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4 NOVEMBRE 2012
INTERVIEW 39
I LeMatinDimanche
Dominique Demaurex dirige avec son frère, Etienne, l’entreprise familiale
«Aligro se porte très bien cette
année malgré le tourisme d’achat»
Après Matran (FR) l’hiver
dernier, le grossiste ouvre
le 28 novembre un magasin
à Schlieren (ZH), son premier
point de vente en Suisse
alémanique. Cela en pleine crise
de la distribution. Sa recette? Il
faut être différent pour survivre.
EN
DATES
quatre ans, nous devons accroître notre volume de ventes d’au moins 12%.
1968
Et vous y parvenez?
c Naissance
Dominique Demaurex
naît à Lausanne.
Oui, nous avons enregistré une forte
croissance, largement plus de 12%.
1992
Vous êtes-vous allié avec d’autres
distributeurs pour discuter
avec certaines marques comme
L’Oréal ou Ferrero de l’adaptation
des prix pour le marché suisse?
c Aligro
Il entre dans
l’entreprise familiale.
Anne Gaudard
1996
[email protected]
c Famille
Naissance
de son premier enfant.
Il en a sept – cinq
garçons et deux filles –
et la dernière
a 2 mois.
Vous ouvrez un magasin près
de Zurich, à Schlieren, en pleine
crise de la distribution en Suisse…
Cette expansion est un projet de longue date, qui a mûri, il est vrai, lorsque
la conjoncture était meilleure. Reste
que nous avons trouvé un bon emplacement et que le potentiel à Zurich est
énorme. Nous arrivons avec un
concept nouveau pour la Suisse alémanique: les produits frais constituent une grande partie de notre assortiment et nous nous adressons tant
aux professionnels qu’à une clientèle
privée. Ils nous voient arriver comme
le nouveau Carrefour!
2012
c Expansion
Aligro s’étend
à Matran (FR) en début
d’année et à Schlieren
(ZH) le 28 novembre.
Visez-vous sur Zurich la même
proportion entre ces deux clientèles
qu’en Suisse romande, soit deux
tiers de professionnels et un tiers
de privés?
Au final, est-ce sur le prix que vous
comptez faire la différence?
Les tournus y sont élevés, mais les repreneurs nous restent généralement
fidèles. Par ailleurs, le marché de gros
tend à se porter plutôt bien en période
difficile. Il permet d’économiser sur
les frais de livraison, il offre la possibilité aux restaurateurs d’acheter au
plus près de leurs besoins, nous sommes souvent leurs stocks. A Genève,
par exemple, des clients viennent plusieurs fois par jour!
La restauration se plaint
régulièrement des prix des
marchandises en Suisse. Notamment
de la viande. Adaptez-vous votre
offre à leur demande, avez-vous
moins de produits suisses?
Non, l’offre de produits suisses est
stable. Tant qu’on trouve les produits
en Suisse, nous les achetons ici. En ce
qui concerne la viande, qui représente
Sébastien Féval
A priori oui, mais nous ne sommes qu’au
début de l’aventure, le marché décidera.
Cela dit, nous allons bénéficier de
l’ouverture de notre magasin de Matran
(FR)l’hiverdernier.Nousavonsconstaté
que fidéliser la clientèle professionnelle
prenait du temps. Il faut lui prodiguer
d’entrée de jeu un service personnalisé,
gagner sa confiance. Les clients privés
répondent, eux, beaucoup plus vite.
Vous dites que c’est grâce à ce marché
de la restauration que vous résistez à
la morosité ambiante. Or la
restauration vit des temps difficiles…
Non, nous y sommes allés seuls. Pour
certains produits que réclame le client,
nous vendons à perte. Nous discutons
avec les fournisseurs et si blocage il y a,
nous passons aux importations parallèles. Qui tendent à augmenter. Cette
situation ne dépend pas de nous mais
de la politique de prix des fournisseurs. Car nous pouvons supporter de
vendre du Nutella à perte pendant un
an, pas pendant dix ans. Et lorsque
nous allons nous approvisionner à
l’étranger, nous cherchons souvent
des produits pas proposés en Suisse
afin d’enrichir notre assortiment diversement par rapport à la concurrence, pour être plus compétitif.
15% de notre chiffre d’affaires, les
taxes sont un frein à l’importation,
même si nous ne trouvons pas la marchandise en Suisse. Nous peinons par
exemple à répondre à la demande de
morceaux nobles de bœuf suisse.
Comment vous, petit acteur
de la distribution suisse, parvenezvous à survivre sans grande
centrale d’achat?
Nous possédons un excellent service
d’achats ici à Chavannes-près-Renens.
Nousétablissonsdesrelationsdelongue
durée avec nos fournisseurs avec qui
nous cherchons à collaborer. Nous
avons besoin d’eux et eux ont besoin de
nous car ils n’ont pas intérêt à n’avoir
que deux gros distributeurs comme interlocuteurs. Certes, nous ne bénéficions pas des mêmes conditions que
Coop et Migros, mais nous vivons avec
des marges plus petites. Notre structure
est moins lourde, nous avons six cents
employés, dont cinquante au siège ad-
«
Aligro propose
un concept
nouveau en Suisse
alémanique,
souligne Dominique
Demaurex,
ajoutant:
«Ils nous voient
arriver comme
le nouveau
Carrefour!»
