Unsyndicalisterefuse d`êtremisaupiquet

Transcription

Unsyndicalisterefuse d`êtremisaupiquet
LIBÉRATION VENDREDI 10 AOÛT 2012
ECONOMIEXPRESSO
Unsyndicalisterefuse
d’êtremisaupiquet
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11
+0,54 % / 3 456,71 PTS
2 168 519 358€ -13,95%
Les 3 plus fortes
LVMH
AXA
L OREAL
Les 3 plus basses
UNIBAIL-RODAMCO
GDF SUEZ
EDF
SOCIAL Licencié en janvier pour un motif contestable, Jean-Marc
Massemin lutte pour sa réintégration chez Axter, filiale de Bouygues.
13 134,05
3 009,55
5 851,51
8 978,60
-0,32 %
-0,06 %
+0,10 %
+1,10 %
L’HISTOIRE
PÔLE EMPLOI BROUILLÉ
AVEC UN SAUNA LIBERTIN
«Le candidat est résistant aux variations importantes de
températures, discret, ouvert d’esprit et à l’écoute.» Cette
phrase, tirée d’une offre d’emploi pour un poste d’agent
d’accueil dans un sauna libertin, aurait choqué Pôle
Emploi. Le 28 juin, un salarié aurait refusé d’afficher
l’annonce et répondu à Guillaume de Thomas, l’adminis­
trateur de l’Equatorial Sauna à Evreux, ne pas prendre
d’offres «pour ce genre d’établissements». Pour l’adminis­
trateur, qui compte «aller devant le tribunal», il s’agit
d’une discrimination en raison de l’activité de sa société.
Pourtant, depuis quelques mois, le directeur régional de
Pôle Emploi en Haute­Normandie, Thierry Lemerle, tente
de le faire changer d’avis, évoquant un «malentendu» ou
un «désaccord sur le libellé» qui peut «laisser entendre
que l’employé ne doit pas être choqué d’avoir des activi­
tés libertines». Pour calmer la polémique, l’établissement
public a proposé de nouvelles «offres conformes au droit
du travail». Même le ministère du Travail aurait passé
quelques coups de fil à l’administrateur du lieu libertin.
Sans succès.
Jean­Marc Massemin, délégué CGT licencié, chez lui, à Estrées, le 26 juillet. PHOTO OLIVIER TOURON
iré pour syndicalisme
actif ? Jusqu’en janvier, Jean-Marc Massemin était délégué syndical
et ouvrier bobineur dans
l’usine Axter, une filiale de
Bouygues qui fabrique des
rouleaux d’étanchéité en bitume à Courchelettes (Nord).
Le genre combatif, meneur
de grèves. Aujourd’hui, il se
bat pour réintégrer le site.
Pétition. La direction l’a accusé de vol en 2008, et l’a licencié trois ans plus tard, au
terme d’une bagarre homérique avec l’administration.
Entre-temps, une grève a eu
lieu contre son licenciement,
la Ligue des droits de
l’homme l’a soutenu, Martine Aubry et le président de
la région Nord Pas-de-Calais,
Daniel Percheron, ont signé
une pétition en sa faveur. En
mai, le délégué a cru qu’il
avait gagné, quand la cour
d’appel de Douai a remis en
cause l’autorisation de le licencier. Et puis, patatras, fin
juillet, la direction introduit
un recours devant le Conseil
d’Etat. «J’en ai merre», confesse Massemin avec cet accent de Douai qui écrase
les A.
Que s’est-il passé? Ça commence en 2008, un jour de
grève, raconte-t-il. Un soir,
il se présente au poste de
V
garde avec quatre rouleaux
de bitume déclassés dans sa
voiture. Un usage, à l’époque. Les ouvriers ont le droit
de se servir, en échange
d’un «bon de sortie». Chez
lui, il a fabriqué une terrasse
ombragée avec ce bitume au
sol. Ce jour-là, il n’a pas de
bon. «Il t’en faut un», lui dit
le planton de garde. Massemin part chercher le papier. Trop tard. Un agent de
maîtrise lui annonce une
plainte contre lui pour vol.
Valeur des 32 m2 de bitume:
«30 euros», dit-il. Les gendarmes le convoquent. Veulent prélever son ADN.
