Transition de Phase : Physique et Mathématique 2

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Transition de Phase : Physique et Mathématique 2
La science, si prodigieusement habile à peser les astres les plus lointains et à comprendre
jusqu’aux mondes que nos sens ne perçoivent plus, échoue à calculer cette part d’innommable ou
d’indicible qui devrait nous importer plus que tout autre 1.
Transition de Phase : Physique et Mathématique 2
Charles-Edouard Pfister
Section de Mathématiques, EPFL
1. Introduction
La relation physique-mathématique est profonde et ne se résume pas à une
simple question d’écriture à l’aide de symboles mathématiques. Si les mathématiques
ont toujours eu un rôle de premier plan dans la mécanique des corps célestes, ce n’est
que vers la fin du XVIe et au début du XVIIe que les mathématiques vont jouer un
rôle essentiel 3, lorsque la physique d’Aristote est mise de côté et que la mécanique
céleste et la mécanique sublunaire (qui traite des phénomènes qui ont lieu sur la
terre) sont unifiées 4. Le but de cette leçon n’est cependant pas de traiter cette
relation physique-mathématique d’un point de vue fondamental, ni d’en expliquer
sa spécificité 5. Ces questions ont été étudiées maintes fois, sous des aspects et points
de vue très divers, entre autres dans [IREM], [L-L] et [DG] ; voir aussi [Bo].
J’aborderai, à travers un exemple, un autre aspect, moins fondamental mais
néanmoins très remarquable, de cette relation physique-mathématique : des concepts
mathématiques introduits pour les besoins spécifiques de l’approfondissement d’un
domaine de la physique peuvent parfois devenir également des concepts importants
dans d’autres branches des mathématiques qui n’ont a priori aucune relation directe
avec les questions de physique étudiées. Le domaine que j’ai choisi est celui de la
physique statistique classique de l’équilibre.
1. Philippe Jaccottet, Eléments d’un songe, Gallimard, pp. 127-128 (1961).
2. Version augmentée de ma leçon d’honneur du 22 octobre 2013.
3. G. Galilée (1564-1642) mathématicien, physicien et astronome. Dans son livre Il Saggiatore
[Cha] il écrit : Je crois, en outre, déceler chez Sarsi la ferme conviction qu’en philosophie il est
nécessaire de s’appuyer sur l’opinion d’un auteur célèbre et que notre pensée, si elle n’épouse pas le
discours d’un autre, doit rester inféconde et stérile. Peut-être croit-il que la philosophie est l’oeuvre
de la fantaisie d’un homme, comme L’Iliade et le Roland furieux, où la vérité de ce qui y est écrit
est la chose la moins importante. Il n’en est pas ainsi, Signor Sarsi. La philosophie est écrite dans
cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on
ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les
caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont
des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement
impossible d’en comprendre un mot. Sans eux c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur.
4. Le changement capital, qui a eu lieu à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, est
l’unification de ces deux mécaniques. J. Kepler (1571-1630), astronome allemand, utilise dans
son étude du système solaire, qui est basée sur le modèle de N. Copernic (1473-1543), chanoine,
médecin et astronome polonais, des concepts de la mécanique sublunaire et peut franchir une étape
décisive en introduisant pour les planètes des trajectoires qui ne sont pas des cercles, ce qui était
en désaccord avec les idées de Copernic et de l’astronomie en général (le chapitre IV du livre de
Copernic [Co], Des Révolutions des Orbes Célestes, s’intitule Que le mouvement des corps célestes
est uniforme et circulaire, perpétuel, ou composé de [mouvements] circulaires). D’un autre côté
Galilée s’inspire des idées de la mécanique des corps célestes dans sa théorie du mouvement, ce qui
le conduira à reformuler complètement la notion de mouvement avec la loi de l’inertie et celle de
la chute des corps. (voir [Fi]).
5. Sous cet aspect la physique se distingue d’autres domaines des sciences.
2
C’est un fait familier que l’eau peut se trouver dans trois états différents,
appelés en physique phases, qui sont l’état gazeux (la vapeur), l’état liquide et l’état
solide (la glace), et que l’eau peut passer d’un état à un autre, par exemple du gaz au
liquide, ce que l’on nomme la liquéfaction ou condensation. Ce phénomène est appelé
transition de phase en physique et a été un thème majeur de la physique du XXe
siècle. L’approfondissement de son étude mathématique en mécanique statistique, à
partir du milieu des années 1960, début des années 1970, a conduit à un ensemble de
résultats que l’on a parfois regroupé sous le nom de mécanique statistique rigoureuse
d’après le titre d’une monographie de Ruelle 6, parue en 1969, Statistical Mechanics.
