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NUMÉRO PAGE28 1 LE SIOUX LE SIOUX Mars 2016 A la guerre, le succès dépend de la simplicité des ordres de la vitesse de leur exécution et de la détermination générale à vaincre. Général PATTON Editorial Dans ce numéro 1 Editorial « Ne pas pratiquer ce que l’on enseigne, c’est déshonorer sa parole. Cours de tactiques 1922, Tomes II » Chers lecteurs, nous tenons à vous remercier d’être de plus en plus nombreux à nous lire. Bienvenue aux nouveaux lecteurs qui viennent s’inscrire par email, de même, si vous 2 Memento anglais souhaitez ne plus recevoir cette newsletter, il suffit de nous écrire. 5 Fiche de lecture De la Ce 28è numéro est placé sous le thème l’originalité. En effet, quand mon ami Christophe Guerre est venu me parler de Shanghai 1937, j’ai eu un peu de mal à situer cette bataille dans la seconde guerre mondiale et dans l’action en zone urbaine, pourtant, cinq ans avant 10 Fiche COL Goya Stalingrad, elle est une énorme bataille urbaine ! Un article vous présentera une rotation 16 Les blogs/Vidéo SYMULZUB réalisée par des réservistes se formant aux fondamentaux de l’action en zones urbaines. Les attentats de 2015 interrogent beaucoup sur la préparaion des forces 17 L’armement utilisé et pour SENTINELLE. Même si « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », il faut testé lors des « CAS » en bien chercher à comprendre un peu, aussi il est souvent important de regarder les vidéos Algérie. de propagande de l’ennemi, et décrire les subtilités. Vous allez découvrir la longue 26 Shanghai 1937 analyse très complète de monsieur Mantoux sur une vidéo de DAESH. Impressionnant de constater les savoir-faire mis en œuvre dans cet assaut urbain ! Il y a matière à analyse 31 Des réservistes pour et à réflexion. SYMULZUB Le second trait marquant de ce numéro nous vient du ciel, en effet, qu’il y a-t-il de 33 La victoire et la conquête « mieux » qu’une guerre pour tester de l’armement ? Les événements d’Algérie imminente viennent de (désignation officelle jusque 1999) seront le laboratoire d’essai réel de l’armement utilisé Dieu (3) Wilaya al khayr pour le CAS. La fiche de lecture nous plonge dans l’Indochine, avec un hommage aux « partisans » supplétifs locaux de l’Armée Française en Indochine au travers d’un retour 45 Le billet d’Arsene La d’expérience personnelle. Le colonel Goya nous plonge dans la contre-guérilla. Avec Lybie. Galula ou Trinquier, on reparle beaucoup depuis quelques années d’une école militaire française de la contre-guérilla en Algérie pour s’en inspirer ou pour la vouer aux gémonies. La vérité est qu’il y a surtout eu une conjonction de plusieurs courants de pensée, souvent contradictoires. Pour cloturer ce riche numéro (47 pages !), le billet d’Arsène tentera de vous présenter ce qu’un Monsieur à la chemise ouverte n’avait pas complétement vu ! S’inscrire ou desinscrire à cette newsletter Enfin chers lecteurs, nous vous encourageons à nous faire part de vos remarques, questions et suggestions, soit sur notre page Facebook à l’adresse suivante : https://www.facebook.com/groups: /782917638416377/ soit par courriel à [email protected] [email protected]. Ceci afin de mieux vous connaître et de mieux répondre Facebook : à vos attentes. Bonne lecture. Le Sioux Tactiques et batailles Chef de Bataillon Nicolas de LEMOS ORSEM Promotion Colonel Pierre MESSMER. Toutes les informations et images présentées, sont issues de sources ouvertes et n’ont d’autre vocation que d’informer. Les propos et articles n’engagent en aucun cas l’institution militaire, ils ne sont que des supports personnels. LE SIOUX PAGE 2 MEMENTO D’ANGLAIS 1. STAFF ESTIMATE This a US translation for a French “ point de situation ”. This is not the typical format of a US Staff Estimate. This a “SITREP”. General, it is (time). Your intent was to (concept of operations, phases). Phase (number) is ongoing. The division is currently conducting (task). In comparison with the original OPORD, the situation could evolve in the following way: (possible evolution). In order to issue a new (staff work type), I intend to brief you on the current situation, and then to provide you with the staff estimate, and eventually to recommend a new COA. The division’s subordinate units have reached the line (from left to right, 1st echelon, reserve). Their current situation is (disposition, CE, availability for the mission). The division reserve could be committed within (time) with the following constraints: ..... (strength) of the div arty. The target priority is (types of target in priority order). (Artillery units) are not committed and should be available within (time). The ADA units are deployed in (areas) and they are tasked to (mission). The DSA is set up in (area). The stock levels are the following: (levels). The situation of the neighboring units is the following: Obstacles have been laid down according to the obstacle plan: NBC strikes took place at (time) in (location). (Area) is currently contaminated and (units) should be considered for decontamination operations as soon as possible. (Other units) are on MOPP (NBC posture). The enemy units in contact are (dispositions, composition, strength, capabilities, COAs). In depth, (units, dispositions, composition, strength) could (capabilities, COAs) within (time) in (area). In order to determine the actual enemy course of action, recommended essentials element of informations (EEIs) are the following: In order to facilitate our action, we will be provided offensive EW support as of (time). The next CP shift will take place at (time), the future location will be at (location). The tactical CP will be set up for (operation or phase). Taking into account the enemy’s assets on the one hand, and our strength and the expected reinforcements on the other hand, the strength ratio is: presently: in the next future: our COAs are: I recommend the following: LE SIOUX PAGE 3 2. USEFUL EXPRESSIONS .Introduction la brigade fait partie d'une division blindée multinationale sous commandement FR face à notre brigade, … l'ennemi de la brigade est … face à, opposé à nous sommes actuellement à … l'orientation générale de notre zone d'action est SO-NE une zone de responsabilité de 10 km de large sur 20 km de profondeur cela correspond aux normes d'engagement de la brigade terrain découvert, difficile, escarpé horaires essentiels cette action durera plus de 3 jours cette opération commencera au crépuscule à 18h00 cela devrait se terminer après demain vers midi les unités encadrantes sont … sur la gauche Situation ennemie à 60 % de son potentiel l'ennemi pourrait … on s'attend à ce que l'ennemi … les éléments de tête le gros la compagnie d'avant-garde le gros d'avant garde (marche à l'ennemi) le 2e échelon soit …, soit … menace guerre électronique (GE) avérée L’ennemi est estimé être à 90% Mission - but cette unité doit … cette unité a pour mission de …. cette unité doit … Exécution Articulation groupement tactique du Royal Tank Régiment (RTR) le RTR moins un escadron, plus une compagnie de génie, plus une compagnie mécanisée forme le groupement tactique RTR groupement tactique 135 en renforcement de … détaché de … Introduction the Brigade is part of a Frenchled multinational armoured division our Brigade faces, confronts … the enemy of the Brigade consists of … Facing we are currently located at … our zone of action runs generally SW to NE a ten km-wide and 20 km-deep AOR it matches the brigade standards open terrain, restricted, steep key timings this action will last over 3 days the operation will start at dusk at 1800 it is due to end the day after tomorrow by noon the neighbouring units are … on the left side Enemy forces at 60% CE (combat effectiveness) the enemy could, the enemy is likely to …. the enemy is expected to …. the lead elements the main body, the bulk the Forward Security Element the Advance Guard Main Body the second echelon either …., or … electronic warfare (EW) threat identified the enemy has been assessed as 90% effective Mission this unit is to … this unit is tasked to this unit has to … Execution Task organisation Royal Tank Regiment battle group (RTR BG) the RTR less one squadron, together with one engineers squadron and one armoured infantry company forms up the RTR BG task force 135 attached to…, chopped to … (US) detached from … LE SIOUX détaché de … en appui de …, en renfort de … conservé aux ordres, appui d'ensemble unités de tête, de deuxième échelon Idée de manœuvre intention du chef plan de manœuvre le commandant veut faire effort sur telle action le commandant veut … en vue de … à partir de 0900 à partir de 0900 et au delà à 0900 aux environs de 0900 au plus tard pour pas avant 0900 210900 Z 210900 Z dans la région de Trifouilly les Oies à l’ouest de (à l’intérieur d’une zone) à l’ouest de (à l’extérieur d’une zone) vers l’ouest (idée de mouvement) attaquer à l’ouest à partir de l’ouest un axe nord-sud les hauteurs ère er 1 phase, 1 temps effort principal Répartition des missions en mesure de … priorité à espace de manœuvre être recueilli déboucher, relever par dépassement recueillir être relevé par dépassement relancer l'attaque sur ordre dans l'ordre 1, 2, 3 instructions de coordination conduite à tenir vis à vis de l'ennemi rencontré bascule du Poste de Commandement à 0530Z PAGE 4 detached from … direct support …(DS…) general support (GS) forward units, rear units Concept of operation commander's intent scheme of manoeuvre the commander will put the emphasis on doing … the commander’s intent is to; main effort... the commander intends to … in order to … as of 0900 from 0900 on at 0900 by 0900 no later than (NLT) not before 0900 twenty one-o nine-hundred Zulu on the 21st at zero nine hundred in the vicinity of Trifouilly the Geese in he west of , to the west of west of Westwards to attack west from the west a north-south axis the high grounds phase one main effort (ME) Task allocation be prepared to …. with priority to …. room for manoeuvre to conduct a rearward passage of lines to conduct a forward passage of lines to assist a rearward passage of lines to assist a forward passage of lines to resume an attack on order in order 1, 2, 3 coordinating instructions by-passing policy Command Post moves at 0530Z LE SIOUX PAGE 5 Les fiches de lecture du CSEM Titre de l’ouvrage Auteur - Edition De l’autre côté de l’eau Indochine 1950-1952 Dominique de la Motte - Edition Tallandier 2009 ISBN - Prix Rédacteur Capitaine YAKER Samir – 123° promotion du CSEM Date de rédaction 15 octobre 2009 1/ L’AUTEUR: Saint-cyrien (1945-1947), le lieutenant Dominique de la Motte choisit la cavalerie et est affecté au 501è Régiment de chars de combat à sa sortie de l’école d’application. Ayant rejoint l’Indochine dès 1949, il y effectuera 2 séjours dont le premier (1950-1952) lui servira de terreau pour rédiger, 40 ans après les faits, son récit intitulé « De l’autre côté de l’eau ». Instructeur à Saumur de 1956 à 1959, Dominique de la Motte reprendra ensuite le chemin de sa propre aventure, cette fois-ci en Algérie, pour commander un escadron à pied dans le Constantinois jusqu’en 1962. Admis à l’école de guerre en 1964, il sera chef de corps du 12è Régiment de cuirassiers de 1968 à 1970. De retour à Saumur, il dirigera l’Ecole d’Application de l’Arme Blindée et Cavalerie de 1979 à 1981. Adjoint au général commandant la 1ère armée à Strasbourg de 1981 à 1982, il prendra la tête de la IVè Région Militaire entre 1982 et 1985, avant de passer dans la 2è section des officiers généraux. Ce 1er livre, publié 20 ans après son écriture, sera accueilli avec un succès certain dans les médias de la presse écrite comme de la radio et sera récompensé par le prix littéraire de l’armée de terre Erwan Bergot 2009. 2/ SYNTHESE DE L’OUVRAGE : Construit en 15 courts chapitres d’inégale importance, le livre du général de la Motte se veut avant tout comme un hommage aux « partisans », supplétifs locaux de l’armée française en Indochine avec lesquels l’auteur a partagé la vie et les combats pendant son premier séjour sur ce théâtre. Sans logique chronologique, ou thématique, les chapitres peuvent toutefois être regroupés en 3 parties déclinant tour à tour les rapports du lieutenant de la Motte avec les hommes (« les hommes et le roi »), avec le milieu (« le roi et son environnement ») et enfin avec la guerre (« la guerre du roi »). 