Guide de l`enseignant - Commission des normes du travail

Transcription

Guide de l`enseignant - Commission des normes du travail
ACTIVITÉ 5
COMPRENDRE
L’ÉVOLUTION
DES NORMES DU TRAVAIL
D’HIER À AUJOURD’HUI
GUIDE DE L’ENSEIGNANT
LES NORMES DU
TRAVAIL
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PRÉSENTATION DE L’ACTIVITÉ
Public cible
Élèves du 2 cycle du secondaire
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Durée estimée
45 minutes
Description
Les élèves lisent et analysent un texte qui traite de l’évolution des conditions de travail au Québec.
Thèmes
Conditions de travail, normes du travail, évolution des conditions de travail au Québec.
Objectifs
• L’élève acquiert des connaissances sur l’évolution des conditions de travail au Québec ;
• L’élève analyse un texte historique qui présente les grandes étapes de l’évolution des conditions
de travail au Québec ;
• L’élève prend conscience que les conditions de travail actuelles sont le résultat de revendications
visant à mettre fin à des situations jugées inacceptables par la société à différentes époques.
Compétences transversales
Exploiter l’information ; exercer son jugement critique ; communiquer de façon appropriée.
Matériel requis
MATÉRIEL DE L’ENSEIGNANT
• Guide de l’enseignant (texte et corrigé)
MATÉRIEL DE L’ÉLÈVE
Fiche de l’élève (texte et questionnaire)
TEXTE
CONSIGNE
• Lisez le texte.
• Répondez ensuite aux questions sur l’évolution des normes du travail au Québec et justifiez
brièvement vos réponses.
L’ÉVOLUTION DES NORMES DU TRAVAIL AU QUÉBEC :
DE 1880 À AUJOURD’HUI1
LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
À partir de la moitié du XIXe siècle, le Québec s’industrialise progressivement. C’est le phénomène
de la révolution industrielle. Cette période se caractérise par le passage d’une société rurale à une
société urbaine. De plus en plus de gens de la campagne migrent vers les villes pour avoir accès
à des emplois dans les industries du textile, des chaussures, etc. Cette transformation est si importante
qu’au début du XXe siècle, la majorité des travailleurs québécois travaillent en usine.
1885 : ADOPTION DE L’ACTE DES MANUFACTURES
Vers la fin des années 1800, les conditions de travail au Québec sont difficiles. Un rapport publié par
la Commission royale d’enquête sur le fonctionnement de la main-d’œuvre des moulins et fabriques
(1882) fait état des conditions ardues auxquelles sont confrontés les ouvriers et ouvrières.
Le rapport révèle qu’en l’absence de règlement sur les heures de travail, les semaines de 6 jours
atteignent 60 à 70 heures, et les journées de 15 heures sont fréquentes. Bien souvent, les employés
sont forcés de travailler des heures supplémentaires. S’ils refusent, ils risquent la confiscation de
leur salaire ou encore le congédiement. La période de dîner est si courte que les employés n’ont
pas le temps d’aller manger à l’extérieur de la manufacture. De plus, aucune salle de repos ne leur
est offerte. Ceux-ci sont donc contraints de manger rapidement à côté de leur machine de travail.
Les enquêteurs observent également que les conditions de travail sont dangereuses. La sécurité
physique des ouvriers est souvent compromise, puisque les aires de travail sont surpeuplées et les
équipements de travail, dangereux. En effet, la machinerie de l’époque est dépourvue de dispositifs
de sécurité. Le manque d’aération et l’insalubrité des aires de travail engendrent un risque pour
la santé des travailleurs. Pour toutes ces raisons, les accidents et les maladies liés au travail sont
fréquents. Le pouvoir quasi illimité que possède l’employeur fait en sorte que le risque de renvoi
plane constamment, phénomène aggravé par l’abondance de main-d’œuvre disponible et l’absence
de protection en cas de maladie ou de blessure.
1. Source : LEDOUX Denis et Christian Desîlets, Histoire des normes du travail au Québec de 1885 à 2005 : de l’Acte des
manufactures à la Loi sur les normes du travail, Les Publications du Québec, 2006.
TEXTE... LA SUITE
L’exploitation des enfants par les patrons constitue un autre problème majeur de l’époque. Les industries
n’hésitent pas à embaucher les enfants, parfois même à partir de 10 ans. Leurs petites mains et leur
agilité sont prisées dans bien des industries. Dans ce contexte où les salaires sont à la baisse, beaucoup
de femmes et d’enfants n’ont d’autre choix que de se mettre au travail, afin d’assurer la survie de leur
famille. En effet, les foyers sont contraints d’envoyer tous les membres de la famille au travail de
manière à obtenir le plus de revenus possible.
