Mieux connaitre et diagnostiquer la fibromyalgie par l`étude de la
Transcription
Mieux connaitre et diagnostiquer la fibromyalgie par l`étude de la
1 MIEUX CONNAÎTRE ET DIAGNOSTIQUER LA FIBROMYALGIE PAR L’ETUDE DE LA SYMPTOMATOLOGIE CLINIQUE ENQUETE DIRECTE AUPRES DE 1993 PATIENTS FIBROMYALGIQUES Dr Marie-Claire JASSON Chef de Service honoraire d’Anesthésie-Réanimation du Centre Hospitalier de Saint-Germain-en-Laye (78) RESUME - La symptomatologie clinique de la fibromyalgie est encore insuffisamment connue. Une enquête épidémiologique anonyme a été effectuée auprès de 1993 patients fibromyalgiques (dont 91 % de cas féminins). Elle a mis en évidence certains points particuliers. Il existe notamment une longue période d’errance médicale (de 2 à 15 ans et plus), durant laquelle les patients peuvent consulter jusqu’à 10 médecins et plus. D’autre part, dans 85 % des cas, il ressort que les patients ont présenté des signes précurseurs, jusqu’alors non étudiés, avant la fibromyalgie déclarée. Dès la période d’état, on constate une aggravation de ces signes, en plus des symptômes connus (douleurs, fatigue et troubles du sommeil) et d’autres signes collatéraux. On note en outre une association fréquente (dans 45 % des cas) de symptômes du Syndrome Sec de Gougerot Sjögren. Il existe un grave retentissement sur la vie familiale et socioprofessionnelle. Les thérapeutiques médicamenteuses sont décevantes, on obtient quelques succès avec les thérapeutiques non médicamenteuses et la réadaptation fonctionnelle. Enfin, il s’avère que le profil psychologique des patients fibromyalgiques est plus positif que généralement admis. PRESENTATION DE LA MALADIE ET DE L’ENQUETE La fibromyalgie, maladie douloureuse, chronique et invalidante, touche de larges tranches d’âge de la population, féminine surtout. Sa fréquence est importante (de 1 à 2 %). Elle se caractérise par des douleurs musculo-tendineuses diffuses, associées à une fatigue et à de nombreux symptômes collatéraux affectant diverses fonctions, cités dans les publications, mais mal connus du corps médical. Bien qu’officiellement classée par l’Organisation Mondiale de la Santé (n° M 79.0) depuis 1992, la fibromyalgie est encore considérée dans notre pays avec réserve. Cette méconnaissance, le scepticisme - et parfois le rejet - du corps médical conduisent à une situation complexe, car le seul examen vraiment caractéristique est la recherche des points musculo-tendineux douloureux (test de l’American College of Rheumatology) ; les malades ne présentent pas de perturbations physico-chimiques ou d’examens médico-techniques caractéristiques. Pour ces raisons, on observe souvent une inflation de bilans lourds, d’interventions chirurgicales inutiles, de traitements inappropriés. Le diagnostic est donc soit retardé (parfois de plusieurs années), soit erroné, soit tourné à tort vers la psychiatrie. De plus, il n’existe pas de thérapeutiques vraiment efficaces actuellement, seulement des palliatifs. Dans le but d’améliorer les connaissances cliniques sur la fibromyalgie, et donc la prise en charge, une enquête épidémiologique massive a été menée entre 2001 et 2005 par le Dr MarieClaire Jasson, Chef de Service honoraire d’Anesthésie-Réanimation, directement auprès de fibromyalgiques tous diagnostiqués par un médecin (1993 cas). Ces patients ont été recrutés soit grâce à des médecins rhumatologues, soit avec l’active collaboration des associations de fibromyalgiques sur l’ensemble du territoire métropolitain, soit à la suite d’informations diffusées par les médias. Issu d’une collaboration entre médecins et malades, un questionnaire long et détaillé (327 réponses « à cocher ») a été conçu afin d’établir des statistiques sur les fibromyalgiques en France actuellement. Il permet de mettre en évidence : les caractères socio-démographiques, les habitudes de vie, les antécédent médico-chirurgicaux, l’activité physique, les signes « précurseurs » (non recherchés, mais souvent évidents), le nombre de praticiens consultés, l’établissement du diagnostic, l’état des patients, les résultats des traitements médicamenteux et non médicamenteux, les répercussions (souvent très importantes) sur la vie professionnelle et familiale, l’évolution de la maladie, les difficultés de la prise en charge médico-sociale. