ASTRONotes - Destination Orbite

Transcription

ASTRONotes - Destination Orbite
ASTRONotes
Volume 5 – Numéro 3 (Juillet 2011)
SOMMAIRE
ACTUALITE
CCDev2 ........................................................................................................................
Falcon Heavy .................................................................................................................
Un astronaute à la retraite ................................................................................................
Le Christopher Kraft MCC ..................................................................................................
Contrats signés ...............................................................................................................
La grosse surprise Voyager .................................................................................................
Osiris REx sélectionnée .....................................................................................................
Vesta en vue ..................................................................................................................
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EVENEMENT
A la découverte de Jupiter ......................................................................................................... 6
DOSSIER
La navette à la retraite.............................................................................................................. 8
En couverture : Lancement de la navette Endeavour en février 2000 pour la mission STS-99 – Photo NASA
AstroNotes est un bulletin d’informations trimestriel en complément du site « Destination Orbite ».
AstroNotes sortira le 01/01, 01/04, 01/07, 01/10 et sera téléchargeable au format PDF.
Juillet/Septembre 2011
ASTRONotes
ACTUALITE
800 kN. Chacun des étages sera équipé de 9
moteurs Merlin 1D fournissant une poussée unitaire
de 622 kN. Ce super lourd n’atteindra pas
cependant les proportions gigantesques de la Saturn
V. Sa taille restera dans les normes actuelles
puisque sa hauteur maximale sera de 62 m et le
diamètre de la coiffe sera de 5,2 m.
CCDev2
Photo Sierra Nevada
La Nasa a attribué
quatre accords dans
la seconde étape de
l’effort CCDev 2
(Commercial Crew
Development).
Chaque compagnie
recevra entre 22 et
92,3 millions $ afin de
développer un
système de transport spatial habité qui prendra la
relève de la navette dont la mise à la retraite
définitive est prévue cet été.
Un astronaute à la retraite
Photo Nasa
C’est lui-même qui l’a
annoncé lors d’une
conférence,
l’astronaute Mark
Kelly, le dernier
commandant de bord
d’Endeavour, prendra
sa retraite de la Nasa
et de la Marine à
compter du 01
octobre prochain. Après avoir été pilote de chasse
pendant l’opération « Tempête du Désert » puis
effectué des missions de combat depuis l’USS
Midway, Mark Kelly dépose sa candidature pour
devenir astronaute à la Nasa. Il est sélectionné
comme pilote en avril 1996 en même temps que son
frère jumeau Scott Kelly. C’est en décembre 2001
qu’il fait son baptême de l’espace à bord
d’Endeavour. Il s’envole ensuite à 2 autres reprises
en 2006 et 2008 à bord de Discovery. Il est
sélectionné une dernière fois pour la mission STS134 Endeavour qui s’est terminée en mai dernier.
Ces quatre lauréats sont :
Blue Origin (22 millions) qui travaille sur un vaisseau
bi-conique, le New Shepard, qui doit décoller et
atterrir verticalement;
Sierra Nevada Corporation (80 millions) qui
développe un petit avion orbital qui pourrait faire
ses premiers vols dès 2014 et qui serait lancé par
une Atlas V ;
SpaceX (75 millions) qui envisage de transformer son
cargo inhabité Dragon en vaisseau habité à lancer
grâce à la fusée Falcon 9;
Boeing (92,3 millions) qui travaille avec Bigelow
Aerospace pour le développement du vaisseau CST100 du même type qu’Orion et qui pourrait être
lancé par Delta IV ou Atlas V.
Falcon Heavy
Son choix s’explique par l’attentat dont a été
victime son épouse Gabrielle Gifford en janvier
dernier. Même si elle semble bien s’en remettre, il
reste encore toute une éducation qui devra durer
plusieurs mois, notamment pour retrouver
totalement les facultés auditives.
Photo SpaceX
Le 05 avril dernier,
SpaceX a fait
sensation en
annonçant la mise en
service pour 2013 de
Falcon Heavy, un
lanceur qui défie
toute concurrence. Il
sera capable de
placer 53 tonnes sur
une orbite de 200 km inclinée de 28,5° ou 19,5
tonnes sur l’orbite de transfert géostationnaire pour
seulement 125 millions de dollars. Pour un prix
supérieur, la concurrence atteint difficilement la
moitié des performances de Falcon Heavy.
Le Christopher Kraft MCC
Photo Nasa
A l’heure où la Nasa
s’apprête à tourner
l’une de ces plus
belles pages des vols
habités, l’Agence
Spatiale américaine a
baptisé le centre de
contrôle de mission
du nom de l’un de ces
directeurs de vol.
L’annonce a été officialisée le 14 avril dernier par le
directeur du Johnson Space Center, l’ancien
astronaute Michael Coats. Le Mission Control Center
Pour arriver à de telles performances, SpaceX
compte sur sa Falcon 9 qui a fait ses preuves lors de
ses deux premiers vols l’an dernier. A l’instar de
Delta IV Heavy, son premier étage sera triplé,
offrant une puissance au décollage de quelques 16
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Juillet/Septembre 2011
ASTRONotes
une Chang-Zheng 2D du satellite de télédétection
VRSS-1.
a reçu le nom de Christopher Kraft. Kraft n’est ni
plus ni moins que le premier directeur de vol du
programme des vols habités américains.
SpaceX
31/05/2011 : Thaïcom choisit SpaceX pour la mise
sur orbite de son 6ème satellite Thaicom (3,2 tonnes)
par une Falcon 9 dans le courant de l’année 2013.
A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, il a
rejoint le National Advisory Committee for
Aeronautics, précurseur de la Nasa. Il rejoint
ensuite l’Agence Spatiale à sa création dès 1958. Il
occupe une fonction au sein du Space Task Group
qui a mis au point et géré le programme Mercury, le
premier destiné à envoyer un homme dans l’espace.
En 1962, il passe du Langley Research Center pour
rejoindre le centre spatial de Houston pour
développer les installations et les technologies
nécessaires pour la gestion de vols habités. Si les
missions Mercury sont gérées depuis Cap Canaveral à
travers le Mercury Control Center, c’est à partir de
la seconde mission habitée Gemini (en 1965) que le
Mission Control Center devient opérationnel.