La Commission royale d’enquête représente un facteur majeur de changement ayant permis une prise
de conscience collective sur les conditions de travail et contribué à l’évolution de la culture du travail
au Québec. En effet, à la suite du rapport de la Commission, le gouvernement du Québec présentait,
au printemps 1885, le projet de loi sur l’Acte des manufactures qui pose les bases d’une réglementation
des conditions de travail. Cette loi confie aux entreprises des responsabilités en matière de santé et
de sécurité au travail. Elle fixe aussi les premières normes relatives à l’âge minimum des travailleurs,
à la durée du travail et des repas. Elle établit, entre autres, qu’aucun enfant de sexe masculin âgé
de moins de douze ans et aucune fille âgée de moins de quatorze ans ne peuvent être employés
dans une manufacture et qu’aucun enfant de même qu’aucune jeune fille ou femme ne doit travailler
pendant plus de dix heures dans une même journée ni pendant plus de soixante heures dans une
même semaine. De plus, dans toute manufacture le patron doit accorder à chaque enfant, jeune fille
et femme qui y sont employés au moins une heure chaque jour, le midi, pour le repas.
1919 : LOI DU SALAIRE MINIMUM DES FEMMES
Lorsque la Première Guerre mondiale se termine en 1918, les hommes partis au combat en Europe
rentrent au pays. À leur retour, ces derniers peinent à se trouver un travail, puisque les femmes
ont fait une entrée massive sur le marché de l’emploi pendant que les hommes étaient partis au
front. Leur présence dans les entreprises diminue ainsi le nombre d’emplois disponibles. De plus,
les femmes représentent une main-d’œuvre bon marché, car elles sont moins rémunérées que les
hommes. Leur présence accrue fait donc concurrence aux hommes et engendre une baisse des
salaires dans les métiers qu’elles occupent. Dès lors, beaucoup de salaires sont revus à la baisse, et
les hommes sont souvent forcés d’accepter une rémunération plus basse dans les industries où les
femmes sont présentes en grand nombre.
Le gouvernement québécois décide alors d’intervenir en décrétant la Loi du salaire minimum des
femmes, qui fixe le plus bas salaire qu’il est possible de remettre aux femmes. Le but du législateur
était d’améliorer le sort économique des hommes en freinant la diminution de leurs salaires.
La nouveauté de la loi de 1919 est d’établir un salaire minimum fixé par l’État. Bien que la portée de
cette première mesure visant à encadrer le salaire minimum soit très restreinte, car elle s’applique
uniquement aux femmes travaillant dans les entreprises industrielles, le changement provoque du
mécontentement chez les industriels, qui fixaient eux-mêmes les salaires auparavant. Pour faire
accepter cette intervention, on invoque la nécessité de protéger la main-d’œuvre féminine, incapable
de se défendre et de s’organiser elle-même.
TEXTE... LA SUITE
1937-1940 : LOI DES SALAIRES RAISONNABLES
Avant 1937, aucune réglementation n’encadrait le salaire des travailleurs masculins, toujours
majoritaires sur le marché du travail. Ces derniers étaient souvent obligés d’accepter de travailler
à n’importe quel prix. La Loi des salaires raisonnables, qui deviendra par la suite la Loi du salaire
minimum, avait pour objectif de remédier à cette situation. Par l’utilisation du terme raisonnable
plutôt que minimum, la loi vise à assurer aux travailleurs un revenu minimal vital, bien que le terme
ne soit toujours pas défini concrètement.
La loi de 1937 touche aussi bien les hommes que les femmes et assure à ces dernières l’application
du principe « à travail égal, salaire minimum égal ». Dans les faits, il existe une centaine de salaires
minimums en fonction de la zone où l’entreprise est située, de la catégorie d’emploi et de la classe
d’emploi. Les salaires minimums pour une semaine de travail variaient à l’époque entre 4,80 $ et 24 $,
signe d’une grande diversité selon les métiers. Cette situation suscitait beaucoup de confusion et de
nombreuses difficultés d’application, autant pour les employeurs que pour l’Office des salaires raisonnables, l’organisme alors chargé de faire respecter la loi.
Néanmoins, la réglementation mise en place contribuera à structurer de façon durable les relations
entre employeurs et salariés au Québec et viendra accorder plus de droits aux salariés. Malgré les
avancées majeures sur le plan juridique et en matière d’inspection, on constate tout de même de
nombreuses infractions, et les demandes de dérogations sont nombreuses, ce qui permet à plusieurs
entrepreneurs de contourner la législation en place. De plus, les amendes, sévères en théorie, ne sont
pratiquement jamais appliquées.
1940 : LOI DU SALAIRE MINIMUM
La Loi du salaire minimum, entrée en vigueur le 18 septembre 1940, vise à pallier certaines lacunes
de la législation antérieure. Cette nouvelle loi s’applique à tous les salariés du Québec, qu’ils travaillent
chez l’employeur ou à domicile, et ses dispositions sont d’ordre public. La nouvelle loi confie à la
Commission du salaire minimum le pouvoir d’établir des salaires et des conditions de travail minimaux
avec la collaboration des employeurs et des salariés concernés. Le nouvel organisme doit aussi être
un conseil d’arbitrage des mésententes entre les employeurs et les salariés, et surveiller et contrôler les
conditions de travail en général, tant celles fixées par ses ordonnances que celles établies par convention
collective. La Commission du salaire minimum a également le pouvoir de représenter les salariés
devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits, notamment en ce qui concerne le congédiement
abusif.