1. Les hommes et le roi 1.1. Les partisans «(…)ils ( les partisans) sont les seuls héros de cette histoire. » Confronté dès le début au problème chronique des effectifs insuffisants en troupes métropolitaines engagées sur le terrain, le commandement français eut recours au recrutement des populations autochtones. Ainsi, à côté du recrutement d’autochtones « réguliers », cohabitait un enrôlement de supplétifs, appelés « partisans ». Ce recrutement avait le mérite, à un coût moindre que celui des « réguliers », de fournir aux forces françaises d’Extrême-Orient une connaissance et des méthodes de combat proches de l’ennemi Viet-minh. LE SIOUX PAGE 6 Très hétérogènes dans leur composition et qualités, ces « partisans » avaient pour les unités les moins combattantes, des missions statiques essentiellement de gardes (plantations, voies ferrées, etc.), jusqu’à des missions d’intervention et de contre-guérilla (les « commandos ») pour les éléments les plus aguerris. Loin d’être marginal, le recrutement de « partisans » permit au commandement français de basculer l’essentiel de son effort au nord dans les années 19501951. De fait, accompagnant la pacification en Cochinchine (Sud), l’action des « partisans » libéra des bataillons de « réguliers » pour leur réengagement au Tonkin (Nord). C’est dans cette période du conflit que se situe le récit de l’auteur. Volontaire dès son arrivée sur le théâtre pour prendre le commandement d’une troupe de « partisans », il sera à la tête du commando 12 en Cochinchine (dans la région de Cau-Khoi) du 23 février 1951 au 6 juin 1952. Commando de 130 déracinés pour l’essentiel Khmers et Annamites, cette troupe avait un irrésistible besoin de croire en quelqu’un ou quelque chose. Le lieutenant de la Motte comprit immédiatement que son autorité dépendrait de sa capacité à s’imposer, non pas uniquement comme chef militaire mais comme étant celui qui à la fois ordonne, guide, juge et puni. Il lui a fallu pour cela devenir « roi » ou plus précisément se prévaloir d’emblée des prérogatives qui y sont attachées. Une fois « intronisé » et ayant constitué sa « cour » autour des premiers fidèles, il eut à sa charge de régler les problèmes d’ordre privé ou domestique intéressant ses hommes comme leurs familles dans leur vie quotidienne. Devant, comme il le dit, « trouver seul les limites à son (mon) pouvoir ou à sa (ma) fantaisie », il intervenait dans les querelles amoureuses, mariant par ici, ou défaisant un couple par là, prêtant de l’argent mais punissant les jeux d’argent ; se faisant même confectionner des uniformes très personnels pour lui et sa troupe. 1.2. Le roi et ses pairs : les officiers « (…)le sacro-saint annuaire des officiers.» A travers une galerie de portraits d’officiers qu’il a plus ou moins directement côtoyés sur le théâtre, l’auteur s’interroge sur la pertinence et la vacuité du commandement dont il dépend. Estimant que les querelles et atavismes métropolitains du corps des officiers perdurent jusqu’en Indochine, il finit par conclure qu’il a le sentiment de ne pas avoir été commandé, exception faite de la période où le secteur dont il dépendait était commandé par un colonel de la légion étrangère. 1.3. Le roi et ses vassaux : les sous-officiers « Ils ont vingt ans, une excellente santé et l’envie d’aller à la riflette. » Croquant à nouveau le portrait, l’auteur consacre quelques réflexions sur le comportement ou l’aptitude des quelques sous-officiers métropolitains et gendarmes qui sont sous ses ordres et jugera « inégale » l’aide qui lui ont apportée, à l’exception des plus jeunes, prompts à en découdre. LE SIOUX PAGE 7 1.4. L’autorité du roi « Je n’ai jamais voulu être roi, je l’ai été, non par la volonté de la République (…) mais par celle des hommes que je commandais. » Omnipotent mais fragile, le « roi » de la Motte reconnait en définitive que son autorité ne tient que par sa seule personne. Malade ou absent, la troupe se débande, libre de défaire l’accord à sa guise. Evoquant ce lien quasi-féodal qui l’unit à chacun de ses hommes de manière individuelle, il reconnaitra que ce système sans relais ou corps intermédiaire est dangereux. Il n’ignore pas non plus que la motivation pécuniaire est au centre de la stabilité des effectifs de sa troupe. Aussi l’argent et les prises de guerre seront au cœur de son système pour punir ou récompenser. 2. l’environnement du roi 2.1. La foi, les croyances « (...)Ils redoutent la nuit, les fantômes, les revenants. » Reconnaissant sans détour méconnaitre les coutumes, rites religieux de ses « partisans » et des familles placées sous son autorité, l’auteur livre à son lecteur sa perplexité face aux croyances de ses soldats hantés de démons et de forces obscures et capables, au nom de cette même et étrange foi, de mener de rudes patrouilles ou de livrer d’âpres combats. Se sentant pour sa part libéré par sa foi chrétienne, il confrontera par la suite son crédo à celui d’un compatriote communiste, pour conclure sur le primat de la foi sur « la dialectique marxiste ». 2.2. Le corps médical « J’appartiens au corps médical (…) » En tant que « roi », le lieutenant de la Motte est aussi par définition omniscient. L’urgence faisant loi lorsque la vie est en jeu, il s’invente médecin aussi bien avec ses « partisans » qu’avec leurs familles. S’affranchissant le cas échéant de toutes les procédures médicales, il envoie de sa propre autorité ses blessés au seul hôpital tenant son rang en Indochine. 2.3. Les planteurs « (Les planteurs)…caste puissante et influente. » Les planteurs étaient la pierre angulaire des colonies indochinoises. Originaux, ils étaient pour leur grande majorité anti-Viet-minh et la moitié d’entre-deux le paya de sa vie. Conscient du pouvoir des colons, le lieutenant de la Motte échangea une protection éloignée de la plantation d’hévéas qui lui servait de poste contre un hébergement pour lui même, les membres de son commando et leurs familles. Il trouva par là, le soutien financier et logistique que ses chefs militaires occultaient. 2.4. Les congaïs « Dans cette société d’hommes, (…) les congaïs(…) détiennent la réalité du pouvoir. » Selon l’auteur, les congaïs (les femmes) sont les véritables détentrices de l’autorité dans les sociétés indochinoises. Discrètes, elles interviennent et s’imposent dans toutes les décisions sans jamais se mettre en avant. Aussi pour pouvoir commander ses hommes, le lieutenant de la Motte vivra seul son aventure indochinoise et se dégagera du pouvoir de séduction des congaïs. Bien qu’ayant autorité sur elles, il devra toutefois souvent les ménager pour obtenir l’adhésion de la troupe. LE SIOUX PAGE 8 3. la guerre du roi 3.1. La guerre révolutionnaire « (…) en fait, je ne rendrai plus compte à personne. » Décrivant en quelques lignes les mécanismes d’endoctrinement, les excès et les horreurs de la guerre révolutionnaire, l’auteur comprit rapidement que dans la lutte qu’il menait contre le Vietminh, le renseignement devait devenir sa principale préoccupation. Mais méfiant vis-à-vis du système de renseignement français infiltré par le Viet-minh, il décida dans un souci d’efficacité sur le terrain de s’affranchir des procédures et du commandement dont il dépendait ; dès lors il conservera les prisonniers au-delà des délais habituels et fera procéder à des interrogatoires souvent efficaces. 3.2. Les caodaïstes (…) cette étrange religion » Devant non seulement mener le combat contre le Viet-minh, le lieutenant de la Motte était aussi confronté aux Caodaïstes, secte puissante, organisée, loyaliste selon les circonstances et dont le but était la conquête du pouvoir. Face à l’indifférence de son commandement pour régler le problème que constituait cette secte, il mènera la politique de la « carotte et du bâton » alternant les patrouilles communes et les expéditions punitives lorsque des membres de son commando seront abattus par la secte. 3.3. Les opérations «Je fais ma guerre. » Les opérations occupaient la moitié ou le tiers du temps du commando, le reste du temps étant consacré au tir, à l’entretien ou au sport. Il s’agissait pour le commando d’interdire au Vietminh un quadrilatère de 30 km de front mais dont la profondeur était indéterminée. Libre de l’imaginer à sa guise ou au gré de son ambition, le lieutenant de la Motte établit très loin au nord cette limite, à la frontière naturelle que constituait la rivière Tây-Ninh, affluent du fleuve Saigon. Dès lors, se rendre de l’autre côté de l’eau, c’était aller dans la montagne de Tây-Ninh, centre de gravité et de ravitaillement du Viet-minh local et des Caodaïstes ; c’était monter une opération commando pour éliminer le chef Viet-minh. De manière accessoire, il fallait aussi au commando assurer la protection de la route menant vers le sud et plus accessoirement encore, disposer d’une centaine d’hommes en alerte pour toute mission. Menant un combat alternant les longues patrouilles de nuit en jungle au combat d’embuscades, l’auteur livre par la suite au lecteur son désappointement face à l’utilisation des troupes supplétives. Dédaignées par les troupes régulières dans les actions combinées, elles flanc-gardaient le gros des troupes alors que leur vitesse, leur connaissance du terrain et leurs modes d’action les prédestinaient à l’éclairage « levant le gibier » pour les bataillons. LE SIOUX PAGE 9 3/ ANALYSE – AVIS DU REDACTEUR : Officier de cavalerie, aristocrate, le général de la Motte est clair dans son ambition narrative ; il ne s’agissait pas pour lui d’apporter une clé de compréhension supplémentaire de la guerre d’Indochine. Le récit fragmentaire de son aventure indochinoise s’attache surtout à dépeindre les hommes qu’il a côtoyés, par petites touches, en tentant de conserver leur altérité. Homme de son temps, il décrit quarante ans après les faits, un extrême orient compliqué en étant fidèle à la perception que pouvait en avoir ses contemporains de la métropole : forcément réducteurs et emprunts de préjugés raciaux (« les jaunes », les « nhaqués »), les souvenirs de campagne du général de la Motte se lisent néanmoins avec un certain bonheur car il a su habilement les teinter d’un humour pas nécessairement à son avantage. A mille lieux de préoccupations strictement tactiques, son récit décousu permet de mesurer une fois encore la pertinence d’un combat mené au cœur et avec les populations. Attaché à ses hommes, il partage tout avec ses partisans sauf l’essentiel : coup de feu, blessures, baroud, maladie sont de fait leur lot commun alors que son aventure « civilisatrice » et surtout humaine restera en définitive marginale, voire dérisoire tant il a fait preuve tout au long de son séjour d’une indécente mais assumée ignorance des cultures, rites et langues de « ses » partisans («je n’ai jamais parlé leur langue, ni compris leur comportement. ») ; tant et si bien que le lecteur pourrait légitimement s’étonner après lecture de ne pas y avoir trouvé les mots « amitié » ou « fraternité ». Si « aucun fait n’est inventé, ni (…) involontairement embelli » dit l’auteur, ce n’est pas le partisan qui est à l’honneur mais bien l’auteur lui-même qui se met en scène. Toujours en rapport de sujétion (n’oublions pas que le lieutenant de la Motte est « roi »), le partisan n’est, hélas, qu’un accessoire de cette narration. Extrêmement critique vis-à vis du commandement français jugé, à de rares exceptions, incompétent ou tatillon, il brosse en creux le crépuscule de l’aventure coloniale. Sans mission véritablement cohérente et sans moyens logistiques autres que ceux qu’il se constitue, le lieutenant de la Motte se cherche un ennemi (le chef Viet-minh local, mais pourquoi lui plus qu’un autre ?) et la victoire « de l’autre côté de l’eau » dans un combat unique. Annonciateur de Dien Bien Phu et de la décision par la seule bataille, il est à ce moment de l’Histoire et comme ses pairs, dépassé par les enjeux politiques et internationaux de la guerre révolutionnaire. On peut dans une seconde lecture, moins émotionnelle, essayer de dégager quelques enseignements militaires qui çà et là pointent dans les chapitres. A ce titre, l’auteur liste les trois conditions à réunir pour ses opérations: « un service de renseignement compétent, une troupe aguerrie, une vague compréhension de la guerre à mener». Peu ou prou, on retrouve dans cette impérieuse nécessité les principes de la guerre : la liberté d’action (fournie ici par le renseignement), la concentration des efforts et l’économie des forces (que permettent des partisans aguerris, économes le cas échéant de leurs forces donc aptes à manœuvrer). On peut enfin entre-apercevoir dans « la vague compréhension de la guerre à mener » la préparation des opérations acceptant l’initiative dans le brouillard de la guerre. Au bout du compte, cette approche de la guerre est pleine de bon sens et le lieutenant de la Motte a pu être imité avec succès; il manque toutefois un élément déterminant à « sa » guerre: Quelle motivation aurait pu pousser « ses » partisans à ne pas être que des mercenaires mais des patriotes au cœur des métropolitains ? LE SIOUX PAGE 10 Les incohérences de la contre-guérilla française pendant la guerre d’Algérie On reparle beaucoup depuis quelques années d’une école militaire française de la contre- guérilla en Algérie pour s’en inspirer ou pour la vouer aux gémonies. La vérité est qu’il y a surtout eu une conjonction de