droit au logement opposable : ou en sommes-nous

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droit au logement opposable : ou en sommes-nous
La loi instituant le Droit au logement opposable (Dalo) du 5 mars 2007 est entrée en application très
rapidement en 2008. Cette loi répond à la crise du logement abordable et aux situations de mal logement
d’un nombre croissant de personnes démunies, mises en évidence depuis plusieurs années par les
associations.
Le droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’État aux personnes en situation régulière
sur le territoire français et qui ne sont pas en mesure d’y accéder par leurs propres moyens ou de s’y
maintenir. Ce droit s’exerce par un recours amiable, puis contentieux.
Les bénéficiaires sont les demandeurs de logement social en délai dépassé (recours contentieux à partir
du 1er janvier 2012) et, sans conditions de délai, cinq catégories prioritaires (recours contentieux au 1er
janvier 2008) ainsi que les demandeurs d’hébergement (recours contentieux au 1er décembre 2008).
Un nombre de recours déposés en augmentation (logement et hébergement)
Depuis le 1er janvier 2008, date à laquelle le recours amiable a été ouvert devant les commissions de
médiation, le nombre de recours total est de 295 313. Le rythme de dépôt est en augmentation continue : de
4 028/mois en 2008, il est passé à 5 771/mois en 2010, 6 155/mois en 2011 et 7 196 au 1er semestre 20121.
Les recours hébergement sont minoritaires : ils représentent en moyenne 15% des recours.
g Six régions concentrent toujours près de 90% des recours. La part de l’Île-de-France est stable autour
de 60% et celle de Paris autour de 15%. La part de Paca en forte augmentation représente, aux 2ème et 3ème
trimestres 2011, 14% des recours (pour 8,3% des recours en 2008 et 12,3% en 2010).
g
es commissions de médiation efficaces malgré des lourdeurs et
D
des inégalités de fonctionnement
Le rythme de traitement des dossiers par les commissions a permis de rattraper le retard des
premières années : 101,1% des dossiers déposés au premier semestre 2012 ont fait l’objet d’un accusé de
réception, 94% ont fait l’objet d’une décision.
g Le consensus est général sur le fait que les commissions de médiation sont des lieux de derniers
recours et qu’elles ne doivent pas constituer une nouvelle filière d’accès au logement. C’est également
la conception défendue par l’Union sociale pour l’habitat. Cette approche implique une instruction
approfondie des dossiers et une articulation avec les dispositifs de droit commun (Plan départemental
d’action pour le logement des personnes défavorisées - PDALPD -, prévention des expulsions, lutte contre
l’insalubrité, etc.), ce qui ne se vérifie pas toujours dans la pratique. Certaines dispositions (recueil de
l’avis des bailleurs sociaux ayant eu à connaître le demandeur, levée partielle du secret professionnel des
travailleurs sociaux…) visent à améliorer cette situation.
g
La grande diversité de pratiques entre les commissions créée un risque d’iniquité entre les territoires
qui sera peut-être réduit par les jurisprudences à venir en contentieux.
g Le dispositif est très consommateur de temps pour les bailleurs sociaux (contribution à l’instruction,
représentation dans la commission de médiation, organisation des transmissions d’information).
g
1. Les derniers chiffres du Dalo disponibles au 15 janvier 2013 sont ceux relatifs au premier semestre 2012
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LES ENGAGEMENTS DU PROJET HLM
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Contexte
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es relogements très inférieurs en nombre aux décisions favorables,
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notamment en Ile-de-France
Concernant le logement, le taux de décision favorable est stable : en 2011, il représentait 39% des
décisions dont 2% de réorientation hébergement soit un flux mensuel de 2 247 ménages reconnus
prioritaires et urgent. (36,7% en 2010). Ce taux était de 36,1% au premier semestre 2012, soit 2 211 ménages
reconnus prioritaires par mois. Ce taux est plus faible en IDF (34,1%). Les rejets représentent 55,8% des
décisions, 8% des recours déposés sont sans objet ou relogés avant commission.