Rigorous Results [Ru3]. C’est à la même époque, en étudiant les mesures invariantes
pour les systèmes d’Anosov, que Sinai 7 et Bowen 8 ont remarqué des similitudes avec
certains problèmes de mécanique statistique. Sinai, voir les papiers fondateurs [S1], a
explicitement introduit la notion de mesure de Gibbs et des méthodes développées en
mécanique statistique de l’équilibre dans l’étude des systèmes d’Anosov. Une partie
de la théorie générale de la mécanique statistique a été réécrite par Ruelle pour
une classe particulière de systèmes dynamiques [Ru4]. C’est l’origine du formalisme
thermodynamique, qui a été fortement marqué par les travaux de Bowen et Ruelle
(voir [Bow2] et [Ru5]).
Je commencerai par énoncer un résultat de base du formalisme thermodynamique en systèmes dynamiques ; sa signification et sa relation avec la physique
statistique seront données à la fin de l’exposé.
Considérons un espace métrique compact (X, d), l’intervalle [0, 1] avec sa distance naturelle, et une application continue T : X → X,
(
2x
si 0 ≤ x ≤ 21
T (x) :=
2 − 2x si 21 ≤ x ≤ 1.
Figure 1. La transformation T : [0, 1] → [0, 1] et les trois premiers
points x0 , x1 , x2 d’un itinéraire.
Le couple (X, T ) définit un système dynamique 9. On peut se représenter un point
x ∈ [0, 1] comme la position d’un marcheur, qui, à chaque seconde, se déplace selon
6. D. Ruelle (1935) physicien mathématicien français d’origine belge.
7. Ya.G. Sinai (1935) mathématicien russe.
8. R. Bowen (1947-1978) mathématicien américain.
9. Cet exemple de système dynamique est un système à un degré de liberté : un seul nombre
réel suffit à déterminer l’état du système en un instant donné.
3
une loi fixée par l’application T . Si au temps initial le marcheur se trouve en x0 ,
après une seconde il se trouve en x1 = T (x0 ), après deux secondes en x2 = T (x1 )
et ainsi de suite. L’itinéraire du marcheur est la suite de ses positions au cours du
temps, x0 , x1 = T (x0 ), x2 = T (x1 ), x3 = T (x2 ) . . .. Le système est déterministe car
un itinéraire est univoquement déterminé par son point initial. Considérons aussi
une fonction continue f : X → R. Une opération naturelle est l’évaluation de cette
fonction le long d’un itinéraire x0 , x1 , . . . xn−1 ,
(Sn f )(x0 ) := f (x0 ) + f (x1 ) + · · · + f (xn−1 ) .
Soit ε > 0 une quantité réelle et n un nombre entier. Un sous-ensemble fini 10 E de
X est (n, ε)-séparé, si quels que soient x, y ∈ E, x 6= y,
∃i , 0 ≤ i ≤ n − 1 ,
tel que d(T i (x), T i (y)) > ε .
E représente par exemple les positions initiales de plusieurs marcheurs. Si pour deux
marcheurs quelconques de ce groupe, il existe un temps i inférieur ou égal à n − 1,
tel que pour ce temps i, ces deux marcheurs sont à une distance d’au moins ε l’un
de l’autre, alors E est (n, ε)-séparé. On définit
nX
o
(Sn f )(x) Z(n, ε) = sup
e
E (n, ε)-séparé
x∈E
et
1
P (T, f ) := lim lim sup log Z(n, ε) .
ε↓0
n→∞ n
Théorème 1.1 (Walters [Wa1]). Soit M (X, T ) l’ensemble des mesures de probabilité
T -invariantes et hµ (T ) l’entropie métrique de µ ∈ M (X, T ). Alors
Z
o
n
P (T, f ) = sup hµ (T ) + f dµ µ ∈ M (X, T ) .
Pour bien comprendre le lien entre ce théorème et le phénomène de transition
de phase, j’exposerai, en suivant un fil historique, quelques étapes essentielles qui
ont conduit de l’observation expérimentale du phénomène de condensation à sa
compréhension théorique en physique. C’est pourquoi une grande partie de cette
leçon concerne la physique, principalement avant 1960, en se concentrant sur certains
aspects conceptuels.