Sea-Launch
02/06/2011 : Transfert du contrat Intelsat 18 (3,2
tonnes) depuis Land-Launch vers Sea-Launch. Ce
sera le premier lancement de Zenit 3SL depuis la
restructuration de la société Sea-Launch l’an
dernier. Il est prévu dans le courant du second
semestre 2011.
La grosse surprise Voyager
Photo Nasa
Trente-quatre ans
après leur lancement,
les sondes Voyager
envoient encore des
informations
essentielles sur le
système solaire.
Depuis qu’elles sont
entrées dans la limite
de l’héliosphère,
respectivement en 2007 pour Voyager 1 et 2008
pour Voyager 2, les sondes ont envoyé une série
d’informations qui intriguaient les chercheurs. Ces
derniers s’attendaient à une nette séparation entre
l’héliopause et le milieu interstellaire. Hors, il n’en
est rien. Grâce à des simulations informatiques, les
chercheurs ont trouvé une explication. En avant de
sa marche, le bouclier solaire serait constitué de
bulles magnétiques hétérogènes de 150 millions de
km, soit la distance Terre/Soleil, à l’instar d’une
mousse de bain. A ce jour, Voyager 1 se trouve à
17,4 milliards de km du Soleil contre 14,2 pour
Voyager 2. Il leur faut environ 13 heures pour
envoyer un signal aux trois antennes de 64 m du site
de Goldstone.
Durant le programme Apollo, Kraft devient le
Director of Flight Operations et prend en charge de
la planification des missions, de l’entraînement et
de la gestion des missions. En 1972, il devient le
directeur du Johnson Space Center jusqu’en 1982
après les premiers vols d’essai de la navette.
Depuis, il est devenu consultant aérospatial auprès
des compagnies comme Rockwell International ou
IBM.
Contrats signés
Arianespace
13/04/2011 : Ariane 5 lancera Astra 2E (6 tonnes)
pour le compte de l’opérateur luxembourgeois SES
Astra dans le courant du second trimestre 2013.
27/04/2011 : Signature du contrat pour le
lancement en 2013 par Ariane 5 d’ABS 2 (6 tonnes)
pour le compte de l’opérateur Asia Broadcast
Satellite.
04/06/2011 : Suite à l’échec de GSLV, l’ISRO
transfère le lancement du satellite GSat 7 à
Arianespace.
21/06/2011 : Nouveau contrat avec l’opérateur SES
Astra pour le lancement du satellite Astra 5B (5,8
tonnes) vers la mi-2013.
Osiris REx sélectionnée
ILS
05/04/2011 : ILS et Mitsubishi Electric Corporation
ont annoncé la signature du contrat de lancement
des satellites Turksat 4A (fin 2013) et Turksat 4B
(début 2014) par une fusée Proton pour le compte
de l’opérateur Turksat AS.
25/05/2011 : Proton lancera courant de l’année
2012 le satellite de télécommunications Echostar
XVI (6,6 tonnes) au décollage.
Photo Nasa
La Nasa vient de
sélectionner une
nouvelle mission dans
le cadre du
programme NewFrontier. Il s’agit
d’OSIRIS REx (Origins
Spectral
Interpretation
Resource
Identification Security Regolith Explorer). Cette
CGWIC
27/05/2011 : CGWIC a signé avec le Venezuela un
contrat pour la construction et le lancement par
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ASTRONotes
sonde sera lancée en septembre 2016 avec pour
objectif de récolter des échantillons de l’astéroïde
1999 RQ36 dont le diamètre avoisine les 575 m. Les
scientifiques pensent qu’il pourrait contenir des
matériaux organiques primitifs, susceptibles d'avoir
été disséminés sur Terre, créant ainsi les conditions
de l'apparition de la vie. La quantité d’échantillon
sera faible puisqu’elle ne sera que de 60 grammes.
Soixante grammes qui seront ramenés sur Terre en
2013.
EN BREF
Trou d’ozone record
Envisat, le satellite
environnemental de l’Agence
Spatiale Européenne, a mesuré en
mars dernier le taux le plus bas en
concentration d’ozone dans la
couche atmosphérique surplombant
l’Arctique. Cette baisse record a été provoquée
exceptionnellement par des vents violents, connus sous le
nom de vortex polaire, qui ont isolé la masse
atmosphérique au-dessus du Pôle Nord et l'a empêchée de
se mélanger à de l'air dans les latitudes moyennes.
Photo ESA
Vesta en vue
Photo Nasa
Dawn arrivera dans
quelques jours à
destination. La sonde
américaine, lancée en
2007, doit se placer
en orbite autour de
Vesta, un astéroïde
de 530 km de
diamètre environ. Il
est l’un des plus
grands représentants de la ceinture d’astéroïdes
séparant les planètes telluriques des géantes
gazeuses.
ALOS est perdu
Le satellite japonais ALOS (Advanced
Land Observing Satellite) est perdu.
Pour des raisons encore inexpliquées,
le satellite dédié à l’observation de
la Terre a subi le 22 avril dernier une
perte de puissance soudaine.
Photo Jaxa
En attendant la mise sur orbite prévue pour le 16
juillet, Dawn prend régulièrement des clichés à
l’aide de sa caméra de navigation comme en
témoigne ce cliché pris le 23 juin dernier à 155000
km de distance. Dawn doit étudier toutes les
caractéristiques de Vesta pendant 1 an. Après quoi,
elle partira à la rencontre de sa seconde cible, la
planète naine Ceres, une autre représentante de la
ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter.
Elle s’y placera sur orbite en février 2015.
2004.
Photo rian.ru
Roskosmos change de tête
Roskosmos a un nouveau patron. Il
s’agit de Vladimir Popovkine. Agé de
54 ans, il était responsable des
Troupes spatiales russes, la
composante spatiale de l’armée
russe. Il remplace Anatoli Perminov
qui était à la tête de l’agence depuis
Albert Einstein
La Suisse a choisi Albert Einstein
comme nom de baptême pour le
quatrième cargo de ravitaillement
européen ATV. Elle a choisi ce nom
en raison de la contribution
d’Einstein pour son esprit d’ouverture
dans la perception de l’Univers. Bien que d’origine
allemande, Einstein a passé les premières années de sa
carrière en Suisse. L’ATV 4 sera lancé par Ariane 5 en
2013.
