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298-EXPLOSIF
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Par Aurélien Broussal
Professeur de sport,
double master en préparation
physique et en entraînement sportif,
Cercle Tissier Vincennes
Site internet p.109
100% PHYSIQUE
L
’explosivité est une qualité qui se situe à l’intersection de la force et de la vitesse : elle permet
en effet d’exprimer avec promptitude un niveau
de force important. En fait, il s’agit pour le préparateur
physique de parvenir à réduire le temps nécessaire pour
que le muscle parvienne au pic de force qu’il produit au
cours d’une contraction.
Les méthodes de développement portent tout autant sur
la force que sur la vitesse. Si la vitesse est profondément
ancrée génétiquement (la priorité d’entraînement demeure la force dont les gains escomptables sont nettement
supérieurs), elle n’en reste en effet pas moins entraînable.
Sa variété s’exprimera d’autant plus que les besoins en
explosivité sont spécifiques aux disciplines (elles varient
parfois même au sein d’un sport) et aux sportifs.
Petit rappel physiologique…
Les efforts courts et d’intensité maximale sont fournis
principalement grâce à la filière anaérobie alactique,
aussi appelée ATP-CP. Le fonctionnement de cette filière
est dans son appellation : ne nécessitant pas forcément
d’oxygène (anaérobie), avec une production minimale de
déchets lactiques (alactique), c’est la créatine phosphate
(CP) directement présente dans les muscles qui permet
de produire de l’énergie. Au bout de quelques secondes,
cet ATP-CP est épuisée, et il faut que l’organisme fasse
d’avantage appel à une autre système de produire de
l’énergie…
CES FACTEURS QUI INFLUENCENT
L’EXPLOSIVITÉ
Divers facteurs influencent très nettement la capacité à produire un haut niveau de force dans un temps très court.
■ La composition musculaire
Il est désormais admis que les
athlètes possédant dès la naissance plus de fibres rapides
seront à même de produire des
contractions plus rapides et plus
intenses que les sportifs disposant d’une dominantes de fibres
lentes. L’impact de l’entraînement
sur ce paramètre demeure très
controversé, et de toutes façons
limité. En effet, si la culture et la
pratique sportive à long terme
peut influencer les fibres mixtes
(fibres alternatives, ni lentes ni
rapides, mais capables de s’adapter), la probabilité d’une transformation des fibres lentes en fibres
rapides semble très limitée.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le développement de
l’explosivité est subordonné à deux conditions :
● L’engagement total
de l’athlète, se traduisant par un effort maximal, voire sur-maximal.
Il s’agit donc bien pour
le sportif d’aller " leplus-vite-possible " au
regard de la charge qu’il
mobilise.
● La récupération complète, indispensable pour
ne produire que des
efforts à vitesse maximale. Si cette récupération
maximale n’est pas respectée, l’intensité de travail chutera d’elle même,
et l’athlète ne sera plus
en situation de d’amélioration de l’explosivité.
■ Masse grasse
Les extrêmes sont comme en tout
inefficaces et dangereux pour le sportif.
À RETENIR POUR L’ENTRAÎNEMENT !
Si un excès de graisDes temps d’effort très courts (jusqu’à 10 secondes), et des temps de récupérase n’est pas adapté à l’effort de vitesse, un
tion très longs (il faut parfois observer plusieurs minutes, sans quoi le sportif ne
muscle anormalement " séché " de sa masse
récupère pas totalement, l’intensité qu’il engage dans sa série chute, et il passe sous
grasse est un muscle incapable de produire un
la dominance d’une autre filière énergétique). L’intensité de travail est quant à elle
effort d’intensité maximale. Pire encore, c’est
maximale.
un muscle fragilisé. Une masse grasse compriSensations physiques liées au travail :
se entre 6 et 10% pour les hommes, et entre 12
Difficulté à soutenir la cadence (pour une exécution technique de qualité)
et 17% semble optimale.
