Joséphine Baker (Freda Josephine Carson)
Transcription
Joséphine Baker (Freda Josephine Carson)
Joséphine Baker (1906-1975) Interprète, actrice Freda Josephine McDonald, alias Joséphine Baker, naît le 3 juin 1906 à Saint-Louis dans le Missouri dans une famille pauvre. Elle est élevée par sa mère et son beaupère. Dès l’âge de huit ans, elle travaille pour des familles blanches aisées. Le 2 juillet 1917, des émeutes raciales éclatent à East Saint Louis, quartier pauvre où vit sa famille. Environ 200 noirs (hommes, femmes, enfants) sont lynchés et tués, des centaines d’autres se retrouvent sans abri. Joséphine Baker, alors âgée de 11 ans, n’oubliera jamais ce jour funeste. A douze ans, elle abandonne l’école et commence à danser dans les rues pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle dira plus tard : « C’est le meilleur moyen que j’ai trouvé pour me réchauffer ». A 15 ans, elle fait déjà partie comme danseuse de petites troupes, puis participe à des revues noires à Broadway, telles Shuffle Along (1921) et The Chocolate Dandies (1924). Maurice Chevalier assiste à une des représentations de Shuffle Along. Il écrit dans ses mémoires à propos de Joséphine Baker : « Parmi les girls qui étaient représentées par de jeunes danseuses noires, j’en remarquai une, dont le corps presque nu, avait d’étranges attraits. Son visage convulsé, contorsionné, avait soudainement des détentes ravissantes… » Caroline Dudley, américaine, à l’époque femme de Daniel Reagan (elle épousera par la suite l’écrivain Joseph Delteil), attaché commercial de l’ambassade américaine à Paris, propose à Rolf de Maré et André Daven, les directeurs du Théâtre des Champs-Élysées, de monter une revue nègre, dans le style de Shuffle Along. Ces derniers, intéressés et pensant qu’un spectacle de cette nature pourrait relancer la fréquentation et les caisses de leur théâtre lui financent son voyage aux Etats-Unis afin qu’elle constitue une troupe. Caroline Dudley découvre durant l’été 1925, Joséphine Baker qui danse au Plantation Club à Harlem. Elle l’inclut dans sa troupe, qui comprend comme têtes d’affiche le clarinettiste Sidney Bechet, la chanteuse Maud de Forest et le danseur Louis Douglas. Lors des premières répétitions au Théâtre des Champs-Élysées, Rolf de Maré et André Daven constatent que le spectacle est loin d’être au point. Ils font appel à dix jours de la première à leur ami Jacques Charles, metteur en scène au Moulin Rouge. Celui-ci se contente essentiellement de déplacer le centre d’attention sur Joséphine Baker. Il conçoit un tableau baptisé « La danse sauvage » qui doit intervenir à la fin de la revue. Joséphine Baker doit se parer du costume africain tel que Jacques Charles se l’imagine : des plumes sur la peau nue. D’abord réticente, elle apparaît dans ce numéro de danse (effectué en duo avec Joe Alex), seins nus, portant une ceinture de plumes sur une culotte de satin, et un col de plumes autour du cou. La première de La Revue Nègre a lieu le 2 octobre 1925. C'est l'événement. Le style dégingandé, échevelé et suggestif de Joséphine Baker dans « La danse sauvage » la propulse vedette du jour au lendemain. « Triomphe de la lubricité » et « retour aux mœurs des premiers âges » pour certains chroniqueurs, son style nouveau fait scandale et éblouit un public fasciné. Paul Colin, a réalisé l’affiche avec une Joséphine Baker, croquée nue. Le Tout-Paris court applaudir celle que l’on surnomme « La Vénus noire ». En avril 1926, Paul Derval l'embauche pour mener la revue La folie du jour aux Folies-Bergère. Elle y danse vêtue de sa fameuse ceinture de bananes, et commence à chanter. En janvier 1927, elle réalise ses premiers enregistrements, des titres interprétés en anglais : « After I say I’m sorry » (Abe Lyman/Walter Donaldson), « Lonesome love sick blues » (Spencer Williams), « Blue skies » (Irving Berlin), « I’m leaving for Albany » (Tony Town)… En 1930, au Casino de Paris, sa revue Paris qui remue succède à celle de Mistinguett (Paris-Miss). Elle y interprète « J'ai deux amours », un titre taillé sur mesure pour elle par Géo Koger et Henri Varna pour les paroles et Vincent Scotto pour la musique. Elle y chante également « La Petite Tonkinoise » (Georges VillardHenri Christiné/Vincent Scotto), « Voulez-vous de la canne à sucre ? » (Léo LelièvreHenri Varna/Paddy) et « Dis-moi Joséphine » (Marc Cab-Léo Lelièvre-Henri Varna/Zerkowicz Bela). Le succès de « J'ai deux amours », sa chanson fétiche, marque son acte de naturalisation auprès du public français. L'artiste scandaleuse de La Revue Nègre, celle qui a popularisé en France le charleston et le black-bottom, devient l'égérie