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 2 CRITERES GENERAUX Les patients sont en majorité de sexe féminin (1811 femmes, soit 91 %), en minorité de sexe masculin (177 hommes, soit 9 %), sur 1988 réponses. La répartition géographique des patients montre que l’enquête couvre le territoire métropolitain de façon homogène, avec en moyenne 3.7 % de réponses par région. On note toutefois un nombre plus important dans le quart Nord Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de Loire, Ile de France, Centre) : sur 1921 répondants, 856 soit 44.6 %. La prévalence des réponses en Pays de Loire est probablement due à l’investissement particulier des CHU et des associations de fibromyalgiques, notamment dans la diffusion de l’enquête. Les autres patients se répartissent comme suit : dans le quart Nord Est (Picardie, Nord Pas de Calais, Champagne Ardennes, Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Bourgogne), 433 patients, soit 22.5 %. Dans le quart Sud Ouest (Poitou Charentes, Aquitaine, Midi Pyrénées, Languedoc Roussillon, Limousin, Auvergne), 388 patients, soit 20.2 %. Dans le quart Sud Est (Rhône Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur, Corse), 244 patients, soit 12.7 %. La pyramide des âges (au moment de la majorité des réponses à l’enquête, arrêté à fin 2003) a été établie sur 9 tranches d’âge. Sur 1972 répondants, on note une majorité de réponses concernant la tranche d’âge de 50 à 59 ans, avec un pic entre 53 et 55 ans (311 cas, soit 15.8 %). Certains cas familiaux existent (3 %). D’autres cas sont probables, au dire de la famille, chez les ascendants ou chez des parents proches. TABLEAU - Fibromyalgie : pyramide des âges par tranche de 10 ans Colonne Tranche d’âge A B C D E F G H De 0 à 9 ans De 10 à 19 ans De 20 à 29 ans De 30 à 39 ans De 40 à 49 ans De 50 à 59 ans De 60 à 69 ans De 70 à 79 ans De 80 à 89 ans Total Nombre de cas sur 1972 répondants 0 5 37 147 487 917 267 102 10 1972 Pourcentage 0% 0.3 % 1.9 % 7.4 % 24.7 % 46.5 % 13.5 % 5.2 % 0.5 % 100 % 1000 900 De 10 à 19 ans 800 De 20 à 29 ans 700 De 30 à 39 ans 600 De 40 à 49 ans 500 De 50 à 59 ans 400 De 60 à 69 ans 300 De 70 à 79 ans 200 De 80 à 89 ans 100 0 A B CD E F G H - Non précisé : 21 (1.1 %) sur 1993 cas au total - La situation actuelle des patient se répartit comme suit (sur 1993 cas) : 34 % (679 cas) sont en invalidité ou en arrêt de travail 32 % (628 cas) sont actifs 18 % (363 cas) sont retraités 9 % (184 cas) sont chômeurs 1 % (23 cas) sont étudiants ou élèves 6 % (116 cas) non précisé. On note la plus forte proportion de patients reconnus dans l’incapacité de travailler en raison de leur fibromyalgie. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 3 L’origine socio-professionnelle des patients se répartit comme suit (sur 1993 cas) : 37 % (733 cas) sont employés (y compris personnels de services) 21 % (426 cas) sont cadres moyens ou techniciens 9 % (181 cas) sont cadres supérieurs ou enseignants 6 % (111 cas) sont ouvriers (y compris salariés agricoles) 9 % (176 cas) sont sans profession 18 % (366 cas) ont d’autres professions ou non précisé. La durée de la maladie est évaluée sur quatre périodes : 32 % (638 cas) ont la fibromyalgie (déclarée) depuis moins de 5 ans 26 % (518 cas) l’ont depuis plus de 5 ans 17 % (337 cas) l’ont depuis plus de 10 ans 25 % (494 cas) l’ont depuis plus de 15 ans. ANTECEDENTS MEDICAUX ET CHIRURGICAUX La proportion des antécédents médicaux et chirurgicaux ne semble pas très différente de celle de la population. On note cependant une certaine prévalence des antécédents rhumatologiques (995 cas sur 1993, soit 50 %), digestifs (897 cas, soit 45 %), urinaires (590 cas, soit 30 %), dépressifs (786 cas, soit 39 %). Certains de ces antécédents déclarés étaient peut-être déjà des signes « précurseurs » de la fibromyalgie, signalés dans la presque totalité des cas (85 %). D’autre part, le nombre de « dépressifs » comprend peut-être le très grand nombre de diagnostics de « dépression » posés en général en premier devant le consultant fibromyalgique, parfois des années auparavant. SIGNES PRECURSEURS DE LA FIBROMYALGIE Un des objectifs