Rapport de l` American Chamber of Commerce in France sur le

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Rapport de l` American Chamber of Commerce in France sur le
Rapport de l’American Chamber of Commerce in France
sur le « droit à l’oubli en France »
LE DROIT A L’OUBLI
UN « DROIT » COMPLEXE
mars 2012
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Table des matières
1. LA PROPOSITION EUROPEENNE : UN DROIT A L'OUBLI NUMERIQUE ...................... 3 2. LE DROIT A L’OUBLI : UN DROIT A GEOMETRIE VARIABLE ...................................... 5 2.1 Le premier volet du droit à l'oubli : la durée de conservation des données
personnelles ................................................................................................................... 5 2.2
Le deuxième volet du droit à l'oubli : le droit des personnes à la suppression de
leurs informations .......................................................................................................... 5 2.3 Le troisième volet du droit à l'oubli : les données rediffusées ....................................... 6 2.4 Le quatrième volet du droit à l'oubli : les condamnations et procès .............................. 7 3. LA DURÉE DE CONSERVATION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL
EN DROIT FRANÇAIS ............................................................................................................. 8 4. DISPOSITIFS A PRIORI TENDANT A L’AMÉLIORATION DE L’INFORMATION
DE L’INTERNAUTE, OUTILS PERMETTANT A L’INTERNAUTE D’ASSURER
UN MEILLEUR CONTRÔLE DE SES DONNÉES ................................................................. 8 5. DISPOSITIFS A POSTERIORI DESTINES A LIMITER LES EFFETS DU NON
RESPECT DU DROIT A L’OUBLI........................................................................................... 9 LE DROIT A L'OUBLI, LA PRESSE ET LES MOTEURS DE RECHERCHE ....................... 9 6. CONCLUSIONS DE L'AMCHAM .......................................................................................... 11 2
1.
LA PROPOSITION EUROPEENNE : UN DROIT A L'OUBLI NUMERIQUE
Le 25 janvier 2012, la Commission Européenne a adopté un projet de règlement réformant le cadre de
la protection des données à caractère personnel. Le projet de la Commission prévoit à l'article 17 un
"droit à l'oubli numérique et à l'effacement". Ainsi "la personne concernée a le droit d'obtenir du
responsable du traitement l'effacement de données à caractère personnel la concernant et la cessation
de la diffusion de ces données" pour certains motifs expressément prévus dans cet article.
L'effacement pourrait être demandé lorsque la personne concernée a elle-même rendu publiques ces
informations mais aussi lorsque c'est le responsable de traitement qui a rendu publiques les données.
Dans ce dernier cas, le responsable de traitement aurait alors l'obligation d'informer les tiers qui
traitent ces données "qu'une personne concernée leur demande d'effacer tous liens vers ces données à
caractère personnel ou toute copie ou reproduction de celles-ci" (article 17(2) du projet de règlement
précité).
L'autorité française de protection des données à caractère personnel, la CNIL, soutient cette
proposition de création d'un droit spécifique à l'oubli numérique et à l'effacement.
Le Contrôleur européen de la protection des données (European Data Protection Supervisor) a, quant
à lui, souligné dans son avis du 7 mars 2012, les difficultés inhérentes à l’application de ce droit. Le
Contrôleur estime que dans certains cas, l'obligation d'informer tous les tiers effectuant des
traitements sera difficile notamment du fait de l'impossibilité de déterminer où les données ont été
disséminées. Selon le Contrôleur, l'article 17 doit définir plus clairement le périmètre de ce droit à
l'oubli numérique.
Les critiques les plus importantes du droit à l'oubli numérique viennent des Etats-Unis, où certains
auteurs ont mis en avant l'atteinte que cette proposition pouvaient porter à la liberté d'expression.
Ainsi l'obligation qui serait faite aux moteurs de recherche de désactiver les liens peut apparaitre
comme une nouvelle forme de censure.
Mais en France aussi il y a des critiques de ce nouveau droit. Dans un rapport du 22 juin 2011 de la
Mission d’Information commune sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, présenté
par MM. Patrick Bloche et Patrice Verchère (députés), les rapporteurs ont estimé que le droit à l’oubli
est d’ores et déjà garanti en France et en Europe par les dispositions législatives en vigueur, et dès
lors, sur le plan juridique, la consécration d’un droit spécifique à l’oubli n’est pas nécessaire. Le
rapport souligne que sur les plans juridique et technique, le droit à l’oubli numérique ne saurait exister
en tant que tel mais qu'il convient cependant, afin de renforcer l’effectivité des droits d’accès,
d’information, d’opposition et de rectification consacrés par les dispositions législatives actuelles,
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d’améliorer en amont la maîtrise de l’information par l’usager plutôt que chercher à effacer les
informations une fois qu’elles sont diffusées sur Internet.
