Le culte des saints et pèlerinages à Rome dans l`Antiquité tardive

Transcription

Le culte des saints et pèlerinages à Rome dans l`Antiquité tardive
Le culte des saints et pèlerinages à Rome dans l’Antiquité tardive par J. Guyon
Aux origines du pèlerinage romain : le « trophée de Pierre » La dévotion chrétienne se fixe sur Pierre et Paul, les colonnes
de l’Eglise. Eusèbe de Césarée rapporte : C’est ce qu'affirme tout autant un homme ecclésiastique, du nom de Caïus, qui vivait sous Zéphyrin,
évêque des Romains. Discutant par écrit contre Proclus, le chef de la secte cataphrygienne, il dit à propos des lieux où furent déposées les
dépouilles sacrées des dits Apôtres, ces propres paroles : « Pour moi, je peux montrer les trophées des Apôtres. Si tu veux aller au Vatican ou sur
la voie d'Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Eglise. » C’est en vertu de l’importance de ce témoignage que le petit
autel du IIe siècle, retrouvé lors des fouilles menées dans la nécropole vaticane pour protéger la sépulture de saint Pierre, a été appelé
Trophée de Gaius. En 1950, des fouilles sont entreprises à Rome, au Vatican, en vue de l’inhumation de Pie X et menées sous le
pontificat de Pie XII. . Cette basilique, reconstruite à la Renaissance, remplace l’ancienne basilique médiévale, elle-même héritière de la
basilique de Constantin, érigée après la victoire du Pont de Milvius le 28 octobre 312. Après la proclamation de l’édit de Milan (313
apr. J.C), les chrétiens purent construire leurs édifices de culte : cela permit à Constantin lui-même de commencer en 324 la
construction de la basilique, qui devait englober le Trophée de Gaius et intégrer la tombe de saint Pierre au cœur de l’ensemble.
Consacrée en 329, la grande basilique se présentait comme un bâtiment longitudinal composé de cinq nefs et d’un transept. Pour
édifier cette église, la colline a été entaillé et le remblai est venu supporté le sol au dessus d’un cimetière. La nécropole Vaticane fut
en usage jusqu’au début du IVème siècle. Les architectes nivelèrent une partie de la colline et démolirent ce qui émergeait des
mausolées de la nécropole, alignés le long de la pente de la colline. Il comblèrent le tout avec de la terre de remblai et érigèrent de
gros murs de soutènement et de fondation pour consolider la grande plate-forme sur laquelle ils devaient édifier le sanctuaire.
Constantin fit enfermer la tombe vénérée dans un monument de marbre, désormais appelée « Memoria Costantiniana », au centre de
l’abside. Cette basilique formée de cinq nefs et précédée d’un vaste atrium, fut en partie démolie en 1502. En 1506, le pape Jules II
décréta la construction d’une nouvelle basilique. Sur le territoire entre l’actuelle colline Vaticane et le Janicule Agrippine la Grande,
mère de Caligula, créa de grands jardins appelés « Horti Neroniani », dans lesquels Caligula entreprit la construction du cirque,
achevé par Néron. Caligula avait fait ériger dans ce cirque, à environ dix mètres de profondeur du niveau actuel du terrain, un grand
obélisque qui provenait d’Egypte. Il est resté en place jusqu’en 1586, lorsque le pape Sixte Quint le fit transporter sur la Place SaintPierre. Le cimetière borde ce cirque. Les campagnes de ont permis de retrouver des tombes de différents types du II siècle av. J.C qui
étaient situées sur le flanc nord du cirque de Néron : il s’agit de sépultures païennes ornées de fresques et de riches décorations,
Parmi ces mausolées, la tombe des Juli présente un plafond à mosaïque. L’iconographie du char du soleil peut être également
interprété comme un symbole chrétien du Christ triomphant. Mais il y a en fait peu d’indices d’installations chrétiennes dans cette
nécropole. Les tombes riches sont sur les voies de passages, afin de pouvoir bénéficier de la lecture des épitaphes, un moment de vie
pour les morts. Sur le titulus retrouvé au-dessus de la porte d’un mausolée de la nécropole vaticane, est gravée l’inscription de
Popilius Heracla qui exprimait la volonté d’être enseveli « IN VATIC. AD CIRCUM », c’est-à-dire « Au Vatican près du cirque ». En
fait, comme beaucoup d’autres aires suburbaines, la zone du Vatican était peuplée de sépultures. Cette nécropole est entourée
ensuite de tombes chrétiennes, parfois très pauvres (le champ P). Dans le fond de la nécropole, un édicule indique la tombe de
l’apôtre Pierre, adossée à un mur rouge suivant, ce que la tradition et des études récentes approfondies indiquent. Cet édicule à deux
colonnettes et architrave est le Trophée de Gaius. Sur un petit fragment du mur rouge (3,2 x 5,8 cm) , on peut lire l’inscription
grecque : PETR(…) ENI(…) que certains complètent par PETROS ENESTI (Pierre est à l’intérieur) ou PETROS ENI (Pierre est ici).
