VVF Vacances La stratégie du “juste prix”

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VVF Vacances La stratégie du “juste prix”
Stratégies défensives
Optimisation de la gestion
VVF Vacances
La stratégie du “juste prix”
INTERVIEW(*) D’OLIVIER COLCOMBET
PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE VVF VACANCES
([email protected])
(*) Propos recueillis
par Claudine Desvignes.
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u milieu des années 1990, VVF, à l’instar de nombreuses associations de tourisme
social et familial, a dû faire face à un nouveau challenge, celui du financement et
de la modernisation du patrimoine immobilier dans lequel s’exerçait son activité,
alors que les prises en charge de celui-ci par les organismes fondateurs disparaissaient.
Depuis sa création en 1959, en effet, les partenaires d’origine de VVF (caisses de retraite,
comités d’entreprise, collectivités locales…) et la Caisse des dépôts et consignations avaient
porté une large part du poids des investissements – créations des villages et rénovations
–, permettant ainsi à VVF d’offrir à ses clients un produit d’un rapport qualité/prix exceptionnel, puisque l’opérateur pouvait couvrir ses charges avec des prix de vente très bas.
Les aides financières sur le patrimoine reviennent, en effet, dans l’hôtellerie, à une subvention
d’exploitation.
A
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OLIVIER COLCOMBET
VVF Vacances. La stratégie du “juste prix”
Le secteur de l’hôtellerie et de l’hébergement de loisirs dans des structures “en dur” est,
on le sait, fortement capitalistique. Les opérateurs se doivent d’investir beaucoup pour tenir
le “produit à flot” en permanence. Donc, pour entretenir un patrimoine important (8 700
unités de logement), nous devons impérativement dégager beaucoup de cash flow de l’exploitation. Et pour cela, il n’y a pas de solution sans marge. Certes, il est parfois possible
de “tricher” en n’investissant pas autant que nécessaire, mais cela ne peut durer qu’un temps.
Après une dernière opération de rénovation entre 1990 et 1995, financée encore largement
par la Caisse des dépôts et consignations, l’association historique VVF s’est alors restructurée pour être en mesure de s’adapter au nouveau modèle économique qui s’imposait à
elle : la disparition des “subventions”. C’est ainsi qu’elle a d’abord donné naissance, fin
1997, à la SA VVF Vacances, puis que celle-ci a été scindée en deux entités économiques
indépendantes en 2001 :
– VVF Villages, d’un côté, pour gérer les 70 établissements propriétés des collectivités territoriales (communes et départements) relevant davantage d’une logique d’aménagement
du territoire, et nécessitant des aides à la pierre ;
– VVF Vacances, de l’autre, opérateur commercial relevant de la logique concurrentielle
(SA), spécialisé dans le tourisme familial dans des destinations principalement françaises.
À ce titre, VVF Vacances, qui s’est doté d’outils de commercialisation et de réservation
puissants et modernes, a vocation à distribuer une offre plus large que celle qu’elle produit en propre. Actuellement, VVF Vacances commercialise 127 destinations en France
et 30 dans le monde auprès de plus de 700 000 clients chaque année. Différentes formules de vacances sont proposées : les villages-clubs en pension complète ou demi-pension, les résidences locatives, les gîtes en location, les hôtels de loisirs et les séjours et
circuits à l’étranger. VVF Vacances distribue notamment l’offre VVF Villages, mais
n’est plus la seule à le faire.
ADOPTER UN POSITIONNEMENT TARIFAIRE CLAIR
ET DÉGAGER DES MARGES
Avec l’entrée sur le marché concurrentiel, VVF Vacances a dû redéfinir son positionnement. Elle ne pouvait pas, comme dans le passé, commercialiser à des prix en dessous des prix de revient et sacrifier son avenir au maintien d’une politique de prix de vente
trop bas.
Nous avons donc analysé notre place sur le marché pour décider de la façon dont nous
allions nous positionner.
• Premier constat : il existe un véritable marché européen du tourisme en famille. C’est
un marché très solvable, en expansion depuis la réduction du temps de travail. En effet,
les familles qui partent avec leurs enfants (principalement des cadres, des cadres supérieurs,
des employés et des fonctionnaires) dans des établissements du secteur marchand consacrent aux vacances de gros, voire de très gros budgets.
• Deuxième constat : sur le marché national des vacances en famille, VVF Vacances est
le numéro deux (derrière Pierre & Vacances). En prenant pour référence les prix pratiqués
par le leader sur le marché, nous pouvions nous permettre d’augmenter nos prix, sans prendre
le risque de réduire notre volume d’activité. Mais nous avons adopté une politique de prix
de challenger, avec des prix inférieurs à ceux du leader !
• Troisième constat : une entreprise qui ne dégage pas des marges suffisantes est une entreprise qui n’a pas d’avenir. Nous travaillons donc à l’amélioration de nos marges, en agis-
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sant à la fois sur le prix de revient et sur le prix de vente. Dans le secteur du tourisme, on
a l’obsession du remplissage, pas assez la culture de la marge. Sauvegarder nos marges est
pourtant la condition à laquelle nous pourrons améliorer toujours la qualité de nos produits. Nous avons pour cela imposé à l’entreprise un effort important de productivité, partout. Nous avons notamment refondu les pratiques d’achat, ce qui, grâce à la centralisation des référencements des fournisseurs et des produits, nous permet de renforcer notre
capacité de négociation et de faire des économies d’échelle.
