équine - La Semaine Vétérinaire
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équine - La Semaine Vétérinaire
Pratique vétérinaire N° 173 équine j a n v i e r / f é v r i e r / m a r s 2 0 1 2 Les herpèsviroses équines Sommaire Volume 44 I/2012 P R A T I Q U E V É T É R I N A I R E É Q U I N E - Les herpèsviroses équines Vol. 44 - N° 173 > Les herpèsvirus équins : rôle majeur de l’herpèsvirus équin 1 > Vaccination contre l’herpèsvirus équin 1 > Relation entre les myélo-encéphalopathies à herpèsvirus équin 1 et le génotype viral > Gestion d’un foyer associé à l’herpèsvirus équin 1 dans un haras d’élevage > L’herpèsvirus équin 1 sous toutes ses formes : surveillance active du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) > Déformation faciale et ostéolyse maxillaire chez une jument > L’échographie et l’endoscopie de l’appareil urinaire chez le cheval adulte > Les glaucomes chez le cheval > À quoi servent les statistiques ? > Fiche technique. Les injections intra-articulaires du boulet É ditorial Cliché : D. Goux CMABIO IFR 146 ICORE, Université de Caen Basse-Normandie. Conseil éditorial : TATANIA ART JEAN-MARC BETSCH JEAN-FRANÇOIS BRUYAS JEAN-LUC CADORÉ CHRISTOPHE CÉLESTE RICHARD CORDE FRANCIS DESBROSSE ISABELLE DESJARDINS GUILLAUME FORTIER JEAN-YVES GAUCHOT XAVIER GLUNTZ DANIEL JEAN CLAIRE LAUGIER THOMAS LAUNOIS JEAN-PIERRE LAVOIE PIERRE LEKEUX OLIVIER M. LEPAGE MARCEL MARCOUX ROLAND PERRIN ERIC PLATEAU GWENOLA TOUZOT-JOURDE FRANÇOIS VALON EMMANUELLE VAN ERCK Comité de lecture : LAURENT ALVÈS DE OLIVEIRA HÉLÈNE AMORY FABRICE AUDIGIÉ A. JŒRG AUER AGNÈS BENAMOU GÉRALDINE BLANCHARD VINCENT BOUREAU PIERRE CHUIT PAUL COPPENS ANNE COUROUCÉ-MALBLANC NATHALIE COTÉ MATTHIEU COUSTY XAVIER D’ABLON VALÉRIE DENIAU JEAN-MARIE DENOIX ANNE-MARIE DESBROSSE NORMAND DUCHARME MARLÈNE FRANCQUEVILLE MONIKA GANGL OLIVIER GEFFROY AUDE GIRAUDET SANDRINE JACQUET PATRICK JORDAN VÉRONIQUE JULLIAND JEAN-MICHEL KRAWIECKI SHEILA LAVERTY AGNÈS LEBLOND JEAN-LOUIS LECLERC KARIN LEMBERGER OLIVIER LEVIONNOIS ISABELLE LUSSOT-KERVERN ANN MARTENS MICHEL MARTIN-SISTERON CÉLINE MESPOULHÈS MANON PARADIS SOPHIE PAUL PIERRE-HUGUES PITEL VALÉRIE PICANDET CYRILLE PICCOT-CRÉZOLLET KARINE PORTIER STÉPHANE PRONOST CÉLINE ROBERT CHARLOTTE SANDERSEN CLAIRE SCICLUNA DIDIER SERTEYN CHRISTOPHER STOCKWELL YOUSSEF TAMZALI JEAN-PAUL VALETTE JEAN-MICHEL VANDEWEERD STEPHEN WHITE HANS WILDERJANS Indexation : Pratique Vétérinaire équine est indexée dans les bases de données internationales suivantes : • Focus on Veterinary science and medicine (ISI) • Index veterinarius, Veterinary bulletin, Vet-CD, Beast-CD (CAB International) Agrément CNVFCC Les herpèsviroses équines La rhinopneumonie a disparu ! Non pas que la maladie ait été éradiquée, puisque, nous le verrons, c’est presque mission impossible. Mais, d’une part, l’entité clinique liée à cet herpèsvirus équin 1 (HVE-1) n’existe presque plus, et, d’autre part, la taxonomie virale et la reclassification de ces virus en fonction des maladies qu’ils génèrent ou de leur mode de latence dans les organismes ont fait qu’HVE-1 est désormais le plus souvent dénommé “virus de l’avortement” chez les équidés. Ce thème est sans doute l’occasion de faire un point important sur les connaissances actuelles, les avancées récentes et les perspectives d’avenir pour des virus, mais surtout des maladies qui restent un enjeu majeur en pratique vétérinaire équine courante ou spécialisée, mais aussi pour l’économie du cheval en général. Un des articles de ce numéro illustre particulièrement bien ces défis pour le vétérinaire : l’échange avec le client et le stress (économique et/ou affectif ) de ce dernier en raison des enjeux, la mise en place urgente d’un plan de prévention et d’un contrôle des chevaux touchés, l’utilisation raisonnée des outils actuels d’aide au diagnostic avec le laboratoire spécialisé. Le début de ce numéro explique, sans être trop virologique, pourquoi cette famille de virus est aussi un challenge pour les chercheurs et les biologistes. Le premier article vous rappellera peut-être le temps de la rhinotrachéite infectieuse bovine, virus quasi identique à l’HVE-1, ou à celui de la varicelle qui, après l’infection de la petite enfance, se transforme parfois dans des formes graves, comme un zona chez cet enfant d’autrefois devenu adulte. C’est précisément cette latence virale, encore obscure dans ses mécanismes, qui est responsable de la plupart des défis pour les élevages, les centres d’entraînement et les vétérinaires chargés de les protéger avec des programmes adaptés. Comment éviter la primo-infection ou comment minimiser les risques de réactivation ou de réinfection ? Ce dossier n’apporte pas de réponses, encore inexistantes (même en médecine humaine à ce jour), mais fournit quelques pistes via un article qui traite de la vaccination, en illustrant les stratégies développées actuellement pour aider le système immunitaire du cheval à contrer au mieux les stratégies du virus. Dans ce numéro, nous avons également voulu faire le point sur le syndrome le plus inquiétant à l’heure actuelle, l’encéphalomyélite, qui sévit parfois en épisodes isolés, mais aussi sous la forme de foyers. Cet article explique comment le génome viral peut intervenir dans l’agressivité de certains HVE-1 chez l’hôte, mais aussi les limites de ces approches qui oublient qu’un virus se développe toujours aux dépens d’un hôte récepteur et de son propre génome (d’équidé), beaucoup plus vaste et complexe que celui du virus en cause. Enfin, la profession vétérinaire et tout particulièrement l’Association des vétérinaires équins français ont été à l’origine du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe). Celui-ci est devenu une plate-forme nationale reconnue et qui a rapidement intégré dans ses programmes de surveillance et d’alerte, avec l’ensemble des socio-professionnels, le virus HVE-1. Un article expose aussi la façon dont est organisé ce travail de sentinelle au centre duquel se retrouvent le vétérinaire, son client et les chevaux de ce dernier. Nous vous souhaitons une très bonne lecture de ce numéro, en espérant qu’il réponde à vos principales préoccupations et qu’il vous soit désormais possible de dire que la rhinopneumonie est presque “sous contrôle”, mais que le plus gros défi reste à venir avec HVE-1. Pratique vétérinaire Équine est agréé par le Conseil national vétérinaire de la formation continue et complémentaire (CNVFCC) pour délivrer des crédits de formation continue. Chaque article lu rapporte 0,05 CFC, soit l’équivalent d’une heure de conférence. P r a t i q u e V é t é r i n a i r e Guillaume Fortier DMV, MSci., PhD, HDR Univ. Caen Laboratoire Frank-Duncombe 1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4 É q u i n e 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 3 S ommaire Pratique Vétérinaire équine 2012 – volume 44, n°173 > Éditorial (Guillaume Fortier) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 > Contents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6 > Pratique Vétérinaire Équine Revue de formation permanente Éditeur délégué : Éditions du Point Vétérinaire WOLTERS KLUWER FRANCE SAS au capital de 300 000 000 € Siège social : 1, rue Eugène et Armand Peugeot 92856 Rueil-Malmaison Cedex RCS Nanterre 480 081 306 Président-directeur général de Wolters Kluwer France et directeur de la publication : Michaël Koch Thème : Les herpèsviroses équines > Les herpèsvirus équins : rôle majeur de l’herpèsvirus équin 1 (Stéphane Pronost et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 > Vaccination contre l’herpèsvirus équin 1 (Romain Paillot) . . . . 15 > Relation entre les myélo-encéphalopathies à herpèsvirus équin 1 et le génotype viral (Stéphane Pronost et coll.) . . . . . 25 > Gestion d’un foyer associé à l’herpèsvirus équin 1 dans un haras d’élevage (Peggy Moreau et coll.) . . . . . . . . . . . 31 > L’herpèsvirus équin 1 sous toutes ses formes : surveillance active du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) (Christel Marcillaud-Pitel et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 > Déformation faciale et ostéolyse maxillaire chez une jument (Valérie Deniau et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 > L’échographie et l’endoscopie de l’appareil urinaire chez le cheval adulte (Claire Forgeard et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . 