Le mensonge, ça suffit - Site perso de Mohamed ZIANE

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Le mensonge, ça suffit - Site perso de Mohamed ZIANE
Affaire Mohamed Benchicou
Le regard de Mohamed Benchicou - Chroniques 2006 & 2007
Le mensonge, ça suffit !
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«[...] Faut-il renoncer à informer, à dire et écrire librement ? Non. Aujourd'hui plus que jamais, non ! Cette flamme qui nous a fait, hier à l'heure de la lame
assassine, relever les défis et donner la force de croire et de continuer, nous anime toujours. Elle peut vaciller, jamais s'éteindre. J'en suis convaincu. J'ai
raison de croire, comme vous avez raison de croire et de continuer: la presse algérienne sera libre ou ne le sera pas...»
Mohamed BENCHICOU
Le mensonge, ça suffit !
© Le Soir d’Algérie | Jeudi 14 décembre 2006
Mohamed BENCHICOU
Mais le paradoxe est ailleurs : pourquoi sommes-nous si
nombreux, opposants, journalistes, intellectuels, citoyens à
accompagner un homme, obsédé par son nombril, dans cette
vulgaire entreprise du trompe-l'œil et de l’esbroufe qui se pratique aux dépens du pays ? Oui, pourquoi sommesnous si nombreux à faire semblant, si nombreux à relayer l’intoxication de l’opinion, pourquoi diable sommes-nous
si nombreux à nous taire devant les mystifications assassines qui s’élaborent pour de basses opérations de
marketing politique mais qui s’ajouteront, inévitablement, au poids du passif que les futures générations auront à
supporter ? Pourquoi répétons-nous, comme de pathétiques perroquets, et à l’envi, que l’Algérie en a fini avec le
terrorisme quand des citoyens et même des étrangers se font encore assassiner dans des zones dites sécurisées
aux portes d’Alger, oui pourquoi avançons-nous que le président Bouteflika est décidé à combattre la corruption
quand ses amis les plus proches, de Chekib Khelil à Bouricha, défient toujours la justice ? Combien sommes-nous
à applaudir la prochaine mascarade, «Alger capitale de la culture arabe» dans une ville qui ne compte pas un seul
théâtre, pas plus de deux ou trois cinémas et que Mme Toumi a maintenue aussi éloignée de la culture que la
banquise l’est du Hoggar ? Et puis, pour partager l’anxiété de notre confrère du Jour d’Algérie, où cacher nos SDF
dans «Alger capitale de la culture arabe» ? Jamais dans l’histoire du pays la frime et la menterie ne se sont érigées
à ce point en mode de gouvernance. Il est jusqu’à Farouk Ksentini, président de la mystérieuse Commission
nationale consultative de défense et de promotion des droits de l’homme, pour nous annoncer solennellement, et
sans rire, que le prochain rapport sur les droits de l’homme demandé par Bouteflika soulèvera les cas d’atteinte à la
liberté de la presse et la menace persistante sur l’exercice du droit syndical. On croirait rêver ! Mais qui donc autre
que le président et son cercle planifient et pratiquent, dans une démarche stratégique d’élimination des contrepouvoirs, la répression des journalistes et des syndicats autonomes ? Sommé de refouler sa détresse au profit de
l’ego de son président, l’Algérien regarde, impuissant, les professionnels du subterfuge maquiller la triste réalité
nationale ou réécrire le passé récent à l’avantage de Bouteflika, sans qu’aucun contre-discours vienne enrayer la
machine de la propagande. Il ne s’agit pas, ici, de faire le procès de l’indifférence. Rien ne nous y autorise. Il
s’agirait plutôt de dénoncer cette espèce de connivence ordinaire qui s’établit généralement entre un pouvoir
suborneur et une élite intéressée, qui croit subtil de se réfugier dans l’art du possible ou dans une forme féconde de
désabusement mais qui, à son insu, participe à la mise en place d’une politique de régression nationale qu’elle aura
soutenue ou protégée par son silence. Le régime algérien, décadent et corrompu, angoissé par sa propre survie,
érige le mensonge en stratégie nationale. De tout temps, certes, les autocraties ont donné d’elles, à l’extérieur, une
image aseptisée et artificielle en totale contradiction avec leur mauvaise gouvernance. Mais ce mensonge d’Etat a
un coût terrible : le pourrissement, l’accélération du déclin national. Le pouvoir de Bouteflika ment sur le terrorisme.
