le baptême du christ - Musée des Beaux

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le baptême du christ - Musée des Beaux
LE BAPTÊME DU CHRIST
Extraits du dossier : « Images de la Bible au musée des Beaux-arts de Nantes »
LE BAPTÊME ET LES TEXTES ÉVANGÉLIQUES :
LE BAPTÊME CHEZ LES JUIFS
Le baptême d'immersion (de baptismos, « plonger ») était un rite pratiqué lors de l'admission des prosélytes (païens
convertis au judaïsme) dans le peuple d'Israël.
LE BAPTÊME DE JEAN-BAPTISTE
Les quatre Évangiles racontent que Jean baptisait dans le Jourdain tous ceux qui venaient à lui. C'était un rite de
repentir qui appelait à une conversion morale. Jean annonçait aussi la venue d'un Messie (ou kristos, « l'oint pour
une mission »).
LE BAPTÊME DE JÉSUS
Il est attesté par les trois synoptiques (Matthieu 3, 13-19, Marc 1, 9-11, Luc 3, 21-22) mais seuls Matthieu et Marc
mentionnent Jean baptisant le Christ.
« Alors paraît Jésus : de Galilée il vient au Jourdain vers Jean pour être baptisé par lui. Celui-ci voulait l'en
détourner : « C'est moi, disait-il, qui ai besoin d'être baptisé par toi, et toi tu viens à moi ! » Mais Jésus lui
répondit : « Laisse faire pour l'instant : c'est ainsi qu'il nous convient d'accomplir toute justice. » Alors il le
laisse faire. Aussitôt baptisé, Jésus remonta de l'eau ; et voici que les cieux s'ouvrirent : il vit l'Esprit de Dieu
descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici qu'une voix venue des cieux disait : « Celui-ci est mon
fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. » (Matthieu 3, 13-17 - Bible de Jérusalem)
- Les quatre Évangiles évoquent la théophanie, manifestation divine de l'Esprit Saint (du grec théos, « Dieu » et
phainô, « j'apparais »), mais le mot même de théophanie ne se trouve pas dans la Bible.
- Dans l'Évangile de Jean, Jésus exerce une activité de baptiste et le texte de Matthieu rend compte de l'ordre donné
aux apôtres par le Christ après sa résurrection : « Baptisez-les (toutes les nations) au nom du Père et du Fils et du
Saint Esprit » (Matthieu 28, 18-20 - Bible de Jérusalem).
LA TRADITION ECCLÉSIASTIQUE ET L'ÉVOLUTION ICONOGRAPHIQUE INTERPRÉTATION DU BAPTÊME DU CHRIST
Jésus en se soumettant lui aussi au baptême de repentir, dont sa nature divine n'a nullement besoin, assume
pleinement par cet acte son humanité. De plus, nombreux sont les Pères de l'Église (saint Ambroise, saint Jérôme...)
qui ont vu dans le baptême de Jésus le fondement de l'institution du sacrement chrétien, nécessaire pour "entrer
dans le Royaume de Dieu" (Jean, 3-5). « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé" »(Marc, 16-16). Enfin la tradition a
vu également dans cet évènement du baptême de Jésus la manifestation de la Trinité : le Père qui fait entendre sa
voix, le Fils et le Saint-Esprit qui descend « comme une colombe »chez Marc ou « sous la forme corporelle d'une
colombe »chez Luc. Le mot Trinité est absent dans l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. L'affirmation d'un
Dieu unique en trois personnes est le fruit d'une longue réflexion théologique (aux IIIe et IVe siècles).
L'ÉVOLUTION ICONOGRAPHIQUE DU THÈME
1
La représentation dans l'art chrétien a été liée à l'évolution liturgique du sacrement baptismal qui a été administré
par immersion dans un fleuve ou une piscine de baptistère puis par aspersion ou infusion dans la chapelle des fonds
baptismaux.
LE BAPTÊME PAR IMMERSION
Du VIe au XIIe siècle, Jésus figure immergé jusqu'à la ceinture ou les aisselles dans les eaux du Jourdain ou dans une
cuve. Le Christ est figuré adulte et barbu. Sur la rive, se tiennent des anges, de un à trois, mentionnés ni dans les
Évangiles ni dans les Apocryphes. Leur présence s'explique elle aussi par la liturgie chrétienne où un diacre assistait
l'évêque en revêtant les catéchumènes d'une robe blanche, après l'immersion.