plusieurs courants de pensée souvent contradictoires qui, au prix de sacrifices considérables (10 morts chaque jour pendant plus de sept ans, 2% du produit intérieur brut par an), est parvenue certes à briser l’organisation militaire du Front de libération nationale (FLN) en Algérie et à obtenir le sentiment d’une adhésion de la population musulmane. Mais ce résultat précaire, rendu inutile par les choix politiques du général De Gaulle et largement mythifié avec le temps, a été acquis au prix d’une profonde crise morale interne et de la dégradation de l’image de l’armée au sein de la nation française. Dans ces conditions, il est apparaît difficile de parler de « modèle » français de contre- guérilla. LA BRUTALITE DES «AFRICAINS» Les débuts des conflits au milieu des populations n’ont pas le caractère net des déclarations de guerre. Pour autant, la qualité du diagnostic initial y est essentielle car elle détermine largement le cadre des évolutions futures. Au matin du 1er novembre 1954, après la trentaine d’attentats de la nuit, personne en France ne pense vraiment qu’une guerre vient de commencer. On ne sait d’ailleurs pas si les terroristes sont des communistes, des nationalistes, de simples mécontents ou des gangsters. Le gouvernement hésite donc sur la politique à adopter et se contente d’ordonner aux forces de l’ordre de rétablir la paix publique. Cette première vision de simple trouble à l’ordre public rencontre alors celle de beaucoup d’officiers supérieurs de l’Armée d’Afrique pour qui « l’arabe ne comprend que la force1», formant ainsi un mélange désastreux. Outre l’arrestation arbitraire de tous les nationalistes modérés (privant ainsi l’exécutif de tout interlocuteur politique et fournissant des centaines de recrues au FLN), les premières opérations conjuguent le principe de « responsabilité collective »2, consistant à punir un village abritant des « hors la loi », et le cadre juridique métropolitain pour l’interpellation de ces mêmes HLL, cadre si contraignant qu’il incite à ne pas faire de prisonnier. Si on ajoute l’indulgence vis-à-vis des « ratonnades » des « Européens » et les pratiques policières traditionnellement « musclées », cette guerre sans nom prend d’emblée un tour brutal parfaitement assumé par le général Cherrière, commandant en Algérie, qui annonce : « Nous devons réagir brutalement […] Nous l’avons bien vu lors des massacres de Guelma et de Sétif en 1945. Le général Duval a mis tout le paquet et a maté la rébellion. Nous devons faire de même aujourd’hui si nous voulons éviter une guerre longue3. » « Ils se disent de « Vieux Africains ». Vieux, en effet, pas tellement par l’âge mais plutôt par l’esprit. Ils seraient tout à fait aptes à faire face à une révolte du genre de celle d’Abd el-kader. Ils sont beaucoup moins à l’aise devant la subversion. Ils ne la conçoivent pas ». Colonel Godard, Les paras dans la ville. Mais de manière schizophrénique, cette armée d’Afrique est aussi l’armée des affaires indigènes et des régiments de tirailleurs. 2 Directive du 14 mai 1955 du général Cherrière 3 Raoul Salan, Mémoires : Fin d’un Empire, Tome 3, Algérie française 1 LE SIOUX PAGE 11 En termes de processus de production d’idées, on peut qualifier cette première approche d’heuristique simple, c’est-à-dire une méthode non élaborée reposant sur des solutions que l’on juge éprouvées. Dans des contextes où les décisions doivent être prises sous contrainte de temps, cette méthode a le mérite de la rapidité, mais huit mois plus tard, malgré l’arrivée de premiers renforts et l’instauration de l’état d’urgence (avril 1955), force est de constater que cette politique dure, qui marquera les pratiques jusqu’à la fin de la guerre, ne donne pas les résultats escomptés. La guérilla prend même de l’ampleur. La phase exploratoire doit donc continuer, en faisant appel cette fois à des heuristiques élaborées, c’est-à-dire fondées sur des corpus de doctrine que ont fonctionné dans des situations analogues. LES MALADRESSES DES « METROPOLITAINS » Le général Lorillot remplace le général Cherrière en juillet 1955. Comme son prédécesseur, il met l’accent sur la destruction des bandes rebelles et réclame pour cela des effectifs beaucoup plus importants. Les débats internes sont difficiles4 car renforcer l’Algérie ne peut se faire qu’au détriment de la modernisation des forces affectées à l’OTAN mais l’émotion causée par les massacres du 20 août 1955 dans le Constantinois (une centaine d’Européens et millier de Musulmans tués) fait basculer le gouvernement. On va passer ainsi de 80 000 hommes en novembre 1954 à 400 000 en août 1956. Cet afflux massif a plusieurs conséquences imprévues. Ceux qui ont connu l’isolement de l’Indochine y voient le symbole de l’implication de la nation, mais sans comprendre que cela introduit aussi l’opinion publique et les médias dans un conflit où les intérêts vitaux du pays ne sont pas en jeu. Surtout, ces renforts sont loin de donner le rendement attendu. On est incapable de former, d’armer et d’encadrer correctement ces centaines de milliers d’hommes, souvent peu motivés, qui finissent dispersés dans des états-majors pléthoriques où dans les innombrables demandes de protection locales. Cette médiocrité générale se traduit finalement par 8 000 morts par accidents divers (de tir en particulier) et à peu près autant dans les combats que nous subissons (embuscades, coups de main de nuit, etc.). Des ressources financières considérables sont ainsi absorbées, qui auraient plus utiles ailleurs, notamment dans l’aide à la population musulmane, et au bilan, les effectifs des unités qui manœuvrent réellement restent inférieurs à celui des fellaghas (15 000 contre 20 000 environ en 1956). Qui plus est, ces divisions ont du mal à se débarrasser des habitudes de métropole et d’Allemagne. Le général Lorillot a imposé le bataillon comme pion tactique de base et les opérations de ratissage de 1955-1956 se limitent le plus souvent à des allers-retours de colonnes motorisées incapables d’accrocher les petites bandes de felleghas. En désespoir de cause, ne parvenant pas à distinguer les combattants des civils, on décide de créer des « zones interdites » à la population, dans lesquelles tout Musulman sera forcément un fellagha. Ces façons de faire désespèrent les vétérans d’Indochine. En 1956, le colonel Trinquier écrit au général Salan : Depuis deux ans on tâtonne; il faudra encore deux ans pour redécouvrir et mettre au point des méthodes pourtant connues […] Beaucoup de gens m’avaient dit : « Rien de ce que vous avez fait en Indochine ne pourra s’appliquer en AFN, le terrain, le milieu, les conditions de la lutte, tout est différent. » Or, rien n’est plus faux, mais il faudrait dans la masse des renseignements tirés d’Indochine déterminer ceux qui peuvent s’appliquer ici. Or je ne pense pas que quelqu’un ait même essayé de faire ce travail. Le général Guillaume, chef d’état-major général, et Le général Zeller, chef d’état-major de l’armée de terre, demandent à être relevés des leurs fonctions. 4 LE SIOUX PAGE 12 Salan lui répond : Le plus grave défaut de notre armée actuelle, c’est qu’elle travaille trop ! Tous les bureaux sont noyés sous la paperasse ! Nos chefs, trop absorbés par des questions secondaires, n’ont plus le temps de réfléchir et de penser aux questions importantes. Ils ne dominent plus aucun problème. En dépit des déclarations officielles, on est partout sur la défensive. Malgré nos grands moyens, nous parons simplement les coups comme nous pouvons, mais toujours à courte vue, dans l’immédiat5. En parallèle des divisions métropolitaines, les régiments parachutistes et l’armée de l’air constituent les laboratoires d’une autre voie qui combine l’imitation de l’adversaire dans sa légèreté avec la maîtrise de la troisième dimension. Avec la bataille d’Alger en 1957, ces unités apprennent aussi à organiser un renseignement de contre-guérilla. Par capillarité, les Bigeard et autres Jeanpierre font école sur l’ensemble des forces françaises en Algérie. LES ILLUSIONS DES « COLONIAUX » Au même moment, un autre courant considère que le véritable enjeu n’est pas la destruction des katibas mais le contrôle de la population musulmane selon le principe qu’une fois ce contrôle obtenu, le « poisson » guérillero, privé d’eau, ne pourra survivre. Ce courant luimême comprend deux branches distinctes. La première, dans la tradition des bureaux arabes et très inspirée des méthodes de Lyautey6, s’efforce de pallier la sous-administration et la misère de la population musulmane grâce à des sections administratives spéciales (SAS). constituées d’un officier, d’un sous-officier, d’une trentaine de harkis et de plusieurs spécialistes civils ou militaires (médecin, instituteur, comptable, infirmière, radio, etc.). Les premières SAS sont créées en mai 1955 dans les Aurès-Nementchas, sur l’initiative du général Parlange puis l’expérience est étendue à l’ensemble de l’Algérie par le ministre Soustelle contre l’avis de nombreux « Européens » et même de militaires qui voient là une dispersion des efforts sur une mission bien peu gurrière. Au bilan, pour un investissement limité et des pertes assez faibles (82 officiers et sous- officiers SAS sont assassinés), les 700 SAS s’avèrent un redoutable instrument de lutte contre le FLN grâce au contact qui est renoué avec la population et la source de renseignement qui en découle. Pourtant, cette expérience ne pouvait qu’échouer au regard de l’ampleur de la tâche, de son insuffisance à contre-balancer la peur inspirée par le FLN, de son incompatibilité avec les pratiques militaires dures mais aussi de la contradiction entre cette vision d’intégration totale des Musulmans et celle des deux « états finaux recherchés » à partir de 1958: l’ « Algérie française (sous domination européenne) » ou l’indépendance. Pour plus de prudence, les SAS sont « démilitarisées » à partir de 1960. Raoul Salan, Mémoires : Fin d’un Empire, Tome 3, Algérie française, Presses de la cité, 1972, p. 49 « Je crois comme une vérité historique que, dans un temps plus ou moins lointain, l’Afrique du Nord se détachera de la métropole. Il faut qu’à ce moment là-et ce doit être le suprême but de notre politique-cette séparation se fasse sans douleur et que les regards des indigènes continuent toujours à se tourner avec affection vers la France. A cette fin, il faut dès aujourd’hui nous faire aimer d’eux ». Lyautey, le 14 avril 1925, devant le Conseil de la politique indigène. www.islam-maroc.gov.ma 5 6 LE SIOUX PAGE 13 Un second groupe d’officiers prend pour modèle le Viet-Minh, dont ils ont pu mesurer l’efficacité. Eux-aussi estiment que la population musulmane est le « centre de gravité » mais leur combat contre le communisme a introduit des biais dans leur raisonnement. Le premier 7est qu’ils considèrent que le conflit en Algérie s’inscrit dans le cadre d’une guerre subversive mondiale. Cela les conduit à nier la part de nationalisme dans le combat des fellaghas et surtout à considérer que si l’Algérie devient indépendante, c’est la France elle-même qui devient menacée. Le deuxième biais est que, selon eux, la peur inspirée par le rebelle ne peut vraiment être combattue que par une contre-peur plus puissante. L’arrivée du général Salan en décembre 1956 et la victoire sur le terrorisme à Alger au printemps 1957 donnent une grande extension à cette «guerre psychologique» ou «révolutionnaire». Les grandes opérations sont délaissées au profit d’une pression permanente sur la population (présence dans les villages, fouilles des gourbis, interrogatoires de Musulmans pris au hasard8) qui est elle-même largement regroupée dans des camps afin de mieux la contrôler. Une fois la contre-peur établie, l’étape suivante consiste à marteler un message politique élaborée par le 5e bureau par tous les moyens possibles de la «propagande blanche» (revues, bandes dessinées, tracts, haut-parleurs, etc.), puis à compromette le maximum de Musulmans en les intégrant dans des organisations d’anciens combattants, de jeunes, de femmes, etc. Là où les SAS voulaient conquérir les cœurs, les 5e bureaux recherchent la domination des esprits. 