La prophylaxie - Dental Tribune International
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28 INTERVIEW DENTAL TRIBUNE - 20 OCOBRE 2009 Entretien réalisé par Virginie Ananou, DT France Dr Michel BLIQUE Chirurgien-dentiste, omnipraticien passionné de prévention dentaire, attaché universitaire à la faculté de Nancy depuis 1977 en Parodontologie puis en Odontologie pédiatrique. La prophylaxie : avant tout une question d’éthique Vous limitez votre pratique à la pro- boursé ». De toute façon les patients phylaxie depuis bientôt 5 ans. sont informés qu’ils peuvent revenir Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ? quand ils veulent, s’ils refusent, puis changent d’avis et décident de suivre Michel Blique : D’abord l’accueil des quand même le traitement. Notre patients ; je les imaginais un peu dés- objectif de facturation est de 200 euorientés par cette pratique limitée et ros de l’heure hors nomenclature. il n’en est rien. Certes au Luxem- Certains paient davantage parce que bourg, où j’exerce deux jours par se- leur traitement est plus difficile, d’aumaine beaucoup de patients vien- tres moins, parce que leurs moyens nent de pays où les hygiénistes sont limités, mais leur engagement exercent au sein d’équipe pluridisci- mérite un effort de notre part. Tous les plinaire ; ils sont donc habitués à être patients sont extrêmement motivés. pris en charge par plusieurs spécia- Les enfants et les adolescents, qui ne listes ; en France, c’est évidemment sont pas concernés directement par différent et le fait que 90 % des pa- le coût de leurs traitements, sont les tients me soient adressés par mes as- plus difficiles à gérer. sociés ou des correspondants extérieurs facilite grandement l’entrée en Comment la prophylaxie évolue-tmatière avec les patients. Ensuite le elle selon vous hors de France ? fait que ma pratique en prophylaxie Je fais partie d’un groupe de praticarieuse et parodontale se soit énor- ciens européens (libéraux et univermément développée. Chez l’adulte, sitaires) qui se réunissent et réfléla prophylaxie est très souvent « ca- chissent à la définition d’un plan de rio-parodontale ». Mon expérience traitement aidant à la mise en place en cariologie m’aide beaucoup en pa- en omnipratique au niveau eurorodontologie où les états de surface péen. Nous venons de présenter ce me paraissent très importants. La programme à Londres et à Stockprophylaxie spécifiquement carieuse holm. Ce problème de techniques concerne davantage l’enfant et l’ado- préventives, extrêmement prometlescent ou l’adulte jeune. Enfin, l’en- teuses et peu appliquées finalement, gagement extraordinaire pour leur caractérise quasiment tous les pays santé dentaire de la plupart des pa- d’Europe. Car les problèmes sont les tients. C’est vraiment le côté le plus mêmes partout : un système de gratifiant de cette pratique. soins qui ne satisfait pas les dentistes, peu de place pour la prévenComment réglez-vous la question des tion ou à des tarifs tellement bas que honoraires ? cela ne pourra jamais se développer Que ce soit en France ou au Luxem- économiquement. Seules l’Italie ou bourg, la nomenclature fait l’impasse l’Espagne, où la réglementation est sur l’essentiel des actes de diagnostic plus souple, la Sécurité sociale ou de traitement que ce soit en pro- inexistante, l’utilisation d’hygiénistes phylaxie carieuse ou en parodonto- possible, semblent connaître un réel logie. Il faut donc développement. apprendre à expliquer au patient Vous êtes formateur depuis 1996, ses besoins et qu’est-ce qui motive les praticiens à comment on suivre une formation en prophylaxie ? peut l’aider et le Je vais peut-être en surprendre plus traiter, et que ceci d’un, mais la vraie et première motia un coût. Ceci vation, c’est d’abord l’éthique, l’exiprend du temps, gence partagée par de nombreux parfois beaucoup confrères de prodiguer des soins plus de temps. Le taux efficaces à leurs patients. Ces de refus est de confrères expriment clairement la vo20 % environ, lonté de mettre à plat toutes les inparfois pour des formations qu’ils ont glanées à droite problèmes d’ar- et à gauche, pendant leurs années gent, souvent d’exercice, d’évaluer leurs propres exparce que le pa- périences, et d’essayer d’en structurer tient pense trou- un nouveau savoir-faire pour enrichir ver une alterna- leur pratique. La volonté de sortir tive de traitement avec la prophylaxie du carcan de la ailleurs, ou aussi Sécurité sociale est aussi une réalité parce que cer- mais elle vient en général en seconde tains estiment intention : les actes HN, personne « scandaleux que n’est contre, mais le souci de rester ce ne soit pas rem- dans leur éthique est toujours claire- © I-stock photos Chirurgien-dentiste, omnipraticien passionné de prévention dentaire, attaché universitaire à la faculté de Nancy depuis 1977 en Parodontologie puis