Réduction des risques alcool - Association de Lutte contre la

Transcription

Réduction des risques alcool - Association de Lutte contre la
Alsace
Réduction des risques alcool
Guide de la réduction des risques et des dommages
chez les consommateurs d’alcool
décembre
2014
l’
Agence régionale de santé d’Alsace a inscrit le développement
et le renforcement de la réduction des risques liés à la consommation de substances psychoactives dans les priorités du Projet
régional de santé (PRS) 2012-2016, notamment dans le cadre du
volet addictions du Schéma régional d’organisation médicosociale (SROMS).
Elle souhaite, en particulier, inciter un plus grand nombre de professionnels
à renforcer les démarches et interventions permettant de prévenir et réduire
les risques et les dommages liés aux usages de l’alcool et formaliser des
recommandations de bonnes pratiques en la matière, fondées sur des données
scientifiques et des expériences de terrain.
De même, la Présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la
drogue et la toxicomanie (MILDT) rappelle, dans l’introduction du Plan
gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017,
adopté et publié le 19 septembre 2013, qu’« en matière de réduction des risques,
la France, pendant longtemps réticente à cette politique, devient progressivement une référence », que « cette approche, fondée sur l’accompagnement
des consommations pour en prévenir les pathologies associées, cohabite de
façon assumée avec la pénalisation des consommations grâce, notamment, à
une meilleure connaissance réciproque des pratiques professionnelles de tous
les intervenants de proximité » et qu’« il nous faut renforcer ce modèle régulièrement menacé » car « c’est l’une des pratiques dont les effets en matière de
santé publique sont les plus directs ».
La réduction des risques et des dommages liés à la consommation d’alcool
constitue depuis longtemps une préoccupation pour bon nombre d’acteurs du
champ de la santé, du social, de l’éducation, de l’insertion et de la justice, mais
tous ne se sentent pas outillés pour faire évoluer leurs pratiques.
Ce guide, fruit d’un travail collaboratif entre professionnels de l’addictologie
œuvrant en Alsace, vise à fournir aux professionnels des différents champs des
clés de compréhension permettant d’aborder toutes les dimensions de l’usage
d’alcool, de favoriser l’appropriation des concepts, des enjeux et des outils de
la réduction des risques et des dommages liés à la consommation d’alcool ainsi
que leur intégration dans les postures professionnelles, même s’il est clair que
la prévention et les soins ne sont jamais totalement réductibles à un guide de
bonnes pratiques et que le plus important reste de l’ordre de la qualité de la
relation et de l’écoute.
Il a pour objectifs de clarifier quelques définitions, de présenter les enjeux de la
réduction des risques et des dommages liés à la consommation d’alcool, de faire
connaître des actions, initiatives et dispositifs développés localement et de favoriser l’appropriation par les acteurs de stratégies et d’outils d’intervention.
1
Une publication du groupe de travail Réduction des risques alcool,
animé par l’Agence régionale de santé (ARS) d’Alsace et composé des professionnels suivants :
- Marie-Louise Bonnewitz, médecin, service d’addictologie de Saverne
- Odile Bonomi, médecin, service d’addictologie de Sélestat
- Élisabeth Fellinger, directrice, CIRDD Alsace
- Lara Geldreich, chef de service CTR ALT
- François Grangé, médecin, CSAPA/ELSA HCC
- Laurent Konopinski, directeur, APPUIS
- Marc Kusterer, directeur, CSSRA Marienbronn
- Richard Lortz, infirmier, CSAPA Wissembourg
- Christine Pfeiffer, médecin, service d’addictologie de Haguenau
et qui s’appuie également sur des contributions et des supports transmis par les équipes :
- de l’association Oppelia-AFPRA
- de l’association Alcool Assistance
- de l’association Le Cap
- du centre d’addictologie des Hôpitaux universitaires de Strasbourg
- du CSAPA ALT
- du CSAPA des Hôpitaux civils de Colmar
- du CSAPA du Centre hospitalier de Haguenau
- du CSAPA du Centre hospitalier de Saverne
- du CSAPA du Centre hospitalier de Sélestat
- du CSAPA du Centre hospitalier de Wissembourg
- du CSAPA et du CAARUD Argile
- du CSAPA et du CAARUD Ithaque
- du service prévention urbaine de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg
- de l’unité intersectorielle d’addictologie du Centre hospitalier d’Erstein
Remerciements au Pr François Paille et au Dr Alain Rigaud
qui ont pris le temps de relire ce guide et de partager leur expertise avec le groupe de travail.
Suivi de la publication :
Marie-Christine Laurent (ARS Alsace)
Mise en pages : L’intranquille
Impression : Ott imprimeur, Wasselonne
1er trimestre 2015
La présentation d’actions, d’initiatives, d’expérimentations locales
n’a pas vocation à être exhaustive mais uniquement à illustrer la politique de réduction
des risques et des dommages chez les consommateurs d’alcool développée en Alsace.
2
Sommaire
1. Alcool : représentations
et fonctions à travers les âges....... 4
6. Réduction des risques
et des dommages dans
les stratégies de prévention,
d’accompagnement
et de soins ...................................................................32
L’alcool à travers les siècles .................................. 4
L’alcool et ses représentations
aujourd’hui ........................................................................... 5
Principes et objectifs
de la réduction du risque alcool...................32
Approche globale en prévention
et intervention précoce ..........................................34
Approche globale en soin....................................36
Stratégies ciblées sur des publics
et des contextes spécifiques ..............................45
➫ Les jeunes........................................................................45
➫ Les femmes enceintes ..............................................55
➫ Les personnes âgées..................................................57
➫ Les personnes en situation de précarité......58
➫ Le milieu professionnel ..........................................60
➫ Le milieu festif .............................................................64
2. Usages d’alcool
dans le contexte
français actuel .......................................................... 8
Qui sont les consommateurs ? .......................... 8
Recours aux soins
en lien avec l’alcool....................................................... 9
Mortalité liée à l’alcool..........................................10
Dommages sociaux....................................................10
3. Concepts fondamentaux
en addictologie ....................................................11
Substance psychoactive ........................................11
Addiction .............................................................................12
Pratiques addictives ..................................................13
Classification des usages......................................13
Équivalents alcool .......................................................15
Outils d’évaluation
des consommations..................................................15
Binge drinking .................................................................18
Intoxication alcoolique aiguë ..........................18
Prévention ...........................................................................19
Facteurs de risque .......................................................19
Facteurs de protection ...........................................20
Compétences psychosociales ..........................20
Réduction des risques
et des dommages.........................................................20
Réduction de consommation..........................21
7. Stratégies et outils
de réduction des risques
et des dommages ............................................70
Intervention précoce.................................................70
Intervention brève .......................................................70
Entretien motivationnel ........................................71
Thérapies cognitivocomportementales (TCC) ...................................71
Thérapies psychodynamiques .........................71
Approches systémiques .........................................71
Outils médicamenteux ...........................................72
Coordonnées des structures régionales
intervenant en addictologie .........................................75
Bibliographie sélective.....................................................76
Liste des sigles et acronymes.......................................79
4. Effets de l’alcool
(recherchés et indésirables) ...........23
5. Risques et dommages induits.....25
3
1. Alcool :
représentations et fonctions
à travers les âges
L’alcool à travers les siècles
L’alcool, désigné par le terme chimique éthanol lorsqu’il est pur, provient de
la transformation de sucres sous l’action de levures. Cette fermentation de
fruits ou de céréales donne des breuvages dont le titre alcoolique ne dépasse
pas 18°. Par distillation (chauffage) des produits fermentés, on augmente le
degré d’alcool : on parle alors de spiritueux ou d’alcools forts.
L’archéologie et l’histoire témoignent de pratiques de fabrication et d’usage
de boissons fermentées en Chine, 5 000 à 10 000 ans avant J.-C. Dans
l’Égypte ancienne, l’état d’ivresse faisait déjà l’objet de mises en garde et la
consommation de boissons alcoolisées était alors interdite aux jeunes.
Comme toutes les drogues, l’alcool occupe dans les sociétés et, selon
le contexte culturel, une fonction rituelle ou religieuse, une fonction
sociale et/ou une fonction thérapeutique.
La civilisation gréco-romaine distingue les bonnes et les mauvaises ivresses.
La bonne ivresse se réfère au plaisir du vin partagé, qui délie les langues,
favorise la communication avec les dieux et le lien social ou est offert en
cadeau à ses amis. Cette consommation collective fait généralement l’objet
de règles de modération, dictées par des prêtres, comme pour les fêtes de
Dionysos à Athènes, ou par des érudits pour les symposium, sortes de cercles
philosophiques.
Les Romains, de leur côté, n’étaient pas en reste avec leurs Bacchanales. Là
aussi, un certain nombre de codes sociaux bien établis y contrôlaient à la fois
les quantités absorbées, la fréquence de ces fêtes et l’interdiction d’accès aux
femmes et aux jeunes.
4
La bonne ivresse est également celle qui soigne les malades et les vieillards
(Platon), réchauffe le corps mais ne convient qu’aux hommes, de
constitution plus robuste (Hippocrate). La mauvaise ivresse est celle de celui
qui consomme dans l’ignorance, la solitude et en excès (Ulysse et le Cyclope)
ou celles des orgies collectives.
Au Moyen Âge, par essence très religieux, on retrouve le triptyque dans les
usages du vin : intégré aux rites religieux, « fortifiant » largement distribué
aux malades et aux travailleurs de force et élément de convivialité offert aux
voyageurs et hôtes de passage et toujours présent dans les banquets royaux.
Les excès et ivresses relèvent de l’hérésie et sont condamnés très sévèrement.
La fin du XVIe siècle, en France, est marquée par un essor particulier de la
viticulture qui se poursuivra jusqu’au milieu du XXe siècle. Le vin abondant et
peu cher est la boisson courante « pour la soif », les alcools distillés entraînent
une banalisation de l’ivresse, une faible répression des personnes en état
d’ébriété et une tolérance vis-à-vis des jeunes. L’Église s’en accommode et
remplace le terme d’ivresse par « intempérance », la notion de péché mortel
par péché véniel, pardonnant ainsi les écarts des prélats qui buvaient « pour
ne pas faire la grimace au Seigneur » !
La révolution ne fera que conforter cette tolérance.
À l’époque de l’industrialisation et des grandes découvertes de la médecine,
les conséquences de l’alcool consommé au quotidien par habitude mais
aussi pour tenir le coup et supporter la pénibilité du travail deviennent une
préoccupation de santé publique alors que, paradoxalement, l’État lui-même
favorise largement l’alcoolisation des soldats dans les années 1914-1918 en
distribuant généreusement le « pinard » et l’eau-de-vie « blanche ».
L’alcool et ses représentations aujourd’hui
L’alcool est un produit très banalisé, il fait partie de nos modes de vie actuels.
Il est le plus souvent associé à l’idée de la fête, de la convivialité et de l’art
de vivre. On lui prête encore, par croyance, de nombreuses vertus comme
celles de « réchauffer », de « donner du courage », de rendre plus « viril ». Les
représentations courantes de l’alcool valorisent ses aspects positifs et surtout
sous-estiment son pouvoir toxique.
Ceci est particulièrement marqué chez les jeunes, qui valorisent l’alcool
comme un élément de rencontre, de plaisir et de désinhibition entre pairs.
5
Mais attention, si les jeunes ont cette perception de l’alcool, c’est souvent
parce que les adultes la leur transmettent ! En outre, il convient de faire la
part des choses entre le comportement réel des jeunes et les représentations
qu’en ont les adultes qui sont parfois de l’ordre de la projection.
La publicité pour l’alcool, autorisée en France, sauf dans les médias jeunes,
au cinéma et à la télévision, et actuellement très présente sur internet, joue un
grand rôle dans les pratiques de consommation des jeunes.
Critiques vis-à-vis des adultes et de leurs habitudes, les jeunes sont très
influençables à l’intérieur de leur propre groupe. Ils sont une cible de choix
pour les publicitaires et industriels de l’alcool. Les messages commerciaux
en faveur des boissons alcoolisées, largement centrés sur l’image, tournent
autour des interactions sociales (fête, amis, séduction…) et de l’évasion de
la réalité (aventure, voyage…). Ces publicités banalisent la consommation
et transmettent l’idée que l’état de désinhibition va de soi, particulièrement
dans les moments festifs. Le produit est ainsi valorisé sans mention de risques
associés.
Il est toutefois important de demeurer vigilant pour ne pas stigmatiser une
catégorie de consommateurs par rapport à une autre. Ces représentations
peuvent en effet conduire à négliger certains publics pourtant également
exposés aux risques de la consommation d’alcool. C’est, par exemple, le cas
des personnes âgées dont la consommation d’alcool fait parfois grandement
partie des habitudes de vie et depuis longtemps.
L’ivresse, de son côté, est souvent perçue comme le résultat d’un jeu, d’une
transgression ou d’une faiblesse de caractère. Le regard en direction des
personnes dépendantes est toutefois souvent très négatif. Les personnes en
difficulté avec l’alcool subissent le poids de ces représentations péjoratives
puisqu’elles sont souvent rendues responsables de faire un « mauvais » usage
de ce « bon » produit. Cet état de fait renforce l’image générale déjà très
négative attribuée à l’alcoolodépendant et rend plus compliqué un échange
ouvert et déculpabilisé sur les consommations d’alcool en général.
Les femmes alcoolodépendantes sont particulièrement stigmatisées.
L’alcoolisme féminin, considéré comme solitaire et honteux, est associé
à l’idée de pathologie (par exemple la dépression) alors que l’alcoolisme
masculin est plutôt associé à la notion d’excès inscrite dans la culture.
6
En fait, l’image de la femme alcoolique solitaire et honteuse, repliée en secret
chez elle autour de l’alcool, est davantage l’expression des inégalités de genre,
toujours à l’œuvre dans nos sociétés et du conflit séculaire entre les sexes,
que d’un fait spécifique et universel du féminin. Ce conflit séculaire trouve
singulièrement son expression autour de la consommation d’alcool et rejoint
la ligne de démarcation qui s’opère dans les représentations entre le « bien
boire » et le « mal boire ».1
Par ailleurs, l’alcool n’est pas perçu comme une drogue alors qu’il constitue
certainement l’un des produits les plus puissants du marché tant pour les
bénéfices qu’il procure que pour les risques qu’il engendre. On l’oppose
même à la drogue, terminologie associée à l’idée de danger et de peur dans
les représentations. Or, il convient de se rappeler qu’il y a des drogues et que
l’alcool en fait partie.
De ce point de vue, si la consommation d’alcool demeure « populaire », ce
produit est davantage utilisé aujourd’hui comme drogue, en particulier par
les jeunes mais pas exclusivement, dans un but d’excès, de défonce, dont la
fonction est d’opérer une rupture avec le quotidien vécu comme ennuyeux,
trop contraignant ou peu motivant.
Les conduites addictives constituent un enjeu de santé et, dans une certaine
mesure, un enjeu de sécurité. Mais elles sont surtout un enjeu de société qui
soulève la question du rapport de l’individu à sa recherche de bien-être dans
le contexte actuel.
C’est à l’ensemble de la société d’élaborer des réponses qui soient avant tout
éducatives et citoyennes.
1 Dumas A., Pr Lejeune C., Simmat-Durand L., Bonnaire C., Dr Michaud P., Dr Hillaire S.,
GEGA, “Prévention du syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF)”, Alcoologie et Addictologie, 2006,
vol. 28, n° 4, p. 311-316
7
2. Usages d’alcool
dans le contexte
français actuel
La France est un pays de tradition viticole : malgré une chute importante
du volume de vin consommé au cours des 50 dernières années, elle reste,
en 2011, le plus grand consommateur mondial (46 litres par habitant) et
le deuxième producteur, derrière l’Italie. Depuis le début des années 1960,
la consommation de boissons alcoolisées (alcool pur) a été réduite de plus
de moitié, passant de 26 litres à 12 litres en équivalent d’alcool pur par
habitant, cette diminution étant essentiellement imputable à la baisse de la
consommation de vin.
Le poids économique de l’industrie de l’alcool (plus de 500 000 emplois
directs et indirects) permet de comprendre le lobbying exercé sur les pouvoirs
publics, lorsque le coût social de l’alcool (évalué à plus de 2 % du PIB), et en
particulier l’impact sur la santé publique, est mis en avant pour en restreindre
l’accès. Malgré une réglementation complexe qui encadre la fabrication, la
distribution et la sécurité routière, et des mesures spécifiques de protection
des mineurs, l’accès aux boissons alcoolisées reste très facile.
Qui sont les consommateurs ?
On estime à 44,4 millions la proportion de Français de 11 à 75 ans qui ont
expérimenté l’alcool, 41 millions en consomment au moins de temps en
temps, 8,8 millions régulièrement et 5 millions quotidiennement 2 (données
OFDT, Synthèse thématique alcool).
Les hommes sont trois fois plus nombreux que les femmes à consommer tous
les jours.
8
Parmi les jeunes Français de 17 ans, 90 % ont expérimenté ce produit, 10 %
en consomment au moins 10 fois par mois (usage régulier). 30 % déclarent
avoir été ivres au moins 3 fois dans l’année, et 10 % ont des comportements
d’ivresse régulière (> 10 par an). 80 % des jeunes ont expérimenté l’alcool
avant 15 ans et 38 % ont déjà connu au moins une ivresse.