7 8 Directive de janvier 1957. Les interrogatoires doivent être « poussés à fond » (note du 11 mars 1957). LE SIOUX PAGE 14 VICTOIRE A LA PYRRHUS L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle sonne le glas de la guerre psychologique. De Gaulle lui-même considère ces théories comme puériles (« Foutez-moi la paix avec votre guerre subversive. On ne peut à la fois manier la mitraillette, monter en chaire et donner le biberon ! »9) et en 1960 Pierre Messmer, ministre des Armées, supprime les 5ebureaux et le Centre interarmées de guerre psychologique (« hiérarchie parallèle de commissaires politiques»)10. Le nouvel exécutif suit en cela beaucoup de chefs militaires qui sont exaspérés d’être devenus e « les domestiques à la botte des 5 bureaux […] suprématie du territorial sur l’opérationnel11» et qui, à la fin de 1958, sont heureux de voir le nouveau commandant du théâtre, le général Challe, redonner la priorité à la destruction des bandes rebelles. La capacité de manœuvre est augmentée au détriment du quadrillage puis concentrée d’Ouest en Est dans de grandes opérations de nettoyage qui vont durer presque deux ans. Après plus de trois de tâtonnements, la phase exploratoire semble déboucher sur une véritable analyse et faire place à la phase d’exploitation d’un paradigme à peu près établi. Pour autant, le champ des possibles reste balisé par le passé dont les succès et les erreurs ne sont pas abolis dans les mémoires des habitants ou des militaires. Le plan Challe ne fait d’ailleurs pas forcément l’unanimité parmi ces derniers, notamment chez les tenants les plus durs de la guerre révolutionnaire. Pour le colonel Argoud : « Le général [Challe] aborde le problème avec une optique d’aviateur. Il n’a de la guerre révolutionnaire qu’une connaissance livresque. Il n’a en pas saisi la philosophie. Réagissant en technicien, il ignore les problèmes de la troupe, de la population. Il est confirmé dans cette attitude par son entourage, composé d’une majorité d’aviateurs et d’officiers d’étatmajor de type classique […] Lancée sur un objectif secondaire [la destruction des bandes], sa manœuvre ne put donner que des résultats partiels12. » Les résultats sont pourtant là, puisqu’en 1960 l’armée de libération nationale est réduite de moitié et, asphyxiée entre les barrages sur les frontières du Maroc et de la Tunisie, elle ne compte plus comme force combattante. On oublie cependant de dire que cette destruction n’aurait pu se faire sans l’accélération de la politique de regroupement des populations rurales, qui finit par toucher 2,3 millions de personnes (presqu’un tiers de la population musulmane). Ce qui aurait pu être admissible si la France avait fait l’effort nécessaire pour faire vivre dignement cette population, devient honteux et même contreproductif lorsque ces populations sont laissées dans un état misérable, ce qui finit par être le cas le plus fréquent13. 9 Jean-Raymond Tournoux, cité par Paul et Marie-Catherine Villatoux, La République et son armée face au « péril subversif », Les Indes savantes, 2005, p. 551. 10 Pierre Messmer, Après tant de batailles, 1992, p. 271 11 Colonel Langlais alias Simplet, « Guerre révolutionnaire, guerre psychologique ou guerre tout court », in Revue militaire d’information n°309, octobre 1959. 12 Jacques Duquesne, Comprendre la guerre d’Algérie, Paris, Perrin, 2003, p. 189. 13 Le 22 décembre 1960, le general Parlange, créateur des SAS et inspecteur des camps de regroupement demande à être démis de ses fonctions constatant le décalage entre le rythme de formation des camps et celui des fonds qui leur sont alloués. LE SIOUX PAGE 15 LA POPULATION DANS LA BOITE OPAQUE En 1960, la grande majorité de la population musulmane est dans la position du chat de Schrödinger14, de gré ou de force à la fois proche des Français et du FLN. Nombre de familles ont d’ailleurs simultanément un homme dans les harkis et un autre parmi les fellaghas. « Chaque camp peut donc revendiquer en toute bonne foi la victoire dans « la bataille des cœurs et des esprits15». Comme dans la fausse expérience de Schrödinger, il faut alors l’apparition d’un révélateur, politique cette fois, pour dénouer cette contradiction. Dans les conditions politiques du début des années 1960, ces révélateurs ne sont plus que deux : l’indépendance de l’Algérie ou l’engagement massif de la France dans l’intégration totale des Musulmans. Finalement, le résultat politique de la victoire militaire du plan Challe n’est que de pouvoir placer ce choix entre les mains de l’exécutif français et non celles du FLN. Or le général de Gaulle a fait son choix depuis longtemps mais il n’a pu le dévoiler plus tôt tant l’action militaire était devenue la continuation de sa propre vision, floue et rétrospectivement peu réaliste mais suffisamment puissante pour lui donner un axe et lui donner le sentiment d’approcher la victoire. En prenant de la cohérence, l’action militaire s’est elle-même piégée dans un sentier qui ne l’amenait pas dans la direction du réalisme politique à long terme du général de Gaulle. Dès lors le drame était inéluctable ouvrant la porte à une version française du « coup de poignard dans le dos ». Il est possible de s’enorgueillir d’avoir éliminé au total plus de 180 000 combattants rebelles16 (mais avec un rapport global de pertes de 3 contre 1, peu flatteur compte tenu de l’écrasante supériorité des moyens des Français) et de considérer qu’ainsi les militaires français ont rempli leur mission, avant d’être trahis par l’échelon politique, version française du « coup de poignard dans le dos » allemand. Mais on peut se demander aussi comment ont pu apparaître, dans une population de 8 millions de Musulmans, plus de 200 000 volontaires pour combattre dans les pires conditions (une telle proportion en Afghanistan donnerait actuellement 800 000 combattants Talibans). Le FLN menait effectivement une guerre psychologique auprès de la population musulmane et de l’opinion publique française. Mais dans ce type de guerre, qui est avant tout une confrontation de projets politiques dans le cadre d’une sorte de campagne électorale violente, les différents gouvernements français n’ont jamais pu proposer quelque chose de vraiment réaliste qui puisse à la fois s’opposer à la vision du FLN et guider l’action militaire. D’un autre côté, celle-ci, par ses erreurs de perceptions, l’errance des conceptions et l’incapacité à conjuguer la lutte contre les fellaghas avec une action cohérente auprès de la population, a contribué aussi à ce que le FLN gagne la bataille des esprits, sinon celle des cœurs. Rétrospectivement, il semble que plus que de « système » cohérent de contreguérilla, il vaille mieux parler de « schizophrénie tactique » dont la face sombre a été à la fois refoulée par l’institution militaire et régulièrement mise en avant par tous ceux qui veulent se faire une gloire universitaire ou politique facile. Colonel GOYA 14 Dans cette expérience fictive, le physicien Erwin Schrödinger imagine un chat enfermé dans une boîte fermée avec un système aléatoire de désintégration atomique qui a une chance sur deux de le tuer au bout d’une minute. Selon la théorie quantique, tant que l’ouverture de la boîte le chat n’est pas faite, le chat est simultanément vivant et mort. C’est l’ouverture (c’est-à-dire l’observation) qui provoque le choix de l’état. 15 Cette expression est généralement attribuée à Sir Gérard Templer, haut-commissaire en Malaisie de 1951 à 1954. 16 François-Marie Gougeon, The « Challe » Plan, counter-insurgency operations in Algeria, 12/1958-04/1959, Master of military studies, Command and staff college, Marine corps university, Quantico, Virginia, 22134-5068 LE SIOUX PAGE 16 LES BLOGS / vue sur internet : (Attention, la plupart de ces vidéos montrent crument les effets létaux des armes d’aujourd’hui. Ceux qui ne supportent pas la vue du sang ou d’hommes morts devraient s’abstenir de les visionner) Voir les liens dans les articles. Vidéo : CAS : https://www.youtube.com/watch?v=Uk-pNITjnP8; https://www.youtube.com/watch?v=RyhJj7nVRhI; https://www.youtube.com/watch?v=H4LOGfuuugc; https://www.youtube.com/watch?v=b_izdXSIWEg; De l’autre coté de l’eau : http://www.ina.fr/video/3828577001; Blog : http://historicoblog3.blogspot.fr/ : Ce blog se veut essentiellement une plate-forme de vulgarisation de l'histoire militaire : les billets cherchent donc, la plupart du temps, la simplicité. Ils contiennent une large part de description, dans un but pédagogique : les billets consacrés à l'histoire militaire se veulent avant tout ouverts à tous, et non pas réservés aux spécialistes. Une attention toute particulière est portée à la bibliographie des ouvrages fichés et aux sources dans les articles produits, condition sine qua non d'une pratique "scientifique" de l'histoire. Des notes de bas de pages sont éventuellement incluses également. L'essentiel des billets est constitué soit de fiches de lecture, soit d'articles de fond. LE SIOUX PAGE 17 L’armement utilisé et testé lors des « CAS » en Algérie. Dans le sioux numéro 14, un article avait été écrit sur le close air support lors de la seconde guerre mondiale, avec une réflexion sur la naissance d’une doctrine, avec le sioux numéro 12 d’octobre 2014, j’avais écrit un article sur le close air support en Algérie, sans rentrer dans les détails, je souhaite dans ce numéro vous faire partager, l’armement qui fut utilisé et testé pendant la guerre d’Algérie. Nous sommes encore loin des GBU, liaison 16 etc que nous pouvons cotoyer de nos jours. Dans les conflits du XXè siècle et XXIè siècle, on a utilisé l’arme aérienne en appui feu rapproché pour aider, ou pour desserrer l’étau, sur les troupes au sol. Ce concept d’appui feu aérien, close air support (CAS) pour nos amis anglo-saxons, a démontré son utilité et efficacité. Pour parler de mission CAS, il faut que les amis et les ennemis soient assez proches pour qu’une coordination avec la manœuvre terrestre se révèle nécessaire et que la coordination et l’intégration des feux soient assurées. 1. L’appui aérien L’allied tactical publication (ATP-27) définit les différentes missions des forces aériennes, dont le CAS. L’ATP-63 lui, définit les tactiques et les procédures à prendre pour ce type de mission. 2. Les Missiles filoguidés SS 11/AS 11. C’est pendant la guerre d’Algérie que fut expérimenté en grandeur réelle le premier missile guidé utilisé en nombre: le SS-11. Prévu comme arme anti-char, son développement entraîna son utilisation comme appareil embarqué sur aéronefs en version Air-Sol appelée AS-11, utilisable aussi pour l’attaque au sol, c’était aussi le premier missile guidé français. Le SS-11 (sol-sol 11) est le premier missile antichar à avoir connu une utilisation mondiale. De fabrication française (SFECMAS puis « Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Nord » puis « Nord aviation » puis « Aérospatiale »), il était guidé par un fil qui se déroulait lors du lancement et reliait en continu le missile au poste de commande situé sur le véhicule tireur. Durant le trajet du projectile, un long fil se dévide depuis le véhicule tireur, en tournant sur luimême ce projectile conserve ainsi une trajectoire la plus rectiligne possible. Grâce à ce fil qui guide la trajectoire, un opérateur (placé dans un poste de tir) transmet des données qui permettent le guidage vers sa cible. Ce poste de tir est équipé d’un système optique de pointage. L’engin original était prévu pour être lancé à partir d'une mini-rampe de lancement montée sur véhicule. Il fut rapidement adopté par l'Armée de Terre française pour équiper les blindés légers, dès 1958, et testé durant la guerre d'Algérie. Rapidement une version airsol (AS-11) pouvant être tirée à partir d'un hélicoptère ou d’un avion fut développée. Les enrouleurs des fils de commande étaient dans la rampe de lancement montée sur les aéronefs. Devant le faible coût et la bonne précision du missile, les USA qui étaient à la recherche de missiles antichar, le choisirent, et le SS11 fut mis en service dans l'US Army sous l’appellation AGM-22 et, par la suite, ce Figure 1 Une vue d'un MB Flamant tirant un AS-11 sur des grottes dans une type de missile entra en vallée en Algérie. Le peintre montre bien sur la trace des fumées que l'engin service dans de nombreuses était en rotation lors de son lancement. autres armées. LE SIOUX PAGE 18 Le SS-11 est le premier missile utilisant le lien filaire pour les modifications de direction, des déviateurs de jet permettant le pilotage. Cette technique, mise au point par l'ingénieur de l’armement Émile Stauff en 1948 et brevetée en 1955, permettait en effet un pilotage avec un système de faible encombrement, efficace quelle que soit la vitesse de l'engin. Ce système sera repris sur l'ensemble de la gamme de missiles antichars et airssol développés ultérieurement par Nord Aviation puis par l’Aérospatiale (AS-30, Milan, Eryx, etc ...). L’engin était piloté manuellement par un guidage optique, l'opérateur disposant d'un viseur télescopique pour acquérir l'objectif. Une fois lancé, dès que le missile entre dans son champ de visée, l'opérateur l'aligne sur sa ligne de mire au moyen d'un levier de commande et les ordres sont transmis au moyen d’un fil qui se déroule entre le lanceur et l’engin lequel permet de diriger le missile sur l'objectif en visant les fusées lumineuses fixées sur sa queue. Sa fabrication en série, qui commence en 1956, se termine en 1984 dans les établissements de Bourges. Les cadences de production atteignirent au plus fort de la fabrication 1.500 unités par mois. Plus de 180.000 exemplaires furent produits Utilisation