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Un Israélien à Téhéran Par Gidéon Kouts La turbulente saga de Tel Aviv Les 10 jours du Consistoire Shoah : le travail de l'historien La guerre des juifs N°292 - JUILLET/AOUT 2009 - 3€ M 01907 - 292 - F: 3,00 E Dossier : les juifs du Maroc 3:HIKLTA=\UXUUU:?k@c@j@c@k; N°292 - JUILLET/AOUT 2009 AU SOMMAIRE D’ HUMEUR 5- Interrogations par V.M EN COUVERTURE 6- Parlez-moi d'humour ! Un entretien avec Michel Boujenah INTERNATIONAL 8- Journaliste israélien à Téhéran Un entretien avec Gidéon Kouts 6 5 8 DOSSIER 12- Le Maroc, “ses Juifs” et Israël par Pierre Vermeren 14- A l'ombre du chêne, le sacré par Nadia Benjelloun 16- Marrakech le départ par Daniel Sibony ISRAËL 18- La turbulente saga de Tel Aviv par Ami Bouganim LA VIE DU CONSISTOIRE - 23 12 18 CHRONIQUE 28- La guerre des juifs par Guy Konopnicki 23 REPÈRES - 30 LES MOTS 31- Des chiens et des hommes Une chronique d'Annie Lelièvre MÉMOIRE 32- La Shoah, le travail de l'historien par Georges Bensoussan HISTOIRE 34- Salomon, Rebecca…et autres Bayonnais par Anne Oukhemanou 24 OPINIONS 36- L'optimisme relatif de Mario Vargas Llosa par Albert Bensoussan 32 LES LIVRES 37- par Odette Lang EN BREF - 38 CINÉMA 40- Une Chasse à l'homme d'anthologie signée Michael Mann par Elie Korchia COURRIER/CARNET - 41 40 INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges 75009 Paris Rédaction : 01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87 Fax : 01 48 74 41 97 [email protected] Fondateur : Jacques Lazarus Gérant de la SARL, directeur de la publication : Philippe Meyer Directeur : Victor Malka [email protected] VERBATIM - 42 Editorialiste : Josy Eisenberg Chroniqueur : Guy Konopnicki Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel, Victor Malka, Joël Mergui, Philippe Meyer Collaborateurs : Armand Abécassis, Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan, Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel, Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi, Naïm Kattan, Elie Korchia, Odette Lang, Annie Lelièvre, Daniel Sibony. Direction Administrative et Financière : Noémie Lasry [email protected] Maquette : Information Juive Photographies : Alain Azria Régie publicitaire : BTN Edition Tél. : 01 47 86 71 95 Email : [email protected] Edité par S.a.r.l. Information Juive le journal des communautés au capital de 304,90 € Durée de la société : 99 ans Commission paritaire des journaux et publications : 0708K83580 Dépôt légal n° 2270. N°ISSN : 1282-7363 Impression : SPEI Imprimeur Tél. : 03 83 29 31 84 Les textes de publicité sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs et n’engagent pas Information juive. Abonnement annuel : 33 € Abonnement de soutien : 46 € Abonnement expédition avion : 37 € Les manuscrits non retenus INFORMATION JUIVE Juin 2008 3 ne sont pas renvoyés. HUMEUR Interrogations Un technicien de Radio France me dit : OOO - Vous devez être content qu'un sioniste ait été nommé directeur de France Inter ? - Si vous considérez Philippe Val comme sioniste c'est que vous ne lisez que les communiqués de la CGT. Et cela prouve en tout cas que vous n'avez jamais rien lu de ce qu'il écrit en vérité. Alors je vais vous résumer les idées qu'il a pris soin de développer dans son dernier livre "Reviens Voltaire. Ils sont devenus fous " ( Editions Grasset). Il considère - et à vous entendre, il n'a pas tort que l'insulte " crypto-sionistes " a remplacé dans la langue révolutionnaire, le mot " fasciste ". Il dit que là où il n'est pas d'accord c'est quand on fait d'Israël dans son entier une colonie. Lisez ceci, vous qui ne lisez jamais rien et qui vous contentez d'écouter Daniel Mermet : " Pour moi, faire d'Israël la nouvelle cause des anticolonialistes marque la frontière au-delà de laquelle on sort de l'opposition à la politique israélienne pour entrer dans autre chose ". “Les juifs ont appris à respirer sous l'eau. C'est leur méthode de survie depuis quatre mille ans. Mais le souffle devient court.” Mais au fond, c'est aux intellectuels et aux théologiens musulmans français qu'il revient d'ouvrir le débat et de le trancher. Ils doivent répondre à la question de savoir si la burqa est une prison et une humiliation de la femme ou non. Notons cependant ce qu'écrit à ce propos le journal Emarat Al-Youm de Dubai ( la traduction est de Courrier International du 2 juillet) : " Les messages de colère sur Internet raillent la culture du pays de Voltaire, sa démocratie, son histoire, et les brillants acquis de sa civilisation. Certains se plaisent à surfer sur la vague de l'extrémisme et appellent à boycotter les produits français. On est en pleine confusion des esprits ! Voilà ce qui nous sépare, nous, peuples en retard sur l'Histoire, du monde civilisé ". Et le journal de conclure : " Il serait plus utile d'ouvrir nos yeux sur nos propres problèmes et de nous montrer capables de pratiquer l'autocritique avant de nous indigner de ce qui se passe à l'extérieur de nos frontières ". On ne saurait mieux dire ! Philippe Val dit aussi - c'est écrit en toutes lettres dans son livre (page 231) - que " le monde intellectuel français est lourdement atteint par ce penchant étrange à la compréhension et à la compassion vis-à-vis d'extrémistes dont ils justifient les crimes par un tour de passepasse politique qui fait d'Israël l'unique cause du malheur du Moyen-Orient" Il dit enfin - et voici qui vous concerne - que " l'antisionisme est bel et bien le faux nez de l'antisémitisme". Cela étant, pour vous dire le fond de ma pensée, je suis content que, pour une fois, ce soit vous qui ne soyez pas content ! 4 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 OOO Je suis curieux de savoir ce qu'Emmanuel Lévinas aurait dit de la burqa, à supposer qu'il s'y soit intéressé. Pour le philosophe du face à face et du visage de l'autre quel sens pourrait avoir la fuite d'identité et le regard caché que représente ce vêtement ? Panim el panim ( face à face) est une expression utilisée par la Bible pour parler de la rencontre entre Dieu et Moïse. L'hébreu moderne l'emploie, lui, pour signifier la sincérité mais aussi le courage. "Je dis vrai et cela peut se noter sur mon visage, pour peu que vous vous donniez la peine de le regarder ". George Steiner OOO Il faut toujours prêter attentivement l'oreille à ce que dit, dans ses livres et dans ses différentes interventions dans la presse, un homme comme George Steiner. Outre le fait que c'est un polyglotte, un intellectuel de haut vol et un passeur de HUMEUR savoirs, il est un de ceux qui a réfléchi avec régularité et sans complaisance aux différentes évolutions du destin juif. Dans l'entretien qu'il vient d'accorder à l'excellente revue " Philosophie Magazine ", il explique quelles sont les " trois sources " de sa mélancolie : " Elle vient de l'incertitude persistante sur les questions fondamentales qui me taraudent. De la faillite de ne pas être un grand créateur. De l'ignorance où je suis de ce qui restera d'une vie de travail. A quoi s'ajoute l'aggravation de la crise dans le destin du peuple juif. Les juifs ont appris à respirer sous l'eau. C'est leur méthode de survie depuis quatre mille ans. Mais le souffle devient court ". “Pour vous dire le fond de ma pensée, je suis content que, pour une fois, ce soit vous qui ne soyez pas content !” A méditer par ceux qui, dans le monde juif, ne cessent aujourd'hui de s'auto-féliciter et de se congratuler. Oui, le souffle devient court… OOO Qui dira pourquoi des rabbins appartenant à la formation politique israélienne Chas ont été - plus que d'autres ? - tentés de tirer profit des postes ministériels qui leur ont été confiés. On connaît l'aventure désastreuse qui fut naguère celle du rabbin Arié Derhy qui dirigeait cette formation sous l'autorité du rabbin Ovadia Yossef et qui fut condamné à la prison. Or, voici qu'un de ses collègues appartenant au même courant religieux que lui, le rabbin Benizri, ancien ministre, vient lui aussi d'être condamné par les tribunaux du pays à de la prison ferme. Déplorable exemple donné ainsi à toute la société du pays et singulièrement aux jeunes ! On dira certes qu'il n'est pas une seule formation politique qui n'ait eu dans ses rangs des " brebis galeuses " et que la corruption a touché depuis des années tous les partis. Mais c'est justement parce que la corruption a pris naguère de grandes proportions dans le pays qu'on était en droit d'attendre d'une formation religieuse, orthodoxe de surcroît, se revendiquant d'une des plus hautes autorités en matière de Torah, qu'elle se singularise en gardant les mains propres. Et voici qu'on annonce que le rabbin Arié Derhy, après avoir payé sa dette à la justice, songe à revenir sur la scène politique. Connaissant la vive intelligence de l'homme et son savoir faire, il y a lieu de penser (d'espérer pour les uns, de craindre pour les autres) qu'il accèdera très vite aux premiers rôles. Et qu'ayant tiré les leçons du passé, il ait à cœur de donner enfin à ses concitoyens une autre image des milieux religieux. OOO On veut évoquer ici, un an après sa mort, le souvenir d'Adam Baroukh, l'un des hommes les plus exceptionnels qui aient, durant des années, animé la vie intellectuelle d'Israël. Il a, de l'avis de tous, représenté, à son niveau le plus réussi, le mélange de la tradition et de la modernité. Il était l'héritier d'une des grandes dynasties hassidiques. Il avait naturellement fait des études rabbiniques et connaissait la plupart des grands exégètes et commentateurs bibliques et halakhiques qu'il citait de mémoire. Il avait abandonné le monde rabbinique qui était tout naturellement le sien pour devenir journaliste. Critique, essayiste, poète et chroniqueur, il avait la particularité de mêler dans ses écrits le vieux et le neuf, le Maharal de Prague et Dostoïevski, le hassidisme et la peinture moderne, le Talmud et la pop music. Ses chroniques hebdomadaires dans le Maariv du vendredi étaient des bijoux d'intelligence, de culture, de science et de modération. Le lecteur se promenait avec délice de la culture de l'aggada à celle des grands philosophes contemporains, de l'actualité à l'histoire. Adam Baroukh ne manquait jamais de rappeler telle parole halakhique formulée par son grand père. Il constituait un merveilleux passeur entre le passé et le présent. Et il n'était pas rare qu'il soit reçu par les grands maîtres du moment qui, tous, reconnaissaient en lui un homme de Torah et un Sage. Sans lui, le journal Maariv me semble désormais aussi vide que les chroniques de ceux que l'on appelle en Israël " les nouveaux historiens ". Philippe Val Yéhi zikhro baroukh… V.M INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 5 EN COUVERTURE “Parlez-moi d'humour…” OOO I.J : A quel âge avez-vous senti que vous aviez le don de faire rire ? Michel Boujenah : Quatorze ans. Je ne me suis d'ailleurs jamais posé la question de savoir s'il s'agissait du don de faire rire ou pas. La première fois que je me suis rendu compte qu'un auditoire pouvait m'écouter, ce n'était pas parce que je cherchais à faire rire. C'était le jour où j'ai raconté aux élèves de ma classe le livre d'André Schwartz-Bart "Le dernier des Justes". Je ne suis pas un humoriste dans l'acception classique du terme. Comment j'en suis venu à l'humour ? Qui le sait ? J'ai d'abord fait du théâtre sérieux. Au moment des pauses, il arrivait qu'on me demande, pour détendre l'atmosphère de raconter une histoire . Cela arrivait également le shabbat à la maison ou devant les copines de mon père. La première fois que je me suis hasardé à raconter des histoires drôles c'était au cours des surprises parties : on arrêtait la musique et on me disait "raconte-nous une histoire drôle ". UN ENTRETIEN AVEC MICHEL BOUJENAH monde et à la vie. Et du coup ce que, dans mon adolescence j'avais vécu comme une faiblesse est devenu une force pour moi.. J'avais au fond de moi refoulé mon accent et mon identité. Je me suis mis à revendiquer l'un et l'autre. I.J : Avez-vous aujourd'hui une définition de l'humour ? M.B. : Non. Si chacun de nous peut rire de soi, on peut rire de tout. I.J : Diriez-vous de votre humour qu'il est juif ? M.B. : Quelqu'un demandait s'il existe un cinéma juif aux Etats-Unis. Et quelqu'un lui a répondu : existe-t-il un cinéma non-juif aux Etats-Unis ? Ce que je peux dire c'est que je suis un juif qui a de l'humour. Mais il se trouve que je connais des juifs qui n'ont pas un gramme d'humour. On fait rire avec son roman familial et son roman social. On tourne en dérision les rapports amoureux, ceux de la mère avec les enfants, ceux de l'exil, ceux que l'on a avec l'argent. Un jour j'ai voulu évoquer la I.J : L'accent tunisien est-il naturel ou bien est-il travaillé ? M.B. : Il est naturel. J'en ai d'ailleurs souffert au début. C'était humiliant. J'étais perçu comme " un animal folklorique ". Plus tard, je me suis battu pour trouver une dimension d'honorabilité. Je voulais qu'on me respecte puis j'ai découvert qu'être humoriste c'était tout à fait respectable. Pour moi, les sociologues, les philosophes et autres penseurs qui n'ont pas d'humour peuvent disparaître : ils ne me manqueront pas. Pour moi, ce sont des gens qui souffrent puisqu'ils n'ont pas le bonheur de la dérision, de la distance et du recul. Plus tard, j'ai appris que l'humour est une formidable attitude par rapport au 6 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 Michel Boujenah dépression que peuvent avoir les milliardaires. Quelqu'un m'a répondu : tu ne peux pas savoir comme j'ai envie d'avoir une dépression. On en connaît des gens que la richesse a rendus fous. I.J : Qu'est-ce qu'il y a de commun par exemple entre vous, Gad Elmaleh et Popeck ? M.B. : Rien ! Si ce n'est qu'ils sont juifs. Gad et moi ne travaillons pas de la même manière. Il est d'ailleurs arrivé dans le métier bien après moi. Vraisemblablement, il m'a vu et cela l'a conforté dans ce qu'il voulait faire luimême. I.J : Vous cherchez les uns et les autres vos sources d'inspiration dans vos origines ? M.B. : Il est évident que Gad Elmaleh et moi nous sommes dans le monde d'aujourd'hui. Nous parlons l'un et l'autre de notre vie en France. Popeck, lui, est dans un monde d'hier, celui du folklore. I.J : Comment naît un sketch chez Boujenah ? Quel en est le point de départ ? M.B. : Il y a d'abord un problème :je n'écris pas des sketchs. J'écris des spectacles. Quand me vient une idée, j'essaye de la creuser. L'autre jour, j'entends à la radio un entretien avec un grand homme de sciences JeanDidier Vincent. Dans cet entretien consacré à la neurobiologie, il parle de l'influence des hormones et il dit que les hommes ont besoin d'avoir beaucoup de femmes. En rentrant chez moi, je lis les livres de ce savant, je découvre qu'il a fait des expériences avec les rats. Je commence à me demander quelle est la réaction de sa femme qui lui dit : pourquoi moi qui suis avec toi depuis tant d'années et après tout ce que tu m'as fait, je suis encore là. Et pourquoi je t'aime encore. I.J : Est-ce que les Tunisiens musulmans EN COUVERTURE se reconnaissent dans tes spectacles comme les Marocains musulmans se reconnaissent dans ceux de Gad Elmaleh ? M.B. : Je n'en sais rien à vrai dire. J'ai évidemment quelques échos et je sais qu'ils aiment mes spectacles. Je n'ai jamais renié la Tunisie. Et les Tunisiens se rendent ainsi compte à quel point les juifs de Tunisie aiment leur pays d'origine. I.J : Comment avez-vous réagi en voyant que tel ex-humoriste est devenu antisémite et négationniste ? M.B. : Le pauvre ! Pour moi, il a perdu la raison. Je trouve de plus que la publicité que l'on fait autour de lui est tout à fait démesurée. Il est évident que cela l'a encouragé dans sa paranoïa. Partir de l'attitude qui fut la sienne quand il voulut se présenter contre un candidat Front national à Dreux et finir par solliciter Le Pen comme parrain d'un de ses enfants, cela témoigne d'un véritable déséquilibre mental. I.J : Comment s'exprime aujourd'hui le judaïsme dans votre vie quotidienne, si c'est le cas ? M.B. : Je ne suis pas pratiquant. Je respecte les fêtes juives et je suis très proche de ma communauté. Le judaïsme c'est pour d'abord un mode de vie français, une attitude en face des autres et du monde. Mon père fut communiste. Il y a cru dans sa jeunesse, bien avant la deuxième guerre mondiale. Il considérait le communisme comme la réponse au malheur des hommes. Au lendemain des événements de Budapest il a détruit sa carte. Son communisme était un idéal humaniste. Lui et ses compagnons croyaient vraiment que le communisme allait apporter le bonheur aux humains. J'ai un jour accompagné mon père en Israël. Nous avons visité un kibboutz socialiste comme il y en avait en Israël à l'époque. Il était bouleversé et il m'a dit : voilà, c'est cela que nous voulions faire. Un jour,mon père, l'historien Paul Sebag et Georges Valensi qui a fini par devenir kabbaliste ( ils étaient tous trois camarades de jeunesse ) sont venus voir mon spectacle " Albert ".A la fin du spectacle, ils m'ont dit : " Pourquoi travailles-tu sur un peuple qui n'a presque pas d'histoire ? ". Cela m'avait révolté. Je leur ai dit : êtes-vous amnésiques à ce point ? De la Kahéna au combat que vous avez mené pour la Tunisie, la communauté juive est très impliquée. Et vous voudriez la réduire aujourd'hui à peu de choses ? Ils étaient étonnés de voir un jeune homme arrivé en France à l'âge de dix ans revendiquer un passé et une histoire qu'eux-mêmes avaient peu ou prou rejetés. Humour, quand tu nous tiens… " Le sens de l'humour c'est une clef des champs, un instrument d'autodéfense, une manière de voir, une façon de penser,, une forme de selfcontrôle, une liberté qu'on prend avec le monde extérieur, et c'est aussi une machine à détecter les ridicules et les absurdités et un protège- cœur… " Henri Jeanson "L'essence de l'humour est la sensibilité " Samuel Taylor Coleridge "Humour : pudeur, jeu d'esprit. C'est la propreté morale et quotidienne de l'esprit " Jules Renard "Je ne plaisante jamais avec l'humour" Frigyes Karinthy "Sans l'humour, on mourrait de prétention, d'orgueil, de sécheresse. Le rire c'est notre garantie de survie " Raymond Devos "L'humoriste ne se moque pas, il se sent concerné " Jean-Jacques Sempé Le jour où la Torah… Voici l'histoire racontée à un quotidien de Tel Aviv par un juif harédi ( ultra-orthodoxe) à la veille de la dernière fête de Chavouoth : " Les rabbins décident que le peuple d'Israël en a un peu assez de la Torah et veulent la restituer au Maître de l'univers. Dieu leur demande : Où voulez-vous faire cela ? On convient du mont Sinaï. On décide aussi du jour et de l'heure auxquels une délégation de rabbins restituera à Dieu la Torah qu'il avait donnée. Au jour convenu, les rabbins arrivent au rendezvous avec entre leurs mains toute la littérature biblique. Dieu prend alors les cinq livres de Moïse, les Mishnayot et la Guémara et se retire. Les rabbins lui disent alors : Pourquoi ne prenez-vous pas également les livres des rigueurs de la halakha produits par les dernières générations ? Et Dieu leur répond : Parce que cela, ce n'est pas moi qui vous l'ai donné ! INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 7 INTERNATIONAL UN ENTRETIEN AVEC GIDEON KOUTS Journaliste israélien à Téhéran Notre confrère et ami Gideon Kouts est un journaliste en poste et qui collabore à la radio et à la télévision en Israël. A la veille de l'élection présidentielle Gideon Kouts en Iran, il a réussi à obtenir un visa pour Téhéran où il a réalisé un certain nombre de reportages. De retour à Paris, il a reçu Informaton Juive qui l'a interrogé sur les conditions dans lesquelles il a pu se rendre en Iran et les analyses qu'il a rapportées. OOO I.J : Comment avez-vous pu obtenir un visa pour Téhéran alors que la plupart des journalistes français n'y sont pas parvenus ? Les autorités iraniennes savaientelles que vous étiez correspondant israélien ? Gideon Kouts : Elles le savaient parfaitement, puisque j'étais déjà venu faire un reportage en Iran pour la télévision israélienne il y a quelques années. En ce qui concerne les autres journalistes français qui n'ont pas pu se rendre en Iran, correspondants de grands organes de presse nationaux, il s'agit très certainement de règlements de comptes. Il suffit de constater qu'il y a certains journaux qui avaient carte blanche quand d'autres étaient immédiatement refusés. Les autorités ont aussi accepté la venue sur le terrain du journal chrétien La Vie, peut-être pour montrer qu'en Iran ces communautés religieuses se portent bien et que la liberté leur est assurée, contrairement aux membres de la communauté Baha'i qui sont, eux, persécutés. I.J : Une fois sur place, comment avezvous travaillé ? G.K. : Il s'agissait là de ma deuxième visite en Iran. La première fois, c'était il y a quatre ans, juste après l'élection d'Ahmadinejad en tant que président. Il faut savoir cependant que pour exercer dans les conditions qui étaient celles des dernières élections, un visa n'était pas suffisant. Il fallait passer par le ministère de l'Intérieur, celui de la Culture pour obtenir les papiers servant 8 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 de sauf-conduit, dont une carte d'accréditation et plusieurs attestations. Mais c'est seulement après que les choses se sont dégradées et sont devenues plus compliquées. Des élections libres ne sont de toute façon pas possibles dans un pays qui ne l'est pas. Alors