L'AmCham estime que l'article 17(2) du projet de règlement pose des difficultés dans la mesure où il
oblige le responsable des traitements à prendre toutes les mesures nécessaires raisonnables afin
d'informer tout tiers de la nécessité d'effacer les données à caractère personnel. Or, en pratique, cette
obligation pourrait s'avérer très difficile à mettre en œuvre pour les moteurs de recherche ou même
pour des sites collaboratifs puisqu'ils n'ont pas forcément connaissance de toutes les sources
d'information. La Commission, à travers le projet de règlement, donne l'impression erronée que
l'hébergeur est un responsable de traitement et qu'il sera ainsi responsable de la mise en œuvre de
moyens permettant d'aider la personne, qui souhaite que ses données soient effacées, à obtenir
l'effacement sur des sites tiers. En fait, le responsable de traitement sera souvent l’internaute luimême.
De plus, si une personne dont les données ont fait l'objet d'un traitement avait précédemment donné
son consentement au transfert de ces données à un tiers dans le cadre d’un contrat de services, les
conditions de ce consentement devraient continuer à s'appliquer. Si le consentement est révocable en
application des dispositions contractuelles, le tiers devra alors immédiatement effacer les données si
ce consentement est retiré. Cependant si le contrat stipule que le consentement reste valable pendant la
durée du contrat, le co-contractant devra pouvoir s'en prévaloir.
Le projet de la Commission, en offrant un droit absolu de retrait du consentement, risque de fragiliser
les droits contractuels légitimes, y compris notamment dans des secteurs autres que l’Internet. Par
exemple, lors d’une ouverture de compte bancaire, le client donne son consentement au traitement de
ses données personnelles par la banque, notamment des données historiques concernant des incidents
de paiement. La banque pourra utiliser ces données pour décider d’accorder ou non un prêt. Si le
client exerce son « droit à l’oubli » à l’égard de ses incidents de paiement, la banque doit-elle
continuer à exécuter la convention de compte ?
L’AmCham estime que la proposition de Règlement n’a pas suffisamment examiné l’effet que
pourrait avoir le droit à l’oubli sur des droits contractuels légitimes.
Enfin, il existe un réel danger d'abus de ce droit pouvant porter atteinte à certains droits
fondamentaux, notamment le droit à la liberté d'expression, le droit à l'information, ou la liberté
d’entreprendre, qui comprend notamment le droit de développer une activité basée sur des données.
Toute atteinte à ces droits doit être appréciée au regard du principe de proportionnalité.
Pour l’AmCham, le droit à l’oubli n’est pas un nouveau droit, et il serait trompeur, voire dangereux,
de donner l’impression aux citoyens qu’il s’agit d’un nouveau droit fondamental. En France, le droit
à l’oubli est déjà couvert par le droit au respect de la vie privée (article 9 du Code Civil), l'obligation
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de ne traiter que des données nécessaires compte tenu de la finalité du traitement pour laquelle elles
ont été collectées, et le droit de l'individu d’exiger l’effacement de données qui ne sont plus
nécessaires pour cette finalité (article 6-5 de la Loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, ciaprès la "Loi de 1978" ). Dès lors, il semble préférable de renforcer l’effectivité des droits existants,
en insistant sur les moyens qu’offre la technologie pour rendre effectif lesdits droits, plutôt que de
créer l’illusion
d’un nouveau droit, dont l’articulation avec le droit positif et d’autres droits
fondamentaux est loin d’être évidente.
2.
LE DROIT A L’OUBLI : UN DROIT A GEOMETRIE VARIABLE
Le droit à l'oubli est un concept à géométrie variable.
Il se trouve au centre de plusieurs
préoccupations :
™ S'assurer que les données à caractère personnel collectées par une entreprise ou par une
administration pour une finalité définie ne seront pas conservées au-delà de la période
strictement nécessaire pour atteindre cette finalité.
™ La possibilité d'effacer les informations que l'internaute a mises en ligne sur une plateforme
de partage lorsqu'il décide de retirer les informations le concernant de son profil.