45 > Thèses/Congrès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 > Les glaucomes chez le cheval (Sébastien Monclin et coll.) . . . . . 53 > À quoi servent les statistiques ? (Jean-Michel Vandeweerd) . . . . 60 Associé unique : HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE Directeur général du Pôle santé : Rémi Bilbault Directeur des Editions du Point Vétérinaire : Dr Jean-Marc Bichet (31 22) Pour nous contacter : 01 76 73 suivi du (n° de poste) de votre interlocuteur. 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Les injections intra-articulaires du boulet (Maria Simondon et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 > Testez vos connaissances . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 > Tarifs annuels (4 numéros par an) • France Tarif normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 € Tarif étudiant et diplômé depuis moins d’un an . . . . . . . . . 70 € Prix au numéro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 € • Étranger Tarif normal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 € Tarif étudiant et diplômé depuis moins d’un an . . . . . . . . . . . 79 € • Dom-Tom : nous consulter. • Virement bancaire international Société Générale, agence Paris Opéra Code banque : 30003, code guichet : 03620 N° de compte : 00020142228, clé : 17 • Virement sur le compte ING Tournai : 370-1107298-33 IBAN : BE 79 3701 1072 9833 BIC : BBRUBEBB Carte bancaire Préciser le numéro complet (16 chiffres) et la date d’expiration + une signature + cryptogramme. Ce numéro comprend un encart du laboratoire CAL, assemblé sur la 4e de couverture. CPPAP : 0212 T 81332 - ISSN : 0395-8639 Dépôt légal : à parution Impression : Imprimerie de Champagne ZI Les Franchises, 52206 Langres Cedex Exclusivement réservé aux abonnés de Pratique Vétérinaire Équine : sur www.WK-Vet.fr, bénéficiez des archives de la revue depuis 2002, ainsi que des compléments aux articles. www.WK-Vet.fr Les contenus de Pratique Vétérinaire Equine sont protégés par la législation sur le droit d’auteur. Reproduction interdite sans l’accord de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands Augustins - 75006 Paris. Compléments P r a t i q u e V é t é r i n a i r e É q u i n e 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 5 c ontents Pratique Vétérinaire équine 2012 – volume 44, n°173 > Editorial (Guillaume Fortier) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 > Equine herpesviruses: the role of equine herpesvirus 1 (Stéphane Pronost et coll.) . . . . . . 7 To date, five equine herpesviruses (from EHV-1 to EHV-5) have been found that infect horses. Among them, the EHV-1 is a major player. The process of infection with EHV-1 has been well described during experimental infection. However, in the absence of increased efficiency of existing vaccines, control methods must be based on methods of prevention on the one hand and management of foci of infection according to strict procedures on the other. All these methods can be applied in infections by other equine herpesviruses, whether respiratory (EHV-4, EHV-2, EHV-5) or genital (EHV-3). > Vaccination against equine herpesvirus 1 (Romain Paillot) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Equine herpesvirus 1 (EHV-1) is a pathogenic agent of horses. Its cycle of infection begins with infection of the respiratory system. This phase is followed by spread of the virus within the body. Vaccination is an important element in preventing infection by EHV-1 and its spread. Different types of vaccines have been developed and evaluated during the past 50 years. They can be grouped into two categories: inert vaccines and vaccines containing live attenuated virus or recombinant viral vectors. > The relationship between the myelo-encephalopathies caused by equine herpesvirus 1 and the viral genotype (Stéphane Pronost et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 The equine herpesvirus 1 (EHV-1) is responsible for abortions, respiratory infections and myelo-encephalopathies. The nature and severity of the various forms of diseases induced by EHV-1 depends on several factors such as age, immune status and overall health of the animal. The recent discovery of two types of strains of EHV1 called neuropathogenic strain and non-neuropathogenic strain raises the question of the potential relationship between the strain type (genotype) and disease observed (pathotype). Increased risk of contagion is nevertheless described in the presence of the neuropathogenic strain. > Management of a focus of infection associated with equine herpesvirus 1 on a stud farm (Peggy Moreau et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Equine Herpesvirus-1 (EHV-1) may cause respiratory and/or nervous symptoms, as well as abortion. This article describes an outbreak associated with EHV-1 on a breeding farm in Normandy, in which the three forms of the disease were encoutered over a short period. The outbreak started with two cases of myeloencephalitis which presented within a 24 hour period. A polymerase chain reaction analysis allowed for both rapid diagnosis and verification of a neuropathogenic strain of the virus. One week later several foals presented with clinical signs of fever and nasal discharge. A nonneuropathogenic strain of the virus was subsequently identified. A total of four cases of EHV-related abortions occured over the 4-6 months following the initial cases. The diagnosis and therapeutic management of the different cases is discussed, as well as the various measures implemented to contain disease within the stud, and to avoid spread further afield. 6 Vol. 44/n ° 1 7 3 - P r a t i q u e > Forms of equine herpesvirus 1: monitoring by the Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (RESPE, Epidemiological surveillance network for equine diseases) (Christel Marcillaud-Pitel et coll) . . . . . . . . . . . . 37 > Facial deformation and maxillary osteolysis in a mare (Valérie Deniau et coll.) . . . . . . . . . . . . . 39 A 17-year-old mare had a facial deformity that had progressively worsened over a period of 6 weeks, severe gingivitis and partial obstruction of the nasal cavities. Examinations show extensive maxillary osteolysis, hypertrophy of the gingiva and nasal turbinates, and phosphorus and calcium imbalances very suggestive of osteodystrophy secondary to hyperparathyroidism. The mare was euthanised. The initial diagnostic hypothesis was excluded subsequent to results of serum parathyroid hormone assay. The necropsic and histological examinations showed maxillary, renal and pericarotidial granulomatous inflammation associated with infestation by the nematode Halicephalobus gingivalis. > Ultrasonography and endoscopy of the urinary tract in adult horses (Claire Forgeard et coll.) . . . . . . . . 45 Despite numerous examinations routinely performed in horses suffering from conditions affecting the urinary tract, there is also a place for ultrasonography and endoscopy because the organ can be visualised using these methods. Ultrasonography and endoscopy are complementary for the establishment of a diagnosis. They also allow good case monitoring. Increasingly present in everyday practice, ultrasonography and cystoscopy are used routinely, in a minimally invasive manner, when there is a suspected condition affecting the either the upper or lower urinary tract. > Glaucoma in horses (Sébastien Monclin et coll.) . 