les restrictions ont commencé à tomber. L'Iran étant un pays à plusieurs instances parallèles, celle qui a le pouvoir dans la rue, ce ne sont pas les ministères mais la police. J'ai assisté à une conférence de presse d'Ahmadinejad, après son élection. Cela s'est passé dans un secteur de la ville complètement bloqué par l'armée, c'est le secteur communauté importante, de quelques 500 membres, avec beaucoup de jeunes. J'ai parlé avec les gens et j'ai compris qu'une bonne partie avait voté Moussavi, car le discours d'Ahmadinejad déplaît, et pas seulement sur les thèmes d'Israël ou de la Shoah. Cela étant, les personnes plus âgées de la communauté ont voté pour Ahmadinejad car lors de son dernier mandat, il a triplé le montant des retraites. De ce point de vue, il était apprécié par la vieille génération. Pour illustrer un peu le climat de ces élections, je peux vous citer un exemple. Une des personnes que j'ai interviewées, qui a voulu voter Moussavi, n'a finalement pas pu le faire J'ai entendu beaucoup de témoignages de sympathie envers l'Etat d'Israël. Les gens en ont assez des discours et des attitudes extrémistes. gouvernemental où travaille et habite le Guide suprême, et donc où demeure aussi le président. Il y a quelques cités de ce type dans Téhéran, complètement fermées, et où le pouvoir vit en autocratie. Cela a pour effet de créer deux mondes parfaitement dissociés. I.J : Avez-vous eu l'occasion de côtoyer la communauté juive à Téhéran ? G.K. : Oui, bien que de manière moins approfondie qu'à ma dernière visite. Le jour des élections, j'ai pu assister à une partie de l'office du Chabat à Ohel Yossef, la grande synagogue de Téhéran. C'est une car les queues étaient trop longues dans le bureau de vote près de la synagogue. A l'arrivée, il n'y avait plus de bulletins de vote. Il faut savoir qu'en Iran il ne s'agit pas de bulletins sur lesquels les noms des candidats sont déjà inscrits. Il s'agit d'un seul papier sur lequel il faut écrire soi-même le nom du candidat. De surcroît, le vote n'est pas secret puisqu'il n'y a aucun isoloir. Dans ce bureau de vote, il y avait là des musulmans, des juifs, des zoroastriens. Tout le monde était persuadé de la victoire de Moussavi. Ce qui explique bien sûr le grand désenchantement à l'annonce des résultats. INTERNATIONAL I.J : Qu'attendait-on de Moussavi ? G.K. : J'ai parlé à des conseillers de Moussavi, qui d'ailleurs m'ont dit ce que l'opinion pensait : qu'il s'agissait finalement d'un religieux qui en remplacerait un autre, qu'ils se valaient en quelque sorte. Mais je ne pense pas que ce soit vrai. D'abord parce que tous ceux qui ont voté Moussavi souhaitaient avant tout qu'Ahmadinejad ne passe pas. L'électorat de Moussavi était constitué de religieux et de laïcs, des classes moyennes et populaires, de riches et de pauvres. C'était en fait un mythe de penser qu'il y avait des l'Etat d'Israël. Les gens en ont assez des discours et des attitudes extrémistes. Il y a une grande opposition à ce que l'argent des Iraniens vienne financer des organisations terroristes comme le Hamas. J'ai rencontré aussi de la honte envers le comportement de leur président. Les résultats ont étonné tout le monde. Dès le matin, on ne pouvait plus contacter le quartier général de Moussavi car il était fermé par la police. C'est à partir de ce moment que la contestation a commencé. Des portable, les lignes étaient souvent coupées. I.J : Comment analysez-vous le climat révolutionnaire qui souffle sur l'Iran ? G.K. : A mon avis, c'est un processus qui commence. En 2005, les gens n'étaient pas encore persuadés qu'il fallait vraiment changer. Aujourd'hui, on a moins peur de parler. Même une partie du pouvoir religieux n'accepte plus ce qui se passe. J'ai assisté à une conférence du fils du Shah, Reza Pahlavi, à Paris. Il dit déjà qu'il y aura trois étapes : celle de la répression, qui Manifestation à Téhéran ruptures d'opinions entre les différentes couches de la société. L'interprète qui m'accompagnait était très religieuse, et elle a voté Moussavi, convaincue qu'il fallait séparer la religion de l'Etat. Les conseillers du candidat ont insisté sur le fait que le nouveau pouvoir devait se montrer beaucoup plus compréhensif, notamment sur le problème du nucléaire, ce qu'attendent Israël et l'Occident. Alors qu'en 2005, lorsque Ahmadinejad est arrivé au pouvoir, la majorité des Iraniens considérait la question du nucléaire comme un point d'honneur national, aujourd'hui, ils veulent retourner aux pourparlers, entamés par l'ancien président Khatami. Et puis j'ai entendu beaucoup de témoignages de sympathie envers 10 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 activistes hurlaient que c'était la fin de la démocratie. Et puis il y avait les chars de police, conduits par des unités spéciales assez effrayantes. Lorsqu'ils sont passés, j'ai pu me réfugier chez un horloger. Ils ont aussi des milices, dans le meilleur style fasciste, recrutés par le pouvoir, provenant des bas-fonds pour la plupart. Matraques, couteaux, barres de fer, armes à feu sont leurs moyens dissuasifs. Au début, les manifestations étaient sporadiques, puis elles sont devenues massives. I.J : Par quel moyen avez-vous pu envoyer vos reportages à Jérusalem ? G.K. : J'ai dû attendre de rentrer en Israël pour les transmettre. Même si on pouvait communiquer par téléphone vient de se terminer, celle d'une lutte menée par une opposition farouche encouragée par l'économie qui va sombrer pour cause de rupture avec le monde occidental-, enfin celle d'une prise du pouvoir par l'armée, les Gardiens de la Révolution devant par la suite le transférer au peuple. Il ne faut pas oublier qu'une partie des Gardiens a refusé dernièrement de tirer sur les manifestants. Et puis on ne peut pas éternellement brimer un peuple comme celui d'Iran avec l'histoire, le patrimoine et l'éducation qu'on lui connaît. Propos recueillis par Léa Philpott MDA France : Ces jeunes sont notre avenir L a " Caravane de la Vie " a sillonné en juillet, pour la deuxième année consécutive les routes de France et traversé le pays pour présenter les activités du Maguen David Adom en Israël et former nos enfants aux gestes qui sauvent. La première édition de cette aventure humaine et pédagogique avait rencontré un tel succès l'été dernier, que le président du MDA France, le Docteur Lazare Kaplan a décidé lancer une nouvelle édition de cet extraordinaire voyage en faisant venir une des des 750 ambulances de l'organsime. L'équipe des ambulanciers, a spécialement concu une formation de 5h, adaptée aux jeunes de 11 à 17 ans. L'objectif étant de leur apprendre à connaître les gestes qui sauvent, savoir comment répondre à des appels aux secours, soigner des plaies et même faire une réanimation cardiaque. Ils sont formés à réagir correctement et rapidement. Il faut savoir qu'en pratiquant ces gestes dans les premières minutes d'un accident, on augmente de 30% la possibilité de sauver les blessés. Un autre programme a été organisé par l'association cet été et visait les animateurs ou directeurs de mouvement de jeunesse juifs en France. Le but : s'assurer que les personnes à responsabilité de ces organisations sachent réagir en cas d'accidents. Sous le nom de "Jeunes Ambassadeurs du MDA' , la formation s'est déroulée les 28/30 juin à Paris. Après ces trois jours de cours, les participants sont devenus les ambassadeurs du MDA France. DOSSIER Le Maroc, “ses juifs” et Israël PAR PIERRE VERMEREN Pierre Vermeren est maître de conférences en histoire du Maghreb contemporain à l'université Paris I Panthéon Sorbonne. Il est également l'auteur d'un certain nombre d'ouvrages consacrés au Maroc. Il vient de publier " Le Maroc de Mohammed VI. La transition inachevée " ( Editions de La Découverte). Nous en reprenons ici - avec l'autorisation de l'éditeur que nous remercions - de très larges extraits, ceux consacrés aux Juifs du Maroc. L es relations que le Maroc entretient avec le judaïsme et avec Israël constituent une singularité dans le monde musulman. La présence de populations juives en Afrique du Nord est très ancienne. Attestée dans l'antique Volubilis, la communauté juive a grossi au fil des siècles (un Marocain sur quarante au milieu du XXe siècle) et a pris pied dans tout le pays. Il y a eu des villages de paysans juifs dans le bled jusque dans les années 1950. Cette proximité tient aussi à la relation forte et ancienne entretenue par le sultan avec les Juifs de Fès (jadis capitale du pays), dont il assurait la protection (accueil des Juifs expulsés d'Espagne à partir de 1492, ou refus d'appliquer la législation sur le statut des Juifs en 1941) en échange de multiples services (commerce, finances, production d'alcool, etc.) Cette relation particulière s'est affichée pendant des siècles sur le drapeau chérifien, frappé d'une étoile de David, remplacée à l'initiative de Lyautey par une étoile à cinq branches au début du protectorat (1) . En 2008, le roi du Maroc est le seul chef d'État " arabe " dont un conseiller (A. Azoulay) ou un ambassadeur itinérant (S. Berdugo) sont de confession juive. Le Maroc garde une relation particulière à cette histoire depuis 1948. Même si la quasi-totalité des Juifs ont émigré durant la seconde partie du siècle (2), une petite communauté demeure (2 500 12 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 personnes en 2008), encadrée par de multiples institutions. C'est une exception dans le monde arabe, d'autant que 5 000 Juifs " marocains", en majorité des Israéliens, se rendent annuellement en pèlerinage sur les tombeaux des grandes figures du judaïsme local au Maroc. En outre, les " Marocains " constituent la deuxième communauté nationale en Israël après les " Russes " : ils représentent plus de 700 000 personnes que le palais regarde comme " ses Juifs ". En dépit du soutien passionnel des Marocains à la cause palestinienne, l'État n'a jamais rompu le dialogue ni certaines coopérations avec les autorités israéliennes. Le bureau de liaison israélien, ouvert à Rabat après les accords d'Oslo, a été fermé en octobre 2000 à cause de la seconde Intifada. Mais, en 2003, Mohammed VI a reçu le ministre des Affaires étrangères israélien. Le Maroc officiel est conscient de l'énorme perte liée à l'exil rapide de cette population industrieuse, bien qu'en majorité très pauvre. Sur près d'un million de Juifs originaires du Maroc, 70 % sont installés en Israël, les autres s'établissant en France, au Canada ou aux États-Unis. Le palais a " rappelé " auprès de lui plusieurs hommes d'affaires parisiens, et la population est fière de la réussite des Juifs marocains à l'étranger (que ce Le roi Hassan II recevant Shimon Pérès DOSSIER soit unministre israélien ou un artiste français, comme Gad Elmaleh). Le principal problème tient à la confusion qui s'est installée dans les esprits, depuis 1967, entre " Juifs ", " sionistes " et " Israéliens ". Cette confusion, entretenue à dessein par certains courants religieux ou politiques notoirement antisémites, a créé un profond malaise, et a accéléré le départ des jeunes Juifs, une fois leur baccalauréat en poche. La responsabilité des manuels scolaires est ici très forte, mais personne n'ose revenir en arrière. Plusieurs groupes ont tenté d'inverser cet état de fait, attisé par les conflits israélo-arabes et les chaînes satellitaires du Moyen-Orient. Une poignée d'intellectuels juifs antisionistes restés au Maroc et issus du marxisme - A. Serfaty, E. Amrane El Maleh, Sion Assidon, Simon Lévy - a été particulièrement active. A. Serfaty a soutenu la " transition " une fois rentré d'exil ; E. Amrane El Maleh incarne l'engagement anticolonial des Juifs marocains ; S. Assidon milite Un congrès des communautés juives du Maroc mémoire commune. C'est le cas des historiens Mohammed Kenbib, Mohammed Hatmi (3) , Jamaa Baïda, mais aussi des spécialistes de la langue hébraïque dans les départements d'arabe, ou de certains journalistes. Le dossier de Tel Quel de 63 % des Marocains interrogés se déclarent plus proches d'un musulman afghan que d'un Juif marocain (12 %) dans le collectif Palestine et S. Lévy a créé à Casablanca le Musée du judaïsme marocain, un précédent en terre arabe. Un autre groupe s'active auprès du roi. Ces hommes, nés au Maroc mais passés par Paris, assurent l'interface entre le palais, les milieux d'affaires étrangers et les alliés occidentaux (France, États-Unis, Israël). (…) Derrière ces personnalités, le palais et le roi oeuvrent au maintien de relations directes avec les "Marocains" d'Israël,même si le contexte s'est durci sous Mohammed VI (seconde Intifada, guerres en Irak, au Liban et à Gaza). En outre, des intellectuels marocains entretiennent cette novembre 2008, " Le Juif en nous, au coeur de l'identité marocaine ", rédigé par le professeur Ruth Grosrichard, est le signe fort de la volonté d'entretenir la flamme d'un judaïsme tendant à disparaître. L'enquête sur les valeurs religieuses menée en 2007 montre en effet les limites de ce travail d'influence : 63 % des Marocains interrogés se déclarent plus proches d'un musulman afghan que d'un Juif marocain (12 %) (4). La disparition effective des Juifs de nombreux quartiers et villes a cédé la place à un antisémitisme largement alimenté par les sentiments anti-israéliens. Seule la réappropriation par la jeunesse de la part oubliée de cette identité nationale pourrait en endiguer le flot, à la condition que l'État ait la volonté de l'intégrer dans les programmes et manuels scolaires, ce qui est encore loin d'être le cas. P.V (Copyright Editions La découverte) -(1) Dossier et articles de Ruth GROSRICHARD, " Le Juif en nous, au coeur de l'identité marocaine " Tel Quel, nº 348, 22 novembre 2008. (2) Yigal BINNUN, " La négociation de l'évacuation en masse des Juifs du Maroc ", in Shmuel TRIGANO (sous la dir. de), La Fin du judaïsme en terre d'islam, Denoël, Paris, 2009. (3) Mohammed KENBIB, Juifs et Musulmans au Maroc, 1859-1948. Contribution à l'histoire des relations intercommunautaires en terre d'islam, Université Mohammed V, Rabat, 1994 ; Mohammed HATMI, " Les Juifs du Maroc : histoire, identité et exode ", Le Journal hebdomadaire,du 5 au 11 mai 2001. (4) " L'islam au quotidien ", loc. cit.Une société à la recherche d'ellemême sur fond de volontarisme économique. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 13 DOSSIER À l'ombre du chêne, le sacré PAR NADIA BENJELLOUN* Le festival des musiques sacrées est régulièrement suivi de ce que les organisateurs appellent " les rencontres de Fès ". Ce festival est devenu au fil des ans une des manifestations culturelles les plus prestigieuses. Des savants venus des quatre coins du monde y prennent part . " Croyants et non croyants, peuvent s'accorder sur ce qui sacralise la vie et la personne et retient de tuer, haïr ou soumettre " ainsi que l'écrit sa directrice Mme Nadia Benjelloun. Ces rencontres ont, depuis des années, pris l'heureuse initiative d'inviter parmi les intellectuels, des personnalités représentatives du judaïsme. C'est ainsi que le grand rabbin René-Samuél Sirat a pris part aux débats de ce festival où il a été accueilli avec enthousiasme et amitié. Cette année, les rencontres de Fès étaient consacrées au thème " La vie entre sacré et profane. La force des choses et la main de Dieu ". Parmi les écrivains invités cette année par Mme Benjelloun à prendre la parole il y avait Mme Blandine Barret-Kriegel, MM. Alexancre Adler, Naïm Kattan et Victor Malka. Par ailleurs le département Spiritualités que dirige aux éditions Albin Michel notre ami Jean Mouttapa, a pris l'initiative de fonder une collection " Rencontres " dans laquelle les principales contributions de ces débats seront publiées. Il nous a paru intéressant de donner ici le texte de l'introduction que donne à cette collection Mme Nadia Benjelloun. Il intéresse tous les hommes de bonne volonté, à quelque croyance qu'ils appartiennent. Signalons par ailleurs que l'Académie française vient de décerner à Mme Benjelloun la Grande Médaille de la francophonie. Le prix lui sera remis sous la coupole en novembre prochain. L e Festival des musiques sacrées du monde et ses Rencontres animent Fès, chaque année, d'un souffle particulier qui allie bonheur des retrouvailles et plaisir de la découverte. philosophie, la poésie, la médecine, les mathématiques et ont laissé leur empreinte. Ici, comme dans tout le monde arabo-andalou, la conscience de soi s'est assortie de l'ouverture aux autres, et la foi en l'Islam de l'essor des sciences et des arts. L'esprit des lieux y est pour beaucoup. Le pas des ânes, l'odeur du pain qui cuit, le murmure des fontaines, les cris des enfants, la beauté des zelliges, l'enchantement des jardins, les tuiles vertes des toits, le chant du muezzin y évoquent une tradition millénaire, qui mêle la pensée et la foi, les sciences et les arts, la méditation et l'étude, l'inspiration du sacré et l'exercice de la raison, l'attachement aux traditions et l'ouverture au progrès, la valeur du patrimoine et l'espoir en l'avenir. Ici sont passés, Ibn 'Arabî, Ibn Rushd, connu en Occident sous le nom d'Averroès, Maimonide et bien d'autres, qui ont illustré la théologie, la C'est dans cette tradition que les Rencontres de Fès s'inscrivent, et que les textes que ce livre contient ont d'abord été dits, et débattus. 14 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 C'est face aux jardins du musée Batha qu'elles se tiennent, sous les branches et les feuilles de son chêne pluricentenaire, à l'abri du bruit et de la fureur du monde. Il devient, peu à peu, leur emblème. Il est vieux, mais vivant. D'année en année, ses racines le nourrissent, son feuillage renaît, et il nous offre son ombre, et son murmure.C'est la musique qui a commencé à y réunir, à la fin du printemps, des gens de pays, origines, opinions et confessions diverses, ayant en commun d'être curieux de ce qui vient de loin. Le sacré ne va pas sans interprètes, du croyant qui psalmodie sa prière au bord d'une route aux exégètes des livres saints, en passant par calligraphes, poètes, sculpteurs ou architectes, qui expriment leur spiritualité par leurs œuvres. Le sacré inspire aussi les chanteurs, musiciens et danseurs, dans un langage qui s'adresse au divin mais parle à tous. Le Festival des musiques sacrées du monde a ouvert la voie à celui des Rencontres. Elles ouvrent à leur tour les esprits à des échanges sur le sacré dans son acception la plus large, dont les textes qui suivent témoignent. L'ambiance y porte au dialogue des croyances et des idées, et à préférer les questions aux réponses. Philosophes, psycha-nalystes, historiens de l'art, artistes, écrivains, qu'ils viennent d'une rive ou l'autre de la Méditerrannée, ou de l'Atlantique, ils viennent ici penser, chercher, ensemble. DOSSIER " Doutez de ceux qui croient, croyez en ceux qui doutent " disait Gide aux jeunes gens. Sous le chêne de Fès, l'on ne vient pas pour rendre la justice comme le faisait Saint-Louis. Le Festival et les rencontres sont ouverts à ceux qui croient au ciel et à ceux qui n'y croient pas, pour peu qu'ils ne doutent pas de ce que celui qui trouve doit à celui qui cherche, et qu'il est vain d'opposer l'Esprit à l'esprit. Le progrès des sciences, l'accumulation des connaissances, le développement des techniques, l'accroissement des échanges occupent énormément les esprits, et portent des inquiétudes, des interrogations, des doutes, des tensions. Elles pèsent sur l'humanité tout entière : ses dernières tribus sont désormais entrées dans l'Histoire, comme le remarquait, avec une note de tristesse, Lévy Strauss, parvenu à cent ans. La diffusion du savoir, la réduction de la pauvreté, la sauvegarde de la planète, la préservation de la paix, n'en sont pas moins nécessaires. Le respect de la personne aussi, dans son intégrité physique et dans sa dimension morale. Elle n'a pas moins d'importance et le sacré, l'irréel, l'intemporel, le surnaturel en font partie. Qui ne voit l'ampleur des sentiments qu'ils soulèvent ? Mais ces sentiments sont ambivalents, et peuvent élever jusqu'aux plus hautes créations ou abaisser jusqu'à la plus aveugle vindicte, suivant l'usage qui en est fait. L'examen des traces des premiers âges et celui des images que nous procurent les télescopes et les calculateurs ont au moins deux choses en commun. La première est que l'une et l'autre changent idée que nous avons du temps et de l'espace, et accroissent l'étendue de ce qui reste à découvrir : chaque réponse est une question. La seconde est que c'est à nous, aux nôtres, à nos enfants, et aux enfants à naître que du bout du monde, du fond des âges, des confins de l'Univers, dans d'improbables et étranges alphabets, ces signes s'adressent, qu'ils viennent de contemporains ou de trépassés, d'érudits ou de gens simples, de voisins ou d'étrangers, de croyants ou d'incroyants. Si puissante et précieuse que soit la lumière que le savoir répand sur les choses, il ne fait que confirmer l'infinité de ce qui demeure inconnu, et en regard de celle-ci, la brièveté de la vie tation. Il y a deux cents ans, au hasard de la conquête de l'Égypte par l'empire français sur l'empire ottoman, le moyen de déchiffrer les hiéroglyphes d'un empire disparu était mis au jour. C'est la musique qui a commencé à y réunir, à la fin du printemps, des gens de pays, origines, opinions et confessions diverses, ayant en commun d'être curieux de ce qui vient de loin. qui chemine flanquée de son point