L’initiation précoce et l’augmentation des ivresses répétées, aussi bien chez
les filles que chez les garçons (+ 2 % entre 2008 et 2011), sont des indicateurs
inquiétants constatés aussi bien par les études épidémiologiques que par les
observations de terrain (HBSC, Escapad, 2011).
Et en Alsace ?
La consommation d’alcool des jeunes Alsaciens est légèrement inférieure à la
moyenne nationale : en 2011, 86 % des Alsaciens de 17 ans ont expérimenté
l’alcool ; l’usage régulier d’alcool a concerné 7 % d’entre eux et reste plutôt
masculin (11 % des garçons, 4 % des filles) ; le taux d’ivresses régulières a été
de 9 % (Escapad, OFDT, 2011).
Recours aux soins en lien avec l’alcool
En 2010, en France, 133 000 personnes ont été accueillies dans les CSAPA en
raison d’un mésusage d’alcool 3.
En 2012, on compte 581 000 séjours en MCO (intoxication alcoolique aiguë :
104 000 ; alcoolodépendance : 93 000 ; comorbidités : 384 000) 4.
On recensait, en 2011, 147 000 séjours en hôpital général au motif de
troubles du comportement liés à l’alcool (contre 93 000 en 2002) et 48 000
sevrages d’alcool (contre 26 500 en 2002). La prise en compte de l’alcool
dans les diagnostics associés conduit à une estimation de 470 000 séjours
hospitaliers.
En médecine de ville, 54 000 patients seraient suivis pour sevrage de
dépendance à l’alcool.
2 Données OFDT, Synthèse thématique alcool, 2013,
http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/produits/alcool/conso.html#2
3 Palle C., Rattanatray M., Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie,
situation en 2010 et évolution entre 2005 et 2010, Saint-Denis-la-Plaine, OFDT, 2013
4 Données ATIH 2012 (non encore publiées ; transmises par le Pr Paille)
9
Et en Alsace ?
En 2012, en Alsace, 5 400 personnes ont été prises en charge pour l’alcool
dans les CSAPA (rapports d’activité).
En 2010, on estime à 9 832 le nombre de séjours hospitaliers en hôpital
général en tenant compte des diagnostics associés (données PMSI).
En 2010, il y a eu 533 admissions dans les CSSRA.
Mortalité liée à l’alcool
Les dernières données publiées (Hill, 2013 ; OFDT, 2013) rapportent, en
2009, un nombre de 49 000 décès, tous âges confondus, dont environ un
tiers par cancer, un quart par maladie cardiovasculaire, 17 % par accidents
ou suicides, 16 % par maladie digestive et 11 % pour d’autres causes. Les
décès liés à l’alcool sont majoritairement masculins (75 %).
Dommages sociaux
Les personnes en situation de précarité présentent un risque entre 2,4 et 3 fois
plus élevé de dépendance à l’alcool, avec une grande variabilité en fonction
du degré de précarité. Le lien entre précarité et abus d’alcool est visible dès
l’adolescence. Les jeunes sortis du système scolaire ou ayant suivi des filières
courtes ont un risque 2 fois plus élevé de consommation régulière d’alcool
que ceux des filières classiques.
Les infractions et délits commis sous l’emprise d’alcool sont nombreux.
Par exemple, en France en 2011, les condamnations pour conduites en état
alcoolique se chiffrent à 150 000.
L’alcool est impliqué dans 1/3 des violences conjugales et 30 à 40 % des
agressions (données OFDT, Synthèse thématique alcool).5
5 Données OFDT, Synthèse thématique alcool, 2013,
http://www.ofdt.fr/ofdtdev/live/produits/alcool/conso.html#2
10
3. Concepts fondamentaux
en addictologie
Substance psychoactive
Une « substance psychoactive » ou drogue est une substance d’origine
naturelle ou synthétique, classée licite ou illicite, qui présente une toxicité
pour l’organisme, agit sur le système nerveux et entraîne des modifications de
comportement, des perceptions et des sensations et/ou qui a une capacité
à rendre dépendant. Selon le type de substances, la dangerosité intrinsèque,
la quantité consommée, la fréquence des prises, le mode d’usage, l’âge
du consommateur et le contexte de consommation, les conséquences
somatiques, psychologiques et sociales ne sont pas les mêmes.
Selon le Dr Claude Olievenstein, toute addiction résulte des interactions
entre trois composantes :
- l’individu avec ses déterminants : sa physiologie, sa personnalité, son vécu
- l’environnement familial, social, relationnel…
- le produit ou l’objet consommé qui a un pouvoir addictogène.
DÉTERMINANTS
individu
DES ADDICTIONS
environnement
produit ou objet
11
Addiction
Au Moyen Âge, le terme « addiction » désignait la mesure juridique qui
obligeait un débiteur à assumer sa dette.
En 1990, le psychiatre Aviel Goodman a formulé une définition de l’addiction
en la décrivant comme « un processus par lequel un comportement, qui peut à la fois
produire du plaisir et soulager un malaise intérieur, est utilisé sous un mode caractérisé
par l’échec répété dans le contrôle de ce comportement (impuissance) et la persistance de
ce comportement en dépit de conséquences négatives significatives (défaut de gestion) »6.
Cette nouvelle approche implique que tous les usages de drogues ou de
supports addictifs ne se valent pas dans la mesure où ce qui les caractérise
dépend avant tout d’une expérience toujours singulière d’un sujet aux prises
avec certains supports dans un environnement donné. C’est précisément
ce qu’appuient Morel et Couteron en citant l’addictologue Stanton Peele :
« la dépendance n’est pas causée par un psychotrope ou par ses propriétés chimiques.
Elle est rattachée à l’effet recherché que produit un psychotrope sur une personne
donnée, dans des circonstances données […]. Ce à quoi nous devenons assujettis, c’est à
l’expérience que nous fait vivre le psychotrope »7.
Selon le Pr Reynaud 8, « le passage, au début des années 2000, de la notion de
toxicomanie et d’alcoolisme à celle d’addiction a profondément changé la façon de penser,
le traitement et l’organisation des soins de ces troubles : on est passé d’une conception
qui mettait en avant le produit, à une conception qui met en avant le comportement de
consommation et le contexte dans lequel il se déroule ». Il précise que « l’approche
addictologique, plus complexe et plus subtile, relativise la part et les effets du produit
pour s’intéresser à l’installation et la pérennisation du comportement pathologique chez
les individus » et qu’« elle prend en considération les facteurs de vulnérabilité et permet
ainsi de mieux penser, et donc de traiter, le début des troubles et les polyconsommations ».
6 Goodman A., Addiction : definition and implication, British Journal of Addiction, 1990, n° 85, p. 1403-1408
7 Morel A., Couteron J.-P., Les conduites addictives. Comprendre, prévenir, soigner, Paris : Dunod, 2008
8 Reynaud M., Les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages.
Rapport rédigé à la demande de Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la MILDT, 2013
12
Pratiques addictives
Il s’agit de l’ensemble des comportements de consommation de substances
psychoactives et de leurs déterminants permettant de comprendre leur
initiation, leur fonctionnement, leur évolution : poursuite ou arrêt. Toute
pratique addictive ne conduit pas à une addiction.
Classification des usages
Plusieurs classifications internationales sont utilisées, comme celle du
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) ou de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, différentes catégories
d’usage sont individualisées en ce qui concerne la consommation des
substances psychoactives : l’usage simple, l’usage à risque, l’usage nocif et
l’usage avec dépendance.
L’usage simple
En termes de santé, l’usage simple se caractérise par l’absence de dommages
médicaux, psycho-affectifs et sociaux.
L’usage à risque
L’usage est susceptible d’entraîner des dommages selon les modes de
consommation (précocité, usage autothérapeutique, quantités importantes,
associations de substances…) et selon les circonstances (consommation
d’une substance avant de conduire un véhicule, consommation de substances
psychoactives chez la femme enceinte…). Ces risques existent dès la première
consommation.
L’usage nocif
L’usage nocif est caractérisé par une consommation répétée induisant des
dommages dans les domaines somatiques, psycho-affectifs ou sociaux, soit
pour le sujet lui-même, soit pour son environnement proche ou à distance,
les autres, la société. Le caractère pathologique de cette consommation est
donc défini à la fois par la répétition de la consommation et par la constatation de dommages induits.
13
L’usage avec dépendance
Le comportement de dépendance se caractérise par une rupture avec le
fonctionnement banal et habituel du sujet. Il est habituel de distinguer :
- la dépendance psychique définie par le besoin de maintenir ou de retrouver
les sensations de plaisir, de bien-être, la satisfaction, la stimulation que la
substance apporte au consommateur, mais aussi d’éviter la sensation de
malaise psychique qui survient lorsque le sujet n’a plus son produit. Cette
dépendance psychique a pour traduction principale le craving : la recherche
compulsive de la substance, contre la raison et la volonté, expression d’un
besoin majeur, et la perte de contrôle.
- la dépendance physique définie par un besoin irrépressible, obligeant le sujet
à la consommation de la substance pour éviter le syndrome de manque lié
à la privation du produit. Elle se caractérise par l’existence d’un syndrome
de sevrage (apparition de symptômes physiques en cas de manque) et par
l’apparition d’une tolérance (augmentation de la consommation pour un
même effet). La tolérance et le syndrome de sevrage, bien que souvent
présents, ne sont ni nécessaires ni suffisants pour poser le diagnostic de
dépendance.
Le Pr Reynaud 9 observe que la « notion d’addiction est désormais intégrée par les
différentes nosographies internationales, en particulier dans le DSM-V » et qu’à la
classification catégorielle se substitue désormais une classification dimensionnelle : « l’addiction est plus ou moins sévère et l’évolution est progressive entre les
usages sociaux et l’entrée dans l’addiction proprement dite ».
9 Reynaud M., Les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages.
Rapport rédigé à la demande de Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la MILDT, 2013
14
Équivalents alcool
L’unité d’alcool absorbée se calcule en fonction du volume et du degré
d’alcool de la boisson consommée. Le verre dit « standard » est celui vendu
dans un bar dans lequel la boisson est dosée.
Il y a autant d’alcool, c’est-à-dire environ 10 g d’alcool pur ou une unité,
dans 10 cl de vin ou de champagne à 12°, 25 cl de bière à 5°, 7 cl d’apéritif
à 18° ou 2,5 cl d’alcool fort à 40° (whisky, pastis, vodka…).
1 VERRE D’ALCOOL = 10 G D’ALCOOL PUR
ballon
de vin 12°
(10 cl)
verre
de pastis 45°
(2,5 cl)
verre
coupe de
de whisky 40° champagne 12°
(2,5 cl)
(10 cl)
verre
d’apéritif 12°
(7 cl)
demi
de bière 5°
(25 cl)
Source : Alcool info service
L’alcool passe rapidement dans le sang (environ une demi-heure si absorbé
à jeun, une heure au cours d’un repas en fonction du poids de la personne)
mais est dégradé par le foie beaucoup plus lentement (environ une heure et
demie par verre standard). Aucun moyen ne permet d’accélérer ce processus.
Outils d’évaluation des consommations
Tout soignant concerné devrait poser la question des consommations et
rechercher la consommation déclarée d’alcool (CDA).
Par ailleurs, un certain nombre d’outils permettent d’évaluer la consommation
d’alcool, le niveau de risque ou de dépendance à l’alcool. Ils peuvent être
utilisés dans le cadre d’un entretien de sensibilisation ou de prise en charge
d’un usager.
15
Questionnaire de dépistage précoce CRAFFT
Ce questionnaire est plus spécialement utilisé pour repérer les prises de risque
des adolescents.
Questionnaire CRAFFT
1
Êtes-vous déjà monté(e) dans une voiture conduite par quelqu’un (ou vous-même)
qui avait trop bu ou consommé des drogues ?
2
Utilisez-vous de l’alcool ou des drogues pour vous détendre, vous sentir mieux ou pour « tenir le coup » ?
3
Vous arrive-t-il de boire de l’alcool ou de consommer des drogues quand vous êtes seul (e) ?
4
Avez-vous déjà oublié des choses que vous deviez faire après avoir bu de l’alcool
ou consommé des drogues ?
5
Avez-vous eu des problèmes en consommant de l’alcool ou des drogues ?
6
Votre famille ou vos amis vous ont-ils dit que vous devriez réduire votre consommation
de boisson alcoolisée ou de drogue ?
Au moins 2 réponses affirmatives indiquent un usage nocif de substances psychoactives.
Questionnaire DETA-CAGE
Ce questionnaire est orienté vers la recherche du mésusage et interroge la vie
entière du sujet ; il est plus adapté au repérage de l’abus et de la dépendance
qu’à l’alcoolisation à risque.
Questionnaire DETA-CAGE
1
Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ?
2
Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation d’alcool ?
3
Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?
4
Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?
Au moins 2 réponses positives au test témoignent de l’existence
probable de problèmes liés à une consommation excessive d’alcool.
Questionnaire AUDIT 10
Ce questionnaire a été mis au point par l’OMS pour dépister les consommations d’alcool à risque, nocives ou massives. Il comporte dix questions
couvrant les trois modalités d’usage. Pour chaque question, plusieurs
réponses sont proposées, et à chaque réponse correspond une notation de
0 à 4. Le score final est la somme de toutes les notes des différentes réponses.
10 INPES, Alcool et médecine générale, recommandations cliniques
pour le repérage précoce et les interventions brèves, 2008, 141 p.
16
Questionnaire AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test)
1
À quelle fréquence
vous arrive-t-il de consommer
des boissons contenant
de l’alcool ?
0 Jamais
1 1 fois par mois ou moins
2 2 à 4 fois par mois
3 2 à 3 fois par semaine
4 Au moins 4 fois par semaine
6
Au cours de l’année écoulée, à quelle fréquence,
après une période de forte consommation,
avez-vous dû boire de l’alcool dès le matin
pour vous sentir en forme ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
2
Combien de verres standard
buvez-vous au cours d’une journée ordinaire
où vous buvez de l’alcool ?
0 1 ou 2
1 3 ou 4
2 5 ou 6
3 7à9
4 10 ou plus
7
Au cours de l’année écoulée, à quelle fréquence
avez-vous eu un sentiment de culpabilité
ou de regret après avoir bu ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
3
Au cours d’une même occasion,
à quelle fréquence vous arrive-t-il de boire
six verres standards
ou plus ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
8
Au cours de l’année écoulée, à quelle fréquence
avez-vous été incapable de vous souvenir
de ce qui s’était passé la nuit précédente
parce que vous aviez bu ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
4
Au cours de l’année écoulée,
à quelle fréquence avez-vous constaté
que vous n’étiez plus capable de vous arrêter
de boire une fois que vous aviez commencé ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
9
Vous êtes-vous blessé
ou avez-vous blessé
quelqu’un
parce que vous aviez bu ?
0 Jamais
1 1 fois par mois ou moins
2 2 à 4 fois par mois
3 2 à 3 fois par semaine
4 Au moins 4 fois par semaine
5
Au cours de l’année écoulée,
à quelle fréquence le fait d’avoir bu de l’alcool
vous a-t-il empêché de faire ce qui était
normalement attendu de vous ?
0 Jamais
1 Moins de 1 fois par mois
2 1 fois par mois
3 1 fois par semaine
4 Tous les jours ou presque
10 Est-ce qu’un ami ou un médecin ou un autre
professionnel de santé s’est déjà préoccupé
de votre consommation d’alcool et vous a
conseillé de la diminuer ?
0 Non
1 Oui, mais pas au cours de l’année écoulée
2 Oui, au cours de l’année
Source de la traduction française : Gache et al., 2005
17
Total
Les différents domaines du questionnaire AUDIT
Domaine
Consommation
d’alcool dangereuse
Symptômes de dépendance
Consommation d’alcool nocive
(ou problématique)
Question
Contenu de l’item
1
Fréquence de consommation
2
Quantité habituelle consommée
3
Fréquence des consommations
épisodiques massives
4
Difficulté à contrôler sa consommation
5
Prépondérance croissante de la consommation
6
Consommation d’alcool le matin
7
Sentiment de culpabilité ou de regret
après la consommation
8
Incapacité à se remémorer ce qui s’est passé
9
Blessures liées à l’alcool
Préoccupation de la part de tiers
(ami, médecin ou autre professionnel de santé)
liée à la consommation d’alcool
10
Source de la traduction française : Babor et al., 2001
Binge drinking
Le binge drinking, anglicisme parfois traduit par « hyperalcoolisation » ou
« alcoolisation ponctuelle massive », est une pratique d’absorption d’une
grande quantité d’alcool sur une courte période, ce comportement pouvant
être ponctuel ou répété. Les binge drinkers sont des personnes en recherche de
sensations fortes et rapides qui consomment collectivement pour se défouler,
faire la fête ou oublier des difficultés de vie.
Intoxication alcoolique aiguë
L’intoxication alcoolique aiguë (ou intoxication éthylique aiguë) est due
à l’accumulation de l’alcool éthylique dans le sang par ingestion.
Une intoxication conséquente conduit à un état d’ivresse, caractérisé par
des troubles physiques et psychiques avec modification des capacités de
jugement et de réaction et perte de contrôle. Cet état présente déjà de
nombreux risques immédiats.