2. Le phénomène de condensation
Considérons le phénomène de condensation du CO2 , qui a été étudié en détail
expérimentalement par Andrews 11, et dont les résultats ont été rapportés dans son
papier intitulé On the Continuity of the Gaseous and Liquid States [An]. Andrews
a montré que cette transition ne peut avoir lieu que dans des conditions physiques
déterminées. Au-dessus d’une température critique il n’y a plus de distinction entre le
gaz et le liquide 12 et la condensation ne peut pas avoir lieu. C’est dans ce papier [An]
qu’Andrews a introduit la terminologie point critique et température critique. Un
10. On montre que si E ⊂ X est (n, ε)-séparé, alors la cardinalité de E est nécessairement
finie, lorsque X est compact.
11. T. Andrews (1813-1885) chimiste et physicien irlandais.
12. Ce fait a été observé entre autres par le physicien français C. Cagniard de Latour (17771859) en 1822, et discuté par le physicien et chimiste anglais M. Faraday (1791-1867) en 1826 et
1845, ainsi que le chimiste russe D. Mendeleev (1834-1907) en 1861. Voir [Go].
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des aspects importants de son travail est la détermination expérimentale précise des
isothermes du CO2 pour des températures au-dessus et au-dessous de la température
critique, ainsi que pour la température critique.
Figure 2. Pour tous les volumes entre VL et VG la pression est la
même, p = p∗ . VG est le volume d’une mole de CO2 à l’état gazeux et
VL est le volume d’une mole de CO2 à l’état liquide. V 0 = 31 VL + 32 VG .
Concentrons la discussion sur une isotherme au-dessous de la température
critique mesurée par Andrews à 30.98o C. On enferme 44 grammes de CO2 (une mole)
dans un cylindre à piston mobile. On peut donc varier le volume V du cylindre et on
choisit une température fixe T = 21, 5o C. On étudie la relation entre la pression et
le volume du cylindre pour cette température donnée. On peut reporter les résultats
sur un graphe qui définit une isotherme du fluide 13 (voir figure 2). Chaque point du
graphe représente un état (d’équilibre thermodynamique) du fluide.
Figure 3. Pour T donné les deux phases du CO2 coexistent si p = p∗ .
Pour V = V 0 , VL < V 0 < VG , les deux phases coexistent.
En suivant l’isotherme de droite à gauche, on passe successivement par les
points A,B,F et G. Au point A le CO2 est un gaz et il reste dans cet état jusqu’au
point B où V = VG ; de A à B la pression augmente pour atteindre p = p∗ (p∗ ' 60
atm) lorsque V = VG . Au point F , pour la même valeur de la pression p∗ et pour
13. C’est une isotherme car la température est constante.
5
V = VL , le CO2 est un liquide. Si le volume diminue encore, le CO2 reste dans la
phase liquide et la pression augmente de nouveau. Pour ces valeurs particulières de
la température et de la pression, T = 21, 5o C et p = p∗ , le CO2 se trouve dans deux
états différents qui se distinguent par leurs densités 14, ρG pour le gaz et ρL > ρG
pour le liquide.
Pour le point du segment horizontal F B de l’isotherme caractérisé par le volume V 0 = 31 VL + 23 VG de la figure 2 on observe expérimentalement la coexistence
des deux phases, 32 mole de gaz et de 13 mole de liquide, et leur séparation spatiale comme indiqué sur la figure 3. Il y a discontinuité de la densité du fluide : on
n’observe pas de situation où le CO2 serait dans un état homogène qui aurait une
densité ρ0 telle que ρL < ρ0 < ρG . Du point B jusqu’au point F la condensation a
lieu progressivement ; en B on a seulement du gaz et en F tout le gaz a été liquéfié.
3. XVIIe et XVIIIe siècles, l’hypothèse atomique
Voici comment Tommaso Cornelio (1614-1684), médecin, mathématicien et
philosophe italien du royaume de Naples expliquait les différents états de l’eau en
se basant sur l’hypothèse atomique qui affirme que la matière est formée d’atomes
se mouvant dans le vide, et dont l’origine remonte au moins à Leucyppe 15 et Démocrite 16.
Les particules de l’eau [. . .] doivent être conçues comme étant allongées et
arrondies. Lorsqu’elles sont agitées et dissoutes lentement, de telle sorte qu’elles
puissent s’infiltrer, elles se présentent sous la forme d’un liquide ; si elles se raidissent [par effet du froid], elles forment la glace. Enfin, si elles se mettent à tourner rapidement en s’éloignant de plus en plus les unes des autres, c’est la vapeur qui
apparaît [F].