• Quatrième constat : pour justifier une augmentation de ses prix, VVF Vacances se devait
de jouer la carte de la qualité. Nous avons la conviction que, bien plus que le prix, c’est
la satisfaction qui permet de recruter davantage de clients et de les fidéliser.
POUR FIDÉLISER LE CLIENT, LA QUALITÉ AVANT LE PRIX
Le défi pour la SA VVF Vacances consiste donc à renouveler les éléments de l’offre
et à rehausser le niveau de la qualité. Plus facile à dire qu’à faire ! Nous mettons en œuvre
progressivement une stratégie de renouvellement des prestations de services, parallèlement
à un programme ambitieux de rénovation des sites, engagé en 2002 (100 à 200 M€ sur
cinq ans).
Dans nos métiers, il n’y a pas de réussite possible, en termes de qualité, sans une gestion
très rigoureuse. VVF Vacances dispose aujourd’hui des outils pour le faire. Nous avons
mis sur pied un “programme d’excellence opérationnelle”, fondé sur un benchmarking entre
les différents sites, qui vise à repérer et à généraliser les bonnes pratiques. Nous avons conduit
un travail sur le produit visant à le calibrer. Auparavant, nous avions tendance à mettre
davantage de quantité pour compenser les défauts de qualité. Il faut être capable de proposer au client le produit qu’il attend et la réussite tient tout autant dans le savoir-faire
humain que dans la qualité intrinsèque de l’hébergement.
Si le produit n’a pas encore atteint le niveau de qualité que nous visons, notamment au
niveau des infrastructures, nous avons néanmoins atteint un assez bon rapport qualité/coût
de production.
La fidélisation de la clientèle est une clé importante du succès et elle dépend davantage de
la qualité du produit que du prix, si celui-ci est bien dans le marché. De ce fait, nous avons
placé le client au cœur de notre stratégie. Nous pouvons déjà nous appuyer sur nos
points forts reconnus : les emplacements exceptionnels de nos sites et le savoir-faire du personnel en matière d’accueil (héritage de la culture d’entreprise, centrée dès l’origine sur la
notion d’hôte). En revanche, nous savons que le client attend plus de confort et des prestations améliorées, notamment dans le domaine de la restauration et de l’animation.
RÉSISTER AUX SIRÈNES DES PROMOTIONS À TOUT VA
Certains aujourd’hui jugent le client infidèle, opportuniste… Ils pensent pouvoir se
contenter de “l’attraper” avec le miroir aux alouettes des réductions. Je ne crois pas au
succès durable de telles attitudes. Je ne crois pas au succès des politiques opportunistes,
tant au niveau de l’offre qu’au niveau du prix. Il ne faut pas chercher à attraper le client
une fois (pour ne plus jamais le revoir), mais bien plutôt s’attacher à le fidéliser, certes pas
pour toute une vie, mais pour plusieurs séjours. Un client qui revient chez nous une fois
dans les deux années qui suivent son premier séjour est une “très bonne affaire”. Avec ce
client, les coûts commerciaux sont allégés et le business sécurisé. Il faut donc fidéliser la
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clientèle. Pour cela, il faut un bon produit et cela coûte cher malgré tout.
Cela étant, comme tout un chacun, nous avons recours aux promotions pour relancer le
marché occasionnellement (nous avons notamment proposé des promotions pour les
enfants cet été).
Car nous ne sommes maîtres ni du temps ni de l’espace. Et il faut bien avouer que la conjoncture, en ce moment, n’est pas très favorable au secteur. Les promotions sont devenues une
nécessité pour capter une clientèle de “chasseurs de primes” prêts à attendre la dernière
minute et à arrêter leurs projets en fonction de l’opportunité, qui finit par se présenter peu
de jours avant le départ. Mais nous essayons de limiter au maximum cette technique de
vente promotionnelle.
Nous essayons plutôt de séduire les clients autrement que par le prix et les réductions. Nous
préférons leur proposer des programmes de fidélité et des offres complémentaires (en donner un peu plus pour le même prix). Nous avons pour cela mis en place un système très
actif de sollicitation du marché et investi dans un outil très performant de gestion de la
relation client (CRM).
Les tarifs d’entrée de gamme sont également un élément important de notre politique de
prix. Ils s’appuient sur la saisonnalité, sur la durée du séjour (week-ends et courts séjours),
sur la variété des produits et des sites. Ces tarifs concernent particulièrement le locatif, mais
aussi parfois les séjours en demi-pension. Ils permettent à des clients à budget moyen de
trouver une solution et de tester la formule.
Il faut rester modeste. S’il faut piloter le prix, il faut aussi savoir que le prix est piloté par
la demande, par la conjoncture. Il n’est pas toujours facile de “garder le manche”. Mais
aujourd’hui, VVF Vacances a choisi une stratégie, celle du “juste prix”. Dans la mesure
du possible, elle s’y tient.
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