Un litige commercial aux Etats-Unis 1 partie

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Un litige commercial aux Etats-Unis 1 partie
Un litige commercial aux Etats-Unis
1ère partie : la procédure
par
Pierre Grosdidier
Avocat
Haynes and Boone, LLP
Houston, Texas
Le 31 août 2011
Mises à jour
23 mai 2011 : première version
31 août 2011 : suppression § IX (Les frais de justice)
15 octobre 2011 : nn. 4 et 6, § IX
Nul ne saurait trouver dans ce document un quelconque avis juridique.
Termes de recherches : litige, procès, contentieux, civil, commercial, Etats-Unis, Texas
Un litige commercial aux Etats-Unis -- 1ere partie -- v15.doc
La procédure de règlement de contentieux commerciaux aux Etats-Unis est très différente
de celle en vigueur en France. Les Etats-Unis n’ont pas l’équivalent du tribunal de commerce
français. Les parties qui ne peuvent pas régler un contentieux commercial à l’amiable doivent se
tourner vers les tribunaux civils de grande instance.1 Ces tribunaux sont le plus souvent ceux du
gouvernent d’un Etat, sinon ceux du gouvernement fédéral. Au Texas, et partout dans le système
judiciaire fédéral, ces tribunaux s’appellent les district courts.2
Les tribunaux américains opèrent sur la base d’un principe de confrontation entre les
parties devant un juge et, en général, un jury.3 C’est une procédure accusatoire (adversarial
proceedings). Les parties plaident elles-mêmes leurs causes à l’aide de témoins (witnesses) et de
preuves (evidence). Le juge est simplement tenu de faire appliquer la loi, et le jury de trancher
les faits.
Une entreprise doit nécessairement recourir aux services d’un avocat. Une personne
morale, au contraire d’une personne physique, ne peux pas en général se représenter elle-même
devant un tribunal de grande instance (on parle dans ces cas là d’une représentation « pro se »).
Sauf si son représentant est lui-même un avocat employé de l’entité juridique (in-house counsel).
Cet avocat d’entreprise doit néanmoins être inscrit au barreau du tribunal saisi du litige.4
Cet article décrit les différentes étapes d’un litige commercial aux Etats-Unis, en
s’appuyant sur l’exemple du Texas. Celui-ci est représentatif des autres juridictions même si la
procédure civile varie d’un Etat à l’autre, et entre les Etats et le système fédéral. Il va de soi que
cet article ne fait que survoler son sujet. Presque tout ce qui est écrit ici peut être contredit ou
complété par des exceptions. Celles-ci sont omises pour ne pas noyer le lecteur dans des détails.
Surtout, cet article ne mentionne pas les tribunaux d’instance dont la compétence est moindre
que celle des district courts.5
1
Sauf, bien sûr, si leur contrat contient une clause compromissoire.
Pour le comté de Harris (Houston, Texas), voir http://www.justex.net/Courts/Civil/CivilCourts.aspx, et
pour le District Méridional Fédéral du Texas (Southern District of Texas), voir http://www.txs.uscourts.gov/district/.
Le nom des tribunaux de grande instance n’est pas partout le même. Ce sont les Cours Suprêmes dans l’Etat de
New York (New York Supreme Courts). Voir http://www.courts.state.ny.us/courts/nyc/supreme/index.shtml. La
plus haute cour de l’Etat de New York s’appelle la Cour d’Appels (New York Court of Appeals). Les tribunaux de
grande instance californiens sont les Cours Supérieures (California Superior Courts). Voir
http://www.courtinfo.ca.gov/courts/trial/. En Pennsylvanie, ce sont les Courts of Common Pleas. Voir
http://www.aopc.org/T/CommonPleas/default.htm. Les faillites relèvent de la compétence exclusive de tribunaux
fédéraux spéciaux, les Bankruptcy Courts. U.S. Const. art. I, § 8 (“[t]he Congress shall have power . . . [t]o establish
. . . uniform Laws on the subject of Bankruptcies throughout the United States”). Pour le District Méridional
Fédéral du Texas, voir http://www.txs.uscourts.gov/bankruptcy/.
3
Les parties plaidantes peuvent choisir de se passer de jury. Voir la section VIII.B ci-dessous.
4
Aux Etats-Unis, un avocat employé d’une entité juridique, comme une société anonyme (corporation),
reste avocat membre d’un barreau. Le simple fait de travailler directement pour une entité juridique autre qu’un
cabinet d’avocats ne met pas en cause l’indépendance de l’avocat. L’avocat doit ses obligations professionnelles à
l’entité juridique, qui est son client. Il ne doit pas d’obligations aux directeurs de l’entité.
5
Le système judiciaire fédéral n’a pas de tribunaux d’instance, mais a des tribunaux spéciaux comme les
cours fiscales (tax courts). Pour la hiérarchie des tribunaux texans, voir http://www.courts.state.tx.us/ et
http://www.courts.state.tx.us/pubs/ar97/crtstr97.htm.
2
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Dans ce qui suit, le terme litige désigne un contentieux, qu’il soit ou non soumis à un
tribunal. Le terme procès (lawsuit ou civil action) désigne l'ensemble des instances engagées par
les parties plaidantes pour obtenir gain de cause. Ces instances commencent quand une personne
dépose une demande en justice devant un tribunal.6 Le terme procès est aussi utilisé pour
designer the trial, c’est-à-dire la dernière audience au cours de laquelle les parties s’affrontent
devant le juge et le jury. La cour rend le jugement à l’issue de cette dernière audience. Les
termes juridiques américains sont traduis au cas-par-cas en s’inspirant en grande partie de la
terminologie canadienne. Celle-ci a le double avantage de lui ressembler et d’exister en anglais
et en français.7
Les règles de procédure civile régissent le fonctionnement des tribunaux et le
déroulement des procès. Ce sont les Federal Rules of Civil Procedure pour les tribunaux
fédéraux, et les Texas Rules of Civil Procedure pour leurs équivalents texans. Chaque tribunal,
et même chaque juge, a aussi ses propres règles (les local rules).8 Celles-ci peuvent être très
différentes d’un tribunal ou d’un juge à l’autre. Enfin, le Texas Civil Practice & Remedies Code
regroupe de nombreuses législations texanes concernant les procès civils.
Pour les citations, l’article suit The Bluebook9 avec, pour le Texas, The Texas Rules of
Form.10 Les textes des lois sont facilement accessibles sur Internet en faisant une recherche à
partir de la citation.11 Les mots en anglais dans le texte sont en italiques. Le masculin sousentend le féminin, et le singulier sous-entend le pluriel en ce qui concerne les parties. Ainsi « le
défendeur » sous-entend « les défendeurs ».
I.
La lettre de mise en demeure
Le demandeur n’est pas généralement tenu d’adresser une lettre préalable de mise en
demeure (demand letter) à l’autre partie avant d’intenter un procès. La législation impose
certaines exceptions.
6
Aux Etats-Unis, une procédure civile est complètement indépendante d’une procédure pénale. La victime
d’un préjudice (vol, fraude, etc.) peut se plaindre au civil pour obtenir réparation pendant que le procureur (district
attorney) attaque l’accusé au pénal. L’accusé peut gagner au pénal et perdre au civil. Ce fut le cas de l’ex-joueur de
football américain O.J. Simpson. Accusé du meurtre de son ex-épouse et de l’ami de celle-ci, un jury le trouva noncoupable à l’issue d’un procès médiatisé. Il perdit néanmoins le procès civil que lui intentèrent les parents des
défunts, et fut condamné à payer des dommages-intérêts. Ce résultat ne doit pas surprendre car la charge de la
preuve n’est pas la même dans les deux systèmes juridiques. Notons qu’aux Etats-Unis la procédure pénale est à
l’entière discrétion du procureur.
7
Toutefois cette terminologie n’est pas toujours la même d’une Province canadienne à l’autre, et même au
travers des textes d’une même Province. Ainsi le terme motion est diversement traduit par demande, requête ou
motion. Voir, en général, http://www.gallienne.on.ca/ForEDisPenult/rules.html.
8
Pour le comté de Harris, voir http://www.justex.net/courts/civil/LocalRules.aspx.
9
The Bluebook: A Uniform System of Citation (Columbia Law Review Ass’n et al. eds., 18th ed. 2005).
10
Texas Rules of Form (Texas law review Association ed., 11th ed. 2006) (connu familièrement au Texas
comme The Greenbook).
11
Voir en particulier le site de la faculté de droit de l’Université Cornell : http://www.law.cornell.edu/.
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La lettre de mise en demeure est obligatoire au Texas quand un demandeur intente un
procès en invoquant le Deceptive Trade Practices Act (DTPA), par exemple.12 D’une portée
considérable, cette loi protège les consommateurs des pratiques commerciales frauduleuses. Elle
leur donne le droit de poursuivre le défendeur et d’obtenir réparation en cas de préjudice. Le
consommateur doit d’abord mettre en demeure la personne dont il se plaint. Il lui notifie les faits
qu’il lui reproche et lui donne 60 jours pour répondre.13
II.
Le témoignage avant-procès
Une personne peut vouloir questionner autrui avant de lancer un procès. Elle peut alors
demander à un juge compétent l’autorisation de recevoir le témoignage sous serment, oral ou
écrit, de personnes concernées (deposition on oral examination or written question).14 Ce
témoignage sera recevable (admissible) comme preuve dans un procès éventuel.
III.
Le dépôt d’une demande en justice et la réponse
Un procès commence lorsque le demandeur (plaintiff) dépose (files) une demande devant
un tribunal compétent.15 Cette demande écrite s’appelle une petition devant les tribunaux texans,
et une complaint devant les tribunaux fédéraux.16
La demande doit contenir en général certaines clauses de formalité, et exprimer dans un
langage simple et concis ce que le demandeur reproche au défendeur (defendant).17 Une
demande bien rédigée contiendra d’abord un sommaire des faits qui sont à l’origine du litige.
S’ensuivra la liste des plaintes (claims, ou causes of action) que la loi reconnait recevables,18 que
ce soit en application de la common law19 ou du droit positif. La demande doit aussi préciser que
le demandeur exige réparation (damages) pour son préjudice.20
12
Tex. Bus. & Com. Code §§ 17.41 et seq.
Id. at § 17.505(a).
14
Fed. R. Civ. P. 27(a); Tex. R. of Civ. P. 202.
15
Fed. R. Civ. P. 3; Tex. R. of Civ. P. 22. Le tribunal doit avoir compétence territoriale (venue), sur l’objet
de l’instance (subject-matter jurisdiction), et sur les parties plaidantes (personal jurisdiction). Une personne peut
obtenir une ordonnance de référé avant d’intenter un procès. Celle-ci sera accordée si le demandeur risque un
préjudice irréparable. Cette ordonnance peut être un temporary restraining order (TRO), une temporary injunction,
ou une permanent injunction. Fed. R. Civ. P. 65; Tex. R. Civ. P. 680–693a. Le juge agit alors comme un juge des
référés. Le demandeur doit donner une sûreté, le plus souvent un cautionnement. Fed. R. Civ. P. 65(c) (security);
Tex. R. Civ. P. 684 (bond).
16
Fed. R. Civ. P. 3; Tex. R. Civ. P. 22.
17
Fed. R. Civ. P. 8; Tex. R. of Civ. P. 45.
18
Une personne ne peut pas intenter un procès pour n’importe quelle raison.
19
La common law est la loi du Texas à moins qu’elle ne soit suppléée par la Constitution ou les lois du Texas.