principaux de cette enquête épidémiologique est de mettre en évidence ces troubles inconfortables, mais non vraiment douloureux, ressentis par les répondants avant l’apparition de la fibromyalgie déclarée (qui, elle, se caractérise par des douleurs importantes, de la fatigue et d’autres symptômes associés). Ces « patraqueries » sont très rarement signalés au médecin par le patient. Ces signes, non recherchés actuellement lors de l’interrogatoire des patients, sont pourtant présents dans plus de 85 % des cas ; le questionnaire a été établi par un médecin en collaboration avec des fibromyalgiques. C’est pourquoi il semble indispensable de préciser le caractère et la fréquence de l’ensemble de ces signes précurseurs (voir tableau ci-dessous), car ces troubles ont pu induire, durant l’errance médicale, des diagnostics erronés. Ces signes persisteront, aggravés, et accompagneront la fibromyalgie déclarée. Leur étude peut permettre au médecin de poser plus rapidement un diagnostic de fibromyalgie, car ils sont ressentis parfois pendant des années avant le déclenchement des douleurs proprement dites de la fibromyalgie déclarée. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 4 TABLEAU - Fibromyalgie : nombre d’années de signes précurseurs avant la fibromyalgie déclarée Colonne A B C D E F G H I Nombre d’années de signes précurseurs sur 1719 répondants De 0 à 2 ans De 2 à 5 ans De 5 à 10 ans De 10 à 15 ans De 15 à 20 ans De 20 à 30 ans De 30 à 40 ans De 40 à 50 ans Plus de 50 ans TOTAL 341 382 372 184 153 179 76 25 7 1719 Nombre de cas Pourcentage 19.8 % 22.2 % 21.6 % 10.7 % 8.9 % 10.4 % 4.4 % 1.5 % 0.5 % 100 % 400 De 0 à 2 ans De 2 à 5 ans 300 De 5 à 10 ans De 10 à 15 ans 200 De 15 à 20 ans De 20 à 30 ans De 30 à 40 ans De 40 à 50 ans 100 Plus de 50 ans 0 ABCDEFGHI - Non précisé : 274 (13.7 %) sur 1993 cas au total - TABLEAU - Fibromyalgie : descriptif des signes précurseurs Description des signes précurseurs Courbatures « exagérées » en intensité, en durée après un effort inhabituel, même modéré (activité sportive, jardinage…) Sensation de fatigue musculaire non justifiée Aux jambes en montant un escalier En se coiffant, bras en l’air Gestes répétitifs professionnels ou ménagers Fatigue anormale des jambes à la marche, en bicyclette Sensations douloureuses ou désagréables à la pression brève des muscles durant 5 à 10 secondes (muscles intercostaux sous la douche, cou, épaules, membres, face) Inconfort, douleur au niveau des fesses (sur un siège dur, sur une selle de bicyclette, durant un long parcours en voiture ou en train) Inconfort au niveau des pieds, sans anomalies (toutes les chaussures font mal) Station debout immobile rapidement pénible Intolérance au froid (frilosité inhabituelle, pieds et mains « glacés ») Intolérance à la chaleur (fatigue intense en été, épisodes fréquents de chaleur intense et généralisée, chaleur « à l’intérieur du corps », modification de l’habillement) Troubles digestifs Brûlures gastriques Reflux gastro-oesophagien acide Eructations après les repas Ballonnements, côlon irritable Diarrhée ou constipation Troubles de l’appétit Amaigrissement Vessie irritable, besoin impérieux d’uriner Fourmillements (apparition plus tardive) généralisés ou localisés, avec chaleur locale Impatience dans les membres Troubles du sommeil Difficultés d’endormissement Réveils fréquents Réveil matinal pénible avec augmentation des signes Sommeil non réparateur Somnolence gênante dans la journée Dr M.C. JASSON - Avril 2007 Nombre de cas (sur 1993) Pourcentage 1682 84 % 1703 1575 1732 1493 85 % 79 % 87 % 75 % 1598 80 % 1651 83 % 1213 61 % 1748 1615 88 % 81 % 1219 61 % 1013 923 536 1447 1408 675 340 1067 51 % 46 % 27 % 73 % 71 % 34 % 17 % 54 % 1278 64 % 1222 61 % 1284 1506 1570 1645 1154 64 % 76 % 79 % 83 % 58 % 5 PERIODE D’ETAT DE LA FIBROMYALGIE Cette période est caractérisée principalement par l’apparition des douleurs, raideurs et de la fatigue. Les douleurs sont pratiquement toujours généralisées, mais avec certaines localisations plus marquées : dans 75 % des cas (1503), surtout au niveau du cou, des épaules et des bras dans 67 % des cas (1339), surtout au niveau du bassin et des jambes dans 38 % des cas (757), au niveau de la face : articulation maxillaire, crispations dans 33 % des cas (659), « mal à toutes les dents » principalement le matin, signe curieusement assez particulier à la fibromyalgie. Les douleurs peuvent aussi être erratiques et totalement imprévisibles. S’y ajoutent, dans 74 % des cas (1479) des élancements brefs et violents durant quelques secondes, en sus des douleurs de base « n’importe où, n’importe quand », signe également particulier, très bien décrit par les fibromyalgiques. Les caractéristiques des douleurs sont multiples : dans 66 % des cas (1317), elles sont franches dans 84 % des cas (1683), il s’agit de raideurs douloureuses dans 46 % des cas (909), de fourmillements dans 61 % des cas (1215), de pesanteur dans 69 % des cas (1370), de sensations de brûlure dans 42 % des cas (842), de sensations de broiement dans 32 % des cas (645), de sensations de pulsation. On notera que les réponses sont multiples. Les douleurs et raideurs matinales sont lentes à céder dans 74 % des cas (1473 cas). Elles diminuent en période d’activité modérée, mais peuvent augmenter après un repos prolongé dans 46 % des cas (914 cas). Leur périodicité reste très variable dans la journée, dans la semaine, par crises plus aigues selon la météo dans 51 % des cas (1014 cas). Lors de la période d’état sont également recherchés, exclusivement par un médecin, les points sensibles musculo-tendineux de la fibromyalgie, établis selon les critères de l’A.C.R. (American College of Rheumatology). Dans le cadre de l’enquête, sur 1993 cas : Dans 87 % des cas (1743), ils ont été recherchés : ils sont alors douloureux dans 97 % des cas (1690), et non douloureux dans 1 % des cas (23) ; non précisé dans 2 % des cas. Dans 9 % des cas (189), ils n’ont pas été recherchés ; non précisé dans 4 % des cas. Dans les cas douteux, les points sensibles sont-ils non douloureux, ou non remarqués par le patient lors de l’examen, ou non recherchés de façon efficace ? La fatigue, autre caractéristique de la fibromyalgie, fait l’objet de réponses multiples. Concernant sa périodicité : dans 73 % des cas (1447), elle est continuelle dans 37 % des cas (732), elle se manifeste par crises dans la journée dans 26 % des cas (510), par crises de quelques jours. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 6 Concernant sa pénibilité : dans 90 % des cas (1799), la position debout immobile est très pénible, autre signe particulier à la fibromyalgie, dans 80 % des cas (1589), la pénibilité s’accentue lors de gestes répétitifs, même peu énergiques, dans 83 % des cas (1657), il est difficile de soulever ou de porter des objets, même peu lourds, ce qui représente un sérieux handicap social, dans 79 % des cas (1575), les courbatures sont chroniques. Il faut noter que tous les types d’activité physique provoquent très rapidement un épuisement. Les signes « associés » ou « collatéraux » sont en général des signes cliniques identiques à ceux apparus durant la période des signes « précurseurs », mais sous forme aggravée. Outre les troubles du sommeil, notamment un sommeil non réparateur chez plus de 80 % des patients, et les troubles urinaires (plus de 50 % des patients souffrent d’une vessie irritable), on remarque une aggravation des troubles digestifs : 53 % (1049 cas) ont un reflux gastro-oesophagien et des brûlures à l’estomac 65 % (1295 cas) ont une dyspepsie (lourdeurs, ballonnements, flatulences) 63 % (1256 cas) ont les intestins irritables. De plus, 74 % des patients interrogés (1480 cas) souffrent de troubles de la mémoire et de la concentration, ce qui représente un handicap certain dans l’exercice de professions intellectuelles ou dans la pratique d’activités demandant une attention soutenue, telles l’enseignement ou l’informatique, etc… 51 % des patients ont des vertiges (1018 cas). 81 % ont des troubles vaso-moteurs sévères portant sur la thermorégulation (pieds et mains gelés). 