™ La garantie pour une personne impliquée dans une procédure publique, un procès par
exemple, ou ayant subi une condamnation pénale, de pouvoir en préserver la confidentialité.
™ S'assurer que des informations rendues publiques par la personne concernée ou par un tiers, et
rendues disponibles de manière continue sur Internet, puissent ne plus être aisément
accessibles, au-delà d'un certain délai.
™ S'assurer que le droit à l'oubli est cependant mis en balance avec les droits fondamentaux et
notamment avec la liberté d'expression.
2.1
Le premier volet du droit à l'oubli : la durée de conservation des données personnelles
L'article 6 de la Loi de 1978 limite la durée de conservation des données à caractère personnel traitées
à ce qui est justifié par la finalité du traitement.
2.2
Le deuxième volet du droit à l'oubli : le droit des personnes à la suppression de leurs
informations
Outre la limitation portée à la conservation des données, l'article 38 de la Loi de 1978 reconnaît, à
toute personne, le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce qu'une donnée à caractère
personnel fasse l'objet d'un traitement automatisé. De plus, en application de l'article 40 de la Loi de
1978, la personne dont les données font l'objet d'un traitement automatisé dispose d'un droit de
rectification, de mise à jour ou d'effacement de toute donnée incomplète, inexacte ou périmée.
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Aux Etats-Unis la loi sur la protection des consommateurs contre des pratiques abusives consacre le
droit des consommateurs à la suppression de leurs informations. La Federal Trade Commission (FTC)
applique rigoureusement cette loi à l'encontre des entreprises faisant un usage des données nonconforme aux attentes légitimes des consommateurs et sanctionne la violation de la loi par des
amendes importantes.
2.3
Le troisième volet du droit à l'oubli : les données rediffusées
Ce volet pose le problème le plus délicat. Il s'agit de la situation dans laquelle une personne est
victime de la diffusion d'une information lui portant préjudice, que l'information soit juste ou erronée.
Du fait du constant développement d'Internet, un individu peut se sentir impuissant face au maintien
en ligne de l'information en question. Cependant les lois sur la presse et la diffamation aux États-Unis
et en France fournissent une protection contre la divulgation ou la publication d'allégations ou
d'imputations diffamantes. L'internaute pourra de plus, dans certains cas, se prévaloir de son droit à la
protection de sa vie privée devant les tribunaux. La création d’un « droit à l’oubli » ne changera pas la
donne, car pour chaque situation, un tribunal devra déterminer si l’information est vraie ou fausse, et
prendre en considération d’autres droits.
Le "droit à l'oubli" peut entrer en conflit avec d'autres dispositions législatives ou réglementaires telles
que le devoir de mémoire à des fins historique, statistique et scientifique (Article 36 de la Loi de
1978), la liberté d'expression ou encore l’expression littéraire et artistique (Article 67 de la Loi de
1978). L'équilibre entre ces droits n'est pas toujours évident à atteindre d'autant plus qu'il s'apprécie in
concreto au cas par cas et non de manière systématique. Seul un juge dispose de ce pouvoir
d'appréciation. Un droit absolu et automatique à l’oubli est inconcevable et dangereux. En effet, il
peut conduire à des dérives comme on en témoignent des jurisprudences récentes condamnant les
moteurs de recherche à retirer sur demande de la personne concernée ses données et ce en tant
qu’hébergeur dont la responsabilité ne doit être recherchée qu’en l’absence de retrait d’un contenu
manifestement illicite une fois qu’il en a eu connaissance. En tant qu’hébergeur, les prestataires
sollicités ne sont pas en mesure de prendre une décision qui relève des juges du fond quant au point de
savoir si les « données personnelles » concernées doivent ou non être retirées notamment dans le cas
où leur publication est encadrée par un contrat l’autorisant.
Une fois le caractère illicite des informations publiées établi, la suppression de ces informations des
plateformes doit pouvoir être exigée en utilisant des moyens proportionnés. Les tribunaux doivent
appliquer le principe de la proportionnalité à l’égard toute mesure technique destinée à assurer le
retrait d’informations sur l’Internet, ce qui signifie que les tribunaux devront tenir compte de
l’efficacité de la mesure, de son coût, et de son impact éventuel sur d’autres d’droits fondamentaux.