Le stade avancé de l’intoxication est le coma éthylique, résultant d’un
dysfonctionnement du système nerveux qui entraîne une perte de conscience
18
et un risque immédiat d’arrêt des fonctions vitales (overdose). L’intoxication
éthylique aiguë est une cause très fréquente d’admission aux urgences.
Prévention
Considérant que « la prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire
le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps », l’OMS distingua
trois types de prévention :
- la prévention primaire qui vise à empêcher l’apparition d’un symptôme ;
- la prévention secondaire qui cherche à dépister précocement
et à éviter l’aggravation des symptômes ;
- la prévention tertiaire qui tend à éviter les complications
des troubles déjà existants et la rechute.
Cette ancienne classification cède progressivement le pas à une nouvelle
approche s’attachant aux groupes cibles. On parle désormais de prévention
universelle, sélective et indiquée :
- la prévention universelle vise la population générale ou certains groupes
soumis à un même risque. Il s’agit de fournir à tous les individus les informations et/ou les compétences pour réduire l’importance du problème visé ;
- la prévention sélective vise les individus les plus exposés au problème ciblé,
les « groupes à risque ». Les facteurs de risque associés au problème ciblé
sont biologiques, psychologiques, psychiatriques, sociaux ou environnementaux ;
- la prévention indiquée vise les personnes ayant déjà manifesté un ou des
comportements associés au problème visé. L’intervention se situe au niveau
de l’individu et de ses propres facteurs de risque.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque sont les éléments qui contribuent à augmenter la
vulnérabilité des personnes. Ils font référence à la présence d’antécédents de
conditions négatives qui créent de la vulnérabilité, combinée à la présence
de comportements ou d’expériences négatives précoces et conduisant à des
problèmes de comportement.
Ils peuvent être individuels (difficultés à gérer des émotions, faible estime
de soi, troubles de l’humeur, problèmes relationnels, échecs scolaires), tenir
19
au milieu de vie (conflits familiaux, conduites parentales inadéquates), à
l’environnement (précarité, exclusion sociale, absence de réseau social) ou
à une période particulière de l’existence (adolescence, perte d’emploi, deuil
récent, divorce, maladie…).
Facteurs de protection
Les facteurs de protection sont les facteurs qui contribuent à réduire la
probabilité qu’une personne développe un comportement à risque ; ils
peuvent aussi stimuler sa capacité d’adaptation au stress et aux difficultés
personnelles. Ce sont notamment l’encouragement du milieu familial ou de
tout autre adulte en situation éducative, des parents responsables, l’estime
de soi. Mais il existe également des facteurs de protection communautaires
(accès à des activités et des services pertinents, sentiment d’appartenance à
la communauté, réseau de soutien…). Le travail autour du développement
des compétences psychosociales favorise le renforcement des facteurs de
protection.
Compétences psychosociales
Par compétences psychosociales, on entend la capacité d’une personne à
répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne :
avoir conscience de soi, avoir de l’empathie pour les autres, savoir gérer
son stress et ses émotions, résoudre les problèmes et prendre des décisions,
avoir une pensée créatrice et une pensée critique, savoir communiquer
efficacement, être habile dans les relations interpersonnelles.
Réduction des risques et des dommages
Réduire les risques et les dommages, ce n’est pas encourager à la
consommation, c’est amener la personne à parler de sa consommation et
à demander de l’aide.
C’est une démarche pragmatique qui a pour objet de réduire les dommages,
quel que soit le type d’usage et quel que soit le moment de la rencontre avec
l’usager.
En addictologie, le concept de réduction des risques (RDR) s’est développé à
partir des années 1980, à partir du constat de nombreuses contaminations
par le virus du sida liées aux pratiques d’injection de drogue et de partage
20
de matériel. Reposant au départ sur un certain nombre de militants et
d’associations d’usagers, les pratiques de RDR (échanges de seringue,
traitements de substitution, accueil bas seuil…) sont actuellement intégrées
dans une politique de santé publique qui a officialisé la réduction des risques
comme mission d’État dans la loi de 2004.
Avec le décloisonnement des approches en addictologie et des dispositifs,
depuis les années 2000, la réduction des risques et des dommages liés à
l’alcool s’est imposée également. Cette approche se décline auprès de tout
consommateur d’alcool et concerne aussi bien la prévention que l’accompagnement en soin et la prévention de la rechute. Elle n’impose pas d’objectif
d’abstinence à l’usager qui est seul expert à pouvoir lui donner du sens.
Le concept de « réduction des dommages » est de plus en plus associé à celui
de « réduction des risques », qui, dans les représentations, se limite encore
trop souvent aux risques infectieux chez les usagers de drogues injectables.
Réduction de consommation
Depuis quelques années, on assiste à une modification des concepts et des
objectifs thérapeutiques en addictologie. La réduction des risques et des
dommages a pris une place centrale au niveau des pratiques thérapeutiques.
Le concept de réduction des consommations d’alcool s’est progressivement
imposé dans un contexte de santé publique. De nombreuses études scientifiques ont démontré que le risque de dépendance à l’alcool, les dommages
à court et moyen terme ainsi que la mortalité augmentent en fonction du
niveau de consommation d’alcool. La réduction des consommations paraît
apporter un réel bénéfice en termes de réduction des dommages (notamment
réduction de 60 % des jours d’hospitalisation, de la mortalité-morbidité 11,
nombreux bénéfices sociaux).
La réduction de consommation représente un objectif thérapeutique possible
chez les personnes présentant un mésusage d’alcool en tant qu’elle est de nature
à réduire les risques et les dommages que la consommation élevée comporte,
à améliorer la santé et les problèmes familiaux et socioprofessionnels de la
personne et, plus globalement, la qualité de vie, et que, ce faisant, elle peut
11 Rehm J., Zatonksi W., Taylor B., Anderson P., “Epidemiology and alcohol policy in Europe”,
Addiction, volume 106 s1, mars 2011, p. 11-19
21
favoriser ensuite l’émergence de la motivation de la personne pour faire le
choix de l’abstinence (qui est également une « consommation contrôlée » en
soi). Elle consiste en une réduction de la consommation jusqu’à atteindre
idéalement un niveau faible de risque de dommages, à savoir12 :
- 21 verres par semaine pour les hommes,
soit 3 verres pour les consommateurs quotidiens ;
- 14 verres par semaine pour les femmes, soit 2 verres quotidiens ;
- pas plus de 4 verres par occasion.
Il est également recommandé de s’abstenir au moins un jour par semaine de
toute consommation d’alcool.
Selon le Dr Alain Rigaud, réduire la consommation est en soi un progrès,
même si la personne ne revient pas au niveau de risque faible souhaité. Et
retourner à un « contrôle » de la consommation réduite, à une reprise du
contrôle perdu, est une autre étape qui est plutôt un résultat thérapeutique.
Si l’abstinence apporte chez les personnes présentant une dépendance à
l’alcool sévère les résultats les meilleurs et les plus stables, la réduction de
consommation semble être un objectif réaliste chez certaines personnes
présentant un trouble lié à l’usage d’alcool moins sévère. Elle paraît
également être un objectif pertinent chez les personnes qui ne sont pas prêtes
ou ne veulent pas être abstinentes ; elle peut aussi représenter une étape intermédiaire avant l’abstinence.
12 Recommandations de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES)
et la Société française d’alcoologie (SFA)
22
4. Effets de l’alcool
(recherchés et indésirables)
Les raisons de consommer de l’alcool sont multiples… L’alcool pour faire la fête,
l’alcool pour déguster un bon repas et passer un bon moment, l’alcool pour faire
comme les autres, l’alcool pour oublier, l’alcool pour se réconforter…
Selon une étude menée par le Comité français à la santé13, 83 % des Français
évoquent la convivialité, un moment de partage en famille, 25 % disent faire
comme les autres, 34 % évoquent le plaisir, 15 % recherchent l’euphorie, 40 %
estiment difficile de refuser les boissons alcoolisées.
Si les substances psychoactives sont étroitement associées, dans les messages
préventifs habituels, aux dangers et à l’autodestruction, ce qui en réalité est
incontestable, c’est que le fait d’en consommer, phénomène massif et universel,
correspond avant tout à une démarche de recherche de bien-être, de plaisir,
même si parfois elle échoue et conduit au contraire à des souffrances.
Les effets ressentis et recherchés en consommant de l’alcool sont principalement liés à son action sur le système nerveux central. L’alcool est une
substance psychoactive qui va modifier la perception que l’on a de son
environnement. L’attention, la mémoire, la capacité de discernement et de
jugement sont également altérées.
Dans un contexte festif, l’euphorie et la désinhibition sont les effets recherchés.
Consommer de l’alcool permet alors de mieux s’intégrer au groupe, d’entrer
en contact plus facilement, de parler, de danser…
13 CFES/CNAMTS/Ipsos opinion, Les habitudes de consommation d’alcool des Français,
étude quantitative France métropolitaine, septembre 1998
23
Si à faible dose les effets sont souvent positifs, à plus forte dose et en
fonction de l’état d’esprit sous-jacent, l’alcool va générer des ressentis
plus souvent négatifs. La violence, les comportements inadaptés, les prises
de risque (conduite automobile, relation sexuelle non protégée…) en sont
l’apanage. Ces effets négatifs ne sont pas les effets recherchés, ils sont les
« effets secondaires, indésirables » de ce produit qui n’a pas pu être maîtrisé.
Outre le contexte festif, l’alcool peut se consommer dans une situation autothérapeutique où il aura fonction de médicament. L’anxiolyse, l’euphorie et
l’effet anesthésiant de l’alcool sont alors recherchés. Parfois le mal-être est
tel que seule la « défonce » semble être une solution : fuir la réalité afin de se
sentir mieux.
La consommation d’alcool à l’adolescence s’inscrit également dans une période
d’expérimentation et de découverte de soi, de ses limites et du monde qui nous
entoure. Avant d’être un objet de dépendance, le produit a une valeur positive
pour l’adolescent. Il peut être associé à une recherche d’ivresse « positive » :
boire peut être une aide pour aller vers l’autre, à une période de vie où la
rencontre de l’autre est un risque d’échec. L’alcool s’inscrit alors comme un
moyen de se protéger. Par son rapport régulier à un produit qu’il a le sentiment
de maîtriser (à l’instar d’une période où tout change pour lui), il se donne
l’illusion d’une autonomisation, illusion nécessaire à sa construction. La quête
d’ivresse de l’adolescent est avant tout une quête de soi.
24
5. Risques
et dommages
induits
Les addictions restent, en France comme dans d’autres pays européens,
un problème de santé publique majeur, dont les impacts sont multiples :
sanitaires, psychologiques et sociaux.
L’alcool est le produit psychoactif le plus consommé en France.
Il existe une grande discordance entre la dangerosité de l’alcool et la
perception de cette dangerosité par la population en général. Pourtant,
les conséquences sanitaires de l’usage nocif d’alcool sont majeures ; l’OMS
(2010) précise que l’usage nocif d’alcool se place au 3e rang des facteurs
de risque de décès prématuré et d’incapacité à l’échelle mondiale.
La dangerosité de l’alcool peut se définir selon trois axes : un potentiel
de dangerosité toxique, de modification psychique et de risque addictogène.
Les risques liés à la consommation d’alcool sont variables tant au niveau
de leurs types que de leur sévérité.
On peut distinguer les risques immédiats (survenant pendant ou au décours
de la consommation d’alcool) pouvant entraîner des dommages aigus et
les risques différés liés à des consommations régulières d’alcool pouvant
entraîner des dommages survenant des mois, voire des années, plus tard.
Les risques et dommages liés à la consommation d’alcool peuvent être
multiples :
- risques somatiques (troubles de la conscience, voire coma éthylique, liés à
l’hypoglycémie et/ou à l’hypothermie associée et aux risques d’inhalation
intrabronchique ; décès par overdose ; hépatite alcoolique aiguë ; cirrhose
hépatique ; pancréatite ; gastrite ; cancers ; hypertension artérielle ; troubles
25
du rythme cardiaque ; épilepsie ; encéphalopathie ; syndrome d’alcoolisation fœtale…) ;
- risques psychologiques et psychiatriques (troubles anxieux, troubles
de l’humeur, suicides, troubles psychotiques, altérations relationnelles,
troubles cognitifs…) ;
- troubles du comportement pouvant survenir aux détours d’une consommation excessive (ivresse ; agressivité ; violences : relations sexuelles non
protégées, non consenties, voire imposées…) ;
- risques de dépendance ;
- risques sociaux (accidents – de circulation, du travail, domestiques –
pouvant entraîner des traumatismes sévères pour soi ou pour autrui ;
conduites délictuelles, situations d’échecs ; perte d’emploi ; désinsertion
sociale, scolaire ; perte des liens sociaux ; marginalisation…) ;
- conséquences familiales (souffrance de l’entourage ; difficultés de communication ; altérations relationnelles ; disputes ; conflits voire violences ;
épuisement de l’entourage ; ruptures ; dysfonctionnements conjugaux,
familiaux…) ;
- risques professionnels (absentéisme ; accidents du travail ; baisse de vigilance ; baisse de la productivité ; problèmes de sécurité ; risques de blessures
à soi-même et aux autres ; problèmes relationnels).
L’alcool est une substance psychoactive, c’est-à-dire capable de modifier
l’activité du cerveau : en 15 minutes, il passe du tube digestif au cerveau par
l’intermédiaire des vaisseaux sanguins.
L’alcool est également une substance neurotoxique qui abîme les membranes
des cellules nerveuses et en modifie le fonctionnement par une surstimulation
de certaines structures cérébrales interconnectées entre elles. Ces structures
forment le circuit de la récompense ou circuit du plaisir et on y observe, lors
d’un comportement addictif (avec ou sans substance), une augmentation de
la concentration d’un neurotransmetteur particulier, la dopamine. Les corps
cellulaires de ces neurones à dopamine se situent au niveau mésencéphalique
dans l’aire tegmentale ventrale. Les axones de ces neurones sont projetés
au niveau cortical dans le cortex préfrontal ainsi qu’au niveau sous-cortical
dans le système limbique. Pour cette raison, on parle de voies méso-corticolimbiques.
26
Une surstimulation de ces structures méso-cortico-limbiques a des effets sur
les fonctions cognitives prises en charge par ces structures.
Ainsi, le cortex préfrontal, qui peut être assimilé à notre cerveau rationnel et
adaptatif, est en charge des fonctions exécutives qui permettent l’adaptation
optimale de l’individu à son environnement (raisonnement, motivation,
planification, inhibition, flexibilité).
Le système limbique se compose de deux structures en charge de fonctions
cognitives majeures pour l’adaptation de l’individu au niveau social et
interpersonnel : les hippocampes permettent la mémorisation de souvenirs
personnellement vécus et les amygdales colorent affectivement ces souvenirs.
Ce système limbique permet de ressentir et de percevoir justement les émotions :
on parle de cerveau émotionnel.
Les perturbations du fonctionnement de ces structures s’observent dans la
clinique quotidienne avec les patients souffrant de dépendance à l’alcool : des
difficultés à modifier le comportement d’alcoolisation, à aller vers d’autres
comportements plus adaptés constituent de réels freins à une consommation
à moindre risque.
Cortex préfrontal
Septum
Noyau accumbens
MFB
Aire tegmentale ventrale (ATV)
Amygdale
Les différentes structures
du circuit des récompenses sont distribuées
le long du faisceau médian du télencéphale (MFB) :
aire tegmentale ventrale (ATV), amygdale, noyau accumbens,
septum et cortex préfrontal.
27
Le merveillleux
28
L’escalade… C’est parfois au sommet que l’on/Connaît le vertige. Sombrer dans
L’ivresse de l’altitude solitaire/Ou redescendre sur terre ?
29
30
31
6. Réduction des risques
et des dommages dans
les stratégies de prévention,
d’accompagnement et de soins
Principes et objectifs
de la réduction des risques alcool
L’objectif principal de la réduction des risques et des dommages est de
permettre à l’usager de mettre en œuvre des stratégies ayant pour objectif
de limiter le maximum de dommages, avec ou sans poursuite de la conduite
addictive.
Les déterminants à prendre en compte sont de trois groupes :
- le contexte de vie ;
- les modalités de consommation (quantité, fréquence, rythmes, type de
produit, consommations associées, durée d’exposition aux substances) ;
- les facteurs personnels de vulnérabilité et de protection (somatiques, psychologiques, sociaux…).
La réduction des risques s’inscrit à la fois dans un concept global de promotion
de la santé et dans une politique de santé publique qui met en place un
certain nombre de mesures sanitaires, sociales, éducatives et préventives
visant à limiter les conséquences et le coût des pratiques addictives pour les
individus et pour la société.