L’apôtre Pierre, chef de la communauté chrétienne de Rome, après avoir subi le martyre dans le cirque de Néron pendant la
persécution de 64-67, fut déposé dans cette nécropole selon les normes du droit funéraire romain. C’est là que fut retrouvé le lieu de
sa sépulture, objet d’une vénération particulière tout au long des siècles. Il a été trouvé, tardivement, une cavité dans laquelle des
ossements ont été reconnus comme ceux de Pierre par le pape. (en 50 les fouilles ne signalent pas ceci) On a là avec cet édifice, le
plus ancien monument chrétien d’occident et d’orient (puisque l’église de Dura Europos date d’environ 241). On vient à Rome
vénérer Pierre. Pour accueillir les fidèles, Constantin magnifie le site et fait enfermer cet édicule sacré dans une sorte de cube, de
marbre et de porphyre. Une demeure royale en l’honneur de Pierre. La dévotion se porte sur ce petit élément qui enclot le
monument précédent. Va alors commencer un système de poupées gigogne.
Aux origines du pèlerinage romain : la « mémoire des Apôtres » sur la via Appia
San Sebastiano est l’ancienne basilique des apôtres. (basilica apostolorum). C’est une basilique à déambulatoire annulaire, création de
Constantin ou d’un prédécesseur ou suivant, dans les années 330-340. Le papa Damase inscrira pour les pèlerins, une phrase
parvenue à nous par transcription. Deux versions sont connues : « Ici ils ont habité - ou habitent, tu dois le savoir, toi qui cherches les noms
de Pierre et Paul ». le dallage de la basilique a été fouillé vers 1900. Une superposition de strates montre différents niveaux :
- Une carrière de Pouzzolane abandonnée et réutilisée pour placer quelques tombes et partiellement effondrée. Ce qui donnera le
mot ad catacombas c'est-à-dire « près de la carrière ». peu d’indices chrétiens s’y trouevnt.
- On remblaie l’effondrement et aménage une placette avec différents petits mausolées à toit en terrasse pour les banquets funéraires.
- Vers 230-240, sont crée sur une cour sur les côtés de laquelle étaient un modeste édicule et des sortes de préaux connus dans la
littérature archéologiques sous le nom de triclia, sorte de « trattoria » (selon R. Krautheimer). Ces préaux abritaient les pèlerins
venus rendre un banquet funéraire, honorant les apôtres. Des graffiti d’invocations aux apôtres Pierre et Paul, ont été déchiffrés sur
la paroi de fond du Triclia de ma mémoria apostolorum de st Sébastien.
Pour répondre à l’afflux des pèlerins, les aménagements des catacombes au IVe siècle Témoignages anciens de
pratiques de pèlerinage, on voir au IVè siècle, après la victoire de Constantin et la construction d’église, un afflux de pèlerins dans les
catacombes. L’étude de la catacombe Saint Pierre et saint Marcellin permet de comprendre ces pratiques.
La crypte des saints Pierre et Marcellin la persécution des adeptes du christianisme par le pouvoir impérial a commencé en 250 après J.C (pour se terminer en 313). Située au sud-est de Rome, à 3 km des murailles de la ville antique, cette catacombe s’étend sur près de
3 hectares avec 4,5 km de galeries souterraines réparties sur 3 niveaux ; elle a accueilli entre 20000 et 25000 défunts. Les chrétiens
devaient savoir que sous le site de Saints-Pierre-et-Marcellin existait déjà un réseau de cavités souterraines réutilisables. Il s’agissait
probablement de citernes d’irrigation creusées dans le tuf, une pierre volcanique. Ils ont alors sans doute acquis des terrains à cet
endroit. .Les noms de Pierre et Marcellin font référence à un exorciste et un prêtre qui auraient été décapités vers 287 pour leur foi
chrétienne. Quelque temps après leur martyre, vers 310, une dame respectable, nommée Lucille, les enterra auprès de celui de saint
Tiburce, dans es catacombes, sur la voie Lavicane. Elle construit une chambre funéraire pour elle et installe les tombes des saints sur
les parois du fond. Vers 330-340, les familiers de Lucille vont être enterrés ad sanctum, Les fidèles avaient envie d’être inhumés à
côté d’eux pour assurer leur résurrection. Et ce grâce à l’intercession des saints ; on installe donc une chambre supplémentaire,
taillant dans le tuf à partir de la chambre primitive. La crypte ainsi réunie devient plus grande pour accueillir toujours plus de
personnes. Vers 350, on abat un mur et on relie différentes régions. Vers 370-380, le pape Damase intervient en ces lieux et le
monumentalise. Il crée un escalier pour atteindre directement la tombe sainte à l’intention des pèlerins. La tombe est embellie, les
saints sont inhumés dans deux loculi avec arc de triomphe, inscriptions. En 366, le pape Damase, élu dans des circonstances difficiles,
va se servir de la dévotion populaire pour « refaire l’unité des fidèles sous le patronage hautement significatif des premiers témoins de
la foi », explique le livre "Les catacombes chrétiennes de Rome" (1). Pour entretenir l’ardeur adoratrice des foules, le souverain
pontife transforme et embellit les tombes des saints. En 800, Charlemagne fait retirer les restes de Pierre et Marcellin. Leurs reliques
sont alors déposés dans le sanctuaire de Seligenstadt (mot-à-mot la ville des saints) en Allemagne.
