Christine Bauhardt, « Discours féministes et architecture/recherche

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Christine Bauhardt, « Discours féministes et architecture/recherche
Christine Bauhardt, « Discours féministes et architecture/recherche urbaine (avec des exemples
d’Allemagne) ». Texte initialement publié dans Femmes et Villes, textes réunis et présentés par Sylvette
Denèfle, Collection Perspectives « Villes et Territoires » no 8, Presses Universitaires François-Rabelais,
Maison des Sciences de l’Homme « Villes et Territoires », Tours, 2004, p. 41-50.
Ce texte est mis en ligne sous format électronique par les Presses Universitaires François-Rabelais
et le Centre de Ressources Électroniques sur les Villes dans le cadre de leur programme commun de
rétroconversion d’ouvrages épuisés, collection « Sciences sociales de la ville ».
Presses
Universitaires
RANÇOIS­ RABELAIS
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DISCOURS FÉMINISTES ET
ARCHITECTURE/RECHERCHE URBAINE
(AVEC DES EXEMPLES D’ALLEMAGNE)1
Christine BAUHARDT
Université de technologie de Berlin,!
Institut d’aménagement urbain et régional.
INTRODUCTION
Mon intervention est basée sur deux axes d’approches, un axe théorique et
un axe pratique. L’axe théorique analyse les discours féministes traitant des
rapports sociaux de sexe dans l’espace et le bâti. Afin d’illustrer les
approches théoriques je m’appuie sur des objets concrets ou bien des
situations socio-spatiales à l’aide de diapositives. J’utilise l’expression
« féministe » pour désigner une approche « genrée ». J’appelle « féministe »
une approche qui est concernée par les rapports sociaux de sexe, et pas
seulement par des problèmes ou des perspectives de femmes. En même
temps, la notion de « féministe » implique un point de vue critique vis-à-vis
du pouvoir des hiérarchies.
LA DIMENSION SOCIALE DE L’APPROCHE FEMINISTE DANS LE DEBAT SUR
LES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE DANS L’ESPACE
La dimension sociale du genre renvoie à la construction sociale du
dimorphisme biologique comme fondement des rapports sociaux de sexe. La
1
Je remercie Béatrice Borghino qui non seulement a pris soin de la forme de ce texte mais
qui est toujours une interlocutrice engagée au sujet du féminisme.
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construction sociale du dimorphisme biologique exprime l’idée qu’il n’y a
pas de base naturelle pour ce qu’on appelle communément « les sexes ». La
représentation des deux sexes – uniquement et exactement deux – est ellemême une performance culturelle et historique. La théoricienne en
architecture, Diana Balmori, a exprimé cette idée dans de belles paroles :
« Nature was Culture’s idea. Culture, when it wants to convince anybody
that it is really right, just says that it’s Nature »2.
Le dimorphisme biologique représente un exemple de la relation binaire de
la classification normative du monde, n’acceptant pas l’entre-les-deux,
l’ambiguïté. Bien que ce soit une performance culturelle, historique et
scientifique de distinguer deux sexes cette distinction fait partie du savoir
quotidien qui lui-même contribue à la reproduction du dimorphisme. Le
genre se caractérise par des activités de représentation/incorporation et
d’interprétation. Ces activités sont soumises aux valorisations normatives du
féminin et du masculin. Le féminin et le masculin incarnent un ordre
symbolique dont les représentations varient selon la culture et le moment
historique. Au-delà de toute variabilité dans la forme, ces représentations
produisent une supériorité du masculin sur le féminin.
L’idée centrale de ces réflexions sur le genre est donc que l’ordre
symbolique ne correspond pas nécessairement aux acteurs sociaux, donc aux
personnes que nous qualifions de « homme » ou de « femme », selon la
classification binaire. Or, l’approche du genre est de moins en moins centrée
sur la différence entre « les hommes » et « les femmes » ou bien entre un
comportement « masculin » ou « féminin ». L’intérêt porte plutôt sur le
contexte dans lequel un comportement est considéré comme masculin ou
féminin ou bien sur la reproduction du genre dans les façons d’agir au
quotidien3.