Tex. Civ. Prac. & Rem. Code § 5.001. Le Texas n’ayant jamais été une colonie de la Couronne d’Angleterre, ni un
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Déposer une demande ne suffit pas. Il faut aussi signifier (serve) l’assignation et la
demande au défendeur. Il faut pour cela lui mettre en main l’assignation (summons dans le
système fédéral et citation au Texas), ainsi qu’une copie de la demande.21 La signification
(service of citation) a plusieurs fins.22 D’une part, elle fait officiellement connaître au défendeur
qu’il est l’objet d’une action en justice. La signification satisfait ainsi le besoin constitutionnel
d’équité, donnant au défendeur la possibilité de comparaître et de se faire entendre.23 D’autre
part la signification octroie au tribunal compétence sur le défendeur (personal ou in personam
jurisdiction).24
Le défendeur doit répondre à la demande.25 La réponse (answer) doit contenir elle aussi
un certain nombre de clauses de formalité, les dénégations (denials), ce que l’on appelle des
défenses affirmatives (affirmative defenses) et qui sont une forme d’oppositions, et les demandes
reconventionnelles (counterclaims).26 Les dénégations réfutent les allégations de la demande,
s’il y a lieu de le faire. Par exemple, le défendeur peut nier qu’il existe un contrat entre les
parties. Au Texas, le défendeur doit répondre par une dénégation générale (general denial).27
Dans un procès fédéral le défendeur doit nier, une à une, s’il le faut, chacune des allégations de
la demande (specific denials). Une défense affirmative est une raison indépendante de la plainte
territoire des Etats-Unis, la common law fut adoptée par acte législatif et non pas héritée. S. Pac. Co. v. Porter, 331
S.W.2d 42, 45 (Tex. 1960) (“Texas was never a British colony nor an American territory and the common law
comes to us by adoption rather than by inheritance”). Le Code parle de la common law of England. Tex. Civ. Prac.
& Rem. Code § 5.001. Il faut entendre par cela la common law anglaise telle que pratiquée par les Etats (des EtatsUnis) en 1840, et non pas la common law en force en Angleterre à cette date. Grigsby v. Reib, 153 S.W. 1124 (Tex.
1913).
20
Tex. R. of Civ. P. 47(b).
21
L’assignation doit se conformer aux règles Fed. R. Civ. P. 4, et Tex. R. Civ. P. 15, 99.
22
L’expression service of citation désigne la remise de l’assignation au défendeur. On parle aussi au Texas
de service of process qui est l’acte de remettre au défendeur l’assignation et la demande.
23
Cockrell v. Estevez, 737 S.W.2d 138, 140 (Tex. App.—San Antonio 1987, no writ) (“[t]he purpose of
citation is to give the court proper jurisdiction of the parties and to provide notice to the defendant that he has been
sued and by whom and for what so that due process will be served and he will have an opportunity to appear and
defend the action”). Notice and opportunity to be heard sont les deux volets de due process aux Etats-Unis.
24
Id. La compétence sur le demandeur s’établit par le simple fait de déposer une demande auprès du tribunal.
Ex parte Bowers, 671 S.W.2d 931, 935 (Tex. App.—Amarillo 1984, no writ) (a court’s jurisdiction over the person
is established by a litigant’s voluntary entry into the court); Allee v. Van Cleave, 263 S.W.2d 276, 278 (Tex. Civ.
App.—Galveston 1954, no writ) (“[o]ne who submits to jurisdiction of a court is in court for all purposes”).
25
Dans les tribunaux texans, le défendeur doit répondre avant 10 heures du matin le lundi suivant après que
20 jours se soient écoulés depuis la signification. Tex. R. Civ. P. 99(b). Le défendeur risque de perdre le procès par
défaut (default) s’il ne répond pas. Tex. R. Civ. P. 107, 239. Dans le système fédéral, le défendeur doit répondre
dans les 21 jours qui suivent la signification.
26
Le droit Louisianais, issu du droit civil français (en particulier le code Napoléon), utilise le terme
reconventional demand au lieu de counterclaim. Voir, par exemple, Childs v. Woods, 822 So. 2d 732, 733 (La. Ct.
App. 2002) (“Mrs. Lurline Hancock Woods filed a reconventional demand against Robert C. Alford”). Voir aussi
Gurvich v. Tyree, 694 S.W.2d 39, 41 (Tex. App.—Corpus Christi 1985) (“appellant filed an answer in the Louisiana
Case to appellees’ petition, and also filed a “reconventional demand” (the Louisiana equivalent of a Texas
counterclaim)”).
27
Tex. R. of Civ. P. 92. La phrase rituelle sera du genre: “General denial: defendant denies each and every
allegation in Plaintiff’s petition, and demands strict proof thereof according to Rule 92 of the Texas Rules of Civil
Procedure and the laws of the State of Texas.”
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pour laquelle le demandeur ne peut pas prévaloir. Par exemple le défendeur peut admettre
l’existence d’un contrat, mais opposer qu’il fut conclu par fraude. Le défendeur peut aussi
opposer que la chose à déjà été jugée (res judicata), ou encore soulever la prescription
(limitations). Certaines dénégations et certaines défenses affirmatives doivent être plaidées dans
la réponse, quitte à y renoncer.28 D’autres doivent être plaidées sous serment.29
Les demandes reconventionnelles sont obligatoires si elles relèvent des mêmes faits qui
sont à l’origine de la demande, là encore quitte à y renoncer.30 Ainsi un entrepreneur poursuivi
par un maître d’œuvre pour rupture de contrat doit inclure dans sa réponse toutes ses demandes
reconventionnelles liées au contrat. Le défendeur peut aussi inclure dans sa réponse des
demandes reconventionnelles qui relèvent d’événements indépendants de ceux à l’origine de la
demande.31 Ainsi notre entrepreneur pourrait introduire une demande reconventionnelle ayant
trait à une dispute de mur mitoyen entre les dépôts des parties (tous deux situés fortuitement côte
à côte à l’autre bout de la ville), et qui n’a aucun rapport avec le contentieux contractuel. Le
raisonnement étant que si des parties viennent à en découdre en justice, alors autant qu’elles
vident tout le sac de leurs contentieux.
Une demande et sa réponse doivent être rédigées méticuleusement car elles vont définir
les prétentions des parties. C’est aux parties de demander spécifiquement ce qu’elles veulent
dans la procédure accusatoire américaine. Ce n’est pas au juge de dire aux parties ce à quoi elles
peuvent prétendre. Le rôle du juge est seulement de faire appliquer la loi. Par exemple, une
partie qui a droit à des « dommages-intérêts exemplaires » (exemplary or punitive damages)32 si
elle gagne doit les demander explicitement. Ce n’est pas au juge de lui dire qu’elle y a droit. Il
ne soumettra pas une question sur ce point au jury si la partie ne le demande pas, même si le juge
sait qu’elle y a droit.33
28
Tex. R. of Civ. P. 94.
Tex. R. of Civ. P. 93.
30
Compulsory counterclaims; Tex. R. of Civ. P. 97(a).
31
Permissive counterclaims; Tex. R. of Civ. P. 97(b).
32
Les dommages-intérêts exemplaires sont des dommages-intérêts monétaires qui vont au delà du préjudice
subit par le demandeur et qui jouent un rôle punitif et, à l’avenir, dissuasif.
33
De plus, les juges fédéraux et les juges texans ne peuvent pas formuler un avis officiel (advisory opinion),
sauf dans des cas restreints autorisés par la loi. Cela implique que, sauf exception, une personne ne peut pas
demander l’opinion d’un juge sur un point juridique. On peut seulement lui demander de prendre une décision. La
Cour Suprême des Etats-Unis se prononça sur ce sujet dès la présidence de George Washington. La Cour refusa de
répondre à ses questions concernant l’attitude que devaient adopter les Etats-Unis vis-à-vis d’une nouvelle guerre
Franco-anglaise. La Cour réexpliqua plus tard le fondé de ce refus: “[T]he implicit policies embodied in Article III
[of the Constitution], and not history alone, impose the rule against advisory opinions on federal courts. [The rule]
implements the separation of powers prescribed by the Constitution and confines federal courts to the role assigned
them by Article III. However, the rule against advisory opinions also recognizes that such suits often ‘are not
pressed before the Court with that clear concreteness provided when a question emerges precisely framed and
necessary for decision from a clash of adversary argument exploring every aspect of a multifaced situation
embracing conflicting and demanding interests.’” Flast v. Cohen, 392 U.S. 83, 96–97 (1968) (citations omitted).
Pour le Texas, voir Texas Ass’n of Bus. v. Texas Air Control Bd., 852 S.W.2d 440, 444 (Tex. 1993) (“we have
construed our separation of powers article to prohibit courts from issuing advisory opinions because such is the
function of the executive rather than the judicial department”); Edwards v. Schuh, 5 S.W.3d 829, 831 (Tex. App.—
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IV.
Tribunal d’Etat ou tribunal fédéral, et sous quelle loi?
Les tribunaux d’Etats accueillent la grande majorité des litiges commerciaux. Les
tribunaux fédéraux se partagent le reste. Ceux-ci n’ont comme compétences (jurisdiction) que
celles octroyées par la Constitution ou la loi fédérale. Ces compétences se groupent en deux
catégories ; celles basées sur des questions de droit fédéral (Federal question jurisdiction) et
celles basées sur la diversité (diversity jurisdiction). Il faut qualifier sous l’une ou l’autre de ces
compétences pour pouvoir déposer une demande devant un tribunal fédéral.34 Un demandeur
doit autrement se tourner vers un tribunal d’Etat.
1.
Compétence fédérale exclusive
Un demandeur doit déposer une demande devant un tribunal fédéral si le litige relève
d’un domaine de la compétence exclusive des tribunaux fédéraux.35 La Constitution leur accorde
compétence exclusive en matière de brevets, de droits d’auteur, de droit maritime, et de faillites,
entre autres.36 Il en est de même en matière de pratiques anti-compétitives (antitrust)37 et en ce
qui concerne la législation fédérale s’appliquant aux titres (securities).38
2.
Diversité
Un demandeur peut aussi déposer une demande devant un tribunal fédéral s’il y a
diversité de nationalité entre le demandeur et le défendeur (diversity of citizenship).39 Il y a
diversité si le procès est entre citoyens d’Etats différents (Texas et Louisiane, par exemple). Il en
est de même entre citoyens d’un Etat et citoyens ou sujets d’un pays étranger (Texas et France,
par exemple).40 Mais il n’y a pas diversité entre citoyens de pays différents (France et Canada,
par exemple). La diversité doit être complète : aucune personne chez le demandeur ne peut
partager la même citoyenneté qu’une personne chez le défendeur. Le montant du litige doit aussi
dépasser $75,000.41 La compétence des tribunaux fédéraux basée sur la diversité découle du
souci des Pères de la Constitution (Framers of the Constitution) de garantir des tribunaux neutres
aux parties venant d’Etats différents.42
Austin 1999, ) (“[a] court has no jurisdiction to render an advisory opinion on a controversy that is not yet ripe or to
decide a case on speculative, hypothetical or contingent fact situations” (citing Camarena v. Texas Employment
Comm’n, 754 S.W.2d 149, 151 (Tex. 1988))); voir aussi Tex. Civ. Prac. & Rem. Code §§ 37.001 et seq.
(Declaratory Judgments). Néanmoins, certains Etats autorisent les avis officiels.
34
Le tribunal doit aussi avoir compétence territoriale, et sur les parties.
35
On parle de compétence concurrente (concurrent jurisdiction) quand les tribunaux fédéraux et ceux d’un
Etat peuvent être également saisis d’une demande.
36
Voir, en général, U.S. Const. art. I, § 8.
37
Sherman Act, 15 U.S.C. 1–7.
38
Securities Act of 1933, 15 U.S.C. § 77a et seq.; Securities Exchange Act of 1934, 15 U.S.C. § 78d et seq.
39
28 U.S.C. § 1332.
40
Id.
41
Id.
42
Guar. Trust Co. v. York, 326 U.S. 99, 111–12 (1945) (“[d]iversity jurisdiction is founded on assurance to
non-resident litigants of courts free from susceptibility to potential local bias. The Framers of the Constitution,
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La citoyenneté d’une personne morale dépend de sa forme juridique. Une société
anonyme (corporation) est citoyenne de l’Etat où elle est constituée et de l’Etat où elle maintient
son centre d’activité principal (principal place of business). En général, mais pas toujours, ce
dernier est aussi son siège social. La citoyenneté d’une association (partnership) et d’une société
à responsabilité limitée (limited-liability company) est celle de chacun de ses membres.