«Vous rigolez ? Pas question,
je ne suis pas un assassin.» Il
pense très vite à une «mise
en scène» pour justifier un
licenciement.
De fait, la plainte est classée
sans suite, mais la direction
demande à l’inspection du
travail une autorisation de le
licencier, comme la loi
Mer du Nord
40 km
BELGIQUE
UE
PAS-DECALAIS
Lille
NORD
Courchelees
SOMME
AISNE
l’exige quand il s’agit d’un
syndicaliste. Avis de l’inspecteur : négatif. L’entreprise dépose un recours
auprès de la direction du travail : encore négatif. Au ministère, idem. Jean-Claude
Massemin est toujours salarié et délégué syndical, et
même de plus en plus populaire dans l’usine. Aux élec-
ministère refuse aussi le licenciement.
Président. En janvier dernier, pourtant, le ministère
accepte le licenciement
auquel il s’était opposé
en 2009. «L’ombre de Martin
Bouygues [proche du président de la République de
l’époque, ndlr] plane sur cette
usine», accuse la CGT, qui
fait appel. Jean«L’ombre de Martin Bouygues Marc Massemin
est donc viré le
plane sur cette usine.»
17 janvier. EnLa CGT
tre-temps, nouveau rebondistions
professionnelles sement : saisie par la CGT, la
de 2010, il remporte 80% des cour d’appel de Douai casse
suffrages chez les ouvriers. la décision du tribunal admiEn février 2011, coup de nistratif de Lille en mai. Austhéâtre, le tribunal adminis- sitôt, la direction tape plus
tratif de Lille, saisi par la haut, au Conseil d’Etat.
direction, annule le refus de Aujourd’hui, Massemin peut
licenciement. Deuxième gagner, à condition de l’emprocédure. L’entreprise saisit porter au Conseil d’Etat conencore l’inspecteur du tra- tre l’entreprise, et, devant le
vail. Nouveau refus, cette fois tribunal administratif de
au motif qu’en 2010 un Lille, contre le ministère. Les
ouvrier a quitté l’usine avec deux procédures peuvent
des rouleaux de toile sans durer des années. La direcque la société porte plainte tion, qui n’a pas souhaité
pour vol. Pourtant, depuis nous répondre, a, elle, obl’affaire Massemin, il était tenu ce qu’elle voulait.
interdit de sortir quoi que ce A 53 ans, Jean-Marc Massoit de l’usine. L’inspecteur semin, le syndicaliste le plus
y voit le signe que l’entre- virulent, est dehors. Il pointe
prise a sanctionné Massemin à Pôle Emploi.
parce qu’il était syndicaliste.
De notre correspondante dans
La direction du travail du
le Nord HAYDÉE SABÉRAN
9 milliards
C’est, en euros, la valeur de la marque Ikea. Hier, la fon­
dation Interogo, propriétaire des droits intellectuels du
géant de l’ameublement suédois, a cédé à ce prix la mar­
que à une des filiales de la société, Inter Ikea System.
L’objectif est de «consolider et de simplifier la structure du
groupe», a dit le directeur de la communication, Anders
Bylund. Cette transaction «n’a pas d’effets externes», sauf
de chiffrer la valeur d’Ikea pour la première fois.
«Paradoxalement, le succès de mon
enseigne, qui est basée sur les prix bas,
témoigne d’un mauvais signe pour
l’économie. On est rentré dans un processus
de fragilisation de la consommation.»
Michel­Edouard Leclerc
patron du groupe de distribution du même nom
GAZ Le gouvernement a annoncé hier que le paiement
de la facture rétroactive sur
les tarifs du gaz (environ
38 euros par foyer se chauffant au gaz) serait étalé à
partir de décembre sur une
période de dix-huit mois,
précisant le dispositif déjà en
partie dévoilé par GDF Suez.
NUCLÉAIRE Les anomalies
découvertes dans la cuve
d’un réacteur nucléaire en
Belgique devraient conduire
au contrôle de toutes les installations similaires dans
l’Union européenne, de
l’avis de la Commission.
BCE Quelque 82% des investisseurs européens pensent
que les banques auront
besoin dans les deux ans
d’un nouveau prêt exceptionnel de la BCE sur trois
ans, selon une étude de
l’agence Fitch.