Selon Morel, Chappart et Couteron14, « l’“esprit” de la RDR fait aujourd’hui
profondément évoluer les définitions du soin, longtemps conçu comme un trajet unique et
contraint vers l’abstinence, ou de la prévention imposant des normes de santé et “luttant
14 Morel A., Chappart P., Couteron J.-P.,
L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie, Dunod, 2012
32
contre” telle ou telle drogue ». Toujours selon eux, « soins, prévention et réduction des
risques sont à présent reliés dans des interactions réciproques influençant puissamment
l’ensemble des actions. Quittant une position idéaliste et morale promouvant le seul
non-usage, ces nouvelles pratiques plus réalistes et humanistes ont la commune volonté
de développer, soutenir et encourager le pouvoir d’agir de chacun. Elles font place à des
notions comme l’usage contrôlé, l’usage à moindre risque, l’accompagnement “pas-à-pas”,
et font de l’abstinence un choix de vie parmi d’autres, d’autant plus possible qu’il n’est
plus une obligation. Elles rencontrent les personnes là où elles en sont de leur relation
aux substances, partent de leurs compétences et capacités, tissant et maillant dans des
combinaisons diverses la promotion de la santé et la réduction des risques, la prévention
et l’éducation, les soins et l’action communautaire. » Ils soulignent que « comme la
promotion de la santé, la RDR cherche à tenir compte des facteurs psychologiques et
sociaux, susceptibles d’intervenir dans l’évolution des pathologies » et qu’elle se caractérise par « la volonté de s’occuper de l’individu dans son contexte, à partir de son
expérience vécue, avec les éléments et les ressources de son environnement ».
La réduction des risques et des dommages se fonde, selon l’Association
nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA)15, « sur des
objectifs pragmatiques co-construits avec l’usager partant du constat que les pratiques
addictives n’exposent pas tous les sujets aux mêmes dommages », que « pour chacun des
méfaits repérés, il conviendra de rechercher les moyens qui en diminueront la fréquence
et la gravité, dans la perspective d’une offre graduée et adaptée à la singularité de chaque
individu » et « qu’il convient de partir des compétences, expériences et vulnérabilités des
personnes concernées afin de construire avec elles des solutions réalistes et adaptées ».
Selon l’ANPAA, « la définition d’objectifs simples et accessibles vise globalement
l’amélioration de la qualité de vie par :
- l’instauration ou le maintien d’un lien entre usager et structures ;
- un développement des compétences psychosociales ;
- une recherche de modification progressive des comportements ».
15 Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie,
RDR Alcool : Prévention des risques et réduction des dommages chez les consommateurs d’alcool,
Commission des pratiques professionnelles, septembre 2012
33
Approche globale en prévention
et intervention précoce
L’idée que la jeunesse est particulièrement vulnérable à une « épidémie de
drogue » s’est ancrée dans la foulée des événements de mai 1968 en France.
La prévention s’est ainsi constituée sur cet enjeu d’une protection à apporter
aux jeunes dans un moment où se sont associées, dans les représentations,
les notions de jeunesse, de drogues et de révolution (pour ne pas dire de
délinquance). De ce fait, la prévention des toxicomanies s’est culturellement,
plus que sur beaucoup d’autres thématiques, adressée aux jeunes en priorité.
Cela a particulièrement été le cas dans les années 1970 et suivantes. C’est
seulement en 1986, sous l’impulsion de Michèle Barzach, ministre de la
Santé de l’époque, qu’est réalisée une première campagne grand public sur
le sujet. Cette innovation préfigure, dans un contexte où émerge le problème
du sida, un changement de paradigme sur la question avec la mise en œuvre
d’une orientation nouvelle : la réduction des risques. Cette politique sanitaire
novatrice en France apporte à la prévention un premier décentrage du produit
au profit des aspects comportementaux et contextuels des consommations
de drogues.
Il s’en suivra, à la fin des années 1990, le grand virage fédérateur de l’addictologie qui tourne la page de la lutte contre les toxicomanies au profit d’une
réflexion plus approfondie sur les modes d’usage des toxiques dans un
contexte de mondialisation.
La prévention s’est longtemps principalement axée sur le principe d’éviter
les consommations de substances psychoactives, voire d’en retarder les
premières expérimentations. Elle a souvent privilégié l’information sur les
dangers et poursuivi, non sans légitimité, l’objectif d’empêcher la confrontation aux risques et les expériences qui les sous-tendent.
La réalité est, en fait, bien plus complexe et différente. Quel que soit le public
auquel on s’adresse – jeunes, femmes enceintes, personnes âgées, personnes en
situation de vulnérabilité et la liste n’est pas exhaustive –, tous ou presque sont,
ont été ou seront dans l’expérimentation plus ou moins durable de conduites
addictives. En particulier autour de cette drogue très répandue dans notre
culture qu’est l’alcool. Ces expérimentations et usages sont en particulier la
conséquence du caractère ubiquitaire des drogues, et donc de l’alcool aussi,
qui se présentent à nous à la fois comme remède et comme poison.
34
Ainsi ces usages apportent à l’humain des bénéfices et peuvent générer des
dommages dans certaines conditions, contextes et selon les caractéristiques
propres des produits utilisés et de la personne qui en fait usage.
L’intégration des apports de la réduction des risques dans la prévention du
risque alcool, quel que soit le public, impose l’acceptation de deux principes
fondamentaux utiles à l’objectif de réduction des dommages liés à l’usage :
- un principe d’éducation préventive autour d’un double positionnement
qui répond au caractère ubiquitaire du produit (« apprendre à en faire
usage » et, en même temps, « apprendre à s’en préserver ») ;
- un principe d’acceptation que l’abstinence n’est pas le seul et unique
objectif du travail de prévention : des expérimentations et usages se
produiront, quel que soit le niveau d’information des publics ; il est donc
important d’en tenir compte et de recentrer une partie du travail vers
un objectif de réduction, voire d’annulation, des dommages plutôt que
seulement de la consommation elle-même.
La réduction des risques en prévention permet aussi de définir et de
déterminer un champ d’action spécifique au bénéfice de personnes dont les
comportements d’usage de l’alcool les situent entre les personnes qui ne sont
pas encore dans les conduites à risques et celles qui relèvent déjà des soins.
Dans cette interface où la problématique n’est plus seulement celle de la
protection à apporter à l’abstinent ou à l’usager simple mais n’est pas non
plus celle du registre strict des soins, la réduction du risque alcool peut se
décliner en termes d’intervention précoce.
Selon Morel, Chappart et Couteron, l’intervention précoce « a pour objectifs
de réduire les conséquences néfastes des usages à risque ou nocifs, d’éviter une évolution
vers l’addiction, de faciliter l’accès aux soins pour les usagers qui en ont besoin et qui le
souhaitent. Pour cela, elle vise à la création d’espaces de parole favorisant la rencontre
avec les usagers qui ne relèvent ni de la prévention (au sens « informer pour dissuader »),
car ils présentent une consommation de substances déjà à risque, voire nocive, ni du soin
car ils tirent bénéfices de cette consommation et ne sont pas demandeurs de traitement.
Ces interventions sont précoces, c’est-à-dire en amont d’une demande de soins. »16
16 Morel A., Chappart P., Couteron J.-P.,
L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie, Dunot, 2012
35
Approche globale en soin
Les équipes spécialisées dans l’accompagnement et les soins aux personnes
en difficulté avec l’alcool pratiquent de longue date la réduction des risques,
notamment à travers la prévention des rechutes, sans toutefois avoir jamais
véritablement formalisé cette pratique.
La prévention des rechutes peut passer par des entretiens motivationnels,
des psychothérapies, des séances d’information collectives, des groupes de
parole, des ateliers thérapeutiques, des thérapies à médiation corporelle…
susceptibles d’aider le patient à éviter un retour de courte durée à la
consommation d’alcool ou un retour prolongé aux niveaux précédents de
consommation.
Les équipes des structures d’addictologie sont de plus en plus nombreuses à
s’accorder sur la nécessité de commencer le traitement là où en est le patient
plutôt que là où ils voudraient qu’il en soit.
À ce titre, comme le relève l’article du Courrier des addictions présentant la
réduction de la consommation d’alcool en dix points 17, « les techniques d’entretien motivationnel permettent de ne pas envoyer un message de refus de soins chez
un patient qui a déjà réalisé la démarche, souvent difficile, de consulter un soignant,
mais d’aborder avec lui, de manière empathique, la problématique telle qu’il la perçoit
et de l’accompagner vers une décision de changement. »
Ces équipes s’inscrivent de plus en plus souvent dans une démarche de
« prendre soin de », qui implique que le soignant instaure une relation
thérapeutique avec l’usager. Ce concept renvoie le soignant à ses propres
valeurs et à son éthique du soin. Il désigne cette attention particulière que
l’on va porter à une personne vivant une situation donnée en vue de favoriser
une prise de conscience et de susciter l’émergence du désir de prendre soin
de soi et la mobilisation du sujet vers un changement de position subjective.
Leur pratique les a progressivement amenées à prendre en compte la
personne, le sens qu’elle donne ou ne donne pas ou plus à sa pratique, les
avantages qu’elle y trouve, les problèmes qu’elle rencontre et à adopter une
attitude d’alliance avec l’usager, y compris dans le cadre d’un soin sous
contrainte judiciaire, pour permettre que s’élabore le projet thérapeutique.
17 Bendimerad P., Brousse G., “La réduction de la consommation d’alcool en dix points”,
Le Courrier des addictions, volume 15, n° 2, avril-mai-juin 2013
36
Elles ont également pris conscience, au fil du temps, que le changement visé
était un processus qui ne pouvait s’envisager de manière linéaire, ordonnée,
planifiée et que le projet thérapeutique passait par des étapes, des paliers,
des allers et retours, nécessaires au questionnement sur le sens du parcours
de vie, à l’engagement dans un processus de changement, à la reconstruction
d’une nouvelle identité, à la modification de l’image de soi, au tissage
de nouveaux liens avec l’environnement. La clinique leur a appris que tout
individu avait des ressources et des compétences, sur lesquelles il fallait
s’appuyer, qu’il fallait reconnaître et valoriser.
Ce cheminement au niveau de leurs pratiques a amené ces équipes à s’inscrire
progressivement dans la réduction des risques et des dommages, en intégrant
dans leur offre thérapeutique l’usage contrôlé et l’usage à moindre risque
et en faisant de l’abstinence un choix de vie parmi d’autres, d’autant plus
possible qu’il n’est plus une obligation.
Ainsi, certains patients n’étant pas prêts à l’abstinence, notamment au début
de l’accompagnement, il leur est proposé de s’engager dans une réduction
de leur consommation pouvant aboutir, ou pas, à l’abstinence. Pour des
personnes confrontées à ce qu’elles vivent comme des échecs réitérés, le fait
d’obtenir par ce biais un succès sur un objectif plus modeste leur permet de
restaurer la confiance en soi, de sortir d’un sentiment de spirale négative
inéluctable et de se positionner dans une dynamique plus favorable ouvrant
la porte à l’accompagnement vers d’autres objectifs thérapeutiques.
Selon Laurent Michel18, « la détermination des objectifs à court terme est une étape
importante. Si les objectifs sont clairement énoncés, la stratégie peut être déterminée
avec le patient avec des échéances chronologiques précises. Si par contre le patient
ne sait pas encore ce qu’il souhaite ou ce qu’il se sent capable de faire, une approche
motivationnelle, empathique, constitue une première étape. Elle peut reposer sur un
journal des consommations et le détail d’une balance décisionnelle : avantages retirés de la
consommation d’alcool, ceux escomptés de la réduction ou de l’arrêt de la consommation,
conséquences négatives de la consommation d’alcool et craintes liées au sevrage. »
Il ajoute que « certains patients, qui fonctionnent depuis l’adolescence avec une
consommation d’alcool, ont le sentiment de gérer leurs émotions avec, et ne se connaissent
finalement pas sans » et que « d’autres ont déjà expérimenté l’abstinence et ses
18 Michel L., Le traitement médicamenteux de la dépendance alcoolique, Post’U, 2013
37
bénéfices mais ont été aussi confrontés à des difficultés lors de ces périodes, en particulier
avec l’apparition au premier plan de troubles psychiques (dépression, anxiété, troubles
phobiques…) ou la réactualisation de psychotraumatismes plus ou moins enfouis »,
insistant sur la nécessité de prendre en compte ces dimensions.
La mise en œuvre de l’objectif de réduction de la consommation peut passer
par différentes stratégies :
- échange répété, avec le patient, sur sa façon de consommer, tant sur le
plan quantitatif que qualitatif, et de l’évolution de son rapport au produit ;
- tenue d’un tableau de bord, recueillant quotidiennement les situations
au cours desquelles le patient s’est senti particulièrement exposé et les
éventuelles quantités consommées ;
- proposition de réorganisation, avec lui, de sa consommation, en travaillant
à éviter, par exemple, les rites quotidiens ou les rites hebdomadaires de fin
de semaine ;
- expérimentation de la gestion de sa consommation dans des contextes
précis pouvant être incitatifs (fête familiale, soirée…) ou générateurs
d’anxiété (conflit, décision à prendre, examen, travail…) ;
- prévention des conflits familiaux, par l’accueil, l’écoute et l’information des
proches, en particulier des conjoints, pour qu’ils entendent et acceptent
mieux la notion de la temporalité, pour qu’ils évitent de dramatiser les
alcoolisations et pour qu’ils ne soient pas eux-mêmes dans la répétition
d’attitudes de jugement ou de provocation.
Laurent Michel observe que « même si les objectifs semblent atteints et consolidés, un
suivi doit être maintenu dans le temps, avec renforcement des progrès et dédramatisation
des “faux pas” ou périodes de rechute ».
38
Quelques exemples de stratégies thérapeutiques
de réduction des risques alcool développées en Alsace
Le collectif
comme support
de la réduction
des risques alcool
permettent aussi bien de soutenir un
travail motivationnel à la réduction ou à
l’arrêt des consommations que d’étayer
une démarche d’abstinence.
Ces espaces de soin collectifs peuvent
prendre la forme d’activités à médiation,
d’ateliers psycho-éducatifs, d’activités
à visée psychothérapeutique, ou encore
de groupes d’autosupport initiés par les
personnes elles-mêmes.
On retrouve chez les personnes accompagnées par les structures spécialisées
en addictologie des caractéristiques
communes :
Les activités à médiation
- étiolement des relations sociales ;
Elles ont vocation à proposer aux
personnes des médias favorisant l’initiation ou le maintien d’un changement
choisi de mode de vie, sans l’appui
permanent d’un produit, de réinvestir
la sphère des loisirs, de retrouver
concrètement des activités vectrices de
plaisir et de lien social.
- désinvestissement
de la sphère des loisirs ;
- difficultés de perception
de leurs sensations corporelles
dues à la prise de produits ;
- difficulté à éprouver du plaisir ;
- baisse de l’estime de soi ;
Par le biais de ces activités, les personnes
peuvent retrouver la possibilité d’agir
et de reprendre confiance en elles, dans
un domaine totalement étranger à leur
consommation.
- difficulté à exister
en tant que sujet désirant.
Les modalités de soin individuel
« classiques » sont parfois insuffisantes
pour avoir des effets sur ces difficultés.
Les activités à médiation peuvent également être investies ensuite, de façon
autonome, en dehors des temps organisés
par la structure de soin.
La mise en place d’espaces de soin
collectifs permet d’apporter d’autres
réponses possibles, en développant les
capacités de chacun tout en ouvrant
sur l’Autre. En ce sens, ces espaces
collectifs sont un formidable outil
dans la réduction des risques alcool. Ils
Elles peuvent aussi accueillir des personnes en première intention, en
préalable à une démarche de soins plus
formelle dans un bureau.
39
Elles peuvent être à médiation :
mobilisées et mises « en travail »
ou « au travail »
- artistique ;
- Travailler sur la notion
d’engagement, de continuité
(l’inscription dans la durée,
la création d’une pièce nécessitant
plusieurs séances)
- sportive ;
- corporelle ;
- culturelle ;
- animale ;
- horticole (espaces verts,
travail de la terre).
- Renouer avec les interactions
sociales et retisser du lien social :
les séances ont lieu en petit groupe
et sont ponctuées par une exposition
avec un vernissage
Exemple d’un atelier à médiation
au Centre d’addictologie des HUS :
l’atelier modelage
- Restaurer la perception
de son individualité et de sa
singularité, conjointement à la
notion d’appartenance à la société
Animé par une céramiste art-thérapeute intervenante extérieure et une
psychologue du service, cet atelier
propose, une fois par semaine, la
création de pièces en céramique ou en
terre cuite.
Exemple d’un atelier à médiation
au CSAPA des Hôpitaux civils
de Colmar : l’atelier jardin
Objectifs
- Développer la créativité et
l’imaginaire par la pratique artistique
et retrouver des sensations de bienêtre, non induites par les produits
Animé par un éducateur du service, il
propose aux personnes, du printemps
à l’automne, en fonction de leurs disponibilités et de leur désir, de prendre soin
d’un jardin familial mis à disposition par
la Ville de Colmar.
- Développer et/ou retrouver la
confiance en soi et l’estime de soi :
réussir à créer soi-même un objet
en y trouvant du plaisir permet
une satisfaction personnelle qui
contribue à améliorer la confiance et
l’estime de soi
Objectifs
- Travail de la terre et plaisir
de voir s’y développer, lentement,
fruits, légumes et fleurs
- Jardin du temps qu’il faut,
en fonction des saisons
et de la disponibilité de chacun
- Développer et/ou soutenir
l’autonomie, la capacité d’attention,
de concentration, de patience, de
persévérance : à travers la création
d’une pièce, toutes ces capacités sont
- Plaisir du temps et de l’action
partagés ensemble
40
- Échanges et partage,
y compris des savoirs horticoles
que certains possèdent déjà
Exemple d’un atelier
psycho-éducatif à l’hôpital
de jour en addictologie
de Haguenau
- Apprentissage d’un plaisir lent
et d’un résultat venant progressivement, à l’inverse de ce qui se joue
dans les conduites addictives
Animé par une infirmière (IDE), il
propose aux personnes en démarche
d’arrêt des consommations une réflexion
collective sur le sens de leurs consommations, tout en travaillant les motivations au changement.
