Développer des compétences d`action et de réflexion chez les jeunes

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Développer des compétences d`action et de réflexion chez les jeunes
Développer des compétences d'action et de réflexion chez les jeunes
Diane Pruneau, Joanne Langis, Jackie Kerry, Mathieu Lang et Guillaume Fortin,
Université de Moncton, Canada
Résumé : Des leaders environnementaux (agriculteurs s'adaptant aux changements
climatiques, constructeurs de villes durables et aménageurs forestiers) ont été
interrogés ou observés pour identifier les compétences ayant contribué à la réussite de
leur projet. Certaines compétences ressorties (pensées prospective et connective,
prévision des risques, pensée de design, planification souple) diffèrent des objectifs de
compétences en ERE, tels que définis par l’UNESCO, en 1977. Une fois que sera
compris le raisonnement se rattachant à chacune de ces nouvelles compétences, ces
dernières pourraient avantageusement être développées chez les élèves durant leur
participation à des projets locaux.
Abstract :
Environmental leaders (farmers adapting to climate change, sustainable neighborhood
developers and sustainable forest managers) were questioned or observed to identify
the competences that contributed to the success of their project. Some of the identified
competences (futures and connective thinking, risk prediction, design thinking, soft
planning) differ from the objectives of competences in EE as defined by UNESCO in
1977. Once the reasoning required by each of these new competences is understood,
they could be developed in students while they participate in local projects.
Au fur et à mesure que se matérialisent les solutions aux problèmes environnementaux
et les projets d'aménagement écologique, une compréhension du mieux vivre avec le
territoire est en émergence. Idéalement, un citoyen éduqué à l’environnement vivrait une
relation significative et consciente avec les entités physiques et biologiques avec
lesquelles il partage un espace. Il s’impliquerait de plus dans des actions
communautaires tels la défense de lieux ou d’espèces, la résolution de problèmes
locaux, l’aménagement d’espaces de vie, l’économie des ressources et l'adaptation aux
changements environnementaux nocifs. Pour parvenir à ses fins, il apprendrait le
1
fonctionnement des institutions sociales qui favorisent ou limitent ces actions
communautaires. Ainsi, l’éducation relative à l’environnement viserait «à induire une
prise en charge autonome et créative des problèmes qui se posent et des projets qui
émergent» (Sauvé, 2002, p. 1). Elle permettrait également de considérer les problèmes
et les projets comme un ensemble de possibilités et d’opportunités offertes à tous de
construire un dialogue social entre les intérêts de chacun et diverses conceptions
opposées du bien-être (Innerarity, 2006).
Comment préparer les élèves à s'engager efficacement dans divers types d'action
environnementale (défense de lieux, résolution de problèmes, aménagement d'espaces,
adaptation aux changements...)? Adhérant aux théories de l'apprentissage expérientiel
de Kolb (1984) et de la réflexion durant l'action de Schon (1983), nous considérons que
les compétences d'action environnementale se développent, de façon optimale, dans le
cadre d'actions tangibles dans le milieu de vie, actions nourries par une réflexion
continue et appropriée. C'est la nature de cette réflexion environnementale qui fait l'objet
de notre programme de recherche. Comment et selon quels processus doit-on inviter les
élèves à réfléchir, durant leur implication dans divers types d'action environnementale?
Comment les aider à développer, à long terme, cette capacité d'action (action
competence) proposée par Jensen et Schnack, (1997) et Breiting et coll. (2009)? En
1977, quand l'UNESCO et le PNUE ont publié la première liste des objectifs de
l'éducation
relative
à
l'environnement
(ERE),
l'action
environnementale
était
principalement conçue comme la résolution communautaire de problèmes locaux. Des
compétences associées à la résolution de problèmes étaient donc sous-jacentes au
quatrième objectif de l'ERE: définir et analyser un problème, proposer, choisir, implanter
et évaluer des solutions. De nos jours, toutefois, les types d'action pouvant être
réalisées pour favoriser des lieux et des ressources sains se sont multipliés, exigeant
probablement l'apport de compétences autres que celles liées à la résolution de
problèmes. Il est possible de penser que, pour construire des espaces de vie, pour
défendre des lieux par le biais des médias sociaux ou pour s'adapter aux changements
climatiques, des compétences nouvelles doivent être développées chez les élèves.