Défi, se battre avec soi même pour aller LE-PLUS-VITE-POSSIBLE
Indicateurs pour l’arrêt du travail :
Allongement du temps de réaction
Chute de la vitesse d’exécution ou de la fréquence gestuelle
Baisse de qualité technique du geste
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MdM&F n°297 - Avril 2009
■ L’âge
L’âge a un impact extrêmement important sur le
développement de la qualité de l’explosivité.
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On observe une augmentation de la vitesse de contraction
jusqu’à 25 ans, puis une diminution progressive jusqu’à 35
ans, avant une chute drastique entre 35 et 40 ans. L’âge
idéal serait entre 12 et 17 ans pour un développement intensif chez les jeunes.
PÉRIODES PRIVILÉGIÉES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA FORCE EXPLOSIVE
selon Gilles Cometti, 2006
ÂGE
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
TEMPS DE
RÉACTION
VITESSE GESTUELLE
PURE
VITESSE GESTUELLE
CONTRE RÉSISTANCE
FRÉQUENCE
GESTUELLE
FRÉQUENCE
DES APPUIS
VITESSE
■ Le genre
Comme pour l’ensemble des qualités physiques, un écart de
performance majeur est constaté entre l’homme et la
femme. Les différences culturelles, hormonales et génétiques donnent des records mondiaux environ 30% supérieurs pour les hommes sur une épreuve aussi explosive
qu’un arraché. Ceci étant, maintenant que les femmes bénéficient d’une considération et d’un entraînement adapté, il
s’avère qu’elles progressent aussi vite que les hommes,
voire plus vite encore.
Composante n°1 :
LE PIC DE FORCE
L’objectif est ici d’améliorer les paramètres de force-vitesse
ou d’explosivité musculaire. Comme toute qualité composite, son développement peut s’envisager par un développement conjoint des deux qualités, ou un développement
intense d’une de ses composantes. La vitesse étant profondément ancrée génétiquement (on peut espérer une dizaine
de % d’amélioration dans le meilleur des cas), et aux vues
des progrès escomptables en force (100% d’amélioration
des performance de force n’a rien de surprenant), un sportif explosif, c’est avant tout un sportif fort. De plus, la force
est la qualité qui va permettre à la vitesse de s’exprimer, au
travers d’un recrutement musculaire toujours plus vif, intense, total.
Envisagé de front avec le développement de la vitesse et ce
dès le début de l’année, le travail de la force passera nécessairement par les différentes variantes d’endurance de
force, de force maximale, et de puissance.
■ La technique
Deux sportifs ne se comportent pas nécessairement de la
même manière, quelle que soit la performance motrice
concernée, la technique est alors déterminante dans l’efficience du déplacement.
Le développement de la force reste la base de l’amélioration de l’explosivité
Composante n°2 :
L’ACCÉLÉRATION
L’explosivité ne concerne pas seulement les membres inférieurs. Les
pompes claquées et les pompes sautées alternées entre les steps sont
de redoutables exercices pliométriques permattant le développement des
qualités explosives des membres supérieurs.
La capacité du sportif à augmenter sa vitesse gestuelle ou
de déplacement de manière soudaine est déterminante. En
clair, une fois le délais de réaction dépassé, il s’agit pour lui
de produire une accélération.
Cette qualité d’accélération peut être améliorée de diverses
manières. Surcharger le sportif peut constituer un support
d’entraînement concentrique très efficace. Le développement des muscles impliqués dans les différents paramètres
de puissance du déplacement passe par 3 techniques principales :
Le sprint en côtes
La production d’une vitesse la plus élevée possible dans
une montée est un moyen d’amélioration que l’on pourrait
qualifier de " contre-vitesse ". Dans tous les cas, l’inclinaison
de la pente ne doit pas détériorer le geste technique (de
départ comme de course). La pente ne doit ainsi pas excéder 8 à 10 degrés. Il est possible, dans ce cadre, de développer l’accélération sur 10 à 30 mètres, ou la production et
le soutien de vitesse jusqu’à 90 mètres. La séance sera
consacrée à une distance, ou les distances seront alternées
au sein d’une séance (1 série sprint court / 1 série sprint
long). Il est également intéressant, pour rapprocher le travail
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de la réalité, de faire suivre
la séquence de contre vitesse d’une séquence de vitesse normale voire spécifique
(sprint + conduite de balle
en football).
