le sioux

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le sioux
NUMÉRO
PAGE28
1
LE SIOUX
LE SIOUX
Mars 2016
A la guerre, le succès dépend de la simplicité des ordres de la vitesse de leur exécution et de la détermination générale à vaincre.
Général PATTON
Editorial
Dans ce numéro
1
Editorial
« Ne pas pratiquer ce que l’on enseigne, c’est déshonorer sa parole.
Cours de tactiques 1922, Tomes II »
Chers lecteurs, nous tenons à vous remercier d’être de plus en plus nombreux à nous lire.
Bienvenue aux nouveaux lecteurs qui viennent s’inscrire par email, de même, si vous
2
Memento anglais
souhaitez ne plus recevoir cette newsletter, il suffit de nous écrire.
5
Fiche de lecture De la
Ce 28è numéro est placé sous le thème l’originalité. En effet, quand mon ami Christophe
Guerre
est venu me parler de Shanghai 1937, j’ai eu un peu de mal à situer cette bataille dans la
seconde guerre mondiale et dans l’action en zone urbaine, pourtant, cinq ans avant
10 Fiche COL Goya
Stalingrad, elle est une énorme bataille urbaine ! Un article vous présentera une rotation
16 Les blogs/Vidéo
SYMULZUB réalisée par des réservistes se formant aux fondamentaux de l’action en
zones urbaines. Les attentats de 2015 interrogent beaucoup sur la préparaion des forces
17 L’armement utilisé et
pour SENTINELLE. Même si « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », il faut
testé lors des « CAS » en
bien chercher à comprendre un peu, aussi il est souvent important de regarder les vidéos
Algérie.
de propagande de l’ennemi, et décrire les subtilités. Vous allez découvrir la longue
26 Shanghai 1937
analyse très complète de monsieur Mantoux sur une vidéo de DAESH. Impressionnant
de constater les savoir-faire mis en œuvre dans cet assaut urbain ! Il y a matière à analyse
31 Des réservistes pour
et à réflexion.
SYMULZUB
Le second trait marquant de ce numéro nous vient du ciel, en effet, qu’il y a-t-il de
33 La victoire et la conquête
« mieux » qu’une guerre pour tester de l’armement ? Les événements d’Algérie
imminente viennent de
(désignation officelle jusque 1999) seront le laboratoire d’essai réel de l’armement utilisé
Dieu (3) Wilaya al khayr
pour le CAS. La fiche de lecture nous plonge dans l’Indochine, avec un hommage aux
« partisans » supplétifs locaux de l’Armée Française en Indochine au travers d’un retour
45
Le billet d’Arsene La
d’expérience personnelle. Le colonel Goya nous plonge dans la contre-guérilla. Avec
Lybie.
Galula ou Trinquier, on reparle beaucoup depuis quelques années d’une école militaire
française de la contre-guérilla en Algérie pour s’en inspirer ou pour la vouer aux
gémonies. La vérité est qu’il y a surtout eu une conjonction de plusieurs courants de
pensée, souvent contradictoires.
Pour cloturer ce riche numéro (47 pages !), le billet d’Arsène tentera de vous présenter
ce qu’un Monsieur à la chemise ouverte n’avait pas complétement vu !
S’inscrire ou desinscrire à cette newsletter Enfin chers lecteurs, nous vous encourageons à nous faire part de vos remarques,
questions
et
suggestions,
soit
sur
notre
page
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à l’adresse suivante :
https://www.facebook.com/groups: /782917638416377/ soit par courriel à
[email protected]
[email protected]. Ceci afin de mieux vous connaître et de mieux répondre
Facebook :
à vos attentes.
Bonne lecture.
Le Sioux Tactiques et batailles
Chef de Bataillon Nicolas de LEMOS
ORSEM Promotion Colonel Pierre MESSMER.
Toutes les informations et images
présentées, sont issues de sources
ouvertes et n’ont d’autre vocation
que d’informer.
Les propos et articles n’engagent en
aucun cas l’institution militaire, ils
ne
sont
que
des
supports
personnels.
LE SIOUX
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MEMENTO D’ANGLAIS
1. STAFF ESTIMATE
This a US translation for a French “ point de situation ”. This is not the typical format of a US
Staff Estimate. This a “SITREP”.
General, it is (time). Your intent was to (concept of operations, phases). Phase (number) is ongoing. The division is currently conducting (task).
In comparison with the original OPORD, the situation could evolve in the following way:
(possible evolution).
In order to issue a new (staff work type), I intend to brief you on the current situation, and then
to provide you with the staff estimate, and eventually to recommend a new COA.
The division’s subordinate units have reached the line (from left to right, 1st echelon, reserve).
Their current situation is (disposition, CE, availability for the mission).
The division reserve could be committed within (time) with the following constraints: .....
(strength) of the div arty. The target priority is (types of target in priority order). (Artillery
units) are not committed and should be available within (time).
The ADA units are deployed in (areas) and they are tasked to (mission).
The DSA is set up in (area). The stock levels are the following: (levels).
The situation of the neighboring units is the following: Obstacles
have been laid down according to the obstacle plan:
NBC strikes took place at (time) in (location). (Area) is currently contaminated and (units)
should be considered for decontamination operations as soon as possible. (Other units) are
on MOPP (NBC posture).
The enemy units in contact are (dispositions, composition, strength, capabilities, COAs). In
depth, (units, dispositions, composition, strength) could (capabilities, COAs) within (time) in
(area). In order to determine the actual enemy course of action, recommended essentials
element of informations (EEIs) are the following:
In order to facilitate our action, we will be provided offensive EW support as of (time). The
next CP shift will take place at (time), the future location will be at (location). The tactical CP
will be set up for (operation or
phase).
Taking into account the
enemy’s assets on the one
hand, and our strength and the
expected reinforcements on the
other hand, the strength ratio is:
presently:
in the next future:
our COAs are:
I recommend the following:
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2. USEFUL EXPRESSIONS
.Introduction
la brigade fait partie d'une division blindée
multinationale sous commandement FR
face à notre brigade, …
l'ennemi de la brigade est …
face à, opposé à
nous sommes actuellement à …
l'orientation générale de notre zone
d'action est SO-NE
une zone de responsabilité de 10 km de
large sur 20 km de profondeur
cela correspond aux normes d'engagement
de la brigade
terrain découvert, difficile, escarpé
horaires essentiels
cette action durera plus de 3 jours
cette opération commencera au crépuscule
à 18h00
cela devrait se terminer après demain
vers midi
les unités encadrantes sont … sur la gauche
Situation ennemie
à 60 % de son potentiel
l'ennemi pourrait …
on s'attend à ce que l'ennemi …
les éléments de tête
le gros
la compagnie d'avant-garde
le gros d'avant garde (marche à l'ennemi)
le 2e échelon
soit …, soit …
menace guerre électronique (GE) avérée
L’ennemi est estimé être à 90%
Mission - but
cette unité doit …
cette unité a pour mission de ….
cette unité doit …
Exécution
Articulation
groupement tactique du Royal
Tank Régiment (RTR)
le RTR moins un escadron, plus une
compagnie de génie, plus une compagnie
mécanisée forme le groupement tactique
RTR
groupement tactique 135
en renforcement de …
détaché de …
Introduction
the Brigade is part of a Frenchled multinational armoured
division
our Brigade faces, confronts …
the enemy of the Brigade consists of …
Facing
we are currently located at …
our zone of action runs generally SW to NE
a ten km-wide and 20 km-deep AOR
it matches the brigade standards
open terrain, restricted, steep
key timings
this action will last over 3 days
the operation will start at dusk at 1800
it is due to end the day after tomorrow by noon
the neighbouring units are … on the left side
Enemy forces
at 60% CE (combat effectiveness)
the enemy could, the enemy is likely to ….
the enemy is expected to ….
the lead elements
the main body, the bulk
the Forward Security Element
the Advance Guard Main Body
the second echelon
either …., or …
electronic warfare (EW) threat identified
the enemy has been assessed as 90%
effective
Mission
this unit is to …
this unit is tasked to
this unit has to …
Execution
Task organisation
Royal Tank Regiment battle group (RTR BG)
the RTR less one squadron, together with one
engineers squadron and one armoured
infantry company forms up the RTR BG
task force 135
attached to…, chopped to … (US)
detached from …
LE SIOUX
détaché de …
en appui de …, en renfort de …
conservé aux ordres, appui d'ensemble
unités de tête, de deuxième échelon
Idée de manœuvre
intention du chef
plan de manœuvre
le commandant veut faire effort sur telle
action
le commandant veut …
en vue de …
à partir de 0900
à partir de 0900 et au delà
à 0900
aux environs de 0900
au plus tard pour
pas avant 0900
210900 Z
210900 Z
dans la région de Trifouilly les Oies
à l’ouest de (à l’intérieur d’une zone)
à l’ouest de (à l’extérieur d’une zone)
vers l’ouest (idée de mouvement)
attaquer à l’ouest
à partir de l’ouest
un axe nord-sud
les hauteurs
ère
er
1
phase, 1 temps
effort principal
Répartition des missions
en mesure de …
priorité à
espace de manœuvre
être recueilli
déboucher, relever par dépassement
recueillir
être relevé par dépassement
relancer l'attaque
sur ordre
dans l'ordre 1, 2, 3
instructions de coordination
conduite à tenir vis à vis de
l'ennemi rencontré
bascule du Poste de Commandement à
0530Z
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detached from …
direct support …(DS…)
general support (GS)
forward units, rear units
Concept of operation
commander's intent
scheme of manoeuvre
the commander will put the emphasis on doing
…
the commander’s intent is to; main effort...
the commander intends to …
in order to …
as of 0900
from 0900 on
at 0900
by 0900
no later than (NLT)
not before 0900
twenty one-o nine-hundred Zulu
on the 21st at zero nine hundred
in the vicinity of Trifouilly the Geese
in he west of , to the west of
west of
Westwards
to attack west
from the west
a north-south axis
the high grounds
phase one
main effort (ME)
Task allocation
be prepared to ….
with priority to ….
room for manoeuvre
to conduct a rearward passage of lines
to conduct a forward passage of lines
to assist a rearward passage of lines
to assist a forward passage of lines
to resume an attack
on order
in order 1, 2, 3
coordinating instructions
by-passing policy
Command Post moves at 0530Z
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Les fiches de lecture du CSEM
Titre de l’ouvrage
Auteur - Edition
De l’autre côté de l’eau Indochine 1950-1952
Dominique de la Motte - Edition Tallandier 2009
ISBN - Prix
Rédacteur
Capitaine YAKER Samir – 123° promotion du CSEM
Date de rédaction
15 octobre 2009
1/ L’AUTEUR:
Saint-cyrien (1945-1947), le lieutenant Dominique de la Motte choisit la
cavalerie et est affecté au 501è Régiment de chars de combat à sa sortie de
l’école d’application. Ayant rejoint l’Indochine dès 1949, il y effectuera 2 séjours
dont le premier (1950-1952) lui servira de terreau pour rédiger, 40 ans après les
faits, son récit intitulé « De l’autre côté de l’eau ».
Instructeur à Saumur de 1956 à 1959, Dominique de la Motte reprendra ensuite
le chemin de sa propre aventure, cette fois-ci en Algérie, pour commander un
escadron à pied dans le Constantinois jusqu’en 1962. Admis à l’école de guerre
en 1964, il sera chef de corps du 12è Régiment de cuirassiers de 1968 à 1970.
De retour à Saumur, il dirigera l’Ecole d’Application de l’Arme Blindée et
Cavalerie de 1979 à 1981. Adjoint au général commandant la 1ère armée à
Strasbourg de 1981 à 1982, il prendra la tête de la IVè Région Militaire entre
1982 et 1985, avant de passer dans la 2è section des officiers généraux.
Ce 1er livre, publié 20 ans après son écriture, sera accueilli avec un succès certain dans les
médias de la presse écrite comme de la radio et sera récompensé par le prix littéraire de l’armée
de terre Erwan Bergot 2009.
2/ SYNTHESE DE L’OUVRAGE :
Construit en 15 courts chapitres d’inégale importance, le livre du général de la Motte se veut
avant tout comme un hommage aux « partisans », supplétifs locaux de l’armée française en
Indochine avec lesquels l’auteur a partagé la vie et les combats pendant son premier séjour sur
ce théâtre. Sans logique chronologique, ou thématique, les chapitres peuvent toutefois être
regroupés en 3 parties déclinant tour à tour les rapports du lieutenant de la Motte avec les
hommes (« les hommes et le roi »), avec le milieu (« le roi et son environnement ») et enfin avec
la guerre (« la guerre du roi »).
1. Les hommes et le roi
1.1. Les partisans
«(…)ils ( les partisans) sont les seuls héros de cette histoire. »
Confronté dès le début au problème chronique des effectifs insuffisants en troupes
métropolitaines engagées sur le terrain, le commandement français eut recours au recrutement
des populations autochtones. Ainsi, à côté du recrutement d’autochtones « réguliers », cohabitait
un enrôlement de supplétifs, appelés « partisans ». Ce recrutement avait le mérite, à un coût
moindre que celui des « réguliers », de fournir aux forces françaises d’Extrême-Orient une
connaissance et des méthodes de combat proches de l’ennemi Viet-minh.
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Très hétérogènes dans leur composition et qualités, ces « partisans » avaient pour les unités
les moins combattantes, des missions statiques essentiellement de gardes (plantations, voies
ferrées, etc.), jusqu’à des missions d’intervention et de contre-guérilla (les « commandos ») pour
les éléments les plus aguerris.
