Deux genres et une personne. Rencontre. Partie 1

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Deux genres et une personne. Rencontre. Partie 1
Deux genres et une personne.
Rencontre. Partie 1
Hugues et Hélène* sont une seule et même personne depuis
toujours. Pourtant, l’un et l’autre ne peuvent pas exister
ensemble ouvertement. Hugues considère que vivre ce qu’il vit
est une richesse. Comment parler de cette unité duale ?
Équilibre masculin-féminin, questions de dressing, la féminité
questionnée et remise en question, voici le meilleur de cette
rencontre.
Manifesto XXI- Tu es un « cross-dresser », tu te sens femme
sans vouloir recourir à une opération. Transgenre hétérosexuel
donc mais pas transsexuel. Est-ce que j’ai bien résumé la
situation ?
Je porte des vêtements de fille quand je suis Hélène, et de
garçon
quand je suis Hugues. Et surtout, je ne suis NI
travesti, NI cross-dresser, NI transgenre, NI transsexuel, NI
intersexué. Je suis, c’est une évidence pour celles qui me
connaissent sous Hélène et Hugues, ou sous Hélène ou Hugues,
une FILLE aussi. Je me sens femme plus qu’homme, je pense
femme même quand je ne suis pas habillée en « Elle ». Mes
tests cérébraux évoluent et sans trucage, sous réserve de
fiabilité, semblent indiquer qu’il [mon cerveau] est nettement
plus féminin que masculin.
Manifesto XXI- Pourquoi tu refuses toutes ces propositions ?
Tu considères que c’est un raccourci trop facile ?
Je les refuse car je ne me classe dans aucun de ces termes. Il
y a en effet beaucoup de préconçus… Je ne me retrouve pas
dans des sites comme XXY, que je consulte de temps en temps.
Je continue à croire que les deux sont en moi. Comme a dit Lao
Tseu « Celui qui connaît la virilité, mais contient la
féminité, deviendra un bassin où s’accumule toute la force du
monde. » Je ne me vois plus autrement qu’en femme, mis à part
les hanches. J’assume, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Manifesto XXI- Tu définis ton expérience personnelle comme une
chance et une richesse, pourtant composer avec l’un et l’autre
ne doit pas être facile au quotidien. Quels sont selon toi les
plus gros enseignements de cette double identité ? Est-ce que
ça permet d’accéder à une sorte de « conscience augmentée » ?
J’ai de plus en plus de mal à composer avec l’un et l’autre,
car comme indiqué ci-dessus, je me vois et pense Femme en
permanence. Hugues est une façade qui cache Hélène. Mais cette
double identité m’apporte la CHANCE de passer de l’autre côté
du miroir et de vivre dans le monde féminin dans lequel je
suis bien. Les photos de moi en Hélène sont pour moi des
« conserves » avec lesquelles je vis quand je ne peux sortir
en tant que telle. Ce sont des souvenirs extraordinaires. J’ai
connu très très peu de soucis, et j’ai cette chance d’être
heureux-se…
Manifesto XXI- Naïvement on pourrait se poser cette question
de « pourquoi ? », qu’est-ce qui amène à envisager cette
transformation ? Qu’est ce qu’il y a de si attirant dans notre
conception de la féminité ?
En fait, je ne me transforme pas. Je vis une autre vie et, je
ne m’habille pas en fille, j’en suis une. Je refuse d’être une
caricature. J’ai eu de vrais échanges d’une grande richesse
avec des lesbiennes qui sont d’une tolérance extraordinaire…
Elles me considèrent à 100% comme femme, car elles comprennent
que ce sont les actes qui font de moi une femme. Me fondre
dans la masse est pour moi une réussite du fait que je suis
une fille. Et vue comme telle.
Les attributs qui sont attachés à la féminité ne font, à mes
yeux, que la sublimer. Robe, jupe, pantalon, chaussures,
coiffure et maquillage, ne font pas la féminité mais y
contribuent. Sauf que, pour moi, une Femme peut se passer de
cela pour être belle.
On parlait du film « Une nouvelle amie » de François Ozon,
justement Duris a fait un gros travail pour ne pas être un
cliché. Il y en a tellement comme Tootsie, incarné par Dustin
Hoffman qui n’a pas hésité à se promener à NY en femme.
Tootsie (1982) avec Dustin
Hoffman, réalisé par Sydney
Pollack.