en Odontologie pédiatrique. Il exerce dans l’Est de la France. Conférencier reconnu, Michel Blique a été un des premiers à adapter en France, pour une omnipratique quotidienne, le concept du Nettoyage prophylactique professionnel des surfaces dentaires (NPPSD) venu de Scandinavie et d’Allemagne. Sollicité depuis 1996 pour faire partager son expérience, il a animé des dizaines de formations en France et à l’étranger devant plusieurs milliers de praticiens. Plus de 250 cabinets ont suivi ses formations de mise en place de la PDI. Il est l’auteur de dizaines d’articles sur la prévention et la prophylaxie dentaire individuelle. Il a participé à la réalisation de nombreux programmes éducatifs communautaires régionaux ou nationaux (UFSBD) et anime un groupe de travail qui rassemble plus de 400 chirurgiens-dentistes et des centaines de relais éducatifs pour améliorer la santé dentaire de sa région. Il a été le président fondateur de la Société française de dentisterie prophylactique jusqu’en 1998. Michel Blique n’est pas professeur à l’université, n’écrit pas de livres mais en revanche, il forme avec passion, depuis plusieurs années, des milliers de confrères à la prophylaxie : conférences, formations de 48 h ou plus récemment une formation en ligne, en direct et en différé combinée à des Travaux Pratiques en salle… Rencontre. © I-stock photos PARCOURS ment exprimé par nos confrères. Je trouve cela très important et rassurant, et cela doit être souligné. Récemment avec Zedental,vous avez ouvert une classe virtuelle de prophylaxie. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une « classe virtuelle » ? C’est une formation qui alterne formation en ligne en différé, rendezvous en direct en ligne et les indispensables Travaux Pratiques, en salle. On se rend compte que cette formation répond assez bien aux exigences de nos confrères. Éxigences pédagogiques d’abord : nous avons tous no- “ La prophylaxie est aux antipodes d’une dentisterie toute puissante : son allié est le temps ” tion des limites d’un enseignement intensif de 48 heures : le formateur délivre son enseignement, le plus sérieusement possible, le confrère écoute et enregistre avec attention ; mais cela n’empêche pas que le lendemain de la formation, le passage à l’acte peut ne pas ressembler à ce qu’on lui a enseigné. Le fait que la classe virtuelle se déroule sur plusieurs mois permet aux participants de partager leurs mises en application de la formation et donc au formateur de préciser et d’être toujours collé à la pratique quotidienne : cette expérience au fauteuil, progressive et partagée, est une réelle richesse pour le groupe ; la formation en ligne en différé permet à notre confrère de voir quand il veut et surtout autant de fois qu’il veut mes cours ; les rendez-vous en direct en ligne offrent une interactivité très conviviale : In- ternet permet de répondre à l’exigence d’efficacité de nos confrères en limitant la fermeture du cabinet et les déplacements pour les Travaux Pratiques. Ces confrères justement ont-ils changé depuis que vous enseignez ? C’est un public certainement plus jeune, mais aussi plus féminin, qu’en 1996 lorsqu’on a commencé. Les praticiens intéressés par la prophylaxie ont en commun la volonté de travailler davantage dans la santé à long terme, avec davantage de confort, moins de pression : cela signifie qu’ils font le choix d’un exercice moins « invasif », avec de la prothèse qui sera réalisée un peu plus tard, lorsque le risque du patient sera sous contrôle. C’est celui que j’ai fait le choix de pratiquer et c’est une pratique agréable et confortable, pour le praticien et bien sûr aussi pour le patient. La fidélité, la reconnaissance des patients est un plaisir quotidien, qui concourt beaucoup à la qualité des (longues) journées passées au cabinet. La prophylaxie est clairement aux antipodes d’une dentisterie toute puissante : son allié est le temps. Du temps pour communiquer avec le patient, lui expliquer tranquillement avec des mots et des démonstrations : l’implication du patient est indispensable et le stress ne fait pas accélérer le temps ! DT Conférence La conférence « Frottez, c’est gagné : des techniques simples, des actes majeurs en prophylaxie » est disponible sur www.zedental.com dans l’espace conférence en différé. Michel Blique précise, au travers de cas cliniques, sa stratégie originale pour une prise en charge globale du patient. 