Que veut donc dire « la dimension sociale du genre » dans le débat
féministe en architecture et en recherche urbaine ? D’abord il s’agissait de
rendre visible la catégorie du genre comme un facteur structurant l’espace.
Les femmes et leur travail montaient sur la scène de la ville. La critique de la
division sexuelle du travail faisait entrer la catégorie du travail domestique
en recherche urbaine et en architecture. Les architectes et urbanistes
2
« La nature est l’invention de la culture. La culture qui veut convaincre chacun qu’elle a
vraiment raison dit tout simplement qu’elle est elle-même nature ». Balmori Diana, « The
Case of the Death of Nature : A Mystery » in Agrest, Conway Diana, Weisman Patricia,
Kanes Leslie (eds.), The Sex of Architecture. New York, Harry N. Abrams, 1996, p. 75.
3
West Candace – Zimmerman Don H., « Doing gender », in Lorber Judith – Farell Susan A.
(eds.), The Social Construction of Gender, Newbury Park/London/New Delhi, 1991.
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féministes pouvaient montrer comment les rapports sociaux de sexe sont
cachés dans le bâti, comment l’organisation de l’espace est basée sur le
travail non vu des femmes et comment le travail domestique est rendu plus
difficile pour les femmes et invisible pour la société par les architectes et les
aménageurs. Bien qu’il ne rentre pas explicitement dans leurs concepts le
travail domestique des femmes y était malgré tout présupposé.
Le travail domestique comme élément structurant l’espace n’est pas resté
une catégorie d’analyse mais est devenu en Allemagne un concept pratique.
Au lieu de le cacher et de le présupposer implicitement, des architectes
féministes ont rendu explicite le sujet. Le travail domestique fut le point de
départ pour un habitat soi-disant « adapté à la vie quotidienne de femmes »
et des stratégies pour l’aménagement de l’espace public.
Dans la sphère privée, c’est-à-dire concernant l’habitat, il y a eu en
Allemagne deux lieux centraux qui visaient à rendre visible le travail des
femmes non vu et négligé par les architectes : c’étaient la cuisine et la
chambre individuelle pour chaque personne du ménage.
La cuisine est considérée comme l’endroit où se passe une grande partie du
travail ménager au sens propre du terme et aussi une grande partie de la vie
sociale – la communication entre les membres de la famille, l’entraide de la
mère de famille, des enfants et moins souvent du mari ou du père – la cuisine
comme lieu de rencontre, de travail et d’éducation. L’idée complémentaire,
un endroit pour se retirer et se reposer des exigences de la famille et du
travail permanent, « a room for one’s own » (Virginia Woolf), est
représentée par la demande : une chambre individuelle pour chaque
personne. Il ne s’agit donc pas de réduire les femmes au ménage et au travail
domestique mais plutôt d’impliquer tous les membres du ménage dans le
travail quotidien d’un côté et de l’autre, d’offrir un espace individuel aux
femmes à l’intérieur de la maison. Tous ces projets ont été réalisés dans le
cadre du logement social et par la suite, ils ont introduit une nouvelle
conception pour d’autres projets de construction de haute qualité en
logement social.
En ce qui concerne l’espace public, la catégorie du travail domestique fut
introduite dans la recherche sur les transports et la mobilité en ville. Dans ce
domaine aussi, il fallait d’abord rendre visible le travail des femmes dans
l’espace public. Il s’avère beaucoup plus difficile de réaliser des projets
concrets adaptés à la vie quotidienne des piétons et des usagers des
transports en commun, pour la plupart des femmes, des jeunes et des
personnes âgées. La politique des transports est surtout – et de plus en plus –
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une politique de grande vitesse négligeant les courtes distances et les
déplacements de proximité.
On peut donc conclure au sujet de la dimension sociale de l’approche
féministe en architecture et en aménagement urbain que des projets de
construction et de recherche ont rendu visibles les femmes et le travail
domestique dans l’espace urbain. Ces projets valorisent les femmes en tant
qu’usagères et productrices de la ville. Ils proposent des idées concrètes qui
prennent en compte les différents espaces « genrés » du vécu et du potentiel
au quotidien. Les architectes et urbanistes féministes mettent en cause
l’universalisme d’une approche architecturale centrée sur l’esthétique, le
« bel objet ». Dans un champ de travail dominé par la conception que l’usage
et l’appropriation du bâti soient indépendants de la qualité universelle de
l’objet esthétique, elles revendiquent la différence.