LE BAPTÊME PAR ASPERSION OU PAR INFUSION
Jésus est représenté dans l'eau jusqu'aux genoux ou jusqu'aux chevilles. Debout, mains jointes ou croisées, il reçoit
l'eau lustrale versée par Jean. Souvent l'infusion est faite avec une coupe (comme dans l'œuvre de Vannini) ou une
coquille dans l'art italien, avec une cruche dans l'art allemand. Mais Jean peut aussi laisser couler entre ses doigts des
gouttes d'eau
LA THÉOPHANIE
Prenant appui sur le texte de Luc, les artistes adoptèrent très tôt la représentation de la colombe pour évoquer
l'Esprit Saint. La colombe tient parfois dans le bec une branche d'olivier car, dans le souci de lier l'Ancien et le
Nouveau Testament, le baptême de Jésus fut assimilé au patriarche Noé dans l'arche à la fin du Déluge (Genèse 8, 812).
ETUDES D’ŒUVRES :
L E B APTÊME
DU
C HRIST - B ICCI
DI
L ORENZO (1373-1452)
Hauteur: 1.270 m - Longueur : 0.590 m.
Nantes, musée des Beaux-arts
Acquisition : Collection Cacault 1810
(C) RMN / Gérard Blot
UN BAPTÊME PAR ASPERSION
Le Christ est debout dans le Jourdain, l'eau jusqu'aux chevilles. Il a les
mains croisées et le regard baissé. Jean-Baptiste ici laisse couler l'eau
lustrale entre ses doigts (geste différent dans le tableau de Vannini). Deux
anges à gauche tiennent le linge. Les poissons dans l'eau rappellent le
symbole christique des premiers chrétiens (Ictus en grec, « poisson »,
correspond aux initiales de « Jésus Christ, fils de Dieu Sauveur ») et
renvoient à certains épisodes des Évangiles (exemples : la pêche
miraculeuse, Luc 5, 1-11 ; Jean 21, 1-8 ; le miracle des pains et des
poissons, Matthieu 15, 32-39, Marc 8, 1-9). Les rinceaux de vigne, ainsi
que la croix tenue par Jean-Baptiste (symbole du sang du Christ) ornant
les bords du tableau évoquent la Passion du Christ.
LE DOGME TRINITAIRE
2
La main de Dieu le Père sortant du ciel étoilé semble lâcher la colombe sur la tête de son fils.
LA PRÉSENCE DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE
Il est situé à gauche, au premier plan. Agenouillé, il reçoit les stigmates d'un séraphin qui se trouve tout en haut du
tableau. Saint François (1182 - 1226) est le moine fondateur en 1209 des Franciscains, ordre mendiant de la pauvreté
évangélique. En 1224, François se retire au mont Alverne où, selon son chroniqueur, le Christ lui apparaît crucifié sous
la forme d'un séraphin. Il reçoit alors les stigmates (les cinq plaies de la Passion du Christ). Les séraphins, êtres
célestes signifient les « brûlants »; ils louent la sainteté de Dieu et ont chacun six ailes d'après la vision du prophète
Isaïe (6, 3 ; 6, 7). François d'Assise est canonisé dès 1228 et devient très vite le saint le plus vénéré en Italie et dans
toute la chrétienté. Sa vie va être mise en parallèle avec celle du Christ. Cette vénération explique sa présence dans
notre tableau. (Voir également l'œuvre à gauche de Sano Di Pietro). L'iconographie de François d'Assise, véritable
« saint image », est très riche (cf. par exemple les célèbres fresques de Giotto à Assise). François porte la bure des
franciscains serrée à la taille par une cordelière à trois nœuds (les trois vœux de pauvreté, chasteté, obéissance).
L'ARTISTE ET LE TRAITEMENT DE L'ŒUVRE
Bicci di Lorenzo (1373 - 1452) : Peintre et sculpteur florentin, il exécute de nombreuses commandes laïques et
religieuses. Il dirige un atelier important à Florence. Le tableau de Nantes a été daté vers 1430.
UNE ŒUVRE
ENCORE MÉDIÉVALE
Dans un XVe siècle qui voit de grandes nouveautés esthétiques à Florence (époque de Brunelleschi, 1373 - 1446 ; de
Masaccio, 1401 - 1429) l'artiste fait perdurer certains « archaïsmes » :
- fond d'or symbolisant la lumière divine
- personnages nimbés
- représentation de Dieu le Père par une main ;
- traitement hiératique des corps, même si un certain souci anatomique est présent
- absence de perspective avec un paysage stylisé sans souci d'échelle avec des personnages qui semblent
« flotter »
- une vue assez frontale du Jourdain où le mouvement de l'eau est suggéré par des hachures.
Ces « archaïsmes » correspondent à un univers mental encore
médiéval où la peinture est là non pas pour représenter d'une façon
« réaliste » mais pour signifier symboliquement.
L E B APTÊME
DU
C HRIST D ’ OTTAVIO V ANNINI (1585-1643)
3
Huile sur toile - Hauteur : 3.000 m - Longueur : 2.000 m.
