SUPERVISION PAR DISCUSSION DE CAS EFFICACE EN MDECINE AMBULATOIRE

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SUPERVISION PAR DISCUSSION DE CAS EFFICACE EN MDECINE AMBULATOIRE
SUPERVISION PAR DISCUSSION DE CAS EFFICACE EN MÉDECINE
AMBULATOIRE
Présenté par :
Pierre Beaupré md (HDL)
Lucie Carignan md (H. Laval)
4e Forum de médecine familiale
Vendredi le 29 mai 2009
SUPERVISION PAR DISCUSSION DE CAS EFFICACE EN MÉDECINE
AMBULATOIRE
INTRODUCTION
Nous voulons par cet atelier susciter une réflexion quant à l’efficacité ou non de nos
interventions lors de la supervision clinique en médecine ambulatoire, et de façon
plus spécifique en salle d’urgence ou au sans-rendez-vous.
La supervision clinique en médecine ambulatoire est différente de celle que nous
faisons en médecine hospitalière, et ce pour plusieurs raisons, d’abord, le facteur
temps compte pour beaucoup, le contact avec le patient est ponctuel.
La situation de l’urgence aussi présente des particularités propres, si on la compare
avec le bureau, où le résident reçoit un patient pendant 30 min, et que le superviseur
est libéré de ses autres activités justement pour superviser. Ceci n’est évidemment
pas possible en clinique d’urgence, et superviser tout en faisant du travail clinique
peut inciter involontairement à des comportements de supervision moins aidants.
Il faut se rappeler que le résident (ou l’apprenant comme on l’appelle maintenant)
n’est pas simplement un aide médical pour nous permettre de voir plus de patients,
il est d’abord là pour apprendre et acquérir un démarche clinique de plus en plus
efficace. Sommes-nous toujours de bons guides pour cela ? Et comment le devenir?
C’est l’essence même de la présentation actuelle. Nous n’avons pas la prétention de
réinventer la roue. Les principes énoncés sont probablement connus de vous. C’est
peut-être le moment de faire notre examen de conscience et se demander si
sincèrement nous priorisons toujours l’apprentissage du résident lors de nos
interventions avec lui, et comment devenir des superviseurs plus efficaces.
OBJECTIFS DE LA PRÉSENTATION
1. Reconnaître son rôle d’enseignant comme inhérent au travail en salle
d’urgence en milieu universitaire
2. Reconnaître les barrières à l’enseignement en salle d’urgence et en tenir
compte
3. Développer une approche de discussion de cas efficace et utile à
l’apprentissage des résidents
LES OCCASIONS D’ENSEIGNER À L’URGENCE
On associe trop souvent enseignement et cours magistral ou exposé sur un sujet. Et
ce tant de la part des résidents, qui en critiquent le manque dans les évaluations des
différents milieux d’enseignement, que de la part des médecins qui se sentent
souvent inconfortables s’ils n’ont pas le temps de le faire. Or s’il est une certitude,
c’est que le travail en salle d’urgence ne favorise surtout pas ce type d’enseignement.
Mais rassurons-nous, ceci ne signifie pas que nous n’enseignons pas même si nous ne
donnons pas d’exposés formels.
Nous voudrions faire ressortir ici à partir de votre expérience clinique, les autres
occasions d’enseigner que nous avons en salle d’urgence.
Les occasions d’enseigner :
1. Discussion de cas
2. Interprétation de résultats (labo, RX, ECG)
3. Observation du résident en action clinique (salle de réa, explications au pt
dans le corridor, discussion avec famille, téléphone…)
4. Observation ou enseignement de techniques (taping, immobilisation, gaz
artériel, PL…)
5. Observation du médecin en action (retour avec le résident auprès du pt,
négociation d’une conduite avec un pt, information au pt et à la famille,
annoncer une mauvaise nouvelle, discussion avec les spécialistes, recherche
d’informations quand embêté…)
6. Observation du médecin dans les tâches connexes (gestion des priorités, suivi
des résultats, négociation d’un départ et de ses modalités…)
Il devient alors évident que la définition de l’enseignement clinique déborde
largement le cours théorique…c’est plutôt toute occasion de supporter
l’apprentissage du résident. Ceci inclut l’observation du superviseur comme modèle,
l’observation directe du résident en action lorsque la situation s’y prête.