Entre 1940 et 1980, la Loi du salaire minimum reste pratiquement inchangée, mis à part l’introduction,
en 1946, des vacances annuelles obligatoires et payées et du paiement à taux majoré des heures
supplémentaires. Cependant, le contexte économique et social ayant grandement évolué au cours
de ces quatre décennies, une réforme s’imposait.
TEXTE... LA SUITE
1980 : LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL
La Loi sur les normes du travail (LNT) entre en vigueur le 16 avril 1980. Le même jour, la Commission
des normes du travail entreprend ses activités avec le mandat de surveiller la mise en œuvre et
l’application de la Loi sur les normes du travail. L’une des mesures fondamentales instaurées à ce
moment est l’introduction d’une protection pour l’employé en cas de renvoi sans une cause juste et
suffisante. Le champ d’application de la loi est aussi élargi par rapport à celle de 1940 (Loi du salaire
minimum), puisqu’elle touche maintenant plus de salariés, y compris les cadres.
La Loi sur les normes du travail changera peu jusqu’à ce que l’on procède à des révisions majeures
en 1990 et en 2002. Lors de ces révisions majeures, de nouvelles dispositions sont introduites pour
élargir l’application de la loi à un plus grand nombre de salariés, soutenir davantage la conciliation du
travail avec la vie personnelle et familiale, assurer une meilleure protection aux salariés. Par exemple,
le droit pour le salarié d’évoluer dans un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique, qui
a été assorti d’obligations pour l’employeur à cet égard, est l’une des nouvelles normes qui ont été
introduites à la loi en 2002.
CORRIGÉ
QUESTION 1
Relevez les conditions de travail des ouvriers avant l’Acte des manufactures.
Les conditions de travail avant l’Acte des manufactures sont éprouvantes pour les ouvriers, d’autant
plus que ces derniers ne sont protégés par aucune norme minimale à l’époque, ce qui laisse place
à de possibles abus de la part des patrons. Aussi, des amendes sont fréquemment infligées aux employés pour des raisons non justifiées (retard dans la productivité, grossièreté envers le contremaître,
turbulence).
Les ouvriers travaillent entre 12 et 15 heures par jour, six jours par semaine, et les heures supplémentaires
sont souvent imposées. L’abondance de main-d’œuvre laisse planer la menace de renvoi, ce qui incite
à la discipline.
Les travailleurs ne bénéficient d’aucun congé ou jour férié ni d’aucune compensation en cas de maladie
ou d’accident. Les femmes et les enfants doivent souvent travailler, car le salaire d’un homme ne
permet pas de subvenir aux besoins de la famille. Ces catégories de travailleurs gagnent beaucoup
moins qu’un homme pour le même travail.
Dans les usines, les conditions de travail sont non sécuritaires (air, température, aménagement des
lieux, etc.), et aucune pièce n’est réservée pour le dîner et les pauses des ouvriers.
QUESTION 2
Expliquez pourquoi le législateur propose une loi sur le salaire minimum des femmes en 1919.
Le but de la loi de 1919 est double. Elle vise premièrement à limiter la baisse de salaire chez les
hommes. Pour le même travail, engager une femme coûte moins cher qu’engager un homme, et
les employeurs en profitent pour diminuer le salaire des hommes de l’industrie. Dans un deuxième
temps, elle vise à assurer un salaire « décent et minimal » pour les femmes.
Ces deux objectifs n’ont pas été atteints, puisque le salaire des hommes n’a cessé de diminuer même
après l’adoption de la loi.
CORRIGÉ
QUESTION 3
Quel est le principe derrière la Loi des salaires raisonnables ?
« À travail égal, salaire égal » : ce qui signifie qu’il ne devrait pas y avoir de différence de salaire, que
ce soit un homme ou une femme qui effectue le travail. Ce concept est révolutionnaire pour l’époque
où il existait des échelles salariales différentes en fonction du sexe de l’employé, même dans les
milieux syndiqués.
QUESTION 4
Dans la société actuelle, quelle influence ont les normes du travail sur les conditions de travail
des Québécois ?
Amener les élèves à comprendre que les normes du travail sont un héritage précieux qui les protège
contre les abus et l’exploitation dans leur milieu de travail. Les normes du travail sont le résultat de
revendications qui ont contribué à améliorer les relations entre salariés et employeurs. Les réponses
peuvent donc être diverses :
• Limiter les inégalités (disparité en emploi, équité salariale, salaire minimum)
• Assurer des conditions de travail décentes (horaire, congé)
• Éviter les abus (toutes les normes)
• Offrir une protection aux employés non syndiqués
• Favoriser l’épanouissement des enfants
• Favoriser la santé et la sécurité des travailleurs (congé, horaire, repos,
harcèlement psychologique)
• Assurer une protection en cas de maladie ou d’invalidité (droit à des congés payés,
vacances, congés parentaux)
• Favoriser le respect des droits de la personne
• Favoriser la conciliation travail − vie personnelle
• Rééquilibrer les rapports dans les relations de travail