Loin d’être marginal, le recrutement de « partisans »
permit au commandement français de basculer
l’essentiel de son effort au nord dans les années 19501951. De fait, accompagnant la pacification en
Cochinchine (Sud), l’action des « partisans » libéra des
bataillons de « réguliers » pour leur réengagement au
Tonkin (Nord).
C’est dans cette période du conflit que se situe le récit
de l’auteur. Volontaire dès son arrivée sur le théâtre pour
prendre le commandement d’une troupe de
« partisans », il sera à la tête du commando 12 en
Cochinchine (dans la région de Cau-Khoi) du 23 février
1951 au 6 juin 1952. Commando de 130 déracinés pour
l’essentiel Khmers et Annamites, cette troupe avait un
irrésistible besoin de croire en quelqu’un ou quelque
chose. Le lieutenant de la Motte comprit immédiatement
que son autorité dépendrait de sa capacité à s’imposer,
non pas uniquement comme chef militaire mais comme
étant celui qui à la fois ordonne, guide, juge et puni. Il lui
a fallu pour cela devenir « roi » ou plus précisément se
prévaloir d’emblée des prérogatives qui y sont
attachées. Une fois « intronisé » et ayant constitué sa
« cour » autour des premiers fidèles, il eut à sa charge de régler les problèmes d’ordre privé ou
domestique intéressant ses hommes comme leurs familles dans leur vie quotidienne. Devant,
comme il le dit, « trouver seul les limites à son (mon) pouvoir ou à sa (ma) fantaisie », il intervenait
dans les querelles amoureuses, mariant par ici, ou défaisant un couple par là, prêtant de l’argent
mais punissant les jeux d’argent ; se faisant même confectionner des uniformes très personnels
pour lui et sa troupe.
1.2. Le roi et ses pairs : les officiers
« (…)le sacro-saint annuaire des officiers.»
A travers une galerie de portraits d’officiers qu’il a plus ou moins directement côtoyés sur le
théâtre, l’auteur s’interroge sur la pertinence et la vacuité du commandement dont il dépend.
Estimant que les querelles et atavismes
métropolitains du corps des officiers perdurent
jusqu’en Indochine, il finit par conclure qu’il a le
sentiment de ne pas avoir été commandé, exception
faite de la période où le secteur dont il dépendait
était commandé par un colonel de la légion
étrangère.
1.3. Le roi et ses vassaux : les sous-officiers
« Ils ont vingt ans, une excellente santé
et l’envie d’aller à la riflette. »
Croquant à nouveau le portrait, l’auteur consacre
quelques réflexions sur le comportement ou
l’aptitude des quelques sous-officiers métropolitains
et gendarmes qui sont sous ses ordres et jugera
« inégale » l’aide qui lui ont apportée, à l’exception
des plus jeunes, prompts à en découdre.
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1.4. L’autorité du roi
« Je n’ai jamais voulu être roi, je l’ai été, non par la volonté de la République (…) mais
par celle des hommes que je commandais. »
Omnipotent mais fragile, le « roi » de la Motte reconnait en définitive que son autorité ne tient que
par sa seule personne. Malade ou absent, la troupe se débande, libre de défaire l’accord à sa
guise. Evoquant ce lien quasi-féodal qui l’unit à chacun de ses hommes de manière individuelle,
il reconnaitra que ce système sans relais ou corps intermédiaire est dangereux. Il n’ignore pas
non plus que la motivation pécuniaire est au centre de la stabilité des effectifs de sa troupe. Aussi
l’argent et les prises de guerre seront au cœur de son système pour punir ou récompenser.
2. l’environnement du roi
2.1. La foi, les croyances
« (...)Ils redoutent la nuit, les fantômes, les revenants. »
Reconnaissant sans détour méconnaitre les coutumes, rites religieux de ses « partisans » et des
familles placées sous son autorité, l’auteur livre à son lecteur sa perplexité face aux croyances
de ses soldats hantés de démons et de forces obscures et capables, au nom de cette même et
étrange foi, de mener de rudes patrouilles ou de livrer d’âpres combats. Se sentant pour sa part
libéré par sa foi chrétienne, il confrontera par la suite son crédo à celui d’un compatriote
communiste, pour conclure sur le primat de la foi sur « la dialectique marxiste ».
2.2. Le corps médical
« J’appartiens au corps médical (…) »
En tant que « roi », le lieutenant de la Motte est aussi par définition omniscient. L’urgence faisant
loi lorsque la vie est en jeu, il s’invente médecin aussi bien avec ses « partisans » qu’avec leurs
familles. S’affranchissant le cas échéant de toutes les procédures médicales, il envoie de sa
propre autorité ses blessés au seul hôpital tenant son rang en Indochine.
2.3. Les planteurs
« (Les planteurs)…caste puissante et influente. »
Les planteurs étaient la pierre angulaire des colonies indochinoises. Originaux, ils étaient pour
leur grande majorité anti-Viet-minh et la moitié d’entre-deux le paya de sa vie. Conscient du
pouvoir des colons, le lieutenant de la Motte échangea une protection éloignée de la plantation
d’hévéas qui lui servait de poste contre un hébergement pour lui même, les membres de son
commando et leurs familles. Il trouva par là, le soutien financier et logistique que ses chefs
militaires occultaient.
2.4. Les congaïs
« Dans cette société d’hommes,
(…) les congaïs(…) détiennent la
réalité du pouvoir. »
Selon l’auteur, les congaïs (les femmes) sont
les véritables détentrices de l’autorité dans
les sociétés indochinoises. Discrètes, elles
interviennent et s’imposent dans toutes les
décisions sans jamais se mettre en avant.
Aussi pour pouvoir commander ses hommes,
le lieutenant de la Motte vivra seul son
aventure indochinoise et se dégagera du
pouvoir de séduction des congaïs. Bien
qu’ayant autorité sur elles, il devra toutefois
souvent les ménager pour obtenir l’adhésion de la troupe.
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3. la guerre du roi
3.1. La guerre révolutionnaire
« (…) en fait, je ne rendrai plus compte à personne. »
Décrivant en quelques lignes les mécanismes d’endoctrinement, les excès et les horreurs de la
guerre révolutionnaire, l’auteur comprit rapidement que dans la lutte qu’il menait contre le Vietminh, le renseignement devait devenir sa principale préoccupation. Mais méfiant vis-à-vis du
système de renseignement français infiltré par le Viet-minh, il décida dans un souci d’efficacité
sur le terrain de s’affranchir des procédures et du commandement dont il dépendait ; dès lors il
conservera les prisonniers au-delà des délais habituels et fera procéder à des interrogatoires
souvent efficaces.
3.2. Les caodaïstes
(…) cette étrange religion »
Devant non seulement mener le combat contre le Viet-minh, le lieutenant de la Motte était aussi
confronté aux Caodaïstes, secte puissante, organisée, loyaliste selon les circonstances et dont
le but était la conquête du pouvoir. Face à l’indifférence de son commandement pour régler le
problème que constituait cette secte, il mènera la politique de la « carotte et du bâton » alternant
les patrouilles communes et les expéditions punitives lorsque des membres de son commando
seront abattus par la secte.
3.3. Les opérations
«Je fais ma guerre. »
Les
opérations
occupaient la moitié
ou le tiers du temps
du commando, le
reste du temps étant
consacré au tir, à
l’entretien ou au
sport. Il s’agissait
pour le commando
d’interdire au Vietminh un quadrilatère
de 30 km de front
mais
dont
la
profondeur
était
indéterminée. Libre
de l’imaginer à sa
guise ou au gré de
son ambition, le
lieutenant de la Motte établit très loin au nord cette limite, à la frontière naturelle que constituait
la rivière Tây-Ninh, affluent du fleuve Saigon.
Dès lors, se rendre de l’autre côté de l’eau, c’était aller dans la montagne de Tây-Ninh, centre de
gravité et de ravitaillement du Viet-minh local et des Caodaïstes ; c’était monter une opération
commando pour éliminer le chef Viet-minh. De manière accessoire, il fallait aussi au commando
assurer la protection de la route menant vers le sud et plus accessoirement encore, disposer
d’une centaine d’hommes en alerte pour toute mission. Menant un combat alternant les longues
patrouilles de nuit en jungle au combat d’embuscades, l’auteur livre par la suite au lecteur son
désappointement face à l’utilisation des troupes supplétives. Dédaignées par les troupes
régulières dans les actions combinées, elles flanc-gardaient le gros des troupes alors que leur
vitesse, leur connaissance du terrain et leurs modes d’action les prédestinaient à l’éclairage
« levant le gibier » pour les bataillons.
LE SIOUX
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3/ ANALYSE – AVIS DU REDACTEUR :
Officier de cavalerie, aristocrate, le général de la Motte est
clair dans son ambition narrative ; il ne s’agissait pas pour lui
d’apporter une clé de compréhension supplémentaire de la
guerre d’Indochine. Le récit fragmentaire de son aventure
indochinoise s’attache surtout à dépeindre les hommes qu’il a
côtoyés, par petites touches, en tentant de conserver leur
altérité.
Homme de son temps, il décrit quarante ans après les faits, un
extrême orient compliqué en étant fidèle à la perception que
pouvait en avoir ses contemporains de la métropole :
forcément réducteurs et emprunts de préjugés raciaux (« les
jaunes », les « nhaqués »), les souvenirs de campagne du
général de la Motte se lisent néanmoins avec un certain
bonheur car il a su habilement les teinter d’un humour pas
nécessairement à son avantage.
A mille lieux de préoccupations strictement tactiques, son récit décousu permet de
mesurer une fois encore la pertinence d’un combat mené au cœur et avec les populations.
Attaché à ses hommes, il partage tout avec ses partisans sauf l’essentiel : coup de feu,
blessures, baroud, maladie sont de fait leur lot commun alors que son aventure
« civilisatrice » et surtout humaine restera en définitive marginale, voire dérisoire tant il a fait
preuve tout au long de son séjour d’une indécente mais assumée ignorance des cultures,
rites et langues de « ses » partisans («je n’ai jamais parlé leur langue, ni compris leur
comportement. ») ; tant et si bien que le lecteur pourrait légitimement s’étonner après lecture
de ne pas y avoir trouvé les mots « amitié » ou « fraternité ». Si « aucun fait n’est inventé, ni
(…) involontairement embelli » dit l’auteur, ce n’est pas le partisan qui est à l’honneur mais
bien l’auteur lui-même qui se met en scène. Toujours en rapport de sujétion (n’oublions pas
que le lieutenant de la Motte est « roi »), le partisan n’est, hélas, qu’un accessoire de cette
narration.
Extrêmement critique vis-à vis du commandement français jugé, à de rares exceptions,
incompétent ou tatillon, il brosse en creux le crépuscule de l’aventure coloniale. Sans mission
véritablement cohérente et sans moyens logistiques autres que ceux qu’il se constitue, le
lieutenant de la Motte se cherche un ennemi (le chef Viet-minh local, mais pourquoi lui plus
qu’un autre ?) et la victoire « de l’autre côté de l’eau » dans un combat unique. Annonciateur
de Dien Bien Phu et de la décision par la seule bataille, il est à ce moment de l’Histoire et
comme ses pairs, dépassé par les enjeux politiques et internationaux de la guerre
révolutionnaire.
On peut dans une seconde lecture, moins émotionnelle, essayer de dégager quelques
enseignements militaires qui çà et là pointent dans les chapitres. A ce titre, l’auteur liste les
trois conditions à réunir pour ses opérations: « un service de renseignement compétent, une
troupe aguerrie, une vague compréhension de la guerre à mener». Peu ou prou, on retrouve
dans cette impérieuse nécessité les principes de la guerre : la liberté d’action (fournie ici par
le renseignement), la concentration des efforts et l’économie des forces (que permettent des
partisans aguerris, économes le cas échéant de leurs forces donc aptes à manœuvrer). On
peut enfin entre-apercevoir dans « la vague compréhension de la guerre à mener » la
préparation des opérations acceptant l’initiative dans le brouillard de la guerre.
Au bout du compte, cette approche de la guerre est pleine de bon sens et le lieutenant de
la Motte a pu être imité avec succès; il manque toutefois un élément déterminant à « sa »
guerre: Quelle motivation aurait pu pousser « ses » partisans à ne pas être que des
mercenaires mais des patriotes au cœur des métropolitains ?
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Les incohérences de la contre-guérilla française pendant la guerre
d’Algérie
On reparle beaucoup depuis quelques années d’une école militaire française de la contre- guérilla
en Algérie pour s’en inspirer ou pour la vouer aux gémonies. La vérité est qu’il y a surtout eu
une conjonction de plusieurs courants de pensée souvent contradictoires qui, au prix de
sacrifices considérables (10 morts chaque jour pendant plus de sept ans, 2% du produit intérieur
brut par an), est parvenue certes à briser l’organisation militaire du Front de libération nationale
(FLN) en Algérie et à obtenir le sentiment d’une adhésion de la population musulmane. Mais ce
résultat précaire, rendu inutile par les choix politiques du général De Gaulle et largement
mythifié avec le temps, a été acquis au prix d’une profonde crise morale interne et de la
dégradation de l’image de l’armée au sein de la nation française. Dans ces conditions, il est
apparaît difficile de parler de « modèle » français de contre- guérilla.
