Article de liberation sur les mulliez

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Article de liberation sur les mulliez
12 Mai 2016
La justice fouille dans les rayons de la famille Mulliez,
propriétaire d’Auchan
L’influente famille du Nord est soupçonnée de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale. Des
perquisitions dans les propriétés du groupe ont été conduites mardi.
C’est un empire qu’on attaque : les Mulliez, propriétaires entre autres d’Auchan, de Decathlon et de
Leroy Merlin, sont soupçonnés de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale. Mardi, la
brigade financière de la PJ de Lille, en coordination avec l’Office central de lutte contre la corruption
et les infractions financières et fiscales, a mené une série de perquisitions, en France, au Luxembourg
et en Belgique. Particulièrement visée, la commune de Néchin (Hainaut), juste à la frontière
française, là où plusieurs membres de la famille résident pour payer moins d’impôts. La résidence de
Patrick Mulliez, fondateur de l’enseigne de prêt-à-porter Kiabi, aurait été fouillée.
Demeures cossues, haies épaisses et cadre campagnard, l’endroit est idéalement placé, à proximité
de Roubaix, là où la richesse de la famille est née avec la marque Phildar. Depuis, le textile s’est
effondré, et les Mulliez ont su se reconvertir dans la grande distribution. La figure emblématique
reste Gérard Mulliez, le créateur d’Auchan, toujours présent au conseil d’administration malgré ses
84 ans. Benoît Boussemart, économiste et spécialiste des grandes fortunes, auteur de l’ouvrage le
Groupe Mulliez, évalue la richesse familiale à 39,94 milliards d’euros, valeur cumulée des titres de
toutes les sociétés possédées. Mieux que la dynastie Bettencourt (l’Oréal). «Sur 100 euros dépensés
en biens de consommation courante en France, 11 euros passent dans leur poche», signale-t-il.
L’empire, qui affichait un chiffre d’affaires de 88 milliards d’euros en 2014, n’est pas coté en Bourse
mais s’appuie sur un actionnariat de famille, via une structure pour le moins originale : l’Association
familiale Mulliez (AFM).
L’AFM, qui n’a pas d’existence légale - en tout cas, la préfecture de Lille n’en a pas trace, selon Benoît
Boussemart - rassemble entre 500 et 700 membres, tous frères, sœurs, tantes, oncles, cousins… Leur
point commun ? Ils sont issus de la même lignée, née du mariage de Louis Prouvost, le fondateur de
Phildar et de Marguerite Lestienne. Ils ont eu dix enfants, c’est dire la complexité de l’arbre
généalogique.
Les biens sont répartis entre cinq sociétés : les françaises Acanthe, Cimofat, Valorest, Soderec, et la
néerlandaise Claris NV. Elles possèdent, à travers des holdings qu’elles contrôlent, les titres de plus
de 60 enseignes, dans la restauration rapide (Flunch, Pizza Paï), dans l’habillement (Pimkie,
RougeGorge), dans l’automobile (Norauto), la banque (Accor), l’électroménager (Boulanger), etc.
«L’AFM, c’est en fait un contrat moral qui unit la famille», note Benoît Boussemart. Tous ont une
société civile en leur nom propre, avec des actions de chacune de cescinq sociétés. Selon leur
importance dans la famille, ils ont plus ou moins de titres. L’association se réunit deux fois par an, et
vote les grandes décisions. Chacun a ensuite ses petits arrangements d’optimisation fiscale : ainsi,
explique Benoît Boussemart, Patrick Mulliez possède avec son frère, Jean, une société en Belgique,
Concert’eau, qu’ils ont doté de 2,5 milliards d’euros de titres de l’AFM. «En 2014, la société a généré
13 millions d’euros de bénéfices, des dividendes versés par les cinq sociétés de l’AFM, note
l’économiste. Elle n’a payé que 218 000 euros d’impôts.» Ce qui n’est pas grand-chose, mais n’a rien
d’illégal en soi.
Cette structure atypique a un énorme avantage : le groupe Mulliez n’existe pas en tant que tel. Ce
qui veut dire que des salariés licenciés dans une société en difficulté ne peuvent pas demander un
reclassement dans une autre possession de la famille. Les syndicats se sont d’ailleurs saisi du dossier,
avec une assignation en justice datant de 2013, avec la volonté de faire reconnaître ce conglomérat
d’enseignes comme un groupe avec ses filiales. Un combat qui ne va pas être facile à gagner. Chez les
Mulliez, tout reste donc dans le giron familial.
Mais cette fois-ci, il y a eu une faille : une plainte déposée par un membre du clan qui a déclenché
l’enquête policière il y a huit mois. «Sans doute une pièce rapportée, comme ils disent, qui n’est pas
contente de ce qu’elle a, spécule Benoît Boussemart. Peut-être dans le cadre d’une procédure de
divorce.» Il a noté un signe d’émoi : le 5 décembre, une assemblée générale extraordinaire a
renforcé les obligations familiales, avec modification des statuts des sociétés de l’AFM. Les
détenteurs des actions doivent être strictement de la famille, et il est impossible de les vendre ou de
les transmettre à un tiers. Boussemart souligne avec gourmandise : «Manifestement, il y a un truc,
là.»

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