- Relation humaine, remise en forme,
revalorisation, découvertes…
Les ateliers
psycho-éducatifs
Objectifs
- Échanges autour des parcours
et expériences de chacun
Les ateliers psycho-éducatifs ont pour
objectif de travailler avec les personnes leurs représentations de la
maladie et de la notion de dépendance,
le renforcement de leurs compétences
personnelles, de leur transmettre des
savoirs concernant l’usage d’alcool et ses
risques, de les motiver à la diminution
ou à l’arrêt des consommations, de
leur permettre d’élaborer des stratégies
permettant d’éviter la reconsommation.
On retrouve notamment dans les
ateliers psycho-éducatifs :
- Travail sur les représentations
de la maladie et la notion
de dépendance
- Renforcement
des compétences personnelles
- Travail sur les motivations
- Élaboration de stratégies
pour la sortie
Les activités à visée
psychothérapeutique
- les programmes de prévention
de la reconsommation ;
Animées par des professionnels du
soin, le plus souvent psychologues, les
activités à visée psychothérapeutique
offrent aux personnes qui y participent
un autre mode d’expression possible,
là où la parole individuelle est parfois
difficile à faire émerger. Le travail
proposé s’appuie sur le réel autant que
sur l’imaginaire.
- les séances d’information et de
formation sur l’alcool et ses effets.
41
À travers la verbalisation ou la mise en
scène du corps, le but est de permettre
l’émergence et la prise en compte
du sujet et de ses émotions au sein
du groupe. Le cadre sécurisant du
groupe, sous le regard du thérapeute,
permet également aux personnes qui
le souhaitent de s’interroger sur leur
fonctionnement, leur manière d’entrer
en relation avec les autres. Ces activités
à visée psychothérapeutique peuvent
prendre plusieurs formes :
- Instaurer une entraide à résister
aux tentations de reconsommation
- Réfléchir sur le sens
de la dépendance et la fonction
des consommations
- Se réapproprier
son histoire personnelle
- Permettre des retrouvailles
avec soi-même et son désir
- Favoriser la rencontre avec l’autre
- groupes de parole ;
Les groupes d’entraide
et d’autosupport
- groupes d’affirmation de soi ;
- relaxation, shiatsu, do-in… ;
- sociodrame ;
Ces groupes sont constitués par des
personnes connaissant ou ayant connu
des difficultés avec l’alcool. Fonctionnant de manière autonome, sans
intervention de professionnels, ces
groupes peuvent avoir plusieurs visées :
- séances de jeux de rôles…
Exemple d’un groupe de parole
au CSAPA Le Cap à Mulhouse
- l’aide au maintien de l’abstinence ;
Animé par une psychologue clinicienne
du service une fois par semaine, cet
espace permet à chacun de « se dire »,
d’exprimer sa souffrance existentielle,
ses affects, ses peurs, son angoisse, ses
questions.
- l’écoute, le soutien et le partage
d’expériences entre personnes
rencontrant les mêmes difficultés ;
- la rupture de l’isolement
et la reconstruction du lien social ;
- la convivialité et la resocialisation ;
Objectifs
- le soutien à l’entourage.
- Permettre aux personnes accueillies
d’être écoutées, d’écouter
les autres, dans le respect mutuel
et la confidentialité
- Trouver le soulagement
de ne pas être seul face
aux difficultés de vie causées
par la consommation de produits
42
Quelques vignettes cliniques présentant l’accompagnement d’usagers,
au sein d’un CSAPA alsacien, dans la gestion de leur consommation d’alcool
André, 72 ans
- il est indispensable de collaborer
avec les réseaux de professionnels
et associatifs ;
Il est veuf depuis à peine deux ans et
a vécu presque cinquante ans avec sa
femme. Il vient au CSAPA adressé
par un gériatre qui n’a pas confirmé
de démence. André, pour « noyer son
chagrin », a pris l’habitude de boire
seul chez lui. Il s’est enfoncé dans la
dépression et a développé une polynévrite qui a considérablement réduit
ses sorties dans le quartier et donc ses
habituelles relations sociales.
Estelle, 25 ans
André, dont la vie antérieure fut riche
d’activités diverses, accepte d’expérimenter, sur une petite semaine à
l’hôpital, sa vie à nouveau sans alcoolisation. Il retrouve force et envie…
Quelques semaines plus tard, il décidera d’habiter un peu plus loin dans
un appartement d’une résidence
qu’il va personnaliser. Il reprend des
activités artistiques. Il retourne chez
ses connaissances, à pied. Aujourd’hui,
il ne boit qu’exceptionnellement, se
limite alors à deux verres, toujours
consommés à une occasion conviviale…
Il a à nouveau développé sa vie sociale.
Elle a entendu les remarques inquiètes
de son entourage. Elle décide, avec l’aide
d’un suivi médical et psychologique,
de stopper, sur plusieurs mois, toute
consommation de boissons alcoolisées.
Elle fait à nouveau son âge, retrouve
du dynamisme et assume rapidement
un travail qui l’oblige à organiser
son emploi du temps et lui offre de
nouvelles relations.
- il s’est avéré pertinent d’avoir
recours, au départ, à quelques visites
à domicile par l’infirmière.
Quand elle vient consulter, Estelle fait
sept à dix ans de plus que son âge, elle a
l’air fatiguée. Elle s’est mise à boire chez
elle très régulièrement, seule, depuis
que son compagnon s’est retrouvé en
prison. Tous deux ont pratiqué diverses
toxicomanies.
Elle rend périodiquement visite à son
compagnon en prison et ils s’encouragent mutuellement. Ils parlent
d’avenir. Elle s’est éloignée du cannabis
et de l’héroïne, de celles et ceux qui en
vendent. Elle s’alcoolise rarement dans
des circonstances où elle se sent en
sécurité. Elle s’est éloignée des lieux de
vives tensions autour de l’argent et des
rapports sexuels auparavant souvent
non désirés et non protégés…
Le médecin qui a accompagné André
observe que :
- il n’y a pas de limite d’âge
pour le diagnostic et pour la bonne
évolution d’une situation ;
- il convient de dédramatiser
les consommations tout en partageant
avec l’usager la réalité du diagnostic ;
43
Le médecin qui a accompagné Estelle
observe que :
- il est indispensable de prendre
du temps pour partager
le diagnostic physique, psychique
et comportemental ; la première
consultation est longue
pour favoriser la création
du lien thérapeutique ;
- il est nécessaire de faire
ressortir les objectifs de l’usager
et de l’accompagner vers ceux-ci ;
- il a été nécessaire de passer
par une expérience de plusieurs
mois d’abstinence et de valoriser le
rajeunissement physique et thymique
et la réduction des risques.
Il commence à apprécier de bien
conduire et prend du plaisir à ne plus
mettre les autres en danger.
Le risque de revivre des consommations
incontrôlées persiste, mais il peut en
parler…
Le médecin qui a accompagné Hervé
observe que :
- il a fallu faire l’anamnèse
du diagnostic complexe
en plusieurs étapes
(psychique, familial, relationnel) ;
- après plusieurs rendez-vous,
il a été jugé opportun, avec l’aval
d’Hervé, d’organiser une rencontre
avec les parents puis l’amie ;
- il lui a été suggéré l’expérimentation
de périodes d’abstinence ;
- il a fallu valoriser le changement
d’image… et la réduction
des risques.
Hervé, 27 ans
Il travaille chez un artisan. Dans son
village, il a beaucoup eu recours à
l’alcool, au cannabis et, parfois, à la
cocaïne. Il y a peu de temps encore, il
roulait toujours très vite en voiture, avec
ou sans alcool. Il a eu quatre accidents.
Il s’engage dans un suivi régulier au
CSAPA et accepte que ses parents
puissent y avoir quelques entretiens.
Son évolution est lente mais il expérimente plusieurs périodes sans alcoolisation. Il se sent bien avec sa copine
même si celle-ci se laisse parfois aller
elle-même à consommer.
Ses alcoolisations se font plus rares et
surtout plus mesurées et il apprécie de
se souvenir de ses sorties amicales le
week-end, auxquelles il peut participer
jusqu’au bout sans se battre.
44
➫
Stratégies ciblées sur des publics
et des contextes spécifiques
➫ Les jeunes
Les jeunes expérimentent des conduites à risque, en particulier avec l’alcool,
dans un contexte qui valorise l’excès et banalise les risques. L’existence de ces
expérimentations impose d’introduire un principe de réduction des risques
et des dommages dans les programmes de prévention, en particulier pour
répondre au phénomène de l’alcoolisation massive des jeunes dans le cadre
de soirées festives.
Le principal problème de santé auquel il s’agit de répondre est celui de la
mortalité des jeunes dans le cadre de la réduction des risques suite à une
alcoolisation massive. En effet, l’alcool est un puissant psychotrope de nature
à provoquer, même en une seule occasion, des conduites à risques et leurs
conséquences dommageables : risques d’accident, risques sexuels (rapports
non protégés, rapports non désirés ou forcés…), risque d’overdose en cas de
consommation massive. Le premier signe clinique de l’overdose d’alcool est le
coma éthylique dont l’issue peut être fatale.
La réduction du risque alcool auprès des jeunes impose de se recentrer
autour de l’apport de connaissances et de compétences personnelles qui
leur permettront de faire face aux situations problématiques.
Outre l’enseignement des gestes de premier secours, il s’agit de favoriser la
réflexion des jeunes afin qu’ils puissent mettre en place des comportements
responsables de manière individuelle ou collective lors d’occasions d’alcoolisation massive.
Ces connaissances et compétences acquises seront des éléments déterminants dans la gestion par les jeunes de situations d’urgence telles que le
coma éthylique ou des situations à risque en matière de sexualité, conduite
automobile, comportements de violence physique, bagarres, perte de
contrôle…
L’action éducative doit faire réfléchir les jeunes sur leur capacité à « dire
non », à prendre des initiatives, à régler certaines de ces situations problématiques, à aller chercher de l’aide quand c’est nécessaire…
45
La notion de co-responsabilité
L’action éducative doit également inciter les jeunes à réfléchir à la notion
de responsabilité individuelle ou collective, notamment en cas d’incident
survenu lors d’une fête privée : dégradation des locaux, bagarre, coma
éthylique… Les jeunes doivent être incités à se poser la question de celui ou
celle qui porte la responsabilité de ces incidents : celui qui invite, celui qui boit
ou se bagarre, les camarades présents à la fête, les parents… ? Autrement dit,
le contexte de la fête exonère-t-il de toute capacité de réflexion, d’initiative
et peut-être de responsabilité partagée entre les participants ? Cette réflexion
permet d’aborder la possibilité de s’organiser ensemble pour participer à des
fêtes plus sûres, moins alcoolisées.
L’environnement familial ou institutionnel
Si les jeunes sont fréquemment initiés à la consommation d’alcool dans
l’univers familial, cette initiation est insuffisamment accompagnée de
messages éducatifs. Il convient de discuter avec les parents et les éducateurs
de leur rôle auprès des jeunes pour accompagner « le savoir-faire usage » tout
autant que « le savoir s’en préserver ». L’implication en matière d’éducation
préventive des adultes proches des jeunes passe aussi par les faire réfléchir à
leur propre relation avec le produit alcool.
46
Quelques exemples d’actions de prévention et de réduction du risque alcool
et/ou addictions développées sur le territoire alsacien en direction des jeunes
Tom et Lisa
➫
Un jeu interactif,
support de réduction
du risque alcool,
pour mobiliser
les jeunes
Le jeu est organisé autour d’un scénario
de départ : Tom et Lisa vont fêter leurs
18 ans et ils décident d’inviter leurs
amis à leur anniversaire. Sur cette
base, les jeunes imaginent ensemble
comment organiser cette fête, ils
essaient de trouver des arguments pour
faire accepter par leurs copains l’idée
d’une fête sans alcool, ils réfléchissent
aux moyens de l’animer et de mettre de
l’ambiance sans consommer d’alcool
ou un autre produit d’ailleurs, ils
apprennent à gérer ensemble, si cela se
produit, des situations problématiques
pouvant survenir si l’alcool est toutefois
présent.
47
L’action compte sept heures d’intervention. Les trois premières heures
proposent une initiation aux gestes de
premier secours. Les heures suivantes,
réparties sur deux modules, sont
consacrées aux questions posées cidessus, sous forme de jeux de rôle, de
tests de connaissance ou de réflexion
collective. L’initiation aux gestes de
premier secours peut être intégrée dans
les animations des deux modules du jeu.
sur la notion de coresponsabilité et
renforce la capacité des jeunes à exercer
leur créativité et à élaborer leur pensée
de manière autonome.
Enfin, l’action a également le souci de
ramener les jeunes vers les personnesressources qui peuvent les accompagner
au quotidien, en particulier leurs
parents.
En conclusion, on peut observer que
la réduction du risque alcool avec les
jeunes est plus efficace s’il est elle la
résultante d’une co-construction entre
les jeunes et les adultes en situation
éducative qui les entourent.
Ce jeu est fondé sur le principe de la
participation des jeunes à la définition et
à l’élaboration des messages, solutions
ou problématiques les concernant
directement. Il part de la réalité du
quotidien de ces jeunes, qui fabriquent
eux-mêmes l’animation et son contenu
avec ce qu’ils sont, l’outil fournissant
uniquement un cadre leur permettant
de s’exprimer.
Contact
OPPELIA/AFPRA
[email protected]
Cet outil ne se contente pas de
fournir de l’information aux jeunes,
mais s’efforce, par ses méthodes, de
renforcer les compétences et les ressources personnelles de ces jeunes
pour augmenter leur capacité à prendre
en main par et pour eux-mêmes les
questions liées à leur santé ou à ses
déterminants (empowerment).
En outre, ce travail ne stigmatise pas
un comportement ou une personne
adoptant un comportement mais prend
en compte les déterminants aussi
bien sociaux qu’individuels ou institutionnels qui permettent d’expliquer
ces comportements. L’action insiste
48
Alcool par ci
alcool par là :
un peu, à la folie,
pas du tout ?
Outil de sensibilisation
aux risques destiné
aux ados de 11 à 15 ans
Cette série d’affiches représentant des
situations d’alcoolisation mettant en
scène des jeunes a été réalisée par le
CIRDD Alsace et le service jeunesse du
Conseil général du Bas-Rhin en 2009.
Il a pour objectif général d’inviter les
adolescents à réfléchir à leurs représentations de l’alcool et des usages de
ce produit, aux influences qu’ils subissent et aux risques immédiats qu’ils
encourent.
Dix affiches permettent de travailler, dans un premier
temps, les représentations de l’alcool chez les jeunes
puis d’aborder la pression des pairs, les contextes
d’alcoolisation, les effets de l’alcool (désinhibition, ivresse,
changement de comportement) et les prises de risque
(coma, violences subies et agies, risque routier…) ainsi que
la réglementation.
Un guide accompagne cet outil et contient, d’une part,
des conseils méthodologiques et des recommandations
pour l’organisation et l’animation de séances collectives et,
d’autre part, des repères d’information pour l’intervenant,
qui pourra ainsi élargir le débat à d’autres prises de risque
et faire passer les messages clés en matière de réduction
des risques.
Caractéristiques : 10 panneaux 60 x 80 cm, plastifiés,
utilisables indépendamment les uns des autres.
Temps d’intervention : 1 h 30 à 2 h en petits groupes de
10 à 15 jeunes.
Le CIRDD anime directement des interventions autour
de cet outil ou assure la formation des intervenants
(prêt possible également au service jeunesse du Conseil
général 67).
Ni informatif, ni statique, cet outil est
un support de dialogue collectif, entre
intervenants de prévention et adolescents,
basé sur l’analyse d’images et de « paroles
de jeunes » qui font réagir.
Il favorise l’expression, l’écoute mutuelle, l’esprit d’analyse et de critique,
l’argumentation et contribue ainsi au
renforcement de certaines compétences
psychosociales. Il permet aussi de déconstruire des idées fausses, de donner
des repères de consommation et des
conseils pour limiter les prises de risque.
Contact
CIRDD
[email protected]
49
➫
Pin’s consult’
cohérence avec le parcours du jeune
tout en priorisant les problématiques à
résoudre (sociales, familiales, consommations de produits…).
La consultation
pour les jeunes
et leur entourage
Au-delà des permanences proposées
depuis septembre 2013, la volonté du
projet Pin’s Consult’ est d’aller à la
rencontre des jeunes pour les consulter
et s’inscrire dans leurs univers. Avant
d’accompagner les jeunes, il s’agit de
créer du lien avec eux ; aussi, différents
projets sont en cours pour l’année 2014 :
La formalisation d’un partenariat avec le
centre socioculturel Robert Schumann
et le CSAPA/CJC de Haguenau a permis
de développer une permanence assurée
les premier et troisième jeudis du mois
par des professionnels de l’Unité de
prise en charge des addictions (médecin,
infirmière, psychologue) au sein de la
maison de quartier des Pins. Ce lieu
d’écoute, anonyme et gratuit, s’adresse
aux jeunes consommateurs de produits
(alcool, tabac, drogues, cannabis…) ou
en difficulté par rapport à des additions
sans produits (jeux vidéo et d’argent,
trouble du comportement alimentaire)
ainsi qu’à leur entourage.