LA
BRUTALITE
DES
«AFRICAINS»
Les débuts des conflits au milieu
des populations n’ont pas le
caractère net des déclarations de
guerre. Pour autant, la qualité du
diagnostic initial y est essentielle
car elle détermine largement le
cadre des évolutions futures. Au
matin du 1er novembre 1954,
après la trentaine d’attentats de
la nuit, personne en France ne
pense vraiment qu’une guerre
vient de commencer. On ne sait
d’ailleurs pas si les terroristes
sont des communistes, des
nationalistes, de simples mécontents ou des gangsters. Le gouvernement hésite donc sur
la politique à adopter et se contente d’ordonner aux forces de l’ordre de rétablir la paix publique.
Cette première vision de simple trouble à l’ordre public rencontre alors celle de beaucoup
d’officiers supérieurs de l’Armée d’Afrique pour qui « l’arabe ne comprend que la force1», formant
ainsi un mélange désastreux. Outre l’arrestation arbitraire de tous les nationalistes modérés
(privant ainsi l’exécutif de tout interlocuteur politique et fournissant des centaines de recrues au
FLN), les premières opérations conjuguent le principe de « responsabilité collective »2,
consistant à punir un village abritant des « hors la loi », et le cadre juridique métropolitain pour
l’interpellation de ces mêmes HLL, cadre si contraignant qu’il incite à ne pas faire de prisonnier.
Si on ajoute l’indulgence vis-à-vis des « ratonnades » des « Européens » et les pratiques
policières traditionnellement « musclées », cette guerre sans nom prend d’emblée un tour brutal
parfaitement assumé par le général Cherrière, commandant en Algérie, qui annonce :
« Nous devons réagir brutalement […] Nous l’avons bien vu lors des massacres de Guelma
et de Sétif en 1945. Le général Duval a mis tout le paquet et a maté la rébellion. Nous
devons faire de même aujourd’hui si nous voulons éviter une guerre longue3. »
« Ils se disent de « Vieux Africains ». Vieux, en effet, pas tellement par l’âge mais plutôt par l’esprit.
Ils seraient tout à fait aptes à faire face à une révolte du genre de celle d’Abd el-kader. Ils sont
beaucoup moins à l’aise devant la subversion. Ils ne la conçoivent pas ». Colonel Godard, Les paras
dans la ville. Mais de manière schizophrénique, cette armée d’Afrique est aussi l’armée des affaires
indigènes et des régiments de tirailleurs.
2 Directive du 14 mai 1955 du général Cherrière
3 Raoul Salan, Mémoires : Fin d’un Empire, Tome 3, Algérie française
1
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En termes de processus de production d’idées, on peut qualifier cette première approche
d’heuristique simple, c’est-à-dire une méthode non élaborée reposant sur des solutions que
l’on juge éprouvées. Dans des contextes où les décisions doivent être prises sous contrainte
de temps, cette méthode a le mérite de la rapidité, mais huit mois plus tard, malgré l’arrivée
de premiers renforts et l’instauration de l’état d’urgence (avril 1955), force est de constater
que cette politique dure, qui marquera les pratiques jusqu’à la fin de la guerre, ne donne pas
les résultats escomptés. La guérilla prend même de l’ampleur. La phase exploratoire doit
donc continuer, en faisant appel cette fois à des heuristiques élaborées, c’est-à-dire fondées
sur des corpus de doctrine que ont fonctionné dans des situations analogues.
LES MALADRESSES DES « METROPOLITAINS »
Le général Lorillot remplace le général Cherrière en juillet 1955. Comme son prédécesseur, il
met l’accent sur la destruction des bandes rebelles et réclame pour cela des effectifs beaucoup
plus importants. Les débats internes sont difficiles4 car renforcer l’Algérie ne peut se faire
qu’au détriment de la modernisation des forces affectées à l’OTAN mais l’émotion causée par
les massacres du 20 août 1955 dans le Constantinois (une centaine d’Européens et millier de
Musulmans tués) fait basculer le gouvernement. On va passer ainsi de 80 000 hommes en
novembre 1954 à 400 000 en août 1956.
Cet afflux massif a plusieurs conséquences
imprévues. Ceux qui ont connu l’isolement
de l’Indochine y voient le symbole de
l’implication de la nation, mais sans
comprendre que cela introduit aussi l’opinion
publique et les médias dans un conflit où les
intérêts vitaux du pays ne sont pas en jeu.
Surtout, ces renforts sont loin de donner le
rendement attendu. On est incapable de
former, d’armer et d’encadrer correctement
ces centaines de milliers d’hommes, souvent
peu motivés, qui finissent dispersés dans
des états-majors pléthoriques où dans les
innombrables demandes de protection locales. Cette médiocrité générale se traduit finalement
par 8 000 morts par accidents divers (de tir en particulier) et à peu près autant dans les combats
que nous subissons (embuscades, coups de main de nuit, etc.). Des ressources financières
considérables sont ainsi absorbées, qui auraient plus utiles ailleurs, notamment dans l’aide à
la population musulmane, et au bilan, les effectifs des unités qui manœuvrent réellement
restent inférieurs à celui des fellaghas (15 000 contre 20 000 environ en 1956).
Qui plus est, ces divisions ont du mal à se débarrasser des habitudes de métropole et
d’Allemagne. Le général Lorillot a imposé le bataillon comme pion tactique de base et les
opérations de ratissage de 1955-1956 se limitent le plus souvent à des allers-retours de
colonnes motorisées incapables d’accrocher les petites bandes de felleghas. En désespoir
de cause, ne parvenant pas à distinguer les combattants des civils, on décide de créer des «
zones interdites » à la population, dans lesquelles tout Musulman sera forcément un fellagha.
Ces façons de faire désespèrent les vétérans d’Indochine. En 1956, le colonel Trinquier écrit
au général Salan :
Depuis deux ans on tâtonne; il faudra encore deux ans pour redécouvrir et mettre au point des
méthodes pourtant connues […] Beaucoup de gens m’avaient dit : « Rien de ce que vous avez
fait en Indochine ne pourra s’appliquer en AFN, le terrain, le milieu, les conditions de la lutte,
tout est différent. » Or, rien n’est plus faux, mais il faudrait dans la masse des renseignements
tirés d’Indochine déterminer ceux qui peuvent s’appliquer ici. Or je ne pense pas que quelqu’un
ait même essayé de faire ce travail.
Le général Guillaume, chef d’état-major général, et Le général Zeller, chef d’état-major de
l’armée de terre, demandent à être relevés des leurs fonctions.
4
LE SIOUX
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Salan lui répond :
Le plus grave défaut de notre armée actuelle, c’est qu’elle travaille trop ! Tous les bureaux
sont noyés sous la paperasse ! Nos chefs, trop absorbés par des questions secondaires,
n’ont plus le temps de réfléchir et de penser aux questions importantes. Ils ne dominent
plus aucun problème. En dépit des déclarations officielles, on est partout sur la défensive.
Malgré nos grands moyens, nous parons simplement les coups comme nous pouvons,
mais toujours à courte vue, dans l’immédiat5.
En parallèle des divisions métropolitaines, les régiments parachutistes et l’armée de l’air
constituent les laboratoires d’une autre voie qui combine l’imitation de l’adversaire dans sa
légèreté avec la maîtrise de la troisième dimension. Avec la bataille d’Alger en 1957, ces unités
apprennent aussi à organiser un renseignement de contre-guérilla. Par capillarité, les Bigeard
et autres Jeanpierre font école sur l’ensemble des forces françaises en Algérie.
LES ILLUSIONS DES « COLONIAUX »
Au même moment, un autre courant considère que le véritable enjeu n’est pas la destruction
des katibas mais le contrôle de la population musulmane selon le principe qu’une fois ce
contrôle obtenu, le « poisson » guérillero, privé d’eau, ne pourra survivre. Ce courant luimême comprend deux branches distinctes.
La première, dans la tradition des bureaux arabes
et très inspirée des méthodes de Lyautey6,
s’efforce de pallier la sous-administration et la
misère de la population musulmane grâce à des
sections
administratives
spéciales
(SAS).
constituées d’un officier, d’un sous-officier, d’une
trentaine de harkis et de plusieurs spécialistes civils
ou militaires (médecin, instituteur, comptable,
infirmière, radio, etc.). Les premières SAS sont
créées en mai 1955 dans les Aurès-Nementchas,
sur l’initiative du général Parlange puis l’expérience
est étendue à l’ensemble de l’Algérie par le
ministre Soustelle contre l’avis de nombreux «
Européens » et même de militaires qui voient là
une dispersion des efforts sur une mission bien peu
gurrière.
Au bilan, pour un investissement limité et des
pertes assez faibles (82 officiers et sous- officiers
SAS sont assassinés), les 700 SAS s’avèrent un
redoutable instrument de lutte contre le FLN grâce
au contact qui est renoué avec la population et la
source de renseignement qui en découle.
Pourtant, cette expérience ne pouvait qu’échouer
au regard de l’ampleur de la tâche, de son
insuffisance à contre-balancer la peur inspirée par
le FLN, de son incompatibilité avec les pratiques
militaires dures mais aussi de la contradiction entre cette vision d’intégration totale des
Musulmans et celle des deux « états finaux recherchés » à partir de 1958: l’ « Algérie française
(sous domination européenne) » ou l’indépendance. Pour plus de prudence, les SAS sont «
démilitarisées » à partir de 1960.
Raoul Salan, Mémoires : Fin d’un Empire, Tome 3, Algérie française, Presses de la cité, 1972, p. 49
« Je crois comme une vérité historique que, dans un temps plus ou moins lointain, l’Afrique du Nord se détachera de
la métropole. Il faut qu’à ce moment là-et ce doit être le suprême but de notre politique-cette séparation se fasse
sans douleur et que les regards des indigènes continuent toujours à se tourner avec affection vers la France. A cette
fin, il faut dès aujourd’hui nous faire aimer d’eux ». Lyautey, le 14 avril 1925, devant le Conseil de la politique indigène.
www.islam-maroc.gov.ma
5
6
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Un second groupe d’officiers prend pour modèle le Viet-Minh, dont ils ont pu mesurer l’efficacité.
Eux-aussi estiment que la population musulmane est le « centre de gravité » mais leur combat
contre le communisme a introduit des biais dans leur raisonnement. Le premier 7est qu’ils
considèrent que le conflit en Algérie s’inscrit dans le cadre d’une guerre subversive mondiale.
Cela les conduit à nier la part de nationalisme dans le combat des fellaghas et surtout à
considérer que si l’Algérie devient indépendante, c’est la France elle-même qui devient
menacée. Le deuxième biais est que, selon eux, la peur inspirée par le rebelle ne peut vraiment
être combattue que par une contre-peur plus puissante.
L’arrivée du général
Salan en décembre
1956 et la victoire sur
le terrorisme à Alger
au printemps 1957
donnent une grande
extension
à
cette
«guerre
psychologique»
ou
«révolutionnaire». Les
grandes
opérations
sont délaissées au
profit d’une pression
permanente sur la
population (présence
dans
les
villages,
fouilles des gourbis,
interrogatoires
de
Musulmans pris au
hasard8) qui est elle-même largement regroupée dans des camps afin de mieux la contrôler. Une
fois la contre-peur établie, l’étape suivante consiste à marteler un message politique élaborée
par le 5e bureau par tous les moyens possibles de la «propagande blanche» (revues, bandes
dessinées, tracts, haut-parleurs, etc.), puis à compromette le maximum de Musulmans en les
intégrant dans des organisations d’anciens combattants, de jeunes, de femmes, etc. Là où les
SAS voulaient conquérir les cœurs, les 5e bureaux recherchent la domination des esprits.
7
8
Directive de janvier 1957. Les interrogatoires doivent être « poussés à fond » (note du 11 mars 1957).
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VICTOIRE A LA PYRRHUS
L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle sonne le glas de la guerre psychologique. De
Gaulle lui-même considère ces théories comme puériles (« Foutez-moi la paix avec votre
guerre subversive. On ne peut à la fois manier la mitraillette, monter en chaire et donner le
biberon ! »9) et en 1960 Pierre Messmer, ministre des Armées, supprime les 5ebureaux et le
Centre interarmées de guerre psychologique (« hiérarchie parallèle de commissaires
politiques»)10.
Le nouvel exécutif suit en cela beaucoup de chefs militaires qui sont exaspérés d’être devenus
e
« les domestiques à la botte des 5 bureaux […] suprématie du territorial sur l’opérationnel11»
et qui, à la fin de 1958, sont heureux de voir le nouveau commandant du théâtre, le général
Challe, redonner la priorité à la destruction des bandes rebelles. La capacité de manœuvre est
augmentée au détriment du quadrillage puis concentrée d’Ouest en Est dans de grandes
opérations de nettoyage qui vont durer presque deux ans.
Après plus de trois de tâtonnements, la phase exploratoire semble déboucher sur une véritable
analyse et faire place à la phase d’exploitation d’un paradigme à peu près établi. Pour autant,
le champ des possibles reste balisé par le passé dont les succès et les erreurs ne sont pas
abolis dans les mémoires des habitants ou des militaires. Le plan Challe ne fait d’ailleurs pas
forcément l’unanimité parmi ces derniers, notamment chez les tenants les plus durs de la
guerre révolutionnaire. Pour le colonel Argoud :
« Le général [Challe] aborde le problème avec une optique d’aviateur. Il n’a de la guerre
révolutionnaire qu’une connaissance livresque. Il n’a en pas saisi la philosophie. Réagissant
en technicien, il ignore les problèmes de la troupe, de la population. Il est confirmé dans
cette attitude par son entourage, composé d’une majorité d’aviateurs et d’officiers d’étatmajor de type classique […] Lancée sur un objectif secondaire [la destruction des bandes],
sa manœuvre ne put donner que des résultats partiels12. »
Les résultats sont pourtant
là, puisqu’en 1960 l’armée
de libération nationale est
réduite
de
moitié
et,
asphyxiée entre les barrages
sur les frontières du Maroc
et de la Tunisie, elle ne
compte plus comme force
combattante.