Photo ESA
ANNONCE
Courant de l'été, une nouvelle rubrique fera son
apparition sur "Destination Orbite".
"Questions/Réponses" permettra aux visiteurs de
trouver la réponse à toutes les questions que les
internautes se posent sur l'espace. Envoyez dès à
présent vos questions à
Journée internationale des vols spatiaux habités
En l’honneur du 50ème anniversaire du vol de Youri
Gagarine le 12 avril dernier, les Nations Unies ont voté
lors de l’Assemblée Générale du 07 avril, la résolution
A/RES/65/271 déclarant le 12 avril comme étant la
journée internationale des vols spatiaux habités.
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?sym
bol=A/65/L.67
SAVIEZ VOUS QUE
Fin de mission pour l’ATV 2
Le cargo européen ATV 2 – Johannes Kepler – a terminé sa
mission. Après s’être amarré à l’ISS le 24 février dernier,
l’ATV a permis le ravitaillement en fret, ergols et autres
outillages mais également la rehausse de l’orbite de l’ISS.
Le 21 juin dernier, il s’est désamarré avant de se
désintégrer dans les couches atmosphériques.
Io, la lune volcanique de Jupiter, produit chaque année
environ cent fois plus de lave que tous les volcans
terrestres réunis.
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ASTRONotes
EVENEMENT
A la découverte de Jupiter
Dans quelques semaines, une fusée
Atlas s’élancera de Cap Canaveral
avec à son bord Juno, une nouvelle
mission d’exploration de la géante
Jupiter
gravitationnelle avec la Terre en octobre 2013 pour
donner le coup de pouce final. Il faudra encore
attendre un peu moins de 3 ans pour que Juno
arrive à destination. La sonde freinera ensuite sa
course de façon à pouvoir être happée par
l’attraction de Jupiter. Juno se placera ensuite sur
une orbite elliptique à forte inclinaison qui devrait
l’amener à survoler les pôles de la planète.
De retour autour de Jupiter
Un an d’étude de Jupiter
S
i tout se passe comme prévu, la Nasa lancera le
05 août prochain Juno. Huit ans après la fin de
la mission Galileo, la Nasa renoue avec l’étude
de Jupiter, la cible visée par Juno. Juno s’inscrit
dans le cadre du programme New Frontier qui a
pour objectif de lancer régulièrement des missions
de classe moyenne dédiées à l’exploration de notre
système solaire. Après New-Horizons en 2006, c’est
au tour de Juno d’être dans les starting-blocks. Le
projet a été sélectionné en 2005 par la Nasa avec un
lancement programmé dans les cinq années tout en
restant dans un budget limité de 700 millions de
dollars.
Après son insertion orbitale, Juno débutera sa
mission de l’étude de Jupiter. Celle-ci devrait
durer au moins un an. Mais que va étudier Juno ?
Equipée de 8 instruments, Juno devra permettre
aux scientifiques de mieux appréhender la planète
géante. A l’aide d’un radiomètre micro-onde et
spectromètre imageur infrarouge, la sonde devra
dévoiler l’abondance de l’ammoniac et de l’eau
dans l’atmosphère jovienne. On se souvient qu’en
décembre 1994, Galileo avait largué un petit
module atmosphérique qui avait révélé un taux
d’humidité très bas dans les couches nuageuses
supérieures. Les scientifiques avaient alors pensé
que le module avait traversé une zone sèche, ce qui
expliquerait que l’eau était présente en quantité
insignifiante. Avec une instrumentation adaptée, il
sera possible de mesurer ce taux non plus sur une
zone bien définie mais sur l’entièreté de
l’atmosphère jovienne. Le magnétomètre devra,
quant à lui, mesurer le champ magnétique de
Jupiter et déterminer sa période de rotation avec
plus de précision que ce qui a été fait jusqu’à
présent. La sonde devra également mesurer le
champ gravitationnel de Jupiter afin de connaître la
distribution de la masse de la planète. Il serait
intéressant de comparer les résultats obtenus d’une
planète gazeuse avec une planète tellurique comme
la Terre. Un pack de cinq instruments dressera un
portrait en trois dimensions de la magnétosphère de
Jupiter, siège des aurores polaires. Le tout sera
compléter par une caméra qui fournira des images
en haute définition des nuages de Jupiter et
notamment des pôles.
Juno en préparation dans la salle blanche de
l’Astrotech's Payload Processing Facility à Cap
Canaveral – Photo NASA/Jack Pfaller
Pour lancer les 3 625 kg en direction de Jupiter, la
Nasa aura besoin d’une fusée puissante. Elle s’est
tournée vers l’Atlas V de United Launch Alliance et
plus particulièrement le modèle 551 équipé de 5
boosters à poudre. Bien que puissante, la fusée ne
le sera pas encore assez pour éjecter Juno sur une
trajectoire directe à destination de la planète
géante. Une trajectoire indirecte est donc
privilégiée avec des manœuvres orbitales, prévue
en septembre 2012, et une assistance
A la découverte de l’atmosphère de Jupiter
Jupiter est la première des géantes gazeuses mais
aussi la plus grande. Tellement grande, qu’elle
pourrait contenir toutes les planètes du système
solaire ainsi que leurs lunes. Les planétologues
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ASTRONotes
pensent que Jupiter est une étoile avortée car elle
contient tous les éléments nécessaires mais la
pression à l’intérieur n’a pas été assez forte pour
allumer l’hydrogène comme cela a été le cas pour le
Soleil.
et en-dessous flottent d’épaisses brumes
atmosphériques constituées de gouttelettes
d’hydrocarbures et peut-être d’acide sulfhydrique
condensé (NH4SH). Les bandes nuageuses,
alternativement, sombres et brillantes, distribuées
parallèlement à l’équateur, correspondent à des
formations nuageuses d’altitudes différentes.