L’enseignement de plus porte sur l’acquisition de plusieurs habilités (connaissances,
organisation de la pensée, résolution de problèmes, attitudes)
Les occasions d’enseigner sont multiples, souvent courtes…il faut savoir en tirer
profit.
LES BARRIÈRES À L’ENSEIGNEMENT À L’URGENCE
Il est intéressant de faire ressortir les barrières à l’enseignement qui sont inhérentes
au travail en salle d’urgence.
Ces barrières existent et sont, pour la plupart, impossibles à abolir. Les reconnaître
c’est déjà minimiser leur impact négatif sur nos interventions auprès des résidents.
Les barrières à l’enseignement
1. Tâches
a. Débit
b. Besoin d’efficience
c. Gravité des cas, nécessité d’action rapide
d. Soins simultanés à plusieurs patients
2. Contexte
a. Interruptions répétées
b. Lieux physiques (manque d’intimité)
c. Incompréhension du personnel vs la tâche d’enseignement
3. Étudiants
a. Différents niveaux et disciplines
b. Motivation variable
c. Éternel recommencement (1er juillet)
d. Exposition à différents enseignants, différentes méthodes, différentes
attentes
4. Enseignants
a. Sentiment d’être inadéquat ou peu habile comme enseignant
b. Manque d’assurance comme clinicien
c. Intérêt limité pour l’enseignement
PROPOSITION D’UNE APPROCHE DE DISCUSSION DE CAS
Puisque la discussion de cas est une méthode d’enseignement incontournable en salle
d’urgence, nous avons décidé de présenter une approche proposée par White et coll
qui nous a semblé intéressante. Évidemment ce n’est pas la seule méthode décrite, et
loin de nous l’idée d’en faire une panacée et d’affirmer que c’est la seule, ni même la
meilleure.
Beaucoup de supervision par discussion de cas se résume à obtenir les faits
concernant le pt (hx et EP) et le seul but recherché est celui d’apporter les meilleurs
soins au patient.
La méthode proposée combine cette recherche de « management » adéquat du
patient, mais avec une attention particulière sur l’observation du mode de pensée de
l’étudiant. C’est ce qui la rend si attrayante.
Car, outre ses acquis académiques, au stade clinique, les étudiants doivent
développer ou parfaire l’acquisition d’une démarche clinique, sur le mode de
résolution de problème. Ce qui est un fonctionnement évident souvent pour le
clinicien expérimenté,(soit l’élaboration précoce d’hypothèses, et le questionnaire
ainsi que l’examen clinique orienté), n’est pour la majorité des résidents pas du tout
naturel, et surtout totalement différent de ce qui a été fait jusqu’à maintenant en
milieu hospitalier.
Si pour plusieurs superviseurs, l’importance de ces notions est bien comprise, il n’en
demeure pas moins que les conditions de surcharge de travail en terme de débit ou
de lourdeur des cas, incitent trop souvent à escamoter l’aspect de l’évaluation du
mode de pensée du résident.
White a élaboré cette technique pour faciliter la tâche d’enseignement des résidents
seniors en pédiatrie qui devaient superviser des résidents ou étudiants moins
avancés. Nous croyons qu’elle est en ce sens applicable facilement en salle d’urgence.
White propose une approche de discussion de cas en six étapes que nous décrirons
brièvement.
• Focus
• Wait
• What
• Why
• Whenever
• Feedback
1. FOCUS
Aviser le résident de ce que l’on attend de lui, en terme de recueil de données, de
prise de décision, d’attitudes, de débit, de la façon de nous rapporter une histoire. Si
plusieurs de ces points peuvent être abordés en début de stage, d’autres comme la
façon de rapporter l’histoire peuvent être répétés au début de chaque présence à
l’urgence
D’autre part on lui permet de nous donner ses objectifs (contrat d’apprentissage)
2. WAIT
Souvent les étudiants se plaignent de ne pouvoir rapporter leur histoire sans être
interrompus. Et par ailleurs les superviseurs ressentent le besoin de régler les cas le
plus rapidement possible.