On
oublie
cependant de dire que cette
destruction n’aurait pu se
faire sans l’accélération de la
politique de regroupement
des populations rurales, qui
finit par toucher 2,3 millions
de personnes (presqu’un
tiers de la population musulmane). Ce qui aurait pu être admissible si la France avait fait
l’effort nécessaire pour faire vivre dignement cette population, devient honteux et même contreproductif lorsque ces populations sont laissées dans un état misérable, ce qui finit par être le cas
le plus fréquent13.
9 Jean-Raymond Tournoux, cité par Paul et Marie-Catherine Villatoux, La République et son armée face au
« péril subversif », Les Indes savantes, 2005, p. 551.
10
Pierre Messmer, Après tant de batailles, 1992, p. 271
11
Colonel Langlais alias Simplet, « Guerre révolutionnaire, guerre psychologique ou guerre tout court », in Revue militaire
d’information n°309, octobre 1959.
12
Jacques Duquesne, Comprendre la guerre d’Algérie, Paris, Perrin, 2003, p. 189.
13 Le 22 décembre 1960, le general Parlange, créateur des SAS et inspecteur des camps de regroupement demande à
être démis de ses fonctions constatant le décalage entre le rythme de formation des camps et celui des fonds qui leur sont alloués.
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LA POPULATION DANS LA BOITE OPAQUE
En 1960, la grande majorité de la population musulmane est dans la position du chat de
Schrödinger14, de gré ou de force à la fois proche des Français et du FLN. Nombre de familles
ont d’ailleurs simultanément un homme dans les harkis et un autre parmi les fellaghas.
« Chaque camp peut donc revendiquer en toute bonne foi la victoire dans « la bataille des
cœurs et des esprits15». Comme dans la fausse expérience de Schrödinger, il faut alors
l’apparition d’un révélateur, politique cette fois, pour dénouer cette contradiction.
Dans les conditions politiques du début des années 1960, ces révélateurs ne sont plus que
deux : l’indépendance de l’Algérie ou l’engagement massif de la France dans l’intégration
totale des Musulmans. Finalement, le résultat politique de la victoire militaire du plan Challe n’est
que de pouvoir placer ce choix entre les mains de l’exécutif français et non celles du FLN. Or
le général de Gaulle a fait son choix depuis longtemps mais il n’a pu le dévoiler plus tôt tant
l’action militaire était devenue la continuation de sa propre vision, floue et rétrospectivement
peu réaliste mais suffisamment puissante pour lui donner un axe et lui donner le sentiment
d’approcher la victoire. En prenant de la cohérence, l’action militaire s’est elle-même piégée
dans un sentier qui ne l’amenait pas dans la direction du réalisme politique à long terme du
général de Gaulle. Dès lors le drame était inéluctable ouvrant la porte à une version française
du « coup de poignard dans le dos ».
Il est possible de s’enorgueillir d’avoir éliminé au total plus de 180 000 combattants rebelles16
(mais avec un rapport global de pertes de 3 contre 1, peu flatteur compte tenu de l’écrasante
supériorité des moyens des Français) et de considérer qu’ainsi les militaires français ont rempli
leur mission, avant d’être trahis par l’échelon politique, version française du « coup de poignard
dans le dos » allemand. Mais on peut se demander aussi comment ont pu apparaître, dans une
population de 8 millions de Musulmans, plus de 200 000 volontaires pour combattre dans les
pires conditions (une telle proportion en Afghanistan donnerait actuellement 800 000 combattants
Talibans).
Le FLN menait effectivement une guerre psychologique
auprès de la population musulmane et de l’opinion
publique française. Mais dans ce type de guerre, qui est
avant tout une confrontation de projets politiques dans le
cadre d’une sorte de campagne électorale violente, les
différents gouvernements français n’ont jamais pu
proposer quelque chose de vraiment réaliste qui puisse
à la fois s’opposer à la vision du FLN et guider l’action
militaire. D’un autre côté, celle-ci, par ses erreurs de
perceptions, l’errance des conceptions et l’incapacité à
conjuguer la lutte contre les fellaghas avec une action
cohérente auprès de la population, a contribué aussi à
ce que le FLN gagne la bataille des esprits, sinon celle
des cœurs. Rétrospectivement, il semble que plus que de « système » cohérent de contreguérilla, il vaille mieux parler de « schizophrénie tactique » dont la face sombre a été à la fois
refoulée par l’institution militaire et régulièrement mise en avant par tous ceux qui veulent se
faire une gloire universitaire ou politique facile.
Colonel GOYA
14
Dans cette expérience fictive, le physicien Erwin Schrödinger imagine un chat enfermé dans une boîte fermée avec un système
aléatoire de désintégration atomique qui a une chance sur deux de le tuer au bout d’une minute. Selon la théorie quantique, tant
que l’ouverture de la boîte le chat n’est pas faite, le chat est simultanément vivant et mort. C’est l’ouverture (c’est-à-dire
l’observation) qui provoque le choix de l’état.
15
Cette expression est généralement attribuée à Sir Gérard Templer, haut-commissaire en Malaisie de 1951 à 1954.
16
François-Marie Gougeon, The « Challe » Plan, counter-insurgency operations in Algeria, 12/1958-04/1959, Master of military
studies, Command and staff college, Marine corps university, Quantico, Virginia, 22134-5068
LE SIOUX
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LES BLOGS / vue sur internet :
(Attention, la plupart de ces vidéos montrent crument les effets létaux des armes
d’aujourd’hui. Ceux qui ne supportent pas la vue du sang ou d’hommes morts devraient
s’abstenir de les visionner)
Voir les liens dans les articles.
Vidéo :
CAS :
https://www.youtube.com/watch?v=Uk-pNITjnP8;
https://www.youtube.com/watch?v=RyhJj7nVRhI;
https://www.youtube.com/watch?v=H4LOGfuuugc;
https://www.youtube.com/watch?v=b_izdXSIWEg;
De l’autre coté de l’eau :
http://www.ina.fr/video/3828577001;
Blog :
http://historicoblog3.blogspot.fr/ : Ce blog se veut essentiellement une plate-forme de
vulgarisation de l'histoire militaire : les billets cherchent donc, la plupart du temps, la
simplicité. Ils contiennent une large part de description, dans un but pédagogique : les
billets consacrés à l'histoire militaire se veulent avant tout ouverts à tous, et non pas
réservés aux spécialistes. Une attention toute particulière est portée à la bibliographie des
ouvrages fichés et aux sources dans les articles produits, condition sine qua non d'une
pratique "scientifique" de l'histoire. Des notes de bas de pages sont éventuellement
incluses également. L'essentiel des billets est constitué soit de fiches de lecture, soit
d'articles de fond.
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L’armement utilisé et testé lors des « CAS » en Algérie.
Dans le sioux numéro 14, un article avait été écrit sur le close air support lors de la seconde
guerre mondiale, avec une réflexion sur la naissance d’une doctrine, avec le sioux numéro 12
d’octobre 2014, j’avais écrit un article sur le close air support en Algérie, sans rentrer dans les
détails, je souhaite dans ce numéro vous faire partager, l’armement qui fut utilisé et testé pendant
la guerre d’Algérie. Nous sommes encore loin des GBU, liaison 16 etc que nous pouvons cotoyer
de nos jours.
Dans les conflits du XXè siècle et XXIè siècle, on a utilisé l’arme aérienne en appui feu rapproché
pour aider, ou pour desserrer l’étau, sur les troupes au sol. Ce concept d’appui feu aérien, close
air support (CAS) pour nos amis anglo-saxons, a démontré son utilité et efficacité.
Pour parler de mission CAS, il faut que les amis et les ennemis soient assez proches pour qu’une
coordination avec la manœuvre terrestre se révèle nécessaire et que la coordination et
l’intégration des feux soient assurées.
1. L’appui aérien
L’allied tactical publication (ATP-27) définit les différentes missions des forces aériennes, dont le
CAS. L’ATP-63 lui, définit les tactiques et les procédures à prendre pour ce type de mission.
2. Les Missiles filoguidés SS 11/AS 11.
C’est pendant la guerre d’Algérie que fut expérimenté en grandeur réelle le premier missile guidé
utilisé en nombre: le SS-11. Prévu comme arme anti-char, son développement entraîna son
utilisation comme appareil embarqué sur aéronefs en version Air-Sol appelée AS-11, utilisable
aussi pour l’attaque au sol, c’était aussi le premier missile guidé français.
Le SS-11 (sol-sol 11) est le premier missile antichar à avoir connu une utilisation mondiale. De
fabrication française (SFECMAS puis « Société Nationale de Constructions Aéronautiques du
Nord » puis « Nord aviation » puis « Aérospatiale »), il était guidé par un fil qui se déroulait lors
du lancement et reliait en continu le missile au poste de commande situé sur le véhicule tireur.
Durant le trajet du projectile, un long fil se dévide depuis le véhicule tireur, en tournant sur luimême ce projectile conserve ainsi une trajectoire la plus rectiligne possible. Grâce à ce fil qui
guide la trajectoire, un opérateur (placé dans un poste de tir) transmet des données qui
permettent le guidage vers sa cible. Ce poste de tir est équipé d’un système optique de pointage.
L’engin original était prévu pour être lancé à partir d'une mini-rampe de lancement montée sur
véhicule. Il fut rapidement adopté par l'Armée de Terre française pour équiper les blindés légers,
dès 1958, et testé durant la
guerre
d'Algérie.
Rapidement une version airsol (AS-11) pouvant être
tirée à partir d'un hélicoptère
ou
d’un
avion
fut
développée. Les enrouleurs
des fils de commande étaient
dans la rampe de lancement
montée sur les aéronefs.
Devant le faible coût et la
bonne précision du missile,
les USA qui étaient à la
recherche de missiles antichar, le choisirent, et le SS11 fut mis en service dans
l'US Army sous l’appellation
AGM-22 et, par la suite, ce
Figure 1 Une vue d'un MB Flamant tirant un AS-11 sur des grottes dans une type de missile entra en
vallée en Algérie. Le peintre montre bien sur la trace des fumées que l'engin service dans de nombreuses
était en rotation lors de son lancement.
autres armées.
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Le SS-11 est le premier missile
utilisant le lien filaire pour les
modifications de direction, des
déviateurs de jet permettant le
pilotage. Cette technique, mise au
point par l'ingénieur de l’armement
Émile Stauff en 1948 et brevetée en
1955, permettait en effet un pilotage
avec un système de faible
encombrement, efficace quelle que
soit la vitesse de l'engin. Ce système
sera repris sur l'ensemble de la
gamme de missiles antichars et airssol développés ultérieurement par
Nord Aviation puis par l’Aérospatiale
(AS-30, Milan, Eryx, etc ...).
L’engin était piloté manuellement par un guidage optique, l'opérateur disposant d'un viseur
télescopique pour acquérir l'objectif. Une fois lancé, dès que le missile entre dans son champ de
visée, l'opérateur l'aligne sur sa ligne de mire au moyen d'un levier de commande et les ordres
sont transmis au moyen d’un fil qui se déroule entre le lanceur et l’engin lequel permet de diriger
le missile sur l'objectif en visant les fusées lumineuses fixées sur sa queue.
Sa fabrication en série, qui commence en 1956, se termine en 1984 dans les établissements de
Bourges. Les cadences de production atteignirent au plus fort de la fabrication 1.500 unités par
mois. Plus de 180.000 exemplaires furent produits
Utilisation en AFN
La première utilisation au combat du missile SS-11 eut lieu en 1956 avec un premier essai à partir
d’un Dassault MD 311, comme méthode d'attaque contre les grottes fortifiées situées dans les
gorges des montagnes escarpée de l’Atlas algérien. L'expérience de cette utilisation au combat
s'est révélée extrêmement fructueuse et est devenu standard sur les autres MD 311 de l’Armée
de l’Air utilisés pour le combat en Algérie. De cette expérience de combat débutée en Algérie sur
des appareils à voilure fixe, l'Armée de l’Air française développa l’utilisation de ces missiles sur
des premiers hélicoptères de combat motorisés avec des moteurs à turbine fiable. Cela n'était
possible que grâce à la société française Turbomeca, qui venait de mettre sur le marché des
turbines fiables et légères (turbopropulseur).
Le mode de lancer des missiles antichars, basé sur l'Alouette II et plus tard l'Alouette III s’avéra
le plus efficace car il était plus facile de piloter ces missiles à partir de plateformes pouvant rester
en vol stationnaire. Les Alouette II portaient quatre missiles AS-11 mis au point pour le tir air-sol.
Ce système a vu une importante utilisation dans ce conflit de 1958 à 1962
Le SS/AS-11 pouvait recevoir différentes charges militaires suivant l'utilisation :
 Type 140AC en version antichar à charge creuse capable de percer 600
mm de blindage,
 Type 140AP02 en version perforante à souffle et fragmentation
 Type 140AP59 en version antipersonnel à souffle et fragmentation
 Type 140CCN en version antinavire.
Caractéristiques :
Motorisation : deux étages à poudre.
Masse au lancement : 30 kg environ.
Longueur : 1,2 m
Diamètre : 164 mm.
Envergure : 500 mm
Vitesse : 110 à 220 m/s.
Portée : 500 à 3.000 m
Charge militaire : Charge creuse de 6,8 kg.