Comment vont les affaires
en cette année 2012?
A plus longue
échéance, notre but
est de nous développer
dans les régions
les plus peuplées
de Suisse, notamment
à Berne ou à Lucerne»
ministratif. Nous n’avons pas de centrale de distribution, nos points de vente
sont livrés en direct. Nous optimisons
beaucoup notre fonctionnement au niveau des coûts de logistique. Nos fournisseurs aussi. Enfin, comme nous vendons en grande quantité, nous avons
peu de personnel en proportion de notre
chiffre d’affaires. Les autres sont détaillants,nous,noussommesgrossistes.
Nous ne divulguons pas le détail de nos
chiffres, mais les affaires vont très
bien cette année.
Vous ne souffrez
pas du tourisme d’achat?
Non, plus depuis la stabilisation du
taux de change, mais nous n’avons pas
récupéré ce que nous avons perdu il y a
plus d’un an. L’effet du tourisme
d’achat était perceptible à Genève,
presque pas à Lausanne et pas du tout à
Sion. Par ailleurs, nous avons fait ce
qu’il fallait pour adapter nos prix.
Qu’est-ce que cela signifie?
Nous avons baissé nos prix au fur et à
mesure que baissaient les prix d’achat
en euros. En quatre ans, les poissons
ont reculé de 20% et l’ensemble de
l’assortiment d’environ 12%. Ce qui
signifie en revanche que pour réaliser
le même chiffre d’affaires qu’il y a
Le client veut de la qualité au meilleur
prix. C’est valable pour le professionnel. Mais aussi pour le client privé.
Etant grossiste, nous pouvons répondre à cette demande. Et, contrairement aux autres, nous n’avons pas développé de lignes à bas prix. Il faut savoir faire différemment, être différent
pour survivre.
Et après Schlieren?
Nous devons déjà digérer ces deux
ouvertures! Matran et Schlieren
auront besoin de temps pour être
aussi performants que les autres
points de vente. Notre stratégie a
toujours été empreinte de prudence,
nous avons ouvert cinq points de
vente en cinquante ans. Nous avançons lorsque nos finances nous le permettent. A plus longue échéance, notre but est de nous développer dans
les régions les plus peuplées de
Suisse, notamment à Berne ou à Lucerne. Par ailleurs, nous négocions un
deuxième emplacement à Genève et
nous allons déménager notre site de
Chavannes car nous sommes trop à
l’étroit ici.
Toujours indépendant?
Oui, nous sommes, mon frère et moi,
seuls actionnaires, l’entreprise se
porte bien et nous tenons à la garder à
taille humaine. C’est notre défi actuellement de maintenir cette culture
familiale tout en grandissant. Je regrette par exemple d’avoir toujours
plus de peine à connaître le nom de
tous nos employés. x
DOMINIQUEDEMAUREX
INTIME
istock
c La montagne
S’il aime se ressourcer
dans la nature,
Dominique Demaurex
a longtemps pratiqué
la montagne. Un peu
partout. «Tous les
sommets sont beaux, je
n’arrive pas à en choisir
un particulièrement.
Contrôle qualité
On a fait presque tous
les 4000 des Alpes»,
dit-il modestement. Et
quand il dit on, c’est
notamment lui et son
frère, Etienne, directeur
administratif de l’entreprise familiale. «La
montagne nous a
permis de mieux nous
connaître, c’était un très
bon entraînement pour
travailler ensemble.
Aujourd’hui on forme
une belle équipe lui et
moi. Nous nous complétons.» Puis, il a fait
du parapente. «Ce qui
me permet de faire un
tour en montagne sans
devoir y passer
deux jours.»
c La Bible
Parmi les
ouvrages qu’il
DR
lit, la Bible. «Cette
lecture me ressource
et m’inspire. Notamment sur le plan éthique.
Car l’une des tâches
les plus
ardues
du patron est
de prendre
les bonnes
décisions, de ne pas se
montrer inéquitable,
injuste.» Et il a face à lui
quelque 600 collaborateurs qu’il essaie de
connaître. Une tâche
toujours plus difficile
avec la croissance. «Je
dois parfois trancher
entre différentes parties,
il s’agit de comprendre
la situation, d’être le plus
correct possible.» Mais
pas seulement. «Il s’agit
aussi d’être honnête,
droit, d’éviter de mentir.
Un défi journalier. La
Bible m’aide. Ce livre
contient une sagesse
très ancienne, mais
toujours d’actualité.»
c La famille
Père de nombreux
enfants, il apprécie
à sa juste valeur ce que
lui a transmis son père:
l’entreprise familiale.
«Je n’ai pas de mérite
à être où je suis au-
DR
jourd’hui, je bénéficie du
magnifique travail qu’a
fait mon père jusqu’à
65 ans.» Et avant
encore, son grand-père
et son grand-oncle,
qui ont créé l’entreprise
en 1923 à Morges tout
en ayant un entrepôt
à Genève.