en AFN La première utilisation au combat du missile SS-11 eut lieu en 1956 avec un premier essai à partir d’un Dassault MD 311, comme méthode d'attaque contre les grottes fortifiées situées dans les gorges des montagnes escarpée de l’Atlas algérien. L'expérience de cette utilisation au combat s'est révélée extrêmement fructueuse et est devenu standard sur les autres MD 311 de l’Armée de l’Air utilisés pour le combat en Algérie. De cette expérience de combat débutée en Algérie sur des appareils à voilure fixe, l'Armée de l’Air française développa l’utilisation de ces missiles sur des premiers hélicoptères de combat motorisés avec des moteurs à turbine fiable. Cela n'était possible que grâce à la société française Turbomeca, qui venait de mettre sur le marché des turbines fiables et légères (turbopropulseur). Le mode de lancer des missiles antichars, basé sur l'Alouette II et plus tard l'Alouette III s’avéra le plus efficace car il était plus facile de piloter ces missiles à partir de plateformes pouvant rester en vol stationnaire. Les Alouette II portaient quatre missiles AS-11 mis au point pour le tir air-sol. Ce système a vu une importante utilisation dans ce conflit de 1958 à 1962 Le SS/AS-11 pouvait recevoir différentes charges militaires suivant l'utilisation : Type 140AC en version antichar à charge creuse capable de percer 600 mm de blindage, Type 140AP02 en version perforante à souffle et fragmentation Type 140AP59 en version antipersonnel à souffle et fragmentation Type 140CCN en version antinavire. Caractéristiques : Motorisation : deux étages à poudre. Masse au lancement : 30 kg environ. Longueur : 1,2 m Diamètre : 164 mm. Envergure : 500 mm Vitesse : 110 à 220 m/s. Portée : 500 à 3.000 m Charge militaire : Charge creuse de 6,8 kg. LE SIOUX PAGE 19 3. Les bombardements en Algérie Les bombardements en Algérie furent réalisés par divers appareils, pour les bombes lourdes (plus de 50 kg) elles ne furent utilisées que par des avions spécifiques. Il semble se confirmer que les appareils d’entraînement modifiés pour la lutte antiguérilla dont les T-6 G, les Vanneau, les SIPA etc… aient été équipés de lance-bombes légers permettant l’emport uniquement de bombes françaises de 50 kg de type 50 D.T.2. 4. Bombardement avec avions légers Des lance-bombes pour bombes légères furent souvent montés sous des avions très divers, notamment les Ju 52, NC 701, T.6G, SIPA ou Dassault 315. Sur ces appareils les systèmes fixes sous les ailes étaient désignés lance-bombes « Schloss 50 » modifié Alkan. "Schloss" ne serait pas vraiment une marque, mais une désignation, et peut tout simplement se traduire par "lance-bombes" (dérivé d'une des significations du mot en allemand : serrureverrou). "Schloss 50" désigne un lance-bombes pour des bombes jusqu'à 50 kg. On pouvait trouver ce lance-bombes sur énormément d'appareils allemands de la période 1938-1945. Ce lance-bombe d'origine allemande, n'était pas de très bonne qualité même après sa modification par la société française Alkan qui était spécialisé dans les lance-bombes. Ils furent donc par la suite remplacés par des appareils Alkan plus performants. La fabrication de ces lancebombes d’origine allemande avait été récupérée par Alkan, qui l’avait adapté pour l’utilisation sur les avions légers. Alkan était, avantguerre, un spécialiste des lance-bombes, de grandes dimensions notamment les GPU et TGPU (Grande Puissance Unitaire ou Très Grande Puissance Unitaire) destinés au lancement de bombes de 200 ou de 500 kg montées horizontalement sous les fuselages ou sous les plans des avions français. A cette époque, du moins en France, les bombes légères étaient lancées verticalement et de l’intérieur des soutes à bombes. Pour leur part les Vanneau 472 et les Dassault 311 étaient eux équipés de lance-bombes ALKAN type 50 modèle 46, un nouveau modèle développé par la firme après la guerre. LE SIOUX PAGE 20 Les avions légers armés auraient été équipés de collimateurs divers. Pour les T-6 il semblerait qu’au moins au début les collimateurs aient été des SFOM type 83 ou 83A, même chose pour les SIPA mais dans les documentations de 1950 pour les MS 472/474, les avions de 1 à 11 étaient équipés de SFOM type 101, puis à partir du 12 avec des « Revi 16b » (un collimateur d’origine allemande). Mais en 1950 ces appareils n’étaient encore que des avions d’entraînement à la chasse donc ces collimateurs ne servaient qu’au tir de chasse. Dans le cas du SFOM 101, un rhéostat était ajouté sur la planche de bord, en haut à droite pour le tir de nuit. Il est possible que ces collimateurs (qui étaient amovibles) aient été changés suivant les époques et le matériel disponible. Mais je ne sais pas très bien comment avec un seul collimateur, il était possible aux pilotes, de tirer tous les types d’armement, mitrailleuses, roquettes de divers type, et largage de bombe sur des cibles diverses et variées. Les quelques pilotes questionnés ne semblent pas se souvenir de ces diverses utilisations, certains se posent même la question de l'efficacité de leurs tirs lors du lancement de bombes. Nb: les croquis et les informations techniques sont extraits de diverses notices techniques d'époque. 5. Bombes au Napalm ou « Bidons spéciaux » Le napalm fut utilisé plus ou moins « officiellement » en Algérie sur des cibles très bien délimitées, surtout sur des zones où il était possible qu’il y ait eu des rassemblements de «rebelles» principalement sur les « Zone interdites » sur des positions abritées ou les grottes. Mais c’est quoi le napalm ? Voyons ce qu’en dit le dictionnaire : Napalm (Na phténic et Palm acides ITIC) est un épaississant généralement mélangé à l'essence pour utilisation dans des opérations militaires. Le nom de la substance, le napalm, est une combinaison des noms de ses dérivés (co-précipités sels d'aluminium de na-phténique et Palm acides ITIC). Familièrement, le napalm est utilisé comme une référence générique à plusieurs liquides inflammables utilisés dans les guerres, souvent en gelée essence. Développement Le développement du napalm a été précipité par l'utilisation de mélanges d'essence gelée par les forces alliées dans laSeconde Guerre mondiale. Le latex utilisé dans ces premières formes de la guerre est devenu incendiaire logistiquement difficile à utiliser dans le théâtre du Pacifique, ce qui a incité les chercheurs des entreprises chimiques Du Pont et la Standard Oil, ainsi que des chercheurs de l'Université Harvard, à s'engager suite à une demande du gouvernement US d’élaborer une alternative au matériel utilisé mais de qualité supérieure. Une équipe de chimistes, dirigée par Louis Fieser à Harvard, a été la première à mettre au point le « napalm » pour l'armée américaine en 1942. LE SIOUX PAGE 21 Le napalm était alors composé d'un mélange de sels d'aluminium, acides naphténiques (produits à partir de pétrole brut) et les acides palmitiques (qu'on trouve dans les huiles de palme ou de coco), qui créent un savon «aluminium». Lorsque ce « savon » est mélangé à de l'essence il produit une substance brune sirupeux incendiaire. Le napalm a commencé par être utilisé comme carburant pour les lance-flammes, puis il a été utilisé en grande quantité dans des bombes incendiaires. Il semble que la première utilisation en Europe eut lieu le 17 Juillet 1944, des bombes incendiaires au napalm sont larguées pour la première fois par quatorze P-38 Lightning sur un dépôt de carburant à Coutances, près de Saint-Lô. Une plus grande utilisation du napalm par les forces alliées eut lieu dans le théâtre du Pacifique contre les villes japonaises qui étaient facilement incendiables. Dans le théâtre occidental, la RAF et l’USAAF ont largué plusieurs centaines de milliers de bombes incendiaires sur la ville de Dresde, détruisant plus de quatre-vingt-dix pour cent du centre-ville. Plus incidemment le napalm a été utilisé au cours du siège de La Rochelle, en avril 1945, contre les soldats allemands, environ deux semaines avant la fin de la guerre. Par la suite le Napalm fut aussi utilisé par les forces américaines dans la guerre de Corée. Le Napalm a été utilisé plus récemment, en temps de guerre par ou contre: Par la France au cours de la première guerre d'Indochine (1946-1954) et de la guerre d'Algérie (1954-1962). A Chypre (1964, 1974), pendant les guerres de sécessions. Par Israël (1967, 1982), contre les Palestiniens. Par le Nigéria (1969), contre les rebelles. Par l'Inde et le Pakistan (1965 et 1971), l’un contre l’autre. Par le Brésil (1972), contre ses rebelles. En Égypte (1973), contre ? Par le Maroc pendant la guerre du Sahara occidental (1973-1991). Par l'Iran (1980-88), contre l’Irak. En Irak (1980-88, 1991, 2003 - présent). En Angola, en 1993. En Argentine pendant la guerre des Malouines. En Algérie, ces bombes au napalm étaient désignées « bidons spéciaux ». C’était des conteneurs à peau mince rempli de gel de carburant destiné à être employé contre les abris des troupes, des installations d'approvisionnement en bois, des structures diverses, des rassemblements de troupe, des grottes et parfois des convois terrestres. C’était des bombes à rupture destinées à provoquer des incendies lors de l'impact par un allumeur au contact, ce liquide provoque la propagation sur les objets environnants. L’utilisation du Napalm est interdite sur les objectifs non strictement militaires. 6. Les canons Malgré ce que nous pourrions penser, les avions utilisés en AFN, qui étaient majoritairement d’origine anglo-américaine, étaient malgré cela très souvent équipés de canons de 20 mm d’origine française, même si ces canons étaient fréquemment de construction étrangère. 7. Les mitrailleuses En dehors des appareils équipés à l’origine d'armes de bord, comme les P-47 ou les Corsair, les armes disponibles étaient principalement des mitrailleuses rescapées de la Deuxième Guerre mondiale. MITRAILLEUSE LOURDE DE 12,7 mm ~ M 2. Ce type d'arme, très courante dans toutes les armées pendant la Deuxième Guerre mondiale, en AFN et même encore actuellement, était alors aussi bien montée sur des blindés qu'en casemate ou sur les avions, mais dans ce cas, principalement sur les appareils américains (par exemple dans les ailes sur les P/F 47 ou le nez des B-26 "Invader") mais elles furent aussi utilisées montées en gondole sur les "Fennec" un système d'armement de fabrication française. Elles furent aussi utilisées montées sur un support en sabord sur les hélicoptères armés "Pirate", en compléments des canons MG 151 de 20 mm. LE SIOUX PAGE 22 A — DESTINATION originale: Arme collective à tir tendu, très précise et très stable destinée aux compagnies d'accompagnement et à la protection des véhicules (D. G. A. et D. C. B.). Sa puissance et sa fiabilité l’ont utilisée par l’aviation américaine notamment sur les avions P-47, et les avions de la deuxième guerre mondiale avec l'appellation arme de .50 (soit 50/100 de pouces = 12,7 mm). (Ce qui amena parfois certains historiens, très connus mais non spécialistes, de traduire cela comme canon de 50...) Cette arme existe en deux modèles : Mitrailleuse fixe, plus spécialement montée sur véhicules ou sur avion (ne porte pas de poignée). Mitrailleuse mobile (2 poignées sur la plaque arrière), utilisé sur véhicule et aussi sur hélicoptère armé. Une mitrailleuse de calibre 50/100 de pouces ou 12,7 mm, de type mobile. Celles qui sont montées sur les avions n'ont ni poignée ni queue de détente. B. — VALEUR BALISTIQUE : Portée maximum : 6.900 m. Portée utile : 2.377 m. Perforation de blindage : 16 mm à 500 m. (balle perforante). Extraits de la notice sur le Fennec F.1T-28 A-1 édition 1/1/62 L’avion possède 4 points d'attache sous voilure et des installations permettant l’emport et le tir des charges ou équipements suivants : Points internes, au choix : 2 containers à 2 mitrailleuses de 12,7. 2 lanceFigure 2 Le conteneur pour deux mitrailleuses de 12,7 mm monté sous les bombes ALKAN type avions Fennec. 263 (ou 261) fixés a la voilure, par 2 ferrures spéciales et pouvant emporter, soit : 2 bombes de 125 kg, (ou 260 lbs maximum à empennage court) et toutes bombes de calibre inférieur autorisé. 2 nids d'abeille lance-roquettes MATRA type 122, équipés de 7 roquettes de 68 mm. 