NOTE SUR DES CAPTURES PEU ORDINAIRES DE TRES GROS

Transcription

NOTE SUR DES CAPTURES PEU ORDINAIRES DE TRES GROS
SCRS/00/122 REVISED
Col. Vol. Sci. Pap. ICCAT, 52 (2) : 480-482 (2001)
NOTE SUR DES CAPTURES PEU ORDINAIRES DE TRES GROS THONS
ALBACORES (Thunnus albacares) DANS LE GOLFE DE GUINEE, EN JUIN 2000
François Xavier Bard 1 et René Dedo 2 ,
SUMMARY
At the end of June 2000, some French purse seiners exploited a concentration of very
large yellowfin tuna (Thunnus albacares) in the inner part of the Gulf of Guinea. Sizes and sex
were sampled in Abidjan. Individual weights ranged from 30 to 180 kg. Sex ratio indicated a
notable proportion of large females, 70 kg or larger, which is unusal when compared to the
classical distribution of males and females generally observed. It is hypothetised that these fish
are a part of a sedentary sub-population of yellowfin in the Gulf of Guinea,which breed in
summer close to the northern coast of Gulf of Guinea.
RÉSUMÉ
A la fin du mois de juin 2000, quelques senneurs français ont exploité une concentration
de très grands albacores (Thunnus albacares) au fond du golfe de Guinée. L’échantillonnage de
taille et de sexe a été effectué à Abidjan. Le poids des poissons allait de 30 à 180 kg. Le sexratio montrait une proportion sensible de femelles de grande taiulle, de 70 kg ou plus, ce qui est
peu courant si on le compare à la distribution classique mâles/femelles qui est généralement
observée. L’hypothèse est formulée que ces poissons feraient partie d’une sous-population
sédentaire d’albacore dans le golfe de Guinée, dont la ponte aurait lieu l’été à proximité des
côtes nord du golfe de Guinée.
RESUMEN
A finales de junio de 2000, algunos cerqueros franceses se dedicaron a la explotación de
una concentración de rabiles (Thunnus albacares) de gran tamaño en la zona interior del Golfo
de Guinea. El muestreo de tallas y sexo se hizo en Abidjan. Los pesos de los ejemplares estaban
entre 30 y 180 kg. La sex ratio mostraba una notable proporción de hembras de gran tamaño,
70 kg o más, que es poco usual en comparación con la distribución clásica de machos y
hembras que se observa generalmente. Se propone la hipótesis que estos peces son parte de una
subpoblación sedentaria de rabil en el Golfo de Guinea, que desova durante el verano cerca de
la costa norte del Golfo de Guinea.
A la fin juin 2000, plusieurs senneurs français ont exploité une petite concentration de très gros
albacores rencontrée aux accores du Bénin. La somme des captures avoisine 1000 tonnes. Différents
éléments font que l’originalité de cette pêche mérite quelques développements, qui sont donc exposés
dans la présente note.
Ces albacores étaient très gros ; le record, pesé à l’usine était de 180 kg. Des échantillonnages de
taille effectués au débarquement par le Centre de Recherche Océanographique d’Abidjan permettent
de représenter la distribution des poids individuels sur la figure suivante. Cette distribution est
comparée a celle des albacores de la catégorie YFT+30, constituée d‘individus adultes, capturés
couramment dans la région Ouest Equateur par les senneurs au dernier puis au premier trimestre de
chaque année.
1
2
Chercheur biologiste des pêches à l’IRD (ex ORSTOM) à Abidjan.
Technicien halieute au Centre de Recherches Océanologiques d’Abidjan.
On observe donc que la taille des gros albacores rencontrés devant le Bénin est en effet
exceptionnelle. D’autres captures de gros albacores effectués plus à l’Ouest en fin Juillet, ce qui
correspond à l’ancienne « Saison du Cap Trois Pointes », montrent en revanche des tailles voisines de
la normale.
Un sous échantillonnage de 66 poissons, effectué à l’usine SCODI a permis de vérifier la
composition par sexe de ces très gros albacores, en fonction de la taille. On observe la répartition
suivante des proportions de mâles, femelles, comparée à celle des gros albacores classiquement
capturés lors de la saison de reproduction sur l’Equateur du quatrième au premier trimestre.