53 In horses, glaucoma generally develops in a slow and insidious way and presents with very varied clinical signs. Therefore the diagnosis is difficult to establish and is often made too late to enable optimal treatment. This article demonstrates the complexity of this disease in horses and provides a summary of the condition. The article also aims to help the practitioner to adopt a proactive attitude to this condition in order to establish early diagnosis in order to instigate prophylactic treatment (in susceptible individuals) and the most appropriate therapy. > What use are statistics? (Jean-Michel Vandeweerd) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Various factors inherent to the method of scientific study may influence results: this is termed the bias. Data can also be influenced by the play of chance. Statistics are used to avoid making erroneous conclusions by accident and to estimate the probability of being wrong. This random error is managed by the use of statistical hypothesis testing or the estimation of results in the form of confidence intervals. Hypothesis testing will conclude the absence or presence of an effect studied with an error probability less than a value of p (usually 5%). The confidence interval around a measure of the effect studied allows estimation of the extent of the effect while ensuring that this value has a good chance of being true (usually 95%). Statistics also determine the number of individuals to observe, or to use in a clinical trial achieve the study of the hypothesis posed. > Factsheet. Intra-articular injections of the fetlock (Maria Simondon et coll.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 > Test . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 V é t é r i n a i r e É q u i n e 2 0 1 2 Article de synthèse par Stéphane Pronost, Christine Fortier et coll. Les herpèsvirus équins : rôle majeur de l’herpèsvirus équin 1 ’herpèsvirus équin 1 est l’un Lpathologie des herpèsvirus majeurs en équine, en raison des pertes économiques qu’il peut provoquer, mais aussi comme modèle d’étude de cette famille de virus. À ce jour, neuf herpèsvirus ont été décrits chez les équidés. Les herpèsvirus équins 1 à 5 (HVE-1 à HVE-5) infectent les chevaux, l’HVE-6, l’HVE-7 et l’HVE-8 les ânes et l’HVE-9 la gazelle et le zèbre (tableau 1). La classification actuelle fait apparaître l’HVE-1, renommé equid herpesvirus 1, au sein du genre Varicellovirus [11]. La classification ne repose pas sur un seul critère, mais celui qui domine, depuis le développement des techniques de biologie moléculaire, est l’analyse phylogénétique des séquences. Si, jusqu’en 1981, l’HVE-1 et l’HVE-4 étaient considérés comme deux soustypes d’un même virus et rassemblés sous le nom de virus de la rhinopneumonie, il est bien établi désormais, grâce à l’étude de leurs génomes, qu’il s’agit de deux virus différents [10]. L’HVE-1 est communément appelé virus abortif équin, et l’HVE-4 virus de la rhinopneumonie équine. Une certaine confusion détectés dans des écouvillons nasopharyngés, des lavages trachéaux ou broncho-alvéolaires dans la fatigue et la contre-performance de chevaux jeunes ou adultes. >Éléments à retenir > L’HVE-1 (herpèsvirus équin 1) est communément appelé virus abortif équin, et l’HVE-4 (herpèsvirus équin 4) virus de la rhinopneumonie équine. >Mots-clés > Lorsqu’un cas est détecté dans un élevage ou sur un champ de courses, il est essentiel d’éviter la propagation du virus. Les moyens de lutte les plus efficaces consistent à le contenir dans son foyer d’origine. Herpèsvirus, latence, HVE-1, diagnostic. >Auteurs > Dans la majorité des cas, pour lever la quarantaine, deux tests PCR négatifs réalisés à partir de prélèvements de sang total et d’écouvillons nasopharyngés à 2 jours d’intervalle sont requis. Stéphane Pronost, Christine Fortier, Albertine Léon, Loïc Legrand, Pierre-Hugues Pitel, Guillaume Fortier Laboratoire Frank Duncombe, 1, route de Rosel, 14053 Caen Cedex 4. Pôle recherche, EA 4655 U2RM, Université de Caen Basse-Normandie. > Il convient de penser au rôle possible des gammaherpèsvirus (HVE-2 et HVE-5) Article accepté le 31 janvier 2012 dans la dénomination règne encore aujourd’hui car l’HVE-1 n’est pas responsable uniquement d’avortements, mais également d’affections respiratoires et de maladies de forme nerveuse. Le présent article vise à le présenter en donnant une place privilégiée à son mode de propagation et aux mesures de prévention. Une brève présentation des autres herpèsvirus équins permettra de bien situer ce virus dans la famille des HVE. L’herpèsvirus équin 1 Structure L’herpèsvirus équin 1 est composé d’une nucléocapside icosaédrique qui renferme le génome viral et est entourée par une enveloppe amorphe constituée de plusieurs glycoprotéines ( figure 1 ). Tableau 1 : Herpèsvirus des équidés Hôte naturel Cheval Âne Gazelle et zèbre Désignation Sous-famille (genre) Lié à Herpèsvirus équin 1, (HVE-1) Alphaherpesvirinae (Varicellovirus) / HVE-2 Gammaherpesvirinae (Percavirus) / HVE-3 Alphaherpesvirinae (Varicellovirus) / Virus de l’exanthème coïtal HVE-4 Alphaherpesvirinae (Varicellovirus) / Virus de la rhinopneumonie équine HVE-5 Gammaherpesvirinae (Percavirus) / HVE-6 Alphaherpesvirinae HVE-7 Gammaherpesvirinae HVE-8 HVE-9 P r a t i q u e Autre désignation Virus abortif équin HVE-3 Herpèsvirus asin 1 HVE-2 et -5 Herpèsvirus asin 2 Alphaherpesvirinae (Varicellovirus) HVE-1 Herpèsvirus asin 3 Alphaherpesvirinae (Varicellovirus) HVE-1 V é t é r i n a i r e É q u i n e 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 7 Les herpèsvirus équins : rôle majeur de l’herpèsvirus équin 1 Figure 1 : Structure de l’herpèsvirus équin 1 Enveloppe 12-glycoprotéines gB, gC gD, gE gG, gH gI, gK gL, gM gN, gp2 Tégument Nucléocapside ADN viral D’après [22]. La majorité des protéines d’HVE-1 présentent une forte homologie avec celles de l’herpèsvirus simplex humain (HSV), qui est le prototype de la sous-famille des Alphaherpesvirinae. Les particules virales ont une dimension comprise entre 160 et 200 nm de diamètre. Le génome viral est enfermé dans une nucléocapside composée de six protéines. L’enveloppe présente douze glycoprotéines virales à sa surface qui sont essentielles pour l’attachement, la pénétration du virus et sa dissémination par contact intercellulaire. Propagation du virus et différentes formes de la maladie L’HVE-1 est transmis par inhalation ou, après un avortement, par contact direct avec des éléments infectés comme le fœtus ou les annexes fœtales. Des transmissions par voie iatrogène ont également été décrites. Un cheval peut potentiellement contaminer ses congénères par les voies respiratoires au-delà d’une distance de 5 mètres [25]. La dissémination du virus emprunte ensuite des voies impliquant plusieurs types cellulaires [18]. Infection des voies respiratoires et phase de virémie Le processus d’infection par l’HVE-1 a été bien décrit lors d’une infection expérimentale par la souche Ab4 [18]. En l’absence d’anticorps neutralisants dans le mucus, les cellules épithéliales des muqueuses nasale et pharyngienne 8 Vol. 44/n ° 1 7 3 endothéliales [18]. Sa circulation dans ces compartiments permet une dissémination dans tout l’organisme jusqu’à des endroits éloignés du point d’infection, comme l’utérus chez la jument ou le système nerveux central. Le virus peut alors être responsable d’avortements et d’atteintes neurologiques. sont infectées. Il s’ensuit une phase de multiplication du virus, une érosion due à la nécrose des cellules épithéliales et une réponse inflammatoire. L’HVE-1 se propage alors rapidement dans l’organisme. Les leucocytes proches de la lamina propria et les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins et lymphatiques sont également touchés lors de ce phénomène de propagation de “cellule à cellule”. L’HVE-1 est détecté dans l’épithélium respiratoire dès 12 heures après l’infection, et dans le sang au cours des 2 à 4 jours qui suivent [18]. Chez les jeunes chevaux, les signes cliniques sont de l’hyperthermie, un jetage nasal visqueux et mucopurulent, et occasionnellement de la toux et une lympho-adénopathie. Si l’infection par l’HVE-1 affecte d’abord les voies respiratoires supérieures, le virus peut disséminer jusqu’aux voies respiratoires profondes via les vaisseaux sanguins, et, dans certains cas, atteindre le poumon et provoquer une bronchopneumonie [10]. Chez le cheval adulte, l’infection respiratoire est souvent très modérée et passe, la plupart du temps, inaperçue. Quand les leucocytes sont infectés et la virémie établie, l’HVE-1 se propage rapidement dans l’hôte. Dès 12 à 24 heures après l’infection, il est détecté dans les nœuds lymphatiques sous-maxillaires, rétropharyngiens et bronchiques. Il subit vraisemblablement une phase d’amplification dans différents types cellulaires comme les leucocytes mononucléés, les macrophages et les cellules - P r a t i q u e V é t é r i n a i r e Avortement et mortinatalité