Italie : la prochaine tuile

Transcription

Italie : la prochaine tuile
15 juillet 2016
Italie : La prochaine tuile
L’Italie est en mauvais état. Elle est aux prises avec une croissance économique faible, une dette publique très élevée, un
système bancaire grevé de prêts non productifs, un chômage élevé et un vieillissement démographique rapide. Sur le
front politique, la situation est tout aussi sombre. Le sentiment anti-Union européenne a le vent en poupe, les partis de
gouvernement perdent leurs appuis et un référendum prévu en octobre sur la réforme constitutionnelle pourrait entraîner
la chute du gouvernement. Comme l’Italie est la quatrième économie d’Europe, ses difficultés pourraient avoir un impact
non négligeable sur l’UE et la zone euro déjà fragiles. Voici une liste des nombreux défis que doit relever l’Italie.

L’absence totale de croissance économique. Depuis la création de la zone euro en 1999, l’économie italienne
ne connaît pratiquement aucune croissance. L’augmentation cumulative totale (et non pas annuelle) de son PIB
n’a été que de 4 %. Cela représente une différence considérable avec les 26 % de la France et les 39 % des
États-Unis1. Avant d’adhérer à la zone euro, l’Italie avait périodiquement recours à la dévaluation de sa monnaie
pour soutenir la concurrence de grandes puissances économiques comme l’Allemagne.

Une dette publique massive. L’Italie est grevée du deuxième niveau de dette publique le plus élevé en Europe
(133 % du PIB) après la Grèce. La conjugaison d’une faible croissance et de conditions quasi-déflationnistes
rend la réduction de la dette pratiquement impossible. Une grande partie de la dette souveraine est détenue par
les banques du pays, ce qui les rend très vulnérables à toute variation importante des rendements.

Chômage élevé. Le taux de chômage de l’Italie de 11,5 % est nettement supérieur à celui de 10,1 % en
moyenne de la zone euro. Le chômage des jeunes (15-25 ans) est encore plus grave, à un peu plus de 35 %.
Ces chiffres ne tiennent pas compte du nombre d’Italiens qui ont abandonné la recherche d’un emploi et ne sont
donc pas officiellement comptés parmi les chômeurs. De fait, l’Italie a le taux d’activité le plus faible de l’UE.
Seulement 67,9 % des Italiens âgés de 20 à 64 ans ont un emploi, comparativement à 77,3 % en moyenne pour
l’UE2.

1
2
La crise des migrants. Après la fermeture de la route des Balkans par la Turquie et la Grèce, l’Italie est devenue
la porte d’entrée principale des migrants en Europe. En 2015, un peu plus de 150 000 migrants ont débarqué sur
ses côtes. Depuis le début de l’année, 77 000 sont déjà arrivés. Cet afflux épuise les ressources de l’Italie (déjà
amincies par de nombreuses années de faible croissance ou d’absence de croissance) et risque de provoquer un
important ressac politique.

L’effondrement de la production industrielle. L’OCDE estime que la production industrielle de l’Italie a chuté
de 20 % depuis 1999.

Vieillissement démographique. L’économie en difficulté de l’Italie aura encore plus de mal à financer les coûts
de sa société qui prend rapidement de l’âge. L’Italie se classe au troisième rang mondial par le pourcentage de
membres du troisième âge dans sa population (derrière le Japon et l’Allemagne).

