011, un Comité national de coordination de l’action humanitaire (CNCAH), regroupant plusieurs ministères, ONG et agences des Nations Unies. Dans le cadre de cette coopération, les acteurs humanitaires ont mis au point une stratégie sur le retour volontaire et durable des déplacés internes, qui a été validée par le gouvernement en novembre 2011. Une réunion destinée à évaluer la situation des PDI s’est tenue en janvier 2012. Au cours de cette rencontre, le Ministre de l’emploi, des affaires sociales et de la solidarité a exprimé le souhait du gouvernement de fermer les camps de déplacés internes le plus tôt possible sans désagrément pour les familles qui y vivent (AIP, 20 28 novembre 2012 janvier 2012). Aucun autre agent de coordination n’a été désigné pour les PDI. Réponse humanitaire à la crise post-électorale Après des années d’accent mis sur les activités de développement, l’approche de responsabilité sectorielle a été réactivée en janvier 2011 avec le lancement d’un plan d’action humanitaire d’urgence (EHAP) pour la Côte d’Ivoire et les pays voisins (Burkina Faso, Ghana, Guinée et Mali). Au-delà de l’assistance fournie aux PDI hébergées dans des camps, l’action humanitaire est axée principalement sur le retour volontaire des déplacés, qui reçoivent une aide pécuniaire, alimentaire, à la reconstruction, à la réhabilitation des routes et au transport, ainsi que des matelas, des ustensiles de cuisine, des articles ménagers divers et des facteurs de production agricoles. La CEDEAO a donné plus de 1,3 tonne de vivres au gouvernement ivoirien pour venir en aide aux personnes déplacées (Panapress, 24 mai 2012). L’Appel de fonds consolidé (CAP) 2012 pour la Côte d’Ivoire, visant à réunir 173 millions de dollars, a été lancé. La requête de fonds a été réduite à 160 millions lors de la revue à mi-parcours effectuée en juillet 2012. Parmi les priorités du CAP figurent la protection des civils, l’accès aux services de base essentiels, l’aide nutritionnelle, le rétablissement des moyens de subsistance, la poursuite des retours volontaires et la réinsertion des personnes déplacées. Au 24 octobre, seuls 57% de ces besoins avaient été couverts. Le Groupe sectoriel Protection avait été financé à 38% et celui du Relèvement précoce n’avait reçu aucun financement (FTS, 24 octobre 2012). Les objectifs stratégiques du CAP révisé offrent un cadre général permettant de répondre aux besoins des personnes déplacées, visant à : • améliorer les conditions de vie et la protection des populations les plus touchées, dont les PDI, les familles et les communautés d’accueil www.internal-displacement.org 12 Côte d’Ivoire: les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays tentent de refaire leur vie sur fond de paix fragile • • et autres personnes vulnérables, en leur assurant un accès aux services de base; faciliter les retours volontaires dans des zones sûres grâce à l’identification et à la promotion de solutions durables; réduire les risques et atténuer les effets de nouvelles crises potentielles. Les acteurs humanitaires ont fourni des informations sur les conditions de sécurité dans les régions d’origine des personnes déplacées et organisé des consultations sur place. Néanmoins, seuls 21% des déplacés interrogés ont indiqué avoir été informés par la communauté humanitaire, la grande majorité recourant à ses propres réseaux. En 2011, beaucoup ont mentionné la nécessité de disposer d’informations fiables en matière de sécurité et de services élémentaires et humanitaires disponibles pour pouvoir décider de rentrer ou non en toute connaissance de cause (CARE, DRC, Oxfam, 11 octobre 2011). S’attaquer aux racines du conflit : renforcement des moyens pour résoudre les litiges fonciers ? L’intérêt croissant du gouvernement ivoirien pour le règlement des litiges fonciers l’a conduit à organiser deux séminaires intergouvernementaux sur cette problématique en juin et en octobre 2012. Cependant, si la résolution des conflits fonciers est considérée comme essentielle à la cohésion sociale, la relation existant entre les litiges liés à la terre et les déplacements de populations n’a guère été reconnue officiellement. la propriété à l’intention des ministères et des préfets. Les recommandations émises durant ces ateliers de formation, qui ont mis en évidence la nécessité d’adapter la loi foncière de 1998 aux besoins spécifiques des personnes déplacées internes, sont venues alimenter le deuxième séminaire intergouvernemental. En attendant, la situation des PDI (et d’autres personnes) qui vivent illégalement dans des forêts protégées est périlleuse. Les menaces d’expulsions forcées pourraient causer de nouveaux déplacements. Une logique humanitaire et de développement, prenant en compte le temps passé dans les forêts et l’existence de plantations créées par les déplacés, semble être privilégiée par les autorités présentes aux séminaires intergouvernementaux sur la terre, malgré une rhétorique politique insistant sur la nécessité d’expulser par la force les occupants des forêts de l’Etat. Le gouvernement a mis en place un programme d’évacuation progressive des habitants des forêts, échelonné sur plusieurs années. Dans l’espoir de promouvoir la mise au point d’un cadre d’intervention national en matière de différends fonciers, la communauté internationale a participé au second séminaire intergouvernemental sur la terre après avoir coordonné ses positions par l’intermédiaire du Forum foncier dirigé par les Nations Unies, regroupant plusieurs agences des NU ainsi que des ONG. Le Groupe sectoriel Protection en Côte d’Ivoire a également apporté sa pierre à l’édifice en organisant des formations sur les questions du logement, de la terre et de 28 novembre 2012 www.internal-displacement.org 13 L’Observatoire des situations de déplacement interne L’observatoire des situations de déplacement interne (Internal Displacement Monitoring Centre ou IDMC) a été créé en 1998 par le Conseil norvégien pour les réfugiés à la demande des Nations Unies et afin d’élaborer une base de données mondiale sur le déplacement interne. Plus de dix ans après, il demeure la principale source d’information et d’analyses sur les déplacements internes provoqués par les conflits et la violence dans le monde. L’objectif de l’IDMC est de soutenir une meilleure réponse nationale et internationale aux situations de déplacement interne et le respect des droits des personnes déplacées internes (PDI) qui sont souvent parmi les personnes les plus vulnérables. Il vise également à promouvoir des solutions durables pour les personnes déplacées à travers le retour, l’intégration locale ou la réinstallation ailleurs dans le pays. L’IDMC concentre son action sur les activités suivantes: • Suivi et élaboration de rapports sur les déplacements internes provoqués par les conflits, la violence généralisée et les violations des droits de l’homme; • Recherche, analyse et plaidoyer pour les droits des personnes déplacées; • Formation et renforcement des capacités sur la protection des personnes déplacées; • Contribution au développement de standards et directives sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées. Pour plus d’informations, consultez le site Internet de l’Observatoire des situations de déplacement interne et la base de données: www.internal-displacement.org Contact: Sebastián Albuja Chef du département Afrique et Amériques Tel: +41 22 799 07 08 Mobile: +41 78 806 83 08 Email: [email protected] Elizabeth J. Rushing Analyste Pays Tel: +41 22 795 07 43 Email: [email protected] Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC) Conseil norvégien pour les réfugiés Chemin de Balexert 7-9 1219 Genève, Suisse Tél: +41 (0)22 799 0700 Fax: +41 (0)22 799 0701 www.internal-displacement.org 14