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 361, (équipés de 36 roquettes de 37 mm). Points externes : LE SIOUX PAGE 23 - 2 lance-bombes/lance-roquettes MATRA 38 fixés à la voilure par des ferrures spéciales, et pouvant emporter soit : - 2 bombes de 125 Kg (ou 260 lbs maximum à empennage court), et toutes bombes de calibre inférieur autorisé. - 2 bombes spéciales SECAN type 51. (Probablement des bidons de Napalm). - 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 122, équipés de 7 roquettes de 68 mm. - 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 361, (équipés de 36 roquettes de 37 mm) - 2x2 roquettes T10 de 105 ou 120 mm. La sélection de tir des différents chargements se fait au moyen d'un tableau d'armement situé au poste de pilotage avant, à droite du tableau de bord. 5. Les roquettes. Après la guerre les avions français étaient pour la plupart d’origine alliée, certains étaient déjà équipés de lance-roquettes dit « à longueur nulle ». Plusieurs types de roquettes étaient alors disponibles pour ces appareils, aussi bien de fabrications américaines qu’anglaises. Il fut décidé de lancer une fabrication française de ce type d’armement mais qui devait évidemment pouvoir être interchangeable avec les matériels alliés. Les T.10 étaient en fait le propulseur, un tube contenant la poudre pyrotechnique de propulsion, son empennage en tôle, son amorce et son allumeur électrique. La charge offensive était constituée par des explosifs divers notamment des obus de 90 mm ou de 120 mm ainsi que des charges creuses (antichars). Ils étaient évidemment non guidés, seule la vitesse relative de l’avion leur permettait d’aller au but fixé par le pilote. La précision était relative, mais vu la force explosive de chaque pointe c’était quand même relativement efficace et plutôt impressionnant pour les troupes au sol. Roquette T 10 : Têtes en services : T 151 : Explosive à charge creuse (120 mm) T 140 : Explosive à fragmentation (105 mm) T 145 : Explosive fumigène T 104 : Exercice Roquettes H.V.A.R. Roquette H.V.A.R 5 inch (127mm) (High Vélocity Aircraft Rocket) Il n'y a aucune certitude d'utilisation effective de ces roquettes sur les avions en Algérie, mais de nombreux essais ont été réalisés. Ce type de roquettes H.V.A.R. ou Hvar (et surnommé par les américains Holy Moses) fut utilisé par les avions américains lors de la 2ème Guerre mondiale notamment les Mustang, TBM-3 Avenger, Corsair, Bearcat, etc… Dès le début de la guerre d’Indochine ces roquettes furent utilisées par l'Armée de l'Air française et les avions de la Marine. LE SIOUX Têtes en services : MK 6 M1 : Inerte MK 6 M4 : Explosive MK 25 : Explosive "B" Les lance-roquettes à grande capacité. A partir de 1959, les T-6 G sont équipés de lanceroquettes MATRA LR 181 ou LR 361. Ces réservoirs conteneurs ronds peuvent lancer suivant le modèle 18 ou 36 roquettes SNEB de 37 mm ou 7 roquettes de 68 mm à fragmentation. Roquette S.N.E.B - 37 mm : - paniers de 36 roquettes de 37 mm ; Longueur : 0,52 m Figure 3 Les deux paniers équipés de mitrailleuses et le lance-roquette SNEB 37. PAGE 24 LE SIOUX PAGE 25 Roquette S.N.E.B. - 68mm: - paniers de 7 roquettes de 68 mm ; Figure 4 T-6-G2 de l'EALA 14/72 à Thiersville, équipés de lance-roquettes MATRA Les fusées SNEB (de fabrication française, Société Nouvelle des Établissements Edgar Brandt) sont des roquettes non guidées reprises ultérieurement par la société française TDA Armements, conçues pour le lancement par des avions de combat et des hélicoptères. Le premier modèle connu était d'un diamètre de 37 mm, puis le calibre fut augmenté et le calibre de 68 mm fut adopté (un calibre qui a été préféré par les Français à d'autres modèles internationaux de 70 mm ou 80 mm) qui semble avoir été utilisé en grande quantité en Algérie. Les projectiles SNEB sont propulsés par un moteur-fusée unique et, selon le secteur du chargement sur les lanceurs, il peut être utilisé contre des véhicules de combat légèrement blindés, des bunkers sommaires ou d'autres cibles faciles. CBA Nicolas de LEMOS J’en profite pour saluer tous mes amis aviateurs dont un qui se trouve sur Cognac et qui se reconnaitra en lisant cet article. LE SIOUX PAGE 26 SHANGHAI (1937) Premier exemple moderne de bataille urbaine, la bataille de Shanghai, qui a lieu en 1937, est un trou béant dans l’historiographie de la seconde guerre mondiale. Pourtant, cinq ans avant Stalingrad, elle est une énorme bataille urbaine, mettant en jeu 900 000 hommes, 700 avions, 300 chars et 130 navires ! Pendant trois mois, d’octobre à novembre 1937, chinois et japonais vont s’affronter dans les rues de Shanghai qui est alors une des plus grandes villes du monde. En 1932, les deux pays se sont engagés dans un conflit larvé qui marque le vrai début de la seconde guerre mondiale. Une première bataille a eu lieu en 1932, à l’issu de laquelle une zone démilitarisée est instaurée. Une garnison japonaise est installée afin de garantir la concession japonaise. L’armée nationaliste en alors en pleine transition, quittant son modèle ancien de seigneur de la guerre vers une structure occidentale, sous influence allemande. Un mois après l’incident du pont Marco Polo (le 07 juillet 1937), les japonais entrent à Pékin. La guerre ne s’arrêtera désormais qu’en 1945. A la fin du mois d’août 1937, ils créent l’Armée du Nord de la Chine, qui compte 200 000 hommes. Depuis 1935, Shanghai fait l’objet de la part des chinois de travaux de fortifications, pour ceinturer la ville, de peur d’une poussée sur Nankin, la capitale nationaliste, située à moins de 300 km. Le lieu de l’engagement est choisi par les chinois parce que le delta du fleuve Bleu (Yangzi Jiang) est une campagne de rizières coupées de digues, hautes d’un à deux mètres, et de canaux profonds de 1,5 à 3 mètres et que les fermes sont autant de points pouvant être fortifiés. Les quartiers nord de Shanghai forment un dédale de ruelles tortueuses et de grandes usines propices à la guérilla urbaine. La garnison japonaise ne compte alors que 5 000 fusiliers marins. Trois divisions et une brigade chinoises stationnent près de Shanghai, dont les 87è et 88è divisions qui s’y sont déjà battues en 1932 et ont été formées par les allemands. Entre le 7 et le 12 août 1937, les chinois bloquent la rivière Huangpu, tandis que des éléments de la 88è division et de la 20è brigade s’infiltrent dans la zone neutre. Tchang Kaï-Chek veut manifestement frapper un grand coup pour montrer au monde sa détermination ; il a répugné à engager ses meilleures unités au nord. Il veut profiter de la supériorité numérique chinoise. Il semble se préparer à une guerre longue, contrairement aux japonais qui ne voient en Chine que des « incidents » qui seront rapidement résolus. Le combat va s’engager quartier par quartier, rue par rue. En contre-attaquant à Shanghaï, le pouvoir nationaliste montre aussi que le peuple chinois entend mener une « guerre de résistance », d’un seul bloc, contre l’envahisseur. LE SIOUX PAGE 27 Première phase : l’offensive urbaine (13-22 août 1937) Les japonais ont porté leur effectif à 9 000 hommes et des escarmouches ont lieu le 13 août alors que les civils commencent à quitter la ville. Les chinois attaquent dans le district de Zhabei. Manquant d’armes lourdes, leurs mortiers de 150 mm ne pouvant venir à bout des bunkers fabriqués par les japonais, ils décident de s’approcher suffisamment des bunkers japonais et de les attaquer avec des grenades à mains. Pour cela, ils prennent les rues adjacentes aux bunkers et entourent ceux-ci de murs de sacs de sable en vue de les « asphyxier ». La réponse japonaise sera de déployer leurs chars dans les axes afin de pouvoir dégager leurs points d’appui. Les japonais se replient en bon ordre, ne se désagrègent pas, et leurs observateurs d’artillerie donnent pleinement en réglant précisément le feu de l’artillerie navale. Le 14 août, une bataille aérienne s’engage, les chinois profitant là aussi de leur supériorité numérique, mais les japonais bénéficient de la supériorité technologique, et peuvent remplacer plus facilement leurs pertes aériennes. Les chinois abattent 85 avions japonais au prix de 91 des leurs, mais cela représentant alors la moitié de leurs forces aériennes. Les navires japonais ancrés dans le port ouvrent le feu sur les quartiers bâtis. Les soldats chinois des 87è et 88è divisions s’épuisent ensuite dans des vains assauts frontaux contre les défenses japonaises, dans l’espoir d’éliminer la garnison avant l’arrivée de renforts par mer. Les fusiliers marins sont soutenus par l’aéronavale japonaise, tandis que les appareils chinois tentent de frapper les bâtiments nippons ancrés à Shanghai, causant la mort de nombreux civils. Le 21 août, les 87è et 88è divisions, renforcées par la 36è division, lancent une attaque sur un front d’une dizaine de kilomètres et parviennent presque à acculer les japonais avant qu’une contre-attaque ne les rejette deux jours plus tard. La supériorité numérique, quoiqu’essentielle, notamment en zone urbaine, ne suffit pas. Les chinois, bien qu’ayant une large supériorité ont manqué d’armes lourdes. La capacité de réaction, puis de reprise de l’initiative grâce aux blindés a été déterminante. Le combat urbain ne se limite pas à des assauts frontaux résolus par une écrasante supériorité numérique. Ce manque va encore être aggravé par la Marine japonaise qui a frappé avec précision les positions japonaises. Le feu des appuis doit aussi être encagé strictement pour avoir un effet réel. LE SIOUX PAGE 28 Deuxième phase :(23 août-26 octobre) La veille, la force expéditionnaire de Shanghai, partie le 15 août, et commandée par le général Matsui, débarque les 3è et 11è divisions de l’armée sur la rive sud du Yangzi, au nord/nord-est de Shanghai. Mais les chinois résistent suffisamment pour empêcher les japonais d’élargir leur tête de pont. Le général Zhang Zhizhong, qui dirige la défense de Shanghai, contreattaque le 24 août à Luodan : il faut quatre jours aux japonais de la 11è division pour prendre la ville. La 3è division prend Wusong le 31 août après des combats tout aussi acharnés. Dans la nuit du 5 au 6 septembre, Matsui lance une offensive vers la rivière Yuzaobin, qui se heurte aux défenses chinoises organisées autour du terrain coupé notamment par des cours d’eau et des canaux. Le combat se transforme en guerre d’usure. Fin septembre, les chinois alignent déjà 26 divisions, plus de 200 000 hommes. Côté japonais, les 9è, 13è et 101è divisions de l’armée arrivent en septembre, et une brigade indépendante de Formose débarque à Shanghai le 14, en tout plus de 100 000 hommes tirés du nord de la Chine, de Taïwan etc. Des bataillons de réservistes viennent combler les pertes. A ce moment-là, la bataille de Shanghai a clairement pris le pas sur les opérations du nord de la Chine. Dans les airs, les japonais s’imposent après avoir introduit le nouveau chasseur A5M qui surclasse les chinois. Le 7 septembre, les chinois se replient vers une seconde ligne défensive, alors que le choléra fait son apparition dans Shanghai. Les combats vont alors se focaliser autour de la petite ville de Luodian, ville représentant un carrefour routier stratégique. Pour Alexander von Falkenhausen, cette ville est essentielle et il conseille à Tchang Kaï-Chek de la tenir coûte que coûte. 300 000 soldats vont y être concentrés, attaqués par 100 000 japonais, appuyé par des avions, des chars et l’artillerie de la Marine. Les japonais vont utiliser à fond la supériorité de leur appui pour écraser les troupes chinoises relativement passives, peu manœuvrantes, mais se sacrifiant dans la défensive. La ville y gagnera le surnom de « broyeuse de chair et de sang ». (血肉磨坊). Avec un taux de pertes supérieur à 50%, la ville doit être abandonnée fin septembre. Les japonais franchissent la rivière Yunzaobin le 12 octobre et les combats se focalisent sur la ville de Tachang. Entre les 18 et 21 octobre, les chinois lancent une contre-offensive majeure autour de Tachang à l’aide du 21è groupe d’armées accouru du Guangxi, mais la ville tombe le 25 octobre. Les chinois abandonnent Shanghai elle-même mais se maintiennent sur ses flancs. Pour débloquer la situation, l’armée japonaise a formé la 10è armée le 20 octobre, sous le commandement du général Yanagawa, un spécialiste des opérations amphibies. LE SIOUX PAGE 29 Durant cette deuxième phase, les chinois ont tenté une contre-offensive qui malgré une énorme supériorité numérique, a échoué du fait de la puissance de feu japonaise, ces derniers alignant 700 pièces d’artillerie. L’aviation japonaise a mené de nombreux bombardements réduisant la ville de Tachang en ruines. Les japonais ne sont pas capables de mener un appui aérien rapproché. Troisième phase :(27 octobre-26 novembre) Avec les 6è, 18è et 114è divisions, l’armée japonaise débarque dans la baie de Hongzhou, au sud-ouest de Shanghai, mal défendue par les chinois, le 5 novembre, alors que Matsui franchit la crique de Suzhou. Trois divisions chinoises rameutées pour bloquer la 10è armée sont repoussées. Tchang Kaï Chek commet une erreur d’appréciation en ordonnant la retraite le 9 novembre seulement, entrainant la désintégration de certaines unités chinoises. Shanghai tombe deux jours plus tard. Si la victoire est acquise pour les japonais, elle l’est à un coût élevé : plus de 9 000 tués et 30 000 blessés. En outre, l’armée impériale n’a pas réussi à l’anéantir l’armée nationaliste. Celle-ci a montré sa détermination lors de la bataille de Shanghai, mais à un prix démesuré. 