La dissémination de l’HVE-1 jusqu’au tractus génital chez la jument conduit à un avortement. Il est aujourd’hui reconnu comme la cause majeure d’avortement d’origine virale chez la jument [2, 19, 20]. L’infection de la jument gestante se traduit par un avortement généralement tardif, dans les derniers mois de la gestation, une mortalité néonatale ou la naissance de poulains prématurés. Après une primo-infection, le virus peut être encore la cause d’avortements des mois ou des années plus tard. A contrario, un avortement consécutif à l’infection par l’HVE-1 ne compromet pas de futures naissances. L’infection des cellules endothéliales de l’endomètre peut induire une thrombose et une ischémie dans les microcotylédons du placenta. Il en résulte une séparation prématurée du placenta et de l’endomètre, conduisant à la mort du fœtus par anoxie. Le virus peut également être transmis à ce dernier et se propager dans ses organes, provoquant des lésions macroscopiques, voire microscopiques (figure 2). Forme nerveuse Le premier cas de myélo-encéphalopathie à herpèsvirus (EMH) a été décrit en 1966 [27]. Depuis, plusieurs épisodes ont été rapportés et les différents signes cliniques caractéristiques décrits sont l’ataxie temporaire, la parésie, l’incontinence urinaire, mais également une paralysie complète pouvant conduire à la mort du cheval [29]. Il est essentiel d’éviter qu’il ne se couche pour favoriser ses chances de récupération (photo). Le virus infecte les chevaux par les voies respiratoires et, après une première phase de multiplication dans les cellules épithéliales, une phase de virémie l’achemine jusqu’au système nerveux central. La phase d’incubation, en conditions expérimentales ou lors d’infections par les voies naturelles, varie de 6 à 8 jours [10]. Contrairement au HSV, l’HVE-1 n’est pas considéré comme un virus neuro- É q u i n e 2 0 1 2 Article de synthèse Figure 2 : Transmission de l’herpèsvirus équin 1 de la mère au fœtus Photo Cheval atteint de myélo-encéphalopathie à herpèsvirus, maintenu par des sangles pour éviter qu’il ne se couche et favoriser sa récupération. Cliché : P.Tritz. femelles sont plus susceptibles de développer cette affection et aucun cas n’a été rapporté chez les animaux de moins de 3 ans [16]. L’épidémiologie de l’EMH comporte beaucoup d’inconnues et la connaissance des facteurs de risque qui lui sont associés est encore lacunaire. Aussi, en l’absence d’une vaccination efficace, la prévention dans les pratiques d’élevage demeure-t-elle le meilleur moyen de protection contre la maladie. La latence La phase de virémie conduit à l’infection des capillaires de l’endomètre. 1 : le passage du virus de la mère au fœtus s’effectue par un contact “cellule à cellule” et le virus infecte les lymphocytes du fœtus ; 2 : HVE-1 peut également conduire à la séparation du fœtus par anoxie, après infection des cellules endothéliales de l’endomètre [22]. trope chez le cheval et les lésions histologiques vasculaires observées dans les tissus nerveux sont responsables d’hémorragies, de thromboses, d’hypoxie, et conduisent secondairement à une dégénérescence du tissu nerveux consécutive à l’ischémie [2]. Une infection par voie rétrograde à partir des ganglions trigéminés n’est pas totalement exclue compte tenu de l’importance de ces sites, où le virus demeure à l’état latent [8]. Les formes nerveuses de la maladie peuvent être graves, et les cas sont sporadiques ou associés à des épizooties ( encadré) [15, 16, 17]. Elles ont été P r a t i q u e décrites aussi bien sur des champs de courses, dans des haras que dans des écoles d’équitation ou des hôpitaux vétérinaires. Une étude rétrospective de 4 années, réalisée aux Pays-Bas, a montré que les épizooties survenaient surtout entre la mi-novembre et la mi-mai [16]. D’autres facteurs de risque comme la race, l’âge, le sexe et l’apparition d’hyperthermie ont été identifiés [21]. La fréquence des EMH est plus élevée chez les trotteurs et les chevaux lourds, et aucun cas n’a été décrit chez les poneys fjord, les haflingers ou les chevaux islandais. Les chevaux âgés et les V é t é r i n a i r e É q u i n e Après l’infection des voies respiratoires et la phase de réplication virale, une autre étape stratégique pour la survie du virus dans l’organisme intervient, la phase de latence. Les sites de latence d’HVE-1 sont les ganglions trigéminés et les tissus lymphoïdes associés à l’appareil respiratoire [28]. La persistance du virus chez des chevaux infectés en l’absence de signe clinique constitue un réel risque pour l’élevage. Sa réactivation peut être à l’origine de maladie pour le cheval porteur, mais également pour ceux qui sont à son contact. Entre deux épisodes de réactivation, les leucocytes infectés par des virus latents sont “invisibles” pour le système de défense immunitaire. La réactivation peut intervenir à la suite d’un stress, provoqué par exemple par la castration, le transport, le sevrage ou par des traitements médicamenteux comme les corticostéroïdes. 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 9 Cas clinique par Peggy Moreau, Marc Foursin et coll. Gestion d’un foyer associé à l’herpèsvirus équin 1 dans un haras d’élevage ors de la suspicion d’un Lla confirmation foyer d’herpèsvirus équin 1, du diagnostic >Éléments à retenir doit être rapide afin de pouvoir mettre en œuvre les mesures de gestion adéquates. Huit types d’herpèsvirus affectent les équidés domestiques [3]. Parmi eux, l’herpèsvirus équin 1 (HVE-1) peut être associé à des syndromes respiratoires, à des avortements, à des maladies néonatales et à des myélo-encéphalopathies. HVE-1 est particulièrement important par ses répercussions cliniques (syndrome respiratoire aigu avec toux et jetage, syndrome nerveux, avor tements), épidémiologiques (contagion) et économiques (avortements, mortalité néonatale, soins lourds et coûteux, interruption des programmes d’entraînement, restriction des mouvements pour la reproduction ou les compétitions) [7]. Lors de foyers, le virus se transmet rapidement par contact direct de cheval à cheval, par le matériel et le personnel, avec une morbidité, voire une mortalité importante, dans les formes nerveuses [5]. L’infection a généralement lieu dans les premiers mois de vie. Elle peut ensuite rester à l’état latent puis être réactivée lors d’une période de stress, et ainsi être à l’origine des symptômes cliniques et de l’excrétion de virus [1]. La meilleure façon de lutter contre les infections à HVE-1 réside dans l’application de mesures sanitaires strictes et la détection la plus précoce possible du premier cas afin de l’isoler (figure 1) [1]. La confirmation des cas est aujourd’hui réalisée par polymerase chain reaction (PCR), ce qui permet d’obtenir de façon très rapide un diagnostic de certitude [10]. Cette approche réalisée sur écouvillon nasal et sang (EDTA) a été confirmée lors de la réunion de consensus de P r a t i q u e >Mots-clés > Les trois formes de maladie causées par l’herpèsvirus équin 1 (HVE-1) sont la forme respiratoire, la forme abortive et la forme nerveuse. > Deux types de souches d’HVE-1 ont été identifiés à ce jour (neuropathogène et non neuropathogène). > Le risque de myélo-encéphalopathie est augmenté avec la souche neuropathogène. Cependant,la souche non neuropathogène peut aussi être la cause de signes nerveux. > Le diagnostic par polymerase chain reaction permet une confirmation rapide du diagnostic. > Il est impératif de prendre des mesures sanitaires drastiques pour prévenir et lutter contre l’infection. Herpèsvirus équin 1, myéloencéphalopathie, syndrome respiratoire, avortement, polymerase chain reaction. >Auteurs Peggy Moreau*, Marc Foursin*, Stéphane Pronost** * Clinique équine de la Boisrie 61500 Chailloué ** Laboratoire Frank-Duncombe 1, route de Rosel 14053 Caen Cedex 4 Pôle recherche et développement EA 4655 U2RM Université de Caen Basse-Normandie Article accepté le 16 février 2012 l’ACVIM en 2009 et validée lors de l’épisode, survenu dans le Nord de la France en 2009 [7, 9]. Cet article a pour objet de décrire un passage d’HVE-1 dans un haras qui a entraîné les différentes formes de la maladie, et de montrer les moyens mis en œuvre pour prévenir la propagation du virus. Cas neurologiques Description