le mystere du mal - Notre

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le mystere du mal - Notre
LE MYSTERE DU MAL
Le mal est l'absence d'un bien ; plus exactement, c'est la privation d'un bien dû. Qu'un oiseau
n'ait pas d'aile, cela est un mal parce qu'il est inscrit dans sa nature d'oiseau qu'il faut qu'il ait des
ailes. Aucun mal, en revanche, à ce que l'éléphant n'en ait pas : il n'en a pas besoin pour aller faire
son nid dans les arbres.
Le mal est donc une privation, un manque, un trou. Mais précisément, un trou, cela est très
mystérieux, et notre expérience quotidienne nous fait voir dans le mal un abîme insondable. Nous
expérimentons le mal sous deux formes : le mal de l'être et le mal de l'agir. Le mal de l'être est celui
qui nous prive d'une partie de ce que nous devions être, par exemple dans notre corps : un
déséquilibre dans la santé, un membre arraché etc... Ce mal là est subi comme une peine. L'autre
mal, celui de l'agir, n'est pas subi, mais commis. C'est le mal du péché, le mal d'une action qui
n'atteint pas la bonté morale qu'elle devrait avoir : le crime d'un avorteur qui utilise sa science
médicale pour supprimer une vie, alors que son rôle de médecin est de la conserver et de la sauver.
Puisque Dieu est bon et qu'il est tout puissant, et qu'il peut par conséquent empêcher tout
mal, pourquoi laisse-t-Il cette horrible zone sombre dans le tableau, par ailleurs si merveilleux, de la
création ? Pourquoi ce mal qui vient tout gâcher?
La première réponse, celle de la Loi Ancienne, consiste à expliquer le mal de l'être par le
mal de l'agir. Les peines qui nous atteignent sont des châtiments de nos fautes. Chaque homme,
puisqu'il commet librement le péché, est responsable des maux qui viennent le frapper dans sa
personne ou dans sa famille. D'où l'assimilation pratique, dans l'Ancien Testament, des défauts
physiques aux fautes morales : les femmes stériles portent la malédiction de Yahvé, les lépreux sont
déclarés impurs, les boiteux et les aveugles sont écartés du saint lieu qu'est le temple. Pourtant
l'Ancien Testament lui-même reconnaît l'insuffisance de cette explication. C'est toute la trame du
drame poignant que nous décrit le livre de Job. Lui, le juste, voit toute sa fortune le quitter, sa
famille décimée, avant que le malheur ne l'atteigne en son propre corps par la maladie. Si Job n'a
pas péché, pourquoi souffre-t-il ? La réponse ne vient pas. Dieu se contente d'intervenir, à la fin du
livre, pour exhorter Job à accepter sa souffrance sans la comprendre (chapitres 38-42). La Sagesse
divine a créé le ciel et la terre, et nul ne songe à lui demander compte des merveilles qu'ils
contiennent. Pourquoi alors lui demanderions-nous compte du mal qu'il a voulu permettre en ses
oeuvres ? Certes le mal semble déparer la beauté de la création, telle une fausse note dans un
concert, mais en fait il la souligne par contraste. Tant qu'un artiste n'a pas dessiné les ombres avec
son pinceau, le tableau reste un simple croquis sans relief, où les zones de lumière ne sont pas mises
en valeur. Ainsi, sans la faute de notre premier père Adam, sans le résultat de cette faute que sont la
mort et le cortège de souffrances qui sont entrées avec elle dans le monde, la liberté humaine
n'aurait pas été soulignée, cette liberté qui nous rend capables d'adhérer de toute notre volonté au
plan divin, mais nous laisse aussi tristement libres de refuser ces vues de Dieu sur nous.
Il appartenait au Christ de pousser plus loin la réponse au mystère du mal. Un jour, devant
un aveugle de naissance, les disciples demandèrent à Jésus : "Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents,
pour qu'il soit né aveugle ? Jésus répondit : Ni lui n'a péché, ni ses parents ; mais c'est afin que les oeuvres de
Dieu soient manifestées en lui"(Jn 9 2-3). Puis il le guérit de sa cécité. Le Christ ne nous invite plus à
accepter le mal en le replaçant dans la perspective d'ensemble de la création. Il nous apprend
pourquoi le mal a sa place dans le plan divin : c'est pour que, de ce mal, Dieu tire un plus grand bien
qui servira à sa gloire.
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Le péché, la mort, la souffrance, tout cela n'a été permis que pour préparer la glorieuse restauration
de l'Incarnation Rédemptrice. Si les saints de l'Ancien Testament se sont heurtés au mal sans le
comprendre, ce choc a entretenu dans leurs âmes le désir du Sauveur promis dès le lendemain de la
chute originelle (Gn 3 15) d'un Messie dont le règne devait être marqué, selon les Prophètes, par
l'abolition de tout mal. Israël devait être libéré du joug étranger ; le péché devait être remplacé par la
justice, et "la douleur des plaintes" cesser (Is 35 10).
Nous sommes, nous chrétiens, dans ce royaume messianique, et nous nous étonnons
souvent de voir combien le mal est encore vivace après la venue du Christ. Le mal a-t-il été
véritablement vaincu, et comment ?