L’altitude des zones brillantes est supérieure à
l’altitude des zones sombres. Les zones brillantes
représentent des régions où s’élève la matière
chauffée par en-dessous, tandis que les bandes
sombres constituent des fosses dans lesquelles
retombe la matière après s’être refroidie. A cette
circulation verticale se superpose une circulation
horizontale qui se traduit par des courants E-O
circulant en sens opposés au N et au S de chaque
zone brillante. Les différences de vitesse entre ces
courants peuvent engendrer des vents de 600 km/h.
Il en résulte la formation d’énormes tourbillons.
Le champ magnétique de Jupiter
Les bandes nuageuses de Jupiter avec une
surexposition des aurores polaires – Photo Nasa
Le champ magnétique jovien est le résultat du
mouvement de l’hydrogène métallique provoqué par
la rotation rapide (moins de 10 heures) de la
planète. Il y a une sorte de frottement qui crée des
particules électriques.
Jupiter est composée d’un cœur de silicates,
métaux, glace d’eau, ammoniac et méthane
chauffés à une température située entre 20 000 et
30 000°K sous une pression de 45 millions
d’atmosphère. Au-dessus de ce cœur et jusqu’à un
rayon d’environ 55 000 km, la pression y est de 2
millions d’atmosphère et la température est de 10
000°K. L’hydrogène y est fortement comprimé et se
trouve sous une forme particulière de liquide
monoatomique quatre fois plus dense que l’eau. Il
est conducteur d’électricité comme le métal, d’où
le nom d’hydrogène métallique. Cet hydrogène mis
en mouvement par la rotation rapide de la planète
est générateur du champ magnétique jovien.
Ce champ magnétique est dipolaire et incliné de
10°. Il a la particularité d’avoir une polarité
inverse. Le pôle sud magnétique est proche du pôle
nord géographique. Au niveau des nuages, il est 10 à
30 fois supérieur à celui de la Terre.
Jusqu'en décembre 2000, moment du survol de
Jupiter par la sonde Cassini, il était admis qu'il
existait un tore de gaz neutre calqué sur l'orbite du
satellite Io. Les atomes relâchés par les volcans de
Io forment ce tore qui alimente la magnétosphère
jovienne. Les électrons, pris dans les lignes de force
sont entraînés hors du tore pour plonger à grande
vitesse dans l’atmosphère de Jupiter, créant des
aurores.
L’atmosphère est principalement composée de 3
couches:
• couche 1 : atmosphère très ténue à
plusieurs centaines de km au-dessus de la «
surface ». A une vingtaine de km au-dessus
de la « surface », vers 0.5 atmosphère,
circulent des cirrus de cristaux d’ammoniac
qui apparaissent blancs mais restent
transparents ;
• couche 2 : aux alentours de l’altitude 0, des
nuages colorés brun-rouges par le sulfure
d’acide sont opaques ;
• couche 3 : à partir de 20 km au-dessus de la
« surface », des nuages de vapeur et de
cristaux de glace d’eau ont une épaisseur
variant de 10 à 60 km.
Avec le survol de Cassini, les scientifiques ont
découvert que Io n'était pas la seule lune à baigner
dans un tore de particules atomiques neutres. Il
s'est avéré que Europa en possède également un.
Cette découverte a été faite grâce à l'instrument
Magnetospheric Imaging Instrument de la sonde.
Pour en savoir plus sur Jupiter :
http://www.destinationorbite.net/planetologie/jupiter.php
L’atmosphère jovienne est stratifiée. La principale
couche de nuages visibles se compose de cristaux
d’ammoniac (NH3) cent fois plus gros que les
particules de glace des cirrus terrestres. Au-dessus
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Juillet/Septembre 2011
ASTRONotes
DOSSIER
La navette à la retraite
Avec l’ultime mission d’Atlantis prévue
pour juillet, la Nasa tournera la plus
longue page de son histoire, celle de la
navette spatiale. Un programme qui s’est
étalé sur 40 ans dont 30 d’activité sur
orbite.
La genèse du programme navette
A
vec le décollage d’Atlantis programmé pour
début du mois de juillet, la Nasa s’apprête à
clore l’une des plus importantes pages de son
histoire. Histoire commencée il y a près de 40 ans
déjà. C’est en effet en janvier 1972 que le
Président américain Richard Nixon annonce
l’adoption du programme « Space Shuttle » en
présence du patron de la Nasa James Fletsher. Le
coût estimé du projet est de 5,5 milliards de dollars
de l’époque. Il a pour objectif de réduire au
maximum le prix du kilo envoyé sur orbite.
Jusqu’alors, tous les satellites placés sur orbite
l’avaient été grâce à des lanceurs dits
consommables. C'est-à-dire des lanceurs utilisés
qu’une seule fois. L’idée était donc de remplacer
ces lanceurs jetables par des lanceurs réutilisables.
Si sur le papier l’idée relève du génie, dans la
réalité, ce sera tout autre. Dans les premiers
concepts, la navette était un petit orbiter lancé par
un avion porteur. Arrivé à 80 km d’altitude, l’avion
porteur largue la navette. Tandis que le premier
vient se poser sur la piste, le second allume ses
moteurs pour atteindre l’orbite visée. C’est ce
même concept qui sera repris 30 ans plus tard par
Virgin Galactic pour son Spaceship Two destiné aux
vols suborbitaux de touristes fortunés. La Nasa se
voit déjà aux commandes d’une flotte de navettes
opérationnelles permettant d’atteindre jusqu’à 50
L’un des premiers concepts d’un lanceur réutilisable
– Photo Nasa
lancements dans l’année. Mais développer un tel
véhicule demande des moyens exceptionnels. Et
c’est ce dont la Nasa manque. Elle annule les
missions Apollo 18 à 20 faute d’argent. Il ne coule
plus à flot comme dans les sixties. Il faut faire avec
et vivre avec son temps et les restrictions
budgétaires. La Nasa décide de remplacer l’avion
porteur par un lanceur classique. On passe du
lanceur intégralement réutilisable au lanceur
partiellement réutilisable. Pour amoindrir encore la
facture, elle se tourne vers le Department of
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Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
Defense. Elle lui vend son projet « Space Shuttle »
ainsi que toutes les possibilités offertes par l’engin
révolutionnaire. Les militaires se montrent
intéressés mais pour cela, il faut adapter la navette
aux charges utiles « Top secret » avec la possibilité
de la faire revenir après une seule orbite sur
n’importe quel site d’atterrissage. Le petit avion
orbital devient le gros monstre que l’on connait. Il
prend de la voilure et de la taille. Des planches à
dessins ressort un engin de 37 m de long pour une
voilure delta de 24 m de large avec une soute de
18,4 m de long pour 5,2 m de diamètre et pesant
plus de 60 tonnes. Il sera propulsé par des moteurs
alimentés par un réservoir externe auquel sont
accolés deux énormes fusées à propergols solides.