Crise des mauvaises créances. En raison de la longue durée de la stagnation économique, le secteur bancaire
de l’Italie est affligé de 360 milliards d’euros de prêts non productifs, ce qui représente l’équivalent de 18 % de
tous les prêts. Par comparaison, seulement 6 % et 1,6 % de tous les prêts bancaires de l’UE et des États-Unis
respectivement sont considérés comme non productifs. Le gouvernement compte utiliser environ 45 milliards $
de fonds publics pour renflouer les banques de la péninsule afin d’éviter une panique financière. Mais
conformément aux lois de l’UE, les porteurs d’obligations doivent absorber jusqu’à 8 % du passif total des
Reuters DataStream
Eurostat
GÉOPOLITIQUE EN BREF
banques avant que le gouvernement puisse intervenir avec une aide financière. Le problème c’est qu’environ
45 % de la dette bancaire sont détenus par des Italiens ordinaires (dans la plupart des autres pays, les
obligations sont détenues par des investisseurs institutionnels). Les forcer à accepter une réduction de leurs
créances soulèverait un ressac politique aux proportions épiques. C’est pour cette raison que le premier ministre
va probablement ignorer les règles de l’UE et apporter un soutien financier direct à son secteur bancaire. Et par
crainte d’une contagion dans d’autres pays, l’UE trouvera probablement une formule technique qui lui permettra
de déclarer que l’action de l’Italie est légale. Plus le problème des mauvaises créances de l’Italie durera, plus le
risque sera grand et plus les Italiens commenceront à retirer leurs fonds des banques de la péninsule afin
d’éviter des mesures d’encadrement des capitaux ou de réduction des créances possibles.

Référendum en vue. L’Italie a prévu un référendum en octobre sur des propositions visant à mettre fin à
l’impasse gouvernementale chronique. Dans la proposition gouvernementale, la taille et le pouvoir de la chambre
haute (Sénat) seraient réduits. Cela laisserait à la seule chambre basse le pouvoir d’approuver la plupart des
projets de loi. Le premier ministre s’est engagé à démissionner si les Italiens votent contre la proposition.
Selon un sondage d’opinion récent, 34 % des Italiens sont opposés au plan gouvernemental, 28,9 % sont en
faveur, 19,4 % sont indécis et 17,7 % sont indécis quant à leur participation même au scrutin3. Tous les grands
partis d’opposition de l’Italie se sont prononcés contre les mesures proposées 4. Le risque est que le
référendum devienne un vote de confiance de facto à la fois pour le gouvernement et pour l’Union
européenne.

Sentiment anti-UE croissant. En mai, un sondage Ipsos-MORI a révélé que 58 % des répondants ont dit qu’ils
voulaient un référendum sur l’appartenance à l’Union européenne et 48 %, qu’ils souhaitaient en sortir5.
L’économie de l’Italie qui est en difficulté depuis longtemps pousse de plus en plus d’Italiens à se demander si
leur pays peut effectivement prospérer au sein de la zone euro. Deux des principaux partis d’opposition, la Ligue
du Nord et le Mouvement 5 étoiles sont en faveur d’un référendum sur la sortie de la zone euro.

Sondages nationaux. Le Mouvement 5 étoiles a pris la tête dans plusieurs sondages nationaux. Un sondage
publié au début de juillet révélait qu’il avait le soutien de 30,6 % d’Italiens comparativement à 29,8 % pour le Parti
démocrate au pouvoir. Les principaux partis de centre droit, la Ligue du Nord et Forza Italia, obtiennent chacun
12 %. Si aucun parti ne recueille plus de 40 % des votes, il faudra tenir une élection opposant les deux partis en
tête. Les sondages indiquent que le Mouvement 5 étoiles prendrait le dessus sur le Parti démocrate dans ce cas
de figure6. C’est ce qui s’est produit lors des élections municipales du mois dernier où le Mouvement 5 étoiles a
remporté 19 des 20 villes en jeu. Les prochaines élections ne devraient officiellement pas avoir lieu avant 2018,
mais il est très probable qu’une élection se tienne avant. L’Italie a eu 63 gouvernements depuis la Deuxième
Guerre mondiale.