La mort du Christ en Croix, sacrifice infiniment méritoire parce qu'offert par une Personne
divine, a compensé l'offense faite par tous les péchés du monde, offense, elle aussi infinie, parce
que s'adressant à Dieu même souverainement honorable. Le Royaume messianique a donc été
inauguré au Golgotha, puisque dans le péché a été atteinte la racine de tous nos maux. Mais
précisément ce Royaume est seulement inauguré tant que nous demeurons ici-bas, et il n'aura son
plein épanouissement qu'au ciel, et même à la fin des temps, lorsque le ciel sera descendu sur la
terre et que l'Eglise militante et l’Eglise souffrante auront été intégrées dans l'Eglise triomphante.
Mais alors, pour l'heure, dans quelle mesure la Croix du Christ nous a-t-elle libérés du mal ?
En s'offrant au Père en sacrifice expiatoire, Notre Seigneur a atteint :
* le péché originel dans la principale de ses conséquences. La faute d'Adam avait eu
pour résultat de le priver de la grâce divine et avec lui tous ses descendants à qui il
aurait dû transmettre l'amitié divine tout simplement en les mettant au monde. En
rachetant le péché d'Adam, le Christ a rouvert la porte du ciel. La grâce peut de
nouveau couler sur la terre, dans les âmes des baptisés. Cependant, le péché originel
a laissé en nous ses séquelles : une certaine inclination à faire le mal, qui nous oblige
à prendre notre propre part au combat du Christ contre le péché. Le combat ne
cessera que dans la Patrie.
Nos péchés personnels qui, n'ayant pas encore été commis lors de la mort du Christ,
mais qui ont été pardonnés par anticipation. Ce pardon nous atteint à chaque fois que
nous avons recours aux Sacrements, en posant un acte de foi en la vertu rédemptrice
du Sacrifice du Christ.
* la domination tyrannique sur le genre humain, acquise par le démon en persuadant
Eve de lui obéir plutôt qu'à Dieu. Etant parvenu à faire passer l'homme dans sa
sphère d'influence par le péché, le diable avait le droit de le traiter comme son
esclave. C'est ainsi qu'il a à ce point obscurci l'esprit des païens qu'ils en sont venus à
adorer des bêtes sans raison, qu'il a suscité dans l'Empire Romain les vices et la
débauche qui entraînèrent sa ruine, qu'il parvient, dans notre époque de
déchristianisation, à se trouver des adorateurs occultes qui se font les ennemis de
l'Eglise. Mais en s'attaquant au Christ au Calvaire, le démon a outrepassé ses droits.
Le Christ sans péché n'appartenait en rien à sa sphère d'influence. Le démon a alors,
en toute justice, perdu les droits qu'il avait acquis sur l'homme. Il reste, certes,
dangereux pour les membres de l'Eglise, mais à la manière d'un chien qui aboie et
fait peur, ou se fait cajoleur pour séduire, mais ne peut nuire réellement qu'aux
malheureux qui s'approchent trop près de lui. Il ne sera définitivement relégué en
enfer qu'à la fin des temps.
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* Quant à la souffrance qui n'est que le mal de l'être ressenti par la personne comme une
peine, le Christ n'est pas venu la supprimer, mais la transformer. Depuis que le divin
crucifié a pris sur lui le châtiment qui aurait dû s'abattre sur nous en raison de nos
péchés, la souffrance a trouvé tout son sens : unie à celle du Christ par la foi et la
charité, notre souffrance devient elle aussi rédemptrice.
Quant à la souffrance qui n'est que le mal de l'être ressenti par la personne comme une
peine, le Christ n'est pas venu la supprimer, mais la transformer. Depuis que le divin crucifié a pris
sur lui le châtiment qui aurait dû s'abattre sur nous en raison de nos péchés, la souffrance a trouvé
tout son sens : unie à celle du Christ par la foi et la charité, notre souffrance devient elle aussi
rédemptrice.
Un beau témoignage à ce sujet : la mère du Père Labaky se savait atteinte du cancer qui
devait l'emporter. Elle n'en révéla l'existence qu'à son fils prêtre, de peur d'alarmer ses autres
enfants ; elle usa d'un mot arabe pouvant aussi bien se traduire par secret, sacrement et mystère
"C'est un "secret-sacrement-mystère" entre Jésus et moi". Un secret, parce que la souffrance nous
introduit dans l'intimité du Christ à qui elle est offerte par amour. Un sacrement, parce qu'en
souffrant avec patience, nous devenons pour nos frères comme une icône du Christ crucifié. Un
sacrement encore, parce que cette souffrance ne se contente pas de reproduire sensiblement la
Passion du Christ, mais qu'elle en tire encore une réelle efficacité pour le rachat des péchés du
monde. Un mystère enfin, parce que seule la foi nous permet de découvrir dans la souffrance qui
nous atteint le dessein rédempteur de Dieu qui se poursuit en nous.
La réponse au mystère du mal, ce pourrait bien être en définitive celle de ce petit orphelin
libanais, à qui l'on demandait l'origine des cicatrices laissées sur son visage par des éclats de
grenade : "Ce sont les baisers de Jésus".
ABBAYE NOTRE DAME DE TRIORS
Pour approfondir cette question difficile, on recommande la lecture de la Lettre
Apostolique du Saint Père, Salvifici doloris, sur le sens chrétien de la souffrance
humaine, du 11 février 1984. C'est un beau témoignage de sa propre expérience et
elle éclaire le mystère de la souffrance du Sauveur à la lumière du livre de Job et du
chant du Serviteur de Yahvé en Isaïe chapitre 53.
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