clinique du foyer Cette étude concerne un haras d’élevage, en Normandie, de 169 chevaux pur-sang, dont 60 juments poulinières (44 suitées et 16 non suitées), 44 foals et 65 yearlings. Les juments et les foals sont gardés sur un premier site et séparés en six lots (figure 2). Les juments sont vaccinées contre la grippe biannuellement et contre la rhinopneumonie à 5, 7 et 9 mois de gestation. De plus, des foyers d’HVE-1 ayant été rapportés à l’étranger, toutes les juments revenues de V é t é r i n a i r e É q u i n e l’étranger ont reçu un rappel avant leur retour. Les foals n’ont pas encore reçu leur primovaccination. Les yearlings sont sur un deuxième site à quelques kilomètres de distance. Une primovaccination contre la grippe et la rhinopneumonie leur a été administrée (à T = 0, T = 1 mois et T = 6 mois). Premier cas : jument A • À J0 (fin août), une jument poulinière de 12 ans, gestante et suitée (lot 1), est retrouvée au pré en décubitus latéral, incapable de se lever. Elle semble s’être traînée à terre sur une dizaine de mètres. L’examen clinique révèle une température rectale normale (37,2 °C), une tachycardie à 80 battements par minute, des muqueuses pâles, un temps de recoloration capillaire augmenté à 2 secondes et des bruits digestifs diminués. Les masses musculaires des fesses et des cuisses sont dures et douloureuses. La jument présente de 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 31 Gestion d’un foyer associé à l’herpèsvirus équin 1 dans un haras d’élevage Stratégie de prévention des crises Mesure de contrôle sanitaire Figure 1 : Stratégie de prévention et mesures de contrôle sanitaire des infections à HVE-1 Réservoir d’HVE-1 (chevaux latents infectés) Réduction des facteurs de stress Réservoir virale (infection endogène) Vaccination Dissémination à partir du réservoir (jetage nasal) Diviser les groupes de chevaux en petits groupes, les isoler Transmission primaire (à d’autres chevaux du même groupe) Isoler les chevaux infectés Établir une barrière sanitaire Mettre en quarantaine les chevaux exposés Vacciner les chevaux non exposés Transmission secondaire (à d’autres groupes de chevaux) Réduire les échanges dans le haras et avec l’extérieur Transmission tertiaire (à d’autres haras) HVE-1 : herpèsvirus équin 1. D’après Allen, 2002. Figure 2 : Distribution des juments et des foals par lots : nombre de cas de HVE-1 déclarés pour chaque lot Lot 1 13 juments et 13 foals femelles nées à l’étranger 4/13 juments - 2 cas neurologiques - 1 mort + 1 avortement - 1 avortement 6/13 foals Lot 2 9 juments et 9 foals mâles nés à l’étranger 1/9 juments - 1 avortement 4/9 foals Lot 3 10 juments et 10 foals femelles nées en France Aucun cas déclaré Lot 4 12 juments et 12 foals mâles nés en France 6/12 juments - 2 avortements 9/12 foals Lot 5 6 juments non suitées revenant de l’étranger Aucun cas déclaré Lot 6 10 juments non suitées restées en France Aucun cas déclaré HVE-1 : herpèsvirus équin 1. nombreuses escarres et plaies sur la cuisse, le jarret, les boulets du côté droit et sur la tête. L’examen neurologique montre un état mental altéré (alternance 32 Vol. 44/n ° 1 7 3 de phases d’abattement et d’excitation), une perte du tonus de la queue, une diminution du tonus anal et de la sensibilité des postérieurs (tableau 1). - P r a t i q u e V é t é r i n a i r e • La jument étant agitée, elle reçoit une tranquillisation (détomidine à 0,01 mg/kg et butorphanol à 0,01 mg/kg). Un cathéter intraveineux est mis en place et le cheval est perfusé avec du Ringer lactate (10 l). Il reçoit également une perfusion de diméthylsulfoxyde (DMSO) à 10 % (à 1 mg/kg), des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou AINS (flunixine méglumine à 1 mg/kg), des corticoïdes (dexaméthasone à 0,1 mg/kg) et des antibiotiques (cefquinone à 2 mg/kg). La jument est tournée toutes les 3 heures et les plaies sont traitées localement. • Les numération et formule sanguine sont normales, mis à part une hémoconcentration. La biochimie révèle une augmentation modérée des enzymes musculaires (créatine kinase à 5 000 U/l et aspartate aminotransférase à 978 U/l), probablement secondaire au décubitus, ainsi qu’une légère hypocalcémie (90 mg/kg). • Les perfusions sont poursuivies avec une supplémentation en calcium et en glucose (100 ml de gluconate de calcium et 200 ml de glucose à 30 % par poche de 5 l de Ringer lactate), à un rythme de 5 l toutes les 4 heures. La jument reçoit une injection de vitamine E et de sélénium. É q u i n e 2 0 1 2 Cas clinique • Un périmètre de sécurité est placé autour de la jument qui n’est pas déplaçable. Celle-ci est manipulée avec gants, blouses et surbottes. Il a été décidé de ne pas déplacer les chevaux. Chaque lot est resté là où il était. Un pédiluve est placé à l’entrée du pré. • Huit heures plus tard, la jument présente un nystagmus. Elle reçoit alors une perfusion de mannitol à 20 % (à 1 g/kg). Cependant, les phases d’agitation deviennent de plus en plus fréquentes et l’animal répond moins bien aux tranquillisants. Le nystagmus persiste et la jument présente une raideur généralisée puis des convulsions. Il est alors décidé de l’euthanasier (14 heures après l’avoir trouvée au pré). Une ponction de liquide céphalo-rachidien (LCR) au site atlantooccipital est réalisée immédiatement après la mort (photos 1a et 1b). HVE-1 est détecté par PCR sur LCR et sur encéphale/moelle épinière après autopsie. Le typage révèle qu’il s’agit d’une souche neuropathogène. Second cas : jument B • Douze heures après le début des signes chez la première jument (A), une autre jument (B) du même lot (lot 1), âgée de 11 ans et gestante de 3,5 mois, présente un abattement marqué, des tremblements, une sudation, une augmentation du polygone de sustentation et une forte incoordination des membres postérieurs. Elle est isolée au box avec son foal et manipulée en dernier avec gants, blouses et surbottes dédiés. Elle reçoit immédiatement une perfusion de Ringer lactate (5 l, 5 fois/j), une perfusion de DMSO à 10 %, des AINS (flunixine à 1 mg/kg par voie intraveineuse, 2 fois/j pendant 2 jours), des corticoïdes (dexaméthasone à 0,1 mg/kg par voie intraveineuse, 1 fois/j durant 4 jours, puis à 0,05 mg/kg pendant 7 jours) et des antibiotiques (triméthoprime-sulfadimidine à 2,5 mg/kg par voie intraveineuse, 2 fois/j). Huit heures après le début des signes, la jument n’a ni fait de crottins ni uriné. Le rectum est vidangé et un sondage urinaire permet de retirer 7 litres d’urine (photo 2). Ces opérations sont répétées trois fois par jour. • Aucune anomalie n’est détectée lors des examens hématologique et biochimique. Un écouvillon nasopharyngé et une prise de sang sur EDTA pour P r a t i q u e Tableau 1 : Causes de décubitus chez le cheval Origine musculaire Origine nerveuse Origine métabolique Divers • Myopathie atypique • Déficience en sélénium/vitamine E • Rhabdomyolyse à S. equi equi • Intoxication aux ionophores • Traumatisme crânien • Traumatisme cervical • Infection nerveuse - HVE-1 - West Nile - Rage • Encéphalopathie hépatique • Botulisme • Tétanos • Hypocalcémie • Hypomagnésémie • Hyperlipémie/toxémie de gestation • Coliques • Intoxications : if, cyprès, troène, fougère, prêle HVE-1 : herpèsvirus équin 1. 1b 1a Photos 1a et 1b. Ponction de liquide céphalo-rachidien au site atlanto-occipital. Clichés : P. Moreau. recherche de HVE-1 par PCR sont envoyés au laboratoire. Une souche de HVE-1 neuropathogène a été détectée. Une déclaration au Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) a été effectuée simultanément à l’envoi des prélèvements et une alerte lancée dès le diagnostic réalisé. • Aucun autre cheval n’a été déplacé. Les animaux sont restés en lot dans la pâture initiale. Chaque lot est manipulé avec des gants, des blouses et des surbottes dédiés. Des pédiluves sont placés à l’entrée de chaque pâture. Les roues des voitures circulant dans le haras ainsi que celles des voitures sont désinfectées en sortant. • Quarante-huit heures après le début des signes cliniques, l’état de la jument commence à s’améliorer. Elle est plus alerte, recommence à manger et passe des crottins seule. Elle est ataxique V é t é r i n a i r e É q u i n e Photo 2. Cathétérisation urinaire pour vidanger la vessie. Cliché : P. Moreau. 