LA DIMENSION POLITIQUE DE L’APPROCHE FÉMINISTE DANS LE DÉBAT
SUR LES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE DANS L’ESPACE
La recherche féministe implique toujours une dimension politique, c’est-àdire qu’elle cherche à découvrir les rapports de domination et les
mécanismes de pouvoir. En architecture et en urbanisme la dimension
politique a une base éminemment matérielle. Il s’agit de disciplines dans
lesquelles l’argent et le pouvoir ne sont pas seulement transmis par des
représentations symboliques dans l’espace mais aussi par des commandes
concrètes de construction et de création.
Comprendre le genre comme une dimension d’analyse du pouvoir entraîne
la déconstruction des différences et des hiérarchies. Le débat sur le genre
s’oppose à toute construction identitaire, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse
d’identités sexuelles, culturelles, ethniques, religieuses ou autres. Le concept
de différence ne rompt pas avec les exigences de l’égalité et de la justice
sociale, au contraire : ce n’est qu’en prenant en compte la construction de la
différence que l’égalité des différents se réalise. La féministe post-moderne
Jane Flax a exprimé cette pensée dans la citation suivante : « Domination
arises out of an inability to recognize, appreciate and nurture differences,
not out of a failure to see everyone as the same. Indeed, the need to see
everyone the same in order to accord them dignity and respect is an
expression of the problem, not a cure for it »4.
4
« La domination est le résultat de l’incapacité de reconnaître, d’apprécier et d’alimenter
les différences, et pas du manque de considérer que nous sommes tous pareils. En vérité, la
nécessité de considérer chacun comme identique aux autres, afin de leur accorder dignité et
respect, est l’expression du problème, non sa solution. » Flax Jane, « Beyond equality :
gender, justice and difference » in Bock, James Gisela, Susan (eds.), Beyond Equality and
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Parler de différence veut dire mettre en question le pouvoir. La question est
moins de savoir : qui est différent et pourquoi ? Par contre, il s’agit
d’analyser le contexte dans lequel des différences sont construites : qui parle
de différence, quand et pourquoi ? Et aussi : quand et pourquoi des
différences sont-elles niées ? La négation de différences et la construction
d’identités représentent des processus de domination et d’appropriation –
Derrida en parle aussi bien qu’Adorno. Par conséquent, la théorie féministe
des dernières années tend à traiter le parallélisme des constructions sociales
de « race », classe et genre. Le but de la déconstruction de ces catégories
d’oppression est de refuser toute forme de domination légitimée par un
prétendu universalisme abstrait.
La dimension politique de l’approche féministe en architecture et en
urbanisme vise à montrer que les chances et les moyens face à
l’appropriation de l’espace sont différents entre les hommes et les femmes et
que, en face de cette réalité, on aurait un aménagement et une construction
qui seraient neutres. L’accès à l’espace et son appropriation sont déterminés
par des facteurs divers. Qu’ils soient dépendants des ressources économiques
n’est mis en question par personne. Mais que l’accès à l’espace, son
appropriation et son aménagement soient influencés par les rapports sociaux
de sexe est déjà moins communément accepté.
En Allemagne, il y a plusieurs projets concrets qui mettent l’accent sur la
discrimination des femmes sur le marché du travail et sur le marché du
logement.
Les projets d’habitat pour les familles monoparentales
Ce sont surtout les femmes responsables de jeunes enfants qui sont
désavantagées car elles sont exclues largement de l’emploi – une situation
aggravée par le fait qu’en Allemagne le système de l’éducation des jeunes
enfants est mal réglé par l’État. La garde des jeunes enfants est en grande
partie de la responsabilité des mères. Il y a eu donc des projets de
construction concernant surtout la situation des mères célibataires et des
familles monoparentales. En dehors de construire des logements de haute
qualité à loyers modérés, l’idée fondamentale dans ces projets est de créer
des espaces d’entraide et de soutien entre les femmes et de jeux et de loisirs
pour les enfants (exemple de Recklinghausen, Rhénanie du Nord
Westphalie). La participation des habitantes prenait une place importante
Difference. Citizenship, feminist politics and female subjectivity, London/New York, 1992,
p. 193.