187 000 hommes ont été mis hors de combat, en particulier les meilleures divisions formées par les allemands et notamment les cadres (30 000), qui ont en grande partie disparu. La prise de Nankin est le résultat direct de cette véritable saignée. LE SIOUX PAGE 30 CONCLUSION : Une des causes possibles de cette bataille serait la volonté de Tchang Kaï chek d’attirer l’attention étrangère sur la situation de la Chine face au Japon. C’est une cause possible, mais comme dans beaucoup d’événements historiques, cette cause se situe au milieu d’autres raisons. A l'époque, la bataille de Shanghai a fait l'objet d'une quantité assez importante d’articles dans les grands médias occidentaux, étant souvent sur la première page du New York Times. Shanghai était une ville bien connue, et il y avait des intérêts commerciaux occidentaux importants bloqués dans la zone. Cependant, pour l’occidental moyen, cela était difficilement compréhensible et sans rapport avec son quotidien, comme aujourd’hui les conflits aux confins de l’Asie (en Afghanistan) ou dans l’Afrique sub-saharienne. La seconde bataille de Shanghai a entrainé la destruction des unités les mieux entrainées de l’armée chinoise. Les japonais ont appris, suite aux difficultés de 1932, ils ont réécrit leurs procédures de débarquement amphibie qu’ils ont utilisés pour débloquer la situation. Qui a gagné ? Toujours difficile de répondre à cette question, la bataille de Shanghai est parfois surnommé le Stalingrad du Pacifique. Les chinois sont à l’origine de la bataille, mais leur bilan est très maigre, ils n’ont pas détruit le cœur de l’Armée Impériale en échange de quoi ils ont tout de même laissé leurs meilleurs cadres, et leur capitale. L’absence de cadres et d’une armée bien entrainée pèseront lourd en 1949 lors de la guerre contre les communistes de Mao. Cependant, les japonais, s’ils ont montré de belles qualités tactiques, n’ont pas détruit l’organisation politique et les moyens de production chinois rapatriés vers l’intérieur de la Chine, et surtout les japonais ont été obligés de rentrer dans un conflit qu’ils n’ont pas choisi et qui aboutit à une guerre d’usure nécessitant l’utilisation des maigres capacités terrestres japonaises. Rentrer en guerre ne suffit pas, il faut prévoir la sortie et définir des objectifs de guerre et dans la guerre, ce qui ne sera jamais fait par les japonais qui vont courir après le lièvre chinois puis américain. Peu connue, la bataille de Shanghai est pourtant une brique essentielle la bataille du Pacifique en particulier et de la seconde guerre mondiale en général. Shanghai 1937: Stalingrad on the Yangtze Peter Harmsen A blog about the 1931-45 Sino-Japanese conflict that shaped modern Asia Defense_of_Sihang_Warehouse Final Attack On Shanghai (British Pathe 1937) Actualités allemandes UFA 22 septembre 1937 Lieutenant-Colonel Ch. MARCILLE Centre d’Entrainement aux Actions en Zones Urbaines 94è RI. LE SIOUX PAGE 31 Des réservistes pour SYMULZUB. Du 8 au 12 février 2016, 23 réservistes provenant de trois unités élémentaires (92è RI, 13è RG et 503è RT) ont été instruits dans le cadre de SYMULZUB aux actions en zone urbaine au CENZUB de Sissonne (02). La première activité a été la perception du matériel nécessaire à « SYMULZUB», notamment des gilets disposant des capteurs, ainsi que des senseurs pour le casque, un boitier sur l’arme. La simulation du combat va ainsi pouvoir approcher d’un grand réalisme comme nous le constaterons rapidement. Nous sommes intégrés au sein de la FORAD (force adverse) pour une instruction reprenant les fondamentaux des actes élémentaires et réflexes, aussi bien individuels que collectifs (trinôme ou groupe). Nous profitons pleinement de l’instruction dispensée. Les instructeurs savent s’adapter aux niveaux différents de ceux qui leur sont confiés. Des entrainements progressifs nous mettent en situation au plus proche du réel, notamment grâce aux installations du CENZUB. Le soir nous avons droit à une analyse après action (3A) s’appuyant sur des vidéos de la journée ce qui nous permet de voir notre progression, mais aussi les points à perfectionner, et ce, sans possibilité de tricher, la preuve par l’image étant définitive ! Nous voyons par exemple la progression sous blindage, la reconnaissance d’un bâtiment, tenir dans un bâtiment, participer à une contre-attaque. Ces phases sont réalisées avec une mise en ambiance s’appuyant sur un fond sonore, des fumigènes à l’intérieur des bâtiments. Tous ces savoir-faire, ces missions sont intégrés et répétés. Cela nous permet d’acquérir de nouveaux réflexes que nous mettons en pratique face aux EVI du 1er RI en FGI. Cette semaine au CENZUB a été très enrichissante. Mélangeant trois unités de réserve, nous avons pu échanger sur nos parcours, nos expériences respectives. Nous avons redécouvert l’agressivité contrôlée, le cadre des engagements se plaçant loin de la légitime défense habituelle, mais que nous pouvons être appelé à mettre en œuvre dans le cadre de l’opération SENTINELLE, si les circonstances l’exigeaient. LE SIOUX PAGE 32 Emploi du temps AZUR 1: élémentaire individuel. déplacer: Mardi matin Acte AZUR 1: Acte AZUR 1: élémentaire élémentaire Se individuel.. Se poster individuel. Acte AZUR 2: PO Indiv Se poster Mardi après-midi AZUR 3: Le trinôme se déplace en ZURB Mercredi matin AZUR 4: trinôme se AZUR 5 / 7: trinôme déplace dans un pénètre dans une escalier: pièce et fouille la pièce: Mercredi après-midi AZUR 6: trinôme AZUR 8: trinôme neutralise et détruit réagit face à un une ENI: blessé AMI Mercredi nuit AZUR 9 / 10: trinôme se déplace, neutralise, détruit un ENI dans une pièce de nuit: Jeudi matin Progression blindage sous Utilisation du trinôme Le trinôme participe à AZUR 11: participe à GEN la saisie d'un étage une Def. Ferme Jeudi après-midi Exercice synthèse: BRI Alexandre P. ETR du 503 RT LE SIOUX PAGE 33 L'Etat Islamique : La victoire et la conquête imminente viennent de Dieu (3)Wilayat al-Khayr Le 13 janvier, l'Etat Islamique a publié le troisième volet de sa série consacrée aux grandes opérations dans le wilayat d'alKhayr (Deir es-Zor). J'avais commenté le deuxième volet dédié à l'attaque de positions au sud de l'aéroport en septembre 2015. Dès le début de la vidéo, une carte satellite plongeante depuis l'espace nous montre que l'objectif de l'EI est l'aéroport de Deir-es-Zor, toujours tenu par le régime. Suit un défilé d'armes lourdes : ZSU 23/4 de prise, un camion portant un canon AA S-60 de 57 mm (qui est lui aussi une arme du régime retournée...), des bitubes AA de 23 mm ZU-23 ou de 14,5 mm KPV... une autre carte se focalise ensuite sur un quartier au nord-ouest de l'aéroport, à l'est du stade de foot, al-Sinaa. Un premier chef de groupe tient à discours pour motiver ses troupes : une vingtaine d'hommes, majoritairement armés d'AK-47 et d'au moins une mitrailleuse PK. Un autre chef de groupe s'adresse également à ses hommes. On peut voir ensuite une trentaine de combattants faire leur prière. L'EI filme ensuite des positions du régime, probablement près de l'aéroport. Un canon de l'enfer, le S-60 sur camion et au moins un canon sans recul SPG-9 entrent alors en action contre les positions du régime. On distingue un abri pour avion de l'aéroport sur les images: il est situé à l'angle est de l'aéroport, quasiment à l'extrémité des pistes. L'EI bombarde le secteur depuis, à une distance d'au moins 300 m. Les images semblent identiques à d'autres prises début novembre 2015. Figure 5 Carte de Deir es-Zor. En bas, l'aéroport tenu par le régime. Le point noir représente le quartier d'al-Sinaa près du quartier industriel, où a lieu l'action finale de la vidéo. LE SIOUX PAGE 34 Figure 6 L'aéroport montré sur la carte de l'EI. Figure 6 ZSU 23/4 Shilka pris au régime par l'EI. Figure 8 Un camion avec S-60 capturé sur le régime. Figure 9 Bitube KPV sur technical Figure 10 Bitube ZU-23 sur technical. LE SIOUX PAGE 35 Figure 11 Le quartier d'al-Sinaa et le quartier industriel sur une carte de la vidéo. Figure 12 Discours aux troupes. Figure 13 La prière Figure 14 L'EI observe les positions du régime. Figure 15 Les canons de l’enfer. (Voir le sioux numéro 24). LE SIOUX PAGE 36 Figure 16 Le S-60 en action. Figure 18 SPG-9 en action. Figure 17 Ce char embossé qui tire semble être une image ancienne : on voit la même ou quasiment dans la vidéo de septembre... Figure 19 Les hangars de l'aéroport de Deir es Zor. Figure 20 Le hangar visé est à l'extrémité est de l'aéroport. L'EI tire depuis au moins 300 m de distance. Véhicule de l'Etat Islamique visibles dans la vidéo 1 x ZSU 23/4 1 x camion embarquant un canon AA S-60 de 57 mm (récupéré sur le régime) 2 x technicals avec bitube KPV de 14,5 mm 1 x technical avec bitube ZU-23 de 23 mm 1 x char T-55 1 x char T-72 1 x BMP-1 LE SIOUX PAGE 37 La séquence suivante montre des véhicules kamikazes lancés contre les positions du régime près de l'aéroport. Le premier monte un T-55 détourellé. Il explose au loin. Le deuxième est embarqué sur un pick-up blindé de manière artisanale : il s'agit de Hafez Al Jazrawi (un Saoudien). Un troisième kamikaze manipule un camion-benne avec blindage additionnel : il s'agit de Abu Dajanat al Saheli, un Syrien venant de la zone entre la plaine d'al-Ghab et la côte, d'où son nom de guerre. Ces images datent également de début novembre 2015 (autour du 10-11). Figure 21 VBIED 1 : T-55 sans tourelle Figure 22 Explosion VBIED 1 Figure 23 VBIED 2 : Hafez Al Jazrawi (Saoudien). Figure 24 Explosion VBIED 2 Figure 25 VBIED 3 : Abu Dajanat al Saheli (un Syrien du Sahel, la région entre la plaine d'al-Ghab et la côte peut-être) : les images datent du 11 novembre 2015. Figure 26 Explosion VBIED 3 . Véhicules kamikazes utilisés par l'EI dans la vidéo 1 x T-55 sans tourelle 1 x pick-up blindé 1 x camion-benne blindé 2 x bulldozers blindés 1 x camion-benne blindé LE SIOUX PAGE 38 Les images suivantes montrent le pilonnage de positions du régime par des technicals, un équipé d'un bitube AA ZU-23 de 23 mm, au moins deux équipés de bitubes KPV en 14,5 mm, par des mitrailleuses PK et DSHK. Le ZSU 23/4 retourné est également de la partie, de même que le canon SPG-9 qui tirait sur les hangars à l'est de l'aéroport, ce qui laisse supposer qu'on est dans le même secteur et à la même période. Un RPG-7 et un fusil de sniping lourd en 12,7 mm sont également de la partie. Un hélicoptère Mi-8/17 est filmé à distance, de même qu'un ou plusieurs MiG-21 du régime syrien qui sont pris à partie par les technicals. Figure 27 PK Figure 28 Technical avec ZU-23 bitube. Figure 29Bitube KPV sur technical Figure 30 DSHK sur affût. Figure 31 Le ZSU 23/4 en action. Figure 32 Fusil de sniping lourd. Figure 33 Mi-8 filmé à distance. Figure 34 Mig-21 Figure 35 Et tir des technicals contre ce dernier. La scène qui vient ensuite montre l'assaut sur le quartier d'al-Sinaa, à l'est de la ville de Deir-esZor, au nord-ouest de l'aéroport, autour de la veille de Noël, le 24 décembre 2015. L'assaut est précédé par l'explosion de plusieurs véhicules kamikazes. Le premier, un bulldozer blindé artisanalement, est piloté par un Syrien, Abu Jahad Al Darawi. Un autre Syrien, Abu A'abadat al Shami, conduit un deuxième véhicule kamikaze, un autre bulldozer blindé. Un troisième Syrien, Syaf Al Banyassi, pilote un autre camion kamikaze au blindage renforcé. Les trois kamikazes se sont explosé successivement. Une mosquée est visible sur la séquence : si l'on s'en refère au secteur pris par l'EI lors de l'attaque du 23-24 décembre, il s'agit probablement de la mosquée alGhazali. Les 3 kamikazes s'engagent dans des rues parallèles, au-delà de la mosquée, vers les positions du quartier industriel tenu par le régime. Syaf Al Banyassi, sur le camion, qui est au LE SIOUX PAGE 39 milieu, se fait sauter en premier ; puis c'est Abu A'abadat al Shami sur le deuxième bulldozer blindé, sur la gauche ; enfin vient le tour de Abu Jahad Al Darawi sur l'autre bulldozer blindé. Une caméra GoPro montée sur un des combattants filme l'assaut au sol. Les hommes de l'EI contournent la mosquée et entrent dans le quartier industriel où ont explosé les kamikazes, au nord du quartier, sous les tirs ennemis (on voit les impacts au sol). La progression dans les rues est couverte par des jets de grenades et un tir de mitrailleuse PK. On remarque un brancadier qui vient récupérer un blessé ainsi que plusieurs combattants qui apportent le ravitaillement en eau. Un Su-24 du régime (ou russe) survole les hommes de l'EI. Ceux-ci pénètrent dans le quartier industriel précédé par un char T-55. Un canon de l'enfer appuie l'assaut à distance, de même qu'un tireur RPG-7 qui effectue un tir "en cloche". L'EI engage deux chars en combat urbain : un T-72 et le T-55 sans doute vu précédemment. Tourelle tournée vers la gauche, les deux chars expédient plusieurs obus chacun. Les fantassins de l'EI sont ensuite engagés dans le combat de rues. Deux