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 33 Cas clinique par Valérie Deniau, Anne Couroucé-Malblanc et coll. Déformation faciale et ostéolyse maxillaire chez une jument es ostéomyélites consécuLHalicephalobus tives à une infestation par gingivalis sont >Éléments à retenir peu décrites chez le cheval. Le cas présenté dans cet article est le premier publié en France. Une jument trotteur français âgée de 17 ans est référée pour l’évaluation d’une déformation faciale et l’extraction d’une prémolaire supérieure, à la suite d’une suspicion d’infection racinaire. Cas clinique >Mots-clés > L’infestation du cheval par Halicephalobus gingivalis concerne dans la majorité des cas le système nerveux central, plus rarement les reins et les structures osseuses faciales. > Lors d’ostéolyse maxillaire étendue consécutive à une infestation par ce nématode, les signes cliniques, radiographiques et biochimiques peuvent évoquer une hyperparathyroïdie primaire ou secondaire. > De rares cas d’encéphalite d’évolution fatale liée à ce nématode sont décrits chez l’homme, mais il n’est rapporté à ce jour aucun cas de transmission à l’homme par contact avec un cheval infesté. Anamnèse et commémoratifs La jument a été réformée de la reproduction 2 ans auparavant en raison d’avortements répétés et n’est plus montée. Elle n’a pas quitté le centre équestre depuis sa réforme et vit au pré en permanence avec d’autres chevaux âgés ne présentant pas de troubles de santé particuliers. Elle est régulièrement vaccinée contre le tétanos, la grippe et la rhinopneumonie, et a été vermifugée avec une combinaison d’ivermectine et de praziquantel 2 mois avant la consultation. Une déformation ferme sur la gauche du chanfrein a été remarquée pour la première fois par les propriétaires environ 6 semaines avant la consultation et la jument a été présentée au vétérinaire référent après 2 semaines d’évolution. En l’absence de fièvre et de jetage, une origine traumatique a été suspectée. Un traitement anti-inflammatoire et antibiotique, comprenant de la flunixine-méglumine (Finadyne®) et une association de pénicilline-procaïne et de néomycine-prednisolone (Cortexilline®), a été instauré, sans entraîner d’amélioration significative. P r a t i q u e Granulome, Halicephalobus gingivalis, rein, imagerie par résonance magnétique, maxillaire. >Auteurs Valérie Deniau*,****, Anne Couroucé-Malblanc*, Soizic Tuauden*, Élodie Lallemand*, Carine Tahier*, Frédérique Nguyen**, Stéphanie Moreau**, Marion Fusellier*** et Caroline Tessier* * Pôle équin Oniris ** Unité d’anatomie pathologique *** Unité d’imagerie médicale Oniris, École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation Nantes-Atlantique, Atlanpôle - La Chantrerie BP 40706, 44307 Nantes Cedex 3 **** Clinique vétérinaire de Grosbois, Domaine de Grosbois, 94470 Boissy-Saint-Léger Article accepté le 24 février 2012 Une semaine avant la consultation, la prémolaire rostrale maxillaire gauche (PM2, dent n° 206), déchaussée, a été arrachée. La dent adjacente (PM3, dent n° 207) est également devenue instable. La jument a alors été référée. Examen clinique À son arrivée, la jument est abattue, en polypnée, avec une température rectale normale. Elle présente une déformation ferme de la partie rostrale de la face, plus marquée du côté gauche, en regard de l’os nasal, de l’os maxillaire et de l’os incisif, ainsi qu’un ptyalisme abondant, un discret jetage nasal muqueux bilatéral, une dyspnée et un ronflement inspiratoires marqués, et une nette réduction du passage d’air par le naseau gauche (photo 1). L’examen buccal sous sédation (détomidine à 10 µg/kg par voie intraveineuse) révèle une hypertrophie marquée des gencives supérieures, avec de multiples V é t é r i n a i r e É q u i n e ulcérations de la muqueuse d’aspect granulomateux (photo 2). Les incisives et les prémolaires supérieures sont écartées, déviées de leur axe, et la PM3 gauche est mobile. La mobilisation des mâchoires met en évidence un net défaut de rigidité de l’arcade incisive supérieure. Examens complémentaires L’endoscopie des voies respiratoires supérieures sous sédation révèle une sténose partielle bilatérale des cavités nasales consécutive à un épaississement du septum et des cornets nasaux ( photo 3). La muqueuse nasale est hyperhémiée et couverte de quelques plages de mucus. Aucune masse intranasale n’est visualisable. Les radiographies de la tête mettent en évidence une ostéolyse complète des os incisifs, nasaux et de la partie rostrale des os maxillaires, ainsi qu’un élargissement des espaces interdentaires et une zone de densité tissulaire 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 39 Déformation faciale et ostéolyse maxillaire chez une jument 4a Photos 2. La muqueuse gingivale supérieure est hypertrophiée et présente de multiples ulcérations. Les espaces interdentaires sont élargis et l’orientation des dents est modifiée. Clichés : Pôle équin Oniris. Photo 3. Photos 1. La déformation de la région maxillaire rostrale est plus marquée du côté gauche. Clichés : Pôle équin Oniris. Endoscopie des cavités nasales gauches de la jument : sténose du méat moyen, inflammation de la muqueuse nasale. Cliché : Pôle équin Oniris. 4b Photos 4a et 4b. peu circonscrite autour des racines dentaires prémolaires supérieures (photos 4a et 4b). Les analyses sanguines révèlent une hyperglobulinémie, une discrète anémie et une élévation marginale du fibrinogène plasmatique. La calcémie est, en revanche, normale et la phosphorémie légèrement élevée (tableau 1). Un prélèvement urinaire est réalisé pour préciser le statut phosphocalcique. La fraction d’excrétion urinaire du calcium est basse et celle du phosphore est très élevée par rapport aux valeurs de référence [48, 51]. Hypothèses diagnostiques Les signes cliniques et les images radiographiques d’ostéolyse maxillaire diffuse et étendue, et les déséquilibres phosphocalciques sont en faveur, en premier lieu, d’un trouble métabolique : ostéodystrophie fibrosante consécutive à une hyperparathyroïdie (encadré complémentaire sur www.WKVet.fr). L’élévation à la fois de la phosphorémie et de l’excrétion urinaire du phosphore est davantage compatible avec une hyperparathyroïdie secondaire d’origine nutritionnelle, mais l’absence d’autres cas dans l’effectif où est hébergée la jument en réduit la probabilité [48, 63]. Le diagnostic différentiel inclut également les ostéomyélites bactériennes, fongiques ou parasitaires, et les tumeurs osseuses, nasales ou sinusales. Un prélèvement sanguin est soumis à un laboratoire spécialisé (1) pour un dosage de la parathormone plasma- Radiographies numériques de la partie rostrale de la tête de la jument. 4a. Incidence latéromédiale (partie rostrale de la tête à gauche de l’image, partie dorsale en haut). Noter la perte de la radiodensité osseuse entre les incisives et les prémolaires supérieures, et la présence de zones de densité tissulaire en regard des racines dentaires prémolaires qui sont mal discernables. 4b. Incidence dorso-ventrale (partie gauche de la tête à droite de l’image, partie rostrale en bas) : l’élargissement des espaces interdentaires est bien visible. La PM2 supérieure gauche est manquante. Clichés : Service imagerie Oniris. tique. Cependant, au regard du caractère évolué et de l’étendue des lésions sans traitement chirurgical envisageable, de la sévérité de l’obstruction respiratoire et de l’état général dégradé de la jument, une euthanasie humanitaire est demandée par les propriétaires avant réception des résultats. (1) Companion Animal Laboratory. 1, rue Salomon-Rachi BP 613, 10088 Troyes Cedex. 