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Certains acteurs du marché tentent de développer des outils de contrôle de leurs données par
l'internaute afin de faciliter la suppression rapide d’informations diffusées sur différentes plateformes
techniques. De plus, des "nettoyeurs du net" ont fait leur apparition, proposant contre une certaine
somme de faire disparaitre des informations afin de protéger l'e-réputation (notamment Hingston &
Klarey en Angleterre et Reputation Squad en France), alors que des assureurs proposent des contrats
permettant à l'assuré d'assurer sa vie numérique.
Parmi les solutions pratiques envisageables à court terme, l'adoption du concept de "Privacy by
Design" semble prometteuse pour augmenter la prise en compte du respect de la vie privée dès la
conception des produits et services exploitants des données à caractère personnel. Les responsables de
traitement des données devraient ainsi mettre en œuvre des garanties techniques lors de la conception
et de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication.
Par ailleurs, certains acteurs souhaitent promouvoir les Privacy Enhancing Technologies ("PETs") qui
permettent de supprimer toute corrélation entre les données de connexion et les données personnelles
des internautes, en rendant possible l'identification de l'internaute par d'autres biais tout en préservant
la confidentialité de leurs données personnelles.
Les récentes propositions de la Maison Blanche
(Consumer Privacy Bill of Rights) vont clairement dans ce sens.
Des initiatives d'autorégulation ont aussi été envisagées en France avec par exemple l'élaboration de
la "Charte du Droit à l'oubli dans les Sites Collaboratifs et les Moteurs de Recherche", signée à Paris
en octobre 2010. Cette Charte constitue une approche pratique du droit à l’oubli construite autour de
deux axes visant (i) à améliorer la transparence de l'exploitation des données et (ii) à faciliter la
gestion des données par la personne concernée. Cette Charte comporte néanmoins une ambigüité
quant à un droit de censure, avec un objectif affiché de "Limiter la diffusion d'informations fausses ou
personnelles y compris pour les personnes qui ne sont pas membres du réseau," et une formulation
qui pourrait laisser penser que toute personne pourrait demander le retrait automatique d'information
le concernant.
2.4
Le quatrième volet du droit à l'oubli : les condamnations et procès
Il existe d’autres manifestations du droit à l’oubli en droit français, appréhendées par exemple par les
règles de prescription en matière judiciaire, d’amnistie ou encore dans des textes spécifiques à Internet
comme l’obligation pour les prestataires de communications électroniques d’effacer les données de
trafic et de localisation.
L'article 35 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 énonce que la véracité de propos
prétendument diffamatoires ne peut être démontrée lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant
une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la
réhabilitation ou la révision.
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Par ailleurs, des dispositions spécifiques aux Etats-Unis et en France protègent les mineurs et autres
personnes vulnérables.
L'article 22 de la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et pour adolescents et sur la
liberté surveillée proscrit la publication de jugements rendus contre des mineurs mentionnant leur
nom, ou même simplement une initiale. D'autres lois prohibent la mention du nom des parties sur une
décision de justice (diffamation, filiation, etc.), ou encore celle du nom des victimes, sans leur
consentement (en cas de publication de la décision, par exemple).
Ces prohibitions doivent s'articuler avec les obligations prévues par la Loi de 1978, notamment en
matière de traitement de données relatives aux condamnations. En France, les fichiers de
condamnation et les mesures administratives sont parfois détruits pour garantir le droit à l'oubli,
notamment lorsque la mesure a été annulée en appel.
3.
LA DURÉE DE CONSERVATION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL
EN DROIT FRANÇAIS
Dans le cadre de l'application des dispositions de la Loi de 1978 sur la durée de conservation des
données personnelles, le responsable de traitement est tenu, à l’issue de la période de conservation, de
procéder à la destruction ou à l’anonymisation de ces données, ou a minima de procéder à leur
archivage.
L’appréciation de la durée de conservation se fait au regard du principe de proportionnalité qui
impose de rechercher un équilibre entre les intérêts légitimes (en termes stratégique, commercial,
opérationnel et/ou de preuve) du responsable de traitement au regard des finalités qu'il poursuit, et le
droit de la personne à l’effacement de ses données. Il s’agit d’une obligation très contrôlée par la
CNIL et sanctionnée tant sur le plan pénal que sur le plan administratif. La CNIL vérifie
systématiquement dans le cadre de ses contrôles a posteriori qu’il existe bien des procédures
d’effacement des données et que ces procédures sont effectivement applicables et appliquées.