C’est ce projet que Nixon présente au public en
janvier 1972.
CARTE D’IDENTITE D’ENTERPRISE
Photo Nasa
Enterprise, ou l’Orbiter Vehicle 101, est la première
navette construite. Elle tire son nom du vaisseau de la
série de science-fiction à l’époque, Star-Trek. Entre le 12
aout 1977 et le 16 octobre 1977, elle effectua cinq vols
d’approche après avoir été larguée par le Boeing 747
transporteur. Après quoi, Enterprise a effectué une série
de test grandeur nature dans les installations du Kennedy
Space Center à la fin des années 70 puis ensuite à
Vandenberg au milieu des années 80. Après quelques
exposition dans des salons aériens, dont le Bourget en
1983, Enterprise est allée au Smithsonian's National Air
and Space Museum's Steven F. Udvar-Hazy Center. Après
l’accident de Challenger, il avait été envisagé de la
transformer en navette spatiale. Mais au final, il s’est
avéré qu’il serait moins coûteux de construire un tout
nouvel orbiter avec les pièces de rechange que de
modifier Enterprise. Après l’accident de Columbia,
certaines pièces du bord d’attaque de l’aile gauche
d’Enterprise ont servi à des tests pour déterminer les
causes de l’accident de la navette.
James Fletcher, à gauche, présente le projet de
navette spatiale au Président Nixon – Photo Nasa
Vers un premier vol d’essai
c’est la désintégration assurée lors du retour sur
Terre. Les ingénieurs doivent revoir tout le système
de collage des tuiles. Entretemps, la Nasa
s’inquiète pour le laboratoire Skylab. Sans rehausse
de son orbite, Skylab s’enfonce inexorablement
dans les hautes couches atmosphériques. Et ce qui
devait arriver arriva. Le 11 juillet 1979, il rentre
dans l’atmosphère où il se désintègre en une pluie
de débris. La finition de Columbia prendra plus de
temps que prévu et il faudra attendre décembre
1980 pour que les préparatifs du premier vol
commencent. Le 29 décembre 1980, Columbia
rejoint enfin l’aire de lancement 39A. Après divers
répétitions, dont un test des moteurs à même la
rampe de lancement, Columbia est déclarée prête
pour son vol inaugural. Curieuse coïncidence, la
navette s’élance pour son premier vol le 12 avril
1981, le jour du vingtième anniversaire de la
mission de Youri Gagarine. Initialement prévu pour
le 10 avril, le compte à rebours avait du être
interrompu après qu’un problème de
synchronisation des ordinateurs de bord ait été
détecté.
La navette telle que adoptée par le Congrès ne
permet pas de tenir un rythme d’un lancement par
semaine. Tout au plus la Nasa espère procéder à 50
lancements avant 1990 tout en augmentant le
rythme pour arriver à 30 lancements par an dans les
années 90. Pour maintenir un tel niveau d’activité,
la Nasa opte pour une flotte de 4 navettes, voire
une cinquième si le besoin s’en fait sentir. Elle est
composée de l’orbiter OV-102 Columbia, OV-099
Challenger, OV-103 Discovery et OV-104 Atlantis. La
Nasa annonce un premier vol pour 1979 avec comme
deux astronautes qui auront la délicate tâche de
rehausser l’orbite du laboratoire Skylab. Des
problèmes techniques contraignent l’agence
spatiale à revoir son calendrier. Les moteurs sont
difficiles à mettre au point et la protection
thermique donne du fil à retordre aux concepteurs.
Les 32 000 tuiles qui composent cette dernière se
détachent les unes après les autres alors que la
navette est encore au sol ! Si Columbia s’envole
avec une protection thermique aussi peu fiable,
9
Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
CARTE D’IDENTITE DE COLUMBIA
Le jour du vingtième anniversaire du vol de
Gagarine, Columbia s’élance pour son premier vol –
Photo Nasa
Photo Nasa
Columbia, ou l’Orbiter Vehicle 102, est la première
navette spatiale ayant effectué un vol dans l’espace.
C’était en avril 1981. En novembre 1981, c’est le
premier engin à retourner dans l’espace. A l’occasion de
la mission STS-9, la Nasa invite le premier astronaute
étranger, en l’occurrence, l’Allemand Ulf Merbold pour la
mission Spacelab 1. Après l’accident de Challenger,
Columbia effectuera la majorité des missions scientifiques
de type Spacelab. Trop lourde, Columbia sera la seule
navette à ne pas rejoindre la station spatiale dans un
premier temps. Après STS-107, il était prévu qu’elle
effectue son premier amarrage. Mais le 01 février 2003,
elle se désintègre, tuant ses occupants, alors qu’elle
revenait au terme d’une mission de 16 jours. Columbia
tire son nom du navire du Columbia Rediviva qui effectua
la traversée à l'embouchure du fleuve Columbia, prés de
Washington. Plus tard, il effectuera de nombreuses
traversées jusqu’en Chine avant de revenir à Boston.
Deux jours plus tard, Columbia se pose en douceur,
acclamée par des milliers de badauds venus faire le
déplacement. Columbia revolera encore à trois
reprises avant que le programme « Space Shuttle »
ne soit déclaré opérationnel.