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Les questions posées dans notre programme de recherche sont les suivantes: Quelles
sont les compétences démontrées et mobilisées par des leaders qui réussissent divers
types d'actions environnementales? Comment pourrait-on développer des compétences
similaires chez les élèves? Cet article a pour but principal de répondre à la première
question et par la suite d'esquisser des éléments de réponse à la seconde question.
Nous y faisons une synthèse générale des recherches que nous avons menées pour
identifier les compétences de divers leaders qui ont réussi un ou des projets dans
plusieurs domaines du développement durable: adaptation communautaire aux
changements climatiques; foresterie et urbanisme durables. Nos résultats démontrent
que les leaders interrogés ou observés mettent à profit certaines compétences qui ne
faisaient pas partie des objectifs de l'ERE, tels que définis par l'UNESCO, en 1977:
pensées connective, prospective et de design, prévision des risques et planification
souple et collaborative. Dans cet article, certaines des nouvelles compétences
environnementales issues de nos études de cas sont définies et expliquées pour en
améliorer la compréhension et examinées sous l'angle de leur utilité en formation des
élèves à l'action.
Les compétences d'action environnementale
Le concept de compétence se définit ici comme un ensemble de ressources cognitives
et métacognitives (savoirs, savoirs faire, savoirs agir ; savoirs observer, contrôler et
améliorer ses stratégies cognitives…), conatives (motivation à agir), physiques, sociales
(recourir à un expert), spatiales (utilisation efficace de l’espace), temporelles
(organisation pertinente du temps), matérielles (utilisation d’un livre, d’un outil) et
affectives (Joannert et al., 2004). Démontrer une compétence signifie non seulement
posséder les ressources sous-jacentes mais aussi mobiliser ces ressources et les
orchestrer au moment approprié, dans une situation complexe (Le Boterf, 1997). Dans
les écrits en ERE, le concept de capacité d'action est proposé (Jensen & Schnack,
1997). La capacité d'action, définie de façon large et centrée sur la résolution de
problèmes environnementaux, comprend des dimensions cognitives (connaître le
problème et les actions possibles), sociales (être familier avec le contexte où l'action
doit se produire), éthiques (considérer et débattre différentes opinions au sujet de la
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controverse) et personnelles (avoir délibérément l'intention d'agir et se sentir autoefficace) (Mogensen & Schnack, 2010). Les compétences liées à des types d'action
environnementale autres que la résolution de problèmes sont toutefois encore peu
évoquées dans les recherches.
Les compétences des leaders en développement durable
Notre étude multi-cas visait à identifier les compétences de leaders engagés dans deux
types
d'action environnementale:
adaptation communautaire
aux
changements
climatiques et aménagement durable du territoire. L’idée était d’observer les
compétences nécessaires à la réalisation de ces deux types d’action dans le but
ultérieur de développer, en ERE, des compétences similaires chez les élèves. Les
leaders choisis étaient conscients de l'importance de la qualité de l'environnement et
leur projet s'était mérité un prix ou d'autres signes de reconnaissance.
Les compétences des leaders en adaptation au changement climatique
L’adaptation consiste en l'accommodation aux impacts actuels et futurs des
changements climatiques et/ou dans la préparation à ces impacts (Intergovernmental
Panel on Climate Change, 2005). Notre premier cas était constitué de cinq maraîchers
(trois femmes et deux hommes) d'une association agricole canadienne. Ces
agriculteurs, travaillant dans une région où l'intensité des précipitations et des ondes de
tempêtes causent de plus en plus d'inondations, avaient volontairement accepté de
participer à un projet d'adaptation aux changements climatiques. Au début, les
agriculteurs ont reçu de l’information sur les causes et signes des changements
climatiques. Après avoir analysé les impacts possibles des changements climatiques sur
leurs cultures, ils ont choisi d’améliorer la qualité de leur sol pour le rendre plus résilient
à l’érosion, aux précipitations abondantes et aux sécheresses. Avec l’aide d’experts
invités, ils ont ensuite analysé en profondeur leur problème de sol. À la fin du projet, ils
ont planté du radis fourrager, comme culture de couverture, pour décompacter le sol et
en améliorer l'aération.