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3. Les bombardements en Algérie
Les bombardements en Algérie furent réalisés par divers appareils, pour les bombes lourdes
(plus de 50 kg) elles ne furent utilisées que par des avions spécifiques. Il semble se confirmer
que les appareils d’entraînement modifiés pour la lutte antiguérilla dont les T-6 G, les Vanneau,
les SIPA etc… aient été équipés de lance-bombes légers permettant l’emport uniquement de
bombes françaises de 50 kg de type 50 D.T.2.
4. Bombardement avec avions légers
Des lance-bombes pour bombes légères furent souvent montés sous des avions très divers,
notamment les Ju 52, NC 701, T.6G, SIPA ou Dassault 315. Sur ces appareils les systèmes fixes
sous les ailes étaient désignés lance-bombes « Schloss 50 » modifié Alkan.
 "Schloss" ne serait pas vraiment une marque, mais une désignation, et peut tout
simplement se traduire
par
"lance-bombes"
(dérivé
d'une
des
significations du mot en
allemand
:
serrureverrou). "Schloss 50"
désigne un lance-bombes
pour des bombes jusqu'à
50 kg. On pouvait trouver
ce lance-bombes sur
énormément d'appareils
allemands de la période
1938-1945.
 Ce lance-bombe d'origine
allemande, n'était pas de
très bonne qualité même
après sa modification par
la société française Alkan
qui était spécialisé dans
les lance-bombes. Ils furent donc par la suite remplacés par des appareils Alkan plus
performants.
La fabrication de ces lancebombes d’origine allemande
avait été récupérée par Alkan,
qui
l’avait
adapté
pour
l’utilisation sur les avions
légers. Alkan était, avantguerre, un spécialiste des
lance-bombes, de grandes
dimensions notamment les
GPU
et TGPU (Grande
Puissance Unitaire ou Très
Grande Puissance Unitaire)
destinés au lancement de
bombes de 200 ou de 500 kg
montées horizontalement sous
les fuselages ou sous les plans
des avions français. A cette
époque, du moins en France,
les bombes légères étaient lancées verticalement et de l’intérieur des soutes à bombes.
Pour leur part les Vanneau 472 et les Dassault 311 étaient eux équipés de lance-bombes ALKAN
type 50 modèle 46, un nouveau modèle développé par la firme après la guerre.
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Les avions légers armés auraient été équipés de collimateurs divers. Pour les T-6 il semblerait
qu’au moins au début les collimateurs aient été des SFOM type 83 ou 83A, même chose pour les
SIPA mais dans les documentations de 1950 pour les MS 472/474, les avions de 1 à 11 étaient
équipés de SFOM type 101, puis à partir du 12 avec des « Revi 16b » (un collimateur d’origine
allemande). Mais en 1950 ces appareils n’étaient encore que des avions d’entraînement à la
chasse donc ces collimateurs ne servaient qu’au tir de chasse. Dans le cas du SFOM 101, un
rhéostat était ajouté sur la planche de bord, en haut à droite pour le tir de nuit.
Il est possible que ces collimateurs (qui étaient amovibles) aient été changés suivant les époques
et le matériel disponible.
Mais je ne sais pas très bien comment avec un seul collimateur, il était possible aux pilotes, de
tirer tous les types d’armement, mitrailleuses, roquettes de divers type, et largage de bombe sur
des cibles diverses et variées. Les quelques pilotes questionnés ne semblent pas se souvenir de
ces diverses utilisations, certains se posent même la question de l'efficacité de leurs tirs lors du
lancement de bombes.
Nb: les croquis et les informations techniques sont extraits de diverses notices techniques
d'époque.
5. Bombes au Napalm ou « Bidons spéciaux »
Le napalm fut utilisé plus ou moins « officiellement » en Algérie sur des cibles très bien délimitées,
surtout sur des zones où il était possible qu’il y ait eu des rassemblements de «rebelles»
principalement sur les « Zone interdites » sur des positions abritées ou les grottes.
Mais c’est quoi le napalm ?
Voyons ce qu’en dit le dictionnaire :
Napalm (Na phténic et Palm acides ITIC) est un épaississant généralement mélangé à l'essence
pour utilisation dans des opérations militaires. Le nom de la substance, le napalm, est une
combinaison des noms de ses dérivés (co-précipités sels d'aluminium de na-phténique
et Palm acides ITIC). Familièrement, le napalm est utilisé comme une référence générique à
plusieurs liquides inflammables utilisés dans les guerres, souvent en gelée essence.
Développement
Le développement du napalm a été précipité par l'utilisation de mélanges d'essence gelée par
les forces alliées dans laSeconde Guerre mondiale. Le latex utilisé dans ces premières formes
de la guerre est devenu incendiaire logistiquement difficile à utiliser dans le théâtre du Pacifique,
ce qui a incité les chercheurs des entreprises chimiques Du Pont et la Standard Oil, ainsi que des
chercheurs de l'Université Harvard, à s'engager suite à une demande du gouvernement US
d’élaborer une alternative au matériel utilisé mais de qualité supérieure. Une équipe de chimistes,
dirigée par Louis Fieser à Harvard, a été la première à mettre au point le « napalm » pour l'armée
américaine en 1942.
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Le napalm était alors composé d'un mélange de sels d'aluminium, acides naphténiques (produits
à partir de pétrole brut) et les acides palmitiques (qu'on trouve dans les huiles de palme ou de
coco), qui créent un savon «aluminium». Lorsque ce « savon » est mélangé à de l'essence il
produit une substance brune sirupeux incendiaire.
Le napalm a commencé par être utilisé comme carburant pour les lance-flammes, puis il a été
utilisé en grande quantité dans des bombes incendiaires.
Il semble que la première utilisation en Europe eut lieu le 17 Juillet 1944, des bombes incendiaires
au napalm sont larguées pour la première fois par quatorze P-38 Lightning sur un dépôt de
carburant à Coutances, près de Saint-Lô. Une plus grande utilisation du napalm par les forces
alliées eut lieu dans le théâtre du Pacifique contre les villes japonaises qui étaient facilement
incendiables.
Dans le théâtre occidental, la RAF et l’USAAF ont largué plusieurs centaines de milliers de
bombes incendiaires sur la ville de Dresde, détruisant plus de quatre-vingt-dix pour cent du
centre-ville. Plus incidemment le napalm a été utilisé au cours du siège de La Rochelle, en avril
1945, contre les soldats allemands, environ deux semaines avant la fin de la guerre.
Par la suite le Napalm fut aussi utilisé par les forces américaines dans la guerre de Corée.
Le Napalm a été utilisé plus récemment, en temps de guerre par ou contre:
 Par la France au cours de la première guerre d'Indochine (1946-1954) et de la guerre
d'Algérie (1954-1962).
 A Chypre (1964, 1974), pendant les guerres de sécessions.
 Par Israël (1967, 1982), contre les Palestiniens.
 Par le Nigéria (1969), contre les rebelles.
 Par l'Inde et le Pakistan (1965 et 1971), l’un contre l’autre.
 Par le Brésil (1972), contre ses rebelles.
 En Égypte (1973), contre ?
 Par le Maroc pendant la guerre du Sahara occidental (1973-1991).
 Par l'Iran (1980-88), contre l’Irak.
 En Irak (1980-88, 1991, 2003 - présent).
 En Angola, en 1993.
 En Argentine pendant la guerre des Malouines.
En Algérie, ces bombes au napalm étaient désignées « bidons spéciaux ». C’était des conteneurs
à peau mince rempli de gel de carburant destiné à être employé contre les abris des troupes, des
installations d'approvisionnement en bois, des structures diverses, des rassemblements de
troupe, des grottes et parfois des convois terrestres. C’était des bombes à rupture destinées à
provoquer des incendies lors de l'impact par un allumeur au contact, ce liquide provoque la
propagation sur les objets environnants.
L’utilisation du Napalm est interdite sur les objectifs non strictement militaires.
6. Les canons
Malgré ce que nous pourrions penser, les avions utilisés en AFN, qui étaient majoritairement
d’origine anglo-américaine, étaient malgré cela très souvent équipés de canons de 20 mm
d’origine française, même si ces canons étaient fréquemment de construction étrangère.
7. Les mitrailleuses
En dehors des appareils équipés à l’origine d'armes de bord, comme les P-47 ou les Corsair, les
armes disponibles étaient principalement des mitrailleuses rescapées de la Deuxième Guerre
mondiale.
MITRAILLEUSE LOURDE DE 12,7 mm ~ M 2.
Ce type d'arme, très courante dans toutes les armées pendant la Deuxième Guerre mondiale, en
AFN et même encore actuellement, était alors aussi bien montée sur des blindés qu'en casemate
ou sur les avions, mais dans ce cas, principalement sur les appareils américains (par exemple
dans les ailes sur les P/F 47 ou le nez des B-26 "Invader") mais elles furent aussi utilisées
montées en gondole sur les "Fennec" un système d'armement de fabrication française. Elles
furent aussi utilisées montées sur un support en sabord sur les hélicoptères armés "Pirate", en
compléments des canons MG 151 de 20 mm.
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A — DESTINATION originale:
Arme collective à tir tendu, très précise et très stable destinée aux compagnies
d'accompagnement et à la protection des véhicules (D. G. A. et D. C. B.). Sa puissance et sa
fiabilité l’ont utilisée par l’aviation américaine notamment sur les avions P-47, et les avions de la
deuxième guerre mondiale avec l'appellation arme de .50 (soit 50/100 de pouces = 12,7 mm).
(Ce qui amena parfois certains historiens, très connus mais non spécialistes, de traduire cela
comme canon de 50...)
Cette arme existe en deux modèles :
 Mitrailleuse fixe, plus spécialement montée sur véhicules ou sur avion (ne porte pas de
poignée).
 Mitrailleuse mobile (2 poignées sur la plaque arrière), utilisé sur véhicule et aussi sur
hélicoptère armé.
Une mitrailleuse de calibre 50/100 de pouces ou 12,7 mm, de type mobile. Celles qui sont
montées sur les avions n'ont ni poignée ni queue de détente.
B. — VALEUR BALISTIQUE :
Portée maximum : 6.900 m.
Portée utile : 2.377 m.
Perforation de blindage : 16 mm à 500 m. (balle perforante).
Extraits de la notice
sur le Fennec F.1T-28
A-1 édition 1/1/62
L’avion possède 4
points d'attache sous
voilure et des
installations
permettant l’emport et
le tir des charges ou
équipements suivants
:
Points internes, au
choix :

2 containers à
2 mitrailleuses de
12,7.

2 lanceFigure 2 Le conteneur pour deux mitrailleuses de 12,7 mm monté sous les
bombes ALKAN type
avions Fennec.
263 (ou 261) fixés a la
voilure, par 2 ferrures spéciales et pouvant emporter, soit :
 2 bombes de 125 kg, (ou 260 lbs maximum à empennage court) et
toutes bombes de calibre inférieur autorisé.
 2 nids d'abeille lance-roquettes MATRA type 122, équipés de 7 roquettes de 68 mm.
 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 361, (équipés de 36 roquettes de 37 mm).
Points externes :
LE SIOUX
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- 2 lance-bombes/lance-roquettes MATRA 38 fixés à la voilure par des ferrures spéciales, et
pouvant emporter soit :
- 2 bombes de 125 Kg (ou 260 lbs maximum à empennage court), et toutes bombes de calibre
inférieur autorisé.
- 2 bombes spéciales SECAN type 51. (Probablement des bidons de Napalm).
- 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 122, équipés de 7 roquettes de 68 mm.
- 2 nids d'abeille, lance-roquettes MATRA type 361, (équipés de 36 roquettes de 37 mm)
- 2x2 roquettes T10 de 105 ou 120 mm.
La sélection de tir des différents chargements se fait au moyen d'un tableau d'armement situé au
poste de pilotage avant, à droite du tableau de bord.
5. Les roquettes.
Après la guerre les avions français étaient pour la
plupart d’origine alliée, certains étaient déjà équipés de
lance-roquettes dit « à longueur nulle ». Plusieurs types
de roquettes étaient alors disponibles pour ces
appareils, aussi bien de fabrications américaines
qu’anglaises.
Il fut décidé de lancer une fabrication française de ce
type d’armement mais qui devait évidemment pouvoir
être interchangeable avec les matériels alliés.
Les T.10 étaient en fait le propulseur, un tube
contenant la poudre pyrotechnique de propulsion, son
empennage en tôle, son amorce et son allumeur
électrique. La charge offensive était constituée par des
explosifs divers notamment des obus de 90 mm ou de
120 mm ainsi que des charges creuses (antichars).
Ils étaient évidemment non guidés, seule la vitesse
relative de l’avion leur permettait d’aller au but fixé par
le pilote. La précision était relative, mais vu la force explosive de chaque pointe c’était quand
même relativement efficace et plutôt impressionnant pour les troupes au sol.
Roquette T 10 : Têtes en services :
 T 151 : Explosive à charge creuse
(120 mm)
 T 140 : Explosive à fragmentation
(105 mm)
 T 145 : Explosive fumigène
 T 104 : Exercice
Roquettes H.V.A.R. Roquette H.V.A.R 5 inch (127mm) (High Vélocity Aircraft
Rocket)
Il n'y a aucune certitude d'utilisation
effective de ces roquettes sur les avions en
Algérie, mais de nombreux essais ont été
réalisés.