mitrailleuses PK Figure 36 En bleu, le quartier pris par l'EI lors de l'assaut du 23 retranchées derrière une barricade décembre (rouge : le régime ; noir, l'EI). ouvrent le feu. Des combattants couvrent la traversée d'une rue par leurs camarades en tirant à l'AK-47. L'un des hommes montre à la caméra un emblème d'épaule du Hezbollah libanais. Utilisant une technique éprouvée en combats de rues, les hommes de l'EI pratiquent des trous dans les cloisons à l'intérieur des bâtiments pour éviter de passer par les rues. Ils utilisent des explosifs amenés par quelques hommes pour faire sauter certains passages. On peut voir ensuite une quinzaine de corps de combattants du régime. Il y a une épave de char dont on voit la tourelle éjectée qui a l'air ancienne (T-72), en revanche on voit ensuite l'épave encore fumante d'un autre T-72. L'EI montre ensuite un passeport ou un document d'identité du régime qui est, chose surprenante, écrit en français. Le butin est montré à la fin de la vidéo, sur fond de discours sonore du calife al-Baghdadi : un canon KPV sur affût fixe, des munitions dont des roquettes pour RPG-7, des armes légères... l'EI capture aussi des munitions estampillées "2 charges de poudre M57 pour la mine à charge creuse" (en français), sans doute des munitions à charge creuse pour le lance-roquettes yougoslave M57 (copie du Panzerfaust allemand). La vidéo se termine sur un portrait de Bachar el-Assad lacéré et sur l'arrivée d'un BMP-1 de l'EI dont l'un des membres d'équipage agite son couteau vers le ciel. Figure 37 VBIED 1, bulldozer blindé : Abu Jahad Al Darawi. LE SIOUX PAGE 40 Figure 38 Abu Jahad Al Darawi Figure 40 VBIED 3 : Syaf Al Banyassi. Figure 39 Abu Jahad Al Darawi monte dans son VBIED. Figure 41 Charges explosives VBIED 3 Figure 42 Syaf Al Banyassi. Figure 43 VBIED 3 Figure 44 VBIED 2 : Abu A'abadat al Shami. Figure 45 VBIED 2 à gauche, 3 à droite LE SIOUX PAGE 41 Figure 46 Lieux de l’action. Figure 47 Trajet approximatif des 3 VBIED (flèches). Les numéros indiquent l'ordre des explosions En rouge la mosquée al-Ghazali (autre mosquée en rouge au nord). Figure 48 Le VBIED 3 explose en premier. Figure 10 Le VBIED 2 explose ensuite. Figure 50 Puis le VBIED 1 (à droite sur l'image). Figure 51 Les flèches indiquent le début de l'attaque vu en GoPro. Figure 52 Devant la mosquée... Figure 53 Puis juste au nord du quartier industriel. LE SIOUX PAGE 42 Figure 54 Un brancardier vient récupérer un blessé Figure 55 Derrière le tireur PK, on voit les brancardier s'affairer pour secourir le blessé. Figure 5611 Approvisionnement en eau. Figure 57 Un T-55 précède les fantassins Figure 58 Des trous dans les cloisons pour progresser. Figure 59 Artillerie de circonstance Canon de l'enfer. Figure 60 Tir en cloche de RPG-7. LE SIOUX PAGE 43 Figure 61 Blindée en ville Figure 62 T72 Figure 63 Barricade en combats de rues. Figure 64 Explosifs pour dégager les obstacles. Figure 65 Résultats des explosifs LE SIOUX PAGE 44 Figure 66 Epave de T-72 encore fumante. Figure 67 Passeport en plusieurs langues, dont le français Figure 68 Emblème du Hezbollah. Figure 69 BMP 1 Monsieur Stéphane MANTOUX Le sioux remercie l’auteur pour son autorisation de publication ; vous pouvez retrouver l’intégralité de l’article ici. LE SIOUX PAGE 45 Le billet D’Arsène Ce que BHL ne savait pas….. Qu’est-ce que la Lybie ? Des bruits de plus en plus insistants parlent d’une intervention en Lybie, encore une ! Mais au fait, qu’est-ce que la Lybie ? Au départ, ce sont les berbères qui peuplent la zone libyenne, comme toute l’Afrique du Nord. Ils vont être arabisés cultuellement et culturellement. Il faut reprendre ce déroulement pour comprendre la Lybie d’aujourd’hui. Dans l’Antiquité, les grecs sont dans les grandes cités (Benghazi, Cyrène, la Montagne Verte) ; selon eux, les dieux ont percé le ciel de la cyrénaïque pour l’arroser. Les grecs vont, durant mille ans, développer une civilisation (poètes, philosophes, médecins, architecture…). A l’ouest, la situation est différente, il s’agit des carthaginois, la séparation entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque correspond au désert central parcouru par des oasis jusqu’au lac Tchad. Les romains prennent la suite, mais sans politique indigène. C’est après, à l’époque byzantine, que les grandes tribus se mettent en place, après la parenthèse vandale. Les byzantins reprennent le contrôle à partir de 533 en rencontrant des problèmes avec les tribus berbères qu’ils repoussent en cyrénaïque, en nourrissant une haine contre les byzantins, ce qui facilitera la conversion des berbères lorsque les arabes arriveront. Ces guerriers berbères de cyrénaïque, les Lawata se retrouveront dans les conquêtes arabes, jusqu’aux Pyrénées. La masse de la population reste berbère, jusqu’au 12è siècle et les invasions hilâliennes (tribus sortant d’Arabie et se répandant aux alentours). Le « fléau bédouin » est envoyé aux berbères en Egypte puis en Lybie, enfin en Tunisie. L’arabisation de la Lybie se situe là, vers 1 100. Les tribus arabes s’installent en cyrénaïque. L’arboriculture va être rasée par les chèvres et les moutons et la culture nomade remplace l’antique culture qui provenait des grecs et des romains. Les tribus arabes qui s’installent en cyrénaïque développent leurs alliances tribales et leur propre hiérarchie au sein de sept tribus qui arrivent d’Arabie, un premier groupe émerge en cyrénaïque. Soixante-dix ans plus tard, une deuxième vague de tribus hilaliennes passent par la cyrénaïque mais ne restent pas, du fait de la présence d’autres tribus arabes, elles continuent, et franchissent la zone désertique du Golfe de Syrte et s’installent en tripolitaine. Une deuxième zone apparait avec ses propres alliances. A la fin du 12è, début 13è, il y a juxtaposition de tribus bédouines avec leur propre système d’organisation politique dans un monde berbère arabisé ; chaque fédération va contrôler une partie de la Lybie actuelle (la Cyrénaïque et la Tripolitaine). Les villes du littoral vont, quant à elles, regarder vers la mer et le commerce, en échangeant avec la Grèce ou la Sicile. Au 15è, 16è siècle, les ottomans prennent le contrôle de la région, mais pas de l’intérieur. Ils laissent l’intérieur à la loi bédouine jusqu’au moment où les kouloughlis, des métisses de turcs et d’indigènes, tentent de développer un état indépendant des ottomans, en s’appuyant sur des tribus de l’arrière-pays. La Lybie n’existe toujours pas, il y a des systèmes tribaux avec une tentative kouloughlis. LE SIOUX PAGE 46 En 1835, les turcs reviennent après la perte de la régence d’Alger pour éviter une alliance au sud entre l’Egypte et la France. Dans un premier temps les turcs reprennent les ports puis visent l’intérieur en s’appuyant sur des luttes entre les tribus, mais sans constituer d’état libyen. En cyrénaïque apparait une confrérie musulmane, la senoussia. Les turcs vont alors sous-traiter le pouvoir à la senoussia pour développer une zone coloniale jusqu’au Lac Tchad. La lutte entre les français et les senoussistes va durer jusque 1916. En 1911, les italiens vont débarquer et donner le nom de Lybie qui provient de la littérature grec et qui provient de l’égyptien qui doit lutter contre les tributs berbères, dont l’une se nomme les Lebous. Les italiens ne contrôleront le pays qu’en 1931/1932. La deuxième guerre mondiale fait passer la Lybie (cyrénaïque et tripolitaine) sous contrôle britannique, sauf la zone Sud, le fezzan qui restera français (colonne Leclerc) jusque 1952. La Lybie n’a finalement existé que de 1932 à 1940 ! L’ONU demande une Lybie unie. Les alliances tribales vont négocier pour désigner un roi, issu des tribus nobles (de cyrénaïque, les premiers arrivés). Le roi Idriss va être désigné comme premier roi, de plus, il dirige les senoussistes mais il ne va pas les mettre au pouvoir, en distinguant état et confrérie, contrairement à l’Arabie saoudite où les Saoud mettront les wahhabites au pouvoir. Cette désignation est une solution pragmatique, tenant parfaitement compte des particularismes locaux, mais le roi Idriss va s’aligner sur les occidentaux. Les « officiers libres » vont renverser la monarchie. Les officiers libres sont des bédouins de l’intérieur, il n’y a qu’un seul représentant des villes du littoral. Ils vont essayer de créer un état nationaliste, comme le colonel Nasser essaie de le faire en Egypte. Le colonel Khadafi est originaire du couloir central qui sépare cyrénaïque et tripolitaine. Sa tribu, les Kadhafa, fait partie de l’alliance tripolitaine, c’est une tribu de grands nomades, qui se déplacent jusqu’au Lac Tchad, mais sans aller jusqu’à la mer, ce sont des hommes du désert. Il sait que son état est une réalité tribale. Il va chercher à réunir les alliances tribales dans son second mariage. La force d’organisation de l’état a été cassée par l’intervention franco-otanienne. La liquidation de Khadafi a séparé à nouveau les deux grandes alliances (cyrénaïque et tripolitaine) et au sein même des deux grandes alliances des dislocations ont eu lieu, généralisant la guerre. Les islamistes en ont profité pour prendre le contrôle de la quasi-totalité de la Libye. Jusqu’ici, les mouvements islamistes étaient implantés uniquement dans une tribu ou une ville. Cette anarchie n’était pas gênante pour les occidentaux, et ne remettait pas en cause l’équilibre méditerranéen, mais depuis un an, l’Etat Islamique (EI) est entré dans le jeu libyen. La particularité de l’EI est qu’il n’est pas libyen, il se développe avec des turcs, des syriens, des irakiens et des tunisiens. La question des tribus ne l’intéresse pas, alors que même Al-Qaida s’implantait sur les tribus. Les milices étrangères de l’EI ne reconnaissent que la Oumma, la communauté pour dépasser l’anarchie. « Notre seul clan c’est l’Islam ». L’EI s’est d’abord implanté dans la région de Syrte, des anciens khadafistes voulant se venger de Misrata, en massacrant les salafistes parce qu’ils appartenaient à une autre tribu et tous ceux qui ne voulaient pas se rallier. Une poche de 200 km sur le littoral, avec pour but de contrôler les terminaux pétroliers, mais surtout de rejoindre Boko Haram qui tient le Nord-Est du Nigéria, est apparue. L’EI se trouve entre les deux zones d’alliance qui descendent vers le Lac Tchad, il s’appuie sur la tribu des Beni Hassan qui se trouve jusqu’au Niger, au Nord du Nigéria, dans le centre du Tchad et contrôlait l’axe complet du commerce méditerranée/zone péritchadique. Certains des clans de cette tribu ont fait allégeance à l’EI, ce qui donne une énorme possibilité d’extension de l’EI avant une junction avec Boko Haram. LE SIOUX PAGE 47 Le seul à pouvoir lutter contre l’EI est…Al-Qaida de Tripoli! Ou les frères musulmans de Misrata soutenus par la Turquie, ou les salafistes de la région de cyrénaïque. Avec lequel de ces “alliés” traiter?!? La situation est donc hors de contrôle, les seuls qui luttent contre l’EI sont les restes d’Al-Qaida, pouvons-nous alors les déclarer comme musulmans modérés et en faire des alliés? L’Islam oriental s’est implanté via des « missions humanitaires » avec les prières de nuit, les rites mortuaires et a remplacé l’Islam noir, sahélien. ? Imaginons que l’EI rejoigne Boko Haram, toute la zone qui va jusqu’à la Côte d’Ivoire peut alors basculer. Une nouvelle intervention au sol en Lybie est donc complexe et risquée, les « croisés » pouvant amalgamer contre eux l’ensemble des milices islamistes. Le contingent nécessaire au sol dépasse largement les capacités des armées européennes, qui ne disposent pas de dizaines de milliers d’hommes devant à la fois tenir le terrain et simultanément pourchasser les raids des tribus. L’Egypte est déjà engagée dans le Sinaï et doit lutter contre son terrorisme, l’Algérie a indiqué qu’elle ne voulait pas intervenir, la Tunisie n’a pas les moyens militaires. Il n’est cependant pas possible de laisser l’EI s’emparer de la Libye. Le gars avec chemise et cheveux au vent a montré une certaine méconnaissance de la zone en essayant de plaquer une tradition occidentale de vote démocratique ne pouvant correspondre aux alliances tribales séculaires. En éliminant le dictateur Kadhafi, le ciment de la « nation libyenne » a été détruit et les guerres tribales ont commencé créant la situation parfaite pour l’apparition de l’EI dans cette zone. Avant de se lancer tête baissée dans une nouvelle intervention, il serait judicieux de se demander comment résoudre cette anarchie locale. La solution ne peut passer que par une remontée du système tribale, en redéfinissant un ordre interne pour éliminer les diverses milices islamistes. Arsène L. Pour aller plus loin…… Archives INA Libye 1969 Tchad: les tribus du Sud libyen, une solution contre le chaos 28 mai 2015 Page regroupant des sites sur la Libye PS: Merci à BL pour son savoir! Chammal : le porte-avions Charles de Gaulle quitte la TF 50 et franchit Ormuz