final, et suivie de ce que chacun décide de croire. Le propos des Rencontres auxquelles ce livre fait écho n'est pas d'inviter à la conversion, mais à la quête. Dans son ode à Jean Moulin, Malraux évoque le " peuple né de l'ombre et disparu avec elle, nos frères dans l'ordre de la nuit ".Plus encore qu'à la mort, c'est à la nuit qu'il s'agit d'arracher quelque chose. Les civilisations ont moins à craindre de leur choc que de leur enrégimen- Puissions-nous demeurer assez civilisés pour nous pencher avec émotion et respect sur ce qui s'offre à nous et qui vient des autres, plutôt que d'en faire des autodafés, et puissent ceux qui pensent avoir trouvé la pierre de Rosette qui éclaircit le mystère de la vie ne point la jeter au visage de ceux qui la cherchent. -* Directrice internationale du Festival des musiques sacrées du monde de Fès et directrice des Rencontres de Fès. ODASEJ L’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919 Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x devient un adulte qui a de meilleures chances de construire son avenir et celui de la communauté L’ODASEJ a pour mission d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou en difficulté sur le territoire national Leur avenir est entre vos Transmettez mains votre nom à un programme de solidarité… Perpétuez la mémoire de vos parents … … Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ en exonération des droits de succession ou de mutation Pour un rendez-vous confidentiel Appelez Tony SULTAN Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67 ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 15 DOSSIER Marrakech, le départ P our moi, le Maroc - et surtout Marrakech où je suis né -, c’est d’abord le départ, au double sens du terme: un point de départ et aussi un lieu où ce que j’appréciais le plus c’était l’idée d’en partir. Ce qui assume pleinement le premier sens de départ, c’est-à-dire d’origine. Mon origine (un de ses aspects) c’est le Maroc; et une origine, c’est d’abord un point de départ vers autre chose. Cela n’implique pas de la rejeter ou de la trahir; mais plutôt de la traduire, de l’interpréter, de la métamorphoser, d’en faire quelque chose d’autre. Ceux qui restent collés à PAR DANIEL SIBONY* un peu à l’identique: même les quartiers modernes, les nouvelles avenues de Marrakech semblent des répliques aux précédentes. Il plane sur la Médina une sorte de temps immobile, trop distrait pour attendre quoi que ce soit, mais dont j’aime respirer la langueur infinie car elle me mène tout droit vers l’autre attente radicale qui fut la mienne, celle du départ. Pour moi (qui ai quitté la ville à 13 ans), cela ne signifiait pas: partir vers un pays où je me sente enfin chez moi. Je n’ai pas un pays dont je puisse dire c’est chez moi et cela me plaît. C’est clair qu’à Marrakech je ne me sentais pas A Marrakech, les fins de samedi, plongés dans l'ombre en attendant la première étoile, nous exhalions la nostalgie de Jérusalem, avec d'étranges psaumes où l'on remercie Dieu d'apprendre à nos mains la lutte et à nos doigts la guerre; à nous qui ne sommes que buée, ombres fugaces, etc. Joli verset, d'ailleurs: force et faiblesse mêlées, violence et douceur... leur origine seraient comme des voyageurs prenant place dans un beau bateau qui ne part pas, qui reste à quai dans une partance virtuelle et toujours différée, parce qu’après tout “on est très bien” dans ce bateau-là (d’où, peut-être, l’expression: être mené en bateau?...) Donc, j’assume pleinement mon origine marocaine: j’en suis parti. Et quand il m’arrive de retourner à Marrakech, où je n’ai plus aucune attache, je savoure le plaisir d’y avoir vécu et celui d’avoir émigré. La joie du départ imminent - que j’éprouvais autrefois - étant de loin la plus forte. On peut vraiment aimer un lieu parce qu’on y sent le désir d’y prendre le large. C’était mon cas. Certes, le pays a beaucoup changé, il s’est comme dupliqué, démultiplié mais 16 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 chez moi, j’étais en exil, mais un exil où je suis né, un exil qui vous est donné offert - à la naissance, qui ne renvoie pas à un pays où l’on était autrefois (avant la naissance?) et d’où l’on serait parti. Le seul “pays” où j’étais avant ma naissance et où j’ai séjourné par la suite, (et je continue de temps à autre,) c’est le Texte, surtout biblique. Mais est-ce vraiment un pays? Du reste, dans ce Texte aussi, j’étais en exil, car on ne peut pas dire que le peuple hébreu qui s’y trouve décrit ait été longtemps chez lui en paix, dans cette fameuse Terre promise. Il y a vécu la paix de temps en temps; aujourd’hui, on peut dire qu’il y vivra souvent la paix; quel progrès... Mais la paix définitive est un fantasme - intéressant - que certains veulent à tout prix passer à l’acte (bonne chance! Nous ne serons pas trop ironiques quand nous verrons qu’ils y échouent). En tout cas, lorsque à quinze ans j’ai fait un bref séjour en Israël, en 57, j’y ai senti un autre exil, très fort: une autre impression de n’être pas chez soi, car un groupe de gens, du reste fort sympathiques, avait pris le pouvoir et pris les choses en mains pour faire marcher le pays au pas, de façon utile, efficace, constructive. Et j’ai senti que là je ne pourrai pas vivre là, d’ailleurs je n’y ai pas vécu, parce que l’exil que j’y ressentais ne comportait pas, comme mon exil marocain, l’espoir de partir; au contraire, la Terre promise se donnant comme un but, une fois qu’on y est, où voulez-vous qu’on parte? Bon, avec le temps, des Israéliens se sont mis à partir un peu partout pour tenter fortune, notamment en Amérique; ce sont des yordim, des descendeurs plutôt que des descendants, parfois des cascadeurs du business qui réussissent “pas mal”. Il se peut d’ailleurs que ce pays d’Israël soit à l’échelle de Jacob (nommé Israël), à savoir qu’il serait fait pour qu’on y monte et qu’on en descende comme les messagers de ce rêve, qu’on y soit des olim et des yordim en permanence. Et pour en revenir au Maroc, il m’a donc transmis un exil qui n’était pas l’exil standard; et une nostalgie qui n’est pas non plus la nostalgie ordinaire - où on aimerait revivre de bons moments dont on pleure qu’ils soient passés sans retour. Les tenants de la nostalgie banale, où le passé semble la jouissance suprême, d’autant plus vive qu’il est perdu, oublient que cette perte, celle du temps, le passé lui aussi l’avait connue; et grâce à cet oubli, les esprits paresseux croient que le passé était plein sinon parfait, qu’il contenait la vraie valeur. J’en ai connu, qui l’exhalent, cette nostalgie: “Ah! les fêtes, le Mellah, la chaleur humaine, les bons plats...” En fait, le désir desséché remonte vers ses sources, vers l’enfance, vers l’autrefois, vers l’époque vibrante où il était gonflé à bloc, prêt à partir comme un trait. Il file vers ses racines pour se nourrir; vers la vie au DOSSIER Maroc, ya hssra, lumineuse et léthargique, précaire et installée, fragile et millénaire. Mais là, déjà, se trouvait la blessure première, secrète, indicible, délicieuse à lécher, invivable. La vraie nostalgie Curieux manège, la nostalgie: on veut retrouver par le souvenir une jouissance perdue; et comme on n’y arrive pas, on jouit douloureusement de la perte elle-même. Mais par la bande, on revient vers ce passé où le désir était tonique, intense. La nostalgie est une remontée du désir épuisé, vers les lieux d’autrefois où il espère se relancer; là où il était vivant, aux aguets, impatient de bondir comme un félin. Elle vise le passé, puisque au présent où elle s’anime, le désir est dégonflé, privé de racines. Elle tente de le relancer; elle est un de ses ressorts, incassable et illusoire: elle nous agite sous les yeux l’objet perdu, elle l’agite comme un chiffon rouge devant la bête que nous sommes, et ça nous relance derrière le manque d’autres objets… que dans leur vie dite banale, il y a déjà de l’altérité, en pagaille, mais qu’ils ne la perçoivent pas); je ne m’extasie pas sur les hlqa de la place Djama’ el Fna car déjà enfant je trouvais que le parleur mettait trop la pression, que quand ses mots d’esprit n’avaient pas de succès il rappelait la foule à l’ordre au nom d’Allah (lequel impose toujours le consensus dans ces régions). Mais le son lointain de zouaïa sur la Place s’était ouvert, révélant qu’après le départ des Français, on ne pouvait plus rester là-bas des “protégés”, des dhimmis. Et le roman se déroule sur un weekend, plus un jour, le lundi car un terrible accident s’est produit, que je ne vais pas vous révéler pour vous en laisser la surprise. Mais j’ai mis sur la couverture la photo de ma rue natale L’amour est sans doute la vraie nostalgie. Et j’aime cet amour initial, cette origine qui demande à se répéter mais pas à l’identique. A Marrakech, les fins de samedi, plongés dans l’ombre en attendant la première étoile, nous exhalions la nostalgie de Jérusalem, avec d’étranges psaumes où l’on remercie Dieu d’apprendre à nos mains la lutte et à nos doigts la guerre; à nous qui ne sommes que buée, ombres fugaces, etc. Joli verset, d’ailleurs: force et faiblesse mêlées, violence et douceur... Cela dit, il y a des nostalgies qui se veulent efficaces, opérationnelles, qui semblent vouloir que ça recommence. Pourtant, ce qui rend suspect ce fantasme, c’est que ses promoteurs l’étayent sur une certitude d’allure “scientifique”: “il n’y a jamais eu au Maroc de vrai problème entre juifs et arabes”. Puisqu’ils le disent, pourquoi ne pas les croire sur parole ? Et donc, quand il m’arrive de revenir au Maroc, je suis rétif aux clichés, et bien qu’aimant les touristes (pourquoi mépriser ces braves gens qui viennent faire un tour et se nourrir d’un peu d’altérité qui leur permet de découvrir Vieille synagogue dans le Mellah parvient à mes oreilles comme la sirène d’un bateau immobile qui n’en finit pas de s’enfoncer mais qui flottera toujours: on y vendra toujours de l’incantation pour s’enivrer. Bref, un vendredi récent je me suis trouvé à Marrakech pour le week-end en vue de finir un de mes livres, L’ÉNIGME ANTISÉMITE je crois; et comme j’ai vu que la ville m’échappait, que je ne m’y retrouvais plus aussi bien qu’autrefois, j’ai décidé d’écrire quelques traces qui me lient à elle. La forme qui s’est imposée fut celle d’un roman, où le narrateur, qui fait des romans policiers est là pour en terminer un: Meurtre à Marrakech. Mon inconscient a dû transposer les choses traduisant le fait que la communauté juive de cette ville, qui compta presque trente mille âmes (dix fois plus dans tout le Maroc) a été d’une certaine façon effacée en douceur, éradiquée sans violence (sans trop de violence) juste parce que l’espoir d’aller ailleurs Derb Djama’; regardez-là, la première porte à droite est celle de la petite mosquée, la deuxième porte à droite c’était ma maison. De la mosquée me parvenait assez de texte coranique pour qu’un jour, coincé par une bande près de la Koutoubia qui me traitait de lihoudi et voulait, à ce titre, me casser la figure, j’ai pu victorieusement passer pour un musulman en récitant par coeur des versets de leur Livre. On verra aussi dans ce roman comment un petit garçon de 11-13 ans peut être à la fois très malin et très naïf, mélange fort typique de notre vie làbas, qui tournait sur elle-même, assurée d’être au centre du monde, tout en acceptant parfois des signes évidents du contraire. -*Psychanalyste, écrivain. Vient de publier MARRAKECH, le départ chez Odile Jacob. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 17 ISRAËL La ville fête son centenaire: La turbulente saga de Tel Aviv PAR AMI BOUGANIM Elle s'étale sur pratiquement 14 kilomètres de long. Elle est sillonnée d'autoroutes. Elle est aujourd'hui une mégalopole dont le modèle semble être Los Angeles. Elle est l'opposé de Jérusalem : elle est obsédée par la laïcité au point que les milieux orthodoxes ne sont pas loin de la considérer comme une nouvelle Babylone. Cette ville, aujourd'hui capitale économique et culturelle d'Israël, fête ses cent ans. Comment a commencé cette histoire ? Que représente-t-elle aujourd'hui pour les Israéliens ? Notre collaborateur Ami Bouganim, écrivain et philosophe, vous sert de guide dans cette turbulents saga. I l était une fois un peuple dispersé parmi les nations, il était partout en exil. Quand ses membres se sentaient moisir sous un ciel vermoulu ou transir sur une terre gelée, ils ranimaient le rêve d’un retour surnaturel à une terre promise qui se dérobait tant aux prières qu’elle en était devenue mythique. Dans leur interminable nostalgie s’étendaient les décors lustrés et contrastés d’une cité immémoriale. Ils n’arrêtaient pas de prononcer le nom de Jérusalem du lever au coucher, de jour en jour, d’année en année, de génération en génération. Jérusalem gisait parmi les décombres de leur mémoire et seul l’embrasement de leur imagination pouvait la relever. Jérusalem couvrait la terre d’Israël et la terre d’Israël se réduisait à Jérusalem. Peut-être Hébron où gisaient les Pères et les Mères ; peut-être Tibériade où s’était enlisé le Sanhédrin. Sinon on restait résolument tourné vers Jérusalem, peut-être parce qu’on sentait qu’elle ne se relèvera de ses ruines qu’en accueillant le modèle céleste que le Saint, béni soit-Il, construisait de dires et de douleurs et cimentait de prières et de larmes. Or Jérusalem se montrait rétive. Elle ne se prêterait pas à sa restauration humaine, elle ne réclamait rien moins qu’une résurrection divine. Elle interdisait de provoquer les nations pour précipiter sa réhabilitation juive. Elle dissuadait les avances et on l’habitait plus 18 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 volontiers mort que vivant. Elle se montrait irascible, intransigeante, close. On ne pouvait bouger sans défrayer la chronique céleste ; supporter la densité divine ; endurer les querelles interreligieuses ; répondre aux attentes. On ne s’était pas arraché au ghetto de misère pour un ghetto sacré. On ne savait pas comment ressusciter ses morts, comment l’arracher à ses légendes, comment tirer son modèle céleste vers le bas et l’arrimer à la réalité terrestre. On avait d’autres perspectives sur le ciel et la terre et caressait d’autres rêves pour eux. On ne voulait pas bâtir la cité de Dieu, mais une cité idéale, celle que Herzl dans son roman utopique, Altneuland [Pays ancien, pays nouveau], situe à Haïfa. Le titre de la première version hébraïque était « Tel-Aviv », tiré du verset d’Ezéchiel (3, 15) : « Et j’allai vers les exilés à Tel-Aviv [Tertre-duPrintemps ?], vers ceux qui demeurent près du fleuve Kébar… » On dut se résoudre à contourner Jérusalem et ce n’est pas par hasard que l’on commença par construire des bourgades, des kibboutzim et moshavim et… Tel-Aviv. Jaffa était tellement plus ouverte. A la mer, aux pèlerins, aux millénaristes… aux sionistes. Elle n’était pas sainte, on pouvait tout se permettre. On ne se heurtait pas à un mur, on n’était pas tenu au deuil d’un Dieu, on ne vivait pas à l’ombre de mosquées, on ne croulait pas sous l’amoncellement des vestiges et l’entassement des religions. Tel-Aviv est une ville que l’on dit surgie de dunes sinon du sable. On cultive volontiers ce mythe et si cette année on marque son centenaire, c’est pour mieux le consolider. En 1909, les familles juives réunies pour le tirage au sort destiné à allouer les lopins qui devaient accueillir les premières maisons étaient les plus huppées de Jaffa, où la promiscuité et l’insalubrité devenaient de plus en plus invivables, et de Néveh Tsédek, premier quartier construit par des Juifs maghrébins hors du périmètre de Jaffa sur le modèle d’un village provençal. Ils souhaitaient se donner un quartier résidentiel. Surgie de l’exil Sans plus. En Europe on avait la nostalgie de l’Orient, on Orient, on se mit à avoir la nostalgie de l’Europe. Sans plus. La grande chance de TelAviv n’était ni ses brouetteurs ni ses maçons, ni ses bourgeois ni ses poètes. C’était la jeunesse venue des quatre coins de l’exil pour partager les premiers bancs hébraïques du lycée Herzlya construit parallèlement aux premières maisons. Ils étaient porteurs d’une renaissance. Des rêves, des esprits, des terres. Ils n’étaient plus liés. Ni par les lanières de cuir de leurs pères ni par les lettres de leurs textes sacrés. Ils allaient essaimer partout. Aux quatre coins des terres d’Exil et aux quatre coins de la terre d’Israël. Ce premier lycée hébraïque a été la véritable pierre de fondation de Tel-Aviv et d’Israël. Un ISRAËL Une vue générale de la ville demi-siècle plus tard, on démantelait le lycée pour construire à sa place une première tour. Les autres devaient suivre, grattant un ciel de plus en plus plombé. Le succès de ces tours ne laisse de me sidérer. On s’est d’abord enraciné dans la terre des kibboutzim et des moshavim. Puis on a collé à la terre dans des pavillons et des villas. Maintenant on se perche à je ne sais quelles hauteurs pour connaître le vertige d’être de la contrée sans être de sa cohue. Des banquiers, des industriels, des marchands d’armes, des artistes. Une manière de s’arracher à la terre et à ses plates et irritantes réalités… Dans les années vingt, Tel-Aviv accueillait des boutiquiers et des artistes ; dans les années trente, des émigrés, allemands, autrichiens et tchèques surtout, avertis des dangers qui pointaient en Europe ; dans les années cinquante et soixante, les exilés de retour, bulgares et marocains surtout ; dans les années quatre-vingtdix les réfugiés russes. Entre-temps, la ville s’était donnée des théâtres, parmi les plus talentueux au monde ; des ballets, parmi les plus gracieux au monde ; une université, parmi les plus prestigieuses au monde ; des restaurants, parmi les plus variés et délicieux au monde ; des boîtes, parmi les plus tonitruantes et abracadabrantes au monde. Tel-Aviv avait détruit des quartiers et rénové d’autres. Elle a même remplacé sa vieille gare routière, où je persistais à croire que le Messie était mêlé aux clochards et aux miséreux, pour une gare conçue sous forme d’un abri, où le Messie, je le sais, est absent. Désormais elle ne croirait pas plus au Messie qu’à ses hommes politiques. Se présenterait-il d’aventure à ce grand dancing que serait le port de Tel-Aviv ou au parc Ha-Yarkon qu’on l’inviterait sans ménagement à se rendre à Jérusalem. On n’aime autant Tel-Aviv que parce que c’est une ville d’exilés. De l’extérieur et de l’intérieur, ceux du passé et ceux de l’avenir, réunis pour une sarabande de « vingt-quatre heures par jour ». C’est la ville qui accueille les autres villes – Jérusalem, Béer-Shéva, Haïfa – et qui s’ouvre aux autres villes – New York, Londres, Paris. C’est un centre d’aiguillage des rêves, des talents… des possibilités. C’est une ville de refuge. Pour les célibataires endurcis en quête d’un traitement et les divorcés en quête d’une deuxième chance ; pour les misanthropes et les noceurs. C’est une ville située à tous les croisements. Des civilisations. Des langues. De l’histoire juive. Du réseau des routes et des rails. Une salle d’attente de l’aéroport de Lod d’où l’on s’envole pour « l’ailleurs » et atterrit à « la maison ». C’est la ville alternative par excellence au point de se vouloir une alternative à… soi. En quête permanente de nouvelles couleurs, de nouveaux trends, de nouvelles créations. Toutes les tentatives, toutes les audaces, tous les excès. De toutes les rencontres dont la ville est le théâtre sortent souvent de beaux brins d’humanité et de belles bribes poétiques. La sarabande ne marque pas de pause et ne laisse pas de répit. On doit danser ; s’assourdir ; s’éclater. Car nul ne sait de quoi demain sera fait… Un renouveau philistin C’est plus que New York, Londres ou Paris et c’est ce « plus » qui donne à la ville son excitation. Cette hyperactivité vient de loin. De la volonté de réussir dans un monde précaire et elle n’est pas sans donner une tournure banaustique – de banausia dans Hérodote et qu’Aristote assimile au mauvais goût qu’encourage une certaine pratique de la démocratie – à toute cette agitation. Peut-être le lot du Philistin – à tous les sens du terme – guettant le nouvel Israélien qui trouve son paradoxal « sans-chez-soi » à Tel-Aviv. On sue, on se plaint, on se résigne aux sueurs. On se laisse volontiers tenter. Par le laisser-aller. Le négligé. L’intimité. Les parias d’Arendt achèvent de devenir des parvenus et se comportent comme tels. Dans le commerce ; la culture ; la recherche. Le Juif s’est dépouillé de sa carapace d’exil, s’est longtemps contenté des bleus de travail et des sandales des pionniers et aujourd’hui il se met en smoking pour ses soirées ... On ne se contente pas de la reconnaissance toute locale de son talent, on doit encore briller dans le grand monde. Dans le meilleur des cas, ce nouveau philistin n’est peut-être qu’un pont INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 19 ISRAËL vers un sur-Hébreu ; dans le pire qu’une girouette prise de tournis. D’un côté, on aurait de beaux personnages comme Ronit Elkabetz partisane d’une mystique de l’interprétation théâtrale et cinématographique et Dory Manor qui persiste à tourner en Baudelaire septembre-octobre. Ni Rosh ha-Shana ni Kippour ! L’octroi des prix Nobel ! En principe ce serait dans toutes les disciplines qu’on devait avoir un prix au moins ! Car c’est une ville qui se croit au cœur du dernier cri. Un des brouillons de l’Etat des Juifs tel que Herzl l’avait voulu. Les