Résultat : des Algériens se font toujours tuer, mais dans l’anonymat, et le pays, dépossédé de sa vigilance, accroît
son isolement. Le pouvoir de Bouteflika ment sur la corruption. Résultat : les banques sont saignées à blanc mais
dans la convivialité. Le pouvoir de Bouteflika ment sur le chômage. Résultat : le fléau prend des proportions
alarmantes puisque, faute d’emploi, les jeunes sont de plus en plus nombreux à succomber à la drogue ou au
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Zidane sauvera-t-il l’image de Bouteflika ? Il semble bien que
cela soit trop tard. Autant qu’on ait pu le constater, de
l’Espagne à Beyrouth où la conférence de l’Association
mondiale des journaux a vertement critiqué la répression que
subissent les journalistes en Algérie, le président algérien a
fini par renvoyer de lui un profil plus proche de Ben Ali ou de
Bongo que de De Gaulle ou de Jefferson, c'est-à-dire qu’il
sera, en dépit de ses efforts, un personnage qui laissera un
détestable souvenir pour sa postérité.
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suicide, les plus chanceux réussissant à émigrer clandestinement. Après 8 années de règne, le président a gardé
le pays dans une stagnation à ce point préoccupante que luimême a fini par s’en inquiéter, si on en croit son cri
déchirant lancé samedi dernier devant les walis : «Nous n’avons pas de quoi assurer l’avenir des prochaines
générations !» ( El Moudjahid du 10 décembre). Mais qu’entreprendra-t-il pour amorcer un sursaut national ? Rien.
A une époque où le progrès est lié aux libertés, le régime algérien, apeuré par sa propre société, préfère continuer
de museler les forces vives du pays, quitte à l’enfoncer davantage dans la régression, plutôt que de libérer les
énergies extraordinaires que recèle notre patrie. Pour mentir sans risque d’être contredit, il a besoin de monopoliser
les canaux de communication et interdire l’expression libre. Il plombe, ce faisant, l’Algérie dans un archaïsme fatal.
Quand M. Djiar, le nouveau ministre de la Communication, répète, cette semaine encore, qu’il n’y aura pas pour le
moment d’ouverture de l’audiovisuel, il donne de lui la grotesque image d’un zoulou, têtu, s’obstinant à affronter les
chars d’assaut avec sa lance ! Deux nouvelles chaînes de télévision étrangères, Medi Sat et 24 Heures, s’emparent
déjà, depuis quinze jours, du marché algérien en y distillant leur propre façon de voir le monde ! Les capitaux
français et marocains ont «ouvert» l’audiovisuel algérien à leur manière, M. Djiar, et vous en êtes encore à interdire
cette même initiative aux Algériens ! Rester aux commandes dans la préhistoire plutôt que vivre la démocratie dans
l’avenir. Au temps où il se permettait encore un franc-parler, le chef du RCD Saïd Sadi a laissé cette formule
perspicace : «On ne peut pas sauver à la fois le système et l’Algérie.» Alors oui, il faut choisir : le destin du pays ou
celui d’un homme, d’un régime finissant, de clans qui puisent dans nos naïvetés et nos obséquiosités l’élixir qui les
fait durer à la tête d’un pays épuisé. Alors oui, bienvenue à Zidane dans le pays natal de ses parents, mais
finissons-en avec les passements de jambes !

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