Le retour de la lire. Un rejet des propositions de réforme du gouvernement et une victoire aux élections
générales du Mouvement 5 étoiles augmenteraient les craintes que l’Italie sorte de la zone euro. Cela pourrait
pousser les Italiens à transférer leurs dépôts en euros hors des banques de la péninsule vers des banques
d’autres pays par crainte que leurs fonds finissent par être convertis en lires dévaluées. Une décision de l’Italie de
sortir de la zone euro sèmerait la panique sur les marchés mondiaux.
En conclusion, l’Italie se prépare pour la tempête du siècle; ses difficultés ne menacent pas seulement sa propre
stabilité politique, mais aussi l’avenir de l’Union européenne et de la zone euro.
« Prime Minister, a Referendum and Italy’s Turn to Get Worried », Bloomberg, 5 juillet 2016
« Italy's 5-Star overtakes Renzi's Democrats in opinion polls », Reuters, 6 juillet 2016
5
« Half of people in nine European countries believe UK will vote to leave the EU », Ipsos-Mori, 9 mai 2016
6
« Renzi rocked as Five Star surges in polls », The Financial Times, 6 juillet 2016
3
4
2
GÉOPOLITIQUE EN BREF
ÉCONOMIE ET STRATÉGIE
Bureau Montréal
514 879-2529
Bureau Toronto
416 869-8598
Stéfane Marion
Marc Pinsonneault
Warren Lovely
Économiste et stratège en chef
[email protected]
Économiste principal
[email protected]
DG, recherche et stratégie secteurs publics
[email protected]
Paul-André Pinsonnault
Matthieu Arseneau
Économiste principal, Revenu fixe
[email protected]
Économiste principal
[email protected]
Krishen Rangasamy
Angelo Katsoras
Économiste principal
[email protected]
Analyste géopolitique
[email protected]
Généralités : La Financière Banque Nationale (FBN) est une filiale en propriété exclusive indirecte de la Banque Nationale du Canada. La Banque Nationale du Canada est une société
ouverte inscrite à la cote des bourses canadiennes.
Les informations contenues aux présentes proviennent de sources que nous jugeons fiables; toutefois nous n’offrons aucune garantie à l’égard de ces informations et elles pourraient
s’avérer incomplètes. Les opinions exprimées sont fondées sur notre analyse et notre interprétation de ces informations et elles ne doivent pas être interprétées comme une sollicitation
ou une offre visant l’achat ou la vente des titres mentionnés aux présentes.
Analystes de recherche : Les analystes de recherche qui préparent les présents rapports attestent que leur rapport respectif constitue une image fidèle de leur avis personnel et
qu’aucune partie de leur rémunération n’a été, n’est ni ne sera directement ou indirectement liée à des recommandations ou à des points de vue particuliers formulés au sujet de titres ou
de sociétés.
FBN rémunère ses analystes de recherche à partir de sources diverses. Le service de recherche constitue un centre de coûts financé par les activités commerciales de FBN, notamment
les Ventes institutionnelles et opérations sur titres de participation, les Ventes au détail et les activités de compensation correspondantes, les Services bancaires aux entreprises et les
Services de banque d’investissement. Comme les revenus tirés de ces activités varient, les fonds destinés à la rémunération des travaux de recherche fluctuent en conséquence. Aucun
secteur d’activité n’a plus d’influence qu’un autre sur la rémunération des analystes de recherche.
Résidents du Canada : À l’égard de la distribution du présent rapport au Canada, FBN endosse la responsabilité de son contenu. Pour obtenir de plus amples renseignements au sujet
du présent rapport, les résidents du Canada doivent communiquer avec leur représentant professionnel FBN. Pour effectuer une opération, les résidents du Canada devraient
communiquer avec leur conseiller en placement FBN.
Résidents des États-Unis : En ce qui concerne la distribution de ce rapport aux États-Unis, National Bank of Canada Financial Inc. (« NBCFI ») est réglementée par la Financial
Industry Regulatory Authority (FINRA) et est membre de la Securities Investor Protection Corporation (SIPC). Ce rapport a été préparé en tout ou en partie par des analystes de
recherche employés par des membres du groupe de NBCFI hors des États-Unis qui ne sont pas inscrits comme courtiers aux États-Unis. Ces analystes de recherche hors des ÉtatsUnis ne sont pas inscrits comme des personnes ayant un lien avec NBCFI et ne détiennent aucun permis ni aucune qualification comme analystes de recherche de la FINRA ou de toute