30 TECHNIQUE PRÉVENTIVE DENTAL TRIBUNE - 20 OCTOBRE 2009 Le NPPSD en question… Le Nettoyage prophylactique professionnel des surfaces dentaires (NPPSD) et le contrôle de plaque sont des techniques à la fois simples et compliquées, souvent et malheureusement non identifiées comme telles, et perçues par certains de nos confrères avec condescendance ; ces techniques sont pourtant des actes majeurs pour la santé dentaire. T out d’abord, la définition du NPPSD : c’est l’élimination sélective de la plaque dentaire de toutes les surfaces dentaires surtout les surfaces à risque. Le NPPSD a un objectif microbiologique : celui d’éliminer (et de modifier) le biofilm bactérien, les débris alimentaires, la materia alba, la pellicule exogène acquise, la plaque et le tartre, et les colorations exogènes ; et un objectif mécanique : créer un état de surface ne favorisant pas la recolonisation bactérienne ultérieure et qui facilite la circulation du flux salivaire sur les surfaces dentaires. Le NPPSD se fait en priorité sur les zones où la plaque s’accumule, où la gencive est enflammée, les poches profondes et actives, les caries débutantes ou récidivantes. Le NPPSD doit débuter par les zones les plus difficiles : notamment les zones linguales et les espaces interdentaires. séance initiale puis plusieurs séances d’accompagnement qui vont lui permettre d’observer et d’accompagner le patient dans sa prise de contrôle des biofilms dentaires. Fig. 1 Fig. 3 Fig. 2 Matériels et matériaux Les matériels mis en œuvre sont des contre-angles prophylactiques et le Profin (Fig.1 à 3). Le Profin est un Fig. 1, 2 et 3 : Matériels et matériaux mis en œuvre contre-angle à mouvements alternatifs qui permet de polir les espaces interdentaires et modifier les embrasures. La pâte prophylactique utilisée : d’abord à gros grain, puis grain moyen ; l’aéropolissage est relativement agressif pour le cément et la dentine : à réserver avec modération aux surfaces amélaires et, enfin pâte à grain moyen avec un peu de chlorexhidrine (Fig. 4 à 8). Fig. 4 : Pâte prophylactique à gros grain L’efficacité du NPPSD Une étude de Goodson et al. parue dans le Jada en 2004 est très parlante : 40 bactéries paro pathogènes et cario pathogènes ont été observées, trois NPPSD ont été réaUne séance initiale lisés en 14 jours dans la droite ligne suivie de séances du protocole de Axelsson. d’accompagnement De la mesure par surface dentaire, il Axelsson recommande de le faire ressort une forte réduction de la trois ou quatre fois en sept jours sur concentration de bactéries, 72 %, dix dans la mesure sans modification où c’est la multiplinotoire de la flore Le NPPSD ne doit cation des netbuccale du patient : pas être réalisé en toyages qui va mole NPPSD répond première intention : difier la flore dans la donc bien à nos obc’est au patient de bouche du patient ; jectifs. Enfin, cette commencer à être bien sûr cette retechnique se praacteur de sa santé commandation est, tique sans anesthédans notre exercice, sie dans la mesure très compliquée, voire impossible à où elle succède à une période plus mettre en œuvre : Axelsson travaille ou moins longue pendant laquelle avec sept hygiénistes ! Le Dr Michel le patient, formé et motivé par son Blique met en place une grande praticien aux techniques de bros- Fig. 5 : Aéropolissage amélaire Fig. 6 Fig. 7 Fig. 6 et 7 : Pâte prophylactique à grain moyen Fig. 8 : Pâte prophylactique à grain fin ou très fin sage, va se prendre en charge ; la maîtrise d’une bonne technique de brossage va lui permettre de faire disparaître l’inflammation gingivale et les sensibilités radiculaires et dentaires des collets. Et c’est là une des originalités, tirées de son expérience dont fait état avec beaucoup de conviction le Dr Michel Blique : faire en première intention le NPPSD, revient à ne rien demander au patient en terme de prise en charge personnel et les ré- sultats observés sont décevants. En revanche, faire en sorte que dans un premier temps le patient soit luimême l’acteur efficace d’un changement notable (inflammation, saignements et douleurs réduits) par le fait d’un brossage rigoureux pour le récompenser en quelque sorte par un NPPSD dont il pourra maintenir plus longtemps les effets : l’approche prophylactique est une réelle collaboration entre le patient et le chirurgien-dentiste. MÉMO CAHIER DES CHARGES D’UNE PÂTE PROPHYLACTIQUE : • Ni trop, ni pas assez fluide (pour éviter l’échauffement et les projections) • Pas trop abrasive surtout si le NPPSD est répété sur les racines ou la dentine • Facilite le polissage • Contient du fluor • Facile à rincer DT CAS CLINIQUE : Une patiente de 45 ans se plaint de saignements qui la gênent depuis une douzaine d’années. Elle a consulté de nombreux confrères et différents protocoles ont été mis en œuvre sans succès. Fig. 10 : Consultation, apprentissage de contrôle de plaque et d’une technique de brossage. La patiente, motivée par l’apprentissage des techniques de prise en charge personnelle, a obtenu des résultats visibles. Fig. 12 : Intervention du praticien avec un détartrage profond et un surfaçage : il offre à sa patiente des surfaces lisses et faciles à entretenir : d’autant plus faciles à entretenir que la patiente a montré sa maîtrise des techniques de brossage et de contrôle de plaque.