g Les principaux motifs de décision favorable par la commission de médiation sont le délai dépassé (1/4
des motifs), l’absence de logement (24% des motifs) la sur-occupation (16%) suivis par l’hébergement
temporaire (13%) et de la menace d’expulsion (10%).
g Les retards de relogements sont importants et ils tendent à s’accroitre notamment dans certaines
régions. Selon le 6ème rapport du Comité de suivi Dalo, 61,7% des ménages reconnus prioritaires en 2011
et seulement 50% au 1er semestre 2012 seraient relogés ou ne seraient plus à reloger. En Île-de-France,
ces taux sont respectivement de 49% en 2011 et 33,6% au premier semestre 2012. Ils sont de 59% en 2011
et 60,9% au premier semestre 2012 en Paca. Les baisses de taux de relogement en 2012 s’observent dans
le Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine, Outre-mer.
g Le rapport du Comité de suivi Dalo évalue à 27 534 le nombre de ménages reconnus prioritaires depuis
au moins 6 mois et restant sans relogement. Ils seraient 2 933 en Paca. Les refus de proposition
d’attribution par les demandeurs sont importants : à la fin 2010 ils étaient 5 733, soit 19,4% des offres
depuis 2008. Ce taux était de 13,6% au premier trimestre 2012.
g Les relogements s’effectuent en quasi-totalité dans le parc social, essentiellement sur le contingent
préfectoral. 534 relogements ont été effectués dans le parc privé. Ce sont souvent des instances interbailleurs qui proposent les relogements et évitent une injonction préfectorale.
g
Pour les bailleurs, les principaux points d’achoppement sont les suivants :
•Les risques de concentration des ménages dans certains quartiers déjà fragilisés, à bas loyers ;
•L’importance des avis négatifs des maires, que l’État consulte de manière administrative et face
auxquels les organismes se trouvent seuls en commission d’attribution ;
•L’insuffisante mobilisation du Plan départemental d’action pour le logement des personnes
défavorisées (PDALPD) et du Fonds solidarité logement (FSL) dans l’accompagnement des
relogements bien que les textes prévoient que les commissions de médiation peuvent déterminer les
mesures d’accompagnement social nécessaires. C’est au préfet de mettre en œuvre ces mesures et
de trouver les moyens de leur financement ;
•Les ressources insuffisantes de certains ménages reconnus prioritaires pour payer un loyer. Ceci
nécessite de mieux différencier les situations relevant d’un hébergement ou d’un logement.
Les recours contre l’Etat et des astreintes en augmentation
On dénombre en 2011 :
g 3 021 recours gracieux contre décision négative de la commission (soit 5,4%en 2010).
75% concernent l’Ile-de-France ;
g 2 295 recours pour excès de pouvoir suite à décision de rejet - 89% exercés en Ile-de-France - et
1 250 jugements (16% de satisfaction et 65% de rejet) ;
g 5 591 recours Dalo pour absence d’offre, en nombre constant : 48% à Paris, 36% dans le reste de
l’Ile-de-France et le reste en méditerranée – Paca Hérault (11%) ;
g Un rythme constant de condamnation de l’État par le tribunal administratif pour non relogement :
sur 5 547 jugements rendus, 78,1% ont été rendus au bénéfice du requérant.
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Les astreintes liquidées en 2012 sont estimées à 16 millions d’euros plus 8 millions d’euros
correspondant à des ordonnances de 2011 du tribunal de Paris, reçues par le ministère en 2012. Le
projet de loi de finances 2013 provisionne 29,3 millions d’euros (dont 2,4 millions au titre des frais
irrépétibles) ;
g Une logique de l’astreinte insatisfaisante : l’astreinte Dalo a pour objectif de faire pression pour
obtenir la décision de justice de relogement. Or l’astreinte payée par l’État est prélevée sur le budget
« Développement et amélioration de l’offre de logement ». Elle alimente un fond national
d’accompagnement vers et dans le logement » géré par l’État dont le financement repose sur le nonrespect par l’État de ses obligations.