généraux dans malgré leurs liens de parenté et l’intimité quasi-familiale qui règne entre eux. Ils ne savent pas parler, ils ne savent pas s’habiller. La vieille noblesse allemande, polonaise et marocaine est morte et une nouvelle n’est pas près de se manifester. C’est pourtant la capitale clandestine d’un La vie quotidienne dans les rues de Tel-Aviv ; de l’autre, des enfants gâtés comme Assi Dayan qui ressent un besoin pressant de défrayer la chronique tous les six mois et un psychopathe comme Doudou Topaz qui refuse de descendre de la scène. Derrière ces noms et d’autres se cachent les petits récits de grandeur et de bassesse qui convergent dans la turbulente saga de Tel-Aviv… C’est une ville qui ne cesse de se chercher, de se perdre et de se trouver, ça n’en est pas moins une cité qui bouge, voire une ville qui crâne. On crâne à tort et à travers. Pour toutes sortes de raisons réelles ou potentielles. Avec style et sans style ; avec bon goût et mauvais goût. On est les meilleurs en tout ; on est invité partout ; on perce partout. On est traduit en toutes les langues. Il ne passe pas un jour sans qu’on ne se découvre un nouveau génie ou ne reçoive un prix ou une décoration. TelAviv crânerait tant qu’on peut légitimement la considérer comme la patrie du crânisme, ni plus ni moins brouillon et respectable que le dadaïsme et le surréalisme. C’est ce qui explique que la période la plus tendue dans le calendrier mondain de Tel-Aviv est encore les mois de 20 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 leur base, les rabbins dans leurs synagogues et une co-existence entre les nationalités et les cultures. Sans contraintes ; sans illusions. Tel-Aviv est encore le site d’ancrage le plus solide et vibrant de l’israélisme. On ne redoute pas la bombe iranienne ; on résiste à l’exaltation messianiste. Etat qui n’a pas achevé de se donner des frontières. Une caisse de résonance. Du monde entier, à l’exception peut-être d’Israël et de ses problèmes. Voire la start-up du monde à venir ! Du moins se prend-elle pour telle. Gardez-vous surtout de la démentir. Elle ne pourra jamais se C'est une ville qui se croit au cœur du dernier cri. Un des brouillons de l'Etat des Juifs tel que Herzl l'avait voulu. Une capitale clandestine résoudre à n’être qu’une vaste banlieue de Jaffa-sur-Mer. Du moins parmi les quelques dizaines de milliers d’abonnés de la philharmonique, de Habima et de… Sdérot Rothschild ! Les générations de l’exil sont en train de s’éteindre ; les nouvelles ne sentent pas encore chez elles à TelAviv. On est de passage ; on est en transit. Les chercheurs et les artistes attendent toujours l’invitation d’une université ou d’une galerie étrangères. C’est normal ; c’est trop petit ; le public est trop restreint. La population de Tel-Aviv n’est qu’un vaste rassemblement d’émigrés qui ne se reconnaissent pas les uns les autres Ces dernières années, la troisième génération invoque volontiers le sentiment d’ « être à la maison » pour éluder les questions les plus troublantes : « On se sent à la maison, chez soi, dans sa langue, dans sa colère, dans la vibration sensationnelle des attentats et des scandales et dans la pulsion particulière de la vie qu’on ne trouve nulle part ailleurs. » Pourtant, la création, dans la plupart des Tel-Aviv attend son Ecclésiaste. Dans cette ambiance particulière où l’indolence se mêle avec le divertissement. ISRAËL domaines, nuance ce sentiment. Plutôt que de sentir chez soi dans cette ville, les nouvelles générations se préparent à l’exil, dont la durée varierait de deux mois à… deux mille ans. Le meilleur de la création constitue une grande, trouble et sourde protestation. Contre on ne sait quoi et pour on ne sait quoi. Dans la poésie, auprès des meilleurs poètes ; dans le cinéma, avec les meilleurs cinéastes, dont la plus grande originalité consiste encore à se risquer dans les coulisses de l’Etat hébreu ; au théâtre, où l’on évite le répertoire hébraïque pour ne pas provoquer de nouveaux scandales et s’aliéner des abonnés qui ne souhaitent pas qu’on les poursuive dans les salles avec des démêlés platement domestiques entre Juifs et Arabes, Ashkénazes et Séfarades, religieux et laïcs. La littérature, plus redondante qu’on ne la présente, piétine entre l’encensement d’on ne sait quoi et la dénonciation d’on ne sait quoi. Elle est l’œuvre d’une classe littéraire qui ne sait où elle en est et doit son prestige mondial à ses traducteurs qui constituent encore ses meilleurs bonimenteurs. Depuis le début des années quatre-vingt dix, la musique pop et rock se situe, à quelques exceptions près, en dissidence avec une musique patriotique qui chantait et pleurait, priait et conjurait. Elle pousse volontiers ses cris à l’hystérie. Une banlieue de Jaffa Malgré les déclarations d’amour, de patriotisme et de domesticité, on ne se sent pas – encore ? déjà ? – chez soi. Ni dans les quartiers résidentiels et blancs du nord ni dans les quartiers pauvres et noires du sud. Tel-Aviv est toujours une ville de nulle part. Des rues qui ne savant pas où mener ; des gens qui ne savent vers où se tourner. Une disparité plus grande que partout ailleurs. L’aliénation par rapport aux décors ne s’atténue pas avec les années et les générations qui passent. Les nouvelles architectures seraient même en train de gommer le manuscrit biblique. Le large de l’ailleurs exerce de plus en plus de charmes et on leur succombe souvent pour oublier les tensions et diluer l’insoutenable intensité du «chez soi»… Maintenant qu’elle est centenaire, Tel-Aviv peut se permettre de se mesurer aux trous qu’on tend à occulter dans son histoire. Nul ne souhaite savoir que la ville s’étend sur des terres et des villages arabes rachetés ou détruits. Nul ne veut reconnaître qu’elle n’a été, n’est et ne sera qu’une extension de Jaffa. Les pionniers – européens – de Tel-Aviv ont construit leurs maisons de sable à la manière de châteaux de sable, contrairement aux bâtisseurs levantins d’autres le vieux centre plus hétéroclite qu’éclectique ou international ; d’autres encore le nouveau Tel-Aviv qu’on souhaite plus haut que partout ailleurs autour de la Méditerranée. Dans tous les cas, on ne peut s’empêcher de se demander comment une ville aussi discordante, enchevêtrement de quartiers se chevauchant, grise et déteinte, peut décemment se prétendre blanche alors qu’elle est sale, se croire mondiale alors qu’elle est provinciale, -Tel-Aviv est encore le site d'ancrage le plus solide et vibrant de l'israélisme. - Les paysages bibliques ne se conservent plus que dans les villages arabes de la Galilée. - Je ne comprends pas l'engouement quasigénéral pour ce satané métro. Nul ne semble soupçonner que les métros dans les métropoles ne sont qu'autant de galeries vers lesquelles sont rabattus les humains convertis en rats. de Neveh Tsédek et yéménites de Kérem ha-Témanim qui s’inscrivaient dans une expansion – juive – de Jaffa. Parallèlement à l’occultation de celleci comme berceau, la Méditerranée a été oubliée. Pendant longtemps, elle a fait figure de Grande Demeurée. Elle attendrait du reste sa revanche et on en est à souhaiter, à Dieu ne plaise, un petit ras de marée qui rappellerait sa présence muette. Plus de peur que de mal bien sûr. Cette occultation du berceau condamne Tel-Aviv à n’être précisément qu’une ville de passage pour ailleurs, que ce soit New York ou Paris, une ville que son engouement pour les tendances condamne à n’être qu’un brouillon urbain. On ne cesse au demeurant de corriger l’architecture et le récit qui la porte et qu’elle exhibe. Certains souhaitent, il est vrai, privilégier Jaffa, à laquelle on consent à reconnaître des droits; se déclarer cosmopolite alors qu’elle est nationale, s’imaginer éternelle – Ir Olam – alors qu’elle est éphémère. Dans le heurt des civilisations, c’est la plus enracinée, dans les décors autant que dans les esprits, qui l’emporte. Même au bout de mille ans. La civilisation juive – s’il en est une – ne s’est pas enracinée dans les décors. Les vestiges archéologiques les plus impressionnants sont hérodiens ou croisés. Or Hérode était un collaborateur des Romains, passablement hellénisé, et les Croisés étaient porteurs d’une rature du judaïsme. Dans la ville de David, on ne distingue pas entre les couches cananéennes et les couches davidiques. Sur le mont du Temple trônent des mosquées. Tout le reste, de Gamla à Massada, propose des lieux de résistance, de clandestinité et de désastre. La civilisation juive est d’abord et avant tout textuelle et comme telle est elle de partout et de INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 21 ISRAËL nulle part. Ses monuments, consacrés à la Shoah, aux soldats morts sur le champ d’honneur, aux communautés disparues, conservent un cachet extérieur. De même pour l’architecture – des maisons de la culture soviétiques aux tours newyorkaises en passant par le Bauhaus austro-allemand – qui reste, presque toute, importée. Je ne connais pas de style israélien-méditerranéen, israélien-levantin ou israélienoriental. Ces mots résonneraient mal dans une ambiance où l’Orient est assimilé à l’incurie, le Levant à la veulerie et la Méditerranée à la puanteur. On est du reste en train de ravaler Jaffa en détruisant des bâtisses historiques, en couvrant les terrasses de tuiles rouges et en remplaçant les persiennes par des rideaux garantissant de glauques intimités contre l’intrusion de la lumière. Les paysages bibliques ne se conservent plus que dans les villages arabes de la Galilée. Le désert se couvre de bases militaires, de bourgades de tôles des Bédouins et de localités juives qui menacent 22 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 en permanence de se débander. Trois générations plus tard, on ne serait nulle part chez soi. Ce n’est peut-être pas une parenthèse croisée, ça n’en présente pas moins cette volatilité juive diasporique. A Bnei Berak où les bâtiments décrépissent, du moins extérieurement ; à Méa Shéarim où c’est l’empressement sacré du plus merveilleux des ghettos. Les superpositions des civilisations, nous avertissait Braudel, ne tiennent pas. La civilisation originelle finit toujours par ressurgir : « Les superpositions qui durent des siècles ont des allures d’épisodes1. » Je ne saurais dire quelle est la civilisation locale. A parcourir l’histoire juive et à mesurer les périodes, par trop courtes, de souveraineté nationale juive, je redoute les mauvaises pensées qui m’assaillent concernant leur pouvoir d’endurance. Dans ce contexte, Tel-Aviv devra se résoudre à marquer une pause et à se donner le cœur qui lui manque. Avec goût ; avec délicatesse. Avec du doigté politique et dans le respect de… la mer. Aujourd’hui, Tel-Aviv rêve d’un métro, elle attend son métro, elle se prépare à son métro. Je ne comprends pas l’engouement quasi-général pour ce satané métro. Nul ne semble soupçonner que les métros dans les métropoles ne sont qu’autant de galeries vers lesquelles sont rabattus les humains convertis en rats. Mais autant l’on mène des recherches sur les rats dans les labyrinthes, autant on ignore les séquelles de ces couloirs, de ces quais et de ces wagons sur les humains. Ca débouchera peut-être Tel-Aviv, ça réduira peut-être la pollution, mais à quel prix ! Quelle perte ! Quelle déchéance ! Je sais bien que nous ne sommes ni à l’âge de pierre ni à celui du déluge, mais de là à instaurer l’âge du métro. A Paris, dans son métro, une main anonyme demandait un jour : « Qui est-ce qui est tout pâle, qui a très chaud et qui vit à vingt mètres sous terre ? » A.B -1 F. Braudel, La Méditerranée, Flammarion, 1985, p.169. LA VIE DU CONSISTOIRE ACIP et Consistoire Central : deux assemblées générales dans un climat serein et constructif AG du Consistoire de Paris : 28 juin 2009 L 'assemblée générale du Consistoire de Paris s'est déroulée le 28 juin dernier en présence du Président du Consistoire Central et de Paris Joël Mergui, du Grand Rabbin de Paris David Messas et de nombreux administrateurs de l'ACIP. Il s'agissait là de la dernière Assemblée générale de la mandature actuelle, et a donc permis de dresser un bilan des actions réalisées et des projets lancés ces derniers mois et les années précédentes. Dans son allocution, le Président Mergui a rendu hommage aux permanents de l'institution et aux administrateurs qui travaillent au quotidien au service de la Communauté, et en particulier à ceux et celles d'entre eux dont le mandat arrive à échéance en novembre prochain. Le Président a par la suite rappelé que le contexte qui a entouré la vie de la communauté dans un passé récent (signes de regain d'actes antisémites et crise économique), a rendu à la fois délicate la gestion de la première institution juive de France et d'Europe, mais également nécessaire une mobilisation sans faille dans l'action menée dans les différents domaines qui font la vie de l'institution. D'où " l'importance capitale des synergies recherchées entre le Consistoire de Paris, le Consistoire Central de France et les Consistoires régionaux, et qui ont été accentuées ces dernier mois au service de l'institution consistoriale dans son ensemble ". Dans l'exposé de son Rapport moral, et après avoir passé en revue les moments de peine et de joie ayant émaillé l'année écoulée, le Secrétairerapporteur de l'ACIP Me Elie Korchia est longuement revenu sur les grandes actions menées par l'Institution ces participants présents dans la salle de poser librement de nombreuses questions concrètes et constructives, dans un climat positif, relatives aux divers domaines d'activité de l'institution. Tant le Président, les administrateurs et le grand rabbin de Paris ont apporté les éléments de réponse attendus. Une fois ce débat achevé, il a été procédé au vote Le président Joël Mergui et le grand rabbin de Paris David Messas entourés des administrateurs de l'ACIP derniers mois : des 10 jours du Consistoire, aux projets en faveur du patrimoine, en passant par les relations avec les pouvoirs publics, les actions en faveur d'Israël, de la jeunesse, des Talmudei Torah, et de la culture. Le Trésorier de l'ACIP Joseph Haddad a par la suite présenté le rapport financier, en insistant sur l'impact de la crise financière actuelle sur les recettes de l'institution et sur le fait que grâce à une maitrise des coûts, et malgré un déficit global en terme de résultat net, l'excédent opérationnel de l'ACIP ait pu être maintenu au cours de l'exercice (cf. les tableaux des comptes 2008 dans notre précédent numéro). S'en est suivie une longue séance de questions-réponses qui a permis aux des comptes 2008 qui ont été adoptés à l'unanimité. Après les mots de conclusion prononcés par le Grand Rabbin de Paris David Messas, qui s'est félicité de la très bonne entente existant avec le Président, les administrateurs et l'ensemble des Présidents de communautés et des rabbins, et qui a rappelé l'importance des dossiers sur lesquels travaille le grand rabbinat de Paris, le Président Mergui a achevé la réunion, en rappelant que le climat apaisé qui règne actuellement au sein de l'institution consistoriale, que ce soit au Consistoire Central ou au Consistoire de Paris, constitue l'un des résultats les plus importants et porteurs d'avenir de la mandature qui s'achève. AG du Consistoire Central : 21 juin 2009 Un an exactement après l’élection du grand rabbin de France Gilles Bernheim et du Président du Consistoire Central Joël Mergui, l’assemblée générale du Consistoire Central s’est tenue dimanche 21 juin à l'Ecole Rabbinique de France dans un climat très positif, en présence du grand rabbin de Paris David Messas, du grand rabbin du Consistoire Central René-Samuel Sirat, du Directeur de l’Ecole Rabbinique de France le grand rabbin Michel Gougenheim, du grand rabbin du Consistoire de Paris Alain Goldman, de l’ensemble du Bureau du Consistoire Central, des Présidents des Consistoires régionaux et de nombreux dirigeants des communautés juives venus de toute la France. Le Président du Consistoire Joël Mergui a abordé les principales actions entreprises au cours de l'année écoulée : installation du nouveau grand rabbin de France, soutien apporté aux petites communautés en difficulté à travers tout le pays, jeunesse, information et communication, contacts pris à tous les niveaux des pouvoirs publics pour défendre les projets essentiels du judaïsme français, priorité donnée à l’essor de l'Ecole Rabbinique de France, et défense du patrimoine juif. Les difficultés financières de l'institution en cette période de crise économique ont été mises en avant avec un effort de solidarité tout INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 23 LA VIE DU CONSISTOIRE particulier demandé à l'ensemble des communautés juives pour soutenir l’institution centrale du judaïsme français. Le rapport moral, présenté par le secrétaire-rapporteur Luc Pincaut, ainsi que le rapport financier présenté par le trésorier David Amar, ont été adoptés à l’unanimité moins une abstention. Le Grand Rabbin Gilles Bernheim a ouvert son discours en bénissant l’assistance. Il a ensuite rendu un vibrant hommage à son prédécesseur le Grand Rabbin Joseph Haïm Sitruk, pour l’ensemble des actions qu’il a menées à la tête du rabbinat français. Le Grand Rabbin de France a rendu un hommage appuyé au Grand Rabbin Emmanuel Chouchena pour son action en tant que directeur de l’Ecole Rabbinique de France. Dans son allocution, le Grand Rabbin de France a repris les grandes lignes de son action, entamée depuis le 1er janvier dernier, en collaboration avec le Président Joël Mergui. Le Grand Rabbin de France a en outre annoncé les membres de son cabinet, composé notemment du chef de cabinet Eliya Bernheim, du Grand Rabbin Bruno Fiszon, du Grand Rabbin Haïm Korsia, le Rabbin Betzalel Levy, et du Rabbin Moché Lewin. Le Grand Rabbin de France a également annoncé qu'après de premières responsabilités d'ores et déjà accordées dans les domaines de la Cacherout, de l'éducation, des Affaires de société et de l’Enseignement supérieur, et de la Communication et des médias, de nouvelles responsabilités seront attribuées au sein de son cabinet après les fêtes de Tichri sur les pôles d’actions suivants : Transmission de la mémoire ; Solidarité et Relations avec nos aînés ; Handicap ; Hôpitaux ; Développement des communautés régionales et de l’Outre-mer ; Prisons ; Programme et cérémonies de Bat Mitsva ; Relations avec Israël et le rabbinat israélien ; Conversions ; Jeunesse et Vie Associative ; Concession des cimetières et rituel mortuaire. Le Grand Rabbin de France a évoqué ensuite ses visites au sein de nombreuses communautés de France et son investissement dans la redynamisation de l’Ecole Rabbinique de France. L’Assemblée Générale s’est achevée par la lecture par le Président Mergui d’un communiqué du Consistoire Central et du Crif, sur la volonté forte et commune des deux institutions de travailler de concert et d’unir leurs efforts au service du judaïsme français dans son ensemble. “Les 10 jours du Consistoire” : Le grand rendez-vous de la rentrée P application des nouveaux outils et manuels pédagogiques et des nouveaux programmes qui ont été élaborés au cours des derniers mois. Avec un programme attrayant et des formations adaptées, le Consistoire souhaite voir le nombre d'enfants inscrits au Talmud Torah augmenter encore. our la troisième année consécutive, le Consis-toire organise, à l'ini-tiative du Président Joël Mergui, ses "10 jours" qui se dérouleront cette année du 5 au 15 septembre à Paris et dans les principales villes de province. Cette opération de sensibilisation sur la mission et les enjeux de l'institution a été lancée en 2007 et est devenue un rendez-vous incontournable de la rentrée consistoriale. L'objectif principal demeure la présentation la plus large possible de l'action que mène le Consistoire au quotidien au service de la vie juive, une action trop souvent mal connue. Lancée initialement à Paris il y a deux ans, cette opération a été étendue l'an dernier à l'ensemble de la France, ce qui sera évidemment encore le cas pour le cru 2009. Parmi ces chantiers et projets sur lesquels le Consistoire entend mettre l'accent depuis quelques années, on trouve avant tout la jeunesse et la transmission. Centre Fleg, Chabbats Jeunes, Tikvatenou, Team Roquette, la Hazac, le Haftara Club… autant de chantiers majeurs lancés et développés au cours des dernières années et qui seront mis à l'honneur à 24 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 Le Consistoire a déjà fait beaucoup d'efforts au cours des derniers mois pour impliquer le maximum de jeunes dans la vie de nos communautés afin qu'ils en deviennent les acteurs principaux. Ces dix jours seront une fois de plus centrés autour de notre jeunesse. Mais au-delà de la jeunesse, les thèmes traditionnels de l'action consistoriale seront à nouveau mis à l'honneur au cours de ces 10 jours, avec en particulier le patrimoine (notamment après le récent lancement de la Fondation pour la Patrimoine Juif de France), la culture (avec la journée européenne de la culture et du patrimoine juifs en France le 6 septembre et une exposition de peinture), la cacherout (journée de découverte des produits cacher), le mariage (avec la désormais traditionnelle soirée des mariés), le Beth Din (avec une journée de rencontre et de dialogue autour de tous les domaines de compétence du Beth Din), la Mémoire (avec la cérémonie des déportés le 13 septembre), etc … Dans