autre autorité de réglementation aux États-Unis et, par conséquent, ne peuvent pas être assujettis (entre autres) aux restrictions de la FINRA concernant les communications par un
analyste de recherche avec une société visée, les apparitions publiques des analystes de recherche et la négociation de valeurs mobilières détenues dans le compte d’un analyste de
recherche.
Toutes les opinions exprimées dans ce rapport de recherche reflètent fidèlement les opinions personnelles des analystes de recherche concernant l’ensemble des valeurs mobilières et
des émetteurs en question. Aucune partie de la rémunération des analystes n’a été, n’est ou ne sera, directement ou indirectement, liée aux recommandations ou aux points de vue
particuliers qu’ils ont exprimés dans cette étude. L’analyste responsable de la production de ce rapport atteste que les opinions exprimées dans les présentes reflètent exactement son
appréciation personnelle et technique au moment de la publication. Comme les opinions des analystes peuvent différer, des membres du Groupe Financière Banque Nationale peuvent
avoir publié ou pourraient publier à l’avenir des rapports qui ne concordent pas avec ce rapport-ci ou qui parviennent à des conclusions différentes de celles de ce rapport-ci. Pour obtenir
de plus amples renseignements au sujet du présent rapport, les résidents des États-Unis sont invités à communiquer avec leur représentant inscrit de NBCFI.
Résidents du Royaume-Uni : Eu égard à la distribution du présent rapport aux résidents du Royaume-Uni, Financière Banque Nationale Inc. a autorisé le contenu (y compris, là où c’est
nécessaire, aux fins du paragraphe 21(1) de la loi intitulée Financial Services and Markets Act 2000). Financière Banque Nationale Inc. et sa société mère ou des sociétés de la Banque
Nationale du Canada ou membres du même groupe qu’elle et/ou leurs administrateurs, dirigeants et employés peuvent détenir des participations ou des positions vendeur ou acheteur à
l’égard des titres ou des instruments financiers connexes qui font l’objet du présent rapport, ou ils peuvent avoir détenu de telles participations ou positions. Ces personnes peuvent à tout
moment effectuer des ventes et/ou des achats à l’égard des placements ou placements connexes en question, que ce soit à titre de mandataire ou pour leur propre compte. Ils peuvent
agir dans la tenue d’un marché pour ces placements ou placements connexes ou avoir déjà agi à ce titre ou ils peuvent agir à titre de banque d’investissement et/ou de banque
commerciale à l’égard de ceux-ci ou avoir déjà agi à ce titre. La valeur des placements peut baisser ou augmenter. Le rendement passé ne se répétera pas nécessairement à l’avenir.
Les placements mentionnés dans le présent rapport ne sont pas disponibles pour les clients du secteur détail. Le présent rapport ne constitue pas une offre de vente ou de souscription
ni la sollicitation d’une offre d’acheter ou de souscrire les titres décrits dans les présentes ni n’en fait partie. On ne doit pas non plus se fonder sur le présent rapport dans le cadre d’un
contrat ou d’un engagement quelconque et il ne sert pas, ni ne servira, de base ou de fondement pour de tels contrats ou engagements.
La présente information ne doit être distribuée qu’aux contreparties admissibles (Eligible Counterparties) et clients professionnels (Professional Clients) du Royaume-Uni au sens des
règles de la Financial Conduct Authority. Financière Banque Nationale Inc. est autorisée et réglementée par la Financial Conduct Authority et a son siège social au 71 Fenchurch Street,
Londres, EC3M 4HD. Financière Banque Nationale Inc. n’est pas autorisée par la Prudential Regulation Authority et la Financial Conduct Authority à accepter des dépôts au RoyaumeUni.
Droits d’auteur : Le présent rapport ne peut être reproduit que ce soit en totalité ou en partie. Il ne doit pas être distribué ou publié ou faire l’objet d’une mention de quelque manière que
ce soit. Aucune mention des informations, des opinions et des conclusions qu’il contient ne peut être faite sans que le consentement préalable écrit de la Financière Banque Nationale
n’ait été à chaque fois obtenu.