Cristina VASILESCU

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Cristina VASILESCU
CATCH ME IF YOU CAN – LA COURSE AUX DÉFICITS ..
Ce n’est pas pour faire la pub à la dernière production au même nom du maître Spielberg ou aux charmes de Leo
di Caprio, brillant dans son rôle du plus jeune homme sur la liste de « Most wanted criminals» de la FBI des
années 60 .. C’est le hasard qui fait que l’on puisse associer la course infernale de l’agent Hanratty (Tom Hanks) et
son échec permanent d’attraper l’imberbe délinquant à la situation actuelle, quand le monde n’en sait plus où il est,
tout en faisant la course aux déficits et à la guerre ..
On attend alors une réponse à la question « guerre ou paix?», suspendus aux speeches (l’optimisme,
selon Greenspan vs. le réalisme à la Blix), après les messages sanglants de Ben Laden (le come back) et les
avertissements à l’attaque terroriste qui ont effrayé les grands pays toute la semaine passée, de Heathrow à New
York, en passant par les vaccins anti –variole en France et la fermeture des consulats US à Genève et Zurich.. Et,
au milieu de tout cela, l’Europe et ses bagarres avec l’Amérique (qui menace avec le gel des relations
commerciales et la sortie de l’OMC!) et surtout avec elle même –ses membres sont plus que jamais divisés - au
sujet de l’Irak, bien sûr, mais aussi de l’équilibre budgétaire et du respect du Pacte de Bruxelles…
EUROPE ET LES DEFICITS: PACTE DE STABILITE CADUC ?
Une crise ne vient pas toute seule.. Même si les préoccupations géopolitiques sont la vedette de l’actualité,
elles n’ont pas mis à l’écart les disputes habituelles de la politique budgétaire, bien au contraire…on a une nouvelle
confrontation au sujet du légendaire Pacte de stabilité de Bruxelles. Cette fois parce que la guerre peut arriver d’un
moment à l’autre, et il faut se préparer, car qui dit guerre dit bourse à ouvrir et déficits budgétaires à se creuser !
A l’origine de la querelle actuelle - un article du Financial Times selon lequel les trois grades pouvoirs de
l’UE (l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France) seraient en train de demander à Bruxelles moins de discipline
budgétaire, au cas où la guerre se confirme (c’est à dire si les NU votent une nouvelle résolution sur l’Irak, comme
les US et la Grande Bretagne la demandent si hardiment, ce qui ouvrira la porte aux opérations militaires directes).
Une demande qui n’a pas été confirmée (ni infirmée) par Bruxelles, qui se réserve pourtant le droit de
prendre des «mesures appropriées qui se justifieraient» à l’égard du pacte des 3% (déficit budgétaire comme
pourcentage du PIB), si la situation devient critique. Mais en tout cas, actuellement il n’y a pas de projet à ce sujet,
et toute décision appartient aux ministres des Finances des Etats membres.
RELACHEMENT BUDGETAIRE ? NON, MAIS..
La suite de la nouvelle crise du Pacte: les pays concernés se sont mis à démentir la nouvelle (qui s’excuse
s’accuse..), action qui a pris une tournure délicate.
D’abord la France, déjà sur la sellette à cause de son refus d’épauler les US à la guerre: sans vouloir se
compliquer, elle refuse tout commentaire sur le Pacte, comme quoi il n’y a pas « d’initiative particulière pour
assouplir le pacte en cas de conflit en Irak». Les officiels de Bercy font semblant d’oublier la fronde qu’ils ont fait il
y a quelques semaines, quand la Commission avait reproché à Paris de laisser filer son déficit - et quand le
ministre des Finances faisait l’éloge de la politique budgétaire comme responsabilité souveraine des Etats (la
France atteindrait l'équilibre budgétaire quand bon lui semblerait). ..
Puis, la voisine Allemagne, qui joue le rôle de la repentie (récession et risque de dépassement du plafond
de 3% obligent). Elle nie toute recherche d’entente avec Bruxelles pour réécrire le Pacte; de plus, elle serait très
accrochée à la politique de consolidation budgétaire, vu que son déficit budgétaire est en train de monter au
dessus des 3% (v. GRAPH 1). Mais, tandis que Paris fait plus ou moins de la résistance aux sbires de Bruxelles, la
voisine de l’est joue l’obéissance envers la Commission européenne, et mène une politique de rigueur envers ses
citoyens (hausse d’impôts) - un choix très risqué en ce moment de dégringolade de la demande interne (reprise du
chômage, chute de confiance conso).
GRANDE BRETAGNE: PLUS DE DEFICITS OU FISCALITE PLUS FORTE ?
C’est l’opinion des experts de la City, après le dernier Rapport d’inflation de la Bank of England: il faut faire
jouer les déficits du budget ou augmenter la fiscalité si l’on veut soutenir l’économie britannique, en proie au
ralentissement global et aux risques de guerres. Une économie pour laquelle la BoE prévoit désormais que 2 à
2.5% de croissance pour 2004 (soit 1% de moins par rapport aux précédentes prévisions du Trésor, en novembre
dernier).