Nantes, musée des Beaux-Arts
Acquisition : Envoi de l'Etat, 1909
(C) RMN / Gérard Blot
L'ARTISTE
Ottavio Vannini (1585-1644), après une formation à Florence va à Rome vers 1600 où il rencontre Gentileschi
(influencé par la manière du Caravage) et les élèves des Carrache. Il est marqué aussi par Raphaël et Michel-Ange. Il
retourne à Florence en 1616. Son œuvre est importante, il participe à de multiples chantiers décoratifs et a une
nombreuse clientèle privée. Le Baptême du Christ fut peint à Florence en 1627 pour Lorenzo de Médicis.
UNE LECTURE À PLUSIEURS NIVEAUX
Un épisode du Nouveau Testament, dans le climat de la Contre –Réforme Vannini illustre le récit biblique avec
l'iconographie traditionnelle. Jean, à l'aide d'une coupelle, verse l'eau lustrale sur la tête du Christ. Mais avec l'esprit
de la Réforme catholique, très sensible au thème de la pénitence et de la purification, l'iconographie du Christ
évolue : Jésus est agenouillé dans une attitude de grande humilité. De plus, il reçoit le baptême non pas dans le
fleuve, mais sur la rive. Jean-Baptiste est vêtu d'une peau de mouton (rappel de sa vie de pénitence au désert, il peut
porter aussi une tunique de poil de chameau). Saint Jean-Baptiste est considéré comme le dernier des Prophètes car
il annonce la venue du Messie, il fait le lien entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Il tient dans sa main gauche la
croix, préfiguration de la Passion du Christ. Jean-Baptiste a aussi comme autre attribut un agneau, qui rappelle sa
phrase à la vue de Jésus -"Voici l'agneau de Dieu" (Jean l, 36), allusion au sacrifice de l'agneau pascal chez les Juifs. Les
trois anges situés à gauche portent le linge sacré. Enfin le Christ, l'Esprit Saint représenté par la colombe et la voix
divine symbolisée par la figure barbue de Dieu le Père entouré d'angelots rappellent le dogme de la Sainte Trinité.
UNE IMAGE POLITIQUE
La représentation de Florence dans le paysage (Dôme, Campanile, plusieurs clochers) renvoie à une double lecture :
le Jourdain est aussi l'Arno. Le mécène commanditaire Lorenzo de Médicis se donne donc à voir indirectement dans
cette œuvre
UNE ŒUVRE CLASSIQUE
La composition classique, claire, s'organise en deux registres : terrestre et céleste. Les deux diagonales du tableau se
croisent en un point situé dans un espace très étroit entre le bras de saint Jean-Baptiste et la tête du Christ. Cette
construction participe à l'union des deux grands espaces par le biais du geste du baptême. Cette composition en deux
registres avec la colombe du Saint-Esprit, dominée par Dieu le Père entouré d'angelots, est influencée par Andrea del
Sarto et Raphaël. L'influence bolonaise, assez rare à Florence à cette époque, imprègne la toile par la monumentalité
des figures (grandeur nature), la lisibilité des formes et l'importance accordée au paysage. L'expressivité des visages,
faite de retenue et d'humanité, les corps très incarnés, le jeu des regards concentrés ici sur le Christ sont des
traitements également très bolonais. Enfin l'influence de Gentileschi (1563-1679), caravagesque romain, se marque
par la lumière très claire qui baigne la toile. Dans cette lumière poétique éclatent des coloris vifs : drapé immaculé du
Christ contrastant avec la tunique bleue et le manteau rouge tenu par l'ange. Ce rouge conduit notre regard vers Dieu
le Père. Le bleu intense du ciel se continue dans les eaux du Jourdain et le contraste avec la couleur foncée de la rive
au premier plan crée une impression de profondeur. Le thème de la lumière unissant, les deux espaces peut évoquer
aussi le thème de la grâce si important au XVIIe siècle. Par ailleurs, la simplicité et la grande lisibilité du sujet proche
du texte évangélique répondent aux préceptes de la Contre-réforme qui voit dans l'image un moyen de conversion.
CONCLUSION :
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Au XVe siècle, (Bicci di Lorenzo), l’homme est comme baigné par la lumière divine (fond or). Ici, la peinture est avant
tout symbolique et l’artiste ne cherche pas à représenter le monde de façon réaliste. Pourtant à la même époque, à
Florence, c’est le début de la Renaissance et de grandes nouveautés dans la représentation apparaissent. Au XVIIe
siècle (Ottavio Vannini), l’homme cherche à dominer la nature mais une nature créée par Dieu. La représentation se
fonde sur la perspective. L’homme est représenté comme de divin dans sa dimension charnelle.
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