A noter également l’existence de recours indemnitaires en nombre modéré : au 30 septembre 2011,
14 requérants ont obtenu une indemnité et 20 recours ont été rejetés.
e manque d’offre, principale difficulté rencontrée dans la mise en
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oeuvre du Dalo en Ile-de-France et en Paca
Ces territoires sont ceux qui concentrent les recours au plan national et à partir desquels est appréciée
l’efficacité de la loi et de ses acteurs.
Dans ces deux régions, il existe un décalage quantitatif entre, d’une part, l’offre disponible sur le
contingent préfectoral et les accords collectifs et, d’autre part, les ménages à reloger au titre du Dalo,
malgré la mobilisation des bailleurs sociaux : abondement du contingent préfectoral dans les deux régions
et en Ile-de-France, prise en compte dans les Conventions d’utilité sociale (Cus) de l’objectif de l’Etat de
consacrer 15% des attributions aux ménages Dalo, travaux visant à harmoniser les attributions en faveur
des ménages prioritaires. La contribution du parc réservé au 1% Logement (25% de ce contingent) au
relogement des salariés reconnus prioritaires permet de dégager des marges de manœuvre
complémentaires qui restent également insuffisantes par rapport aux besoins.
Une mobilisation inégale des collectivités territoriales
L’un des effets positifs du Droit au logement opposable est de révéler les difficultés de logement liées soit au
décalage entre l’offre et la demande de logement abordable (en Ile-de-France et dans quelques grandes
agglomérations) soit aux dysfonctionnements des dispositifs d’aide à l’accès dans le logement. La mobilisation
des collectivités est indispensable pour apporter des réponses à ces difficultés. L’expérience de Rennes en
témoigne : la commission de médiation d’Ile-et-Vilaine n’a reçu qu’un nombre très limité de dossiers.
Cette mobilisation commence à se manifester sur certains territoires au travers de la relance par l’Etat de
dispositifs partenariaux : plan départemental d’action, pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD),
prévention des expulsions, lutte contre l’insalubrité, etc. Certains établissements publics de coopération
intercommunale (Tours, Lille, Poitiers) envisagent la signature d’un accord intercommunal d’attribution qui leur
permettra de siéger dans la commission de médiation et d’influer sur les modalités des relogements.
Cependant, en règle générale, il n’y a pas suffisamment d’anticipation ni d’objectivation des besoins de
production ou d’intervention sur le parc existant liés au mal logement, par exemple dans les PLH, et qui
permettraient de limiter la mise en œuvre du Dalo dans les années à venir.
Point de vue l’Union sociale pour l’habitat
Dès avant la publication de la loi : le Mouvement Hlm a souligné qu’il entendait jouer - et qu’il jouait déjà
- un rôle essentiel pour le logement des publics en situation d’exclusion ou en grande difficulté sociale.
g
Il prend note de l’obligation de résultat qu’implique la loi mais entend également conserver une vocation
large d’accueil de l’ensemble des ménages qui ne trouvent pas à se loger aux conditions du marché.
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Si la mise en œuvre du Dalo est effective dans la plupart des régions, dans les régions très tendues
comme l’Île-de-France ou PACA, où l’offre de logements locatifs sociaux est très insuffisante, le
Mouvement Hlm précise qu’il ne peut à lui seul atteindre ces objectifs. Sur ces territoires, il est
indispensable de changer d’échelle et d’inventer des solutions complémentaires. À défaut, on tomberait
inévitablement dans le risque de constitution, ou de reconstitution de ghettos, ce qui entrerait en
contradiction avec les objectifs poursuivis au travers de la politique de rénovation urbaine. Le développement
d’une gamme d’offre diversifiée, en particulier le recours à l’intermédiation dans le parc privé existant,
est en conséquence une condition de réussite de la loi sur les territoires où cette offre diversifiée fait
défaut. Il importe que les ménages reconnus prioritaires au titre du Dalo puissent être relogés sur les
communes qu’ils demandent, y compris si elles ne disposent pas de logements sociaux : charge à elles de
mobiliser les moyens permettant la mise en place de solutions répondant à ces demandes.