- participation aux tournées
d’un bus d’animation de rue
dans les quartiers prioritaires
de Haguenau autour d’un projet
alliant animation et prévention
par l’intermédiaire du jeu ;
- création d’une affiche avec
les jeunes et animateurs de la maison
de quartier des Pins autour de leur
représentation de la dépendance.
Enfin, afin de favoriser le repérage
de jeunes en situation à risques, des
sessions de formations animées par le
CSAPA/CJC ont été proposées aux
animateurs du quartier.
Ces consultations avancées au sein d’un
centre socioculturel d’un quartier prioritaire ont pour objectif de promouvoir
une intervention précoce auprès des
jeunes usagers en s’inscrivant à l’interface
du soin et de la prévention.
Contact
CSAPA/CJC,
Centre hospitalier de Haguenau
Un travail de collaboration, à travers
des réunions avec les différents acteurs
du territoire présents lors de ces
permanences, permet une approche
pluridisciplinaire du jeune et de ses
problé matiques. Ces échanges entre
professionnels permettent de développer des actions d’intervention en
[email protected]
[email protected]
50
Consultation jeunes
consommateurs
avancée en
milieu scolaire
à être dans une posture encore plus
respectueuse. Elle offre un espace
confidentiel, encadré par le secret
professionnel, et les jeunes saisissent
très facilement l’occasion de parler de
leurs consommations, du contexte et
du sens qu’ils leur donnent.
Réduction des risques
Au-delà du discours de façade « je gère »,
il est donné à l’infirmier de creuser ce
qui est dit par l’adolescent et d’éclairer
les « dérapages » et prises de risque
associées (absentéisme scolaire, rapports
sexuels non protégés, risque d’accident
sur la voie publique, agressivité…). La
rencontre a beaucoup plus d’impact que
si elle se faisait au CSAPA car le contexte
de vie de l’adolescent est davantage pris
en compte et que cette stratégie de
réduction des risques associe les adultes
gravitant autour du jeune.
La consultation jeunes consommateurs
(CJC) avancée en milieu scolaire, mise en
place dans un établissement scolaire de
Wissembourg, aide au repérage précoce
et, de fait, prévient les évolutions vers
des degrés de nocivité accrue, voire une
dépendance.
Sur initiative des enseignants, assistants
sociaux ou infirmiers scolaires, un
infirmier du CSAPA de Wissembourg
rencontre les élèves dans le cadre d’une
permanence addictologique hebdomadaire.
Elle permet de rencontrer les jeunes
sur « leur terrain » et facilite fortement
la rencontre en obligeant l’intervenant
La continuité entre prévention et soins
est essentielle et évite les ruptures de
prises en charge.
➫
Outre le fait qu’elle permet une prise en
charge alternative à des exclusions ou à
de simples sanctions, cette permanence
a pour but d’aider le jeune à évaluer ses
conduites à risque et d’enclencher, s’il
y a lieu, des démarches de soins.
Cette consultation avancée favorise également un repérage précoce si d’autres
problématiques sociales ou psychologiques sont mises à jour. Elle permet
un meilleur accès tant aux soins adaptés
qu’aux services sociaux. L’adolescent
acquiert une position d’acteur et
apprend à prendre des initiatives, à
s’autonomiser.
Contact
CSAPA Wissembourg
[email protected]
51
Information,
prévention et
réduction des risques
dispensé par un psychiatre à tous les
nouveaux élèves arrivant au lycée
(seconde professionnelle, seconde technologique et première année de CAP
ou de BTS). Les élèves des mentions
« bar » et « sommellerie » bénéficient
de la même intervention, sur un mode
« café-philo », adaptée à leur quotidien
professionnel (relation au client, travail
de nuit, conduite à tenir face à une ivresse
ou à un coma…). Ces temps d’échanges
collectifs ont été accompagnés de la mise
en place d’une consultation anonyme,
à l’infirmerie scolaire, assurée par les
infirmières du service d’addictologie
pour offrir aux élèves demandeurs une
écoute, des conseils, des entretiens de
motivation à l’arrêt et une éventuelle
orientation vers des services spécialisés
en cas de besoin.
Lycée hôtelier d’Illkirch
Considérant les métiers de l’hôtellerie
et du tourisme comme des métiers
pouvant favoriser la confrontation aux
usages de substances psychoactives
(facilitation à l’accès aux produits,
rythme de travail, culture familiale ou
professionnelle tolérante, confrontation
à des clients usagers de substances
psychoactives…), le lycée hôtelier
Alexandre Dumas d’Illkirch a souhaité
intégrer à son projet d’établissement,
avec l’aide de professionnels reconnus
et de son comité d’éducation à la
santé et à la citoyenneté (CESC), une
démarche spécifique d’information,
de prévention et de réduction des
risques relative aux addictions et à leurs
dangers, tant à destination de ses élèves
que de leurs parents ou des enseignants
de l’établissement.
Une formation spécifique a été proposée
aux infirmiers scolaires par l’équipe de
l’unité d’addictologie. Celles-ci sont
ainsi en capacité d’informer les parents,
les enseignants et les délégués de classe
pour les sensibiliser à la démarche,
harmoniser les discours et rendre l’action
de prévention cohérente à partir d’une
réflexion commune et d’un savoir
partagé.
Avec l’accompagnement du Centre
d’information régional sur les drogues
et les dépendances d’Alsace (CIRDD),
des équipes de l’unité intersectorielle
d’addictologie du Centre hospitalier
d’Erstein et de santé scolaire, l’établissement propose, depuis 2008, un module de 45 minutes d’information et de
prévention concernant les conduites
addictives et leurs complications,
Contact
Centre hospitalier d’Erstein
➫
[email protected]
52
Consultation jeunes
consommateurs
délocalisée
Lycée polyvalent
Jean-Jacques Henner
(Altkirch)
Quand ils sont confrontés à une
addiction, les jeunes du lycée d’Altkirch
ne poussent pas spontanément la porte
de la CJC d’Altkirch.
Face à ce constat, la structure a convenu
avec l’établissement scolaire de la mise
en place d’une permanence hebdomadaire délocalisée visant à favoriser les
échanges avec les professionnels du
lycée et à accueillir les jeunes dans
des conditions de confidentialité et de
discrétion.
Contact
Le Cap
[email protected]
53
➫
dans un cadre festif, rendre les professionnels de terrain attentifs au rôle
préventif qu’ils peuvent exercer auprès
des jeunes, susciter chez les jeunes une
réflexion sur la consommation d’alcool
et ses conséquences et créer une dynamique collective entre l’ensemble des
jeunes participant au projet et entre les
différents territoires.
Cette campagne de prévention a débuté
en septembre 2013 et est jalonnée de
différents temps forts :
- un travail de prévention
en direction des jeunes, que ce soit
dans le cadre des établissements
scolaires, des centres socioculturels,
des associations… Les supports
utilisés sont l’élaboration d’affiches
de prévention par les jeunes,
la musique, le débat, le théâtre…
- la mise en place d’un concours
de cocktails sans alcool : les cocktails
sont réalisés par les jeunes
avec l’aide d’adultes référents.
La finale a lieu en mai 2014.
Cocktail sans alcool
Campagne de prévention
en matière de
Sécurité routière
Un collectif mulhousien, composé de
l’association Vie libre, du Pôle Prévention Citoyenneté (M2A), de l’association Le Cap, de la Ville de Mulhouse
(Coordination santé) et de Sémaphore
Sud-Alsace organise une campagne de
prévention en matière de Sécurité routière qui contribue à la réduction des
risques alcool.
Cette action s’adresse aux collégiens,
lycéens, centres socioculturels, MJC et
aux communes. Elle a pour objectifs
de promouvoir et valoriser la consommation de boissons non alcoolisées
Contact
Le Cap
[email protected]
54
➫
➫ Les femmes enceintes
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a clairement énoncé la nécessité
de suspendre toute consommation d’alcool, même en petite quantité,
durant la grossesse. La toxicité de l’alcool est telle que, même sur un seul
verre consommé, elle peut affecter le développement du fœtus à n’importe
quel stade de la grossesse. Les consommations d’alcool peuvent aboutir,
pour le nourrisson, à des handicaps irréversibles présents dès la naissance.
On parle d’effets de l’alcool sur le fœtus pour les formes les moins graves
et de syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) pour les formes les plus sévères.
Ces faits impliquent la nécessité de développer une approche de réduction
de ces risques spécifiques aux femmes en général et aux femmes enceintes
en particulier. Néanmoins, cette approche va se heurter aux représentations
et comportements sociaux spécifiques liés à la question du rapport des
femmes avec l’alcool tel qu’il est vécu et perçu dans la société. Ce rapport est
en effet jugé de manière bien plus défavorable que pour les hommes et bien
pire encore s’il s’agit d’une femme enceinte.
Ces représentations et ces enjeux traversent le corps médical lui-même,
plutôt masculin, et « reproduisent le vieux modèle binaire homme/femme, recouvrant
l’opposition culture/nature et de ce fait fonde les représentations des comportements
alcooliques selon les sexes sur des catégorisations essentialistes ».19
Cette situation complique la possibilité de parler ouvertement et sans
culpabilité de l’alcool, de sa consommation, des bénéfices inhérents à sa
prise et, a fortiori, à sa modération, voire à son arrêt provisoire ou définitif.
Pourtant, cet acte de parole, dans la consultation, est un élément déterminant
du travail de prévention réalisable. « Être femme et aimer l’alcool : n’est-ce pas déjà
un problème ? Être femme et parler d’alcool : n’est-ce pas déjà avoir un problème ? »20
Les confrontations à ces représentations sont souvent anticipées par les
femmes qui auront tendance à développer, comme les hommes en d’autres
circonstances, des mécanismes de défense inconscients comme le déni.
Ces mécanismes de défense ont pour conséquence de taire l’alcoolisation
et peuvent aller jusqu’au retrait de tout lien social. Ce qui est redouté, c’est
aussi le placement systématique de l’enfant. Culpabiliser les femmes risque
19 Membrado M. “À propos de l’alcoolisme féminin”, Alcool, grossesse et santé des femmes, 2005, p. 27-28
20 Jumel M.-P., “À l’écoute des femmes devenues mères”, Alcool, grossesse et santé des femmes, 2005, p. 29-34
55
d’entraîner un ressenti d’insécurité profonde qui éloignera l’opportunité d’un
accompagnement éclairé ouvert sur une réflexion partagée entre la femme et
les équipes soignantes.
L’absence de rupture de dialogue avec la mère ou future mère est pourtant
un élément capital du suivi et des possibilités de devenir de l’enfant. Dans les
cas où le SAF est avéré, le devenir de ces enfants « dépend en partie de l’offre de
soins et de son accessibilité. Comme pour tous les enfants à risque de handicap, la prise
en charge devrait être précoce et s’opérer sur le long terme. Dans ce cas, le phénomène
réparateur de la plasticité cérébrale peut s’exercer à plein et les risques secondaires associés
à ce syndrome peuvent être évités ».21 Si l’arrêt de la consommation n’est pas
possible et les conséquences sur l’enfant inévitables, il apparaît nécessaire
de ne pas renoncer à conduire un accompagnement favorable à un principe
de réduction des risques.
Il s’agit de maintenir le lien et d’essayer d’aborder la question d’alcool
en formulant dans l’entretien des questions ouvertes comme : « Comment
a évolué votre consommation d’alcool depuis le début de votre grossesse ? ». Les
questions fermées comme « Consommez-vous de l’alcool ? » seront entendues
et reçues comme « Êtes-vous alcoolique ? » et déclencheront ou renforceront le
déni peu propice à un échange constructif. Si le déni de la consommation est
maintenu malgré les questions ouvertes proposées, il s’agira de privilégier,
dans l’entretien, la reformulation : « Voulez-vous dire que vous ne prenez jamais
d’alcool, ni apéritif, ni vin, ni bière, ni cidre… ? ». Lorsque la consommation pourra
être abordée, il sera intéressant de la chiffrer afin d’évaluer dans quel registre
d’usage on se situe. Chiffrer alcool par alcool, séparer les consommations
de la semaine par rapport à celles du week-end et comptabiliser en nombre
de verres par semaine.
Il convient de saisir l’importance des relations intrafamiliales et des interactions qui fondent l’existence du nouveau-né. Parfois l’aide apportée à
l’environnement profite indirectement à l’enfant. Il convient donc de repérer
et de lutter en priorité contre l’association trop rapide entre l’alcoolisation
et la faillite de la parentalité. De la même manière, si des carences parentales
étaient observées, il conviendrait de ne pas les mettre trop rapidement
21 Toutain S., Chabrolle R.-M., Chabrolle J.-P., Prise en charge précoce d’enfants
porteurs du syndrome d’alcoolisation fœtale, Psychotropes, 2007, vol. 13 n° 2, p. 49-68
56
sur le compte de l’alcoolisation. Ceci est corroboré par le fait qu’on peut
observer dans certaines situations un renforcement positif de la mère sur
l’enfant et de l’enfant sur la mère : « La présence de la mère est considérée comme
un facteur essentiel au développement du nouveau-né, et la présence de l’enfant comme
un moteur important dans la lutte de la mère contre sa dépendance alcoolique. »22
➫
Il convient pour chaque intervenant d’identifier et d’entretenir des espaces
partagés de réflexion et d’échanges pour éviter de tomber dans ce piège
d’une société organisée autour de représentations de genre mécaniquement
défavorables aux femmes. Il s’agit de conserver tout son potentiel, avec
d’autres, d’être accessible à l’expérience singulière de chaque femme dans le
cadre de la promotion d’un accompagnement qualifiant et ouvert.
➫ Les personnes âgées
Un groupe de travail de la SFA et de la SFGG a travaillé récemment sur la
question de la consommation d’alcool chez les personnes âgées 23. Il apparaît
que, « chez les personnes âgées qui consomment de l’alcool de façon excessive, dans
deux tiers des cas environ, le mésusage est ancien et s’est poursuivi. Dans un tiers des
cas, ce mésusage a débuté tardivement, après 60 ans ». Le groupe de travail s’est en
premier lieu attaché à identifier les complications liées au mésusage d’alcool
chez le sujet âgé.
Il constate que « les complications les plus fréquentes induites par les consommations
aiguës d’alcool sont les chutes et les complications traumatiques associées, les états
confusionnels et les troubles comportementaux ». Selon lui, « on peut clairement
faire l’hypothèse d’un lien, au moins d’aggravation, entre le mésusage d’alcool et les
grands syndromes gériatriques : chutes, démence, confusion, troubles anxiodépressifs,
dénutrition, troubles psychosociaux, polypathologie et polymédication ». Il souligne que
« le mésusage d’alcool est un facteur de risque important de nombreuses pathologies
neurologiques, du fait de sa toxicité sur le cerveau, par les carences nutritionnelles et
vitaminiques ou par les troubles de la coagulation induits ».
Le groupe de travail s’est ensuite interrogé sur les moyens pertinents de
repérage des consommations d’alcool à risque chez les personnes âgées.
22 Ibidem
23 Paille F., “Personnes âgées et consommation d’alcool”, Alcoologie et Addictologie, 2014, 36 (1), p. 61-72
57
Ses principales conclusions sont les suivantes :
- « La diffusion auprès des médecins généralistes des méthodes de repérage précoce et
d’intervention brève du risque alcool chez les personnes âgées est un enjeu important. »
- « Une sensibilisation des intervenants auprès des personnes âgées à la question du
risque alcool implique une modification de leurs représentations (penser risque plutôt
que dépendance, modification du mode de consommation plutôt qu’abstinence, qualité
des années de vie restantes plutôt que dernier plaisir à ne pas supprimer). »
- « L’évaluation gériatrique standardisée (EGS) pourrait être un moment privilégié du
repérage des consommations d’alcool à risque des personnes âgées. »
- « Un repérage ciblé est le plus rentable auprès de populations considérées comme à haut
risque (homme, fumeur, ayant des difficultés sociales) et devant la plupart des syndromes
gériatriques : troubles du sommeil, chutes, dénutrition, symptomatologie anxieuse et
dépressive, plaintes et troubles cognitifs… »
- « La consommation déclarée d’alcool (CDA) évaluée en entretien est, comme chez
l’adulte, le moyen le plus simple et le plus direct d’évaluation du risque. »
Pour finir, le groupe a essayé de déterminer les objectifs et les moyens pertinents d’intervention chez les personnes âgées. Selon lui :
- « L’efficacité d’une intervention brève, protocolisée et adaptée au sujet âgé, a été
montrée sur la réduction de consommation. »
➫
- « L’intervention brève ou de durée moyenne en soins primaires a un bon rapport coût/
efficacité pour diminuer la consommation d’alcool des personnes non dépendantes. »
- « Chez les personnes âgées alcoolodépendantes, l’abstinence reste l’objectif à privilégier. Lorsqu’il n’est pas accepté, une réduction de consommation et donc des dommages
paraît un objectif réaliste. »
➫
- « La prise en charge sociale et environnementale visant à lutter contre l’isolement est
particulièrement importante dans la mesure où celui-ci est souvent considéré comme
une cause majeure d’alcoolisation des personnes âgées. »
➫ Les personnes en situation de précarité
Proches en termes de besoin et éloignées en termes de démarches, les personnes
en situation de précarité ont un parcours souvent ponctué d’accidents de la
vie, de psychotraumatismes et des difficultés associées. Cette précarité qui
est avant tout une précarité des liens sociaux et familiaux, à distinguer de la
pauvreté, constitue un facteur de risque de conduites addictives. L’alcool,
58
qui a un fort potentiel de socialisation, peut être un produit support qui
répond, pour la personne, à cette fragilité de ses liens au monde et aux
autres. Dans la perspective d’une relation d’aide et de restauration de l’accès
aux soins, il y a souvent nécessité de réconcilier le bénéficiaire avec l’image
du soignant et du soin. Les expériences du soin n’ayant pas toujours été bien
vécues et mémorisées, les démarches sont difficiles et longues à réinitier.