Ce type de roquettes H.V.A.R. ou Hvar (et surnommé par les américains Holy Moses) fut utilisé
par les avions américains lors de la 2ème Guerre mondiale notamment les Mustang, TBM-3
Avenger, Corsair, Bearcat, etc…
Dès le début de la guerre d’Indochine ces roquettes furent utilisées par l'Armée de l'Air française
et les avions de la Marine.
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Têtes en services :
 MK 6 M1 : Inerte
 MK 6 M4 : Explosive
 MK 25 : Explosive "B"
Les lance-roquettes à
grande capacité.
A partir de 1959, les T-6 G
sont équipés de lanceroquettes MATRA LR 181
ou LR 361. Ces réservoirs
conteneurs ronds peuvent
lancer suivant le modèle
18 ou 36 roquettes SNEB
de 37 mm ou 7 roquettes
de 68 mm à fragmentation.
Roquette S.N.E.B - 37 mm :
- paniers de 36 roquettes de 37 mm ;
Longueur : 0,52 m
Figure 3 Les deux paniers équipés de mitrailleuses et le lance-roquette SNEB 37.
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Roquette S.N.E.B. - 68mm:
- paniers de 7 roquettes de 68 mm ;
Figure 4 T-6-G2 de l'EALA 14/72 à Thiersville, équipés de lance-roquettes MATRA
Les fusées SNEB (de fabrication française, Société Nouvelle des Établissements Edgar Brandt)
sont des roquettes non guidées reprises ultérieurement par la société française TDA Armements,
conçues pour le lancement par des avions de combat et des hélicoptères. Le premier modèle
connu était d'un diamètre de 37 mm, puis le calibre fut augmenté et le calibre de 68 mm fut adopté
(un calibre qui a été préféré par les Français à d'autres modèles internationaux de 70 mm ou 80
mm) qui semble avoir été utilisé en grande quantité en Algérie.
Les projectiles SNEB sont propulsés par un moteur-fusée unique et, selon le secteur du
chargement sur les lanceurs, il peut être utilisé contre des véhicules de combat légèrement
blindés, des bunkers sommaires ou d'autres cibles faciles.
CBA Nicolas de LEMOS
J’en profite pour saluer tous mes amis aviateurs dont un qui se trouve sur Cognac et qui se
reconnaitra en lisant cet article.
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SHANGHAI (1937)
Premier exemple moderne de bataille urbaine, la bataille de Shanghai,
qui a lieu en 1937, est un trou béant dans l’historiographie de la seconde
guerre mondiale. Pourtant, cinq ans avant Stalingrad, elle est une
énorme bataille urbaine, mettant en jeu 900 000 hommes, 700 avions,
300 chars et 130 navires ! Pendant trois mois, d’octobre à novembre
1937, chinois et japonais vont s’affronter dans les rues de Shanghai qui
est alors une des plus grandes villes du monde.
En 1932, les deux
pays se sont
engagés dans un
conflit larvé qui
marque le vrai
début
de
la
seconde guerre mondiale. Une première
bataille a eu lieu en 1932, à l’issu de
laquelle une zone démilitarisée est
instaurée. Une garnison japonaise est
installée afin de garantir la concession
japonaise. L’armée nationaliste en alors en
pleine transition, quittant son modèle
ancien de seigneur de la guerre vers une
structure occidentale, sous influence
allemande.
Un mois après l’incident du pont Marco Polo (le 07 juillet 1937), les japonais entrent à Pékin. La
guerre ne s’arrêtera désormais qu’en 1945. A la fin du mois d’août 1937, ils créent l’Armée du
Nord de la Chine, qui compte 200 000 hommes. Depuis 1935, Shanghai fait l’objet de la part des
chinois de travaux de fortifications, pour ceinturer la ville, de peur d’une poussée sur Nankin, la
capitale nationaliste, située à moins de 300 km. Le lieu de l’engagement est choisi par les chinois
parce que le delta du fleuve Bleu (Yangzi Jiang) est une campagne de rizières coupées de digues,
hautes d’un à deux mètres, et de canaux profonds de 1,5 à 3 mètres et que les fermes sont autant
de points pouvant être fortifiés. Les quartiers nord de Shanghai forment un dédale de ruelles
tortueuses et de grandes usines
propices à la guérilla urbaine. La
garnison japonaise ne compte alors que
5 000 fusiliers marins. Trois divisions et
une brigade chinoises stationnent près
de Shanghai, dont les 87è et 88è
divisions qui s’y sont déjà battues en
1932 et ont été formées par les
allemands. Entre le 7 et le 12 août
1937, les chinois bloquent la rivière
Huangpu, tandis que des éléments de
la 88è division et de la 20è brigade
s’infiltrent dans la zone neutre. Tchang
Kaï-Chek veut manifestement frapper
un grand coup pour montrer au monde
sa détermination ; il a répugné à
engager ses meilleures unités au nord. Il veut profiter de la supériorité numérique chinoise. Il
semble se préparer à une guerre longue, contrairement aux japonais qui ne voient en Chine que
des « incidents » qui seront rapidement résolus. Le combat va s’engager quartier par quartier,
rue par rue. En contre-attaquant à Shanghaï, le pouvoir nationaliste montre aussi que le peuple
chinois entend mener une « guerre de résistance », d’un seul bloc, contre l’envahisseur.
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Première phase : l’offensive urbaine (13-22 août 1937)
Les japonais ont porté leur effectif à 9 000 hommes et des escarmouches ont lieu le 13 août alors
que les civils commencent à quitter la ville. Les chinois attaquent dans le district de Zhabei.
Manquant d’armes lourdes, leurs mortiers de 150 mm ne pouvant venir à bout des bunkers
fabriqués par les japonais, ils décident de s’approcher suffisamment des bunkers japonais et de
les attaquer avec des grenades à mains. Pour cela, ils prennent les rues adjacentes aux bunkers
et entourent ceux-ci de murs de sacs de sable en vue de les « asphyxier ». La réponse japonaise
sera de déployer leurs chars dans les axes afin de pouvoir dégager leurs points d’appui. Les
japonais se replient en bon ordre, ne se désagrègent pas, et leurs observateurs d’artillerie
donnent pleinement en réglant précisément le feu de l’artillerie navale.
Le 14 août, une bataille
aérienne s’engage, les
chinois profitant là
aussi
de
leur
supériorité numérique,
mais
les
japonais
bénéficient
de
la
supériorité
technologique,
et
peuvent remplacer plus
facilement leurs pertes
aériennes. Les chinois
abattent 85 avions
japonais au prix de 91
des leurs, mais cela
représentant alors la
moitié de leurs forces
aériennes. Les navires
japonais ancrés dans le
port ouvrent le feu sur
les quartiers bâtis. Les soldats chinois des 87è et 88è divisions s’épuisent ensuite dans des vains
assauts frontaux contre les défenses japonaises, dans l’espoir d’éliminer la garnison avant
l’arrivée de renforts par mer. Les fusiliers marins sont soutenus par l’aéronavale japonaise, tandis
que les appareils chinois tentent de frapper les
bâtiments nippons ancrés à Shanghai,
causant la mort de nombreux civils. Le 21
août, les 87è et 88è divisions, renforcées par
la 36è division, lancent une attaque sur un
front d’une dizaine de kilomètres et
parviennent presque à acculer les japonais
avant qu’une contre-attaque ne les rejette
deux jours plus tard.
La supériorité numérique, quoiqu’essentielle,
notamment en zone urbaine, ne suffit pas. Les
chinois, bien qu’ayant une large supériorité ont
manqué d’armes lourdes. La capacité de
réaction, puis de reprise de l’initiative grâce
aux blindés a été déterminante. Le combat
urbain ne se limite pas à des assauts frontaux
résolus par une écrasante supériorité
numérique. Ce manque va encore être
aggravé par la Marine japonaise qui a frappé
avec précision les positions japonaises. Le feu
des appuis doit aussi être encagé strictement
pour avoir un effet réel.
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Deuxième phase :(23 août-26 octobre)
La veille, la force expéditionnaire
de Shanghai, partie le 15 août, et
commandée par le général
Matsui, débarque les 3è et 11è
divisions de l’armée sur la rive sud
du Yangzi, au nord/nord-est de
Shanghai. Mais les chinois
résistent
suffisamment
pour
empêcher les japonais d’élargir
leur tête de pont. Le général
Zhang Zhizhong, qui dirige la
défense de Shanghai, contreattaque le 24 août à Luodan : il
faut quatre jours aux japonais de
la 11è division pour prendre la
ville. La 3è division prend Wusong
le 31 août après des combats tout
aussi acharnés. Dans la nuit du 5 au 6 septembre, Matsui lance une offensive vers la rivière
Yuzaobin, qui se heurte aux défenses chinoises organisées autour du terrain coupé notamment
par des cours d’eau et des canaux. Le combat se transforme en guerre d’usure. Fin septembre,
les chinois alignent déjà 26 divisions, plus de 200 000 hommes. Côté japonais, les 9è, 13è et
101è divisions de l’armée arrivent en septembre, et une brigade indépendante de Formose
débarque à Shanghai le 14, en tout plus de 100 000 hommes tirés du nord de la Chine, de Taïwan
etc. Des bataillons de réservistes viennent combler les pertes. A ce moment-là, la bataille de
Shanghai a clairement pris le pas sur les opérations du nord de la Chine. Dans les airs, les
japonais s’imposent après avoir introduit le nouveau chasseur A5M qui surclasse les chinois.
Le 7 septembre, les chinois se replient
vers une seconde ligne défensive, alors
que le choléra fait son apparition dans
Shanghai. Les combats vont alors se
focaliser autour de la petite ville de
Luodian, ville représentant un carrefour
routier stratégique. Pour Alexander von
Falkenhausen, cette ville est essentielle et
il conseille à Tchang Kaï-Chek de la tenir
coûte que coûte. 300 000 soldats vont y
être concentrés, attaqués par 100 000
japonais, appuyé par des avions, des
chars et l’artillerie de la Marine. Les
japonais vont utiliser à fond la supériorité
de leur appui pour écraser les troupes chinoises
relativement passives, peu manœuvrantes, mais
se sacrifiant dans la défensive. La ville y gagnera
le surnom de « broyeuse de chair et de sang ».
(血肉磨坊). Avec un taux de pertes supérieur à
50%, la ville doit être abandonnée fin septembre.
Les japonais franchissent la rivière Yunzaobin le 12
octobre et les combats se focalisent sur la ville de
Tachang. Entre les 18 et 21 octobre, les chinois
lancent une contre-offensive majeure autour de
Tachang à l’aide du 21è groupe d’armées accouru
du Guangxi, mais la ville tombe le 25 octobre. Les chinois abandonnent Shanghai elle-même
mais se maintiennent sur ses flancs. Pour débloquer la situation, l’armée japonaise a formé la
10è armée le 20 octobre, sous le commandement du général Yanagawa, un spécialiste des
opérations amphibies.
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Durant cette deuxième phase, les chinois ont tenté une contre-offensive qui malgré une énorme
supériorité numérique, a échoué du fait de la puissance de feu japonaise, ces derniers alignant
700 pièces d’artillerie. L’aviation japonaise a mené de nombreux bombardements réduisant la
ville de Tachang en ruines. Les japonais ne sont pas capables de mener un appui aérien
rapproché.
Troisième phase :(27 octobre-26 novembre)
Avec les 6è, 18è et 114è divisions, l’armée
japonaise débarque dans la baie de
Hongzhou, au sud-ouest de Shanghai, mal
défendue par les chinois, le 5 novembre, alors
que Matsui franchit la crique de Suzhou. Trois
divisions chinoises rameutées pour bloquer la
10è armée sont repoussées. Tchang Kaï
Chek commet une erreur d’appréciation en
ordonnant la retraite le 9 novembre
seulement, entrainant la désintégration de
certaines unités chinoises. Shanghai tombe
deux jours plus tard. Si la victoire est acquise
pour les japonais, elle l’est à un coût élevé :
plus de 9 000 tués et 30 000 blessés. En
outre, l’armée impériale n’a pas réussi à
l’anéantir l’armée nationaliste. Celle-ci a
montré sa détermination lors de la bataille de Shanghai, mais à un prix démesuré. 187 000
hommes ont été mis hors de combat, en particulier les meilleures divisions formées par les
allemands et notamment les cadres (30 000), qui ont en grande partie disparu. La prise de Nankin
est le résultat direct de cette véritable saignée.
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CONCLUSION :
Une des causes possibles de
cette bataille serait la volonté
de Tchang Kaï chek d’attirer
l’attention étrangère sur la
situation de la Chine face au
Japon. C’est une cause
possible, mais comme dans
beaucoup
d’événements
historiques, cette cause se
situe au milieu d’autres
raisons.
A l'époque, la bataille de
Shanghai a fait l'objet d'une
quantité assez importante
d’articles dans les grands
médias occidentaux, étant
souvent sur la première page
du New York Times. Shanghai
était une ville bien connue, et il y avait des intérêts commerciaux occidentaux importants bloqués
dans la zone. Cependant, pour l’occidental moyen, cela était difficilement compréhensible et sans
rapport avec son quotidien, comme aujourd’hui les conflits aux confins de l’Asie (en Afghanistan)
ou dans l’Afrique sub-saharienne.
La seconde bataille de Shanghai a entrainé la destruction des unités les mieux entrainées de
l’armée chinoise. Les japonais ont appris, suite aux difficultés de 1932, ils ont réécrit leurs
procédures de débarquement amphibie qu’ils ont utilisés pour débloquer la situation.