61 % sont intolérants à la chaleur. MALADIES ASSOCIEES A LA FIBROMYALGIE L’association des symptômes du Syndrome de Gougerot Sjögren (SGS) et de la fibromyalgie a déjà fait l’objet de nombreuses études. Le fait est maintenant confirmé pour la plupart des auteurs, mais le mécanisme de cette association reste encore mal connu. Peut-on parler de fibromyalgie pure, de fibromyalgie présentant quelques signes du SGS, de SGS compliqué de fibromyalgie, de fibromyalgie compliquée de SGS, ou de cohabitation des deux pathologies à des degrés divers à la suite d’un même dérèglement dont la nature est toujours à l’étude ? La présente enquête a permis de chiffrer de façon précise la prévalence importante de cette association chez 45 % des 1993 patients interrogés. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 7 TABLEAU - Fibromyalgie et Syndrome de Gougerot Sjögren Description des signes du Syndrome de Gougerot Sjögren Sécheresse oculaire Utilisation de larmes artificielles Kératite, inflammation Rétraction des paupières Autres Sécheresse buccale Soif accentuée par la parole Gêne buccale importante Difficultés pour mâcher et avaler Gonflement des glandes salivaires Biopsies positives des glandes accessoires Sécheresse nasale Sécheresse cutanée Sécheresse trachéo-bronchique Chute de cheveux Nombre de cas (sur 1993) Pourcentage 883 457 241 176 185 894 697 298 486 241 87 44 % 23 % 12 % 9% 9.5 % 45 % 35 % 15 % 24 % 12 % 4% 699 759 480 579 35 % 38 % 24 % 29 % salivaires Devant ces signes, le diagnostic du SGS a été évoqué par le médecin dans 7 % des cas (142). Les signes de SGS apparaissent parfois au début de la fibromyalgie, parfois au cours de son évolution. On notera que la biopsie des glandes salivaires accessoires, très rarement pratiquée, a été retrouvée positive dans un cas, lors d’un bilan hospitalier systématique, dix mois avant toute apparition de signes cliniques du SGS, chez un patiente présentant une fibromyalgie typique depuis plus d’un an. La fibromyalgie est parfois également concomitante avec plusieurs autres pathologies sévères. Des études sont en cours pour permettre une prise en charge adaptée de ces patients. ETABLISSEMENT DU DIAGNOSTIC DE LA FIBROMYALGIE Durant leur errance médicale, les patients ont consultés entre 2 et 15 médecins (soit une moyenne de 6 médecins), et ce pendant de longues années parfois, avant que ne soit établi le diagnostic de fibromyalgie. Environ 38 % des patients ont consulté de 1 à 3 médecins, 35 % de 4 à 6 médecins, 20 % de 6 à 10 médecins, 7 % plus de 10 médecins. Le plus souvent a été évoqué en premier lieu par le praticien des diagnostics qui se sont révélés inadaptés, mais qui entraient dans le cadre de la recherche des diagnostics différentiels : dans 66 % des cas (1321) le stress professionnel ou familial dans 58 % des cas (1151) la dépression ou une psychopathie dans 56 % des cas (1116) une maladie rhumatismale dans 37 % des cas (728) le surmenage dans 13 % des cas (269) une maladie neurologique dans 12 % des cas (243) la simulation dans 10 % des cas (204) une intoxication dans 9 % des cas (166) une maladie virale dans 8 % des cas (152) une polyarthrite rhizomélique. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 8 Le diagnostic a finalement été posé dans 64% des cas par un rhumatologue, dans 33 % des cas par un généraliste, dans 20 % des cas par un Centre Anti Douleur, dans 17 % des cas par un neurologue. Il faut noter que les réponses sont ici multiples. Le patient a souvent pu orienter son médecin à la suite soit de conseils d’un tiers lui-même fibromyalgique ou non (29 %), soit de la lecture d’une publication (23 %), soit d’une prise de contact avec une association de fibromyalgiques (19 %). Il faut également évoquer certains cas familiaux avérés chez un descendant (64 cas, 3 %) ; d’autres cas sont probables, au dire de la famille, chez les ascendants (137 cas, 7 %) ou chez d’autres parents proches (126 cas, 6 %). Il semble que ces chiffres puissent être revus à la hausse avec l’amélioration des connaissances sur la fibromyalgie. Certains témoignages écrits ou oraux ont ainsi pu être recueillis depuis 2005. CIRCONSTANCES D’APPARITION DE LA FIBROMYALGIE DECLAREE Les patients interrogés attribuent le déclenchement de leur maladie : dans 46 % des cas (918), à un stress émotionnel (deuil, divorce, problèmes familiaux, perte d’emploi, …) dans 23 % des cas (465), à un stress physique (chute, accident ; trauma du rachis souvent cité). 