La machine à tout faire
En chiffres :
28 missions effectuées entre le 12/04/81 et le 01/02/03
300 jours 17:40:22 de mission
160 passagers
4 808 orbites accomplies
201 497 772 km parcourus
tous les satellites sur toutes les orbites. Elle est en
concurrence directe avec la fusée Ariane que les
Européens viennent de développer et mettre à
disposition pour les clients. Le calendrier de la
Nasa est très chargé puisque en plus des satellites
commerciaux, il y a des missions scientifiques et
militaires inscrites au manifeste de lancement. En
novembre 1982, Columbia s’envole pour une
cinquième fois dans l’espace avec comme
chargement ses premiers satellites. Il s’agit de SBS3 et d’Anik C3. Ce dernier est un satellite canadien
de télécommunications. Suivront ensuite 3 années
où la flotte des navettes s’agrandira et où les
missions s’enchaineront à un rythme qui atteindra 9
vols en 1985. Ces missions sont aussi riches et
variées. Lorsqu’il ne s’agit pas de placer un
satellite pour un client ou le réparer,
Déploiement du satellite mexicain de
télécommunications Morelos B – Photo Nasa
En juillet 1982, la Nasa déclare la navette
opérationnelle. Ce qui veut dire que désormais,
elle pourra accomplir toutes les missions pour
lesquelles elle a été dessinée. Petit à petit, elle va
remplacer les lanceurs classiques Atlas, Delta et
Titan qui verront leur chaîne de fabrication se
fermer. L’objectif premier est de faire de la
navette LE lanceur universel occidental pour lancer
10
Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
la navette s’envole avec un laboratoire chargé
d’expériences scientifiques ou encore
d’équipements militaires. C’est à cette époque que
la Nasa ouvre ses vols aux astronautes étrangers.
Monteront à bord des Allemands, un Mexicain, un
Français, un Saoudien, un Hollandais et autres
Canadiens. Sans oublier des personnalités politiques
qui ont profité de l’ouverture offerte par la Nasa
comme le Sénateur républicain Jake Garn ou encore
le Député démocrate Bill Nelson.
pression, c’est parce que jusqu’à présent elle pense
arriver à dompter cette machine d’une incroyable
complexité. Et c’est la facilité avec laquelle elle
l’exploite jusqu’à présent qui lui donne cette fausse
impression. Car derrière tout ça, il se cache des
vices. Malgré ces vices, elle fait des choix avec une
inconscience inimaginable. En janvier 1986,
Challenger est sur le pas de tir. Elle présente des
défauts, notamment dans les boosters. Les boosters
sont constitués de segments reliés entre eux et
étanchéifiés par un système de deux joints toriques
en gomme synthétique. Hors à plusieurs reprises,
ces joints ont montré une faiblesse. Sous certaines
conditions, ils n’assurent pas une étanchéité
parfaite. Avec le froid de la veille du lancement de
Challenger le 28 janvier 1986, ces joints se sont
rigidifiés et sont devenus totalement inefficaces.
Malgré les rapports affolés du fabricant des
boosters, la Nasa arrive à imposer son choix de
lancer Challenger.
Le premier coup dur du programme
CARTE D’IDENTITE DE CHALLENGER
Photo Nasa
Challenger, ou l’Orbiter Vehicle 099, est entrée en service
actif le 04 avril 1983 lors de la mission STS-6. A cette
occasion, deux astronautes effectuent la première sortie
extravéhiculaire du programme. Au vol suivant, Sally Ride
devient la première femme astrontaute de l’histoire. En
1985, lors de la mission STS-61A, ce ne sont pas moins de
8 astronautes qui font partie de l’équipage, parmis eux 2
Allemands et un Hollandais. Le 28 janvier 1986,
Challenger explose 73 secondes après son décollage,
mettant un point final à la carrière commerciale de la
navette. C’était son 10ème vol. Challenger tire son nom
du navire de recherche HMS Challenger qui naviga au
milieu du XIXème siècle dans l’Atlantique et le Pacifique.
L’accident de Challenger, une conséquence de
l’inconscience de la Nasa – Photo Nasa
Septante-trois secondes après le décollage,
Challenger disparait sous un énorme nuage d’où
émergent deux boosters incontrôlables et divers
pièces métalliques. Les sept astronautes sont tués
et l’image de la navette est ternie à jamais. Depuis
Challenger a hanté tous les décollages de navette,
même 25 ans après la tragédie. Tragédie qui aura
d’autres conséquences. Tous les vols commerciaux
sont retirés de la navette. Environ un bon tiers de
ses missions sont annulées au profit des fusées
classiques. Après Challenger, il y aura trois années
de flottement dans le spatial américain. C’est le
temps qu’il faudra pour que les grands de
l’aéronautique et de l’espace comme Boeing et
Lockheed remettent en marche les chaînes de
production des fusées classiques que la Nasa avait
arrêtées au profit de la navette.
En chiffres :
10 missions effectuées entre le 04/04/84 et le 28/01/86
62 jours 07:56:22 de mission
60 passagers
995 orbites accomplies
41 527 416 km parcourus
Si 1985 a été faste pour la Nasa, 1986 promettait de
l’être encore plus avec 15 vols programmés. Et ce
n’était que le début. La Nasa espérait arriver à un
rythme de croisière de 30 lancements par an à
partir du début des années 90, soit un décollage
tous les 12 jours en moyenne ! Et tout ça, avec une
flotte de 4 navettes seulement. Ce qui veut dire
qu’aucun retard de plusieurs jours ne serait possible
sans compromettre tout le manifeste de
lancements. Et si la Nasa s’est mis une telle
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Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
Une reprise difficile
CARTE D’IDENTITE D’ENDEAVOUR
CARTE D’IDENTITE DE DISCOVERY
Photo Nasa
Discovery, ou l’Orbiter Vehicle 103, est la star de la flotte
puisqu’elle détient le record de missions effectuées à elle
seule, à savoir 39. Sa mise en service remonte au 30
aoput 1984. Initialement prévu quelques jours plus tôt, le
lancement avait été annulé après la détection d’une
anomalie pendant la phase d’allumage des moteurs.
C’est le premier tir avorté du programme navette. Après
l’accident de Challenger, c’est à Discovery que la Nasa
confie la tâche de la remettre sur le chemin des étoiles.
Elle en fera de même après l’accident de Columbia. Tout
comme les précédentes navettes de la flotte, Discovery
tire son nom de deux navires commandés par le capitaine
James Cook, HMS Discovery.