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dans le processus de création de ces logements. L’organisme de construction
et les architectes femmes organisaient la participation des futures habitantes
dans un processus ouvert. De cette façon une influence sur la création de
l’habitat était laissée aux locataires du logement social, ce qui d’habitude est
réservé aux propriétaires de maisons individuelles.
Les projets de création d’entreprises de femmes
Plusieurs projets destinés à améliorer la situation économique des femmes
ont été réalisés en combinaison avec la réhabilitation écologique d’anciens
bâtiments. Le plus connu est la Weiberwirtschaft5 à Berlin, une coopérative
de femmes dont l’idée était de créer des entreprises et des réseaux de
femmes travaillant à leur propre compte. Ce sont surtout les professions
libérales, des avocates, des artistes, des expertes comptables ou des artisanes
qui y ont aménagé leurs bureaux. À l’heure actuelle, il y a à peu près
soixante entreprises qui s’y sont installées. L’idée du départ était de créer un
lieu qui rassemble les différentes fonctions de la vie quotidienne sous un
même toit : des lieux de travail, des lieux d’habitat et les services comme la
garde des enfants et un restaurant. Tous ces endroits existent, mais les
locataires des logements ne sont pas les mêmes personnes que les femmes
qui y travaillent.
Les projets de construction par des architectes femmes
Un autre point de départ pour redistribuer l’argent et le pouvoir est
représenté par les essais d’ouvrir le marché de l’emploi de la construction
largement fermé aux femmes, à l’aide de concours architecturaux réservés
aux architectes femmes. Ces bâtiments réalisés par exemple à Berlin, à
Bergkamen (Rhénanie du Nord Westphalie) ou à Vienne/Autriche sont
extrêmement contestés dans la profession car ils en dénoncent explicitement
le caractère masculin/androcentrique. Dans ces concours, c’étaient des
femmes qui définissaient les critères des plans architecturaux, qui
participaient aux concours et qui jugeaient les résultats – un défi énorme
pour une profession profondément marquée par le pouvoir masculin :
presque tous les concours architecturaux sont organisés et remportés par des
hommes architectes. Le caractère politique de ces projets, selon moi,
consiste moins en la création concrète du bâti – dans le sens d’une réponse à
la question : « Les femmes architectes construisent-elles autrement – ou
mieux ? » Je le vois plutôt dans le fait de rendre accessible, au moins
5
Il s’agit d’un jeu de mot : « Weiber » est une expression péjorative pour dire « femmes »,
« Wirtschaft » veut dire « économie » et « restaurant/bar ». La connotation sous-entendue de
« Weiberwirtschaft » est le chaos entre femmes dans un lieu public.
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partiellement, un marché de l’emploi qui n’en est pas un et ce faisant, de
défier le pouvoir masculin de la profession.
LA DIMENSION CULTURELLE DE L’APPROCHE FÉMINISTE DANS LE DÉBAT
SUR LES RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE DANS L’ESPACE
Mon dernier point, la dimension culturelle de l’approche féministe dans le
débat sur les rapports sociaux de sexe dans l’espace, reprend l’idée de la
construction de l’identité et de l’altérité. Je me réfère encore une fois à la
construction sociale du dimorphisme de sexe et à l’ordre symbolique qu’elle
produit. Au début de cette intervention, j’ai déjà mis l’accent sur le passage
qui a été réalisé dans la théorie féministe entre les hommes et les femmes
pris comme des individus empiriques à une conception genrée. Comprendre
le genre comme une construction sociale et culturelle signifie, d’un côté,
mettre en question les préceptes normatifs du masculin et du féminin, et de
l’autre côté, chercher la réinterprétation de la construction du genre par des
pratiques sociales. Il s’agit là de l’approche qu’on appelle queer.