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Afin de relever les compétences qu'ils manifestaient en situation d'adaptation, les
participants ont été observés pendant qu’ils cheminaient dans la proposition de mesures
d’adaptation pour rendre leur sol moins vulnérable aux variations climatiques.
L’observation directe et l'enregistrement vidéo des six ateliers vécus avec les agriculteurs
ont été mis à profit pendant toute la durée du projet (six mois). Pour identifier des
compétences, Évéquoz (2004) suggère d'observer les personnes à la tâche dans un
contexte où les compétences se manifestent. Afin d’éviter la subjectivité, l'observation
s'effectue à l'aide d'indicateurs précis. Dans notre cas, des fiches descriptives de
compétences ont été préparées (voir exemple du Tableau 1). Ces fiches ont été créées
en référence à une recension des écrits sur plusieurs compétences de vie ou sur des
compétences associées au domaine de l'environnement (Peterson & Seligman, 2004;
Évéquoz, 2004; Inayatullah, 2007; Pruneau, Utzschneider et Langis, 2008; Kerry, 2010;
Adejumo, Duimering et Zhong, 2008). Les fiches consistaient en une liste d’indicateurs
pour des compétences multidisciplinaires qui nous apparaissaient susceptibles d'être
démontrées par les participants.
Tableau 1. Indicateurs de la pensée prospective
Indicateurs
-
Formuler des hypothèses et des scénarios
représentant ce qui pourrait arriver à l’avenir
-
Construire un futur désirable en suggérant des
moyens d'y parvenir
-
Extrapoler les tendances du présent vers le
futur
Pensée
prospective
- Se préparer pour les changements envisagés
Le verbatim des ateliers a d'abord été soumis à une analyse thématique individuelle par
trois chercheuses, selon un modèle semi-ouvert, en utilisant les fiches descriptives pour
faciliter l'identification des compétences et de leurs indicateurs. Les propos des
participants aux ateliers ont été consignés dans un tableau comprenant quatre colonnes,
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la première étant consacrée à chaque intervention verbale des participants, la deuxième
à l'identification d'une ou de plusieurs compétences, la troisième à la liste des indicateurs
démontrant la ou les compétences et la dernière à des commentaires descriptifs sur la ou
les compétences identifiées. Les trois analystes ont ensuite comparé leur travail et
calculé un pourcentage d'accord inter-codeurs de 95 % (selon le Kappa de Cohen,
1960). Certaines compétences initialement présentes dans les fiches descriptives sont
ressorties de l'analyse, d'autres se sont avérées moins présentes et de nouvelles
compétences ont émergé. Pour plus de détails sur la méthodologie de cette étude de cas
et pour des résultats plus spécifiques, voir Pruneau et coll. (2012).
Résultats du cas 1
L'étude du cas des agriculteurs a permis l’observation d’un groupe d’entrepreneurs
motivés, (dont le revenu dépend de la disponibilité et de la qualité des ressources),
conscients de la menace des changements globaux et habitués à s’adapter à des
variations météorologiques (Pruneau et coll., 2012). Le tableau 2 présente les
principales compétences environnementales observées chez le cas 1, c'est-à-dire les
compétences qui semblent avoir facilité le processus d’adaptation des agriculteurs.
Dans ce tableau, on retrouve également une interprétation de l'utilité de ces
compétences dans leur processus d’adaptation.
Tableau 2. Principales compétences démontrées par les agriculteurs et utilité de
ces compétences en adaptation au changement climatique (Pruneau et coll.,
2012).
Compétences
Utilité
dans
le
processus
d’adaptation
des
démontrées
agriculteurs
Pensée prospective
Pour prédire plusieurs impacts possibles du changement
climatique.
Connaissances
Pour déterminer ce qui se produit avec les variations
endogènes du milieu
climatiques, comment cela se produit et les éléments
vulnérables.