En règle générale, les albacores les plus gros sont des poissons mâles. On pouvait donc s’attendre
a ce que les albacores de 70 kg et plus de cette pêche particulière aient été tous des mâles. Or , on
constate que le schéma de répartition des sexes en fonction des tailles, dans l’échantillon des très gros
albacores en question, reste similaire à celle constamment observée chez les albacores adultes de taille
classique. Les femelles sont plus abondantes pour les tailles intermédiaires, mais les plus gros
individus sont tous des mâles. Le fait que ce schéma de répartition des sexes s’applique à deux
gammes de taille d’albacore bien différentes est donc surprenant.
Par ailleurs, les glandes sexuelles (ovaires) de ces thons, examinées en usine, montrent un état de
fort développement, indiquant une activité de reproduction proche. Or il est connu qu’il existe une
zone de reproduction secondaire de l’albacore, sur les accores Nord du Golfe de Guinée , de Mai à
Aout, (Bard et Capisano, 1991) Ces albacores pouvaient y contribuer.
Toute ces observations suggèrent que ces très gros albacores appartiennent à un petite population
« relique » restée à l’abri de l’exploitation générale des albacores plus au large, et qui aurait donc
vieilli tranquillement. Il est possible que ces thons soient restés sédentaires dans le Golfe de Guinée.
La cause de cette concentration anormale de gros individus, qui ont été capturés facilement
d’après les patrons des senneurs, s’explique par un comportement alimentaire particulier de poissons
repus.
L’examen des contenus stomacaux de 10 individus montre que ces les estomacs étaient bien
remplis par un mélange de deux types de poissons :
D’une part de très nombreux petits poissons, qui ont été identifiés comme des juvéniles
d’un poisson côtier Priacanthus cruentatus . Ce poisson de couleur rosée est nocturne, il
possède de gros yeux ,ce qui lui vaut le surnom de « motard » sur les marchés africains. Il
paraît très abondant depuis quelques années sur la côte Nord du Golfe de Guinée. Les
juvéniles en question pesaient de 2 à 3 grammes chacun.
D’autre part, un mélange d’auxides et thonines pesant de 0.5 à 1 kg chacun, plus quelques
listaos (K pelamis) un peu plus gros.
L’estomac le plus rempli était celui d’un albacore estimé à 117 kg , rempli de 5,2 kg de ce
mélange d’auxide(7) , listao (1) et de Priacanthus.
L’interprétation que nous proposons est la suivante : Les juvéniles de Priacanthus, qui vivent
normalement en banc a proximité du fond, au dessus du plateau continental ont été entrainés au large
dans les eaux bleues du large, où ils deviennent très vulnérables aux thons, en formant des « boules ».
Ce genre de situation qui correspond à un enrichissement biologique des eaux du large par les eaux
côtières a été déjà observé pour d’autres espèces, des anchois notamment.
Les auxides, thonines et listaos assez souvent présents aux accores se sont nourri sur ces petits
poissons. Les gros albacores occupés à consommer les petits comme les gros poissons ont été
aisément capturés par les senneurs.
REFERENCE
BARD F.X., C. CAPISANO-1991.- Actualisation des connaissances sur la reproduction de l'albacore
(Thunnus albacares) en océan Atlantique. ICCAT Rapport du Programme de l'Année Albacore
(Yellowfin Year Program) Rec. Doc. Sci 36 : 158-181
Tableau 1 : Répartition des sexes en fonction de la taille (exprimée en poids inidviduels) des albacores adultes,
en comparant la distribution classiquement observée sur l’Equateur et le cas particulier décrit ici.
Classes de Mâles
poids (Kg) Equateur
30
0,44
40
0,38
50
0,47
60
0,63
70
0,85
80
0,97
90
1.00
100
1.00
110
120
Femelles
Equateur
0,56
0,62
0,53
0,37
0,15
0,03
0
0
Mâles
Bénin
Femelles
Bénin
0,40
0,08
0,43
0,83
1.00
1.00
1.00
1.00
0,60
0,92
0,57
0,17
0
0
0
0
Fréquences de poids individuels des gros YFT capturés au large du Bénin en
juin 2000, comparés aux YFT+30 pêchés sur l'Equateur.
40
35
25
Equateur
20
Benin Juin 2000
15
10
5
180
170
160
150
140
130
120
110
100
90
80
70
60
50
40
0
30
Pourcentage
30
Classes de poids de 10 kg
Figure 1 : Distribution des tailles, exprimées en poids individuels des albacores adultes, en comparant la
distribution classiquement observée sur l’Equateur et le cas particulier décrit ici.