la « crypte des papes » Cimetière des deux lauriers autour de 200, la foi chrétienne se cristallise. Des dizaines de martyrs y ont trouvé
une sépulture, ainsi que 16 papes et de très nombreux chrétiens. Elles tirent leur nom du diacre saint Calixte, qui au début du IIIe
siècle fut préposé par le Pape Zéphyrin à l’administration du cimetière crée en surface, puis en sous sol. Les catacombes de SaintCalixte devinrent le cimetière officiel de l’Eglise de Rome. Les deux galeries originelles, ne suffisant plus, il est maintes fois agrandi et
clos par un système de galerie en grill. Sur les parois commencent à apparaître des chambres funéraires pour les plus aisés, dont une
chambre double. On y crée le caveau pontifical qui sera agrandi en partie haute. De 235 à 293, Dans cette crypte furent ensevelis 9
Papes et 8 Evêques du IIIe siècle. Sur les murs sont fixées les stèles originelles, brisées et incomplètes, de 5 Papes. Leurs noms sont
inscrits en grec, selon l’usage officiel de l’Eglise de l’époque. Sur 4 pierres tombales, à côté du nom du Souverain Pontife, se trouve la
qualification d’epì(scopos) = évêque, car il était le chef de l’Eglise de Rome; et sur deux stèles se trouve la sigle, qui est une
abréviation, MTR = Martyr. Martyr signifie témoin. Les chrétiens qui avaient témoigné par leur sang de la foi dans le Christ furent
appelés martyrs. Ainsi saint Pontien (230-235), qui mourut martyr en Sardaigne ou le pape martyr Sixte II (257-258), qui présidait
précisément une liturgie dans ce cimetière, quand il fut surpris par les soldats de l’empereur Valérien le 6 août 258 et décapité sur
place, le même jour, avec quatre diacres. Au IVe siècle le Pape saint Damase, qui entretenait pieusement le culte des
martyrs, transforma la crypte en lieu de culte. Il y fit placer un autel et une inscription "Si tu le cherches, sache que repose ici uni un
groupe de Bienheureux.Les sépulcres vénérables conservent les corps des Saints,mais le palais du ciel a ravi pour lui les âmes élues.Ici se trouvent
les compagnons de Sixtequi élèvent les trophées gagnés sur l’ennemi.Ici se trouve le groupe des anciens qui conserve les autels du Christ.ici
l’Evêque qui vécut dans une longue paix;ici les saints confesseurs (de la foi) envoyés de la Grèce;ici les jeunes, les enfants et les vieuxavec leurs
chastes descendants,qui préférèrent conserver leur pureté virginale.Ici, moi aussi, Damase, je le confesse, j’aurais voulu être enseveli,mais j’eus
crainte de déranger les cendres saintes des Bienheureux". Derrière la crypte des papes, une vaste salle est construite (retrosanctos), pour
recevoir la tombe de sainte Cécile. Par un escalier on peut descendre ainsi directement dans la crypte. Le succès des pèlerinages à
Rome concerne les romains mais aussi les étrangers. A l’usage de ceux ci on aménage des chemins de pèlerinage.
Ainsi, les principaux sites étaient aménagés en pensant à l’afflux de pèlerins.
Le VIe siècle : des innovations liturgiques qui coïncident avec l’« âge d’or » du pèlerinage romain c’est une époque
très bien renseignée. (Paulin de Nole décrit le pèlerinage de Pierre et Paul. )
Saint Pierre de Rome Grégoire le Grand (590-604) éleva sur la tombe de l’apôtre un autel pour y célébrer l’Eucharistie. Dans ce but, il
rehaussa le presbyterium de la basilique constantinienne par la construction d’une crypte semi-circulaire qui permettait aux fidèles de
s’approcher plus facilement du côté occidentale de la tombe de l’apôtre. Par cette construction, le pape Grégoire mit en évidence la
présence de cette tombe et Calixte II (1119-1124) créa à son tour un autel au-dessus du précédent. Cette modification de la liturgie
va être appliquée partout. L’époque médiévale verra ainsi la mise en place des reliques sous l’autel et non plus derrière.