Endeavour, ou l’Orbiter Vehicle 105, est la dernière
navette de la Nasa. Sa mise en service remonte à mai
1992 lors de la mission STS-49 destinée à réparer un
satellite de télécommunications tombé en panne de
propulsion peu après son lancement. Tout comme ses
grandes sœurs, Endeavour sera détentrice de grandes
premières comme le premier trio pour une sortie
extravéhiculaire ou encore le premier couple marié dans
un même équipage. Endeavour, prononcez Innedéveur,
est le nom donné suite à un concours lancé dans les
écoles en hommage à Christa McAuliffe, tuée dans
l’accident de Challenger. Il a pour origine le nom d’un
vaisseau commandé par le captaine James Cook. Lors de
son premier vol, un morceau du navire avait été
embarqué.
En chiffres :
39 missions effectuées entre le 30/08/84 et le 09/03/11
365 jours 12:53:34 de mission
241 passagers
5 830 orbites accomplies
238 539 663 km parcourus
En chiffres :
25 missions effectuées entre le 07/05/92 et le 01/06/11
296 jours 03:18:35 de mission
148 passagers
4 671 orbites accomplies
197 761 262km parcourus
Il faudra attendre septembre 1988 pour qu’une
navette retrouve le chemin des étoiles. Mais les
choses ont bien changé. Le rythme de lancement
effréné des années 80 est bien loin. Tout au plus,
ce sont 8 vols qui seront programmés à l’année. La
sécurité passe avant tout. Privée de satellites
commerciaux, la navette perd un tiers de ses
missions. Et ce n’est que le début. Déçus par la
navette, les militaires finiront par la bouder. Fin
1992, Discovery effectuera la dernière mission pour
le Department of Defense. Privée de vols
commerciaux et militaires, la navette se cantonne
aux missions scientifiques, le temps que la
construction de la station spatiale internationale ne
commence. Pour combler le vide laissé par la perte
de Challenger, la Nasa construit Endeavour à partir
des pièces de rechanges fabriquées dans les années
80 et qui auraient servi s’il avait fallu faire de
grosses réparations sur un orbiter endommagé au
cours d’une mission.
L’une des raisons pour lesquelles la navette a été
développée, c’est pour construire un complexe
orbital. Complexe orbital qui servirait de
laboratoire high-tech de la Nasa. Mais le prix
exorbitant a freiné les ardeurs de l’Agence Spatiale.
Décidée en 1984, la station spatiale ne verra le jour
qu’en novembre 1998 avec une contribution
importante de la Russie, l’Europe, le Japon et le
Canada. C’est le prix à payer pour faire voler une
navette qui manque cruellement d’objectifs.
Hormis quelques missions, notamment liées à
l’entretien du télescope spatial Hubble, toutes les
missions après 1998 seront vouées à l’assemblage du
gigantesque complexe orbital dont certains se
demandent à quoi il peut bien servir. Malgré les
critiques, la Nasa continue sur sa lancée. De plus,
elle n’a pas trop le choix vu ses obligations vis-à-vis
de ses partenaires. Le planning est précis. Après la
mission STS-107, Columbia renforcera la flotte
chargée de construire la station spatiale avec
comme objectif de la terminer avant 2010.
Photo Nasa
12
Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
d’une fusée classique. Quant à la station spatiale,
elle aura dévoré en dollars l’équivalent du
programme Apollo.
L’après navette
C’est l’accident de Columbia et ses conséquences
qui auront eu raison de la navette. De nombreux
spécialistes, notamment à la Nasa, estiment que la
navette est un vaisseau dangereux et
particulièrement délicat à mettre en œuvre. Après
l’accident, l’agence spatiale est désœuvrée et
pointe du doigt la dangerosité de la navette.
Dangerosité qui est apparue soudaine après 22 ans
de service. Une coïncidence douteuse sachant
qu’au même moment, le Président Bush sort du
chapeau son programme Constellation qui peut être
résumé sous le slogan « Moon, Mars & Beyond ». Il
vise ni plus ni moins qu’au retour de l’Homme sur la
Lune d’ici 2020. Mais pour cela, la Nasa doit
terminer l’ISS et mettre à la retraite la navette.
L’argent ainsi économisé permettrait d’atteindre
l’objectif 2020. Bien que la Nasa estime la navette
dangereuse, elle décide de garder le maximum du
matériel existant et propose même de le réutiliser
pour Constellation. C’est ainsi que les boosters
deviennent le premier étage du futur lanceur Ares I
et que le stack de propulsion boosters/réservoir
devient Ares V moyennent de profondes
modifications du réservoir qui passe de 8,4 m de
diamètre à 10 m. Mais rapidement, la conception
même d’Ares I est largement décriée, y compris au
sein même de la Nasa. Ce lanceur fait peur de par
son design qui fait penser à un crayon qui a bien du
mal à trouver un équilibre et par ses performances.