4.
DISPOSITIFS A PRIORI TENDANT A L’AMÉLIORATION DE L’INFORMATION
DE L’INTERNAUTE, OUTILS PERMETTANT A L’INTERNAUTE D’ASSURER UN
MEILLEUR CONTRÔLE DE SES DONNÉES
Face aux difficultés pratiques soulevées par le développement constant du réseau Internet, il est
important d’instaurer de manière harmonisée une information claire et transparente des internautes et
de leur donner les moyens techniques de mieux maitriser leurs données.
L’information des internautes sur les conditions de collecte de leurs données à caractère personnel lors
de leur visite d’un site, dans le cadre d'un réseau social ou d'un blog, ou lorsqu'ils procèdent à un achat
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en ligne, résulte aujourd’hui principalement de chartes de protection des données (« privacy policy »)
disponibles sur les sites web. Cependant ces documents sont très rarement lus du fait du nombre
important d'informations à transmettre et de l'absence de pédagogie et de simplicité dans leur
présentation. Ces lacunes sont, au moins en partie, la conséquence directe d'une législation qui exige
de plus en plus d'informations pour l'utilisateur. Par ailleurs, ces informations figurent souvent à
l'intérieur des Conditions Générales de Vente et d'Utilisation du site, ce qui rend difficilement
identifiable, pour les internautes, les informations les plus importantes telles que les outils de contrôle
sur leurs données dont ils disposent, ou l'identification de leurs interlocuteurs sur ces questions.
Or, le projet de règlement, en ajoutant de nouvelles mentions devant obligatoirement figurer dans la
"privacy policy" (dont une information des utilisateurs sur les modalités d'exercice de leur droit à
l'oubli numérique), ne favorise pas la lisibilité de l'information et l'effectivité des outils de contrôle
accessibles aux internautes.
L’AmCham se rallie à la nécessité d’améliorer les conditions d’information de l’internaute. Le
Consumer Privacy Bill of Rights proposé par l’administration américaine va également dans ce sens,
en renforçant les obligations d’information et en s’assurant que l’information s’adapte au contexte
afin que celle-ci soit utile pour l’internaute.
En effet, il est indispensable de permettre à l’internaute de mieux maîtriser ses données afin de lui
permettre de les supprimer quand il le souhaite sous réserve des limites prévues par les textes, et pour
y arriver, une information claire mais courte est également indispensable.
A cela s’ajoute les campagnes de sensibilisation des internautes, notamment dans le milieu scolaire,
afin de mieux éduquer les jeunes sur les conditions d’utilisation des outils mis à leur disposition
permettant de renforcer la confidentialité de leurs données personnelles (anonymat, pseudonymat,
opposition aux cookies, etc.).
Par exemple, Génération Numérique (http://wwwgeneration
numerique.com) propose aux établissements scolaires d'accueillir des formations pour les élèves, les
enseignants et les parents comportant notamment un volet sur la maîtrise de ses données personnelles.
Sur l'année scolaire 2010/2011, 500 000 élèves, 125 000 parents et 6000 enseignants ont reçu cette
formation.
5.
DISPOSITIFS A POSTERIORI DESTINES A LIMITER LES EFFETS DU NON
RESPECT DU DROIT A L’OUBLI
LE DROIT A L'OUBLI, LA PRESSE ET LES MOTEURS DE RECHERCHE
Le droit à la protection des données à caractère personnel connait une limitation dans le cadre du
traitement des données par la presse, celle-ci bénéficiant d'une certaine liberté pour accomplir sa
mission d'information.
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Ainsi, le chapitre XI de la Loi de 1978 prévoit expressément la non-application de certaines règles
contenues dans cette Loi, à l'exception du droit d'opposition, aux traitements de données à caractère
personnel effectués aux fins de journalisme. Le secteur de la presse semble ainsi paradoxalement
protégé de l'extension progressive du périmètre du droit à l'oubli.
Cependant aujourd'hui l'information contenue dans un article a vocation à faire l'objet d'une diffusion
continue notamment du fait du référencement des sites par des moteurs de recherche. Les internautes,
par facilité, se tournent vers les moteurs de recherche afin que les informations les concernant qu'ils
souhaitent voir disparaître soient supprimées ou à ce que soient retirées des informations qui ont été
publiées par des tiers.