Sainte Agnès hors les murs Rome Le site regroupe les catacombes de Sainte-Agnès, la basilique de Constantin (IVe siècle) dont
subsistent les murs, le mausolée de Sainte constance, la basilique d'Honorius (VIIe siècle) qui est l'église actuelle et un monastère.
L'église fut édifiée en 342 par Constance dans le même type que saint Sébastien, l’abside abritant le mausolée. L’église sur la tombe de
la sainte était semi-enterrée, la nef se trouvant au niveau de la catacombe.
Saint Laurent hors les murs Rome La basilique fut dédiée à Saint Laurent, diacre sous Sixte II. Constantin aurait décidé d'y construire une
basilique cimetière en son honneur. Vers la fin du VIe siècle, le Pape Pélage II fit construire une église attenante à la basilique.Cette
dernière fut radicalement transformée, lorsqu'en 1216, Honorius III démolit l'abside et y construisit une nouvelle église en plaçant
l'entrée à l'opposé... là aussi, il existe deux niveaux.
Cimetière aux deux lauriers l’église est de même type, destinée aux pèlerins. On a détruit la petite crypte et remblayé. Les tombes sont
ainsi dessous. L’église est à 2 niveaux pour la vénération des fidèles. On pouvait s’y déplacer avec des documents précisant les
éléments dignes d’intérêt, comme aujourd’hui, on visite Rome avec des livres guides… Dans d’autres catacombes avaient été
aménagés des itinéraires pour éviter que les visiteurs se perdent. Il y avait également des guides physiques.
Rome va chercher à se procurer des reliques. L’usage veut que lors de la construction d’un édifice saint, il faille des reliques. C’est si
important que l’impératrice de Byzance demandera à Gregoire le grand de lui faire parvenir des reliques de St pierre. Elle obtiendra
quelques maillons de la chaine qu’aurait portée Pierre. On se mettre ainsi en place des pratiques permettant d’obtenir des reliques
par contact (tissu, huiles..). ces objets sont ainsi chargés de vertus saintes. On peut obtenir des ampoules d’huiles chargées des vertus
du saint sur lesquelles elles ont brillé. Un manuscrit atteste de leur origine.
Beaucoup de graffiti sont aussi conservés (graffiti de prêtres ayant célébré la messe). On installe des hôtelleries, des hôpitaux. Ainsi le
Vatican, site en pleine campagne se peuple et devient un réel quartier (Jérôme dénonce les aumônes qui y sont pratiquées)
Les conséquences du pèlerinage romain en Occident : l’exemple des Gaules il y eut peu de martyrs en gaules, le
christianisme étant plus tardif. Les persécution sous Dioclétien de 303 à 313 n’ayant pas été très appliquées. Mais quand le culte se
met en place, il y a une recherche de reliques. La gaule s’adresse aux régions « pourvues » de martyrs, un grand trafic voit le jour.
Le cimetière des Alyscamps à Arles La construction du chemin de fer détruit une partie du cimetière des Alyscamps. Une inscription
propose « ici repose Pierre, fils d’Asclépios.. ; » la fondation de l’église de saints Pierre et Paul était sans doute très célèbre pour
qu’un cimetière se développe autour. La relique fut certainement une relique de contact.
Marseille la basilique funéraire de la rue Malaval L’emplacement de sépultures est signalé dès la fin du XIXe siècle sous l'appellation de
nécropole du Lazaret. 228 sépultures ont été découvertes. Sur près de 400 m2, des vestiges d'une église funéraire (plus de 35 x 16,50
m), orientée à nef unique de grandes dimensions dotée d'une abside semi-circulaire, datée sans doute du début du Ve siècle ont été
mis à jour. Installées dans le chœur, deux tombes entourées de quatre chancels de marbre, dont deux sont en marbre blanc à décor
d'écailles. La base de l'autel, au centre de l'abside, et, sous cette dernière, un coffre de pierre destiné à recevoir des reliques
(disparues) témoignent d'aménagements liturgiques in situ, très tôt pour l'époque chrétienne. Des conduits de bronze permettant le
versement d'un liquide dans les tombes vénérées et sa récupération attestent peut-être un système de production de liquide sanctifié.
Biblio : Les pèlerinages dans le Monde à travers le temps et l’espace edition Picard – pages 21-41
www.narthex.fr/blogs/itineraires-italiens-du-sacre/rome-la-necropole-vaticane-et-la-tombe-de-pierre
www.catacombe.roma.it/fr/index.php

Documents pareils