Une demande incluant des plaintes recevables sous la loi d’un Etat et d’autres recevables
sous la loi fédérale peut être déposée devant un tribunal fédéral. On parle alors de federal law
claims et de pendant state law claims. Un défendeur peut faire dessaisir un tribunal d’Etat d’une
demande qui aurait pu être également déposée devant un tribunal fédéral (on parle alors de
« removal to federal court »).43 Cette procédure n’est pas permise à un défendeur cité en justice
dans un tribunal de l’Etat dont il est citoyen. Le tribunal fédéral perdra sa compétence si, au
cours de la procédure, les parties abandonnent les plaintes recevables sous la loi fédérale ou si le
juge les rejette. 44 Le juge fédéral renverra alors ce qui reste du procès devant le tribunal d’Etat
d’origine (on parle de « remand to state court »).
Quand le choix se présente, la décision de déposer une demande devant un tribunal de
l’une ou l’autre juridiction (Etat ou fédération) demande réflexion.
3.
La loi applicable
Le tribunal compétent appliquera toujours la procédure du for. La loi substantive sera
celle applicable à l’objet de l’instance, comme par exemple celle du contrat entre les parties.
Ainsi un tribunal texan peut appliquer la loi de l’Etat de New York, ou même celle d’un pays
étranger. Une demande peut inclure plaintes pour contrat et plaintes pour obligations (torts).
Dans ce cas, la loi applicable pourra être différente pour l’une ou l’autre de ces plaintes (la loi du
for pour les obligations et celle du contrat pour le reste, par exemple).45 Cela peut vite se
compliquer puisqu’il existe une soixantaine de régimes juridiques aux Etats-Unis.46 A la limite,
according to Marshall, entertained “apprehensions” lest distant suitors be subjected to local bias in State courts, or,
at least, viewed with “indulgence the possible fears and apprehensions” of such suitors. And so Congress afforded
out-of-State litigants another tribunal, not another body of law.”) (citation omitted).
43
28 U.S.C. 1441. Ce transfert doit se faire, en règle générale, dans les 30 jours qui suivent la signification.
44
Le tribunal fédéral gardera compétence s’il est légitimement saisi en premier, même si les plaintes fédérales
sont toutes abandonnées ou rejetées.
45
Orion Refining Corp. v. UOP, 259 S.W.3d 749, 759 n.17 (Tex. App.—Houston [1st Dist.] 2007, no pet.)
(“[a] choice-of-law provision that addresses only the parties’ agreement, as here, ‘does not purport to encompass all
disputes between the parties or to encompass tort claims’ that do not depend on interpretation and enforcement of
the agreement”) (citing Stier v. Reading & Bates Corp., 992 S.W.2d 423, 433 (Tex. 1999)).
46
Les Etats-Unis sont une fédération. Chaque Etat est souverain et possède son propre régime juridique et
ses propres tribunaux. On compte le droit fédéral, le droit de la capitale fédérale (Washington D.C.), les droits de
chacun des 50 Etats, et les droits de Samoa, de Guam, des Iles Mariannes Septentrionales, de Porto Rico, des Iles
Vierges, de la Nation Navajo, des Amérindiens de l’Oklahoma, des forces armées, et peut-être d’autres dont seuls
les exégètes connaissent l’existence. Soit de l’ordre de 60 droits différents, chacun avec ses particularités. On ne
peut même pas dire qu’ils sont unis par la common law puisque la Louisiane a gardé son régime civil, y compris son
code civil, hérité tout droit de la Révolution Française. Ainsi la Louisiane ne reconnaît pas la doctrine du stare
decisis (autorité du précédent), par laquelle un arrêt (ou même une ordonnance) fait loi et qui est au cœur du droit
anglo-saxon. Doerr v. Mobil Oil Corp., 774 So. 2d 119, 128 (La. 2000). Le droit Louisianais reconnait à sa place la
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un juge peut devoir trancher une question de droit d’un Etat étranger sur laquelle les tribunaux de
cet Etat ne se sont jamais prononcés.47 C’est en partie pour échapper à ce problème que
beaucoup de contrats spécifient la loi du Delaware ou du New York en cas de litige. Ces Etats
offrent l’avantage de disposer d’une abondante jurisprudence en droit commercial. Cette
abondance diminue l’incertitude juridique en cas de procès. En ce qui concerne le Texas, la
Constitution autorise les deux cours suprêmes de l’Etat à répondre aux questions de droit que
peut leur adresser une cour d’appel fédérale.48
V.
L’enquête préalable
Le défendeur correctement signifié, chaque partie doit répondre aux demandes d’enquête
préalable (discovery) de la partie adverse.49 Les règles de procédure civile aux Etats-Unis
autorisent les parties à se demander respectivement toutes les informations dont elles disposent
qui touchent au litige et qui ne sont pas privilégiées.50 C’est un critère beaucoup plus large que
ce qui est recevable comme preuve au procès. De plus, les parties ne peuvent pas retenir les
informations non-privilégiées préjudiciables à leurs causes. Celles-ci doivent être accessibles
aux parties adverses. L’enquête préalable est incontournable et des sanctions attendent les
parties qui trichent ou font acte de mauvaise foi.51 Ces sanctions vont de la simple amande à
doctrine de la jurisprudence constante (c’est le terme en anglais). Celle-ci dispose que lorsqu’une série de décisions
forme « un fil constant d’arrêts uniformes et homogènes basés sur un même raisonnement », alors cette série de
décisions fait autorité de façon très persuasive. Id. La différence entre les deux doctrines revient à ceci : il suffit
d’un seul arrêt pour établir stare decisis, mais il faut une séries d’arrêts, tous du même accord, pour établir une
jurisprudence constante. Id. at 129. Les tribunaux fédéraux respectent ce particularisme Louisianais. In re Orso,
283 F.3d 686, 695 (5th Cir. 2002) (“[b]ecause Louisiana stands alone among the 50 states as a hybrid Civil
Law/common law jurisdiction, its situation is unique: The State’s constitution, its codes and its statutes, are the
primary sources of law; court decisions are treated as secondary sources of law, without stare decisis precedential
effect”). Notons enfin que Porto Rico a aussi un régime juridique à cheval entre le droit civil et la common law,
mais Porto Rico n’est pas un Etat.
47
See, e.g., Comm’r of Internal Revenue v. Estate of Bosch, 387 U.S. 456, 465 (1967) (“[i]f there be no
decision by [the State’s highest] court then federal authorities must apply what they find to be the state law after
giving ‘proper regard’ to relevant rulings of other courts of the State.”); Arkwright-Boston Mfrs. Mut. Ins. Co. v.
Westinghouse Elec. Corp., 844 F.2d 1174, 1178 (5th Cir. 1988) (“[s]itting in diversity, our duty is to do, as best as
we can, what we think the state court would do.”) (applying Texas law).
48
Tex. Const. art. V, §3-C (“[t]he supreme court and the court of criminal appeals have jurisdiction to answer
questions of state law certified from a federal appellate court”). Voir, par exemple, Fitzgerald v. Advanced Spine
Fixation Sys., 996 S.W.2d 864, 864–65 (Tex. 1999) (“[t]his case comes to us by certified question from the United
States Court of Appeals for the Fifth Circuit”).
49
L’enquête préalable correspond à l’instruction civile en France, mais va beaucoup plus loin.
50
Tex. R. Civ. P. 192.3(a) (“a party may obtain discovery regarding any matter that is not privileged and is
relevant to the subject matter of the pending action”); Fed. R. Civ. P. 26(b)(1) (“[p]arties may obtain discovery
regarding any non-privileged matter that is relevant to any party’s claim or defenses”). D’une façon générale les
information privilégiées sont celles qui ont trait aux relations client-avocat, y compris leurs communications écrites
et orales. La jurisprudence en ce domaine est riche et complexe.
51
La destruction illégitime de preuves s’appelle la spoliation. Les parties doivent faire attention à ce qu’une
dispute ayant trait à l’enquête préalable ne prenne pas le dessus sur le fond du litige, comme cela arrive parfois.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
l’adjudication sommaire du procès. Des mesures disciplinaires peuvent atteindre les avocats
fautifs.
L’enquête préalable répond au besoin qu’ont les parties de mener leurs propres enquêtes
sur l’objet du litige. Chaque partie civile dans un procès américain agit comme le procureur de
sa propre cause. Les avocats doivent rassembler les preuves (the evidence) qu’ils utiliseront pour
plaider leur cause.52 Les preuves sont présentées au cours du procès où les parties s’affrontent
devant le juge et, en général, le jury.
L’enquête préalable est une initiative relativement nouvelle dans l’histoire du droit aux
Etats-Unis. La règle no. 26 de la procédure civile fédérale, qui la gouverne, entra en vigueur le
18 septembre 1938 avec la première version des règles.53 Cependant, le débat de fond remonte
au début du vingtième siècle. Il s’inspirait, semble t-il, de ce qui se faisait déjà au RoyaumeUni.54 La législation pertinente se trouve aujourd’hui dans les règles de procédure civile 26–37
et 45 pour la loi fédérale, et 176, 190–205 et 215 pour la loi texane.
L’enquête préalable part du principe qu’un procès civil n’est pas censé être une joute
entre parties par avocats interposés, par laquelle un procès avance (ou pas) à grand coups de
manœuvres procédurières aux frais des parties, du contribuable et de la justice. L’idée est d’aller
au cœur du litige le plus rapidement possible. L’enquête préalable permet d’établir les faits
objectivement autant qu’ils peuvent l’être, et de réduire l’incertitude et la complexité du procès.
Surtout, elle permet de réduire le nombre de décisions que doit prendre le jury.55 Tous ces
objectifs sont conformes à la première règle de la procédure civile qui veut que ces mêmes règles
existent pour résoudre les litiges équitablement, rapidement, et économiquement.56 Quel
meilleur moyen que de forcer les parties à se montrer réciproquement toutes leurs cartes afin que
chacune puisse voir clairement les faits, et soit amenée à mettre fin au litige ? Dans un monde où
les parties sont représentées par des avocats compétents, la transparence qu’offre l’enquête
préalable mène souvent à un règlement à l’amiable (settlement). Ou bien à un désistement ou un
rejet s’il n’y a pas matière à procès. On peut même avancer qu’arriver au procès lui-même, dans
ces conditions, suggère qu’au moins une des parties a mal calculé la force de sa position—ou n’a
52
Toutes les preuves ne sont pas recevables au procès. La recevabilité des preuves est gérée par les « règles
d’évidence » (c.f., Federal Rules of Evidence ; Texas Rules of Evidence).
53
Fed. R. Civ. P. 26. Les tribunaux fédéraux suivaient jadis la procédure des tribunaux de l’Etat dans lequel
ils siégeaient. Les règles de procédure fédérales furent adoptées en 1938 en partie pour uniformiser la procédure
parmi les tribunaux fédéraux.
54
Sur les origines de l’enquête préalable, voir Stephen N. Subrin, Fishing Expeditions Allowed: The
Historical Background of the 1938 Federal Discovery Rules, 39 B.C.L. Rev. 747 (1998). Aujourd’hui, l’enquête
préalable aux Etats-Unis va très au delà de ce qui se fait au Royaume-Uni et aussi de ce qui se fait en France au
travers de l’instruction civile.
55
United States v. Procter & Gamble, 356 U.S. 677, 682 (1958) (“[m]odern instruments of discovery . . .
make a trial less a game of blind man’s buff and more a fair contest with the basic issues and facts disclosed to the
fullest practicable extent.”) (citations omitted).