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Connaissances et
Pour trouver plusieurs idées d’adaptation et évaluer ces
expérience en adaptation
idées.
Prévision des risques
Pour déterminer les zones et éléments à risque, cibler
les principaux risques, en évaluer la probabilité.
Pensée rétrospective
Pour se rappeler des détails d’événements climatiques
passés et en tirer des leçons pour l’avenir.
Pensée connective
Pour prédire les risques en prenant en compte diverses
variables : éléments agricoles et efforts d’adaptation.
Collaboration
Pour mieux analyser les situations.
Pour s’encourager durant les essais de nouvelles
pratiques agricoles.
Optimisme et auto-
Pour avoir le courage d’entamer de nouvelles pratiques
efficacité
et ne pas se laisser décourager par les obstacles.
Ouverture à la nouveauté
Pour désirer apprendre et essayer de nouvelles
pratiques agricoles.
Résolution de problèmes
Pour définir et solutionner le problème de déperdition
des sols.
Pensée critique
Pour évaluer les solutions des pairs et des experts.
Pour évaluer les processus de prise de décisions.
Pour s’engager dans un processus d’auto-examen et
d’autocorrection.
C'est ainsi que les agriculteurs se montrent aptes à prédire plusieurs impacts du
changement climatique (pensée prospective, prévision des risques), en mettant à profit
leur compétence d'observation détaillée du milieu et leurs connaissances de celui-ci. Ils
infèrent ces impacts en tenant compte de plusieurs variables météorologiques et
agricoles (pensée connective) et en comparant leur réalité à celle des pays où la
situation est plus grave. Conscients des effets actuels du changement climatique, ils
tirent habilement profit de leur vécu sur leurs terres (pensée rétrospective) pour
proposer (résolution de problèmes) et évaluer des solutions d'adaptation possibles, à
partir de critères et en tenant compte des divers contextes (pensée critique). Ils se
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montrent ouverts à la nouveauté (intérêt pour l’apprentissage), se disent prêts à entamer
de nouvelles pratiques agricoles et se sentent capables de réussir un processus
d'adaptation (optimisme, auto-efficacité). Les nouvelles pratiques agricoles sont
expérimentées en collaboration avec les pairs, dans le cadre du partage de graines de
radis fourrager et de l'équipement, et du monitorage conjoint des rendements du
nouveau cultivar.
Les compétences des leaders en aménagement écologique
Le deuxième cas était constitué de leaders reconnus par leurs pairs, participant soit à
trois initiatives d'écoquartiers, à un projet de ville durable ou à un programme
d'aménagement forestier écologique. Les écoquartiers retenus, considérés comme
exemplaires par leur gouvernement, étaient plus ou moins complétés, selon le cas. Au
Village en haut du ruisseau (Dieppe, Canada), 80% du milieu naturel a été conservé et
l'on a implanté des mesures éco-énergétiques et la gestion naturelle des eaux de pluie.
Le développeur du Village en haut du ruisseau et l'urbaniste accompagnant le projet, ont
participé aux entretiens individuels. À Bonne (Grenoble, France), une ancienne caserne
militaire a été transformée en quartier mixte (résidentiel, commercial, culturel), avec des
sols perméables, des toits végétalisés, des refuges d'insectes, des bassins d’épuration
d’eau et des techniques éco-énergétiques. À Bonne, un urbaniste, une citoyenne et une
directrice d'école ont été questionnés en entrevue. De plus, le document intitulé De
Bonne, un écoquartier dans la ville (Société d'aménagement Grenoble Espace Sud,
SAGES, 2011), rassemblant les témoignages de 26 autres acteurs ayant contribué au
succès de l'écoquartier grenoblois, a fait l'objet d'une analyse. Dans l'écoquartier d'Hall's
Creek (Moncton, Canada), on fait appel à diverses pratiques du design de conservation
(Arendt, 1996), dont la conservation de 70% du milieu naturel, un système de chauffage
centralisé, le transfert de plantes indigènes sur les terrains résidentiels, etc. À Hall's
Creek, le développeur a participé à l'entretien. Toujours au Canada, un jeune
entrepreneur dirigeant une compagnie d'aménagement forestier durable a également
participé à l'entrevue ainsi que le coordonnateur en environnement de la Ville
d’Edmundston. L'entrepreneur a initié une compagnie où l'on évalue les ressources des
boisés privés pour ensuite pratiquer une coupe sélective visant à conserver des
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éléments naturels et à améliorer la qualité des ressources forestières. La Municipalité
d'Edmundston, quant à elle, implante actuellement son Plan vert qui oriente les actions
durables de la municipalité et de ses citoyens dans cinq axes : l’eau, l’air, le territoire,
l’énergie et les matières et matériaux. Plusieurs projets sont en cours: remplacement
des feux de circulation, audit énergétique des installations municipales, plantation de
forêts urbaines, mise en place d’un programme de triage des déchets par les citoyens,
etc.