Le queer en tant que pratique sociale tend à surmonter la normativité
hétérosexuelle produite par l’ordre symbolique des deux sexes ou bien –
avec les termes de Judith Butler – par la matrice hétérosexuelle. Le concept
désigne l’approche théorique de la déconstruction du genre et de la sexualité
et l’approche politico-pratique des alliances stratégiques entre lesbiennes,
gays, transsexuels, bisexuels, intersexuels. Ces personnes remettent en cause
l’ordre du dimorphisme soi-disant naturel en confrontant leurs propres
identifications à celles qui leur sont attribuées par l’extérieur.
Ces brouillages de l’ordre symbolique du genre par la pratique queer se
manifestent aussi dans l’espace. Les éditeurs de l’anthologie « Queers in
space », Gordon Brent Ingram, Anne-Marie Bouthillette et Yolanda Retter,
entendent par un espace queer « an expanding set of queer sites that function
to destabilize heteronormative relations and thus provide more opportunities
for homoerotic expression and related communality »6, un réseau étendu de
lieux queer qui déstabilisent les relations hétéronormatives et qui ainsi
offrent plus de possibilités à l’expression homoérotique et à une vie
collective.
Avec Michel Foucault on peut appeler les espaces queer des hétérotopies,
« ces espaces différents, ces autres lieux, une espèce de contestation à la fois
6
Ingram Gordon – Brent Bouthillette Anne-Marie – Retter Yolanda (eds.), Queers in
Space : Communities/Public Places/Sites of Resistance, Seattle, 1997, p. 449.
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mythique et réelle de l’espace où nous vivons »7. Les hétérotopies sont des
espaces qui dépassent la vie quotidienne et qui permettent de par leur
construction comme des « espaces autres » la compréhension de l’ordre
social dominant. Ce sont des lieux de marginalité et de frontières, le point
intéressant des frontières étant le fait que l’on puisse les transgresser, les
transformer, que l’on puisse mettre en question la relation entre dedans et
dehors. L’espace queer se forme et se transforme simultanément par le
plaisir et par le danger de la transgression.
Les approches féministes dans le débat sur les rapports sociaux de sexe
dans l’espace ne peuvent pas éviter de prendre en compte les réalités
différentes des individus selon les constructions de la différence et de
l’altérité. Si au départ la discussion tournait autour de l’invisibilité des
femmes et de leur travail dans l’espace, il s’agissait de troubler le pouvoir
constitué par la différence du genre. Actuellement l’approche culturaliste
ouvre des perspectives pour des analyses plus approfondies sur les
représentations de genre/sexe dans leurs différentes manifestations : qui estce qui est représenté(e) dans l’espace et pourquoi ? quelles formes
d’appropriation de l’espace pour quels sujets ? Le constat « l’espace est
sexué » vaut toujours mais nous, architectes et aménageuses féministes,
sommes moins sûr(e)s qu’avant de ce que cela veut dire.
BIBLIOGRAPHIE
BALMORI D. [1996], « The Case of the Death of Nature : A Mystery » in
Agrest, Conway Diana, Weisman Patricia, Kanes Leslie (eds.), The Sex of
Architecture. New York, Harry N. Abrams, p. 69-76.
FLAX J. [ 1992], « Beyond equality : gender, justice and difference » in
Bock, James Gisela, Susan (eds.), Beyond Equality and Difference.
Citizenship, feminist politics and female subjectivity, London/New York,
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Dits et écrits, tome IV, Paris, Gallimard, p. 752-762.
INGRAM G., BRENT BOUTHILLETTE A.-M., RETTER Y. (eds.) [1997],
Queers in Space : Communities/Public Places/Sites of Resistance, Seattle.
7
Foucault Michel, « Des espaces autres » in : Foucault Michel, Dits et écrits, tome IV, Paris,
Gallimard, 1967-1984.
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WEST C., ZIMMERMAN Don H. [1991], « Doing gender », in Lorber
Judith – Farell Susan A. (eds.), The Social Construction of Gender, Newbury
Park/London/New Delhi.