Qui a gagné ? Toujours difficile de répondre à cette question, la bataille de Shanghai est parfois
surnommé le Stalingrad du Pacifique. Les chinois sont à l’origine de la bataille, mais leur bilan
est très maigre, ils n’ont pas détruit le cœur de l’Armée Impériale en échange de quoi ils ont tout
de même laissé leurs meilleurs cadres, et leur capitale. L’absence de cadres et d’une armée bien
entrainée pèseront lourd en 1949 lors de la guerre contre les communistes de Mao. Cependant,
les japonais, s’ils ont montré de belles qualités tactiques, n’ont pas détruit l’organisation politique
et les moyens de production chinois rapatriés vers l’intérieur de la Chine, et surtout les japonais
ont été obligés de rentrer dans un conflit qu’ils n’ont pas choisi et qui aboutit à une guerre d’usure
nécessitant l’utilisation des maigres capacités terrestres japonaises. Rentrer en guerre ne suffit
pas, il faut prévoir la sortie et définir des objectifs de guerre et dans la guerre, ce qui ne sera
jamais fait par les japonais qui vont courir après le lièvre chinois puis américain. Peu connue, la
bataille de Shanghai est pourtant une brique
essentielle la bataille du Pacifique en particulier et de
la seconde guerre mondiale en général.
Shanghai 1937: Stalingrad on the Yangtze Peter Harmsen
A blog about the 1931-45 Sino-Japanese conflict
that shaped modern Asia
Defense_of_Sihang_Warehouse
Final Attack On Shanghai (British Pathe 1937)
Actualités allemandes UFA 22 septembre 1937
Lieutenant-Colonel Ch. MARCILLE
Centre d’Entrainement aux Actions en Zones Urbaines
94è RI.
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Des réservistes pour SYMULZUB.
Du 8 au 12 février 2016, 23 réservistes
provenant de trois unités élémentaires (92è
RI, 13è RG et 503è RT) ont été instruits dans
le cadre de SYMULZUB aux actions en zone
urbaine au CENZUB de Sissonne (02).
La première activité a été la perception du
matériel nécessaire à « SYMULZUB»,
notamment des gilets disposant des
capteurs, ainsi que des senseurs pour le
casque, un boitier sur l’arme. La simulation
du combat va ainsi pouvoir approcher d’un
grand réalisme comme nous le constaterons
rapidement.
Nous sommes intégrés au sein de la FORAD (force adverse) pour une instruction reprenant les
fondamentaux des actes élémentaires et réflexes, aussi bien individuels que collectifs (trinôme
ou groupe). Nous profitons pleinement de l’instruction dispensée. Les instructeurs savent
s’adapter aux niveaux différents de ceux qui leur sont confiés. Des entrainements progressifs
nous mettent en situation au plus proche du réel, notamment grâce aux installations du CENZUB.
Le soir nous avons droit à une analyse
après action (3A) s’appuyant sur des
vidéos de la journée ce qui nous permet
de voir notre progression, mais aussi les
points à perfectionner, et ce, sans
possibilité de tricher, la preuve par l’image
étant définitive !
Nous voyons par exemple la progression
sous blindage, la reconnaissance d’un
bâtiment, tenir dans un bâtiment,
participer à une contre-attaque. Ces
phases sont réalisées avec une mise en
ambiance s’appuyant sur un fond sonore, des fumigènes à l’intérieur des bâtiments.
Tous ces savoir-faire, ces missions sont
intégrés et répétés. Cela nous permet d’acquérir
de nouveaux réflexes que nous mettons en
pratique face aux EVI du 1er RI en FGI.
Cette semaine au CENZUB a été très
enrichissante. Mélangeant trois unités de
réserve, nous avons pu échanger sur nos
parcours, nos expériences respectives. Nous
avons redécouvert l’agressivité contrôlée, le
cadre des engagements se plaçant loin de la
légitime défense habituelle, mais que nous
pouvons être appelé à mettre en œuvre dans le cadre de l’opération SENTINELLE, si les
circonstances l’exigeaient.
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Emploi du temps
AZUR
1:
élémentaire
individuel.
déplacer:
Mardi matin
Acte AZUR
1:
Acte AZUR
1:
élémentaire
élémentaire
Se individuel.. Se poster individuel.
Acte AZUR 2: PO Indiv
Se
poster
Mardi après-midi
AZUR 3: Le trinôme
se déplace en ZURB
Mercredi matin
AZUR 4: trinôme se AZUR 5 / 7: trinôme
déplace dans un pénètre dans une
escalier:
pièce et fouille la
pièce:
Mercredi après-midi
AZUR 6: trinôme AZUR 8: trinôme
neutralise et détruit réagit face à un
une ENI:
blessé AMI
Mercredi nuit
AZUR 9 / 10: trinôme
se
déplace,
neutralise, détruit un
ENI dans une pièce
de nuit:
Jeudi matin
Progression
blindage
sous Utilisation du trinôme Le trinôme participe à AZUR 11: participe à
GEN
la saisie d'un étage
une Def. Ferme
Jeudi après-midi
Exercice synthèse:
BRI Alexandre P.
ETR du 503 RT
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L'Etat Islamique : La victoire et la conquête imminente viennent de Dieu (3)Wilayat al-Khayr
Le 13 janvier, l'Etat Islamique a
publié le troisième volet de sa
série consacrée aux grandes
opérations dans le wilayat d'alKhayr
(Deir
es-Zor). J'avais
commenté le deuxième volet
dédié à l'attaque de positions au
sud de l'aéroport en septembre
2015.
Dès le début de la vidéo, une
carte satellite plongeante depuis
l'espace nous montre que
l'objectif de l'EI est l'aéroport de Deir-es-Zor, toujours tenu par le régime. Suit un défilé d'armes
lourdes : ZSU 23/4 de prise, un camion portant un canon AA S-60 de 57 mm (qui est lui aussi
une arme du régime retournée...), des bitubes AA de 23 mm ZU-23 ou de 14,5 mm KPV... une
autre carte se focalise ensuite sur un quartier au nord-ouest de l'aéroport, à l'est du stade de foot,
al-Sinaa. Un premier chef de groupe tient à discours pour motiver ses troupes : une vingtaine
d'hommes, majoritairement armés d'AK-47 et d'au moins une mitrailleuse PK. Un autre chef de
groupe s'adresse également à ses hommes. On peut voir ensuite une trentaine de combattants
faire leur prière. L'EI filme ensuite des positions du régime, probablement près de l'aéroport. Un
canon de l'enfer, le S-60 sur camion et au moins un canon sans recul SPG-9 entrent alors en
action contre les positions du régime. On distingue un abri pour avion de l'aéroport sur les images:
il est situé à l'angle est de l'aéroport, quasiment à l'extrémité des pistes. L'EI bombarde le secteur
depuis, à une distance d'au moins 300 m. Les images semblent identiques à d'autres prises début
novembre 2015.
Figure 5 Carte de Deir es-Zor. En bas, l'aéroport tenu par le régime. Le point noir représente le quartier d'al-Sinaa près
du quartier industriel, où a lieu l'action finale de la vidéo.
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Figure 6 L'aéroport montré sur la carte de l'EI.
Figure 6 ZSU 23/4 Shilka pris au régime par l'EI.
Figure 8 Un camion avec S-60 capturé sur le régime.
Figure 9 Bitube KPV sur technical
Figure 10 Bitube ZU-23 sur technical.
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Figure 11 Le quartier d'al-Sinaa et le quartier industriel sur une carte de la vidéo.
Figure 12 Discours aux troupes.
Figure 13 La prière
Figure 14 L'EI observe les positions du régime.
Figure 15 Les canons de l’enfer. (Voir le sioux
numéro 24).
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Figure 16 Le S-60 en action.
Figure 18 SPG-9 en action.
Figure 17 Ce char embossé qui tire semble être une
image ancienne : on voit la même ou quasiment dans la
vidéo de septembre...
Figure 19 Les hangars de l'aéroport de Deir es Zor.
Figure 20 Le hangar visé est à l'extrémité est de l'aéroport. L'EI
tire depuis au moins 300 m de distance.
Véhicule de l'Etat Islamique visibles dans la vidéo
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
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

1 x ZSU 23/4
1 x camion embarquant un canon AA S-60 de 57 mm (récupéré sur le régime)
2 x technicals avec bitube KPV de 14,5 mm
1 x technical avec bitube ZU-23 de 23 mm
1 x char T-55
1 x char T-72
1 x BMP-1
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La séquence suivante montre des véhicules kamikazes lancés contre les positions du régime
près de l'aéroport. Le premier monte un T-55 détourellé. Il explose au loin. Le deuxième est
embarqué sur un pick-up blindé de manière artisanale : il s'agit de Hafez Al Jazrawi (un
Saoudien). Un troisième kamikaze manipule un camion-benne avec blindage additionnel : il s'agit
de Abu Dajanat al Saheli, un Syrien venant de la zone entre la plaine d'al-Ghab et la côte, d'où
son nom de guerre. Ces images datent également de début novembre 2015 (autour du 10-11).
Figure 21 VBIED 1 : T-55 sans tourelle
Figure 22 Explosion VBIED 1
Figure 23 VBIED 2 : Hafez Al Jazrawi (Saoudien).
Figure 24 Explosion VBIED 2
Figure 25 VBIED 3 : Abu Dajanat al Saheli (un Syrien
du Sahel, la région entre la plaine d'al-Ghab et la côte
peut-être) : les images datent du 11 novembre 2015.
Figure 26 Explosion VBIED 3
.
Véhicules kamikazes utilisés par l'EI dans la
vidéo
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1 x T-55 sans tourelle
1 x pick-up blindé
1 x camion-benne blindé
2 x bulldozers blindés
1 x camion-benne blindé
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Les images suivantes montrent le pilonnage de positions du régime par des technicals, un équipé
d'un bitube AA ZU-23 de 23 mm, au moins deux équipés de bitubes KPV en 14,5 mm, par des
mitrailleuses PK et DSHK. Le ZSU 23/4 retourné est également de la partie, de même que le
canon SPG-9 qui tirait sur les hangars à l'est de l'aéroport, ce qui laisse supposer qu'on est dans
le même secteur et à la même période. Un RPG-7 et un fusil de sniping lourd en 12,7 mm sont
également de la partie. Un hélicoptère Mi-8/17 est filmé à distance, de même qu'un ou plusieurs
MiG-21 du régime syrien qui sont pris à partie par les technicals.
Figure 27 PK
Figure 28 Technical avec ZU-23
bitube.
Figure 29Bitube KPV sur technical
Figure 30 DSHK sur affût.
Figure 31 Le ZSU 23/4 en action.
Figure 32 Fusil de sniping lourd.
Figure 33 Mi-8 filmé à distance.
Figure 34 Mig-21
Figure 35 Et tir des technicals
contre ce dernier.
La scène qui vient ensuite montre l'assaut sur le quartier d'al-Sinaa, à l'est de la ville de Deir-esZor, au nord-ouest de l'aéroport, autour de la veille de Noël, le 24 décembre 2015. L'assaut est
précédé par l'explosion de plusieurs véhicules kamikazes. Le premier, un bulldozer blindé
artisanalement, est piloté par un Syrien, Abu Jahad Al Darawi. Un autre Syrien, Abu A'abadat al
Shami, conduit un deuxième véhicule kamikaze, un autre bulldozer blindé. Un troisième Syrien,
Syaf Al Banyassi, pilote un autre camion kamikaze au blindage renforcé. Les trois kamikazes se
sont explosé successivement. Une mosquée est visible sur la séquence : si l'on s'en refère au
secteur pris par l'EI lors de l'attaque du 23-24 décembre, il s'agit probablement de la mosquée alGhazali. Les 3 kamikazes s'engagent dans des rues parallèles, au-delà de la mosquée, vers les
positions du quartier industriel tenu par le régime. Syaf Al Banyassi, sur le camion, qui est au
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milieu, se fait sauter en premier ; puis c'est Abu A'abadat al Shami sur le deuxième bulldozer
blindé, sur la gauche ; enfin vient le tour de Abu Jahad Al Darawi sur l'autre bulldozer blindé. Une
caméra GoPro montée sur un des combattants filme l'assaut au sol. Les hommes de l'EI
contournent la mosquée et entrent dans le quartier industriel où ont explosé les kamikazes, au
nord du quartier, sous les tirs ennemis (on voit les impacts au sol). La progression dans les rues
est couverte par des jets de grenades et un tir de mitrailleuse PK. On remarque un brancadier
qui vient récupérer un blessé ainsi que plusieurs combattants qui apportent le ravitaillement en
eau. Un Su-24 du régime (ou russe)
survole les hommes de l'EI. Ceux-ci
pénètrent dans le quartier industriel
précédé par un char T-55. Un canon
de l'enfer appuie l'assaut à distance,
de même qu'un tireur RPG-7 qui
effectue un tir "en cloche". L'EI
engage deux chars en combat
urbain : un T-72 et le T-55 sans
doute vu précédemment. Tourelle
tournée vers la gauche, les deux
chars expédient plusieurs obus
chacun. Les fantassins de l'EI sont
ensuite engagés dans le combat de
rues.
Deux
mitrailleuses
PK
Figure 36 En bleu, le quartier pris par l'EI lors de l'assaut du 23
retranchées derrière une barricade
décembre (rouge : le régime ; noir, l'EI).
ouvrent le feu. Des combattants
couvrent la traversée d'une rue par leurs camarades en tirant à l'AK-47. L'un des hommes montre
à la caméra un emblème d'épaule du Hezbollah libanais. Utilisant une technique éprouvée en
combats de rues, les hommes de l'EI pratiquent des trous dans les cloisons à l'intérieur des
bâtiments pour éviter de passer par les rues. Ils utilisent des explosifs amenés par quelques
hommes pour faire sauter certains passages. On peut voir ensuite une quinzaine de corps de
combattants du régime. Il y a une épave de char dont on voit la tourelle éjectée qui a l'air ancienne
(T-72), en revanche on voit ensuite l'épave encore fumante d'un autre T-72. L'EI montre ensuite
un passeport ou un document d'identité du régime qui est, chose surprenante, écrit en français.