Cette hypothèse atomique ne s’est imposée que lentement depuis la fin du
XVIe , début du XVIIe , date où elle a été remise en lumière 17. Malgré des avancées
importantes, en particulier dues aux chimistes, ce n’est qu’à la fin du XIXe , début du
XXe , siècle qu’elle a été pleinement acceptée. Il faut noter que jusqu’au XXe siècle il
n’y a pas d’expériences qui permettent de mettre en évidence directement l’existence
des atomes ou des molécules (voir à ce sujet Les atomes de J. Perrin [Pe], ainsi qu’un
rapport de Maxwell sur les molécules [M2] et [Bo]). D’autre part, les deux principes
de la thermodynamique sont énoncés indépendamment de l’hypothèse atomique.
On sait maintenant qu’un fluide est formé d’un grand nombre de particules 18
(6.02 × 1023 particules dans une mole de fluide) qui se meuvent dans le vide. Ces
particules ne sont pas immobiles mais possèdent des vitesses d’autant plus grandes
que la température est plus élevée. Au niveau macroscopique, à l’équilibre thermodynamique, chaque phase du fluide est homogène et caractérisée par un nombre
14. Masse volumique, rapport masse/volume.
15. Leucyppe (460-370 av. J.C.) est un philosophe présocratique et le maître de Démocrite.
16. Démocrite (460-370 av. J.C.) est un philosophe présocratique.
17. L’hypothèse atomique s’oppose à une explication basée sur la physique d’Aristote (384-322
av. J.C.), philosophe grec et disciple de Platon (∼ 428-348 av. J.C.), qui affirmait que toute chose
sur Terre (le monde sublunaire) était formée à partir de quatre éléments, le feu, l’eau, l’air et la
terre ainsi que quatre propriétés, humide et son contraire sec, chaud et son contraire froid. Cette
physique qualitative et non quantitative est basée sur la logique développée par Aristote.
18. J’emploie pour cette leçon le terme particule indifféremment pour atome et molécule.
6
restreint de grandeurs physiques, la température, le volume spécifique et la pression.
Ces grandeurs ne sont pas attribuées à une particule isolée, mais concernent l’état
physique de toute la collection des particules (plus de 1023 particules) constituant le
fluide ; par exemple la température est une mesure de l’agitation de ces particules.
Tout autre est la description du fluide si on l’observe à l’échelle microscopique, i.e. à
une échelle où l’on distingue les particules (voir figure 4). Pour cela il faut examiner
le fluide avec un microscope qui permet d’obtenir un agrandissement d’environ un
milliard de fois. L’état du fluide à cette échelle et à un instant donné est spécifié
en donnant toutes les positions et toutes les vitesses des particules, qui sont des
grandeurs physiques attachées à chaque particule individuellement 19.
Figure 4. Fluide agrandi un milliard de fois. A gauche la phase gazeuse et à droite la phase liquide en un point de transition de phase.
L’explication de Cornelio est purement qualitative. Il ne déduit pas, à partir
de l’hypothèse atomique, que la condensation a lieu pour des valeurs précises de la
température et de la pression, ni qu’il y a coexistence des phases liquide et gazeuse.
A la fin du XVIIe siècle un tournant essentiel a lieu : la publication de l’oeuvre monumentale de Newton 20, les Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (1686). La
physique dite classique que l’on enseigne aujourd’hui est fondée sur ce texte majeur.
Voici comment s’exprime Newton dans la préface des Principia [N] :
... toute la difficulté de la Philosophie paraît consister à trouver les forces
qu’emploie la nature, par les Phénomènes du mouvement que nous connaissons, et
à démontrer ensuite, par là, les autres Phénomènes 21. [...] Il serait à désirer que les
autres Phénomènes que nous présente la nature, pussent se dériver aussi heureusement des principes mécaniques : plusieurs raisons me portent à soupçonner qu’ils
dépendent tous de quelques forces dont les causes sont inconnues, et par lesquelles
les particules des corps sont poussées les unes vers les autres, et s’unissent en figures
régulières ou sont repoussées et se fuient mutuellement ; et c’est l’ignorance où l’on
a été jusqu’ici de ces forces, qui a empêché les Philosophes de tenter l’explication
de la nature avec succès. J’espère que les principes que j’ai posés dans cet Ouvrage
pourront être de quelque utilité à cette manière de philosopher, ou à quelque autre
plus véritable, si je n’ai pas touché au but.