Et cela tandis que la situation financière des finances publiques se dégrade: en novembre passé Mr
Brown avait déjà doublé ses prévisions d’emprunts pour l’année fiscale en cours et augmenté l’objectif
d’endettement pour la prochaine année à 24 mlds £ (ce qui épuisera le surplus de 50 mlds accumulé pendant les 3
années antérieures).Depuis, les nouvelles sont mauvaises: le déficit budgétaire devrait encore se creuser - pour
les 9 mois de 2002 (avril- décembre ) le Trésor est redevable de 21.4 mlds de livres, alors que ses estimations
tablent sur seulement 20.1 mlds £ pour toute l’année fiscale qui termine fin mars 2003, soit un fort signal d’alarme
et un dérapage que le chancelier Gordon Brown n’avait pas prévu.
Avec les entrées fiscales en train de chuter (faiblesse de l’éco à l’affiche), cela va probablement obliger Mr
Brown à reconsidérer ses principes de politique fiscale, si bien observés dans le passé (la Golden Rule qui dit que
qu’il faut emprunter seulement pour investir, pas pour financer les dépenses courantes).. C’est une mission difficile
pour le chancelier de l'Echiquier qui doit choisir entre la dette publique (emprunts d’Etat) ou la fiscalité (hausse
d’impôts) - un choix délicat mais nécessaire, pas seulement parce que l’économie le demandent, mais parce que
promesses électorales obligent, le Parti Travailliste s’est engagé à dépenser 100 mlds £ (presque 150 mlds €) sur
3 ans pour que la qualité de l’enseignement, de la santé publique et surtout des fameuses voies ferrées
britanniques s’améliore.
C’est pourquoi les expertes attendent plutôt qu’il augmente la fiscalité que de couper les dépenses
publiques. On parle déjà d’une hausse des impôts de 11 mlds de livres, à faire jusqu’en 2006… mais le pire est
que les britanniques attendent déjà une recrudescence de la fiscalité à partir d’avril! Alors le coup de la fiscalité ne
tiendrait plus– il reste que Mr Brown fasse appel au marché des obligations et que le déficit flambe encore une fois.
Rappelons nous que la Grande Bretagne n’est pas membre de la Zone euro (et Mr Brown affirme clairement que le
pays restera encore une bonne période en dehors de l’euro) et en conséquence, pas tenue à l’obligation de 3% de
déficits publics.
En 2002 déjà les impôts ont augmenté de 1%, tandis que les taxes sur les revenus des firmes ont
diminué de 13%. De plus, Brown avait supplémenté les impôts des fonds de pensions (de 5 mlds de £) et établit
des restrictions plus dures aux affaires, tout en attirant les foudres des hommes d’affaires et des rivaux
Conservateurs (productivité réduite de 50%, crise des pensions à venir, trop de dette publique). La défense de
Brown: oui, la fiscalité est plus dure, mais regardez le chômage britannique (à 5.1%, alors que la Zone euro affiche
en moyenne 8.5%) ou la croissance du pays (beaucoup plus rapide que celle des autres grands de l’Europe
comme l’Allemagne, la France ou l’Italie ), ou encore les taux d’intérêt (plus bas que ceux des US ou de l’Europe) ..
Les marchés restent plus pessimismes, pourtant: le Trésor peut croire que la croissance va s’améliorer.. la Bank of
England peut toujours attendre une reprise modeste en 2003 et une croissance de 2.5% en 2004 .. mais il se peut
que les deux se trompent !
L’INCERTITUDE QUI TUE ..
Finalement, on peut que se demander comment le poids montant des déficits va affecter l’évolution des
économies .. vu que le principal motif de crainte est l’incertitude (politique, financière, économique). En fait, la vraie
question est combien cela durera encore, cette incertitude qui tue tout espoir de reprise et empêche les
investisseurs et les firmes à voir plus clair, à se faire une idée sur la direction des marchés. C’est aussi le thème
central des speeches des grandes banques centrales: le manque de certitude est la grave maladie qui frappe les
marchés à ce jour et rend plus difficile la tâche des autorités monétaires d’épauler la reprise.
La semaine dernière le speech semi- annuel de Greenspan au Congrès faisait référence aux incertitudes
qui, couplées avec les soucis sur l’évolution macroéconomique, seraient en train de modifier la perception du
risque que les investisseurs se font, et surtout leur aversion à risque. Ce qui fait que les firmes réduisent leurs
embauches et investissements, tout en gardant une gestion très stricte de leurs stocks..
Aujourd’hui à 15 h on attend le speech du président de la BCE devant le Parlement Européen. M
Duisenberg devrait y confirmer ce que le dernier rapport de l’institut de Francfort montrait: qu’il est très difficile
(sinon impossible) de formuler un jugement correct de l’impact des événements géopolitiques sur l’évolution des
économies du monde - rien n’est sûr, everybody hurts ..
Cristina VASILESCU