56
Fed. R. of Civ. P. 1; Tex. R. of Civ. P. 1.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
rien à perdre. C’est peut être en partie pour cela qu’un faible pourcentage seulement des procès
civils intentés aux Etats-Unis parvient à terme devant juge et jury.57
Les parties plaidantes peuvent obtenir l’une de l’autre tous les éléments non-privilégiés
(not privileged) et pertinents (relevant) eu égard à leurs plaintes et leurs défenses.58 Cela inclut
l’existence, la description, la nature, la condition, et la localisation de tous documents ou objets
tangibles pertinents. Cela inclut aussi l’identité et la localisation de toutes personnes qui
pourraient être au fait de tels éléments. La recevabilité d’un élément comme preuve au procès
n’importe pas. Ce qui compte c’est que l’information demandée semble raisonnablement propre
à mener à la découverte de preuves recevables (reasonably calculated to lead to the discovery of
admissible evidence).59 D’autre part, cette définition recouvre tous les éléments qui sont en la
possession, sous la garde, ou sous le contrôle des parties.60 Enfin, l’obligation est continue, ce
qui veut dire que les éléments doivent être produits au fur et à mesure de leur découverte. On
peut imaginer le drame qu’occasionne la découverte et la production d’un document incendiaire
en plein milieu d’un procès, comme cela arrive parfois. Cette obligation peut même subsister
après le jugement, au cas où le document « retrouvé » aurait été déterminant pour l’issue du
procès.61
L’enquête préalable ne se limite pas aux documents. Elle inclut les témoignages, les
demandes d’admissions, les examens physiques et mentaux des personnes, les inspections de
propriétés, etc. Il est même possible de soumettre des demandes d’enquête préalable à des tiers,
même si ceux-ci ne sont pas parties plaidantes.62 En ce qui concerne le Texas, les règles de
procédure civile admettent sept formes de demandes63 :
1.
Les demandes de divulgations (requests for disclosure).64 Les parties doivent
s’échanger sur demande certaines informations sur le fond du litige, comme la
nature des plaintes (si ce n’est pas fait dans la demande), le montant du préjudice,
les noms des témoins, les noms des assureurs et les polices d’assurance, etc.
2.
Les demandes de production et d’inspection (requests for production and
inspection).65 Les parties doivent s’échanger sur demande (ou laisser inspecter)
57
Les articles de presse parlent de deux à trois pourcent des procès intentés.
Les information privilégiées sont celles qui ont trait aux relations client-avocat, y compris leurs
communications écrites et orales. Voir la note 50 ci-dessus.
59
Fed. R. of Civ. P. 26(b)(1); Tex. R. of Civ. P. 192.3(a)–(b).
60
Fed. R. of Civ. P. 26(a)(1)(A)(ii) (“possession, custody, or control”); Tex. R. of Civ. P. 192.3(b) (idem).
61
Les avocats des parties doivent attester auprès de la cour que les réponses données à l’enquête préalable
sont complètes. Si des documents font surface après le procès, c’est que cela n’a pas été le cas, et l’avocat concerné
doit aller faire son mea culpa auprès de la cour. Les conséquences peuvent être dramatiques. Voir, par exemple, le
procès Qualcomm : Qualcomm Inc. v. Broadcom Corp., No. 05cv1958-B (BLM), 2008 WL 66932, at **13, 17−18
(S.D. Cal. Jan. 7, 2008), vacated in part, Qualcomm Inc. v. Broadcom Corp., No. 05CV1958-RMB (BLM), 2008
WL 638108 (S.D. Cal. Mar 05, 2008).
62
Tex. R. Civ. P. 205.
63
Tex. R. Civ. P. 192.1.
64
Tex. R. Civ. P. 194.
65
Tex. R. Civ. P. 193.
58
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
tous les documents ou objets tangibles pertinents. Par exemple, une partie pourra
demander copies de « tous les documents et toutes les communications (incluant,
sans limites, lettres, courriels, fichiers électroniques, notes, journaux, rapports,
minutes de réunions, mémorandums, analyses, messages écrits ou vocaux, SMS)
ayant trait à, ou concernant directement ou indirectement » l’objet de l’instance.
Une partie peut aussi demander à inspecter des pièces d’équipement accidentées.
3.
Les demandes d’accès aux terrains et immeubles et de leur inspection (requests
for entry upon and examination of real property).66
4.
Les questionnaires écrits (interrogatories), qui sont limités en nombre.67 Les
questionnaires permettent de poser des questions à la partie adverse et d’obtenir
des réponses écrites. Dans un procès pour rupture de contrat, par exemple, une
partie pourra demander à l’autre d’expliquer quand, pourquoi, et par qui a été
prise la décision d’accomplir un acte contraire aux stipulations du contrat.
5.
Les demandes d’admission (requests for admission), dont le nombre est illimité.68
Ces demandes permettent de poser des questions précises à la partie adverse.
Celle-ci doit y répondre par une admission (admit) ou un démenti (deny). Une
demande d’admission doit être une question claire et précise dont la réponse ne
peut être équivoque. Par exemple, « admettez que la soudure qui a cédé n’était
pas conforme à la note technique ABC, page XYZ, du cahier des charges du
contrat ».
6.
Les témoignages écrits ou verbaux (oral or written depositions).69 Les
« depositions » permettent de recueillir des témoignages sous serment. Ces
témoignages sont sténographiés par un greffier et sont de plus en plus souvent
filmés pour être projetés au besoin au jury lors du procès. Les prises de
témoignages coûtent cher et doivent être bien préparées pour être utiles. Sinon le
témoin répondra inlassablement à chaque question qu’il a tout oublié, ou qu’il ne
se souvient de rien, ou qu’il n’est pas du tout sûr de sa réponse.
7.
Les demandes d’examens physiques ou mentaux de personnes (physical and
mental examinations).70 Ces examens sont généralement justifiés quand le
contentieux est de nature médical.
D’une façon très générale, les parties ont 30 jours pour répondre à une demande
d’enquête préalable, à moins qu’elles s’accordent un délai plus long. Les parties soumises à des
66
67
68
69
70
Tex. R. Civ. P. 196.7.
Tex. R. Civ. P. 190.2, 190.3, 197.
Tex. R. Civ. P. 198.
Tex. R. Civ. P. 199–201.
Tex. R. Civ. P. 204.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
demandes d’enquête préalable abusives peuvent demander l’intervention du juge.71 Les abus
peuvent être sanctionnés.72
L’évolution la plus importante des deux dernières décennies découle de l’informatisation
des communications et du milieu du travail.73 Les tribunaux américains ont depuis longtemps
décidé que les documents électroniques, tels fichiers et courriels de tous genres, étaient
accessibles aux parties adverses. Cela concerne tous les médias numériques : les rubans
magnétiques de sauvegarde,74 les disques durs,75 les bases de données,76 et même la mémoire
dynamique des ordinateurs (random access memory—RAM).77 La production de documents
électroniques (e-discovery) peut être aussi complexe que dispendieuse car il faut parfois aller
jusqu’à faire l’audit de dizaines d’ordinateurs et de centaines de rubans magnétiques.78 On
imagine facilement le coût que cela peut représenter, tant en frais de services d’avocats et
d’informaticiens, qu’en temps perdu et en perturbation des outils de travail.
L’enquête préalable peut aller chercher très loin. Les juges américains n’hésitent pas à
ordonner aux parties sous leur compétence de produire des éléments qui se trouvent à l’étranger,
mais qui restent en leur possession, ou sous leur garde ou leur contrôle. Les tribunaux
américains justifient ce « bras long » (long arm) par le fait qu’une personne tombe sous leur
compétence in personam dès lors qu’elle poursuit ses affaires aux Etats-Unis. Peu importe alors
que des éléments du litige se trouvent à Paris (Texas), Paris (France), ou même Tokyo ou
Tombouctou. Ces éléments doivent être accessibles aux parties adverses s’ils sont pertinents et
non-privilégiés. C’est le prix logique, connu, anticipé et équitable à payer par toute personne
voulant poursuivre des affaires aux Etats-Unis. L’alternative serait beaucoup trop facile : il
suffirait à une société d’exporter tous ses éléments compromettants à l’étranger pour échapper
aux obligations de l’enquête préalable.
L’ordonnance Columbia Pictures, Inc. v. Bunnell est particulièrement révélatrice de ce
bras long.79 Cette ordonnance donne gain de cause au demandeur qui exigeait du défendeur les
numéros d’adresse Internet Protocol (IP) des utilisateurs d’un site Internet. Ces utilisateurs
téléchargeaient et échangeaient des fichiers vidéos piratés.80 Or, ces adresses IP n’existaient que
dans la mémoire dynamique (ramdom access memory—RAM) de serveurs installés aux Pays71
Tex. R. Civ. P. 192.6.
Tex. R. Civ. P. 215.
73
Pour un traité en Français sur la production électronique, lisez « Sedona Canada: La Production des
Documents Electroniques (Mai 2007 Version Publique Pour Commentaires) » sur le site de la Conférence Sedona.
www.thesedonaconference.org/content/miscFiles/publications_html et
http://www.thesedonaconference.org/dltForm?did=5_07SedonaCanadaFrancois.pdf
74
AAB Joint Venture v. United States, 75 Fed. Cl. 432, 441 (Fed. Cl. 2007).
75
Playboy Enters., Inc. v. Welles, 60 F. Supp. 2d 1050 (S.D. Cal. 1999).
76
Portis v. City of Chicago, No. 02 C 3139, 2004 WL 1535854, at *1 (N.D. Ill. July 7, 2004).
77
Columbia Pictures, Inc. v. Bunnell, 245 F.R.D. 443, 446 (C.D. Cal. 2007).
78
Pour un aperçu des problèmes de production électronique, voir : ESI preservation and collection—issues
and solutions, http://www.haynesboone.com/esi_preservation_and_collection/.
79
Bunnell, 245 F.R.D. at 443.
80
Id. at 445−47.
72
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
Bas.81 Cette ordonnance montre bien que dès qu’une partie tombe sous la compétence d’un
tribunal américain, les frontières tant géographiques que politiques ne font pas obstacle aux
obligations de l’enquête préalable.82
Les résultats de l’enquête préalable se manifestent inévitablement par une quantité
considérable de documents qu’il faut examiner.83 Jusqu’au début du siècle l’examen de ces
documents (document review) se faisait par lecture sur papier. Aujourd’hui, l’examen se fait sur
écran d’ordinateur en s’appuyant sur de puissantes bases de données. Même les documents à
l’origine sur papier sont désormais numérisés et téléchargés. Les bases de données disposent de
fonctions qui permettent de classer et de fouiller les documents. Ces fonctions permettent de
réduire rapidement et considérablement le nombre de documents qui doivent être lus
intégralement. La lecture détaillée sera souvent sous-traitée à des cabinets d’avocats spécialisés
(et aux tarifs horaires avantageux) si, après filtrage, la quantité de documents à lire reste
importante. Cette sous-traitance doit être bien gérée pour réussir.
L’enquête préalable aidant à comprendre le fond du litige, les parties peuvent élaguer et
affiner leurs plaintes et leurs oppositions. Les parties modifieront alors leurs demandes et leurs
réponses. On peut dès lors avoir des écrits (pleadings) qui s’intitulent « plaintiff’s sixth amended
petition » ou « defendant’s third amended answer and second amended counterclaims ».
VI.
Les échanges de requêtes (motion practice)
Une partie rédige et soumet une requête (motion) lorsqu’elle veut porter un problème à
l’attention du juge et obtenir de lui une décision.84 Dans un procès compliqué, par exemple, une
partie soumettra une « motion for separate (or bifurcated) trial » pour scinder le procès en deux
phases. Le même jury répondra séparément aux directives de ces deux phases. Une partie en
litige qui se croit en droit de recevoir certains documents que la partie adverse lui refuse
soumettra une « motion to compel production ». Ces requêtes posent des questions de droit. Les
juges arbitrent les requêtes sans jamais décider les questions de faits, qui restent l’apanage des
jurys. Sauf dans certains cas bien précis comme celui qui suit.
Une requête peut être aussi utilisée pour faire débouter un demandeur si ses plaintes sont
infondées soit parce qu’il n’y a aucun fait pour les soutenir, soit parce que la loi ne les admet pas.
81
Id. at 446−47, 452.