19. Un tel système est classé parmi les système à “une infinité” de degrés de libertés.
20. Isaac Newton (1643-1727), philosophe, mathématicien, physicien, alchimiste anglais.
21. Dans les Principia, après avoir déterminé la force de gravitation, Newton déduit à partir
de celle-ci les mouvements des planètes, des comètes, de la lune et de la mer.
7
Le contraste entre l’explication qualitative de Cornelio et les Principia, traité de
physique mathématique avec définitions, théorèmes et démonstrations, est immense.
Dans cette préface Newton exprime une position mécaniste et réductioniste, qui
consiste à expliquer un phénomène physique à partir de la connaissance des forces 22
qui agissent entre les particules. C’est l’approche généralement adoptée depuis en
physique. Dans notre cas cela revient à poser la question suivante : peut-on expliquer
le phénomène macroscopique de condensation, non seulement qualitativement mais
aussi quantitativement, si l’on connaît les interactions entre les particules au niveau
microscopique ?
4. XIXe siècle, l’équation de van der Waals
La loi des gaz parfaits de Boyle 23 et de Mariotte 24 est une des lois que l’on
apprend dans un premier cours de chimie ou de thermodynamique :
pV = RT .
V est le volume du gaz pour une mole et R est la constante des gaz parfaits 25. On
obtient immédiatement l’équation d’une isotherme, pV = const. : plus le volume
diminue, plus la pression augmente. Il n’y a pas de phénomène de condensation.
Cela est facile à comprendre puisque l’on peut déduire cette loi à partir du fait que
le gaz est formé de particules qui n’interagissent pas entre elles.
En 1873 van der Waals 26 défend sa thèse de doctorat 27 à l’université de Leiden,
dont le titre en anglais est : On the Continuity of the Gaseous and Liquid States ([W1]
et [Ro]). C’est le même titre que celui de l’article [An] d’Andrews. Maxwell 28 a écrit
une longue revue de ce travail dans Nature [M3]. Même s’il n’est pas d’accord avec
van der Waals sur certains points, après avoir résumé l’état du sujet, il commence
sa critique ainsi :
Monsieur Van der Waals, en abordant ce sujet d’étude très difficile, a très bien
compris son importance dans l’état actuel de la science ; beaucoup de ses recherches
sont menées de manière extrêmement originales et claires ; et il propose sans cesse
des idées nouvelles et suggestives ; ainsi il ne peut y avoir aucun doute que son nom
figurera bientôt au tout premier plan en science moléculaire.
22. Newton n’explique pas la cause de la gravitation : [...] je considère ces forces mathématiquement et non physiquement ; ainsi le Lecteur doit bien se garder de croire que j’aie voulu désigner
par ces mots une espèce d’action, de cause ou de raison physique, et lorsque je dis que les centres
attirent, lorsque je parle de leurs forces, il ne doit pas penser que j’aie voulu attribuer aucune force
réelle à ces centres que je considère comme des points mathématiques [N] p.51-52.
23. R. Boyle (1627-1691) chimiste et physicien irlandais.
24. E. Mariotte (1620-1684) botaniste et physicien français.
25. R = kB NA , kB la constante de Boltzmann et NA le nombre d’Avogadro, NA ' 6.02 × 1023 .
26. J.D. Van der Waals (1837-1923) est un physicien néerlandais.
27. Van der Waals n’a pas appris le latin à l’école et c’est pourquoi il n’a jamais pu s’immatriculer comme étudiant à l’université. Grâce à un changement de législation il a pu soutenir sa thèse
en 1873. Quatre ans plus tard il a été nommé professeur de physique à l’université d’Amsterdam
([Ro] p.11). Sa thèse a été traduite en allemand (1881), anglais (1890) et français (1894). Elle a
été republiée en anglais dans [Ro].
28. J.C. Maxwell (1831-1879), physicien et mathématicien écossais, est l’un des scientifiques
les plus influents du XIXe siècle, connu pour ses travaux fondamentaux en électricité et magnétisme
ainsi qu’en théorie cinétique des gaz.
8
Van der Waals était convaincu de l’hypothèse atomique. Pour lui les molécules
ne sont pas une abstraction. Dans sa thèse il écrit ceci :
... les molécules doivent être considérées non comme simplement des centre de
masse, mais comme des agrégats formés d’atomes de la même manière que de plus
grandes masses de matière sont formées de molécules. ([Ro] p.160.)