cette dynamique, le Talmud Torah est un point central, avec la rentrée nationale qui aura lieu le 6 septembre, et qui sera l'occasion de présenter la formation des maîtres, la mise en A noter que cette année sera également organisée une journée " portes ouvertes " qui permettra à tous de venir découvrir et dialoguer avec les services du Consistoire. l'occasion d'une journée consacrée à la " jeunesse du Consistoire en mouvement". LA VIE DU CONSISTOIRE Une autre nouveauté résidera dans la journée sur le thème du partenariat et de la solidarité, permettant aux grandes communautés de venir en aide aux plus petites dans un esprit de solidarité et d'entre-aide communautaire qui est au cœur même de la mission du consistoire partout en France et qui constitue une priorité majeure de l'action consistoriale menée au cours des derniers mois dans de nombreux domaines et de nombreuses régions de France. C'est également au cours de ces 10 jours que sera organisée la cérémonie permettant aux pouvoirs publics de présenter les vœux de la République à la communauté juive, comme c'était le cas les années précédentes avec le ministre de l'Intérieur. Une façon de réaffirmer avec force les liens sans faille qui unissent les juifs de France et la République. A cet égard, un événement majeur destiné à réfléchir sur les liens entre les juifs et la société sera organisé au cours des dix jours. Enfin, la solidarité sera également au rendez-vous à travers notamment une opération destinée à mettre en avant le " Kavod du à nos ainés " et une mobilisation à cet égard dans les communautés juives de France. Et plus généralement, comme l'an dernier, ces 10 jours se déclineront dans toute la France, puisqu'à coté de Paris, ce sont plusieurs communautés en province qui organiseront dans une dynamique globale des événements majeurs visant à mieux faire connaitre le consistoire dans tous ses domaines de compétence. Au total, les 10 jours du Consistoire constituent une période de mobilisation, d'adhésion et de préparation pour l'année qui s'ouvre. En quelque sorte, une action emblématique forte pour rappeler que la mission du consistoire au quotidien est d'abord tournée vers l'action constructive menée tout azimut sur le terrain au service du plus grand nombre et dans tous les domaines de la vie juive. Renseignements et programme : 01.40.82.26.33 01.49.70.88.07 www.consistoire.org www.consistoiredefrance.fr Ce qu'ils en disent ... “Le Consistoire est une institution qui régit la vie juive en France depuis deux siècles. Grâce aux dix jours du Consistoire, l’ensemble de la Communauté juive de France va pouvoir apprécier à sa juste mesure le formidable travail réalisé par nos rabbins, présidents et membres actifs des synagogues et qui font que notre Judaïsme en France est l’un des plus riches et des plus dynamiques au monde. Le Consistoire propose durant ces dix jours de très nombreuses manifestations, de grande qualité, qui permettront à la Communauté juive de France d’en ressortir encore plus forte, plus unie et toujours au cœur de notre noble institution consistoriale.” Gilles Bernheim, grand rabbin de France “Le chiffre 10 est éloquent pour la tradition juive puis-qu’il évoque autant les 10 paroles de la Création, les 10 paro-les de la Révélation et les 10 jours de la téchouva. Ainsi le chiffre 10 nous relie autant à notre Créateur qu’à notre responsabilité humaine. C'est à travers cette symbolique que le Consistoire organise ce grand évènement des "10 jours de l'ACIP" afin de présenter à l'ensemble de la Communauté, ses réalisations et ses projets. Mais surtout pour que chaque membre de notre belle communauté prenne conscience du rôle central que joue le Consistoire pour perpétuer nos valeurs, nos traditions au sein du peuple juif, pour nous aujourd’hui et pour nos enfants demain.” David Messas, grand rabbin de Paris “Comme cela a déjà été le cas les années précédentes, nous devons continuer de sensibiliser à la fois l’ensemble de la communauté juive et au-delà sur la centralité et l’importance de nos actions menées au quotien sur le terrain au service de chacun des fidèles de nos communautés afin de solliciter l’aide et le soutien du plus grand nombre et de créer ainsi une dynamique au service de la communauté dans son ensemble. Le Consistoire est et restera la pierre centrale de la vie juive en France. C’est notre responsabilité de continuer à solidifier l’édifice pour le transmettre à nos enfants. Si ces dix jours peuvent y contribuer, l’objectif aura été rempli”. Joël Mergui, Président du Consistoire Central et de Paris. JOURNÉE EUROPÉENNE DE LA CULTURE ET DU PATRIMOINE JUIFS EN FRANCE par Michèle Rotman* R assembler et sensibiliser les européens au patrimoine historique et culturel juif, faciliter l'accès de tous à la culture, souligner la nécessité de préserver ce patrimoine de la destruction et de l'oubli, développer un tourisme européen autour de ce patrimoine, tels sont les axes des Journées Européennes de la Culture et du Patrimoine Juifs. Michèle Rotman Le Consistoire de Paris est membre fondateur du JECPJ-France et tout au long des années, tout en en égrenant les différents thèmes, l'ACIP a porté très haut cette manifestation. L'année dernière, par exemple, le thème en était la musique et c'est avec un concert de hazanout de toute beauté que la synagogue des Tournelles fêta l'évènement, synagogue remplie à craquer avec un public juif mais aussi nonjuif, qui scandait à l'unisson quelques airs populaires de musique Klezmer et judéo-andalouses choisis justement pour montrer l'étendue des musiques juives. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 25 LA VIE DU CONSISTOIRE Cette année, dimanche 6 septembre 2009, sera le 10ème anniversaire de cette manifestation qui favorise la mise en valeur d'un héritage riche et vivant. Cet évènement a sa place au sein de la République comme au sein de l'Europe. Cette possibilité était facilitée par deux circulaires ministérielles des 28 novembre 1975 et 14 février 1991, et confirmée par la circulaire du 19 février 2008. Le thème en est " Fêtes et Traditions ". S'il y a un thème qui s'applique vraiment au patrimoine culturel et cultuel des Consistoires, c'est bien celuici et le programme va être très riche, très étendu avec, en point d'orgue, un concert à la grande synagogue de la Victoire de 18 H à 19 heures. " Le mariage " sera illustré à 16 heures par le Grand Rabbin de Paris David MESSAS, suivis d'une grande conférence sur " le Chabbath " du Président Joël MERGUI. Une avancée importante a été réalisée par la loi de 19 décembre 2008. Dans la tradition juive, les diverses étapes du " temps juif " sont scandés par les fêtes. Indépendamment des aspects métaphysiques et religieux, le public pourra en découvrir les facettes culturelles et historiques et la dimension éthique et humaniste. Quant aux traditions, qui assurent la transmission de génération en génération, du culte, des coutumes, des arts, elles font partie de l'héritage culturel de la composante juive de la société environnante qu'elle a d'ailleurs souvent influencée. Trente pays européens ont retenu la date du dimanche 6 septembre 2009, avec un étalement possible sur les jours immédiats qui précédent ou qui suivent cette date officielle. C'est assez émouvant de constater qu'en France, mais aussi en Bulgarie, en Grèce ou au Royaume-Uni, en même temps, des milliers de sites juifs ouvriront leurs portes au grand public. Cette journée est une véritable réussite qui prend davantage d'ampleur chaque année et qui sera le coup d'envoi des " Dix Jours du Consistoire ". -*Vice-Présidente du Consistoire de Paris, Résponsable de la journée européenne de la culture et du patrimoine juifs Respecter nos défunts par Jack-Yves Bohbot* P arler du dossier funéraire reste particuliè-rement délicat car il touche au plus intime, très sou-vent au plus sou-vent de nos expé-riences person-nelles. Ces der-nières années, se pose de manière aigüe le problème du devenir des restes mortuaires en fin de concession. Nous avons connu une rapide montée en puissance de Jacques-Yves bohbot cas de concessions temporaires non renouvelées au bout de quinze ou trente ans, ou de concessions perpétuelles en état d'abandon. Les raisons de ces abandons sont nombreuses : dislocation des liens familiaux, départ de France, extinction des familles après la Shoah ou tout simplement " oubli " de renouveler la concession. La découverte d'une tombe exhumée créé pour chaque famille la douleur que chacun que peut imaginer. La communauté a du faire à ces situations en trouvant des réponses dans l'urgence mais elle a aussi constamment demandé aux collectivités de créer " autant que faire se peut " des ossuaires réservés aux restes des défunts de même confession. 26 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 La législation organise désormais la pratique de la crémation administrative, mais la restreint en cas d'opposition "présumée" du défunt Dans un souci de tolérance vis-à-vis des musulmans et des juifs, dont les religions s'opposent à la crémation,. Le rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, Philippe Gosselin, qui m'avait auditionné et à qui j'avais rappelé l'interdiction formelle de l'incinération pour notre religion, a indiqué en séance " qu'on peut également concevoir que l'inhumation d'une personne dans un carré confessionnel juif ou musulman ou encore la présence de symboles de l'une de ces religions sur sa pierre tombale atteste tacitement de l'opposition du défunt à la crémation". D'autre part, la loi a institué que le maire " affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. ". Ce qui constitue une belle avancée pour notre communauté. Une première concrétisation a pu être réalisée ces dernières semaines pour le département de Val-de-Marne grâce au Président du Consistoire de Paris, Joël Mergui. Un ossuaire est mis à la disposition du Consistoire au cimétière de Valenton : il est destiné au transfert des restes mortuaires dont les concessions arrivent à échéance dans les cimetières de Créteil, SaintMaur, Nogent, Charenton, SaintMaurice, Bonneuil, Maisons-Alfort et Joinville. Pour Paris, les discussions ont été engagées avec la Ville et un projet d'ossuaire est envisagé au cimetière parisien de Thiais. Le respect de nos défunts reste au cœur des préoccupations du Consistoire. --*Président de la Commission Hevra Kadicha du Consistoire de Paris, Vice-Président du Consistoire Central LA VIE DU CONSISTOIRE Inauguration d'une maison de retraite à Montpellier O rganisée par la Communauté juive de Montpellier, la pose de la première pierre d'une maison de retraites a couronné plusieurs années d'efforts menées sous l'impulsion du Président de la communauté, M. Joseph Bensoussan. A Montpellier qui s'honore de la présence du plus ancien Mikve d'Europe, on compte deux synagogues, une école, deux mikvaot et bientôt une maison de retraite! " Une communauté exemplaire " dira le Président du Consistoire Central et de Paris Joël Mergui venu témoigner sa reconnaissance à la mobilisation communautaire, mais aussi à M. Georges Frèche, Président de la Région et Maire de Montpellier. " Ce matin après la visite de l'école, je me suis dit que dans soixante ans ces enfants seraient en âge d'aller dans cette maison de retraite. 60 ans qui nous ramène à l'histoire des 60 ans passés, à l'immédiat après-guerre et à la Création de l'Etat d'Israël. Poser la première pierre d'une maison de retraite c'est vouloir affirmer la confiance dans les valeurs de la République et en des hommes qui, comme Georges Frèche, se lèvent et se lèveront pour soutenir et défendre le peuple juif et Israël". Mêlant souvenirs personnels et racontant l'histoire de son père durant la guerre, M. Frèche dit d'une voix emplie d'émotion: " Le peuple juif a été, est et sera toujours seul pour affronter l'hostilité, l'adversité. Je serai fier qu'au dernier jour de ma vie, on puisse dire de moi: il fut un compagnon de route du peuple juif, ce sera ma plus grande fierté ". Bénédiction des Olim à la Roquette La désormais traditionnelle cérémonie de Bénédiction des Olim, organisée depuis quatre ans par le Consistoire, s'est déroulée le 16 juillet à la Le grand rabbin de France et le Président du Consistoire entourés du grand rabbin de Paris, de l'Ambassadeur synagogue de la Roquette ornée d'Israël, du directeur de l'Agence juive, du Président de de drapeaux Bleu et Blanc et où l'AMI et du directeur du KKL pour la Bénédiction aux Olim les jeunes de la Team Roquette ont très activement préparé cette manifestation. Il y avait foule et l’émotion partagée était palpable tant dans l’assistance que du côté des orateurs appelés un à un à la tribune pour bénir, encourager, féliciter et souhaiter bonne chance aux nouveaux immigrants. La cérémonie a eu lieu en présence du grand rabbin de France Gilles Bernheim qui a parlé de l'exigence de ce choix et qui conseilla aux partants, d’aller à la rencontre des rabbins français qui ont eux- même fait leur Alya, du grand rabbin de Paris David Messas qui a rappelé qu'Israël est un miracle quotidien, du Dayan Kohen, de Daniel Shek, Ambassadeur d'Israël en France, de Gil Taieb Président de l’AMI, de David Roche, Directeur de l'Agence Juive et du Président de la synagogue Serge Benhaïm. Le Président Joël Mergui salua les Olims comme autant d’enfants qui nous quittent et fit le voeux que « pour chaque juif qui part un autre juif vienne prendre sa place au sein d’une de nos synagogues ». Et de lancer un message fort aux représentants officiels d’Israël pour que lors de leurs passages à Paris, ils rendent visite à nos synagogues en hommage au travail fait par les synagogues de France pour Israël. Daniel Shek a remercié la Communauté juive de France de l'intensité de son attachement à Israël et souhaité que les Français en Israël restent français afin d'apporter leurs différences à Israël. En clôture, le Président Mergui, avec le Grand Rabbin Bernheim et le grand rabbin Messas, remirent à Daniel Shek et David Roche un parchemin sur lequel sont inscrits les noms des 700 heureux Olims qui partiront cet été alors que l’assemblée émue et debout entonnait la Hatikva. C'est parti pour les jeunes de la 'Hazac L es jeunes de la 'Hazac se sont réunis le 28 juin pour une journée de formation au Consistoire afin d'être mieux préparés pour leur premier Chabbat en province. Constitués en petits groupes de quatre à six jeunes, la 'Hazac est une belle opération de solidarité et de générosité. Sous l'impulsion du Président du Consistoire Joël Mergui et coordonné par Menahem Engelberg, le groupe a pu bénéficier des conseils en 'Hazanout, prise de parole et contacts avec des auditoires aux attentes diverses. La réunion de travail a été ouverte par le grand rabbin de France, le grand rabbin de Paris et le Président du Consistoire. A l'occasion de ce premier Chabbat exceptionnel en province le 4 juillet, étaient concernées les villes de Lunéville, Béziers, Gap, Le Havre, le Mans et Rennes qui ont toutes accueilli les jeunes de la 'Hazac qui ont fait l'unanimité. Des garçons qualifiés partout de " sérieux, chaleureux, très motivés, enthousiastes, de belles voix". Malgré la date estivale, les Communautés ont fait honneur à la 'Hazac. Partout les fidèles sont venus plus nombreux que d'habitude. M. Abitbol, Président de la Communauté de Béziers souligne " l'importance pour les jeunes isolés dans leurs régions, qui voudraient pratiquer mais souvent sont arrêtés par un sentiment de gêne, de voir des jeunes aussi impliqués. Ils découvrent un aspect très tonique du judaïsme souvent absent de nos communautés isolées et vieillissantes. Cette identification possible ne peut qu'être très positive. Cette initiative est essentielle. Ses retombées seront déterminantes pour l'avenir, peutêtre n'en prenons-nous pas encore toute la mesure". A noter également que dans ce domaine de l'implication des jeunes dans les communautés de province, le tour de France de la Team Roquette s'est poursuivi à Troyes le 11 juillet où ils étaient plus de soixante venus de toute la France pour célébrer un Chabbat exceptionnel. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 27 LA CHRONIQUE La guerre des juifs A u cœur de l'institution culturelle née des utopies de la Libération, un metteur en scène israélien fait résonner le récit de la destruction du royaume de Judée. Voici donc Flavius Josèphe, interprété par Amos Gitaï, dans Cour d'Honneur du Palais des Papes, de ces papes, un temps chassés de Rome, et qui en Avignon, autorisèrent les rois de France à chasser et à spolier les juifs… pour leur donner asile en leurs États. Le récit de Flavius Joseph s'installe en un haut lieu de l'histoire des juifs de France, dans le Comtat Venaissin, où des communautés ont vécu un millénaire, pratiquement sans interruption. peuple juif. Une guerre d'hégémonie oppose la première puissance diasporique, c'est-à-dire le judaïsme américain, à la majorité politique élue par les Israéliens. Vu de France, le judaïsme américain paraît bien étrange. Ici, les institutions juives tiennent pour un principe le respect des choix politiques de l'État d'Israël. Toutes les tendances politiques israéliennes traversent la communauté juive de France, de la Paix maintenant à la droite religieuse, mais confrontés au dénigrement systématique de la politique d'Israël, à l'outrance de la propagande, les juifs français privilégient la solidarité sur la critique. Il est même arrivé qu'un ambassadeur d'Israël s'étonne de l'activité d'une Il est assez difficile de concevoir une politique quand on vit à la portée des tirs de roquettes. La singularité de Flavius Josèphe, c'est d'avoir inscrit le plus petit peuple de l'empire romain au centre d'une histoire qui prenait alors les dimensions du monde connu. Hier comme aujourd'hui, la Judée n'était qu'un petit pays, dont la conquête militaire était bien peu de choses en regard de celles de la Gaule, de l'Égypte ou de l'Afrique du Nord. Nous connaissons les autres conquêtes romaines par des historiens latins. La guerre des Gaules nous est racontée par César lui-même. Celle des juifs demeure par le récit d'un juif, et, bien évidemment, par l'influence d'un autre, Jésus, dont les disciples eurent finalement raison du paganisme romain. Dans une vision moderne, Flavius Josèphe serait considéré comme un traître, au service de l'occupant. Or les récits de ce traître ont contribué à la renaissance d'Israël, faisant de Massada un symbole, légitimant le retour à Sion par le récit de sa seconde chute. T andis que l'on joue la Guerre des Juifs en Avignon, une autre guerre se dessine à l'intérieur du 28 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 seconde ambassade. Les juifs américains sont, eux, totalement décomplexés. Nous devons, nous, répondre en permanence à des critiques " de gauche ", qui tiennent Israël pour le bras armé de l'impérialisme américain. Aux EtatsUnis, les juifs sont au cœur de ce que l'on appelle la gauche, ils votent démocrates à une large majorité. Bien des synagogues peuvent jalouser la Maison-Blanche, où l'on peut à tout moment réunir un minian, avec les conseillers de Barak Obama. C'est également vrai au Sénat, depuis la poussée démocrate. Convaincus que l'État d'Israël ne peut se passer d'eux, ce qui n'est pas tout à fait inexact, les juifs américains gouverneraient volontiers à la place de Benjamin Netannyahou. Sur le fond, je ne doute pas de la supériorité intellectuelle des juifs de la présidence américaine, qui ont, sans nul doute, des vues stratégiques et politiques plus élaborées que celles d'Avigdor Lieberman. Qu'on le veuille ou non, la ligne politique défendue par le président des États-Unis est la seule qui puisse garantir la pérennité et la sécurité d'Israël. Obama s'inscrit dans la lignée de Carter et de Clinton. Mais Carter ne se substituait pas à Begin et Clinton ne négociait pas à la place de Rabin et Peres. Le Premier ministre d'Israël et, plus encore, son ministre des Affaires étrangères se trouvent en porte-à-faux avec la diplomatie américaine et, de ce fait, en conflit ouvert avec le lobby juif américain. Si bien que le président de la République française se met à conseiller, fort judicieusement, Netannyahou, en l'invitant à remplacer Lieberman par Tsipi Livni… Il est vrai que Netannyahou devra tôt au tard songer à l'ouverture, avec un atout que Nicolas Sarkozy n'a pas encore, qui est la quasi-disparition de la gauche socialiste. Mais, décidément, Jérusalem, ce n'est ni Paris, ni Washington. L e système politique israélien est, certes, catastrophique. On ne décide pas de la paix et de la guerre à la proportionnelle. Même si Israël a toujours vécu une certaine proportion de guerre et de paix, on ne peut éternellement revenir sur ses engagements internationaux, parce que deux ou trois députés indispensables aux majorités de la Knesseth conditionnent leurs votes à l'octroi de crédits pour la construction de douze logements dans les territoires. En Israël, des décisions de portée considérables sont prises, pour une poignée de voix. Les partis religieux n'étaient pas encore très puissants quand un gouvernement a ordonné le respect du shabbath à la compagnie El-Al. Au moment où l'aéroport Ben Gourion se développait jusqu'au gigantisme, Israël handicapait sa propre compagnie. On comprend le principe, bien sûr. Mais on sait, aussi, qu'aujourd'hui, il y a beaucoup plus de juifs qui travaillent le shabbath sur l'aéroport