Le butin est montré à la fin de la vidéo, sur fond de discours sonore du calife al-Baghdadi : un
canon KPV sur affût fixe, des munitions dont des roquettes pour RPG-7, des armes légères... l'EI
capture aussi des munitions estampillées "2 charges de poudre M57 pour la mine à charge
creuse" (en français), sans doute des munitions à charge creuse pour le lance-roquettes
yougoslave M57 (copie du Panzerfaust allemand). La vidéo se termine sur un portrait de Bachar
el-Assad lacéré et sur l'arrivée d'un BMP-1 de l'EI dont l'un des membres d'équipage agite son
couteau vers le ciel.
Figure 37 VBIED 1, bulldozer blindé : Abu Jahad Al Darawi.
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Figure 38 Abu Jahad Al Darawi
Figure 40 VBIED 3 : Syaf Al Banyassi.
Figure 39 Abu Jahad Al Darawi monte dans son
VBIED.
Figure 41 Charges explosives VBIED 3
Figure 42 Syaf Al Banyassi.
Figure 43 VBIED 3
Figure 44 VBIED 2 : Abu A'abadat al Shami.
Figure 45 VBIED 2 à gauche, 3 à droite
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Figure 46 Lieux de l’action.
Figure 47 Trajet approximatif des 3 VBIED (flèches).
Les numéros indiquent l'ordre des explosions En rouge
la mosquée al-Ghazali (autre mosquée en rouge au
nord).
Figure 48 Le VBIED 3 explose en premier.
Figure 10 Le VBIED 2 explose ensuite.
Figure 50 Puis le VBIED 1 (à droite sur l'image).
Figure 51 Les flèches indiquent le début de l'attaque vu
en GoPro.
Figure 52 Devant la mosquée...
Figure 53 Puis juste au nord du quartier industriel.
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Figure 54 Un brancardier vient récupérer un blessé
Figure 55 Derrière le tireur PK, on voit les brancardier
s'affairer pour secourir le blessé.
Figure 5611 Approvisionnement en eau.
Figure 57 Un T-55 précède les fantassins
Figure 58 Des trous dans les cloisons pour progresser.
Figure 59 Artillerie de circonstance Canon de l'enfer.
Figure 60 Tir en cloche de RPG-7.
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Figure 61 Blindée en ville
Figure 62 T72
Figure 63 Barricade en combats de rues.
Figure 64 Explosifs pour dégager les obstacles.
Figure 65 Résultats des explosifs
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Figure 66 Epave de T-72 encore fumante.
Figure 67 Passeport en plusieurs langues, dont le
français
Figure 68 Emblème du Hezbollah.
Figure 69 BMP 1
Monsieur Stéphane MANTOUX
Le sioux remercie l’auteur pour son autorisation de publication ; vous pouvez retrouver
l’intégralité de l’article ici.
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Le billet D’Arsène
Ce que BHL ne savait pas….. Qu’est-ce que la Lybie ?
Des bruits de plus en plus insistants parlent d’une intervention en Lybie, encore une ! Mais au
fait, qu’est-ce que la Lybie ?
Au départ, ce sont les berbères qui peuplent la zone libyenne, comme toute l’Afrique du Nord. Ils
vont être arabisés cultuellement et culturellement. Il faut reprendre ce déroulement pour
comprendre la Lybie d’aujourd’hui. Dans l’Antiquité, les grecs sont dans les grandes cités
(Benghazi, Cyrène, la Montagne Verte) ; selon eux, les dieux ont percé le ciel de la cyrénaïque
pour l’arroser. Les grecs vont, durant mille ans, développer une civilisation (poètes, philosophes,
médecins, architecture…). A l’ouest, la situation est différente, il s’agit des carthaginois, la
séparation entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque correspond au désert central parcouru par des
oasis jusqu’au lac Tchad. Les romains prennent la suite, mais sans politique indigène. C’est
après, à l’époque byzantine, que les grandes tribus se mettent en place, après la parenthèse
vandale. Les byzantins reprennent le contrôle à partir de 533 en rencontrant des problèmes avec
les tribus berbères qu’ils repoussent en cyrénaïque, en nourrissant une haine contre les
byzantins, ce qui facilitera la conversion des berbères lorsque les arabes arriveront. Ces guerriers
berbères de cyrénaïque, les Lawata se retrouveront dans les conquêtes arabes, jusqu’aux
Pyrénées. La masse de la population reste berbère, jusqu’au 12è siècle et les invasions
hilâliennes (tribus sortant d’Arabie et se répandant aux alentours).
Le « fléau bédouin »
est envoyé aux
berbères en Egypte
puis en Lybie, enfin
en
Tunisie.
L’arabisation de la
Lybie se situe là,
vers 1 100. Les
tribus
arabes
s’installent
en
cyrénaïque.
L’arboriculture
va
être rasée par les
chèvres
et
les
moutons et la culture
nomade remplace
l’antique culture qui
provenait des grecs
et des romains. Les
tribus arabes qui
s’installent en cyrénaïque développent leurs alliances tribales et leur propre hiérarchie au sein de
sept tribus qui arrivent d’Arabie, un premier groupe émerge en cyrénaïque. Soixante-dix ans plus
tard, une deuxième vague de tribus hilaliennes passent par la cyrénaïque mais ne restent pas,
du fait de la présence d’autres tribus arabes, elles continuent, et franchissent la zone désertique
du Golfe de Syrte et s’installent en tripolitaine. Une deuxième zone apparait avec ses propres
alliances. A la fin du 12è, début 13è, il y a juxtaposition de tribus bédouines avec leur propre
système d’organisation politique dans un monde berbère arabisé ; chaque fédération va contrôler
une partie de la Lybie actuelle (la Cyrénaïque et la Tripolitaine). Les villes du littoral vont, quant
à elles, regarder vers la mer et le commerce, en échangeant avec la Grèce ou la Sicile. Au 15è,
16è siècle, les ottomans prennent le contrôle de la région, mais pas de l’intérieur. Ils laissent
l’intérieur à la loi bédouine jusqu’au moment où les kouloughlis, des métisses de turcs et
d’indigènes, tentent de développer un état indépendant des ottomans, en s’appuyant sur des
tribus de l’arrière-pays. La Lybie n’existe toujours pas, il y a des systèmes tribaux avec une
tentative kouloughlis.
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En 1835, les turcs reviennent après la perte de la régence d’Alger pour éviter une alliance au sud
entre l’Egypte et la France. Dans un premier temps les turcs reprennent les ports puis visent
l’intérieur en s’appuyant sur des luttes entre les tribus, mais sans constituer d’état libyen. En
cyrénaïque apparait une confrérie musulmane, la senoussia. Les turcs vont alors sous-traiter le
pouvoir à la senoussia pour développer une zone coloniale jusqu’au Lac Tchad. La lutte entre les
français et les senoussistes va durer jusque 1916. En 1911, les italiens vont débarquer et donner
le nom de Lybie qui provient de la littérature grec et qui provient de l’égyptien qui doit lutter contre
les tributs berbères, dont l’une se nomme les Lebous. Les italiens ne contrôleront le pays qu’en
1931/1932. La deuxième guerre mondiale fait passer la Lybie (cyrénaïque et tripolitaine) sous
contrôle britannique, sauf la zone Sud, le fezzan qui restera français (colonne Leclerc) jusque
1952. La Lybie n’a finalement existé que de 1932 à 1940 ! L’ONU demande une Lybie unie. Les
alliances tribales vont négocier pour désigner un roi, issu des tribus nobles (de cyrénaïque, les
premiers arrivés). Le roi Idriss va être désigné comme premier roi, de plus, il dirige les
senoussistes mais il ne va pas les mettre au pouvoir, en distinguant état et confrérie,
contrairement à l’Arabie saoudite où les Saoud mettront les wahhabites au pouvoir. Cette
désignation est une solution pragmatique, tenant parfaitement compte des particularismes
locaux, mais le roi Idriss va s’aligner sur les occidentaux. Les « officiers libres » vont renverser la
monarchie. Les officiers libres sont des bédouins
de l’intérieur, il n’y a qu’un seul représentant des
villes du littoral. Ils vont essayer de créer un état
nationaliste, comme le colonel Nasser essaie de
le faire en Egypte. Le colonel Khadafi est
originaire du couloir central qui sépare
cyrénaïque et tripolitaine. Sa tribu, les Kadhafa,
fait partie de l’alliance tripolitaine, c’est une tribu
de grands nomades, qui se déplacent jusqu’au
Lac Tchad, mais sans aller jusqu’à la mer, ce
sont des hommes du désert. Il sait que son état
est une réalité tribale. Il va chercher à réunir les alliances tribales dans son second mariage.
La force d’organisation de l’état a été cassée par l’intervention franco-otanienne. La liquidation
de Khadafi a séparé à nouveau les deux grandes alliances (cyrénaïque et tripolitaine) et au sein
même des deux grandes alliances des dislocations ont eu lieu, généralisant la guerre. Les
islamistes en ont profité pour prendre le contrôle de la quasi-totalité de la Libye. Jusqu’ici, les
mouvements
islamistes
étaient
implantés
uniquement dans une tribu ou une ville. Cette
anarchie n’était pas gênante pour les occidentaux,
et ne remettait pas en cause l’équilibre
méditerranéen, mais depuis un an, l’Etat Islamique
(EI) est entré dans le jeu libyen. La particularité de
l’EI est qu’il n’est pas libyen, il se développe avec
des turcs, des syriens, des irakiens et des
tunisiens. La question des tribus ne l’intéresse pas,
alors que même Al-Qaida s’implantait sur les
tribus. Les milices étrangères de l’EI ne
reconnaissent que la Oumma, la communauté
pour dépasser l’anarchie. « Notre seul clan c’est
l’Islam ». L’EI s’est d’abord implanté dans la région de Syrte, des anciens khadafistes voulant se
venger de Misrata, en massacrant les salafistes parce qu’ils appartenaient à une autre tribu et
tous ceux qui ne voulaient pas se rallier. Une poche de 200 km sur le littoral, avec pour but de
contrôler les terminaux pétroliers, mais surtout de rejoindre Boko Haram qui tient le Nord-Est du
Nigéria, est apparue. L’EI se trouve entre les deux zones d’alliance qui descendent vers le Lac
Tchad, il s’appuie sur la tribu des Beni Hassan qui se trouve jusqu’au Niger, au Nord du Nigéria,
dans le centre du Tchad et contrôlait l’axe complet du commerce méditerranée/zone péritchadique. Certains des clans de cette tribu ont fait allégeance à l’EI, ce qui donne une énorme
possibilité d’extension de l’EI avant une junction avec Boko Haram.
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Le seul à pouvoir lutter contre l’EI est…Al-Qaida de
Tripoli! Ou les frères musulmans de Misrata soutenus par
la Turquie, ou les salafistes de la région de cyrénaïque.
Avec lequel de ces “alliés” traiter?!? La situation est donc
hors de contrôle, les seuls qui luttent contre l’EI sont les
restes d’Al-Qaida, pouvons-nous alors les déclarer
comme musulmans modérés et en faire des alliés?
L’Islam oriental s’est implanté via des « missions
humanitaires » avec les prières de nuit, les rites
mortuaires et a remplacé l’Islam noir, sahélien. ?
Imaginons que l’EI rejoigne Boko Haram, toute la zone qui
va jusqu’à la Côte d’Ivoire peut alors basculer.
Une nouvelle intervention au sol en Lybie
est donc complexe et risquée, les
« croisés » pouvant amalgamer contre eux
l’ensemble des milices islamistes. Le
contingent nécessaire au sol dépasse
largement les capacités des armées
européennes, qui ne disposent pas de
dizaines de milliers d’hommes devant à la
fois tenir le terrain et simultanément
pourchasser les raids des tribus. L’Egypte
est déjà engagée dans le Sinaï et doit lutter
contre son terrorisme, l’Algérie a indiqué
qu’elle ne voulait pas intervenir, la Tunisie
n’a pas les moyens militaires. Il n’est
cependant pas possible de laisser l’EI
s’emparer de la Libye. Le gars avec
chemise et cheveux au vent a montré une
certaine méconnaissance de la zone en essayant de plaquer une tradition occidentale de vote
démocratique ne pouvant correspondre aux alliances tribales séculaires. En éliminant le dictateur
Kadhafi, le ciment de la « nation libyenne » a été détruit et les guerres tribales ont commencé
créant la situation parfaite pour l’apparition de l’EI dans cette zone. Avant de se lancer tête
baissée dans une nouvelle intervention, il serait judicieux de se demander comment résoudre
cette anarchie locale. La solution ne peut passer que par une remontée du système tribale, en
redéfinissant un ordre interne pour éliminer les diverses milices islamistes.
Arsène L.
Pour aller plus loin……
Archives INA Libye 1969
Tchad: les tribus du Sud libyen, une solution contre le chaos 28 mai 2015
Page regroupant des sites sur la Libye
PS: Merci à BL pour son savoir!
Chammal : le porte-avions Charles
de Gaulle quitte la TF 50 et franchit
Ormuz

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