de la mode parisienne. On se passe la peau au brou de noix pour lui ressembler ; on s'enduit les cheveux de Bakerfix. Pendant toute sa carrière, Joséphine Baker interprétera un nombre impressionnant de titres consacrés à Paris (« Sous les toits de Paris », « Revoir Paris », Paris, mes amours », « Paris, Paris», « En avril à Paris »…) Peu importe que l'artiste noire soit une pure américaine, elle incarne le fantasme de la sauvage civilisée. Elle dira d’ailleurs : « Puisque je personnifie la sauvage sur scène, j'essaie d'être aussi civilisée que possible dans la vie. » Elle est nommée reine de l'Exposition coloniale en 1931. Elle tourne dans Zouzou de Marc Allégret avec Jean Gabin en 1934 (elle y interprète « C'est lui », Roger Bernstein/Georges Van Parys et « Haïti », Géo Koger-Emile Audiffred/Vincent Scotto) et dans Princesse Tam Tam d’Edmond T. Gréville en 1935 (« Sous le ciel d'Afrique », André de Badet/Jacques Dallin). Elle se produit au Casino de Paris en décembre 1932 dans la revue La joie de Paris (« Si j'étais blanche », Henri Varna-Bobby/Lennart Falk), et monte en décembre 1934, La Créole, une opérette d'Offenbach, arrangée pour elle par Albert Willemetz, avant de partir aux Etats-Unis pour participer aux Ziegfield Follies en 1935 à Broadway. L'accueil mitigé du public américain la fait rentrer en France. Elle déclare à son retour : « Je ne veux pas vivre sans Paris. Paris c’est ma patrie ! ». En septembre 1936, elle joue dans la revue En super folies , aux FoliesBergère. Elle y interprète notamment « Nuit d’Alger » (Maurice Hermitte/Pierre Larrieu), ainsi que « C’est un nid charmant » (Lorenz Hart/Richard Rodgers). Elle acquiert la nationalité française en 1938. En mars 1939, elle enregistre « Sur deux notes » (Paul Misraki), popularisée par Ray Ventura et ses Collégiens l'année précédente ainsi que « De temps en temps » (André Hornez/Paul Misraki). Fin novembre 1939, elle partage la vedette avec Maurice Chevalier, dans la revue Paris-London au Casino de Paris. Elle y interprète « Mon cœur est un oiseau des îles » (Marc Cab-Géo Koger-Henri Varna/Vincent Scotto), qui restera un de ses succès. A partir d'octobre 1940, et durant toute la période de l'Occupation, les artistes juifs et noirs sont interdits de scène. Joséphine Baker se produit brièvement à l'Opéra de Marseille, alors en zone libre. Elle est ensuite contrainte à l’exil, étant jugée indésirable par le gouvernement de Vichy. Elle se réfugie au Maroc en 1941. Après le débarquement des alliés le 8 novembre 1942, elle chante pour les soldats au Proche Orient et en Afrique du Nord. Depuis l’automne1940, elle fait partie des services de renseignements de la France Libre. Elle s’acquitte de missions importantes durant toute la durée du second conflit mondial. Le 21 novembre 1944, elle passe en vedette au Paramount à Marseille, lors du gala donné pour l’aviation française. Elle suit la progression de l’armée française avec ses musiciens et chante pour les soldats. Le 5 avril 1945, elle se produit au Théâtre des Champs-Élysées devant le général de Gaulle, à l’occasion du gala de la France combattante. Elle se mobilise également pour la Croix-Rouge. Ces activités lui vaudront de recevoir la Médaille de la Résistance et la Légion d’honneur. Joséphine Baker investit sa fortune en achetant en 1947 le château des Milandes dans le Périgord. Progressivement, elle adopte des enfants de tous pays et les élève dans sa propriété. Cela l’oblige à travailler sans cesse, afin de subvenir aux besoins de tous. En 1948, elle tente de se produire à nouveau aux Etats-Unis. C’est un échec. Joséphine Baker est confrontée de nouveau au racisme et à la ségrégation. Elle n’aura de cesse au cours des années 50 et 60 de lutter contre le racisme et pour l’émancipation des noirs, notamment auprès de Martin Luther King et de son Civil Rights Movement. Le premier mars 1949, elle chante sur la scène des Folies-Bergère dans la revue Féeries et folies. En 1950, elle se produit avec un grand succès à Cuba, puis enchaîne sur une tournée américaine marquée par des filles d’attente devant les salles de concert qui la programment. Elle est constamment au bord de la ruine. De 1954 à 1968, elle chante six fois sur la scène de l’Olympia. Elle continue de se produire régulièrement à travers le monde, en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. En 1973, elle chante sur la prestigieuse scène du Carnegie Hall à New York. Le 8 avril 1975, à près de 69 ans, elle se produit à Bobino, dans un spectacle retraçant sa carrière. Elle meurt d’une hémorragie cérébrale quatre jours plus tard, le 12 avril 1975. © Le Hall de la Chanson