Des entrevues semi-dirigées individuelles ont donc invité huit leaders (deux urbanistes,
une directrice d'école, un architecte, une citoyenne, un aménagiste forestier et deux
développeurs domiciliaires) à discuter de leur projet, des obstacles rencontrés, des
solutions appliquées et des facteurs de réussite, dont les compétences favorisantes. Le
document Grenoble, De Bonne, un écoquartier dans la ville (SAGES, 2011),
rassemblant les témoignages de 26 leaders de l'écoquartier a également fait l'objet
d'une analyse thématique. Les analyses du verbatim des entrevues et du document se
sont déroulées selon les mêmes étapes que dans le cas des agriculteurs: lecture du
corpus, analyse thématique du discours par deux chercheuses (dans un tableau et à
l'aide des fiches descriptives) et calcul du degré d'accord intercodeurs (89%, selon le
Kappa de Cohen, 1960). Pour plus de détails sur la méthodologie de cette étude de cas
et pour des résultats plus spécifiques, voir Pruneau et coll. (soumis).
Résultats du cas 2
L'étude du cas des leaders en aménagement durable a permis d'observer des
personnes motivées, fières de leurs réussites et capables de travailler en collaboration
pour réaliser un rêve commun. Le tableau 3 présente les compétences observées chez
le cas 2, c'est-à-dire les compétences qui peuvent avoir facilité la planification et le
succès des écoquartiers et des aménagements urbains et forestiers durables. Dans le
tableau 3, on retrouve également une interprétation de l'utilité de ces capacités dans le
processus d’aménagement de lieux durables.
Tableau 3. Compétences démontrées par les leaders en aménagement écologique
et utilité de ces compétences en aménagement de lieux durables
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Compétences
Utilité dans la réalisation des projets
démontrées
Résolution créative de
Pour trouver plusieurs façons de résoudre les problèmes
problèmes
causés par un aménagement différent.
Pensée critique
Pour évaluer les solutions possibles.
Prise de décision
Pour fixer des buts, des priorités.
Courage, audace,
Pour réaliser un projet nouveau, controversé et difficile.
optimisme
Persévérance
Pour continuer le projet sans se laisser décourager par les
obstacles humains et matériels.
Communication,
Pour motiver tous les participants à réaliser le projet.
persuasion, éducation
Planification souple
Pour s'adapter aux contraintes du terrain, pour ixer des
(préparer plusieurs
priorités, des objectifs.
plans)
Pensée de design
Pour prendre en compte les besoins des utilisateurs
(créer un produit
humains et des espèces sauvages.
novateur à partir de
Pour créer des espaces novateurs.
critères de réussite)
Visualisation mentale,
Pour imaginer les résultats des aménagements proposés.
précise et concrète des
Pour envisager ceux-ci de différents points de vue. Pour
espaces que l'on veut
avoir une vue d'ensemble.
aménager
Séquencer
Pour entrevoir les étapes de la planification et de
l'aménagement dans le temps.
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Concertation,
Pour s'entendre sur les objectifs et les actions.
réseautage
Pensée prospective,
Pour penser à long terme, pour envisager clairement les
prudence
obstacles.