Pour une discussion de la jurisprudence américaine sur les foreign blocking statutes, ces lois étrangères qui
cherchent à contrer le bras long des juges américains, telle la loi Française 80-538, voir : The French blocking
statute, the Hague Convention, and the case law: lessons for French parties responding to American discovery,
http://www.haynesboone.com/french_blocking_statute/.
83
Dans les procès importants, on mesure facilement les quantités de données brutes en téraoctets.
84
Cet article traduit motion par requête et movant par requérant, comme le font certaines Provinces
Canadiennes (pas toutes), sachant bien qu’une motion aux Etats-Unis n’est pas exactement l’équivalent d’une
requête en France.
82
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
On parle alors d’une requête pour jugement sommaire (motion for summary judgment).85
Prenons par exemple le cas d’un propriétaire qui fait construire un hangar par un entrepreneur.
Ce dernier engage les services d’un sous-traitant, un couvreur, pour construire le toit. Le
couvreur utilise les matériaux d’un spécialiste qui les vend par l’intermédiaire d’un distributeur
indépendant. Un des matériaux est une mousse isolante que le couvreur applique sous la tôle
métallique du toit. Le couvreur suit pour cela les instructions du spécialiste qui, par ailleurs,
garantit le résultat. La mousse, vendue sous le nom du spécialiste, est en fait fabriquée par un
fabriquant indépendant. Trois ans après la fin des travaux le propriétaire découvre que les tôles
métalliques de son toit sont rouillées en maints endroits. Celles-ci sont apparemment victimes
d’acides organiques émis par la mousse isolante. La mousse semble avoir été mal fabriquée et se
décompose en émettant des gaz acides. Le propriétaire intente un procès à tout le monde avec
des plaintes en contrat, garanties, et obligations. Peu après le début du procès, le fabriquant de
mousse dépose son bilan et doit être liquidé. L’assureur du fabricant de mousse refuse tout
indemnisation en invoquant les termes de son contrat. Les défendeurs se montrent chacun du
doigt et se lancent des demandes entre eux (cross-claims) pour obtenir indemnisation l’un de
l’autre. Certaines des parties sont liées par des contrats, d’autres uniquement par des bons de
commande. Qui est responsable en droit envers qui, et pour quoi ?86 Dans beaucoup de cas, ce
sont là des questions de droit que les avocats soumettront au juge au moyen de requêtes pour
jugement sommaire. Ces requêtes peuvent être utilisées pour disposer de toutes les plaintes, ou
seulement d’une partie des plaintes.
Une requête s’articule autour de la question soumise au juge, des faits sous-jacents à la
question, de la loi applicable, et de ce que l’on appellerait en France les moyens, c'est-à-dire
l’argument qui explique pourquoi le juge doit répondre d’une certaine façon à la question.87
Uniquement à titre d’exemple, et en s’appuyant sur le scénario décrit ci-dessus, la requête pour
jugement sommaire du distributeur indépendant pourrait exposer qu’il n’y a ni contrat, ni
garantie, ni obligation entre le propriétaire et lui. Les plaintes du propriétaire envers le
distributeur sont donc infondées en droit et doivent être rejetées. Le requérant indique
clairement la décision qu’il attend du juge et soumet en même temps l’ordonnance (court order)
qu’il veut le voir signer. Bien sûr, la partie adverse soumettra l’ordonnance exactement inverse
avec sa propre requête en opposition. Le juge peut accorder la motion (grant), la rejeter (deny),
ou l’accorder partiellement (grant in part; deny in part). Le juge peut aussi s’abstenir de
décider.
Une décision sur une requête peut être prise après une audience (motion hearing) au
cours de laquelle les avocats argumenteront leurs positions avec le juge. Selon le juge, les
85
Fed. R. Civ. P. 56; Tex. R. Civ. P. 166a.
Cet exemple s’inspire d’un cas réel à Houston que la garantie décennale française aurait peut-être pu régler
plus simplement qu’il le fut.
87
On trouve des exemples de motions sur Internet. Les avocats s’efforcent de rédiger leurs motions dans un
langage clair et simple, compréhensible du commun des mortels. Les locutions latines, utilisées jadis, sont désuètes
et abandonnées. Cette pratique répond aux exigences des juges et des clients. Les premiers ont une grosse charge
de lecture et demandent des écrits faciles à absorber. Les seconds veulent tout simplement comprendre les
documents qu’ils se font facturer.
86
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
avocats, et la nature du procès, l’argumentation au cours de ces audiences sera plus ou moins
formelle. S’il n’y a pas lieu de tenir une audience (si, par exemple, la question est simple, ou les
parties sont d’accord), la requête sera placée sur le registre des soumissions (submission docket).
Le juge décidera alors uniquement sur la base des écrits. Néanmoins, la procédure sur ce sujet
varie énormément d’une juridiction à l’autre, et même d’un tribunal à l’autre. Certains d’entre
eux n’ont pas de registre de soumissions. D’autres imposent aux parties de soumettre toutes
leurs requêtes au registre. Dans ce dernier cas, l’audience est à l’entière discrétion du juge.
Dans certains cas, les parties peuvent s’entendre sur ce qu’elles attendent du juge et
soumettre ensemble une « agreed motion ». Le plus souvent une requête est opposée, et la partie
adverse devra soumettre en réponse une motion en opposition (une response to motion ou une
motion in opposition). Celle-ci pourra être à son tour opposée par une « reply », et elle-même
opposée par une « sur-reply », si les règles de procédure locales l’autorise.88 Cet échange de
requêtes et d’oppositions s’appelle « motion practice ». Il doit être engagé à chaque fois avec
discernement car il est coûteux en temps et en argent. Une requête bien argumentée exige
beaucoup de travail. L’avocat doit bien cerner le résultat qu’il veut obtenir, et peser les chances
de succès avant de s’engager. La charge de travail vient en partie du fait qu’il faut trouver les
arrêts (ou, à défaut, les ordonnances) (find the case law) qui soutiennent les moyens de la
requête. Il faut ensuite rédiger une bonne motion.
VII.
La médiation
En principe, à l’approche du procès, les requêtes auront répondu aux questions de droit.
Parallèlement, l’enquête préalable aura éclairci et cerné les questions de fait. Les parties
devraient chacune avoir à ce stade une bonne idée de leurs chances de prévaloir au procès, pour
quelles plaintes et pour quelles raisons. Dès lors, elle devraient être prêtes à s’entendre sur un
compromis. La procédure est faite pour en arriver là. Les juges n’en attendent pas moins.
La plupart des juges ordonneront une médiation dans les quelques mois qui précèdent le
procès si les parties ne sont pas capables de régler leur litige toutes seules par l’intermédiaire de
leurs avocats. La médiation dure une journée durant laquelle un médiateur fait l’aller-retour
entre les parties et leurs avocats pour écouter leurs arguments et proposer un compromis.89 Un
bon médiateur sait discerner le rapport de force entre les parties au vu des faits et de la loi, et
formuler un compromis en conséquence. Le médiateur peut aussi prendre les avocats des parties
à part pour leur parler sans détours de la force ou de la faiblesse de leurs positions.
L’échec d’une médiation n’annonce pas la fin du dialogue entre les parties. Celui-ci peut
continuer jusqu’au procès, et même au cours de ce dernier. Un compromis peut même survenir
pendant le délibéré. Les avocats auront simplement attendu de voir les réactions des jurés face
88
Un peu comme des parties échangent des conclusions durant l’instruction d’un procès civil en France.
Le médiateur est généralement un avocat neutre. Les ex-juges exercent souvent ce métier. Par respect et
par courtoisie, on continue de les appeler Judge.
89
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
aux preuves et aux témoins pour bien mesurer leurs chances de prévaloir. C’est seulement à ce
moment là qu’il concluront une entente.
VIII. Le procès
En l’absence d’un compromis, les parties doivent préparer le procès. Celui-ci demande
énormément de travail car tout doit s’y dérouler sans délai ni hésitation. La chorégraphie doit
être parfaite. Une partie qui fait attendre le juge ou le jury au cours du procès, ou paraît
désorganisée, laisse une mauvaise impression.
Le procès a lieu généralement entre 12 et 36 mois après le dépôt de la demande.
1.
La salle du tribunal
Le juge préside du haut d’une estrade qui domine la salle du tribunal.90 Le greffier (court
reporter) siège à une table à proximité du fauteuil où s’assoient tour à tour les témoins. Ce
fauteuil, placé à côté de celui du juge et à mi-hauteur entre ce dernier et la salle, fait face au box
des jurés (jury box) car c’est à ces derniers que les témoins doivent s’adresser. Les avocats des
parties se tiennent à des tables face au juge. Certains juges assignent la table qui est du coté du
jury à la partie demanderesse, qui préfère souvent cette place. La proximité du box permet de
mieux observer et jauger les réactions des jurés tout au long des débats. D’autres juges laissent
la première partie venue s’assoir où elle le veut.
L’huissier audiencier (bailiff), en général un sheriff-adjoint91 armé, s’assoit à une table
opposée au jury par rapport au juge.
Le public s’assied sur des bancs derrière les tables des avocats. Une petite barrière, le
barreau (the bar), sépare avocats du public. Ceux-ci entrent et sortent du tribunal par la porte
principale, côté public. Le juge, par une porte dissimulée derrière son estrade. Les jurés, par une
porte latérale qui leur est réservée et qui mène à la salle de délibération.
Les tribunaux de grande instance sont généralement biens équipés en systèmes
audiovisuels. Les parties peuvent brancher leurs ordinateurs pour projeter les preuves
(documents, images, ou films) sur un écran visible de tous. Chaque paire de jurés se partage
aussi un écran plat à portée de main.
90
Des photos de tribunaux américains sont disponibles sur Internet. Il suffit de faire une requête avec les
termes « american courtroom » sur un moteur de recherche. Pour le tribunal de grande instance civil du Comté de
Harris (Houston, Texas), voir http://www.justex.net/CivilCenter/CivilCenter.aspx; et
http://www.justex.net/civilcenter/CivilCourtTechnology.aspx.
91
Les tribunaux de grande instance (district courts) sont généralement policés par la police du comté dans
lequel ils siègent, soit le Sheriff et ses adjoints (sheriff deputies).
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
Les juges sont très à cheval sur les convenances (on parle de courtroom decorum). Tous
les avocats se présentent convenablement vêtu. Pour les hommes, cela veut dire au minimum
une veste et une cravate (les avocats américains ne portent pas de robe). Tout le monde se lève à
l’appel de l’huissier audiencier quand le juge entre ou sort. Il en est de même pour le jury. On
s’adresse au juge debout en disant « your Honor », ou « Judge », ou encore « this Court ». On
s’adresse au jury debout, mais on peut questionner les témoins assis derrière sa table. Certains
avocats préfèrent parler derrière un podium.
2.
Le juge et les jurés
Le juge d’un tribunal de grande instance préside toujours seul. Le Président des EtatsUnis nomme les juges fédéraux à vie.92 Seul le Congrès des Etats-Unis peut les destituer.93 Les
juges d’Etats peuvent être nommés ou élus, selon l’Etat, et selon l’instance du tribunal. Tous les
juges texans sont élus, quelque soit le tribunal. Même les juges qui siègent aux deux plus hautes
instances judiciaires du Texas sont élus au suffrage direct et universel (du Texas).94
Les jurés sont tirés au hasard sur les listes d’électeurs et de détenteurs de permis de
conduire. Les personnes choisies reçoivent une convocation écrite par la poste et sont tenues de
se présenter au tribunal le jour venu. Les jurés doivent avoir 18 ans, être citoyens américains et
texans, être résidents du comté où ils sont appelés à servir, savoir lire et écrire, être sain d’esprit,
et avoir un casier judiciaire quasiment vierge.95 Un jury dans un tribunal de grande instance
texan est composé de 12 jurés.96
Le juge est chargé de faire appliquer la loi. Il décide donc toutes les questions de droit.
Le jury tranche les questions de fait. Le procès s’appelle un « bench trial » si les parties refusent
un jury et demandent au juge de trancher aussi les faits.97 La constitution texane garantit à
chacun le droit d’un procès avec jury (jury trial), quelque soit la nature du litige.98 Un couple
92
Les Federal District Judges sont supplées par des magistrats (Federal Magistrate Judges) nommés pour un
mandat de 8 ans. Voir http://www.fedjudge.org/.