La Femme et la Féminité me fascinent et je suis certaine que
le Monde serait différent si les femmes avaient plus de place
pour le gérer. Si j’utilise un lieu commun, les va-t-en-guerre
sont les hommes même si ce n’est bien sûr pas une règle. Si
les femmes étaient plus au pouvoir, il y aurait moins de
rivalités exacerbées.
Le masculin représente, pour certains « hommes » du moins,
mais hélas toujours trop nombreux, ce que Hugues n’est pas :
vulgaire […], misogyne, violent, vantard […], buveur,
ignoble (quand j’ai vu récemment que des « ordures » ont
diffusé sur internet, des vidéos d’eux soulevant des jupes de
filles dans un magasin, les sifflant, les importunant, les
abreuvant de phrases à connotations sexuelles,… j’ai HONTE !),
viril (la sacro-sainte virilité qui pousse souvent à être
homophobe… et qui, pour être « prouvée aux autres », pousse à
des actes ou prises de positions débiles.)…. Quand je lis que
ce sont des députés hommes, en Angleterre et en France, qui
refusent de baisser la TVA des produits hygiéniques féminins
de 20 % à 5 %, je trouve cela pitoyable. La mousse à raser à
5,5 %, tampons et serviettes à 20 % ! Car pas de première
nécessité !! Mais c’est quand même débile cette taxe, et cela
est-il logique ?
La Féminité ! Aaaah la Féminité ! Tout ce que je trouve beau
dans ce Monde de fou. Le contraire de la masculinité, et c’est
elle qui m’attire […] pour ce qu’elle m’apporte comme
sérénité, comme bien-être, comme BONHEUR !
Manifesto XXI- Alors, autre question naïve, puisque le monde
serait meilleur avec des femmes à sa tête : pourquoi ça ne se
passe pas selon toi ?
Il y a une vraie réticence de l’homme à reconnaître que la
femme a autant de capacités. C’est un frein à l’évolution du
monde et de la société. […] Certes, nous ne sommes pas
physiologiquement pareils. Mais certaines sociétés ont tout
compris de la différence et de la complémentarité entre les
sexes.
Manifesto XXI- Voilà la Grande Question qu’il me tarde de te
poser : c’est quoi la masculinité et la féminité aujourd’hui
selon toi ? C’est quoi cette dualité au-delà des clichés ?
Le masculin dans notre société c’est « soit un homme mon
fils ». Je ne l’ai jamais rejeté, je jouais aux jeux de garçon
par exemple… Mais j’ai toujours eu une forte attraction pour
le féminin, à l’époque le féminin était de l’autre côté de la
cour comme l’école était non mixte. J’avais 2 frères, les
filles étaient le grand mystère. Je n’avais aucune référence
féminine sauf ma mère, cette recherche de comprendre ce qui se
passait dans une femme était un mystère. […] Gamin, je pensais
qu’on distinguait une fille d’un garçon par la longueur de ses
cils !
Un homme a plus de contraintes, la société met plus de
contraintes sur un homme. Les femmes en ont aussi mais elles
sont différentes, un homme ne pouvait pas pleurer (avant). La
plus grosse différence c’est que l’homme ne peut pas donner la
vie. J’ai relevé un défi lancé en 2009 par des amies d’un
forum féminin : vivre une grossesse en tant et en même temps
qu’une femme. Je l’ai fait sérieusement, le grotesque pour la
femme jamais. J’ai vécu ces 9 mois d’une intensité forte, je
ressentais vraiment quelque chose puisque j’ai même dormi avec
un faux-ventre… et « accouché par voie basse ».
Il faut remettre en question la culture de la performance qui
pèse sur l’homme. Mon prénom féminin vient du prénom d’une
fille dont j’étais tombé amoureux. C’était une féminité que je
n’assumais pas, et qui est à l’origine de beaucoup d’échecs
amoureux. Les filles me traitaient de romantique, ça ne
plaisait pas. On a fait des progrès depuis mais la culture du
porno hélas reste très présente. Je pense que les hommes
seraient plus heureux en acceptant leur féminité. On pense
très inconsciemment la féminité qui est en nous. Si l’homme
arrivait à l’admettre, il vivrait autrement et comprendrait
beaucoup mieux les femmes.
À suivre !
*Les prénoms ont été changés. Les opinions présentées dans cet
article ne traduisent pas forcément celles du magazine, et
vous avez bien sûr le droit de réagir.