Ben Gourion qu'à l'époque où El-Al assurait ses vols sept jours sur sept. Toutes les compagnies du monde profitent de ce jour de grandes DE GUY KONOPNICKI migrations ! Cette affaire n'est qu'une anecdote, mais c'est ainsi que se prennent les décisions d'Israël. C'est facile. Pourquoi a-t-il pris cette importance ? Pendant vingt ans, le combat pour la libération des juifs Si les conditions de la paix sont réunies, Israël ne demandera pas à ses partenaires de lui présenter des représentants purs et sans taches. Quelques voix complètent une majorité. L'avenir d'Israël peut dépendre d'un groupe de pression disposant de quelques députés. I l y a un lobby juif aux Etats-Unis. En Israël, il y a des centaines de groupes, dépositaires de la véritable Tora, gardiens du sionisme authentique, représentants d'une communauté particulière de l'ancienne diaspora, habitants d'une parcelle de terre dont Menahem Begin l'évacuation serait forcément une trahison, puisqu'elle se trouve dans les textes anciens. Le lobby juif américain peut se prévaloir d'une certaine cohérence. En Israël, il y autant de vérités juives que d'organisations et de groupements. Pour autant, il serait un peu trop simple d'imaginer qu'un bon remaniement ministériel suffirait à ouvrir la voie de la paix. Si la paix dépendait des juifs et d'eux seul, Israël n'aurait jamais connu la guerre. L'état indépendant de Palestine aurait été créé en 1947, conformément aux résolutions de l'ONU. Il se trouve que les choses ne sont pas passées ainsi. Les Israéliens sont méfiants, inquiets. Le morcellement de la vie politique n'est que le reflet de leurs inquiétudes. On peut crier haro sur Lieberman, cet irresponsable d'où vient tout le mal ! d'URSS a été au centre de préoccupations d'Israël et des grandes communautés de diaspora. Ils sont finalement venus en Israël, ces frères tant attendus, ceux dont nous brandissions les portraits dans les manifestations. Ils arrivent, avec derrière eux des siècles de persécutions et soixante-dix ans d'acculturation forcée. Ils apportent le meilleur et le pire, ils ne sont pas tous médecins ou violonistes, mais en Israël, les escrocs Yitzhak Rabin et les proxénètes ne sont pas forcément russes. Ils votent mal, ces Russes ! Ils ne sont pas les seuls. Il est assez difficile de concevoir une politique quand on vit à la portée des tirs de roquettes. L a paix dépendrait donc d'une meilleure composition du gouvernement d'Israël ? C'est possible. Il ne semble pas, cependant, que l'Autorité palestinienne de Ramallah et le gouvernement Hamas de Gaza soient composés d'esthètes et de philosophes. Faut-il s'entendre avec les corrompus contre les fanatiques ? Le peuple palestinien a droit à la justice et à la liberté. On ne saurait dire que ses dirigeants, ceux du Fatah comme ceux du Hamas, incarnent ces hautes valeurs politiques. C'est l'affaire des Palestiniens. Si les conditions de la paix sont réunies, Israël ne demandera pas à ses partenaires de lui présenter des représentants purs et sans taches. Cette catégorie, fort rare en politique s'avère introuvable dans un environnement régional plus familier des assassinats et des coups d'état que de la démocratie. L es dirigeants d'Israël, quant à eux, sont ce qu'ils sont. Je ne puis cacher que j'en ai préféré d'autres. En tout état de cause, ceux dont le nom a été attaché à un geste de paix n'y était pas prédisposés. Begin passait pour un mystique de la politique de force avant de céder le Sinaï à l'Égypte. Rabin n'a jamais incarné l'aile pacifiste du sionisme socialiste, il avait la réputation de ne croire qu'à la force militaire. Il avait rarement prononcé le mot " palestinien Ariel Sharon " avant de rencontrer Arafat. Il était difficile d'imaginer Sharon ordonnant l'évacuation des implantations de Gaza. Il se peut que Benjamin Netannyahou nous surprenne un jour. Lui ou un autre. En attendant, tout recommence toujours. Arafat n'a pas été sanctifié par les médias occidentaux quand il acceptait la paix, mais quand il a soutenu le terrorisme pour mieux masquer l'enlisement et la corruption d'une Autorité palestinienne qui ruinait les espoirs de paix en détournant l'aide internationale. Et tout le monde parle aujourd'hui, comme si de blanches colombes attendaient à Ramallah et à Gaza, l'avènement d'un gouvernement israélien enfin présentable. Comme si l'on ne savait pas, qu'en fait, les juifs n'ont jamais de chefs très présentables ! INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 29 REPÈRES Jo Amar notre ami Jo Amar, l'exceptionnel hazzane (chantre) qui vient de nous quitter était mon ami. Il était devenu célèbre en Israël dans les années 70 avec des chansons comme "Barcelona ". On le considérait comme " un chanteur oriental " ce qui, à l'époque mais également aujourd'hui, signifiait marginal, de seconde zone. Il n'en avait cure parce qu'il aimait Israël de toutes ses forces. C'était, de plus, un homme de foi et de bonne compagnie. Il tenait à rester fidèle aux enseignements de ses pères et singulièrement des rabbins de sa communauté d'origine : le Maroc. Il adorait raconter, entre autres, les histoires drôles de son enfance. Il faisait partie, avec le rabbin David Bouzaglo et Salomon Amzallag dit Samy ElMaghribi, tous deux disparus, des plus grands chantres synagogaux que le judaïsme marocain ait produits. Jo Amar avait un temps créé une école de formation de hazzanim en Israël. Je garde personnellement des quelques cérémonies de kippour où j'ai servi bien modestement à ses côtés d'inoubliables souvenirs. Il y a deux ans, il avait eu un accident vasculaire qui l'avait frappé de paralysie. Il s'est éteint à Los Angeles auprès de ses enfants. Il avait 79 ans. Yéhi zikhro baroukh. Que bénie soit sa mémoire ! V.M Jo Amar Le pays des miracles Le patrimoine de la communauté juive A la veille de la visite qu'il a faite en France et au cours de laquelle il a été reçu par le président Sarkozy, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a déclaré au magazine Paris Match : " En soixante et un ans d'existence, Israël a réussi des miracles. Nos puces électroniques permettent aux ordinateurs du monde entier de fonctionner, nos systèmes d'irrigation sont installés dans de nombreux pays arides, nos scientifiques forment des médecins qui soignent des gens partout sur la planète. Pas mal pour un pays qui n'a pas eu un seul jour de répit ! Dans le contexte actuel de crise mondiale, nous pouvons nous targuer d'une économie robuste et développée. Je le dis avec d'autant plus de fierté que j'y ai œuvré lors de mon premier mandat de Premier ministre, et ensuite lorsque j'ai été ministre des finances ". Notre confrère " La Croix " a consacré le 16 juin dernier une page à la mobilisation de la communauté juive pour son patrimoine. Le journal rappelle que le patrimoine juif en France est " composé à la fois de monuments (synagogues, cimetières, mikvaot ou bains rituels ), de structures urbaines, d'objets cultuels, mais aussi de musiques, d'archives, etc - a été redécouvert au début des années 1980, à la faveur notemment des Journées du Patrimoine…Une journée, devenue depuis européenne, de la culture et du patrimoine juif a même été instituée le premier dimanche de septembre ". Le journal catholique rappelle par ailleurs la place considérable que le Président du Consistoire central, M. Joël Mergui, accorde au devenir de ce patrimoine. La Croix rappelle à cet égard l'initiative récemment prise par le Consistoire (à savoir la création de la Fondation pour le patrimoine juif de France), destinée à récolter des dons des contribuables imposés à l'impôt de solidarité sur la fortune et ainsi financer certains projets des communautés juives ". Le journal cite enfin une déclaration du président du Consistoire central : " Les premiers donateurs se disent prêts à soutenir des projets de rénovation ou de construction, mais ils sont également motivés par tout ce qui concerne la jeunesse…Une fois qu'on a repeint les bancs de la synagogue, on n'a rien fait, s'il n'y a pas aussi des fidèles qui étudient et un rabbin qui transmette ". Juifs au Yémen Le Figaro du 27 mai dernier a consacré, sous la signature de Georges Malbrunot, un article à la petite communauté juive qui lutte pour sa survie au Yémen. Notre confrère raconte que, depuis qu'elles ont " été attaquées dans leur village d'Al Salem, au nord du pays, douze familles juives sont obligées de vivre recluses dans un " complexe touristique " gardé par la sécurité publique. Notre confrère ajoute : " Les 57 juifs de Sanaa, religieux en majorité, vivent littéralement sous perfusion : tous les mois la présidence de la République verse l'équivalent de 18 euros à chacun d'eux, et offre un peu de nourriture aux familles ". Malbrunot rappelle qu'il s'agit là des descendants de l'une des plus vieilles communautés juives du monde : " Dans le sillage des caravanes du roi Salomon, les premiers Juifss'installèrent au Yémen neuf siècles avant Jésus Christ, bien avant la présence musulmane. Mais la communauté juive lutte désormais pour sa survie.Ils ne sont plus que 350, répartis entre Sanaa, Kharef et Raïda. Ils étaient plus de 60.000 au début du siècle dernier. La plupart ont émigré après la création d'Israël en 1948, lorsque l'opération " Magic Carpet " vida la vieux quartier juif de Sanaa de ses habitants " 30 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 Juif du Yemen LES MOTS Des chiens et des hommes P our parler des patrons de Caterpillar qui n'ont pas tenu les promesses qu'ils avaient faites aux employés, Olivier Besancenot s'écrie : "C'est des chiens !". Une métaphore mal connotée. Elle désigne en effet dans la langue vulgaire, les êtres méprisables, les méchants, les minables, les "radins", ou les juifs. Ainsi tel le "cochon" lorsqu'il s'applique à l'homme, le "chien" symbolise la bassesse. Il dénonce la luxure. On peut même dire que sur ce plan, la "chiennerie" l'emporte sur la "cochonnerie"… Dans la bouche de Besancenot, l'injure exprime la répulsion. Et cela d'autant plus que le terme simule, par sa brièveté monosyllabique et sa sonorité chuintante, comme une expectoration du langage. On peut se demander pourquoi le nom d'un animal si intelligent et si proche des hommes inspire un tel mépris. Il n'y a pas de cause. Si ce n'est l'inversion qui charge l'innocent pour que le méchant se libère. C'est l'éternelle histoire du "bouc émissaire" dont le chien fait les frais lui aussi : maltraité, attaché, affamé de tout temps, il est le symbole même de l'asservissement et comme tel, son nom est maudit ! Effarante inversion…On ne lui pardonne pas le mépris qu'on lui porte. On salit son image pour mieux le dénigrer. Et pour que s'accomplisse cette projection perverse, son nom est érigé en objet de dégoût. Dès lors le "sens" et le "son" ne font qu'un et le mot se transforme en agression réelle. Comme si la langue "passait à l'acte"… L'emploi métaphorique fait l'unanimité. Voici les féministes qui, sous prétexte de revanche contre l'insulte masculine, choisissent pour nom les "chiennes de garde" ! Voici Houria Boutelgia, porte-parole des "Indigènes de la République", qui, pour dénoncer lui sert d'alibi. Aussi violente qu'absurde, elle affecte à la fois et les êtres et les mots. Et même quand elle s'exprime avec des mots choisis, ce qui est pire que tout, elle ne peut C'est ainsi que la formule : “traiter un homme comme un chien” fut prise au pied de la lettre par la France de Vichy lorsque sur les pancartes des jardins publics elle inscrivit : " Interdit aux juifs et aux chiens " ! l'arrogance des soi-disant "Français de souche", les appelle : les "souchiens"…Ici le calembour récupère sans remords la structure des "sous-hommes"… Mais pire que le "jeu de mots" et pour comble de cynisme, parfois la métaphore devient réalité. C'est ainsi que la formule : "traiter un homme comme un chien" fut prise au pied de la lettre par la France de Vichy lorsque sur les pancartes des jardins publics elle inscrivit : "Interdit aux juifs et aux chiens" ! contenir la pulsion sous-jacente qui perturbe le sens et qui parfois le tue. Ainsi depuis que Le Pen a déclaré qu'Auschwitz n'était qu'un "point de détail" de l'Histoire, impossible désormais d'utiliser ce mot. Il est perdu pour le langage. L'expression innommable est souillée pour toujours. Annie Lelièvre C'est dire que l'amalgame traîne un passé sinistre. De quoi demeurer vigilant devant cette métaphore car le premier effort qu'exige le langage, c'est de peser ses mots. Cependant Besancenot revendique le droit de parler comme il veut. Et quand on l'interpelle sur les connotations qu'implique son "dérapage", il répond : "Ce qualificatif, je l'assu-me !". Assumer quoi ? Si ce n'est le "commun", le "vulgaire", "l'ordinaire"… et la haine implicite dont le mot est chargé. En effet toute injure transgresse l'indignation qui INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 31 MÉMOIRE La Shoah : le travail de l'historien UN ENTRETIEN AVEC GEORGES BENSOUSSAN Historien et rédacteur en chef de la " Revue d'histoire de la Shoah ", Georges Bensoussan dirige - avec Jean-Marc Dreyfus, Edouard Husson et Joël Kotek - un Dictionnaire de la Shoah que publient les éditions Larousse (28 euros). Plus de 70 auteurs dont des spécialistes allemands, américains, anglais et israéliens ont apporté leur contribution à ce travail. Ce dictionnaire " dresse un bilan précis, analysant les processus de décision, les méthodes, le parcours des principaux bourreaux , mais aussi rendant vie aux victimes, à travers l'évocation de l'effervescence de la vie juive avant guerre " Entretien avec Georges Bensoussan, un des auteurs de ce livre. OOO I.J : Pourquoi un dictionnaire de la Shoah ? Georges Bensoussan : Vu l'abondance de bibliographie, il était nécessaire de fournir un outil compact capable de répondre de façon synthétique aux principales questions liées à la Shoah. L'ampleur de la recherche aujourd'hui, et de la documentation disponible (plus de 2200 livres sur le seul camp d'Auschwitz) fait qu'il est devenu impossible, même à un chercheur spécialisé, de maitriser l'ensemble de ce savoir. A fortiori pour le grand public. C'est pourquoi nous avons fait appel chaque fois que possible au spécialiste de la question. C'est ce qui explique possible, était devenu une nécessité pour un public assailli non par le doute, mais par ce poison de l'esprit qu'est la relativisation dans le contexte de guerre des mémoires qui est aujourd'hui le nôtre, et qui est entretenu, on le sait, dans une atmosphère de jalousie sociale et de ressentiment. I.J : Vous écrivez dans l'introduction que " la mémoire n'est pas seulement source de mythes mais aussi d'histoire". Que voulezvous dire ? G.B. : La mémoire est probablement le plus sûr ennemi intime de l'histoire. Certes. Mais pas seulement. Par les regards différents portés sur une époque, elle nous dit en creux ce Si toutes les souffrances se valent, tous les crimes ne sont pourtant pas de même nature et tous les massacres, heureusement, ne sont pas des génocides. que 74 auteurs (pour plus de 420 entrées) aient contribué à ce dictionnaire, une équipe nombreuse si on la compare aux autres dictionnaires de ce genre. C'est ce qui explique aussi la dimension internationale du projet, nombre de contributions ayant été traduites de l'anglais et de l'allemand pour l'essentiel, mais aussi de l'italien, de l'hébreu, du polonais par exemple. qu'était l'univers mental des contemporains. Recoupées et soumises à la critique, les mémoires, toutes les mémoires, dessinent avec leurs zones d'ombre un paysage historique au plus près possible de ce qui fut. Sans prétendre jamais le restituer totalement. Car sur ce plan là, il y a longtemps que nous avons rompu avec tout positivisme. D'autres raisons ont aussi joué. Rendre disponibles des connaissances de pointe, de façon la plus synthétique I.J : Comment les différents auteurs de ce dictionnaire expliquent-ils ce que vous appelez " l'impuissance de la tradition 32 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 académique la plus avancée du monde face à la plus absolue des barbaries " ? G.B. : La raison demeure forcément limitée face à l'emprise de l'irrationnel. Mais la force de la raison, paradoxalement, est de démonter les mécanismes de l'irrationnel et, ce faisant, de les rendre inopérants. C'est à la raison de rendre compte de la folie, pas l'inverse. Sur ce plan, la tradition académique, qui cloisonne les savoirs et n'interroge pas assez les liens les moins évidents qui soient (" L'historien est celui qui s'étonne de ce qui va de soi " écrivait jadis Paul Veyne) entre un domaine et l'autre, s'enferme dans le classicisme et le positivisme en se contentant souvent de moraliser sur la " tolérance " et de s'indigner au nom du fameux " plus jamais ça ! ", cette rituelle formule de l'impuissance. Alors, oui, en effet, cette tradition là n'a pas grandchose à nous apporter. Nous avons besoin d'un savoir qui bouscule les évidences, et c'est rarement du coté des institutions que rôde cette liberté de l'esprit. I.J : Diriez-vous que le négationnisme a tendance à se développer aujourd'hui en Europe ? G.B. : L'illusion est de croire qu'on pourra s'en débarrasser définitivement. Le négationnisme est partie prenante de la Shoah. Chacun sait que les premiers négationnistes furent les nazis eux-mêmes au moment où ils perpétraient le crime (" opération 1005 " dès l'été 1942). Il faut apprendre à répondre à cette perversion idéologique MÉMOIRE (comment être antisémite après Auschwitz ? ) et à ce désordre clinique (la négation du réel). Mais ce n'est pas en faisant une leçon d'histoire à des esprits qu'on suppose égarés (ce qu'ils ne sont pas en règle générale), ni en leur montrant l'immensité des preuves comme s'ils ne les connaissaient pas. C'est en démontant les rouages de leur raisonnement et en mettant à nu leurs intentions. Il s'agit toujours de décrypter la logique de l'oppresseur, de démasquer les rouages du mensonge et de la domination. Alors, le roi est nu. A mes yeux, le danger immédiat, c'est le comparatisme niveleur. Certes pas le comparatisme en soi qui demeure la règle d'or de tout travail intellectuel, mais celui qui conclut à l'équivalence au nom de l'égalité mémorielle. Si toutes les souffrances se valent, tous les crimes ne sont pourtant pas de même nature et tous les massacres, heureusement, ne sont pas des génocides. Le nivellement banalisant a partie liée avec l'ignorance historique colossale de nos contemporains prisonniers de l'instant. C'est sur cette ignorance d'ailleurs que prospère l'imposture, répandue dans de nombreux milieux souvent "bien pensants" par ailleurs, sur les racines du conflit judéo-arabe. Mais le relativisme a aussi partie liée à la mauvaise foi idéologique. Quels qu'en soient les chemins, il conduit à ne voir ni la rupture anthropologique d'Auschwitz, ni le terreau du rejet qui a rendu possible la mise à mort de tout un peuple après un siècle d'émancipation, et sur le continent le plus développé du monde. Ce sont là quelques uns des paradoxes qu'il faut interroger sans tomber dans le piège de la concurrence mémorielle. I.J : Un des chapitres de ce dictionnaire est intitulé " comment comprendre la Shoah " ? Les grands auteurs insistent pourtant sur le fait que la Shoah est du domaine de l'impensable. G.B. : Je crois qu'il faut se défier du terme impensable. Si l'on veut dire inconcevable, alors, oui, il s'agit d'une horreur inconcevable. Qui relève de l'inconcevable et de l'in-conçu : on comprend par là même pourquoi les contemporains eurent tant de mal à transformer l'information en connais- lumière, en même temps, la présence d'une rationalité même au cœur des conduites les plus monstrueuses. Ce La disparition des témoins nous obligera à passer d'un registre à l'autre, de la mémoire et de ses avatars, au discours historien. sance. S'il s'agit de comprendre, c'est au comment que nous nous adressons, pas au pourquoi. Mais en vérité, chaque historien de la Shoah le sait, plus nous cernons le comment et plus nous approchons du trou noir (et obligatoirement pensable en même temps) du pourquoi. Même face à cette catastrophe, il faut refuser la notion d'impensable dès lors que ce qui nous caractérise est qu'avant d'être des êtres pensants et pas seulement des êtres vivants. Parce que nous tentons d'appréhender, par la pensée, ce qui dépasse l'horizon borné de nos vies, nous échappons, au moins un moment, à nos limites étroites. C'est en ce sens que Hannah Arendt disait d'Eichmann qu'il ne pensait pas. Non qu'il fût inconscient de ses actes, il savait en idéologue et en bureaucrate qu'il était ce qu'il faisait. Mais il ne pensait pas sa vie au sens d'une mise à distance de soi-même. La pensée qui met à nu les rouages de la domination et de l'horreur met en n'est pas notre rationalité, certes, mais c'est une rationalité quand même. L'extrême violence aussi est un langage à décrypter. Enfin, et même si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant, chercher à comprendre ne signifie ni absoudre, ni légitimer, ni édulcorer et moins encore excuser. I.J : La mémoire des survivants va bientôt disparaître. Qu'est-ce que cela implique pour les jeunes générations ? G.B. : Est-ce à dire que l'enseignement n'est plus possible ? Loin s'en faut. Par défaut, cela signifierait d'ailleurs qu'aucun enseignement de l'histoire n'est possible. C'est aujourd'hui qu'on enseigne (du moins on s'y essaie….) le génocide des Arméniens. Pas il y a cinquante ans alors que des témoins de cette tragédie étaient encore vivants. Nous disposons de milliers d'heures de témoignages enregistrées (bande son, vidéo), et les livres de témoignage sont nombreux. La disparition des témoins nous obligera à passer d'un registre à l'autre, de la mémoire et de ses avatars, au discours historien. Lequel n'est pas forcément un discours froid. Un cours d'histoire structuré et marqué par l'empathie peut véhiculer autant d'émotion que bien des témoignages. L'approche sera différente, c'est tout. Mais cet enseignement lui-même ne sera pas en danger. Enseigne t-on moins la Grande Guerre depuis qu'il n'y a plus un seul ancien combattant en France ? Non, on l'enseigne même davantage. Et, à certains égards, mieux. C'est le travail historien qui fait la justesse du regard sur une époque, pas le temps écoulé ni l'abondance des témoignages. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 33 HISTOIRE “Salomon, Rebecca, Numa, Chevalier et autres Bayonnais” UN ENTRETIEN AVEC ANNE OUKHEMANOU Mme Anne Oukhemanou est docteur en histoire et documentaliste dans un collège. Elle s'intéresse depuis plusieurs années à l'histoire des Juifs de Bayonne et de sa région et en particulier au XIXème siècle. C'est à ce sujet qu'elle consacre un imposant volume " Salmomon, Rebecca, Numa, Chevalier et autres Bayonne " aux éditions Atlantica ( 40 euros). Cet ouvrage offre aux lecteurs des notices biographiques mais également une sorte d'histoire des Juifs de Bayonne et de la région. Entretien. OOO I.J : Le point de départ de votre recherche sur les juifs de Bayonne notamment c'est le décret du 20 juillet 1808.concernant les juifs. Que dit ce décret ? Anne Oukhemanou : Ce décret dit décret de Bayonne, ville où il a été signé par Napoléon Ier, concerne l'étatcivil des Juifs de l'Empire. Il a été pris dans un souci de surveillance policière et d'encadrement de la population juive. Il impose en fait à tous de fixer de manière définitive leurs noms et leurs prénoms. Les registres étaient ouverts dans les mairies des lieux de résidence (Saint-Esprit et Bayonne) : l'enregistrement y était fait par famille, le chef de famille déclarant, renseignait sur son conjoint s'il était marié, sur ses enfants et sur toute personne vivant à son foyer. I.J : Quel est l'arrière-plan historique de votre recherche ? Quelle est, à l'époque, la situation politique des juifs ? Combien sontils ? A.O. : Il y a d'abord la volonté napoléonienne d'infléchir les acquis liés à l'Emancipation en y abordant les questions de l'intégration et de l'assimilation. Cette réforme, mise en scène à travers la reconstitution du Grand Sanhédrin en 1807, met un terme définitif à l'organisation des anciennes communautés, la Nation Juive Portugaise et Espagnole à Bayonne, au profit d'un système centralisé et hiérarchisé, le système consistorial, interface entre les pouvoirs publics et l'ensemble des membres des communautés juives. Les représentants des différentes communautés, nommés par les préfets, 34 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 malgré leurs réticences, adhérèrent au projet de Napoléon Ier et se montrèrent conciliants. Y-avait-il d'autres solutions ? Leur désir, surtout chez les Séfarades du Sud-Ouest, d'appartenir à la nation française était très fort. I.J : Pourquoi avez-vous concentré vos recherches sur le 19ème siècle et le début du 20ème ? A.O. : En fait c'est le résultat d'une opportunité. J'ai eu la chance d'avoir à ma disposition un fonds d'archives parfaitement inédit et en particulier celui concernant l'ensemble du 19ème siècle jusqu'à la loi de séparation des Eglises et de l'Etat en 1905. Mes recherches ont abouti à un doctorat sur la communauté juive de Bayonne vue de l'intérieur en quelque sorte, sur son mode de fonctionnement dans le cadre du système consistorial, sur la politique du Consistoire en matière d'éducation, de culte et de bienfaisance. En plus, il m'intéressait de comprendre les choix des dirigeants d'une minorité dissidente comme on disait au 19ème, dans un contexte de recul des pratiques religieuses et de montée de l'antisémitisme pour assurer la pérennité et la spécificité de la communauté bayonnaise. I.J : L'un des intérêts de votre travail est que vous avez cherché à " reconstituer des généalogies ". Cela n'a pas dû être facile. A.O. : En effet " reconstituer des généalogies " exige de recouper les informations tirées de sources diverses, état-civil certes mais aussi recensements, actes notariés, décisions de justice, articles de presse et autres documents administratifs, d'autant que les registres des déclarations des noms et prénoms des Juifs résidant à SaintEsprit ou à Bayonne manquent de précisions : pas ou peu de mentions d'âge, d'activités, pas de lieux de naissance. Cela demande beaucoup de patience et beaucoup de temps… ! I.J : Quels types de renseignements trouve-t-on dans les registres que vous avez consultés ? Sait-on par exemple les problèmes qui se posaient à ces populations juives à l'époque ? A.O. : Les renseignements sont multiples mais c'est leur traitement qui est compliqué. Cependant certains d'entre eux, les plaintes en justice en particulier, permettent de mesurer les relations quelquefois tendues entre juifs et non juifs, la persistance de mesures discrimi-natoires comme l'obligation de prêter le serment more judaïco lors de litiges commerciaux par exemple… I.J : Qu'apprend-on sur la vie sociale des juifs de Bayonne ? A.O. : Le but de cet ouvrage n'était pas de fournir une analyse complète sur la vie sociale des Juifs de Bayonne mais d'offrir aux descendants des familles et à ceux qui s'intéressent à la question une base de données. Mais c'est une piste de recherches que j'envisage pour plus tard... Cependant il est évident que dans l'état actuel, la fraction la plus aisée de la population est surreprésentée dans les notices, j'en suis désolée, car de nombreuses personnes parmi les plus modestes échappent à mes recherches. Certes la vie d'un négociantou d'un banquier est passionnante en particulier grâce aux successions ou les inventaires après HISTOIRE décès mais celle d'une fileuse ou d'un portefaix ne l'est-elle pas moins ? I.J : Vous avez tenté de reconstituer des " tranches de vie ". Qu'est-ce qui vous frappe dans la vie de ces populations ? A.O. : A l'exception de la présence d'objets de culte comme les lampes sabbatiques ou les Hanoukkioth, elle ressemble à celle de n'importe quel individu vivant à Bayonne au 19ème siècle d'après ce que j'ai pu lire par ailleurs qu'il s'agisse d'un négociant ou d'un artisan. I.J : J'observe dans les fiches que vous présentez qu'il y a parmi ces populations des négociants, des cultivateurs, des marchands… Quels autre métiers exercent-ils ? A.O. : Marchands, négociants, commis, employés de commerce conservent une place centrale au sein des activités professionnelles exercées par la population juive, ce qui est assez naturel dans une ville portuaire et commerçante comme Bayonne. Cependant, au cours du 19ème siècle, les activités commerciales ont tendance à s'effriter au profit des professions libérales (médecins, huissier, avocat…) et surtout des artisans. De plus, chez les artisans, on assiste à une diversification des métiers (fondeur en métaux, carrossier, sellier, chapelier….). Est-ce le résultat de la fin des corporations dont les Juifs étaient exclus jusqu'à la Révolution ? Ou bien celui de la politique régénératrice menée par le Consistoire par l'intermédiaire de l'école et avec le soutien d'organisations ayant pour tâche de prendre en charge les apprentis ? Est-ce encore parce que Bayonne devient un port d'intérêt secondaire au 19ème siècle avec un rétrécissement des activités commerciales ? Sans doute est-ce la combinaison de ces trois facteurs. Cette augmentation du nombre d'artisans est également visible chez les femmes : le travail devient plus courant même s'il s'exerce dans le cadre familial. I.J : On trouve dans le travail que vous éditez des noms comme Lopes, Bernal ou encore Brandon, Gomes ou Herrera, des La synagogue de Bayonne noms qui disent une origine espagnole ou portugaise mais pas forcément juive. A.O. : C'est vrai : ce sont des noms attribués lors des conversions au catholicisme en Espagne et au Portugal. Rappelons à cette occasion, que lors de leur arrivée dans le Sud-Ouest, les Juifs sont désignés par le terme de " marchands portugais " portant prénoms et noms d'origine espagnole ou portugaise. Progressivement, à la fin du 17ème siècle, ils abandonnent leurs prénoms profanes et s'attribuent alors des prénoms hébraïques tout en conservant les noms comme ceux que vous citez. Ils quittent leurs habits de marranes d'une certaine façon ! Toujours est-il qu'ils habitent Bordeaux, Bayonne, Peyrehorade et ils sont reconnus comme juifs par la population non juive. I.J : Vous avez travaillé entre autres sur des archives du Consistoire israélite de Bayonne, en dépôt aux Archives communales. Qu'est-ce que ces archives vous ont appris sur la vie religieuse de ces communautés ? A.O. : Lorsque j'ai travaillé sur les Archives du Consistoire de Bayonne, elles n'étaient pas encore en dépôt aux Archives communales, elles étaient en vrac dans deux malles dans un local de la synagogue. Elles commençaient à être très abîmées. Dans un souci de conservation de ce patrimoine et en accord avec le président du Consistoire de l'époque, Bernard Abraham, j'ai " bataillé " comme on dit à Bayonne pour qu'elles soient déposées, traitées, répertoriées par le service des Archives de Bayonne. En ce qui concerne la vie religieuse, il faut distinguer les sources sur lesquelles on est amené à travailler. Quand il s'agit des archives administratives, celles du Consistoire en particulier, le tableau dressé est toujours pessimiste : pas assez d'assiduité aux offices, trop de fidèles intéressés uniquement par les grandes fêtes, manque de hazanim séfarades mais quand on aborde d'autres sources, on s'aperçoit que de nombreuses prescriptions surtout alimentaires sont respectées, que les mariages mixtes sont rares, que les lampes sabbatiques sont présentes dans la plupart des maisons. En somme les Juifs bayonnais du 19ème siècle sont des traditionalistes sans être orthodoxes… INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 35 OPINIONS L'optimisme relatif de Mario Vargas Llosa PAR ALBERT BENSOUSSAN OOO Le grand écrivain hispanopéruvien a souvent peuplé ses pages de personnages juifs, comme le Saúl Zuratas, de L'homme qui parle, qui prétend faire son alya, ou le Salomon Toledano, de Tours et détours de la vilaine fille, traducteur plurilingue où l'on retrouve la trace patronymique de la fameuse et médiévale école des traducteurs de Tolède. Vargas Llosa, qui a fait de nombreux séjours en Israël est grand prix de Jérusalem. Cet écrivain est aussi un homme de terrain, et l'on se souvient de ses reportages sur Gaza (après le dégagement), en compagnie de son gendre, d'origine juive, qui lui servait d'interprète en hébreu. L'opinion d'un ami d'Israël est donc intéressante et précieuse. Que nous dit-il aujourd'hui ? Comme beaucoup d'observateurs, il pense que l'élection d'Obama a fait naître de grands espoirs au Moyen Orient, et d'abord celui d'un règlement global du conflit ; pour la raison qu'il a la confiance d'Israël, dont il est le plus sûr (et peut-être le seul) allié et qu'en même temps il jouit désormais d'une image positive dans les milieux palestiniens. Pour Vargas Llosa, Obama apparaît comme un arbitre décisif, car, déclare-t-il, " il est évident que, par la voie de la violence, il n'y aura que des victimes - plus de morts, plus de haine, plus de souffrance " (El País, 31 mai 2009). Qu'elle est lointaine, hélas ! l'objurgation d'Itshak Rabin : " No more blood ! No more blood ! No more blood! " Vargas Llosa sait voir d'où vient le danger désormais : d'Iran, et il en mesure la portée : "La menace de l'apocalyptique Ahmani36 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 dejad d'exter-miner Israël ne peut être considérée comme la simple bravade d'un démagogue ", d'autant, prévientil, que ce pays vient d'expérimenter avec succès un missile capable de frapper Israël. Le nucléaire est bien Mario Vargas Llosa en cours, et personne ne semble en mesure de le contrer, pense-t-il, du fait aussi que les Etats-Unis bien naturel dans un marchandage, Netanyahou lui semble être en mesure d'avancer efficacement sur les cases et d'entamer des négociations qui, pense le Péruvien créeraient immé-diatement "un climat qui Barack Obama permettrait de désactiver la violence des intégristes de Téhéran et de permettre d'entrer dans la course les “Il est évident que, par la voie de la violence, il n'y aura que des victimes - plus de morts, plus de haine, plus de souffrance” retiennent la main d'Israël qui, comme il l'a fait dans le passé avec le succès que l'on sait, a su éliminer d'autres menaces d'agression nucléaire. L'optimisme de Vargas Llosa tient au fait que le gouvernement actuel d'Israël va entrer dans le jeu de la Maison Blanche et se placer sur l'échiquier des négociations. Même s'il met la barre très haut, ce qui est secteurs plus ouverts et raisonnables du régime". C'est ce qui, au lendemain du discours du premier ministre d'Israël, semble aujourd'hui se dessiner. Acceptons-en l'augure et, bannissant le victimarisme, toujours mauvais conseiller, et les appels aux armes, osons, nous aussi, abriter dans nos cœurs cet optimisme prudent Vargas Llosa parle d' "optimisme relatif" - et cette petite lumière d'espoir. LIVRES La Torah pour les Nuls Arthur Kurzweil Adaptation française de Victor Malka OOO Socle et joyau le plus sacré du judaïsme, la Torah est à la fois objet de vénération, d'études passionnées et de guide de vie dans notre approche du Créateur et de nos relations avec ses créatures. L'édition que lui consacre la célèbre collection est à retenir à plus d'un égard : langage limpide et structuré, explications claires et choix judicieux des textes cités. L'ouvrage comprend 5 parties plus une petite annexe. Chacune de ces parties peut se lire indépendamment des autres, selon l'envie et/ou la recherche du lecteur. Des icônes " balises " dans la marge de certains textes permettent d'attirer l'attention sur des points précis ou particulièrement instructifs. La première partie " L'essentiel de la Torah " est un bon raccourci de base explicitant ce qu'est la Torah - écrite et orale - et ce qu'elle n'est pas. La seconde partie analyse les cinq livres de Moïse écrits au Sinaï dit la tradition - sous la dictée de Dieu en 1280 avant notre ère, avec une petite parenthèse impartiale pour ceux qui ont un avis différent sur l'(es)auteur(s) du texte sacré. La 3ème partie est consacrée aux rapports de l'homme avec son environnement et la collectivité en général selon la Torah, et la 4ème partie relate l'importance de ce joyau dans le judaïsme : analyse de la " spirale " de la semaine vers le Shabbat et de la " spirale " de l'année vers les fêtes qui la jalonnent, et pourquoi ils débutent le soir, les us et coutumes des offices à la synagogue, la sacralité du Sefer Torah et bien d'autres sujets. La 5ème partie, la " Partie des Dix " se penche bien sûr sur les 10 commandements, et ses deux versions aux légères différences, celle de l'Exode et celle du Deutéronome. N'hésitez surtout pas : l'ouvrage est " à mettre entre toutes les mains!" (First Editions - 22,90€) Dédoublements Bayonne Jérusalem Victor Attas OOO Ygal Chémèche alias Gilles Soleil est envoyé par le Mossad au pays basque français. But : infiltrer les groupes de l'ETA soupçonnés de liens privilégiés avec l'OLP et repérer leurs caches d'armes. Moyen : se rapprocher et séduire une jeune femme, Claire Esmerald, journaliste et sympathisante de la " cause indépendantiste ". Jonglant avec ses diverses personnalités, Ygal crée parallèlement une relation avec le vieux Moché, gardien de la synagogue de Bayonne et apprend avec stupéfaction une chaîne de liens : descendants d'une des tribus d'IsraëlSparte-Crète et ...pays basque. Claire, un bébé abandonné à sa naissance rentre-t-elle également dans cette chaîne? Séduire par intérêt politique peut-il empêcher de séduire par passion? Venez le découvrir dans ce livre. (Editions David Reinharc - 18€) Moi, Sàndor F. Alain Fleischer OOO Etre l'autre à jamais disparu tout en étant soimême... Cet autre si semblable à soimême peut-il être prolongé, récrit, senti et imaginé au-delà de son décès ? Sàndor F. né en 1917 à Budapest, mort en avril 1944 dans un wagon à bestiaux " entre la Hongrie et la Pologne " en route vers Auschwitz, peut-il revivre dans l'âme de son neveu Sàndor F. fils de son frère Karoly, le père du neveu, né à Paris en mars 1944 où Karoly était réfugié? Autobiographie à double registre fusionnant l'oncle et le neveu, elle part d'une maison bourgeoise de la rue Venezianer du quartier d'Ujpest de Budapest où la famille est installée. Sàndor F., l'oncle, est le cadet de deux frères, Karoly et Béla et d'une grande soeur, Lenke, avec une attirance précoce pour l'élément féminin et la photographie, contrairement aux jeux martiaux de ses frères. Trois amours plus celui de sa soeur rempliront sa jeune vie, dont la découverte émue de sa virilité avec la bienaimée servante Anett, à l'âge de 13 ans. En 1944 la tragédie s'abat sur la Hongrie jusque là épargnée et les déportations s'accélèrent. Lenke à Londres et Karoly à Paris seront seuls épargnés. Sàndor F. l'oncle est cueilli au domicile parental. La colonne vertébrale fracassée par un nazi, il agonise dans le wagon à bestiaux et cherche à remettre sa chevalière, son bien le plus précieux, à un détenu pour le faire parvenir, plus tard, à sa famille. Sàndor F., le neveu, raconte, " se souvient, imagine ". Plus tard, à l'âge de 13 ans, il retrouvera dans un vieux cimetière de Budapest une plaque au nom de son oncle ; plus tard encore, à l'âge de 20 ans, on lui remettra sa chevalière. Extraordinaire exercice de style et de pensée fusionnelle, extraordinaire récit d'une tragédie inconcevable, puis de la vie qui peut, qui doit continuer. (Editions Fayard - Collection Alter-Ego 21,90€) INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 37 LIVRES Ici à Jérusalem Julien Boudisseau et Guillaume Nicolas-Brion OOO Mai 2008. Les deux auteurs, jeunes journalistes, décident de partir une semaine à Jérusalem effectuer un reportage sur la vie " ordinaire " des habitants de cette ville " extraordinaire ". Installés au couvent-hôtel Ecce Homo dans le quartier musulman, sac au dos et stylo en mains, ils vont sillonner la cité sainte, ses proches environs, et raconter dans ces petites " brèves " leurs découvertes, leurs rencontres, leurs étonnements. Ce qui les frappe avant tout, c'est cette lumière exceptionnelle qui baigne tout, puis l'émotion devant les lieux saints des trois religions monothéistes. Viennent ensuite les odeurs, certaines envoûtantes, comme la chaleur dégagée des pierres du Mur, ou celles des épices du marché de Mahané-Yehouda. Partout, le spectacle est unique, du ramassage des ordures aux incroyables T-shirts colorés que les touristes s'arrachent. Dans la vieille ville, le goût du pain d'un restaurant végétarien est tout simplement " divin "! Observer les us et coutumes des différents quartiers, découvrir le mur de séparation et pénétrer en Cisjordanie, recevoir l'hospitalité de Zeina, amie d'amis français, ce fut un bien riche voyage. (Editions Alphée - Jean-Paul Bertrand - 17,90€) Un petit tour au Proche-Orient Raphaël Krafft OOO Journaliste à FranceInter, amoureux de la petite reine, Raphaël Krafft part à vélo au printemps 2008 en vue d'un reportage au Proche-Orient. Pédalant allègrement, il va parcourir l'Egypte, Israël, les territoires palestiniens, la Jordanie, la Syrie et le Liban, questionnant et photographiant ses interlocuteurs. Le vélo permet des rencontres de proximité que l'automobile, le train ou l'avion ignoreront à tout jamais. Rencontres souvent peu banales, hospitalités généreuses, conversations animées avec des êtres simples ou simplement hors normes ; certains sont des amis d'amis, d'autres des connaissances de voyages précédents tel le cinéaste égyptien Yousri Nasrallah, ou des relations nouvelles dont certaines inoubliables comme l'Israélien Koushi au relais routier 101 dans le désert ou Nassim portier d'hôtel à Amman. S'exprimer devant un micro : pour les uns un jeu, un soulagement, une revendication, le souhait et l'espoir d'une vie meilleure ailleurs, mais aussi pour d'autres l'aveu d'une incompréhension, d'une peur devant l'avenir, d'un bourrage de crâne familial, Cela donne au final un ouvrage terriblement instructif de certaines mentalités, le tout joliment illustré par de superbes photos couleur. (Editions Radio France - 18€) Odette Lang Question au rabbin V oici la question qu'une habitante de Ramat Gan en Israël a posée à un rabbin dans les colonnes du quotidien Yedioth Aharonot : "A Roch Hachana, j'ai piqué une grande colère et depuis lors, il ne se passe pas de jour sans que je me mette en colère. Que faire ?" sagesse s'il est sage et son pouvoir de prophétiser s'il est prophète". Dans un autre traité (Chabbat 105) on affirme : "Tout homme qui se met en colère c'est comme s'il se livrait à l'idolâtrie". soient la conséquence de celle que vous avez eue le jour de l'an juif. En tout état de cause, il faut contrôler vos colères. Selon Maïmonide encore " la vie