De même, à la fin de son discours pour la remise du prix Nobel en 1910 :
... durant toutes mes études j’étais tout à fait convaincu de l’existence réelle
des molécules, et je ne les ai jamais regardées comme le fruit de mon imagination,
ni même comme centre des forces. Je les considérais comme de vrai corps, ainsi
ce que nous nommons “corps” dans le langage de tous les jours devrait être plutôt
appelé “pseudo corps”. C’est un agrégat de corps [i.e. de molécules] et de vide. Nous
ne connaissons pas la nature d’une molécule d’un seul atome chimique. Il serait
prématuré de chercher une réponse à cette question, mais d’admettre notre ignorance
n’altère aucunement la croyance en leur existence réelle. (voir [W2].)
Van der Waals est intéressé en premier lieu à la pression interne qui résulte
des forces d’attractions des molécules entre elles et qui sont à l’origine de la cohésion
des molécules dans l’état liquide. A partir d’une analyse de la pression interne et de
travaux de Clausius 29 sur la théorie cinétique des gaz, il obtient sa fameuse équation
d’état
p+
a (V − b) = RT .
V2
Figure 5. Une isotherme de l’équation de van der Waals. Entre p−
et p+ une droite horizontale passant par p̂ coupe l’isotherme en trois
points P1 , P2 et P3 .
Dans cette équation V est le volume pour une mole de substance. Le terme a/V 2
donne la pression interne du gaz due aux forces attractives entre les molécules et la
constante b est directement liée au fait que les molécules ont une étendue spatiale
intrinsèque. Le fait remarquable de cette équation est qu’elle prédit l’existence d’un
29. R. Clausius (1822-1888) physicien et mathématicien allemand. C’est un des fondateurs
de la thermodynamique ; en particulier il formule le second principe de la thermodynamique et
introduit la notion d’entropie.
9
point critique 30. Par contre, en dessous de la température critique Tc les isothermes
ont l’allure indiquée sur la figure 5 et ne reproduisent pas les isothermes expérimentales d’Andrews. L’équation d’état de van der Waals ne permet pas de déterminer
la valeur de la pression p∗ pour laquelle la transition gaz-liquide, observée expérimentalement par Andrews, a lieu. Une isotherme comme celle de la figure 5 avait
été conjecturée deux ans auparavant en 1871 par Thomson 31 sur la base du travail
d’Andrews [T].
Pour bien comprendre l’interprétation des isothermes obtenues par van der
Waals il faut revenir aux résultats expérimentaux d’Andrews [An] et ne reporter
sur l’isotherme de la figure 2 que les points où le CO2 est dans une phase pure. Le
volume en fonction de la pression présente, à la transition de phase, une discontinuité
qui est manifeste sur la figure 6. Thomson suggère qu’il est possible que l’on puisse
Figure 6. L’isotherme expérimentale d’Andrews où l’on a tenu
compte uniquement des points où le système se trouve dans une phase
pure.
rétablir théoriquement la continuité 32 et propose une isotherme comme sur la figure
5. Dans son livre sur la théorie de la chaleur [M1], publié également en 1871, Maxwell
discute en détail l’expérience d’Andrews et les idées toutes récentes de Thomson,
avant même leur publication. Maxwell et Thomson estiment tous les deux que la
détermination de l’unique valeur p∗ de la pression, pour laquelle le gaz et le liquide
coexistent, est un problème important. L’équation d’état de van der Waals ne donne
que l’information p− < p∗ < p+ . Van der Waals connaît les références [T] et [M1], et
il apprécie le travail de Thomson qui a conçu l’heureuse idée de construire la partie
30. Le point critique est caractérisé par
Vc = 3b
TC =
8a
27bR
PC =
a
.
27b2
On peut exprimer les coefficients a et b ainsi
a=
27R2 TC2
64PC
b=
RTc
.
8PC
31. James Thomson (1822-1892), physicien et ingénieur anglais, frère aîné de Lord Kelvin
(William Thomson (1824-1907)).
32. Dans [T] Thomson écrit : ...although there is a practical breach of continuity in crossing
the line of boiling-points from liquid to gas or from gas to liquid, there may exist, in the nature of
things, a theoretical continuity across this breach having some real and true significance.
10
de l’isotherme pour des volumes inaccessibles à l’expérience ([Ro] p.196.). Il reprend
les idées de Thomson et attribue le point P1 de la figure 5 à une phase liquide et le
point P3 à une phase gazeuse.