Depuis le départ, la Nasa sait que ce lanceur
manque de puissance pour son vaisseau Orion,
destiné à transporter les astronautes. Mais l’agence
spatiale fait fit des critiques et poursuit le
développement de son Ares I. Orion, trop lourd
pour Ares, subit régulièrement des cures
d’amaigrissement. Beaucoup estiment que la Nasa
fait fausse route en voulant à tout prix reprendre
« la navette » pour en faire un lanceur. Critiques
qui aboutiront à l’établissement d’une commission
d’enquête commanditée par le Président Obama. A
partir du rapport et à l’aide de conseils avisés dans
le domaine, il prend l’une des plus grandes
décisions depuis Kennedy en matière de programme
spatial. Tout d’abord il maintient le retrait de la
navette comme annoncé par son prédécesseur, il
annule le programme Constellation, mais surtout, il
préconise le développement de vaisseaux habités
exploités par le privé. (Voir Astronotes Volume 4 –
Numéro 2)
L’ISS est la quasi seule destination de la navette
depuis 13 ans – Photo Nasa
Le coup de grâce du programme Space Shuttle
Désintégration de Columbia – Photo WFAA
Le 01 février 2003, Columbia s’apprête à revenir au
terme de sa mission STS-107, la dernière mission
scientifique réalisée par une navette. Si le planning
est respecté, courant de l’été 2003, Columbia
s’amarrera à la station spatiale, une première pour
la doyenne de la flotte. Mais 16 minutes avant
qu’elle ne pose ses roues sur la piste du Kennedy
Space Center, elle se désintègre alors qu’elle
survole le Texas. Les navettes sont clouées au sol
une nouvelle fois. Alors que les débris fumant
jonchent encore les états du Texas et la Louisiane,
la presse spécialisée s’acharne déjà sur la Nasa. Ils
estiment que la navette est un engin dangereux,
coûteux et apporte plus de problèmes que de
solutions. La commission d’enquête chargée de
déterminer les causes de l’accident abondera
quelque peu dans le même sens en déclarant que la
navette n’est pas un engin opérationnel et restera
un engin expérimental et qu’il faut le traiter comme
tel. La Nasa est clouée au sol avec une flotte ne
comptant désormais que 3 orbiters aux coûts
astronomiques avec comme seul objectif terminer la
station spatiale internationale dont on sait qu’il
faudra attendre 2011 avant qu’elle ne soit achevée
du côté américain. Des estimations montrent qu’une
mission de navette coûte entre 2 et 6 fois celui
Une retraite bien méritée
Après 30 ans de bons et loyaux services, la navette
part à la retraite, une retraite bien méritée. Pour
13
Octobre/Décembre 2010
ASTRONotes
certains ce sera avec soulagement mais pour
d’autres, ce sera avec une larme à l’œil qu’ils
assisteront à l’atterrissage d’Atlantis fin du mois. Il
faut dire qu’en trois décennies, la navette a
beaucoup fait parler d’elle. Elle fait partie des
meubles diront certains. Imaginer que d’ici
quelques jours ce sera de l’histoire ancienne n’est
pas toujours facile tant elle aura fait rêvé des
générations. Trois décennies où elle aura marqué
l’image collective de l’activité humaine dans
l’espace. Trois décennies où elle aura fait parler
d’elle à travers l’actualité ou encore des films.
Mais il faut bien se l’avouer, ces dames de l’espace
auront réussi à se personnifier à travers les yeux des
passionnés. Alors que l’heure de la retraite a
sonné, la Nasa a voulu le meilleur. Elle a choisi les
musées où elles couleront des jours paisibles.
Enterprise rejoindra l’Intrepid Sea, Air & Space
Museum à New-York. Elle sera remplacée par
Discovery au Steven F. Udvar-Hazy Center du
Smithosian Museum près de Washington. Endeavour
partira en Californie au California Science Center.
Quant à Atlantis, elle restera à la maison au
Kennedy Space Center, là où toute l’aventure a
débuté il y a maintenant 30 ans. Hail Space
Shuttle !
LES GRANDES PREMIERES DE LA NAVETTE
En trente ans de carrière, la navette aura accompli de
grandes choses et des premières historiques en voici
quelques unes :
Columbia : première navette à s’envoler dans l’espace
(STS-1 – 1981)
Columbia : première navette à retourner dans l’espace
(STS-2 – 1981)
Columbia : premiers satellites placés sur orbite par une
navette (STS-5 – 1982)
Challenger : première sortie extravéhiculaire depuis une
navette (STS-6 – 1983)
Challenger : première femme astronaute et premier
satellite réutilisable (STS-7 – 1983)
Challenger : premier lancement et atterrissage de nuit
d’une navette (STS-8 – 1983)
Columbia : premier astronaute étranger à embarquer sur
un engin américain (STS-9 – 1983)
Challenger : première sortie d’un astronaute sans être
tenu par un câble (STS-41B – 1984)
Challenger : première réparation de satellites (STS-41C –
1984)
Discovery : premier tir avorté (STS41D – 1984)
Challenger : première mise sur orbite plus basse que celle
visée (STS-51F – 1985)
Challenger : plus grand équipage dans un même vaisseau –
8 astronautes (STS-61A – 1985)
Atlantis : première sonde d’exploration planétaire lancée
par une navette (STS-30 – 1989)
Columbia : record du nombre de femmes dans un même
équipage – 3 (STS-40 – 1991)
Endeavour : record du nombre d’astronautes au cours
d’une même sortie extravéhiculaire – 3 (STS-49 – 1992)
Atlantis : premier satellite tenu en laisse (STS-46 – 1992)
Endeavour : premier couple marié faisant partie d’un
équipage (STS-47 – 1992)
Discovery : premier astronaute russe à embarquer dans
une navette (STS-60 – 1994)
Discovery : premier vol rapproché avec une station
spatiale et première femme pilote (STS-63 – 1995)
Atlantis : premier amarrage à une station spatiale (STS-70
– 1995)
Columbia : mission la plus longue réalisée par une navette
– 17 jours 15 heures 53 minutes et 18 secondes (STS-80 –
1996)
Columbia : première mission reconduite avec le même
équipage en l’espace de quelques mois (STS-94 – 1997)
Discovery : l’astronaute le plus âgé – 77 ans pour John
Glenn (STS-95 – 1998)
Endeavour : première navette à s’amarrer à l’ISS (STS-88 –
1998)
Columbia : première femme commandant de bord (STS-93
– 1999)
Discovery : première relève d’équipage pour une navette
(STS-102 – 2001)
Atlantis : dernière navette à prendre le chemin de
l’espace (STS-135 – 2011)
CARTE D’IDENTITE D’ATLANTIS (au 26/05/2010)
Photo Nasa
Atlantis, ou l’Orbiter Vehicle 104, est la quatrième
navette de la Nasa. Son premier vol remonte à octobre
1985. Il était dédié au Department of Defense. Atlantis
est la navette vedette des amarrages. En effet, elle bat
tous les records avec 19 amarrages en 32 missions (STS135 compris). Atlantis tire son nom du RV Atlantis, un
navire de recherche océanographique qui navigua entre
1930 et 1966.
En chiffres :
31 missions effectuées depuis le 03/10/85
293 jours 18:29:37 de mission
191 passagers
4 648 orbites accomplies
194 168 813 km parcourus
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Juillet/Septembre 2011
ASTRONotes
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