93
La Constitution va jusqu’à préciser que leur salaire ne peux pas être diminué. U.S. Const. art. III, § 1
(“[t]he Judges, both of the supreme and inferior Courts, shall hold their Offices during good Behavior, and shall, at
stated Times, receive for their Services a Compensation which shall not be diminished during their Continuance in
Office”). Cette clause serait en réponse au roi George III qui punissait monétairement les juges qui faisaient trop
preuve d’indépendance à son goût. Pour des exemples de destitutions, voir
http://en.wikipedia.org/wiki/Impeachment_in_the_United_States.
94
Le Texas à deux tribunaux de dernière instance. L’un, The Supreme Court of Texas, traite uniquement les
affaires civiles ; http://www.supreme.courts.state.tx.us/. L’autre, The Texas Court of Criminal Appeals, les affaires
pénales ; http://www.cca.courts.state.tx.us/.
95
Tex. Gov’t Code §§ 62.001, 62.102.
96
Les tribunaux de comté texans, qui ont une compétence moindre que les tribunaux de grande instance,
comme par exemple ceux qui traitent des successions (probate courts) ou du droit de la famille (family courts), sont
composés de six jurés seulement.
97
LaCroix v. Simpson, 148 S.W.3d 731, 734 (Tex. App.—Dallas 2004, no pet.) (“[i]n a bench trial, it is for
the court, as trier of fact, to judge the witnesses, to assign the weight to be given their testimony, and to resolve any
conflicts or inconsistencies in the testimony”).
98
Tex. Const. art. 5 § 10 (“[i]n the trial of all causes in the District Courts, the plaintiff or defendant shall,
upon application made in open court, have the right of trial by jury; but no jury shall be empaneled in any civil case
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
peut divorcer devant un jury au Texas.99 D’autres Etats n’accordent pas de jury aussi
libéralement.
3.
La liste des preuves
Un procès s’appuie sur des témoins et sur des preuves. Les « règles d’évidence »
régissent la recevabilité des preuves au procès.100 En pratique les parties s’accordent sur une
liste de preuves (trial exhibit list) avant le procès de façon à ne pas bloquer les débats lorsqu’une
preuve contestée est soumise au jury ou à un témoin. Le juge tranche si les parties ne peuvent
pas s’accorder sur certaines preuves.
4.
Les requêtes in limine
Une requête in limine (motion in limine) est une formalité de procédure utilisée pour
obtenir du juge qu’il décide avant le début du procès certaines questions ayant trait aux preuves.
Une telle requête ne sert pas à faire admettre ou exclure des preuves (on utilise à cette dernière
fin une motion to exclude evidence). Une requête in limine sert uniquement à empêcher la partie
adverse d’évoquer certains sujets, de poser certaines questions, ou de présenter certaines preuves
en présence du jury sans en demander auparavant la permission au juge. Généralement, ces
sujets, questions ou preuves sont préjudiciables pour la partie adverse mais, du point de vue du
procès, ne sont pas pertinents (relevant). Ils ne devraient donc pas être soumis au jury de peur de
l’influencer injustement. Dans une affaire de factures impayées entre entreprises, par exemple, il
n’est en général pas pertinent qu’une partie ait été citée pour manquement aux consignes de
sécurité en milieu de travail. Ce sujet ne devrait donc pas être évoqué en présence du jury car il
pourrait donner aux jurés une mauvaise impression de la partie concernée. Un préjugé pourrait
naître de cette mauvaise impression. Par contre, des histoires de factures impayées à des tiers
pourraient bien être pertinentes selon les détails et les circonstances. Les requêtes in limine
visent surtout ces derniers cas ambigus. En accordant la requête in limine pour une preuve
contestée, le juge se réserve le droit de décider la recevabilité de la preuve au moment où la
question se posera au cours des débats. Le juge tranchera à ce moment là et après s’être
entretenu avec les avocats.
Chaque partie soumet au juge sa requête in limine avant la sélection des jurés. Les
parties s’échangent leurs requêtes avant de les présenter au juge pour essayer de se mettre
d’accord sur le plus de points possibles. Elles sollicitent l’intervention du juge pour le reste.
unless demanded by a party to the case, and a jury fee be paid by the party demanding a jury, for such sum, and with
such exceptions as may be prescribed by the Legislature”).
99
Tex. Fam. Code § 6.703 (“[i]n a suit for dissolution of a marriage, either party may demand a jury trial
unless the action is a suit to annul an underage marriage”).
100
Voir, en general, Fed. R. Evid., http://www.law.cornell.edu/rules/fre/rules.htm; Tex. R. Evid.,
http://www.courts.state.tx.us/rules/tre-toc.asp.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
5.
La sélection des jurés101
Dans les tribunaux de grande instance texans les parties choisissent 12 jurés sur une liste
allant typiquement de 32 à 60 jurés potentiels (jury panel ou venire). Cette sélection se fait par
une procédure qui s’appelle le voir dire.102 Le voir dire permet de contester (challenge), et
d’éliminer (strike), les jurés potentiels qui pourraient être partiaux à l’égard de l’une ou l’autre
des parties. Les avocats peuvent contester les jurés potentiels pour un motif (challenge for
cause) ou de façon péremptoire (peremptory challenge), c'est-à-dire à leur discrétion.103 Chaque
juré potentiel est numéroté de un à 32 ou plus. Les douze premiers jurés potentiels non-éliminés
selon cette numérotation forment le jury. Le voir dire est donc une sélection par élimination : on
ne choisit pas ses jurés ; on élimine ceux dont on en veut pas.
La sélection des jurés commence lorsque les parties reçoivent les résultats d’un
questionnaire sur tous les jurés potentiels. Les avocats disposent alors de 30 à 60 minutes pour
lire le questionnaire avant que les jurés potentiels pénètrent dans le tribunal. En plus du numéro
de chaque juré potentiel, ce questionnaire précise le nom, le prénom, l’âge, la profession, le
niveau d’éducation, le nom de l’employeur, la race, et le sexe du chacun, et quelques autres
informations.104 Ce questionnaire donne une bonne première idée du tableau des jurés potentiels.
Une partie qui n’est pas satisfaite de l’ordre dans lequel se trouvent les jurés potentiels
peut demander que la liste soit « remélangée » (jury shuffle).105 Imaginons, par exemple, le
procès qu’un retraité intente à un gestionnaire de patrimoine qui aurait dilapidé ses économies
suite à de mauvais placements. Le questionnaire indique que huit des quinze premiers jurés
potentiels sont des retraités et qu’il y a de nombreux entrepreneurs parmi les derniers. Cette
situation n’est pas bonne pour les avocats qui défendent le gestionnaire. Les retraités (qui ont de
bonnes chances d’être choisis puisque parmi les premiers sur la liste) pourraient compatir avec le
demandeur et lui donner gain de cause. Inversement, les entrepreneurs (qui ne seront très
probablement pas choisis puisque parmi les derniers) pourraient sympathiser avec le
gestionnaire. Les entrepreneurs pourraient penser que le gestionnaire a été malchanceux mais
pas négligent. Les avocats du gestionnaire demanderont au juge de remélanger la liste des jurés
potentiels en espérant que les retraités soient « poussés » vers la fin de la liste et les
entrepreneurs vers le début. Ainsi les retraités auront moins de chances d’être sélectionnés
comme jurés, et inversement pour les entrepreneurs.
L’huissier audiencier introduit enfin tous les jurés potentiels dans le tribunal. Chaque
partie dispose alors de 30 à 45 minutes pour les questionner. A ce stade, les parties doivent
identifier les jurés potentiels dont elles ne veulent pas parce qu’ils pourraient être partiaux au
101
Cette présentation s’applique aux tribunaux de grande instance texans. La sélection des jurés n’est pas la
même dans tous les Etats. Elle est le plus souvent l’affaire des juges dans les tribunaux fédéraux, et non pas celle
des avocats des parties.
102
Au Texas, voir dire se prononce « vôre d’ailleurs ».
103
Tex. R. Civ. P. 227–233.
104
Pour la liste complète des informations requises des jurés potentiels, voir Tex. Gov. Code 62.0132.
105
Tex. R. Civ. P. 223. Les règles n’autorisent cette procédure qu’une seule fois. Id. Le mélange se fait au
hasard.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
profit de la partie adverse. Les avocats demanderont d’abord qui parmi les jurés potentiels
connaît, ou a un lien, avec les parties. Si le litige est du genre David-contre-Goliath, les avocats
du plus fort chercheront après à identifier les personnes susceptibles de sympathiser avec les
opprimés (underdog). S’il s’agit d’une dispute entre assureur et assuré, les avocats du premier
chercheront les personnes qui ont connu des déboires avec leur assureur et qui pourraient avoir
un parti-pris pour l’assuré. Cependant, toutes les questions ne sont pas permises.106
A la fin des questions les avocats et le juge se concertent pour éliminer les jurés
potentiels « pour cause ».107 Cette expression désigne les personnes qui doivent être
disqualifiées conformément à la loi. Celle-ci disqualifie les amis, les employés, les actionnaires,
ou les assurés des parties, ou encore les personnes ouvertement prédisposées pour ou contre une
partie. Une personne est disqualifiée pour prédisposition quand son état d’esprit porte à conclure
qu’elle ne peut pas être impartiale.108 Les avocats formulent leurs opinions sur chaque juré
potentiel et le juge tranche.109 Le nombre de jurés potentiels qui peuvent être éliminés pour
cause est illimité. Il peut y avoir un problème quand une partie est une entreprise qui joue un
rôle important dans la communauté et qui a un tissu de liens avec la population. Dans ce cas, le
juge fera venir jusqu’à 60 jurés potentiels, sachant que nombreux seront disqualifiés pour cause.
Après avoir éliminé les jurés potentiels pour cause, les parties peuvent chacune éliminer
jusqu’à six jurés potentiels supplémentaires sans aucun justificatif.110 Les douze premiers jurés
potentiels qui n’ont pas été éliminés pour cause ou de façon péremptoire forment le jury.111
Le juge autorisera parfois un ou plusieurs suppléants (alternate jurors) au cas où le
procès pourrait « perdre » des jurés au cours des débats, quelqu’en soit la raison. Ce sera plus
souvent le cas pour les procès qui s’annoncent de longue durée. Le suppléant est libéré
(discharged) juste avant le délibéré si sa présence n’est plus nécessaire.
Une fois sélectionnés, les jurés prêtent serment.112
6.
Les observations introductives
Le procès commence par les observations introductives (opening statement) des avocats.
La partie qui a la charge de la preuve (burden of proof), le plus souvent le demandeur, parle en
premier.113 Les juges accordent 30 à 60 minutes à chaque partie selon la complexité du procès.
106
Voir Tex. R. Civ. P. 230.
Tex. R. Civ. P. 228.
108
Cortez v. HCCI-San Antonio, Inc., 159 S.W.3d 87, 94 (Tex. 2005).
109
Le juge peut aussi éliminer des jurés qui demandent à ne pas servir pour des raisons personnelles, mais
seulement après s’être assuré du mérite de leurs excuses.
110
Tex. R. Civ. P. 232, 233. Les jurés ne peuvent pas être éliminés pour des raisons discriminatoires.
111
Tex. R. Civ. P. 234.
112
Tex. R. Civ. P. 553.
113
Hall v. Weare, 92 U.S. 728, 732 (1875) (“[i]t has been assigned for error that the court gave to the plaintiff
the opening and close of the argument to the jury. The assignment cannot be sustained. Under the pleadings, the
affirmative of the issues framed was upon the plaintiff. He was therefore entitled to the conclusion.”); Tex. R. Civ.
P. 265(a)–(b).
107
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La partie qui parle en premier dispose aussi de quelques minutes de réponse après le tour de la
partie adverse. Chaque partie utilise ce moment pour présenter au jury un sommaire de sa
version des faits. Elle annonce aussi ce qu’elle entend prouver au cours du procès, et indique ce
qu’elle attend du jury.114
7.