Ainsi les journalistes, les sites de presse mais aussi les sites communautaires rencontrent des
difficultés face aux demandes croissantes des internautes.
Dans le cas où une information se trouve dans un article publié sur internet, cette publication d'une
information personnelle peut entrer dans le cadre de l'exception de journalisme évoquée ci-dessous et
prévue dans la Loi de1978 ainsi que dans le projet de la Commission. Mais du fait de la spécificité de
l'Internet, l'information peut rester librement accessible sans réelle limitation de durée. Les internautes
qui ne souhaitent plus que ces informations apparaissent sur le web, font des demandes de retrait de
ces données notamment auprès des moteurs de recherche plutôt que de faire cesser la diffusion à la
source. Or cette solution met le moteur de recherche dans une situation impossible de juger quelle
information doit être accessible sur l’Internet – il devient le censeur du net. De plus, même si le
moteur de recherche retire le contenu de son référencement, les informations resteront accessibles
dans la mesure où elles sont toujours publiées.
Ainsi il semble qu'une première démarche pour l'internaute doit être de tenter en priorité de faire
cesser la diffusion auprès de l'auteur ou de l'éditeur. La CNIL a publié une fiche pratique dénommée
"Comment effacer des informations vous concernant sur un moteur de recherche" où elle détaille deux
étapes: contacter le webmaster du site puis faire disparaître les informations du cache des moteurs de
recherche - http://www.cnil.fr/la-cnil/actu-cnil/article/article/comment-effacer-des-informations-meconcernant-sur-un-moteur-de-recherche/. L'internaute a aussi la possibilité de demander à l'éditeur de
cesser de référencer le contenu litigieux. Les éditeurs ont en effet la possibilité de contrôler le
référencement des articles qu'ils publient. Les moteurs de recherche, sur leur site Internet, mettent à
disposition des éditeurs de contenu des indications concernant les modalités de référencement de leurs
contenus. Mais les moteurs de recherche sont souvent directement saisis de demandes, notamment
lorsque l'auteur ou l'éditeur refusent de supprimer l'information, au titre de la protection de la vie
privée ou en application de la Loi pour la Confiance dans l'Economie Numérique du 21 juin 2004 (ciaprès la "LCEN").
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Dans tous les cas, les informations qui peuvent réapparaitre et apparaitre ne sont pas nécessairement
illicites ou leur caractère illicite peut faire l'objet d'un débat. Ni l'éditeur, ni le moteur de recherche ne
peut alors décider seul de retirer le contenu. La seule autorité légitime pour trancher entre les
différents intérêts en jeu est le juge, seul garant de la proportionnalité entre le droit à l'oubli, d'une
part, et la protection de la liberté d'expression.
Cependant force est de constater que la reconnaissance d'un droit à l'oubli pourra potentiellement
fragiliser la liberté d'expression.
6.
CONCLUSIONS DE L'AMCHAM
Au vu de ce qui précède, l'AmCham est favorable aux actions suivantes pour renforcer le droit à
l'oubli :
ª La mise en place de standards internationaux et de solutions pratiques concernant
l’information des internautes ;
ª La
promotion d'outils techniques permettant à l'individu de mieux maitriser son
environnement de sécurité en ligne et d’exercer de manière effective les droits existants dont
il dispose ;
ª L'encouragement du développement de nouvelles technologies et outils au service de
l'utilisateur ;
ª La mise en avant des demandes de retrait et d'opposition à la source ainsi que la
sensibilisation des acteurs de l'internet, et notamment de la presse numérique, sur les moyens
techniques de limiter le référencement des contenus obsolètes.
En revanche, compte tenu du caractère complexe du droit à l'oubli et des multiples contextes dans
lesquels ce droit peut entrer en conflit avec d'autres droits, l'AmCham estime qu'il n'est pas
souhaitable de créer un nouveau droit spécifique, ce droit existant déjà à travers d'autres dispositions
législatives et droits fondamentaux.
IT, New Media & Privacy Working Committee, American Chamber of Commerce in France
Rédacteurs principaux du rapport :
Carol Umhoefer, Avocat Associé, DLA Piper
Denise Lebeau-Marianna, Avocat Associé, Baker & McKenzie
Fabrice Naftalski, Avocat Associé, Ernst & Young
Winston Maxwell, Avocat Associé, Hogan Lovells
Florence Chafiol-Chaumont, Avocat Associé, August & Debouzy
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