Exemple de travail : 2
séries de 3 à 5 répétitions
de 10 mètre en côte suivis
de 10 mètres sur plat.
Accélérations escaliers
L’idée de départ est la
même que celle des sprints
en côtes : surcharger le
sprint. Peu de recommandations autres que le strict respect des limites énergétiques de la vitesse (cf filière
anaérobie alactique). Les
marches ne doivent pas être
Confronté à un manque de place ?
Remplacez avantageusement le
trop hautes ni trop petites.
step par un BOSU et développez
Une hauteur de 20 à 25 cm
votre équilibre de concert avec
votre explosivité. Pour cela,
semble optimale, elle doit
bondissez de droite à gauche
être identique pour chacune
en alternant, le pied restant
en appui sur l’engin.
des marches.
Exemple de travail : 2 séries de 3 à 5 répétitions de 8
marches puis 10 mètres sur plat.
Course lestée
Plusieurs techniques existent : le gilet lesté, le chariot relié à
une corde freinant la course, l’élastique, le parachute… Encore
une fois, il est primordial que la surcharge ne perturbe pas la
technique de course. Un excès de poids obligerait le sportif à
adapter sa motricité, limitant la cohérence de la progression
physique comme technique. Si il est parfois préconisé de travailler uniquement en situation de lest, l’approche la plus intéressante pour transférer les gains directement dans la course
semble être celle de l’alternance charge/décharge. On pourra
appliquer ce principe d’alternance entre les séries (une série en
contre vitesse, une série sans contrainte), ou dans une même
série (départ lesté puis relâche en survitesse).
Exemple de travail : 2 séries de 3 à 5 départ en " starting-blocks " sur 6 foulées
Composante n°3 :
LA VITESSE ABSOLUE
Comme nous l’avons déjà développé plus haut, la survitesse
(ou vitesse assistée) vise à améliorer la fréquence d’appuis
ainsi que la longueur des appuis du sportif. Cette création
artificielle de vitesse dépassant les limites du sportif, permet
de placer le système neuromusculaire dans un niveau de
sollicitation qui permettra au sportif de surpasser ses limites
de vitesse. Nous vous présentons ici quelques méthodes
couramment utilisées pour développer la survitesse.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Principes à respecter dans le développement de l’explosivité :
1. Plus que jamais, l’échauffement devra être profond et rigoureux.
Néanmoins, ce dernier doit maintenir les ressources physiques de
l’athlète intactes (l’échauffement ne doit donc pas trop se prolonger,
et prévoir un protocole de récupération en vue de la séance)
2. Travailler sur un muscle frais. Le sportif ne doit pas avoir subit d’entraînement intense dans les 48 h qui précèdent la séance d’explosivité
3. Travailler sur un muscle sain. Annuler l’entraînement si l’athlète
est fatigué, malade, déprimé…
4. Toujours contrôler la qualité du geste technique. L’exercice ne doit
en aucun cas détériorer la technique gestuelle (double risque : blessure et perte d’efficacité à moyen terme).
Course en pente descendante
Plus que jamais, l’inclinaison de la pente ne doit pas dépasser
6 degrés (3 étant un minimum). Au delà de 7 degrés, le risque
de chute augmente, la posture de course se dégrade, à tel
point que le contact avec le sol dépasse le centre de gravité,
produisant une attitude de " freinage " automatique. Afin de
préserver à " coup sur " la qualité de la technique de course,
l’idéal est de démarrer à plat (l’athlète se lance), de poursuivre
sur une légère descente (ce qui permet une accélération supra
maximale), et éventuellement de terminer de nouveau sur du
plat, permettant : (1) une restructuration de la technique de
course, (2) un transfert direct du niveau de tension neuro-musculaire dans un sprint normal.