La présentation des témoins et des preuves
Les observations introductives achevées, la partie qui a la charge de la preuve présente sa
cause (presents its case) en faisant venir une succession de témoins et en exhibant les preuves
(the evidence). La partie adverse prend ensuite la parole pour présenter sa cause à son tour, et de
la même manière. Comme pour les observations introductives, la partie qui présente en premier
peut revenir après la présentation de la partie adverse pour conclure.
Chaque témoin prête serment avant de témoigner.115 Le témoin est questionné en premier
par la partie qui l’a convoqué, puis par l’autre partie. Ici encore, la première partie peut revenir
après la seconde. Un interrogatoire est en direct (direct examination) quand le témoin est du
même côté que l’avocat qui le questionne. C’est un contre-interrogatoire (cross examination)
dans le cas inverse. On parle de re-direct examination ou de re-cross examination quand
l’avocat qui a questionné le témoin en premier revient à la charge.
A ce stade du procès, tout l’art de l’avocat est d’utiliser ses témoins (et ceux de la partie
adverse, si possible) pour raconter une histoire qui va captiver le jury et convaincre ce dernier de
lui donner gain de cause. D’une façon très générale c’est la partie qui présentera la version des
faits la plus convaincante qui emportera le jury. L’avocat doit préparer l’ordre dans lequel il
présentera ses témoins, ce qu’ils vont dire, et comment ils vont le dire. Une partie de la
crédibilité des témoins dépend de cette chorégraphie. Il faut aussi essayer de deviner ce que fera
la partie adverse pour anticiper et contrer l’impact de ses témoins. La tâche de l’avocat est
d’autant plus facile que les faits et les preuves plaident en sa faveur, et inversement. Néanmoins,
avoir des « bons faits » aide,116 mais n’est pas toujours suffisant. L’avocat doit convaincre le
jury que sa version des faits est la bonne pour prévaloir.
Imaginons, par exemple, un procès où le demandeur est une petite entreprise acculée au
dépôt de bilan par manque de trésorerie. Le défendeur, un maître d’œuvre avec lequel la petite
entreprise avait un contrat, n’a pas payé les factures de cette dernière. Le premier témoin du
demandeur sera sans-doute le chef de projet du défendeur. L’avocat du demandeur le
questionnera d’emblée de façon à le peindre sous la plus mauvaise lumière possible. L’avocat
lui fera admettre que les factures n’ont pas été payées, que le manque de trésorerie est une
menace permanente pour les petites entreprises, et que les factures non-payées dans cette affaire
ont inéluctablement amené le demandeur au dépôt de bilan. L’avocat exhibera les courriels et
lettres recommandées de l’entrepreneur suppliant le chef de projet de payer les factures faute de
quoi l’entreprise devra fermer ses portes. L’avocat doit laisser le jury avec l’impression que
114
115
116
Tex. R. Civ. P. 265(a), 266.
Tex. R. Evid. 603.
Les avocats parlent de good facts et, pudiquement, de bad facts.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
l’égoïsme, l’insouciance gratuite, et l’intransigeance du chef de projet ont causé la perte de la
petite entreprise. Le jury doit penser que jeter des ouvriers au chômage de cette manière par les
temps qui courent est ignoble et inexcusable.
L’avocat de la défense devra réagir immédiatement durant son interrogatoire pour
retourner la situation. L’avocat du défendeur questionnera alors le chef de projet de façon à le
« réhabiliter » aux yeux du jury. Il lui fera raconter comment il a reçu sa formation d’ingénieur
d’une bonne université ; qu’il était membre de l’équipe de football117 ; qu’il a épousé son amie
d’enfance (high-school sweetheart) avec qui il a eu trois enfants, etc. Il faut d’abord le présenter
au jury comme un citoyen modèle et irréprochable. Après, il faudra revenir en arrière sur le
projet. Certes, les quatre dernières factures n’ont pas été payées, mais les dix premières le furent
rubis sur l’ongle. Les factures impayées étaient truffées d’irrégularités et le responsable de la
petite entreprise refusait systématiquement de fournir des justificatifs. Au cours de cet
interrogatoire, l’avocat présentera au jury les documents clefs comme les factures exorbitantes
impayées, les reçus montrant les dix premières factures payées largement dans les délais (si le
juge les admet), les courriels et lettres du chef de projet à l’entrepreneur laissés sans réponse
quant aux justificatifs, ou répondus évasivement. Le but sera de prouver au jury que la petite
entreprise manquait de trésorerie et a essayé de se renflouer en surfacturant le maître d’œuvre.
Ce dernier a donc toujours agi de bonne foi, et n’est pas tombé dans le piège de l’entrepreneur.
Il ne doit donc pas être tenu responsable de sa faillite.
Les petits détails comptent. Il faut éviter de faire témoigner une personne clef juste après
le repas de midi quand les jurés peuvent manquer de concentration. Il est utile de maîtriser l’art
des petites phrases. Une question lourde de sous-entendus, dont la réponse est, au fond,
inconséquente, peut complètement décrédibiliser un témoin de la partie adverse. Il faut savoir
objecter au bon moment quand la partie adverse transgresse les règles. C’est aux parties, et non
pas au juge, de le faire. Seule l’objection consigne l’erreur pour l’appel. Par contre, trop
d’objections brise le rythme des débats et distrait inutilement les jurés.
La présentation des témoins et des preuves prend beaucoup de temps. Pour un procès
commercial d’un minimum de complexité, il faut compter deux à trois jours par partie. Le juge
s’efforce de faire avancer les débats, mais les pauses, le repas de midi, les jurés qui doivent
repartir tôt pour récupérer leurs enfants, etc. freinent le rythme. Certains juges118 suggèrent aux
parties de faire venir le déjeuner (à leurs frais) afin d’éviter que les jurés ne s’éparpillent à midi.
Cela évite de devoir les attendre pour reprendre les débats. Le petit-déjeuner gratis attire aussi
les jurés tôt le matin.
La nature même du procès crée une certaine tension entre jurés et avocats. Les jurés sont
payés chichement pour leurs services.119 En pratique les employeurs absorbent généralement la
facture quand les jurés sont salariés. Par contre, c’est une perte sèche pour les jurés payés à
117
Football américain, il va sans dire.
Ils sont peu nombreux.
119
Les jurés sont payés pas moins de $6.00 le premier jour de service, et pas moins de $40.00 par jour les
jours suivants. Tex. Gov. Code § 60.001(a).
118
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l’heure puisqu’ils ne travaillent pas pendant le procès. Les avocats ne doivent donc pas
s’acharner sur des détails inconséquents pour ne pas donner aux jurés l’impression qu’ils perdent
leur temps.
8.
Les témoins experts
Les avocats font appel à des « témoins experts » (expert witnesses) pour soutenir leurs
arguments s’il y a matière à le faire. Ce ne sont pas des experts judiciaires au sens de la loi
française. Ils ne sont pas certifiés par une quelconque autorité judiciaire.120 Ce ne sont pas non
plus des témoins puisqu’ils n’étaient pas présent lors des faits. Ce sont des professionnels qui
opinent sur les sujets qu’autorisent leurs compétences. Un expert peut, par exemple, opiner
qu’un boulon a cédé parce qu’affaibli pour avoir été trop serré. Un autre peut opiner sur la
valeur d’un commerce détruit par un incendie. Encore un autre sur l’opacité de la comptabilité
d’une entreprise plaidante. C’est à l’expert d’établir sa crédibilité aux yeux du jury si son
témoignage est recevable. Chaque partie s’efforcera de décrédibiliser les experts de la partie
adverse.
L’arrêt Daubert v. Merrell Dow Pharm. (« Daubert ») régit la recevabilité du témoignage
des experts dans les tribunaux fédéraux.121 Les arrêts Daubert et E.I. du Pont de Nemours & Co.
v. Robinson (« Robinson ») jouent le même rôle dans les tribunaux texans.122 Daubert et
Robinson attribuent au juge le rôle de garde-barrière (gate-keeper) pour évaluer les qualifications
de l’expert et décider de la recevabilité de son témoignage. Ces arrêts, d’une riche jurisprudence,
ont cherché à résoudre le problème posé par les soi-disant « experts » qui, avec ou sans
qualifications, disaient tout et n’importe quoi moyennant payement.123
9.
Les observations finales
Les observations finales sont des arguments de conclusion (final ou closing argument).
Elles permettent aux parties de récapituler leur cause et de répéter ce qu’elles attendent du jury.
Les jurés sont impatients d’en finir à ce stade, et les avocats ont tout intérêt à rester concis.
Chaque partie parlera entre 30 et 60 minutes.
10.
La requête pour verdict imposé
Une requête pour verdict imposé (motion for directed verdict ou instructed verdict) est
une procédure qui permet de couper court au procès avant le délibéré.124 Cette requête est
opportune si la présentation du demandeur montre qu’il n’a aucune preuve tangible pour soutenir
ses plaintes. Le défendeur peut alors demander au juge d’imposer un verdict en sa faveur sans
120
Les experts sont souvent certifiés par leur profession, quand par exemple les experts sont ingénieurs,
comptables, ou médecins.
121
509 U.S. 579 (1993).
122
923 S.W.2d 549 (Tex. 1995).
123
Un requête qui cherche à faire exclure le témoignage d’un expert est une « Daubert motion » dans le
système judiciaire fédéral, et une « Robinson motion » au Texas.
124
Tex. R. Civ. P. 268.
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passer par le jury. Le juge peut aussi proposer une requête pour verdict imposé de sa propre
initiative (sua ponte). Il doit d’abord en informer les parties et donner à la partie contre laquelle
la requête sera formulée le temps d’y répondre.
11.
Les directives au jury
Les directives au jury (jury charge) sont le document qui contient les instructions aux
jurés ainsi que la liste de questions auxquelles ils doivent répondre.125 Les jurés doivent
répondre aux questions par « oui » ou par « non », sauf en ce qui concerne le montant des
dommages-intérêts et l’attribution de la faute. Le premier doit être chiffré en dollars.
L’attribution de la faute entre les parties plaidantes doit être chiffrée en pourcentage.126 Les
directives au jury sont un document à la structure et au langage très formalisés.127 Le juge les
rédige lui-même, le plus souvent en s’inspirant directement des versions soumises par les
parties.128 Il dispose de beaucoup de discrétion tant ques les directives restent légalement
correctes.129 Les questions sont du genre :
a.
« Le défendeur a-t-il rompu le contrat en refusant de payer les factures du
demandeur ? Une rupture de contrat doit être matérielle. » (suit alors la liste des
facteurs que les jurés doivent prendre en compte pour décider si une rupture est
matérielle.)
b.
« Si vous avez répondu oui à la première question, la fraude du
demandeur excuse-t-elle le défendeur ? » (suit alors la définition de ce qui
constitue une fraude)
c.
« Si vous avez répondu oui à la question no. 1 et non à la question no. 2, quelle
montant, s’il y a lieu, indemniserait équitablement et raisonnablement le
demandeur pour le préjudice, s’il en a subi un, qui a découlé de la rupture du
contrat par le défendeur ? »
Si les questions nos. 1 à 3 s’appliquaient à une demande en obligations, et non pas en
contrat, comme c’est le cas, le jury devrait alors attribuer un pourcentage de responsabilité de la
faute à chacune des parties, comme suit :
d.
« Pour chaque personne qui, d’après vous, a causé le préjudice du demandeur que
vous avez identifié à la question no. 3, ou qui y a contribué, trouvez le
pourcentage de la responsabilité attribuable à chacun :
125
Tex. R. Civ. P. 226a.
Au Texas, un demandeur en obligations (torts) ne peut pas obtenir réparation du défendeur si le demandeur
est responsable à plus de 50% de son préjudice. Tex. Civ. Prac. & Rem. Code § 33.001.
127
Des recueils contiennent des directives au jury standardisées (pattern jury charges).
128
Tex. R. Civ. P. 271.