White propose de laisser le résident rapporter son histoire sans l’interrompre
pendant 3 minutes. Après cette présentation le superviseur peut questionner s’il lui
manque des informations pertinentes.
Ceci évite d’influencer le cheminement du résident
Les deux premières parties (focus et Wait) ont pour objectifs de recueillir
suffisamment d’informations pour établir une conduite auprès du patient. Il peut
être tentant alors comme superviseur de prendre la relève et de déclarer le ou les dx
présomptifs, et d’établir la conduite à tenir, surtout si l’on ressent le besoin de régler
rapidement (situation critique ou temps d’attente prolongé) mais à ce moment, on
n’a sublimé complètement notre deuxième rôle qui est celui de former un futur
médecin.
Les deux prochaines étapes ont pour but d’évaluer le résident sur sa démarche
clinique
Comment fonctionne-t-il quand il rencontre le patient? Se met-il en mode de
résolution de problème ? Ce mode est-il adéquat
3. WHAT
C’est à ce moment qu’il faut se retenir de dire au résident ce que l’on pense du
diagnostic et du traitement.
On incite le résident à se commettre. Ceci oblige le résident à reconnaître sa
responsabilité auprès du patient, lui permet de mettre en pratique la résolution de
problème, la prise de décision, tout en nous permettant d’évaluer ce que sait ou non
le résident
4. WHY
À cette étape, on demande au résident de penser tout haut. Pourquoi en arrive-t-il à
cette conclusion ? Quelles étaient ses hypothèses de départ ? Avait-il des hypothèses
de départ ? Pourquoi demande-t-il ces examens ? Pourquoi ce traitement
Cette étape nous permet d’évaluer le mode de pensée du résident, et déterminer son
degré d’organisation. Ceci ouvre sur tout le chapitre du diagnostic pédagogique et de
la prescription pédagogique. Ceci pourrait faire l’objet d’une présentation en soi.
En guise d’exemples, nous soumettons quelques problèmes fréquemment
rencontrés :
•
•
•
Le résident qui a un dx différentiel limité, ce peut être un problème cognitif,
un problème d’organisation des connaissances, un manque de schémas
Le résident qui fait une collecte des données complète et un bon examen
clinique, mais qui est incapable de donner de diagnostic, peut aussi avoir un
problème sur le plan de l’organisation de la pensée avec des schémas, ou un
problème de timidité
Le résident qui demande trop d’investigation peu justifiée, peut refléter un
problème d’insécurité, une inexpérience, une difficulté à prendre des
décisions.
5. WHENEVER
Nous permet de dépasser le cas, permet de généraliser.
Nous incite à trouver pour un cas donné un point d’emphase particulier que ce soit
sur l’aspect des dx différentiels, de l’investigation, du traitement, de l’attitude…
6. FEEDBACK
Quoiqu’on en dise, le feedback, même s’il ne devrait pas être sanctionnel, est toujours
perçu comme cela de la part du résident
Un bon feedback devrait être motivateur, précis, descriptif, éviter le jugement
général, partir d’un fait précis et identifiable, et parfois permettre de reconnaître des
patterns.
Devrait se faire de façon intime (pas devant les pairs, ou le personnel)
Commencer par la vision du résident sur sa performance, toujours essayer de sortir
un point fort (renforcement positif), et présenter les points plus négatifs, comme des
points à améliorer. (plutôt que comme des erreurs)
Il est utopique, à mon avis de faire un feedback pour chaque patient vu. Cependant
un seul feedback bien fait par quart de travail serait déjà très positif pour le résident.
CONCLUSION
Enseigner, c’est outiller et guider.
Les occasions sont multiples, et il faut savoir en profiter.
Reconnaître la puissance d’un bon feedback, et du modèle de rôle.
Finalement avoir du plaisir à travailler et à enseigner, ça se sent et….ça se transmet !!!