Ce n’est qu’à la fin de l’année 1874 que Maxwell, dans une lettre à Tait 33 datée
du 28 décembre, annonce sa règle des aires et la justifie de la manière suivante ([H]
p.155-156) :
Do this by Carnots cycle. That I did not do it in my book shows my invicible
stupidity.
Désormais, dans tous les livres de mécanique statistique, l’isotherme de l’équation
de van der Waals est complétée comme sur la figure 7 et son interprétation retenue
est celle donnée par Thomson. Les points sur l’isotherme entre F et
Figure 7. Règle de Maxwell pour déterminer p∗ : les aires a1 et a2
sont égales.
E, respectivement B et C, représentent des états métastables 34. Les points situés
entre E et C (par exemple le point P2 de la figure 5) ne peuvent par contre pas
représenter des états observables directement car ils sont instables puisque la pression
augmente avec le volume. Cette partie EDC de l’isotherme est souvent qualifiée de
non physique, en suivant essentiellement Maxwell. Cette conclusion est rejetée par
Thomson et van der Waals. Thomson suggère que de tels états peuvent apparaître à
l’interface entre le liquide et le gaz 35. Dans la théorie des interfaces et de la tension
superficielle de van der Waals, qui est une de ses autres contributions importantes
à la physique, cette partie instable de l’isotherme joue un rôle essentiel. Ces mêmes
idées sont reprises dans la théorie de Cahn-Hilliard [CH] en 1958.
33. P.G. Tait (1831-1901) physicien et mathématicien écossais.
34. Entre F et E le liquide est “surchauffé” et entre B et C le gaz est “sous-refroidi” ou
“sursaturé”. Il faut cependant noter que l’argumentation théorique est plutôt mince. Le travail [T]
de Thomson est spéculatif et l’équation de van der Waals ne permet pas de distinguer par exemple
un point entre B et C, représentant un état métastable, du point B où le système est dans un état
thermodynamique d’équilibre lorsque la transition de phase a lieu.
35. Dans son livre sur la théorie de la chaleur, [M1] p.127, Maxwell écrit : the portion of
the isothermal curve EDC, can never be realised in a homogeneous mass, for the substance is
then in an essentially unstable condition, since the pressure increases with the volume. We cannot,
therefore, expect any experimental evidence of the existence of this part of the curve, unless, as Prof.
J. Thomson suggests, this state of things may exist in some part of the thin superficial stratum of
transition from a liquid to its own gas, in which the phenomena of capillarity take place.
11
5. XXe siècle, Mayer et la mécanique statistique
Dans la deuxième moitié du XIXe siècle prend naissance une nouvelle branche
de la physique, la mécanique statistique, dont les principaux acteurs sont Maxwell,
Boltzmann 36 et Gibbs 37. Cette branche utilise des concepts de la théorie des probabilités afin d’obtenir la thermodynamique 38 à partir de la description au niveau
microscopique, en termes de positions et vitesses des particules et des forces d’interactions entre les particules. C’est tout à fait remarquable que l’on puisse obtenir la
description macroscopique d’un système, en termes de quelques grandeurs physiques
comme la pression et la température, lorsque celui-ci est à l’équilibre thermodynamique, sans devoir considérer les équations du mouvement des particules au niveau
microscopique. La formule principale de la mécanique statistique est celle donnant
la fonction de partition 39 (écrite ici dans une version discrète),
Z=
X
e−βE(ω) ,
β = (kB T )−1 ,
(?)
états ω
où T est la température absolue et kB la constante de Boltzmann. A partir de Z
on peut calculer l’énergie libre qui décrit le comportement thermodynamique du
système. Au début du XXe siècle les principes de base de la mécanique statistique
sont établis et exposés dans une monographie importante de Gibbs [Gi] dont la première édition date de 1901. Conceptuellement c’est un progrès considérable, puisque
l’on a maintenant à disposition une méthode générale pour aborder des questions
telles que celle formulée à la fin de la section 3 : grâce à la formule (?) on peut
passer d’une description microscopique (membre de droite de (?)) à une description
macroscopique (membre de gauche), lorsque le phénomène étudié est décrit par la
thermodynamique de l’équilibre.