PROPOSITION D’EXERCICE EN DESCENTE, LES TROIS 15 :
15 m plats – 15 m descente – 15 m plats
Sur cadre guide, avec un partenaire
qui freine le retour de la barre,
il est très intéressant de libérer la
répulsion jusuq’au lâché de barre
en cherchant à l’envoyer
le plus haut possible
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Travail cyclique à haute
vitesse sur place
Les exercices de « marelle » sont les meilleures illustrations
de la pliométrie que j’appelle « coordonnée »
Cette méthode permet plus
d’impulsions par secondes
qu’un travail de sprint, en
libérant la fréquence gestuelle. George B. Dintiman
préconise une combinaison
avec la course en descente
pour en améliorer l’efficacité.
PROPOSITION D’EXERCICE DE
FRÉQUENCE STATIONNAIRE :
8 séries de montées de
genoux de 6 secondes (r=2’)
Sur place, le travail d’accélération
en fréquence peut s’effectuer
en montées de genoux
à vitesse maximale
Améliorer sa force
pliométrique
POUR ALLER PLUS LOIN…
L’enchaînement des contenus pliométriques dans la
séance peut s’envisager de
diverses manières. Ma suggestion est basée sur l’évolution vers la course :
Pliométrie coordonnée
(marelle, gammes d’athétisme…) : travail d’éveil pliométrique et de réactivation des
schémas corporels
Pliométrie verticale (sauts
de bancs, contrebas…) :
montée en intensité progressive en variant les hauteurs
Pliométrie horizontale (multibonds, foulées bondissantes…) : transition vers la
vitesse de course
La pliométrie est un régime
enchaînant une contraction
concentrique et excentrique
dans le délai le plus court
possible. Elle constitue l’un
des outils les plus efficaces
pour améliorer sa vitesse. Il
est possible de l’envisager
séparément (préparation physique générale dissociée), ou
associée avec d’autres exercices, généraux ou spécifiques
(préparation physique associée).
Une fois les principes d’intensité, de récupération et de
prévention respectés, les possibilités de combinaisons
sont infinies.
RÉUNIR LES COMPOSANTES
DANS DES MOUVEMENTS
À SOLLICITATION D’ENSEMBLE
Un mouvement d’ensemble est un exercice au cours du quel
le sportif va utiliser l’ensemble de ses chaînes musculaires
au service d’une production de force et/ou de de vitesse. Le
support privilégié du préparateur physique est alors l’halterophilie et les différents éducatifs qui la composent.
Dans la perspective du développement conjoint de la force
et de la vitesse au service de l’explosivité, l’halterophilie propose :
● une triple extension hanches-genoux-chevilles réalisée à
vitesse max.
● un développement de la force explosive et la force de
démarrage du train inférieur (arraché, épaulé et jeté) et
supérieur (jeté) en poussée.
● un développement de la force explosive en tirage du train
supérieur (arraché et épaulé).
● une implication de la majorité de la musculature, du bout
des orteils jusqu’au bout des doigts.
● un développement de l’équilibre statique et de la proprioception dans un mouvement de force.
● un apprentissage du placement préventif de la colonne
vertébrale. MdM&F
PROPOSITION DE DÉVELOPPEMENT DE L’EXPLOSIVITÉ
EN ÉPAULÉ DÉPART MI-CUISSE :
4 séries de 3 répétitions à vitesse maximale.
3 minutes de récupération
POUR ALLER PLUS LOIN
● Georges Dintiman, Tom Tellez et Robert D. Ward : " Sports Speed "
● - Donald Chu – " Jumping into plyometrics "
Le travail de pliométrie verticale peut s’effectuer en bondissant
SUR et ENTRE les steps
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