Les orientations vers le soin peuvent se faire dans les trois domaines décrits par
l’OMS : santé physique, psychique et sociale. Le professionnel est parfois
amené à proposer des orientations de soins qui ne sont pas directement
en lien avec la problématique qui apparaît au premier abord. Par exemple,
pour des personnes en situation de dépendance, il est tout à fait opportun
d’orienter vers un lieu suffisamment contenant pour créer du lien social.
Ceci pour aider les personnes à reprendre confiance en l’autre afin de saisir
l’importance « d’être relié aux autres » pour trouver sa place et continuer à
concrétiser des démarches.
Une fois la problématique identifiée, le travail d’accompagnement à
l’élaboration de recherche de solutions peut être facilité par la proposition
d’orientations ou par un soutien dans leurs capacités à mettre en œuvre des
démarches.
Il faut s’attendre à ce que l’accompagnement soit souvent émaillé d’absences
aux entretiens programmés. La personne doit en effet réinvestir de la confiance
en elle et dans les liens établis avec les aidants. La temporalité psychique
des personnes doit être préservée en dépit fréquemment de la temporalité,
plus courte, des dispositifs d’aide sociale. Ce cheminement peut parfois
prendre plusieurs années avant que ne se concrétise un accès opérationnel
aux dispositifs spécialisés de soins24.
L’objectif d’abstinence, dans le cas d’une problématique « alcool », peut
être vécu par les personnes comme une menace et un objectif impossible à
atteindre. Si l’aidant tente de l’imposer, il risque de fragiliser la préservation
du lien établi avec la personne en situation de précarité. Le respect de la
fonction d’aide que revêt pour la personne sa consommation et un travail sur
un but de réduction de cette même consommation semblent plus opérants
à court et moyen terme.
24 Le travail clinique réalisé dans ce domaine par les professionnels de l’AFPRA depuis une dizaine d’années
fait apparaître que, dans les situations les plus dégradées, les personnes mettent parfois trois à cinq années
pour concrétiser un entretien avec un professionnel des dispositifs spécialisés de soin.
59
➫
➫ Le milieu professionnel
L’entreprise, et le monde du travail en général, n’échappe pas aux usages
de toxiques et l’alcool, élément majeur de la vie sociale, y est présent avec ses
bénéfices mais aussi ses risques. Le risque alcool en entreprise se répercute
sur des enjeux de santé et de sécurité au poste de travail.
En France, 8,8 millions d’adultes français consomment régulièrement de
l’alcool et 5 millions ont un usage quotidien (OFDT, Chiffres clés, 2013)25. Même
si la consommation moyenne d’alcool pur par habitant a considérablement
baissé en 40 ans, l’imprégnation alcoolique reste un facteur de risque pour
les salariés comme pour les employeurs. Tous les secteurs d’activité sont
concernés, mais certains secteurs et certains postes le sont plus que d’autres.
Les analyses du Baromètre santé 2010 publié par l’INPES montrent par
exemple que la prévalence de consommation d’alcool est plus élevée dans
l’agriculture, la pêche, le bâtiment, l’hôtellerie-restauration.
➫
Notre vie est unique
25 OFDT, Chiffres clés, 2013, www.ofdt.fr/ofdtdev/live/publi/dce/dcc13.html
60
Population
générale
18 - 64 ans
Agriculture
(hommes)
Alcool quotidien
7,9 %
16,6 %
-
13,4 %
Consommation d’alcool
ponctuelle importante
au moins 1 fois par mois
(6 verres ou plus lors
d’une même occasion)
20 %
30,7 %
26,9 %
32,7 %
Restauration
(hommes)
Construction
(hommes)
Si le travail est reconnu comme protecteur vis-à-vis des usages de substances
psychoactives, il peut également être un facteur d’augmentation des consommations. 9 % des consommateurs d’alcool déclarent avoir augmenté leur
consommation pour des raisons liées à leur vie professionnelle (source INPES).
L’objectif général des actions de prévention et de réduction du risque alcool
en milieu professionnel est d’accompagner et de conseiller les entreprises
volontaires dans le cadre de la mise en œuvre de programmes de prévention
des risques liés à l’alcool.
Les actions de prévention du risque alcool en entreprise ont différentes visées.
Elles doivent :
- amener l’entreprise à adopter des règles et des sanctions claires et applicables ;
- permettre à l’entreprise de fournir des outils à l’encadrement pour gérer
les situations à risque ;
- proposer des formations afin de développer les compétences relationnelles
permettant le traitement des situations à risque, des conflits et des transgressions ;
- favoriser la mise en place de dispositifs d’aide pour les consommateurs
dépendants.
61
Un exemple d’action développée
en Alsace en milieu professionnel
PME-PMI
de règles et de ligne de conduite pour la
gestion des situations problématiques.
Il est composé de représentants de la
direction, des différentes lignes hiérarchiques, de représentants du personnel, du responsable sécurité, du
médecin du travail et de l’infirmière
de l’entreprise. Il travaille sur la base
d’une maquette mise à disposition par
l’AFPRA qui recense toutes les questions à se poser. L’AFPRA accompagne
la réflexion, conseille, prend acte des
choix opérés.
Une politique
de prévention
des risques
Suite à un accident provoqué par un
cariste en état d’alcoolisation, une
entreprise alsacienne de 200 salariés fait
appel à l’AFPRA pour envisager une
intervention de sensibilisation de ses
salariés au risque alcool. Cette situation
est classique : en effet, le travail de
prévention débute fréquemment suite
à un incident concret qui fait prendre
conscience aux responsables de l’entreprise de l’existence objective du risque.
Un principe de réduction du risque
alcool est approuvé plutôt qu’un
principe d’alcool zéro, difficile à appliquer dans l’entreprise. L’alcoolémie
résiduelle tolérée dans l’entreprise
pour chaque salarié est l’équivalent
d’une dose standard d’alcool. Au-delà,
le salarié sera considéré en situation
de risque et la procédure de retrait du
poste pour des raisons de sécurité sera
appliquée.
L’AFPRA rencontre le directeur de
l’entreprise entouré de son responsable
sécurité, du responsable des ressources
humaines et du médecin du travail.
Il est expliqué à l’encadrement qu’une
sensibilisation de l’ensemble du personnel aurait peu d’effets si elle
n’était assortie d’une clarification par
l’entreprise des règles qu’elle souhaite
appliquer en matière de consommation
d’alcool et de la procédure à appliquer
en cas de doute sur un collaborateur
en situation de risque à son poste de
travail.
Le directeur valide les propositions
du groupe de pilotage. Les instances
représentatives du personnel seront
consultées sur les nouvelles dispositions
réglementaires avant de procéder à la
mise à jour du règlement intérieur.
Cette mise à jour est indispensable
pour donner une couverture légale
aux mesures de réduction du risque
alcool adoptées (limitation du taux
d’alcoolémie autorisé à 0,3 g/l, règles
d’organisation des pots d’entreprise,
Un groupe de pilotage est mis en place
et accompagné dans l’élaboration de
propositions au directeur en matière
62
la formation fait appel à l’intervention
d’acteurs professionnels pour travailler
sur des mises en situations analysées par
un psychologue de l’AFPRA.
procédure de retrait du poste en cas de
situation à risque…).
Une campagne d’information est organisée pour l’ensemble du personnel.
Lors de réunions d’une durée de deux
heures, l’AFPRA introduit le propos
en explicitant les risques liés à la
consommation d’alcool. Ces risques sont
exposés en rapport avec le contexte de
travail. Cette introduction d’« expert »
rend évidentes pour tous la nécessité
et la légitimité de l’entreprise à avoir
mis en œuvre un plan de prévention.
Le directeur anime la seconde partie de
la réunion. Il présente la démarche de
son entreprise, les règles adoptées et
validées, explique la procédure qui sera
appliquée en cas de situation à risque.
Un temps de questions-réponses clôture
chaque réunion.
Au final, l’AFPRA reste disponible, si
l’entreprise le souhaite, pour apporter
un appui méthodologique ponctuel
aux acteurs internes du programme de
prévention et débriefer les situations
problématiques qui auront été traitées.
Contact
OPPELIA/AFPRA
[email protected]
➫
Enfin, une formation est organisée au
bénéfice de l’ensemble des cadres de
l’entreprise qui auront la responsabilité
de faire appliquer, au poste de travail, la
politique de prévention mise en place.
Cette formation leur permet d’acquérir
un langage commun pour asseoir leur
management sur une compréhension
globale de ce que sont les addictions
et de la manière de les aborder dans un
cadre relationnel. Il s’agit de les aider à
étayer leurs compétences relationnelles
pour qu’ils arrivent à « parler » ces
enjeux de prévention, poste de travail
par poste de travail. Il s’agit également
de faciliter leur intervention auprès
d’un collaborateur sous l’effet de
produit si nécessaire. Pour y arriver,
63
➫
➫ Le milieu festif
En milieu festif, la consommation de substances psychoactives, qu’il s’agisse
d’alcool et/ou de drogues illicites, peut être très importante et mal maîtrisée,
mettant en danger la santé et la sécurité des participants à la fête : malaises,
comas éthyliques, overdoses, rixes, relations sexuelles non protégées et/ou
non consenties, accidents de la circulation… sont courants.
La typologie des manifestations festives et des publics concernés est très large
(fêtes privées, événements publics de grande envergure, festivals, raves…)
mais certains contextes favorisent les abus et les polyconsommations,
entraînant une augmentation des risques. S’il appartient aux organisateurs
publics et privés de respecter la législation en vigueur en termes de sécurité
et de protection des jeunes, les interventions spécifiques de réduction des
risques par des équipes spécialement constituées sont largement plébiscitées
et renforcent la prise en conscience individuelle et collective.
Le concept de réduction des risques en milieu festif prend en compte toutes
les consommations et excès (alcool, tabac et drogues illicites, bruit, risques
sexuels, risques routiers…). Les modes d’intervention basés sur l’aller-vers
visent à entrer en contact avec les usagers ou leur entourage, pour les
sensibiliser aux prises de risque sans moralisation. Les équipes proposent des
outils et sont à même d’orienter vers les secours les cas les plus inquiétants.
➫
64
➫
Quelques exemples d’actions
développées en Alsace en milieu festif
La mission rave
du Bas-Rhin
Dans le cadre de sa mission de réduction
des risques, l’association Ithaque, qui
gère un CAARUD, a mis en place, il
y a déjà plusieurs années, une équipe
composée de professionnels de la
structure et d’usagers bénévoles, qui
intervient en milieu festif, dans des
lieux d’importantes prises de risques,
y compris les fêtes non déclarées. Un
important travail est mené en amont
avec les organisateurs de ces manifestations festives.
Cette équipe intervient sur l’ensemble
du Bas-Rhin.
Contact
Ithaque
[email protected]
65
Soirées responsables
L’équipe mobile
de prévention et
de réduction des risques
en milieu festif
de Strasbourg
➫
Dans le cadre du Contrat intercommunal
de prévention et de sécurité de la
Communauté urbaine de Strasbourg
(CipsCUS), depuis 2010, une équipe
mobile de prévention et de réduction
des risques en milieu festif (EMP),
portée par la Communauté urbaine
de Strasbourg (devenue aujourd’hui
Eurométropole), a été mise en place en
2010. Ce dispositif complète les autres
actions déployées dans le cadre de la
charte de la nuit.
L’EMP assure une présence lors des
principaux événements qui se déroulent
sur le territoire (festival des Artefacts,
soirées à la Laiterie, Fête de la musique,
Ososphère, Stras en scène…). Les
services santé et sécurité de l’Eurométropole de Strasbourg, des associations
compétentes en addictologie (Alcool
Assistance, ALT, CIRDD, Ithaque),
des clubs de prévention spécialisés et
la Maison des adolescents participent à
cette équipe. Les différents partenaires
ont ratifié la charte qui définit les
missions de l’équipe et la démarche
commune de l’aller-vers et qui précise le
mode de pilotage et de coordination.
66
L’Eurométropole garantit chaque année
pour l’EMP des temps de formation,
dont l’organisation est confiée au
CIRDD. Un travail en direction des
organisateurs de grands événements
est accompli en parallèle qui facilite
l’acceptation de l’EMP et la compréhension de la démarche de réduction
des risques.
L’EMP adapte chaque intervention
au contexte de l’événement, au niveau
d’âge du public et à l’ambiance de la
soirée. La présence d’intervenants aux
compétences complémentaires permet
d’aborder l’ensemble des risques sanitaires, sexuels, routiers, juridiques…
Les conséquences liées à la consommation d’alcool font l’objet d’une vigilance particulière : de nombreux tests
de niveau d’alcoolémie sont pratiqués
(principalement par Alcool Assistance),
pour éviter des retours hasardeux et des
accidents en fin de soirée.
Des formations courtes en direction
des organisations étudiantes ou autres
bénévoles organisateurs de fêtes sont
également proposées dans l’objectif de
créer un label Soirées responsables.
Plus spécifiquement destiné aux usagers
de drogues illicites, du matériel de
RDR peut également être fourni dans
le cadre d’un dialogue ou d’un temps
de repos accompagné, proposé aux
consommateurs (espace chill-out).
La présence de l’EMP lors d’un événement festif se concrétise par la
mise en place de stands d’information
disposant de matériel de sensibilisation
(brochures, bouchons d’oreille, préservatifs, éthylotests…) et permettant
d’entrer en contact avec les festivaliers
et par des déplacements en binômes qui
vont à la rencontre des participants sur
tout l’espace de la fête et aux abords.
Contact
Ville et Eurométropole de Strasbourg,
service prévention urbaine
[email protected]
[email protected]
67
Prev’en Teuf 68
d’assurer le lien entre les différents
acteurs intervenant dans le cadre des
manifestations festives (organisateurs de
la manifestation, secours…) ; d’assurer
un travail de médiation avec les services d’ordre ; d’identifier les nouveaux
usages de substances psychoactives
en milieu festif ainsi que les nouvelles
pratiques sexuelles à risque ; de former
les organisateurs de soirée et les barmen
à une meilleure prise en compte de la
réduction des risques.
L’équipe mobile
d’intervention
en milieu festif
de l’agglomération
mulhousienne
Dans le cadre du Contrat local de santé
(CLS) de Mulhouse et sous l’impulsion
de la Ville de Mulhouse et de l’ARS,
une équipe mobile d’intervention en
milieu festif vient d’être créée. Portée
par l’association Argile, qui gère un
CAARUD, elle mobilise les compétences
de plusieurs structures (AIDES, Le
Cap, la Maison des Adolescents et le
Planning familial du Haut-Rhin). Elle
a vocation à intervenir dans différentes
manifestations festives (manifestations
grand public after work ; fêtes de
village ; concerts et festivals ; soirées
techno – rave, free party ou technival ;
soirées étudiantes) sur l’ensemble de
l’agglomération mulhousienne (M2A).
Elle a pour objectifs d’aller à la rencontre des personnes, dans le cadre de
manifestations festives, pour faciliter
l’accès à des informations objectives
sur les substances psychoactives et les
risques liés à leur usage ; de repérer
les conduites de mise en danger ; de
réduire les dommages liés aux usages
de substances psychoactives ; de
favoriser l’orientation des personnes
vers les dispositifs d’aide et de soin ;
Contact
Argile
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➫
[email protected]
[email protected]
68
Risque alcool
Caf’Conc 3 Frontières
à Bartenheim
À l’occasion de la semaine de la Sécurité
routière, une soirée phare est organisée
à l’initiative du service de prévention de
l’association Le Cap, avec le concours
du lycée Théodore Deck à Guebwiller.
Des échanges sont organisés avec deux
intervenants du service de prévention
suite à la distribution d’un quiz de
pré vention du risque alcool. Des
réglettes alcool sont également mises
à disposition par l’association. À cette
occasion, des cocktails de jus de fruits
sont proposés gratuitement. Ils sont
réalisés par des étudiants majeurs du
lycée de Guebwiller, volontaires pour
encadrer l’action ce soir-là.
La réalisation de ces cocktails s’inscrit
dans la continuité d’un projet du risque
alcool auprès des jeunes de 11 à 25 ans
qui a vu le jour en l’an 2000 et regroupe
différents partenaires, à savoir la Ville
de Mulhouse, la Coordination santé de
la ville de Mulhouse, Sémaphore et les
associations Vie libre et Le Cap.