22 % des patients n’ont noté aucun événement particulier avant le déclenchement de la maladie, ou ne savent pas clairement nommer son origine, ou l’ignorent. Quelques-uns ont évoqué, mais sans certitude, le lien avec un hépatite B, ou avec la vaccination contre l’hépatite B (ce facteur fait déjà l’objet d’études). La fibromyalgie peut survenir très progressivement, mais le plus souvent plus rapidement, sur quelques mois, très fréquemment après une longue période de « patraqueries » mal élucidées, que le malade n’a jamais songé à évoquer spontanément devant son médecin. EVOLUTION DE LA FIBROMYALGIE A partir du diagnostic de leur fibromyalgie, les patients citent leurs symptômes comme identiques dans 27 % des cas (544), comme aggravés dans 46 % des (914). Certains nouveaux symptômes sont apparus dans 40 % des cas (798). L’évolution spontanée semble donc le plus souvent défavorable. LES TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX Les patients interrogés considèrent que leurs symptômes sont stabilisés par les médicaments dans 16 % des cas (315), améliorés dans 21 % des cas (410). Dans les autres cas, les traitements médicaux sont sans effet notable ou sans effet durable. Tous les patients cependant les utilisent, mais ils les considèrent comme des palliatifs. Le questionnaire comprend de plus une énumération très détaillée de l’ensemble des molécules utilisées (avec le nom des spécialités pour chacune) ainsi que le type de résultat. Cependant a vite surgi la difficulté de traiter les réponses, en raison de leur foisonnement et de leur imprécision. Les malades ne se souviennent pas toujours de la date des prescriptions, de leur durée et des effets secondaires défavorables. Ils ont tous tout essayé, mais il s’avère seulement que les résultats obtenus sont le plus souvent médiocres et décevants. Le traitement statistique de ces données complexes ne peut donner qu’une vision aléatoire. Il apparaît cependant que des patients peuvent trouver un indispensable soulagement grâce aux morphinomimétiques (type Skenan, Tramadol, Zaldiar…) dont la prescription peu classique est encore rarement mentionnée dans les publications. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 9 LES THERAPEUTIQUES NON MEDICAMENTEUSES Devant les résultats mitigés des traitements médicamenteux, les patients se tournent vers les thérapeutiques non médicamenteuses, proposées en grand nombre, telles celles élaborées à base de physiothérapie, de relaxation, de massages, et pratiquées avec la collaboration de professionnels de santé formés pour la fibromyalgie. TABLEAU : Fibromyalgie et thérapeutiques non médicamenteuses Thérapeutiques non médicamenteuses essayées Acupuncture Autoacupuncture Réflexothérapie Fasciathérapie Chiropraxie Ostéopathie Physiothérapie Kinésithérapie classique Kinésithérapie Mézières Micro-kinésithérapie Stretching (étirements) Thermothérapie Cure thermale Balnéothérapie tiède (28° à 34 °) Natation tiède (28° à 34 °) Marche Yoga Hypnothérapie Auto-hypnose Sophrologie Psychothérapie Relaxation JACOBSON (bio feedback) Relaxation SCHULTZ (bio feedback) Thérapie cognitive (coping) Programmation neuro-linguistique Kinésiologie Régime alimentaire du Dr Seignalet (suppression des céréales - sauf riz et sarrasin et des produits laitiers) sur 1993 cas Résultats positifs Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage 1121 50 81 144 239 850 234 1263 311 153 352 114 519 498 456 1047 286 67 77 394 457 100 89 23 18 83 56 % 3% 4% 7% 12 % 43 % 12 % 63 % 16 % 8% 18 % 6% 26 % 25 % 23 % 53 % 14 % 3% 4% 20 % 23 % 5% 4% 1% 1% 4% 154 11 30 44 18 166 50 272 86 39 136 38 173 244 235 456 90 15 29 163 167 59 41 5 5 24 8% 1% 1.5 % 2% 1% 8% 2.5 % 14 % 4% 2% 7% 2% 9% 12 % 12 % 23 % 4% 1% 1.5 % 8% 8% 3% 2% 0.5 % 0.5 % 1% 127 6% 54 3% Il faut noter que ces résultats sont sûrement biaisés en fonction de l’accès local limité et de l’aspect financier très lourd de ces thérapeutiques. Ils sont valables surtout pour l’énumération des traitements proposés. Toutes ces thérapeutiques sont étudiées dans des publications, toutes peuvent avoir du succès. Les fibromyalgiques n’en rejettent aucune à priori. Ils pratiquent assez souvent eux-mêmes le ré-entraînement à l’effort, de manière progressive, modérée mais constante : un muscle qui travaille devient moins douloureux. Ils apprécient également le soutien mental et psychologique que leur apportent leur entourage, un psychologue averti, un groupe de paroles ou d’activités auxquels ils peuvent participer. Ils savent aménager leur poste de travail et le cadre de leurs tâches domestiques. Ils savent aussi adapter le mobilier, les ustentiles et leurs vêtements. Tout leur est préférable à la cessation d’activité. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 10 EVALUATION STATISTIQUE DE LA DOULEUR SPONTANEE La notion de douleur spontanée correspond à une douleur qui n’est pas provoquée par un facteur extérieur, tel un effort physique ou une mauvaise nuit. C’est la douleur qui est ressentie de manière permanente par les patients interrogés, qui ont donné une note sur une échelle de 1 à 10, 1 étant un état sans douleur et 10 étant l’état de douleur maximale. TABLEAU : Fibromyalgie : échelle de la douleur avant et après traitement Degrés 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Avant traitement Après traitement 8 cas 0.4 % 20 cas 1% 5 0.3 52 2.6 12 0.6 137 6.9 29 1.5 203 10.2 110 5.5 427 21.4 187 9.4 265 13.4 280 14 268 13.4 547 27.4 230 11.5 234 11.7 52 2.6 354 18 56 2.8 Sans réponse 227 11.2 283 14.2 Total 1993 100 % 1993 100 % 600 450 400 500 400 300 A vant t . 350 300 250 100 200 150 100 0 50 0 200 A p r ès t . FACTEURS D’INFLUENCE SUR LA FIBROMYALGIE Les facteurs aggravants ou déclenchants sont : dans 77 % des cas (1542) le stress ou l’angoisse, dans 58 % des cas (1149) les soucis dans 66 % des cas (1313) le froid, dans 30 % des cas (596) la chaleur, dans 55 % des cas (1100) le bruit et l’agitation, dans 36 % des cas (717) le repos prolongé ou l’inactivité. Les facteurs améliorants cités les plus souvent sont : dans 55 % des cas (1088) le repos allongé dans le calme (mais pas trop prolongé) dans 44 % des cas (883) une occupation physique, mentale, professionnelle dans 39 % des cas (771) une activité sportive modérée (marche, natation) dans 14 % des cas (280) une activité associative ou artistique gratifiante, bénévolat. ETAT PSYCHIQUE LE PLUS FREQUENT Les fibromyalgiques citent massivement l’anxiété (76 %, 1516 cas), la tristesse, le désintérêt, l’état dépressif – post fibromyalgie – (69 %, 1385 cas), l’excitation, la colère, l’irritabilité (65 %, 1294 cas), un état instable fréquent (65 %). La fibromyalgie altère donc sévèrement l’état psychique des patients qui non seulement souffrent, mais sont encore incompris et peu soulagés. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 11 RETENTISSEMENT DE LA FIBROMYALGIE SUR LA VIE DES PATIENTS Le retentissement sur la vie familiale et sociale est très important. 63 % des malades éprouvent des difficultés sévères pour la tenue de la maison, les soins aux enfants, les travaux de jardin ou de bricolage. Il devient également épuisant d’écrire. Dans 54 % des cas, les relations familiales avec les proches sont gravement perturbées. Quant à la vie sociale, une grande part des malades (73 %) y renoncent, délaissants ainsi sorties, réceptions, voyages ou vie associative. Ils s’éloignent peu à peu de leurs amis, et sont en proie à des difficultés financières parfois dramatiques. Le retentissement sur la vie professionnelle peut varier selon le type de travail, intellectuel ou manuel, demandant une attention soutenue (comme l’enseignement, la comptabilité, l’informatique, etc…), incluant ou non un déplacement dans le local, exigeant certains gestes ou postures pénibles (notamment pour les coiffeurs et les dentistes, etc…). Les patients ressentent dans leur travail : dans 65 % des cas (1303) une grande fatigabilité dans 45 % des cas (897) un ralentissement des gestes et une grande maladresse dans 40 % des cas (799) des troubles de mémoire et des difficultés de concentration. Dans 48 % des cas (957), le travail est devenu pénible et certains gestes impossibles. Ces troubles exacerbés peuvent avoir des conséquences néfastes : 24 % (486 cas) des malades sont en arrêt de travail fréquemment 21 % (419 cas) passent au travail en temps partiel ou en mi-temps thérapeutique 24 % (481 cas) sont en arrêt de travail définitif (volontaire, par perte d’emploi, ou par incapacité reconnue par l’administration). On