Des textiles toujours plus intelligents

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Des textiles toujours plus intelligents
actu recherche
Innovation
Des textiles toujours plus intelligents
I
marche un signal d’alerte, qui
peut être un voyant lumineux,
un système d’alerte sonore…
Depuis septembre 2006, l’En­­
sait participe, dans le cadre du
projet européen Inteltex, à une
recherche visant à « mettre au
point des matériaux intelligents
et multifonctionnels pouvant
être utilisés dans des vêtements
de protection, des applications
médicales et des bâtiments ».
À l’origine de ce projet qui
réunit vingt-trois partenai­
res venant de neuf pays : la
société Nanocyl.
Cette PME belge,
spécialisée dans
les nanotechno­
logies, souhai­
tait intégrer des
nanotubes de
carbone dans des
textiles afin, par
exemple, de met­
tre au point, pour
Tissu confectionné à partir de fils synthétiques (avec
les pompiers, des
nanotubes de carbone) pour la détection de solvants.
vêtements capa­
« On peut en trouver dans les bles de surveiller la tempéra­
tenues des pompiers, précise ture corporelle, la température
Éric Devaux. Mais les textiles extérieure, les tensions méca­
intelligents ne sont pas forcé- niques ainsi que la présence de
ment destinés à devenir des vapeurs toxiques.
vêtements. Les toiles de parachute, par exemple, qui sont
Un projet européen
soumises à de fortes contraintes, peuvent en contenir… » Le Trois possibilités s’offraient
principe paraît simple : lorsque alors aux chercheurs pour
le seuil d’alerte est atteint, le aborder le thème des capteurs
textile utilise les propriétés de et des textiles : les deux pre­
variation de conduction d’élec­ mières consistaient à appli­
tricité des fibres et met en quer un revêtement intelligent
© Ensait
ntelligent… l’adjectif peut
sembler étrange lorsqu’il
désigne un textile. Selon
Éric Devaux, directeur de la
recherche à l’Ensait (1), « un textile est dit intelligent lorsqu’on
lui adjoint des fonctions, de type
capteur, actionneur ». Ainsi ces
textiles intelligents peuvent,
grâce à des capteurs mécani­
ques, chimiques ou thermi­
ques, détecter, par exemple,
l’usure, des composés volatils
ou encore des élévations de
température.
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Travail & Sécurité –
­­ Juin 08
à la surface du textile ou du
fil. La troisième s’appuyait sur
l’intégration du matériel intel­
ligent à l’intérieur du fil. C’est
cette option qui a été retenue
pour ce projet de recherche
qui appartient à la thématique
P
la température ou la pression
est modifié, les nanotubes se
déplacent, se déconnectent, et
la conductivité du fil fluctue.
Des réunions entre les diffé­
rents partenaires, aussi bien
publics que privés, ont lieu
Le nez artificiel de la Nasa
our l’heure, la Nasa utilise déjà un « nez artificiel »
composé de films de ce type pour détecter des vapeurs
d’ammoniac dans les navettes spatiales. « Nous recherchons
des applications plus poussées, avec plutôt la détection
de substances chimiques plus variées, note Éric Devaux.
La géométrie particulière des fibres doit nous permettre
également d’augmenter la sensibilité et le seuil de détection. »
« nanosciences, nanotechno­
logies, matériaux et nouvelles
technologies de production ».
Elle fait partie du sixième pro­
gramme cadre de recherche et
de développement (PCRD) de
l’Union européenne, et béné­
ficie d’un budget total de 7 mil­
lions d’euros dont 4,5 millions
d’euros d’aides.
« Très vite, Nanocyl a fait appel
à nous pour la mise au point
de fibres, le filage et la transformation en surface, explique
Christine Campagne, ensei­
gnant-chercheur à l’Ensait.
L’université de Lorient, également partenaire, a été sollicitée pour ses recherches sur la
formulation des polymères. »
Des nanotubes de carbone –
ajoutés au mélange servant
à créer le fil – permettent à ce
dernier de développer des pro­
priétés de conductivité électri­
que. Lorsqu’un facteur tel que
Les pompiers figurent parmi les
premiers destinataires potentiels
de tissus capables de détecter
une température excessive
ou la présence de solvants.
régulièrement. L’objectif est
de parvenir à mettre au point
un prototype capable d’aver­
tir de la présence de solvants
chimiques d’ici à 2010… « On
pense que ce textile à très forte
valeur ajoutée pourrait avoir
des débouchés dans le domaine
médical, les équipements de protection individuelle et les géotextiles », espère Éric Devaux.
1. École nationale supérieure des arts
et industries textiles.
Delphine Vaudoux
© Yves Cousson/INRS
Au laboratoire de Gemtex de l’Ensait (1), on parle
toujours de fibres, mais on est bien loin de l’image
classique que l’on peut avoir des textiles. Car ici,
les textiles deviennent intelligents et capables
de détecter des composés volatils.