Connaissance des
Pour implanter ces mesures dans les nouveaux
mesures de
aménagements
développement durable
Comme on le constate à la lecture du tableau 3, plusieurs compétences
complémentaires ont favorisé la réalisation des projets d'aménagement urbain ou
forestier étudiés. Pour atteindre les objectifs écologiques et éco-énergétiques d'un
écoquartier ou d'un aménagement forestier durable, les leaders ont fait appel à de
nouvelles techniques de construction ou d'aménagement. Ils ont eu à trouver sans
cesse de nouvelles façons de faire les choses (résolution créative de problèmes). C'est
en équipe (collaboration) qu'ils ont proposé plusieurs solutions à des problèmes
techniques et évalué ces solutions, à partir de critères liés à la pérennité et en tenant
compte des contextes, avant de les implanter (pensée critique, prise de décision). Les
compétences de communication, de persuasion, de persévérance, de courage et
d'audace ont été nécessaires pour convaincre la population et les maîtres d'œuvre de la
légitimité et de la valeur des projets. La planification a été souple et les plans ont été
faits et refaits au fur et à mesure que les leaders visualisaient les paysages à modeler et
les obstacles écologiques, sociaux, économiques et techniques à surmonter. Les
activités et actions de planification et d'aménagement ont été séquencées à plusieurs
reprises, démontrant l'importance de cette compétence en planification souple. La
pensée de design a permis de créer des espaces uniques, prenant en compte les
besoins des utilisateurs humains et biophysiques. La pensée prospective a enfin
constitué un atout important dans ce projet où l'on voulait que les bâtiments, mesures de
gestion ou espèces forestières perdurent à long terme, aient moins d’impacts négatifs
sur l’environnement et soient résilients au changement climatique.
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Développement chez les élèves des nouvelles compétences ressortant de l'étude
de cas multiples
L’étude de cas multiples menée auprès de leaders impliqués dans des actions autres
que la résolution de problèmes environnementaux fait ressortir une vaste panoplie de
savoirs faire que des citoyens mobilisent pour réussir des projets de durabilité. La
compétence de résolution de problèmes, les connaissances du domaine et du milieu de
vie ainsi que la pensée critique se manifestent toujours dans les leaders observés, mais
de nouvelles compétences intéressantes s'ajoutent : la pensée de design, la pensée
prospective, la pensée connective, la planification souple et collaborative, ainsi que la
prévision des risques. Des compétences de type savoir être ressortent aussi :
l’ouverture à la nouveauté, la communication, la collaboration, la persévérance,
l’optimisme, l’auto-efficacité, etc.
En éducation relative à l’environnement, serait-il fécond de développer ces nouvelles
compétences chez les élèves durant leur implication dans l’action environnementale et,
en particulier, durant le raisonnement qui facilite cette action? Une compréhension du
raisonnement favorisé par ces nouvelles compétences aiderait à mieux comprendre
celles-ci, tout en inspirant les rudiments d’une pédagogie favorable à leur
développement. De cette compréhension pourrait surgir de meilleures pratiques
pédagogiques et un plus grand respect des conditions de réalisation et de
développement des compétences liées à l’action environnementale durable.
À titre d’exemple, si l'on considère la pensée prospective. Celle-ci, considérée comme
très importante en environnement, se définit comme une capacité d'anticiper avant
d’agir, d'estimer le futur avec un certain degré de certitude, d'extrapoler les tendances
du présent vers l'avenir, de tenir compte des turbulences de l’environnement (pour
adapter ses buts en conséquence) et de maintenir une vision de l’avenir cohérente et
fonctionnelle (Slaughter, 2002). Le raisonnement lié à la pensée prospective consiste à
construire des scénarios (probables, possibles, préférables) au sujet de ce qui pourrait
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se produire dans l’avenir puis à analyser et à évaluer ces scénarios, en collaboration
avec les pairs (Godet, 2001). Ainsi, pour développer la pensée prospective chez les
élèves, ceux-ci pourraient être invités à penser à long terme et à envisager et évaluer
plusieurs scénarios alors qu'ils observent un problème local, choisissent des solutions,
aménagent un espace sain ou aident des citoyens exposés à des nuisances
environnementales. En visualisant des hypothèses et des images représentant ce qui
pourrait advenir plus tard, les élèves apprendraient à construire des espaces et des
solutions désirables et durables, en suggérant des moyens de parvenir à ces objectifs.