Le dépouillement des questionnaires
remis ce jour-là, donne lieu à un tirage
au sort parmi les bonnes réponses pour
la remise de prix (places de concert).
Contact
Le Cap
[email protected]
69
7. Stratégies
et outils de réduction
des risques et des dommages
Intervention précoce
L’intervention précoce est une stratégie d’action entre la prévention et l’accès
aux soins qui s’applique aux premières étapes de la consommation de
substances psychoactives avant que celle-ci ne devienne problématique. Elle
consiste, d’une part, dans le repérage initial des personnes rencontrant des
difficultés attribuables à leur consommation de substances psychoactives
et, d’autre part, dans l’intervention auprès de ces
personnes en vue de susciter un changement avant
que leur comportement ne s’aggrave ou ne devienne
chronique, et/ou pour faciliter le recours au système
de soins.
Intervention brève
L’intervention brève vise principalement les sujets
ayant un usage nocif, sans comorbidité sévère. C’est
parfois une première étape dans l’ouverture au
dialogue ; elle s’adresse aux usagers avec l’objectif
de les sensibiliser sur leurs consommations et les
dommages qui y sont liés, tout en leur laissant le
choix de la suite à donner.
70
Entretien motivationnel
L’entretien motivationnel est un outil d’accompagnement dans le changement
qui vise à :
- reconnaître, susciter, soutenir un désir de changement ;
- comprendre et gérer les processus de changement, l’ambivalence (indécisions
qui accompagnent les doutes sur le caractère souhaitable ou faisable d’un
changement), la résistance ;
- soutenir la personne dans sa prise de décision en favorisant l’identification
et le développement de ses ressources.
Basée sur une écoute active et une attitude empathique, l’approche motivationnelle tient compte des perceptions du risque par l’usager.
Thérapies cognitivo-comportementales (TCC)
Les TCC ont pour particularité de s’intéresser aux difficultés de la personne
dans « l’ici et maintenant » par des exercices pratiques centrés sur les
symptômes observables au travers du comportement. L’accompagnement
par le thérapeute vise à intervenir sur les processus cognitifs et émotionnels,
conscients ou non.
Thérapies psychodynamiques
L’approche psychanalytique constitue une des grilles de lecture possible de
la problématique addictive des usagers et de l’orientation psychothérapique
qui peut être proposée. Cette approche met la dimension subjective au centre
de l’accompagnement à travers la prise en compte :
- de la structure psychique subjective dans sa dimension consciente et
inconsciente ;
- de la dimension relationnelle (transférentielle) et de l’histoire singulière de
la personne ;
- des dimensions émotionnelle et affective et de leurs significations pour le sujet.
Approches systémiques
La relation entre la consommation d’alcool, d’une part, et la détresse
ou l’insatisfaction conjugale ou les troubles de la communication au sein de
la famille, d’autre part, est complexe. Il est toujours difficile de déterminer
71
si c’est la consommation qui est à l’origine de la détresse psychologique
de l’entourage ou, si, à l’inverse, c’est le climat familial ou les interactions
familiales qui génèrent la prise d’alcool. Les approches systémiques permettent d’aborder ces questions en les recontextualisant.
Les pratiques addictives affectent non seulement la personne mais l’ensemble
du système familial. L’inclusion des membres du réseau familial et social
peut s’avérer efficace dans la mesure où l’approche systémique permet de
mieux identifier, dès le début, les motifs réels de l’entretien, les priorités du
traitement, du suivi et des moyens d’intervention appropriés en fonction
du système familial en question.
Outils médicamenteux
Certaines thérapeutiques médicamenteuses spécifiques constituent une aide
réelle. La globalité de la prise en charge, intégrant l’ensemble des besoins du
sujet, est toutefois essentielle.
Les médicaments d’aide à la réduction des consommations
• Le Nalméfène (Selincro®) a une action sur le système cérébral de la
récompense et permettrait ainsi de réduire l’envie de boire et donc la
consommation d’alcool. Il a obtenu une autorisation de mise sur le
marché (AMM) pour réduire la consommation d’alcool des adultes ayant
une dépendance à l’alcool avec une consommation à risque élevé, sans
symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat.
Il doit être associé à un suivi psychosocial.
• Le Baclofène (Liorésal®, Baclofène Zentiva®) bénéficie d’un statut
particulier. Ce traitement, commercialisé en 1974 comme traitement
des contractures spastiques de la sclérose en plaques, des affections
médullaires et d’origine cérébrale, n’a pas d’AMM dans le traitement de
l’alcoolodépendance mais il a obtenu une recommandation temporaire
d’utilisation (RTU) en mars 201426. Il est indiqué dans la réduction majeure
de la consommation d’alcool jusqu’à un niveau faible de consommation
chez des patients alcoolodépendants à haut risque et censé être prescrit
en deuxième intention.
26 Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)
27 Ibidem
72
Les médicaments de prévention de la rechute
• Le Baclofène (Liorésal®, Baclofène Zentiva®), dans le cadre de l’obtention
de sa RTU, est également indiqué dans l’aide au maintien de l’abstinence
après un sevrage chez des patients dépendants à l’alcool et en échec des
thérapeutiques disponibles 27. Il a un effet anxiolytique et anti craving.
• L’Acamprosate (Aotal®) aide à réduire l’appétence pour l’alcool. Il est
notamment utilisé pour son effet neuroprotecteur. Il est contre-indiqué
chez les patients atteints d’une insuffisance rénale sévère.
• La Naltrexone (Revia®) est un inhibiteur des opiacés utilisé à l’origine
dans le traitement des toxicomanies aux opiacés. Il permet de réduire
l’appétence pour l’alcool en diminuant ses effets plaisants. La Naltrexone
orale est contre-indiquée en cas d’hépatite aiguë, d’insuffisance hépatique,
de consommation d’opioïdes.
Le maintien d’une consommation d’alcool lors de la prise de l’un de ces trois
médicaments n’impose pas l’arrêt du traitement.
• Le Disulfirame (Espéral®) est un médicament à effet antabuse (associé
à l’alcool, il provoque des manifestations déplaisantes, notamment des
nausées et vomissements). Il présente de nombreuses contre-indications,
en particulier cardiaques, et est de maniement délicat. Il est déconseillé
pendant la grossesse ou l’allaitement, sauf avis médical contraire. Il est
impératif de ne pas consommer d’alcool durant le traitement. Dans la
pratique, il est plutôt utilisé en deuxième intention.
Les nouvelles pistes thérapeutiques
Actuellement, trois molécules – le Topiramate (Epitomax®), la Gabapentine
(Neurontin®) et l’Ondansétron (Zophren®) – font l’objet d’études visant à
démontrer leur efficacité dans la prévention de la rechute.
En conclusion, aucune technique n’est meilleure qu’une autre, aucune
approche ne prévaut sur les autres, aucun médicament n’est suffisant à lui
seul. Ce qui est le plus important, c’est la capacité du thérapeute à créer
l’alliance thérapeutique, c’est la qualité du lien entre l’accompagnant et
l’usager, c’est que chacun trouve ce qu’il vient chercher.
73
74
COORDONNÉES
DES STRUCTURES
INTERVENANT
EN ADDICTOLOGIE
Un guide portant sur le dispositif régional de
prévention des conduites à risque, de réduction
des risques et de prise en charge des usagers
de substances psychoactives a été élaboré par la
Plateforme santé précarité du Bas-Rhin en 2012 et
réactualisé en 2013.
Vous pouvez le trouver en version papier
au CIRDD, 8 rue Gustave Adolphe Hirn
67100 Strasbourg, 03 90 40 54 30
[email protected]
à l’association ALT, 1 rue Sainte-Catherine
67000 Strasbourg, 03 88 35 61 86
[email protected]
ou en version électronique
www.alt-67.org/Guide_AddictionsWeb_2013.pdf
www.cirddalsace.fr/annuaire/guide_regional_soins_
addicto/guide_addicto_alsace.pdf
codelico.67.free.fr
Le dispositif d’appel national Adalis (drogue info
service et alcool info service) renseigne également
tout professionnel ou particulier à la recherche des
coordonnées de structures du dispositif spécialisé
en addictologie en Alsace,
par internet
www.drogues-info-service.fr
www.alcool-info-service.fr
par téléphone 7 jours/7, de 8 h à 2 h du matin
Drogues info service
0800 23 13 13
(appel anonyme et gratuit d’un poste fixe)
01 70 23 13 13
au coût ordinaire (appel depuis un portable)
Alcool info service
0980 980 930
(appel anonyme, non surtaxé)
75
BIBLIOGRAPHIE
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et politique publique
Concepts, approche globale
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78
LISTE DES SIGLES
ET ACRONYMES
AMM Autorisation de mise sur le marché
ESCAPAD Enquête sur la santé
et les consommations lors de l’appel
de préparation à la défense
HBSC Health Behaviour
in School-Aged Children
(enquête sur les comportements
liés à la santé chez les enfants
d’âge scolaire)
HCC Hôpitaux civils de Colmar
HUS Hôpitaux universitaires de Strasbourg
IDE Infirmier diplômé d’État
INPES Institut national de prévention
et d’éducation pour la santé
MCO Activité d’hospitalisation
en médecine, chirurgie, obstétrique
MILDECA Mission interministérielle
de lutte contre la drogue
et les conduites addictives
(depuis 2014)
MILDT Mission interministérielle
de lutte contre la drogue
et la toxicomanie
(jusqu’en 2013)
MJC Maison des jeunes et de la culture
OFDT Observatoire français
des drogues et des toxicomanies
OMS Organisation mondiale de la santé
PIB Produit intérieur brut
PMSI Programme de médicalisation
des systèmes d’information
PRS Projet régional de santé
RDR Réduction des risques
RTU Recommandation
temporaire d’utilisation
SAF Syndrome d’alcoolisation fœtale
SFA Société française d’alcoologie
SFGG Société française
de gériatrie et gérontologie
SROMS Schéma régional
d’organisation médico-sociale
TCC Thérapies cognitivo-comportementale
ANPAA Association nationale de prévention
en alcoologie et addictologie
ANSM Agence nationale
de sécurité du médicament
ARS Agence régionale de santé
ATIH Agence technique
de l’information sur l’hospitalisation
BTS Brevet de technicien supérieur
CAARUD Centre d’accueil et d’accompagnement
à la réduction des risques
pour usagers de drogues
CAP Certificat d’aptitude professionnelle
CDA Consommation déclarée d’alcool
CESC Comité d’éducation
à la santé et à la citoyenneté
CIPSCUS Contrat intercommunal
de prévention et de sécurité de
la Communauté urbaine de Strasbourg
CIRDD Centre d’information régional
sur les drogues et les dépendances
CH Centre hospitalier
CJC Consultation Jeunes Consommateurs
CLS Contrat local de santé
CTR Centre thérapeutique résidentiel
CSAPA Centre de soins, d’accompagnement
et de prévention en addictologie
CSSRA Centre de soins de suite
et de réadaptation en addictologie
CUS Communauté urbaine de Strasbourg
DSM Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders
(Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux)
EGS Évaluation gériatrique standardisée
ELSA Équipe de liaison
et de soins en addictologie
EMP Équipe mobile de prévention
et réduction des risques en milieu festif
79
Les visuels sont le fruit d’ateliers organisés par les structures suivantes :
- en couverture, pages 7, 44 : Peinture réalisée par Carine, Hôpital de jour d’addictologie
du Centre hospitalier de Saverne
- intérieur de la couverture : Autour du paysage, Paysage et signes,
atelier La Fabrik visuelle animé par la plasticienne Nathalie Dohlen, Hôpitaux universitaires de Strasbourg
- page 4 : Signe de Stéphanie, atelier “je tu il… nous créons” animé par LO (2014), Centre d’accueil et de soins, Alt
- page 11 : Signe de Bryan, atelier “je tu il… nous créons” animé par LO (2014), Centre d’accueil et de soins, Alt
- page 22 : Peinture de David, atelier animé par Bertrand Hirth, Centre d’accueil et de soins, Alt
- pages 30, 31 (en haut) : tableaux de Bryan, Méli, Driss, Jo, David et Stéphanie,
atelier “je tu il… nous créons” animé par LO (2014), Centre d’accueil et de soins, Alt
- pages 12, 13, 14, 32, 33, 36, 37 : Atelier de peinture, Centre d’accueil et de soins, Alt
- pages 8, 29 (en bas), 69 : L’atelier au féminin, Le Cap
- pages 16, 17, 29 (en haut), 31 (en bas) : Atelier Rep’art, CSAPA Sélestat
- page 25 : Peinture réalisée par Jonathan, atelier Rep’Art, CSAPA Sélestat
- page 27 : Les voies méso-cortico-limbiques, Centre hospitalier de Haguenau
- page 28, 50 : Peintures réalisées par des patients en hôpital de jour (2010), Centre hospitalier de Haguenau
- page 30 (en bas) : Collage, Hôpital de jour d’addictologie du Centre hospitalier de Saverne
- page 38 : Atelier photo LE LABO, Ithaque
- pages 47, 48, 62, 63 : Tom et Lisa, photo Kaufmännische Krankenhasse, Hanovre, Villa Schöpflin,
Oppelia-AFPRA Prévention des risques addictifs
- page 49 : Exposition Alcool par ci, alcool par là, création graphique Jennifer Yerkès, Strasbourg
© CIRDD Alsace et CG 67, 2009
- page 51 : Entrée du CSAPA de Sélestat
- page 53 : Atelier des saveurs, Hôpitaux universitaires de Strasbourg
- page 54 : Concours de cocktails de jus de fruits, Le Cap
- page 55 : Pictogramme Zéro alcool pendant la grossesse © INPES
- page 60 : “Notre vie est unique”, fresque collective imaginée par Catherine, Vanessa, Driss, David, Olivier, Jo ;
journée animée par le studiograph Bastien Grelot et illustrée par toutes les bonnes volontés du jour,
Journée mondiale de lutte contre le sida (1er décembre 2014), Centre d’accueil et de soins, Alt
- page 65 : photo Nicolas Busser, l’équipe mobile de prévention et de réduction des risques
en milieu festif de Strasbourg, Ithaque
- pages 66, 67 : L’équipe mobile de prévention et de réduction des risques en milieu festif de Strasbourg, Ithaque
- pages 66 (au milieu), 68 : Intervention de l’équipe mobile d’intervention en milieu festif de Mulhouse
au festival Chipo’Zik, organisé par les étudiants de l’Université de Haute-Alsace, Argile
- pages 70, 74 : Autoportrait de Jean-Christophe, atelier animé par Bertrand Hirth, Centre d’accueil et de soins, Alt
- page 75 : Atelier d’escalade, Hôpitaux universitaires de Strasbourg
- page 78 : Atelier photo animé par la plasticienne Nathalie Dohlen, Hôpitaux universitaires de Strasbourg
80
Ce guide propose des pistes visant l’appropriation par les professionnels
des champs sanitaire et social de pratiques adaptées aux besoins de chaque
consommateur d’alcool et présente des actions, des initiatives et des expérimentations spécifiques menées dans ce champ en Alsace.
L’objectif de la prévention des risques et de la réduction des dommages est
de permettre aux usagers d’alcool de mettre en œuvre des stratégies ayant pour
but d’éviter les dommages, avec ou sans poursuite des pratiques addictives. En
donnant aux usagers des éléments de réflexion et des informations adaptées à
chacun, cela leur apporte une aide pour leur permettre d’évaluer leurs prises de
risques et pour renforcer leur capacité à prendre des décisions concernant leur
santé et modifier progressivement leurs comportements. Ainsi, la perception
des dommages par le consommateur est susceptible de devenir un déclencheur
de motivation et d’être à l’origine d’une prise de conscience lui permettant
d’entrer dans une dynamique de changement.
Les principes et les objectifs de la réduction des risques et des dommages chez
les consommateurs d’alcool sont les suivants :
- s’inscrire dans un concept global de promotion de la santé et d’amélioration
de la qualité de la vie par le biais notamment du développement des compétences psychosociales ;
- favoriser un continuum allant de la prévention aux soins ;
- permettre à l’usager de mettre en œuvre des stratégies lui permettant de vivre
avec ses pratiques tout en limitant au maximum les risques et les dommages
liés à la consommation d’alcool ;
- poursuivre des objectifs pragmatiques partagés avec l’usager dans la perspective de réponses graduées et adaptées aux besoins, à la singularité, aux
contraintes, aux expériences et aux compétences de chaque individu ;
- intégrer dans l’offre thérapeutique l’usage contrôlé et l’usage à moindre
risque, en faisant de l’abstinence un choix de vie parmi d’autres et non plus
une obligation ;
- promouvoir un principe d’éducation préventive visant à répondre simultanément au caractère ubiquitaire du produit : « apprendre à faire usage de
l’alcool » et « apprendre à s’en préserver ».
Mots-clés : alcool, addiction, facteurs de risque, dommages, prévention, réduction des risques
et des dommages, réduction de consommation, repérage précoce, intervention brève, stratégies thérapeutiques
Agence régionale de santé d’Alsace
Cité administrative Gaujot 14 rue du Maréchal Juin 67084 Strasbourg
téléphone 03 88 88 93 93 [email protected]
www.ars.alsace.sante.fr

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