40 Vol. 44/n ° 1 7 3 - P r a t i q u e V é t é r i n a i r e É q u i n e 2 0 1 2 Cas clinique Tableau 1 : Analyses sanguines et urinaires de la jument Hématologie Biochimie sanguine Résultats de la jument Valeurs de référence du laboratoire Hématies 8,4 106/µl 6,8 à 12,9 106/µl Hémoglobine 10,8 g/dl 11 à 19 g/dl Hématocrite 31 % 32 à 53 % Leucocytes 7 700/µl 5 400 à 14 300/µl Neutrophiles 5 100/µl Éosinophiles 400/µl 0 < 300/µl 2 100/µl 1 500 à 7 700/µl 100/µl < 1 000/µl 148 000 103/µl 100 à 350 103/µl Basophiles Lymphocytes Monocytes Thrombocytes Résultats de la jument Valeurs de référence du laboratoire Créatinine 14 mg/l 0 à 12 mg/l SGOT 266 UI/l 0 à 200 UI/l CPK 253 UI/l 0 à 250 UI/l Protéines totales 84 g/l 60 à 80 g/l 2 200 à 8 600/µl Albumine 28 g/l 25 à 40 g/l < 1 000/µl Globulines 56 25 à 40 19 mg/l 8 à 25 mg/l 3,1 1à3 Calcium 121 mg/l 110 à 123 mg/l Phosphore 48 mg/l 23 à 39 mg/l Billirubine totale Fibrinogène Biochimie urinaire Créatinine Valeurs usuelles 1 564 mg/l 77 mg/l Fraction d’excrétion = (77/121) × (14/1 564) = 0,56 % 1à6% 500 mg/l Fraction d’excrétion = (500/48) × (14/1 564) = 9,3 % <1% Calcium Phosphore SGOT : sérum glutamo-oxalate transférase ; CPK : créatine phospho-kinase. En rouge, les valeurs anormales. Examen nécropsique Un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) est réalisé post-mortem, à l’aide d’un générateur Harmony de 1 T, sur la tête de la jument isolée à hauteur de l’articulation atlanto-occipitale. Les coupes sagittales et transversales confirment la destruction des structures osseuses maxillaires, remplacées par un tissu prolifératif qui déforme les arcades dentaires, le septum nasal et la surface osseuse faciale, et fait protrusion dans les sinus maxillaires rostraux. Sur les images en pondération T2, le signal associé au tissu prolifératif est d’intensité intermédiaire entre celui des structures osseuses résiduelles et celui des muscles labiaux et linguaux (photos 5a et 5b). À l’autopsie, le bloc incisif supérieur peut être sectionné avec un simple couteau. Le tissu remplaçant l’os a un aspect homogène blanchâtre piqueté de gris et de jaune (photo 6a). Ce tissu est retrouvé dans toutes les structures hypertrophiées de la région céphalique : arcades dentaires et gencives maxillaires, cornets nasaux et sinus maxillaires rostraux. La mandibule n’est pas affectée. Une masse ferme d’environ 10 cm de long est isolée des tissus conjonctifs P r a t i q u e péricarotidiens à mi-hauteur de l’encolure du côté gauche. La masse recouvre environ les trois quarts de la circonférence artérielle sans entraîner d’occlusion luminale (photo 6b). Un nodule de 6 cm est également observé dans le pôle caudal du rein gauche (photo 6c). En section, les deux masses ont le même aspect macroscopique que le tissu envahissant les structures maxillaires. Reçu après la nécropsie, le résultat du dosage d’hormone parathyroïdienne plasmatique (7 pg/ml) est dans la limite 5a 5b Photos 5a et 5b. Examen d’imagerie par résonance magnétique post-mortem de la tête de la jument. 5a. Coupe parasagittale droite en pondération T2 (partie rostrale de la tête à gauche de l’image, partie dorsale en haut) : un tissu prolifératif globalement homogène s’étend autour des racines dentaires incisives et prémolaires, faisant protrusion dans le sinus maxillaire rostral. Son signal est d’intensité intermédiaire entre celui des structures osseuses mandibulaires et celui de la langue. 5b. Coupe transversale à hauteur des troisièmes prémolaires, en pondération T2 mettant en évidence la destruction des cornets nasaux, l’obstruction des cavités nasales, et la déformation de la surface osseuse faciale générées par le tissu prolifératif maxillaire. (partie gauche de la tête à droite de l’image, partie ventrale en haut). Clichés : Service imagerie Oniris. V é t é r i n a i r e É q u i n e 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 41 Article de synthèse par Claire Forgeard, Émilie Ségard et coll. L’échographie et l’endoscopie de l’appareil urinaire chez le cheval adulte ’échographie et l’endoscoLsontpieréalisables de l’appareil urinaire en pratique >Éléments à retenir courante. Ces deux techniques sont des examens complémentaires de choix face à un cheval présentant des signes d’une affection de ce tractus. Lorsqu’une affection des voies urinaires est suspectée, que ce soit par l’anamnèse et/ou les signes cliniques, il convient de réaliser un examen de cet appareil. Lors de l’anamnèse, la quantité d’eau que le cheval boit quotidiennement, la quantité et l’aspect de l’urine émise, le comportement de miction, les antécédents pathologiques et les médicaments ou toxiques auxquels l’animal a pu être exposé sont recueillis [3]. Techniques d’examen de l’appareil urinaire Un examen clinique général est réalisé. L’appareil urinaire externe est examiné de façon approfondie, sous tranquillisation chez le mâle. Tout signe d’urémie importante est recherché, comme du tartre retrouvé en quantité importante, des ulcères buccaux et linguaux, une halitose, une gingivite et la présence éventuelle d’œdèmes. Une palpation transrectale permet d’évaluer les différents organes du tractus urinaire. Des anomalies de taille ou de consistance peuvent être notées. Seul le pôle caudal du rein gauche est palpable, le rein droit n’étant pas accessible en raison de sa position trop craniale. Les uretères ne sont pas identifiables, sauf s’ils sont dilatés. Enfin, la vessie peut être repérée. P r a t i q u e > L’anamnèse, l’examen clinique, ainsi que les analyses de sang et d’urine permettent de localiser une affection de l’appareil urinaire à un organe en particulier, mais non d’établir un diagnostic précis dans la plupart des cas. > Le recours à l’endoscopie et à l’échographie du tractus urinaire est d’une grande aide pour obtenir un diagnostic définitif. > En raison de la visualisation différente offerte par ces deux techniques, celles-ci sont complémentaires dans l’approche diagnostique. > Le caractère faiblement invasif et la large disponibilité de ces méthodes permettent leur utilisation en routine. >Mots-clés Échographie, endoscopie, tractus urinaire, cheval. >Auteurs Claire Forgeard*, Émilie Ségard**, Jean-Luc Cadoré** * Clinique équine de la Madelaine, La Madelaine, 14400 Cussy ** VetAgro Sup Campus vétérinaire de Lyon, université de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy-L’Étoile Article accepté le 24 février 2012 Les premiers examens complémentaires à réaliser sont une analyse d’urine comprenant un examen macroscopique, la densité urinaire, une bandelette urinaire, une analyse du sédiment urinaire et, si nécessaire, un examen bactériologique, voire la mesure des enzymes urinaires. Un bilan sanguin, avec un profil biochimique, ainsi qu’une numération et une formule sanguines, est également indiqué. Enfin, des fractions d’excrétion de certains électrolytes peuvent être calculées afin de compléter l’évaluation de la fonction rénale. Quand les premiers examens complémentaires ont permis de localiser une affection probable du haut ou du bas appareil urinaire, l’échographie et/ou l’endoscopie sont indiquées, selon les hypothèses diagnostiques et les organes atteints. Échographie Un examen échographique du tractus urinaire est conseillé lorsque des signes cliniques ou des analyses de laboratoire sont en faveur d’un V é t é r i n a i r e É q u i n e dysfonctionnement rénal, ou bien en présence d’une masse ou d’une autre anomalie à la palpation transrectale, que ce soit en regard des reins, des uretères, de la vessie ou de l’urètre (encadré 1) [7]. Les reins peuvent être visualisés par voie transcutanée, par voie transrectale pour le gauche, et en coupes longitudinales et transversales. Le rein droit mesure moins de 15 cm de long et de large, et le gauche, moins de 18 cm de long et 12 cm de large. Les reins sont entourés d’une fine capsule apparaissant comme une ligne échogène entourant l’organe [9]. Le cortex, de 1 à 2 cm d’épaisseur, est hypoéchogène par rapport aux structures adjacentes et finement marbré. La jonction cortico-médullaire est normalement visible, la medulla étant hypoéchogène comparativement au cortex [7]. Le bassinet forme une ligne hyperéchogène traversant le milieu du rein en coupe longitudinale et générant parfois une ombre acoustique ( photo 3). Il convient de ne pas le confondre avec un calcul [7, 8, 10, 19]. 