En environnement, la prévision des risques se définit comme un processus évaluatif
dans lequel on mesure la probabilité, le moment d'apparition et la dimension d’effets
environnementaux néfastes à la suite d’exposition à des facteurs de stress
(Environmental Protection Agency, 1992). Le raisonnement optimal lié à la prévision des
risques consiste à identifier plusieurs dangers et leurs impacts (gains et pertes), à
calculer la probabilité des risques, à évaluer leur gravité, à identifier les lieux et les
personnes menacés, à prédire le moment où les dangers se produiront et à analyser la
vulnérabilité de la communauté (ou de l'objet) aux risques (Morgan et coll., 2002). En
ERE, les élèves pourraient apprendre à considérer toutes ces dimensions du risque en
analysant un problème ou en planifiant ou restaurant un lieu.
La pensée connective se définit comme une réflexion sur les liens entre divers éléments
d’une situation et sur les conséquences de ces liens (Sterling & Maiteny, 2005). La
pensée connective est aussi appelée systémique, relationnelle ou holistique. Pour aider
les élèves à développer leur pensée connective, on pourrait inviter ceux-ci à identifier
des variables et des liens entre les variables, à comparer des éléments, à prévoir des
conséquences en chaîne ou à faire des analogies alors qu'ils analysent une situation ou
participent à un projet d’aménagement écologique.
La pensée de design, distincte de la résolution de problèmes et étroitement associé à
l'innovation, a été créée en observant divers designers (ingénieurs et artistes) pendant
la création de leurs produits. Il s'agit d'une façon créative et collaborative de travailler
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ayant pour but de créer un produit novateur qui répond aux besoins des utilisateurs et
aux intérêts des concepteurs (Lockwood, 2010). Durant le design, l'intuition est mise à
profit, l'expérimentation de prototypes est rapide, les échecs sont perçus comme des
facteurs d'apprentissage et le nombre de solutions générées est large, pour se terminer
souvent par la production d'un seul objet. La pensée de design prend avantage des
deux hémisphères du cerveau. Le processus de design consiste d'abord à rechercher
les besoins des utilisateurs du produit que l'on veut créer (Cross, 2011). Le designer
emploie une démarche ethnographique pour regarder et écouter les besoins des futurs
utilisateurs de son produit. Par la suite, il visualise et dessine des prototypes, les
expérimente rapidement (pour explorer leurs possibilités) ou les soumet à la critique des
pairs et des utilisateurs (pour obtenir une rétroaction). Il prend des pauses pour laisser
naître de nouvelles idées et redéfinir le but de sa création. Le produit doit réconcilier les
intérêts techniques, sociaux, financiers et esthétiques des utilisateurs et des
concepteurs. La pensée de design est abductive (imaginer ce qui pourrait exister) et non
déductive ou inductive comme la résolution traditionnelle de problèmes. En ERE, alors
qu’ils créent des structures pour abriter la faune, des modes d’utilisation durable des
ressources, des outils de protection contre les nuisances environnementales ou lieux
viables, les élèves pourraient être invités à faire appel à un processus de design. On les
inviterait à définir longuement le problème, les objectifs du produit à créer et les intérêts
et besoins des utilisateurs. Ils travailleraient en groupe pour envisager et dessiner divers
concepts. Ils essayeraient immédiatement des prototypes. Ils pourraient prendre une
distance afin de laisser venir d’autres solutions ou de raffiner les solutions en fonction
des objectifs. L’innovation, tant technique que comportementale, est essentielle en
environnement. En effet, dans ce domaine, il est primordial de trouver de nouvelles
façons de vivre, de construire, utiliser et distribuer les produits et les lieux.