des coléreux n'est pas une vie". Voici en substance la réponse que le rabbin Chmouël Chapira a faite à cette lectrice : "Maïmonide conseille d'ordinaire de choisir la voie médiane, mais à propos de la colère il écrit : "La colère est un très grand défaut. Il est bon que l'homme s'en éloigne totalement. Qu'il apprenne à ne pas se mettre en colère même pour des choses qui le justifieraient. "Voici deux conseils : l e croyant écrit le Tanya - ne se met pas en colère parce qu'il sait qu'il existe une Providence. Il faut au contraire voir ce qu'il y a de positif pour la vie dans les choses qui peuvent mettre en colère. "Il est triste que vous vous mettiez si souvent en colère. Nos sages ont blâmé ce défaut. Ils ont dit dans le traité Psahim du Talmud ( 66 a) " Tout homme qui se met en colère perd sa "Nos sages nous recommandent de nous livrer à Roch Hachana à des actes positifs et de nous éloigner de tout ce qui est négatif. Malgré tout, je ne suis pas sûr que vos colères 38 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 "Le second conseil est celui que donne le Rav Kook qui propose aux hommes de voir tout d'un œil de compassion. Autrement dit, au lieu de s'irriter contre tel ou tel, il faut avoir pitié de lui". EN BREF OOO Amir Weitmann est analyste financier et représente une banque étrangère en Israël. Dans le livre qu'il publie sur l'affaire Madoff ( Editions Plon), il raconte par lemenu ce que furent les secrets de ce qu'ilappelle " la plus grande arnaque du siècle et la plus grande fraude de l'histoire de la finance. Weitmann qui vit en Israël raconte notamment les torts que Madoff a portés à des institutions de la communauté juive américaine. Weitmann donne la parole à un certain nombre de victimes de l'homme d'affaires et notamment à l'écrivain Elie Wiesel. Celui-ci ne trouve aucune excuse à celui qu'il qualifie de voleur, escroc et criminel: " J'aimerais qu'il soit dans une cellule en solitaire avec un écran et sur cet écran, pour au moins cinq ans de sa vie, tous les jours et toutes les nuits, il devrait y avoir des photos de ses victimes, l'une après l'autre, toujours en train de dire : regarde, regarde ce que tu as fait à cette pauvre vieille dame, à cet enfant. Une autre victime raconte la diversité des organisations juives aux Etats-Unis : " J'ai été éduqué dans une communauté juive orthodoxe où on met beaucoup l'accent sur l'entraide et la charité, mais ces valeurs dépassent largement le cadre de la communauté orthodoxe qui représente moins de 10 % de la communauté juive. Elles sont partagées par l'ensemble de la communauté juive des Etats-Unis. En fait la plupart des Juifs américains ont abandonné la pratique du judaïsme mais ils s'accrochent à la charité comme ancre identitaire juive. Dans la bouche de la plupart d'entre eux, parler de " valeurs juives " revient à parler de philanthropie ou d'Etat-providence. C'est probablement pour cela que les Juifs votent à 80 % pour les démocrates " OOO " Le Conseiller " c'est le titre que Cyril Auffret a donné au livre qu'il consacre à Jacques Attali ( Editions du Toucan.17 E 90 ). Aufret qui est grand reporter à TF1 a cherché à reconstitué les différentes étapes du parcours d'un surdoué. Un homme qui a obtenu en un temps record quatre diplômes prestigieux :Polytechnique, les Mines, Sciences Po et l'ENA. Depuis ses débuts en politique (il est alors à 30 ans conseiller économique du candidat Mitterrand) jusqu'à sa présidence - turbulente - de la BERD, l'auteur passe en revue tout ce qui a joué un rôle dans l'itinéraire de Jacques Attali. Interrogé sur le fait de savoir s'il est un " technocrate arriviste", Attali répond : " Technocrate, sûrement pas, ambitieux, sans aucun doute. Ecrire c'est commettre un acte d'orgueil. C'est assez mégalomaniaque de penser que l'on a quelque chose à dire aux autres et que l'on va occuper leur temps. Je fais cet acte d'orgueil et je le fais jusqu'au bout et d'autant plus facilement que j'ai une formidable peur du temps qui vient. Arriviste, sûrement pas, c'est un mot abominable" A la fin du livre, Attali dit être mégalomaniaque : " Au sens où j'ai des rêves très importants pour le monde. Je pense qu'on a l'âge de ses projets " OOO Voici un certain nombre de titres annoncés pour la rentrée par des éditeurs : -" Les jeunes, l'école et la religion ", sous la direction de Céline Béraud et Jean-Paul Willaime (Editions Bayard). -" Nouvelle histoire de lamusique sacrée. Du chant synagogal à Stockhausen " par Luis Garbini (Editions Bayard) - " Sepharade " par Eliette Abécassis (Editions Albin Michel ) -" L'antisémitisme à gauche " par Michel Dryfus (Editions La découverte) -" Le siècle juif "par Yuri Slezkine (Editions La découverte). OOO Professeur agrégée d'histoire, Paule Berger Marx a soutenu, en 2006, une thèse de doctorat sous la direction de notre ami André Kaspi. C'est le texte de cette thèse consacrée aux " relations entre les juifs et les catholiques dans la France de l'après-guerre " qui est publié ici. Retenons de la préface qu'il donne à ce travail, ces quelques lignes d'André Kaspi : " Le christianisme et le judaïsme ont compris que, d'une certaine manière, ils ont partie liée. Les chrétiens renoncent peu àpeu à la politique de conversion. Ce n'est pas qu'ils doutent de leur vérité. Ils estiment pourtant qu'il est temps, plus que temps, de passer de " l'enseignement du mépris " à "l'enseignement de l'estime ". Ils admettent que les juifs sont 'leurs frères aînés'. Ils ne dissimulent plus que Jésus fut juif, qu'il respectait la loi et prêchait d'abord pour les Juifs. Ils cessent de croire que les Juifs forment un peuple déicide, maudit à jamais pour avoir ignoré le caractère messianique de Jésus et pour l'avoir livré à la justice des Romains. En un mot, les Juifs ne sont plus des adversaires… " André Kaspi ajoute enfin : " Juifs et chrétiens sont conscients qu'ils affrontent le même danger. L'incroyance progresse. Comment y faire face ? La France est de plus en plus déchristianisée, la minorité juive, de plus en plus déjudaïsée. C'est un mouvement de fond qui emporte notre pays et l'Europe tout entière. Les querelles théologiques perdent de leur acuité ". ( Editions du Cerf. 32 euros) INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 39 CINEMA Une Chasse à l'homme d'anthologie signée Michael Mann A dulé par de nombreux cinéphiles mais toujours soucieux de s'adresser au grand public, Michael Mann s'attaque ici au portrait d'un gangster de légende et nous revient en force, dans la lignée d'un Arthur Penn (Bonnie and Clyde) ou d'un Brian de Palma (Les incorruptibles), parvenant une nouvelle fois à revisiter le film d'action au moyen d'une mise en scène brillante et inventive, tout en offrant à Johnny Depp l'un de ses plus grands rôles. Basé sur le livre éponyme de Bryan Burrough, le film raconte ainsi la brève mais intense carrière criminelle de John Dillinger, célèbre braqueur de banques de Chicago, de sa sortie de prison en mai 1933 à sa mort à 31 ans en juillet 1934, c'est à dire au travers de la terrible et haletante chasse à l'homme qui va opposer le bandit à la gueule d'ange à un agent fédéral acharné, Melvin Purvis (Christian Bale, tout en retenue) qui a pour consigne de le capturer " mort… ou mort ". Une sorte de Mesrine américain des années 30 qui, après avoir été emprisonné durant neuf ans pour vol, va connaître un parcours fulgurant en menant avec sa bande des attaques de grande envergure à travers tout le Midwest, et devenir la cible privilégiée du Bureau of investigation, (qui se transformera en 1935 en FBI) puisque John Edgar Hoover le baptisera dès 1933 d'" ennemi public numéro un ". Et le plus intéressant dans cette histoire est qu'en dépit de la violence inhérente à ses méfaits, Dillinger devint immensément populaire en raison du fait qu'il dévalisait avec ses acolytes, à bord de leurs légendaires Ford V8, des banques qui étaient alors l'objet de toutes les critiques pour avoir été au cœur du désastre économique de 1929. Michael Mann, dont le père juif ukrainien avait douloureusement connu cette époque avant de devenir épicier à Chicago, explique ainsi avec justesse que " Dillinger a fait ce que tout le monde rêvait de faire à l'époque, entre la fin de la prohibition et la difficile sortie de crise économique : s'attaquer au système en place et plus précisément à des banques qui, trois ans plus tôt, avaient fait faillite 40 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 PAR ELIE KORCHIA en laissant les gens ruinés. Il a fasciné l'Amérique parce qu'il voulait tout avoir et tout de suite, narguant les autorités, devenant le porte-parole des déshérités et se transformant très rapidement en héros populiste ". A ce titre, il est sans doute dommage que Mann n'ait fait que survoler les tensions économiques et sociales de la Grande dépression, qui auraient été à la source du côté " Robin des bois " du bandit car, malgré une reconstitution historique minutieuse (qui a nécessité plus de 100 décors différents) et une durée de 2h 20, le film n'aborde pas avec autant de profondeur qu'on l'aurait souhaité toute la psyché de son personnage principal. Tout comme on peut regretter que la narration et le découpage du scénario soient trop linéaires, se résumant à une simple évolution chronologique, au lieu d'opter pour un récit plus déstructuré qui aurait pu permettre d'atténuer le classicisme de cette œuvre pourtant si ambitieuse. Mais il serait vraiment injuste de faire la fine bouche tant ce nouveau long métrage du créateur de "Deux flics à Miami" est jalonné de scènes impressionnantes de force et de beauté, de l'attaque nocturne de l'auberge où se cache la bande de Dillinger en pleine forêt à la magistrale séquence finale où le gangster est abattu froidement par Purvis, après avoir été pris au piège par le FBI, à la sortie du cinéma où il venait de voir Manhattan Melodrama, avec Clark Gable dans le rôle de l'ennemi public numéro un. Cette sublime mise en abyme d'un anti-héros qui, scotché à son fauteuil de cinéma, redevient simple spectateur du film de sa vie, fait en effet tout à coup ressortir toute l'humanité du personnage et donne à Johnny Depp l'une des plus belles scènes de sa carrière. Ainsi, après s'être consacré au thriller en 1986 avec le trop méconnu Sixième sens, qui adaptait très librement Dragon rouge de Thomas Harris et préfigurait déjà Le silence des agneaux, au film d'aventures avec Le dernier des Mohicans qui était interprété par le grand Daniel Day Lewis(1992), au filmdossier avec Révélations et Al Pacino dans le rôle titre (1999) ou encore au biopic avec Ali, alias Will Smith (2001), l'ancien scénariste à succès de la série Starsky et Hutch dans les années 70 nous revient aujourd'hui avec une nouvelle œuvre majeure en guise de dixième opus. Et si Miami Vice (2006) avait quelque peu déçu, en comparaison avec l'époustouflant Collatéral (2004) qui faisait se croiser dans une nuit d'enfer, à l'esthétique bleutée et au travail numérique novateur, un sympathique chauffeur de taxi et un impitoyable tueur à gages( campés respectivement par un excellent Jamie Foxx et un épatant Tom Cruise), Michael Mann nous entraîne à nouveau avec brio dans une esthétique savamment travaillée, qui entremêle subtilement la modernité de la haute définition numérique à l'académisme du film d'époque. Si bien que même si le scénario de Public Enemies n'égale pas celui de son meilleur film à ce jour, à savoir le duel au sommet de Pacino et De Niro dans Heat (1992), celui qui a pu être considéré comme le réalisateur le plus perfectionniste depuis Stanley Kubrick n'a décidément pas fini de nous étonner, maniant comme personne, à 65 ans révolus, les mouvements de caméras portées et l'incroyable gamme de contrastes utilisée par Dante Spinotti, son inséparable chef opérateur. COURRIER Copernic Notre ami le docteur Arthur Kriegel, nous fait remarquer à propos de l'affaire Copernic et de l'article publié dans nos colonnes le mois dernier, nous rappelle ce que la regrettée Annie Kriegel, son épouse, avait consacré à cet acte si mal compris en son temps une analyse profonde et étendue. Une analyse que l'on peut retrouver dans le livre "réflexions sur les questions juives " (page 533). Voici un extrait de ce qu'écrivait Annie : " La leçon de Copernic a porté :a la communauté juive n'est plus disposée à se laisser berner et manipuler au profit d'exécrables calculs politiciens. Elle n'a pas " marché " quand on a tenté - brièvement de relancer l'hypothèse de la culpabilité de l'extrême droite : non qu'il ne puisse se trouver parmi les terroristes des extrémistes de droite, néonazis ou autres, mais dans tous les cas, de droite ou de gauche, le déguisement politique ou idéologique n'est qu'un déguisement. Le fait est qu'il s'agit d'un terrorisme dont toutes les ficelles sont tirées de Beyrouth ou de Libye. Un terrorisme lié non pas à un antisémitisme d'origine européenne mais à l'antisémitisme qui s'identifie aujourd'hui avec l'antisionisme" Les relations franco-israéliennes Donc, si j'ai bien compris, en recevant le Premier ministre israélien, le président Sarkozy lui aurait dit de se débarrasser au plus vite de M.Liebermann, son ministre des Affaires étrangères. C'est la deuxième chaîne de la télévision israélienne qui a sorti l'affaire. Jusque là on avait fait silence autour de cette déclaration qui pose problème. On aurait envie de dire à M.Sarkozy de quoi il se mêle. On peut sans doute n'avoir pas beaucoup de sympathie pour l'actuel chef de la diplomatie israélienne et considérer en même temps que c'est aux Israéliens et à eux seuls de choisir les hommes qui doivent les représenter. De même qu'aucun président israélien ne saurait se mêler de la composition du gouvernement français. Le président Sarkozy aurait ajouté à l'adresse de M.Netanyahou que M.Liebermann et Jean-Marie Le Pen ce serait blanc bonnet et bonnet blanc. Tout cela a permis en tout cas au ministre israélien de déclarer qu'étant donné ce que le président français a dit par le passé de M.Obama, de Mme Merkel et de M.Zapatero, il ne se sentait pas lui-même en si mauvaise compagnie… J'ai également noté dans les réactions israéliennes à cette affaire, la prise de position de M.Yehouda Lancry, ancien ambassadeur d'Israël en France qui considère, lui, que jusqu'à présent, le ministre Liebermann n'a pris aucune position diplomatique contraire à celle de son Premier ministre ; que Sharon luimême, avant de devenir un héros, a été plutôt persona non grata et qu'enfin l'honnêteté impose de ne juger l'homme que selon ses seuls actes. Ce qui est sûr c'est que les relations israéliennes, à peine remises d'une longue période de froideur, n'avaient pas besoin de cela. Jacques Guez - Nice Une blessure Puis-je me permettre de soumettre à la réflexion des membres de votre rédaction cette formule de l'écrivain israélien Aharon Appelfeld : " Une blessure écoute toujours plus finement qu'une oreille " ? Illisible - 92100 Boulogne CARNET Mariage OOO Nous avons appris avec joie le mariage d'Emmanuel Guedj avec Mlle Aurélia Piacitelli. La bénédiction nuptiale a été donnée au jeune couple le dimanche 5 juillet en la synagogue de la rue des Abondances à Boulogne Billancourt. M. Emmanuel Guedj est le fils de notre ami,le regretté Edgard Guedj de mémoire bénie, qui fut le fondateur du Département éducatif de la jeunesse juive et du Centre communautaire juif de Paris. Nous présentons aux deux familles nouvellement unies notre sincère mazal tov et nos meilleurs vœux. Nécrologie OOO André Meyer C'est avec une très grande tristesse que nous avons appris la disparition, le 6 juillet dernier, de M. André Meyer (Zal), père de Philippe Meyer, administrateur du Consistoire de Paris et directeur de la publication d'Information juive. Il a été inhumé le 17 Tamouz, dans sa ville natale de Saverne en Alsace, au milieu des siens. Dans l'ouvrage qu'il avait publié il y a moins d'un an (Quelqu'un sait-il où nous allons ? - Ed. Thélès), et dans lequel il retraçait avec émotion son parcours d'enfant juif caché en zone libre pendant la guerre, loin de sa famille, de ses origines et des dangers qui le menaçait, André Meyer avait fait le cadeau inestimable d'une page de mémoire vivante de ce judaïsme alsacien auquel il était viscéralement attaché. Avec sa disparition, c'est d'abord un vide immense que ceux qui l'ont connu ressentent et continueront de ressentir longtemps encore, après une vie passionnante et passionnée, toujours partagée avec les siens, qu'il s'agisse du domaine de son activité professionnelle que de celui du judaïsme. Tout au long d'une vie passée en très grande partie en Alsace, de Saverne à Mulhouse, en passant par Strasbourg et Colmar, André Meyer n'a eu de cesse de vivre et de défendre un judaïsme ashkénaze alsacien qu'il avait lui-même hérité de ses parents. Un judaïsme authentique et intensément vécu, fait de traditions farouchement sauvegardées à travers les âges et de valeurs juives profondément ancrées de droiture, d'humilité, de respect, de solidarité et d'humour. En symbole militant, avec d'autres de sa génération, de ce judaïsme historiquement installé sur le territoire national et attaché à la République et à la France, André Meyer n'a jamais cessé d'être fier de ses valeurs et fidèle à ses racines, malgré les vicissitudes de l'histoire qu'il a traversées comme tous les siens avec courage et honneur. Dans les éloges qu'ils ont prononcés à sa mémoire à l'occasion des Chiva, le grand rabbin de France Gilles Bernheim et le président du Consistoire central Joël Mergui ont, l'un et l'autre, rappelé avec émotion les derniers échanges personnels qu'ils avaient encore récemment eus avec André Meyer et qui témoignaient jusqu'au bout de ses qualités humaines qui ne l'avaient jamais quitté et de sa fierté des valeurs du judaïsme alsacien qu'il n'avait jamais cessé de développer et de transmettre. A son épouse Janine Meyer, qui l'aura assisté jusqu'aux derniers instants, et à ses enfants, nous présentons nos plus sincères condoléances. OOO Notre ami Jacques Attali a eu la douleur de perdre sa mère Mme Fernande Attali, l'épouse de M. Simon Attali. Nous lui présentons en cette douloureuse circonstance ainsi qu'a sa sœur et à son frère nos très sincères condoléances. OOO Nous avons la tristesse de vous annoncer le décès de M. Isaac BITRAN, ancien Président de la Communauté Juive des Ulis (91), à l’âge de 86 ans le 9 avril dernier, suite à une bousculade à l’aéroport de Ben Gourion. INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 41 VERBATIM ART SPIEGELMAN. Pilier de la BD underground : " New York est au centre de mon esprit, mais je vis comme ces vieux juifs reclus dans leur ghetto du Lower East Side " CLAUDE IMBERT. Editorialiste du Point : " L'Islam voit dans nos laïcités, dans l'individualisme occidental et ses licences le spectacle d'une altérité radicale, d'une 'dégénérescence' menaçante pour sa propre survie ". JACQUES ATTALI. Essayiste : " Toutes les études établissent qu'une part importante de la musique, de la littérature et de la peinture d'aujourd'hui ( et pas seulement l'art des rues ) trouve sa source dans les banlieues " JEAN-PAUL JOUARY. Ecrivain : " Et si, pour ne pas réserver la réflexion philosophique au lycée ou aux rencontres où se pressent ceux qui l'ont déjà aperçue, on instituait une " journée de la philosophie ", une journée pour réfléchir, débattre et apprendre collectivement ? " DOUNIA BOUZAR. Anthropologue : " Accepter le drap noir ne serait pas un signe de respect de l'islam, ce serait au contraire perpétuer les stéréotypes datant de la période coloniale " 42 INFORMATION JUIVE Juillet/Août 2009 PHILIPPE SOLLERS. Ecrivain : " Ne trouvez-vous pas que c'est un miracle de se réveiller tous les matins ? Eveil, réveil, ressuscitons donc tous les jours ! " EPHRAÏM HALÉVY. AVRAHAM B. YEHOSHUA. Ancien chef du Mossad (de 1998 à 2002) : " Nous devons irradier la confiance, pas l'inquiétude. Les dirigeants israéliens d'aujourd'hui devraient méditer cette vieille formule de Franklin Roosevelt : Nous ne devons avoir peur de rien, sauf de la peur " Ecrivain israélien : " Les Palestiniens deviendront peu à peu majoritaires et l'option d'un Etat unique signifie à terme la disparition de l'Etat d'Israël ". MICHEL SCHIFRES. Billettiste au Figaro : "Merveilleuse invention que le politiquement correct. Son rejet permet de clouer au pilori tous ceux qui expriment un désaccord… " ARIANE CHEMIN ET MARIE-FRANCE ETCHEGOIN. Journalistes : " En Corse, la carte du crime est devenue talmudique. Elle réclame des heures d'exégèse " JEAN-PAUL JOUARY. Ecrivain : " Et si, pour ne pas réserver la réflexion philosophique au lycée ou aux rencontres où se pressent ceux qui l'ont déjà aperçue, on instituait une " journée de la philosophie ", une journée pour réfléchir, débattre et apprendre collectivement ? " COLETTE AVITAL. Ancien membre de la Knesset : " Prenez Sarkozy, il parle en ami devant la Knesset et ses critiques ne posent pas problème. Depuis, tous les Israéliens aiment la France. Ils ont besoin d'affection ". ALEXANDRE ARCADY. Cinéaste : " Je suis reconnaissant à Yasmina Khadra d'avoir choisi un cinéaste algérien, français d'origine juive . C'est le symbole d'une belle union ". PHILIPPE VAL. Directeur de France Inter : " Je n'aime pas qu'on s'attaque aux femmes, aux juifs, au corps des gens " JEAN DUTOURD. Ecrivain (89 ans) : " Celui qui m'appellerait 'senior', je lui mettrais ma main dans la figure "