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 45 L’échographie et l’endoscopie de l’appareil urinaire chez le cheval adulte Encadré 1 : Réalisation de l’échographie de l’appareil urinaire > Les reins peuvent être échographiés par voie transcutanée à l’aide d’une sonde de 2,5 à 3 MHz (voire 5 MHz pour le rein droit), de préférence convexe [9]. > Le rein gauche se situe plus en profondeur que le rein droit et une sonde de basse fréquence est requise pour le visualiser, ce qui diminue la qualité de l’image. Une échographie transrectale du rein gauche peut être réalisée afin d’améliorer la résolution du cliché. De plus, par voie transcutanée,seule une approche latérale est possible et l’organe ne peut être observé en entier en une seule vue. Les reins ne peuvent donc pas être mesurés [7,8].Le rein droit se projette sous les deux dernières côtes et le premier processus transverse lombaire (photos 1 et 2). Le rein gauche a une localisation plus variable. En général, il est situé sous la dernière côte et les deux premiers processus transverses lombaires. > L’échographie de la vessie est effectuée par voie transrectale avec une sonde de 5 MHz linéaire ou de 6 MHz microconvexe. > L’urètre est échographié à l’aide d’une sonde de 7,5 ou de 10 MHz en section transversale ou longitudinale. Il peut également être imagé par voie transrectale, mais avec une sonde microconvexe de 6 MHz ou linéaire de 7,5 MHz. Positionnement de la sonde pour une échographie du rein droit. Le trait vert représente la 17e côte. Cliché : Clinique de la Madelaine. Les uretères et leur abouchement dans la vessie ne sont pas visibles par voie transcutanée chez un cheval sain, mais ils peuvent être observés lorsqu’ils sont distendus [10]. Par voie transrectale, l’abouchement des uretères dans la vessie est discerné en regard du trigone sous la forme de petites structures circulaires en section transverse et tubulaires en coupe longitudinale. La vessie est échographiée par voie transrectale. Une échographie par voie transcutanée en région ventrale est réalisable quand la vessie est pleine et se situe contre la paroi abdominale. Cependant, cette technique ne permet pas de la voir en entier [7]. La vessie est observée dans la partie la plus caudale de l’abdomen ventral chez un cheval adulte, quand elle est remplie. Il convient de réaliser des coupes tranversales, sagittales ou une combinaison des deux. L’ensemble de la vessie doit être observé, à savoir l’apex, la paroi et Vol. 44/n ° 1 7 3 Échographie en coupe longitudinale d’un rein gauche normal. Noter l’échogénicité importante du bassinet. Cliché : Pôle équin,VetAgro Sup. Photo 4. Photos 1 et 2. 46 Photo 3. la zone rétropéritonéale. La vessie est de ronde à ovale en section transversale et ovale en section sagittale. Elle doit être imagée lorsqu’elle est pleine : sa paroi est alors plus facile à identifier et le contenu vésical peut être évalué [10]. L’urine normale est échogène, et non homogène, en raison des cristaux et du mucus qu’elle contient. Un sédiment échogène est parfois visible dans la partie ventrale de la vessie, lequel peut être mis en supension par le manipulateur lors d’un examen par voie transrectale [9]. La paroi vésicale mesure de 3 à 6 mm d’épaisseur. Elle est lisse, fine, uniforme et échogène [8]. L’urètre est échographié par voie transrectale ou transcutanée. Il est plus facile à visualiser juste après une miction, car il est alors encore rempli de liquide [8]. Il convient de réaliser l’échographie avant une éventuelle cystoscopie afin que l’air introduit dans le tractus uri- - P r a t i q u e V é t é r i n a i r e Muqueuse urétrale saine avec ses plis longitudinaux. Cliché : Pôle équin, VetAgro Sup. naire lors de cette dernière ne soit pas une gêne à l’obtention de bonnes images [1]. Endoscopie L’examen endoscopique des voies urinaires est particulièrement intéressant lors de mictions anormales sans lésion du prépuce ni du pénis distal, ou lorsque l’un des reins n’a pu être visualisé à l’échographie [14]. La muqueuse urétrale est rose pâle. Chez les hongres et les étalons, des plis longitudinaux sont présents (photo 4). En avançant l’endoscope proximalement à l’arc ischiatique sont observés, dans l’ordre : l’abouchement des glandes bulbo-urétrales, le colliculus séminal sur la paroi dorsale et l’ouverture des canaux prostatiques latéralement à ce dernier (photo 5) [3]. Si l’urètre est dilaté avec de l’air, la vascularisation de la sous-muqueuse peut É q u i n e 2 0 1 2 Article de synthèse Photo 5. Photo 6. Photo 7. Abouchement des glandes bulbo-urétrales avec le colliculus séminal dans le fond. Cliché : Pôle équin,VetAgro Sup. Aspect normal de la vessie avec un dépôt sableux dans le fond. L’abouchement des deux uretères (flèches) est visible en face dorsale. Cliché : Pôle équin,VetAgro Sup. Cathétérisation d’un uretère à l’aide d’un tube en polyuréthane. Cliché : Pôle équin,VetAgro Sup. devenir apparente, cela ne doit pas être confondu avec une urétrite. La muqueuse vésicale est rose pâle à beige, avec une vascularisation légèrement apparente. L’urine présente sur le plancher vésical permet de s’orienter dans la vessie. L’abouchement des uretères est visible sur le plafond de la vessie à 2 et 10 heures, sous la forme de deux fentes (photo 6). Environ une fois par minute, de l’urine s’écoule physiologiquement des deux uretères, et une éventuelle anomalie de sa couleur, de sa consistance, ou l’absence de production d’urine par un des deux reins doivent être notées [3]. Pour recueillir de l’urine provenant spécifiquement d’un rein, il convient de cathétériser l’uretère avec un fin tube de polyéthylène introduit dans le canal à biopsies de l’endoscope (photo 7). Enfin, si des masses vésicales ou urétérales sont visibles, des biopsies sont réalisables sous contrôle endoscopique via la pince à biopsies de l’appareil (encadré 2). Principales affections visibles à l’échographie ou à l’endoscopie Affections rénales et urétérales irrégulier. Le parenchyme présente une échogénicité augmentée, variable selon le degré de fibrose, et pouvant atteindre celle de la rate [11]. Des zones kystiques ou calcifiées sont parfois observées. La jonction cortico-médullaire devient difficile à distinguer. Il convient de rechercher la présence concomitante de néphrolithes ou d’une hydronéphrose [7, 8, 19]. Encadré 2 : Mise en œuvre d’une endoscopie des voies urinaires et d’un cathétérisme urétéral Matériel nécessaire > Un vidéo-endoscope flexible stérilisé, de 1,5 m de long et de diamètre inférieur à 12 mm. > Une sonde urinaire et du gel lubrifiant. > De quoi réaliser l’asepsie. > Des gants stériles et non stériles. > Une seringue de 60 ml. > Un pot à prélèvement stérile. > Des instruments de biopsie. > Un travail et un tord-nez,éventuellement. > Pour les juments, un bandage de queue. > Pour les mâles, une sédation (acépromazine à la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse lente, ou α2-agoniste). Technique Sur la base des symptômes, une insuffisance rénale aiguë peut être confondue avec une insuffisance rénale chronique. La distinction entre les deux P r a t i q u e s’effectue à l’échographie [10]. Lors d’une insuffisance rénale aiguë, les reins sont de taille augmentée. Le parenchyme est moins échogène et le cortex est parfois épaissi. La jonction cortico-médullaire est bien visible [4]. Plus rarement, un œdème périrénal, voire de l’ascite sont observés [8]. En revanche, lors d’insuffisance rénale chronique, les reins apparaissent plutôt de taille diminuée et leur contour est > Réaliser une asepsie de la région génitale et un sondage urinaire pour vider la vessie. > Lubrifier l’endoscope sans couvrir la lentille, puis l’introduire dans l’urètre de la V é t é r i n a i r e É q u i n e même façon que la sonde urinaire. La progression dans l’urètre doit être facile. > Une fois dans la vessie, la dilater avec de l’air pour optimiser la visualisation (la manœuvre doit être prudente car une vessie trop dilatée peut être douloureuse). S’orienter de façon que l’urine se trouve en bas de l’image. > Pour cathétériser les uretères, se placer de telle sorte à voir leur abouchement. Placer un tube stérile dans le canal opérateur de l’endoscope. Introduire le tube sur 5 à 10 cm dans l’urètre.Aspirer très doucement sur 2 à 3 minutes pour récolter l’urine. Enlever le tube et rincer le canal opérateur à l’aide de liquide physiologique. Changer de tube pour prélever de l’urine provenant de l’uretère controlatéral. > Si l’uretère est dilaté,l’endoscope peut être passé en direction du rein afin de visualiser directement l’intérieur de l’uretère. > L’urètre est observé lorsque l’endoscope est retiré. La muqueuse est rose pâle (une congestion peut être due au passage de l’endoscope). 2 0 1 2 - Vol. 44/n ° 1 7 3 47