129
Hyundai Motor Co. v. Rodriguez, 995 S.W.2d 661, 664 (Tex. 1999).
126
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i.
Le demandeur
__________________%
ii.
Le défendeur
__________________%
Total
________100_______% »
Les directives doivent être rédigées et structurées de façon à être comprises du commun
des mortels. Elles doivent être logiques, simples, claires, équitables, justes, et complètes.130 Les
avocats les rédigent souvent dès le début du procès pour anticiper ce qu’ils devront prouver au
jury, et organiser leurs enquêtes préalables en conséquence. La rédaction des directives peut être
difficile quand le litige est complexe.
12.
Le délibéré et le verdict
Les jurés se retirent pour délibérer jusqu’à ce qu’ils se mettent d’accord sur un verdict, ou
bien qu’ils soient libérés par le juge.131 Le demandeur doit prouver sa cause, aux yeux des jurés,
par la prépondérance de la preuve (preponderance of the evidence). Cela veut dire que la preuve
du demandeur doit être la plus probable et la plus crédible (the greater weight and degree of
credible evidence).132 Le critère de la preuve est plus exigeant dans certains cas, comme par
exemple quand il s’agit d’attribuer des dommages-intérêts exemplaires. Dans ces cas, la preuve
du demandeur doit être claire et convaincante (clear and convincing evidence).
Les mêmes dix (au moins) des 12 jurés doivent être d’accord sur toutes les questions
posées dans les directives au jury pour que l’une ou l’autre des parties gagne.133 Les jurés
doivent êtres unanimes pour attribuer des dommages-intérêts exemplaires.134 Le juge libère les
jurés une fois le verdict prononcé. Il ne peut plus les rappeler après les avoir libérés.
13.
La requête pour un jugement nonobstant le verdict
Une requête pour un jugement nonobstant le verdict (judgment notwithstanding the
verdict ou JNOV) demande au juge d’écarter le verdict du jury et de donner raison au
requérant.135 Une telle requête est de mise quand le jury s’est trompé et que son verdict ne
s’appuie pas sur les preuves.136 Le juge ne peut pas proposer une requête JNOV de sa propre
initiative, au contraire d’une requête pour verdict imposé.137
130
Id. (“[t]he goal of the charge is to submit to the jury the issues for decision logically, simply, clearly, fairly,
correctly, and completely”).
131
Tex. R. Civ. P. 282, 289.
132
Upjohn Co. v. Freeman, 847 S.W.2d 589, 591 (Tex. App.—Dallas 1992, no writ). Ce critère se traduit par
une probabilité supérieure à 50 pourcent.
133
Tex. R. Civ. P. 292(a). Les jurés doivent être unanimes pour accorder au demandeur des dommagesintérêts exemplaires. Id. at 292(b).
134
Tex. Civ. Prac. & Rem. Code § 41.003(d).
135
Tex. R. Civ. P. 301.
136
Id.
137
Id.
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Un litige commercial aux Etats- Unis – 1ère partie
14.
L’interrogatoire post-verdict des jurés
Dans un tribunal texan, moyennant autorisation du juge, les avocats peuvent poser des
questions aux jurés après leur libération. Ces contacts permettent aux avocats de comprendre les
décisions des jurés. Ils en tirent les leçons qui s’imposent pour mieux préparer leur prochain
procès. Inversement, les juges fédéraux autorisent rarement ce genre de contacts.
15.
Le jugement
Le jugement signé par le juge formalise le verdict. Cela peut être un document simple
qui entérine les décisions du jury. Ou alors un document plus élaboré dans lequel le juge
explique pourquoi et comment il réforme le verdict.
IX.
L’appel et le pourvoi en haute cour
Les parties déçues par l’issue du procès peuvent faire appel. La plupart des Etats, ainsi
que le gouvernement fédéral, ont deux niveaux de juridictions au dessus des tribunaux de grande
instance : les cours d’appel et les hautes cours (high courts).138 Souvent, mais pas toujours, ces
dernières s’appellent les cours suprêmes.
Le recours en appel est un droit au Texas, tout comme dans le système fédéral.139 Une
cour d’appel ne rejuge pas une affaire, comme en France. Elle se contente de décider si le juge
en dessous a commis une erreur, ou si le jury s’est fourvoyé dans ses conclusions quant aux faits.
Les cours d’appel décident ces questions selon deux critères. Elles révisent les questions de droit
(questions of law) de novo. Cela veut dire qu’elles n’accordent aucune déférence aux décisions
de droit prises par les tribunaux inférieurs.140 Par contre, elles traitent les décisions prises par les
138
Le Texas a 14 cours d’appel intermédiaires, les Texas Courts of Appeals. La première et la quatorzième
cours d’appel sont jumelles. Elles siègent toutes les deux à Houston et ont la même compétence territoriale. Un
arrêt de l’une a force de loi sur l’autre. La première cour d’appel siégeait historiquement à Galveston jusqu’à ce que
l’ouragan Audrey impose sa relocalisation à Houston en 1957. Les deux hautes cours texanes (la Cour Suprême et
la Cour d’Appel Pénale) siègent à Austin, la capitale de l’Etat. Le Texas partage la même cour d’appel fédérale, The
United States Court of Appeals for the Fifth Circuit, avec la Louisiane et le Mississippi. Cette cour siège à la
Nouvelle Orléans. Voir http://www.uscourts.gov/court_locator.aspx. Certains Etats à faible population n’ont pas de
cour d’appel entre les tribunaux de grande instance et leur haute cour. C’est le cas du Wyoming (pop. ~565,000).
Voir http://www.courts.state.wy.us/CourtRules.aspx. Les hautes cours peuvent avoir compétence de première
instance (original jurisdiction) pour certaines catégories de procès. La Cour Suprême des Etats-Unis a compétence
exclusive de première instance pour les procès affectant les ambassadeurs, les ministres, les consuls, et les Etats, par
exemple. U.S. Const. art. III, § 2.
139
Tex. Civ. Prac. & Rem. Code § 51.012 (“[i]n a civil case in which the judgment or amount in controversy
exceeds $250, exclusive of interest and costs, a person may take an appeal or writ of error to the court of appeals
from a final judgment of the district or county court”).
140
Reliance. Nat. Indem co. v. Advanced Temps., 227 S.W.3d 46, 50 (Tex. 2007) (“[a]ppellate courts review
legal determinations de novo”).
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jurys sur les questions de fait (questions of fact) avec grande déférence.141 Une cour d’appel
n’interviendra pas dans les conclusions d’un jury sauf si ce dernier s’est clairement trompé et si
le résultat est manifestement injuste.142
Le pourvoi en haute cour, qui n’est possible qu’à la suite d’un arrêt en appel, est
discrétionnaire au Texas ainsi que dans le système fédéral.143 Chaque Etat a sa propre haute cour
dont les décisions en matière de droit de l’Etat sont définitives.144 La Cour Suprême fédérale ne
peut statuer qu’en matière de droit fédéral.145 Elle n’intervient dans le droit des Etats que si ce
droit empiète sur le droit fédéral, qui prévaut toujours.146
Seules les erreurs soulevées (et correctement consignées) au cours du procès peuvent
faire l’objet d’un appel. Il est bien établi qu’une partie ne peut pas soulever en appel une
question qui ne l’a pas été en première instance, sauf exception.147
La décision d’une cour d’appel ou d’une haute cour se prend sur la base du dossier de
première instance (the record) et des mémoires (legal briefs) des avocats des parties. Il n’y a
jamais de témoins. Les avocats argumentent aussi oralement devant la cour (oral argument).
141
ECF North v. Orix Capital, No. 05-09-00066-CV (Tex. App.—Dallas Jan. 19, 2011, no pet. h.)
(Loislaw.com) (“[i]n reviewing a factual sufficiency challenge, we consider and weigh all of the evidence in support
of and contrary to the trial court’s finding and will set aside the verdict only if the evidence supporting the verdict is
so slight, or the evidence against it so strong, that the finding is manifestly unjust and quite clearly wrong. See
Garza v. Alviar, 395 S.W.2d 821, 823 (Tex. 1965) (finding factually insufficient if “the evidence supporting the
verdict is so weak or the evidence to the contrary is so overwhelming” that finding should be set aside and new trial
ordered); see also Cain v. Bain, 709 S.W.2d 175, 176 (Tex. 1986) (per curiam) (for factual sufficiency review,
verdict set aside only if ‘clearly wrong and unjust’)”).
142
Id.
143
Tex. R. App. Proc. 53.1 ([t]he Supreme Court may review a court of appeals’ final judgment on a petition
for review”).
144
Murdock v. City of Memphis, 87 U.S. 590, 609–610 (1874) (state supreme court decisions on state law are
final) (“[n]one of these great men [(Jay, the Pinckneys, Hamilton, Marshall, Madison, and other friends of the
Constitution)] intimated that the action of the State courts could be revised by the judiciary department, except on
questions purely Federal”) (“no [drafter of the Judiciary Act] maintained that the judicial power of the United States,
when exerted over the consummated proceedings of a State court, extended beyond the determination of the Federal
questions involved”).
145
La Cour Suprême fédérale accepte moins d’une centaine de demandes de pourvois (writ of certiorari) par
an sur plusieurs milliers. Ces dernières années, le chiffre s’est situé aux environs de 80. Voir
http://www.allcountries.org/uscensus/356_u_s_supreme_court_cases_filed.html.
146
Le droit fédéral prévaut sur le droit des Etats. U.S. Const. art. VI (“[t]his Constitution, and the Laws of the
United States which shall be made in Pursuance thereof . . . shall be the supreme Law of the Land”).
147
Kinash v. Callahan, 129 F.3d 736, 739 n.10 (5th Cir. 1997) (per curiam) (“[a]s a general rule, this Court
does not review issues that are raised for the first time upon appeal. In exceptional circumstances, we may, in the
interests of justice, review an issue that was not raised in the district court. “Such circumstances are sharply
circumscribed by the plain error standard requiring that unobjected-to errors be ‘plain’ and ‘affect substantive
rights’””); Texas Employers’ Ins. Ass’n v. Lemons, 83 S.W.2d 658, 659–60 (Tex. 1935) (Supreme Court will not
consider questions not presented to either trial court or Court of Civil Appeals) (Westlaw HeadNote); Subsequent
Injury Fund, State of Texas v. Serv. Lloyds Ins. Co., 961 S.W.2d 673, 676 (Tex. App.—Houston [1st Dist.] 1998,
pet. denied) ([i]ssues to be reviewed by appellate court must have been actually presented to and considered by trial
court) (Westlaw HeadNote).
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Les juges interrompent souvent l’argumentation des avocats dès le début de l’audience. Ayant lu
les mémoires, ils préfèrent couper court aux discours et poser tout de suite leurs questions.
La décision d’une cour d’appel ou d’une haute cour peut être de confirmer (affirm) ou de
casser (reverse) la décision de la juridiction précédente. Elle peut également ordonner de revoir
un point (remand) ou ordonner un nouveau procès (new trial), ou l’une et l’autre de ces options
(affirm in part, reverse in part, and remand). Tout comme une cour d’appel Française peut
émender un jugement rendu en première instance. La responsabilité du nouveau procès
dévoluera au tribunal de grande instance qui a accueilli le premier procès. C’est un retour à la
case « départ ». Il arrive que les parties font deux fois le chemin jusqu’à la haute cour.
A l’instar des écrits des avocats, les juges s’efforcent de rédiger leurs arrêts dans un
langage simple et accessible à tous.
X.
Conclusion
Comme l’illustre cet article, la procédure civile aux Etats-Unis impose beaucoup d’efforts
aux parties plaidantes. En conséquence, les procès sont dispendieux et souvent long, surtout en
ce qui concerne les litiges commerciaux complexes. Avocats et parties en sont bien conscients et
s’efforcent de contrôler les coûts. Un contrat bien rédigé est la première ligne de défense dans ce
domaine. D’où l’habitude des entreprises aux Etats-Unis de faire viser leurs contrats par un
avocat (transactional lawyer) avant de les signer.
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