note donc un handicap chez 45 % des patients actifs avant la maladie. De plus, un quart de la population fibromyalgique est définitivement retirée du circuit économique. Le retentissement sur la vie sportive est également drastique. Dans 44 % des cas (880), elle est devenue inexistante, ou bien aménagée avec des activités modérées (marche, natation, etc…) dans 31 %des cas (620). La dégradation de la durée de marche sur terrain plat sans trop souffrir est significative. Sur 1560 répondants à la question, 47 % (727 cas) ne peuvent dépasser 30 minutes, 33 % (522 cas) ne peuvent dépasser 1 heure. Seulement 20 % (311 cas) peuvent marcher plus d’une heure sans souffrir. Ce score devrait cependant pouvoir s’améliorer grâce aux démarches thérapeutiques actuelles. Malgré le retentissement négatif de la fibromyalgie dans tous les domaines, les malades portent une appréciation courageuse sur leur qualité de vie, au regard de leur symptomatologie : pour 5 % d’entre eux (107), elle est bonne pour 21 % (411), elle est assez bonne pour 44 % (871), elle est passable pour 27 % (536), elle est mauvaise pour 6 % (119), elle est très mauvaise. Il semble presque établi, à la lecture des réponses et des nombreuses lettres détaillées d’accompagnement (plus de 400 lettres), et selon certains auteurs, qu’une forte proportion de personnes étaient très dynamiques –voire hyperactives – et responsables avant la maladie ; une fois la fibromyalgie déclarée, leur comportement devant le handicap reste très positif. Dr M.C. JASSON - Avril 2007 12 INVALIDITE Peu de malades (16 %, 312 cas) ont été reconnus invalides. La plupart ont un dossier en cours auprès de la Sécurité Sociale ou de la Cotorep, et certains voient leur dossier refusé. La situation évolue cependant lentement. CONCLUSION En l’absence de tout signe physico-chimique ou médico-technique spécifique, la fibromyalgie est une affection douloureuse chronique dont le diagnostic est souvent retardé en raison d’une symptomatologie clinique large et complexe autour des signes de base, douleurs et fatigue. S’y ajoute la fréquence d’une association étroite avec certaines pathologies principalement le Syndrome de Gougerot Sjögren, association évidente mais dont le mécanisme n’est pas encore élucidé, et plus rarement avec certaines autres pathologies sévères. Cette enquête épidémiologique a eu pour but d’apporter des informations statistiques plus précises, recueillies directement auprès de presque 2000 patients tous diagnostiqués fibromyalgiques. La plupart des résultats confirment les différentes études, certains mettent l’accent sur des éléments moins connus, comme des troubles de multiples fonctions et la longue période de signes précurseurs (parfois dès l’enfance) dont la révélation pourrait amener à un diagnostic plus précoce. Si les thérapeutiques médicamenteuses n’apportent pas les résultats escomptés, les techniques de réadaptation musculaire progressive à l’effort semblent ouvrir une voie prometteuse. Ces techniques peuvent être pratiquées par le patient seul – mais guidé – ou avec la participation de personnels para-médicaux formés spécifiquement pour la fibromyalgie. Associées à un diagnostic le plus précoce possible et à un environnement familial et psychologique favorable, elles peuvent considérablement augmenter la qualité de vie du patient. Son sort s’améliore également dès lors que l’on a nommé sa maladie et dès lors qu’il a adhéré à une association de fibromyalgiques. Il ne se sent alors plus seul et peut apprendre à mieux gérer sa maladie. * * * Remerciements Pour leur collaboration : M. Dreher, R. Bruneau, N. Smet, R. Delorme (DH Informatique), J-M. Moles (statistique) Pour leur soutien : S. Aymé (Orphanet), D. Paillé et M. Laffineur (députés) Pour leur participation financière : les associations AFSA (C. Mahé et N. Carrère Gee ), ALF (C. Gérard) Pour leur aide à la diffusion : Le CeNAF et ses 12 associations régionales ; UFAF (C. Robert), AMDCF 44 (R. Godet), AFV (J. Molinas), AEFI (Ch. Militon), le « Journal de la Santé » (France 5). Exemplaires de l’article et questionnaires de l’enquête disponibles auprès de Mme le Dr M.C. Jasson, 27 rue Pasteur, 78620 L’ETANG-LA-VILLE. Dr M.C. JASSON - Avril 2007