g La mise en œuvre pertinente de la loi doit amener les acteurs impliqués à mettre en place les réponses
qui limiteront les recours par des actions cohérentes de : développement d’une offre, et de gestion du
droit au logement (examen partenarial des situations difficiles, mobilisation d’outils de solvabilisation,
d’accompagnement, d’intermédiation etc.). Ceci suppose un renforcement des partenariats sur les
territoires entre EPCI compétents en matière de politiques locales de l’habitat, communes, conseils
généraux, bailleurs sociaux et bailleurs privés, associations d’insertion, collecteurs 1%, etc. Les
organismes prennent l’initiative pour ce qui les concerne en renforçant les partenariats avec les
associations d’insertion pour faciliter la sortie des structures et l’accompagnement social.
g S’agissant du fonctionnement du dispositif de recours, on constate une forte implication des bailleurs sociaux
dans ce dispositif, qui est très consommateur de temps pour eux, et qui doit être conforté dans la durée. Il est
nécessaire de toujours mieux objectiver les décisions pour garantir l’égalité de traitement et limiter l’effet «
filière d’accès au logement ». En contrepartie, il convient de mieux aider les requérants dans leur démarche.
g
Dalo - Les chiffres de janvier à juin 2012
Au premier semestre 2012, 48 181 recours ont été déposés (38 180 recours logement et 5 001 recours hébergement),
très inégalement répartis sur le territoire. Concernant les recours logement, la situation est la suivante : en Île-deFrance, ils s’élèvent à 21 195 soit 57,5% des recours (alors que la région ne représente que 18% de la population) et 5
201 à Paris (13,6%). La seconde région qui compte le plus de recours est Paca, avec 5 972 recours déposés, notamment
dans les Bouches-du-Rhône (3 156), dans le Var (1 339) et les Alpes-Maritimes (1 055). 4 autres départements
enregistrent plus de 100 recours par mois : Haute-Garonne (291), Nord (214), Rhône (181), Hérault (142). 14 départements
enregistrent entre 30 et 100 recours par mois (La Réunion, Isère, Gironde, Vaucluse, Loire-Atlantique, Haute-Savoie,
Bas-Rhin, Côte-d’Or, Pyrénées-Atlantiques, Seine-Maritime, Pas-de-Calais, Oise, Somme, Gard).
g
Recours logement :
•Recours examinés : 38 237 (100% des recours déposés) ;
•Décisions favorables : 13 271 (36,1% des dossiers examinés) ;
•Rejets par la commission de médiation : 21 343 soit 55,8% des recours examinés ;
•Nombre total de personnes logées (solution trouvée indépendamment de la mise en œuvre de la décision de la
commission + logement suite à décision commission + solution trouvée avant passage en commission de
médiation) : 8 128 soit 21% des ménages ayant déposé un recours et 64% des décisions favorables de ménages
n’ayant pas refusé l’offre ;
•Refus de propositions par le demandeur : 741 soit 13,7% des offres.
g
Recours hébergement :
•Recours examinés : 4 997 soit 99,9% des recours déposés ;
•Décisions favorables : 2 180 soit 43,6% des recours examinés. ;
•Total personnes hébergées : 538 (suite à offre + hébergement indépendamment de la mise en œuvre de la
décision de la commission), soit 10,7% des recours déposés et 24,6% des décisions favorables ;
•Refus d’offre : 161 soit 22,4 % des offres.
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