Quant à elle, la planification est l’orchestration de processus cognitifs et motivationnels
interdépendants, influencés par le contexte et réunis pour atteindre un but (Friedman &
Scholnick, 1997). Un plan est une représentation d'une série d'actions orchestrées pour
produire un résultat donné, après sa mise en pratique (Pea & Hawkins, 1987). Le
planificateur anticipe une réalité qui n’existe pas encore (Scholnick & Friedman, 1987). Il
doit être capable de visualiser, dans l'espace et le temps, les actions qui seront
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réalisées, les moments, la durée, la fréquence, les lieux, les fonctions, les
conséquences et les circonstances (Kreitler & Kreitler, 1987). Planifier consiste ainsi à
pré-évaluer les actions possibles, à l’aide de critères tels l’efficacité, la concordance
avec le contexte et certaines considérations mathématiques : grandeur, nombre et
proximité spatiale (Zhang & Norman, 1994). Planifier, c’est construire une séquence
ordonnée des actions et pré-actions que l’on veut réaliser, tout en tenant compte des
contraintes et des situations (Gauvin & Rogoff, 1989). Parfois, l'on planifie toutes les
actions à l’avance puis on exécute et parfois, un flot constant d’informations circule entre
la création de la stratégie, l’exécution et sa révision au fur et à mesure que des imprévus
surgissent (Sacerdoti, 1977). Planifier, c'est enfin surveiller les progrès des actions et
réparer les insuccès (Friedman & Scholnick, 1997). La planification souple et
collaborative pourrait être encouragée chez les élèves dans le cadre de projets d’action
tels la préparation d’outils de sensibilisation du public, ou la planification de mesures
d’adaptation aux changements climatiques, de mini-lieux de biodiversité ou de modes
de vie écologiques. En suivant l’exemple des leaders que nous avons interrogés, les
élèves pourraient être invités, en collaboration avec leurs pairs et avec les acteurs du
projet, à choisir les actions à réaliser (en fonction de critères), les moments de leur
réalisation, la durée, la fréquence, les lieux et les impacts, tout en tenant compte du
contexte du projet. Ce faisant, ils prépareraient plusieurs plans qu'ils soumettraient à
leurs partenaires. Les actions possibles seraient évaluées ainsi que les résultats après
la mise en place des actions.
Conclusion
L’étude fournit des suggestions de nouvelles compétences à développer chez les
apprenants en ERE. En effet, l’être humain modifie constamment l'environnement, de
manière favorable ou non. Il serait fécond que les élèves apprennent non seulement à
résoudre les problèmes environnementaux, mais aussi à planifier des environnements
sains et à adapter ceux qui le sont moins. Les stratégies pédagogiques facilitant le
développement de ces nouvelles compétences pourraient faire l’objet de recherches
théoriques (recension des écrits pour mieux comprendre les dites compétences) et
pratiques (essais de stratégies pour accroître les compétences des élèves). De plus, au
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fur et à mesure que se multiplient les solutions aux problèmes et les aménagements
sains du milieu, il y aurait lieu de poursuivre la compréhension des talents et des
ressources que déploient les leaders qui assurent la création de milieux de vie mieux
articulés et plus réfléchis quant à leurs impacts sur la santé humaine, végétale et
animale.
Il y aurait lieu aussi d’explorer la possibilité de mettre en place des espaces de
discussion et de réflexion pour réfléchir en classe aux différentes composantes de la
société et aux comportements de ses membres. L’ERE représente une pédagogie
idéale pour rendre les élèves aptes à évaluer l’information, à comprendre leur monde et
à y considérer les valeurs impliquées. Ainsi, les élèves pourraient examiner les
différentes institutions et leurs rôles dans la gestion et la conservation durable de
l’environnement. En effet, chaque société dispose de moyens pour régir le vivreensemble. Chaque citoyen doit alors recevoir une éducation le rendant capable de
mieux comprendre les problèmes complexes et d’examiner les présupposés
généralement admis. Il ne s’agit donc pas de réfléchir uniquement à ce à quoi on pense
généralement, mais aussi à la manière dont on pense. Il ne s’agit pas non plus de
réfléchir uniquement à ce qu’on souhaite faire, mais aussi à la manière et aux conditions
dans lesquelles les actions seront faites. Conséquemment, comme le font les leaders
environnementaux interrogés dans cette étude, les élèves pourraient être conduits à
devenir des citoyens créatifs, capables d’identifier et de modifier s’il le faut, les
conditions personnelles et publiques de réalisation des projets environnementaux.
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