Progressivement les transitions de phase sont étudiées dans le cadre de la
mécanique statistique. Pratiquement, concernant le problème de la condensation, les
progrès sont beaucoup moins spectaculaires, car il n’est pas possible en général de
calculer la fonction de partition Z. La plupart des travaux concernent des situations
où la densité des particules est faible et pour lesquelles on peut utiliser des méthodes
36. L. Boltzmann (1844-1906) physicien autrichien.
37. J.W. Gibbs (1839-1903) physicien et mathématicien américain.
38. La thermodynamique est la branche de la physique qui décrit comment l’énergie se transforme lors de processus macroscopiques en énonçant deux principes fondamentaux. Elle établit
aussi les conditions physiques pour avoir des transitions de phase. L’étymologie du mot “thermodynamique” provient de thermo-, du grec θερµóς (thermos) “chaud”, et de dynamique, du grec
δυναµικóς (dunamikos) “fort, puissant”. Un mémoire important à l’origine de cette branche de la
physique est celui de Sadi Carnot (1796-1832), physicien et ingénieur français, sur les machines à
vapeur et qui s’intitule Réflexions sur la puissance motrice du feu et sur les machines propres à
développer cette puissance. (1824). Ce mémoire explique comment on peut obtenir de la puissance
ou du travail à partir de la chaleur.
39. En allemand la terminologie est plus explicite, Zustandssumme. La sommation dans la
formule (?) est sur tous les états microscopiques ω compatibles avec les conditions macroscopiques
du système et E(ω) est l’énergie associée à l’état ω. Il y a une version de (?) où la somme est
remplacée par une intégrale. En mécanique quantique on a une formule similaire où la somme est
remplacée par une trace. Une autre formule fondamentale est celle de Boltzmann,
S = kB ln W ,
qui exprime l’entropie S d’un système à l’équilibre thermodynamique à partir du nombre d’états
microscopiques W associés à l’état macroscopique du système.
12
perturbatives pour évaluer la fonction de partition. Un exemple est le développement
du viriel, qui exprime la pression en fonction du volume spécifique, v = V /N , V étant
le volume occupé par N particules,
p
1 X bi (T )
= +
.
kB T
v i≥2 v i
Qualitativement, la théorie de van der Waals reste insurpassable pendant de nombreuses années. La complexité du problème se reflète aussi dans la difficulté à rendre
compte correctement des progrès accomplis par de nombreux auteurs. Cependant
le travail de Mayer 40 [Ma], ainsi que ceux qui suivent à partir de 1937, constituent
incontestablement un tournant dans notre compréhension du phénomène de condensation. L’importance de ces travaux est d’avoir relancé, et orienté différemment, la
recherche théorique plus d’un demi-siècle après la thèse de van der Waals.
Dans son travail de 1937 [Ma] Mayer part de la formule (?), lorsque le fluide est
un gaz de faible densité, à basse température. Ses principales conclusions 41 concernant les isothermes du fluide sont :
a) il existe une valeur déterminée VG telle que la fonction V 7→ p(V ), V > VG ,
donne l’isotherme de la phase gazeuse ;
b) pour V < VG la pression reste constante, et par conséquent la condensation
a lieu pour cette valeur p∗ de la pression.
Les conséquences principales de cette analyse par rapport à la théorie de van
der Waals sont : 1) on peut déterminer la pression p∗ pour laquelle la condensation
a lieu à partir de la formule (?) ; 2) on n’obtient pas à partir de la formule (?)
un prolongement de l’isotherme de la phase gazeuse, qui correspondrait à des états
métastables du gaz sursaturé.
Figure 8. Une isotherme obtenue par Mayer lorsqu’il y a condensation pour la pression p∗ .
Le travail de Mayer [Ma] n’est pas un travail de mathématique, mais il a attiré
tout de suite l’attention. Born 42 et Fuchs 43 écrivent un article [BF], qui simplifie
40. J.E. Mayer (1904-1983) est un chimiste américain.
41. Le modèle des gouttelettes, qui sera proposé par plusieurs auteurs juste après le papier de
Mayer [Ma], est un modèle-jouet qui permet la mise en oeuvre concrète des idées de Mayer [Fis].
42. M. Born (1882-1970) physicien allemand, prix Nobel de physique en 1954.
43. K. Fuchs (1911-1988) physicien théoricien allemand. Il a fourni des informations nucléaires
à l’URSS et a été condamné comme espion en 1950.
13
et clarifie certains aspects du travail de Mayer. Born donne un compte-rendu [B]
de leur papier à la conférence d’Amsterdam de novembre 1937 en l’honneur du
centième anniversaire de la naissance de van der Waals. Dans l’introduction de sa
communication il s’exprime ainsi 44 :
Je considère ce travail comme une contribution de la plus haute importance
au développement de la théorie de van der Waals, qui doit être présentée à cette
conférence, même si les méthodes de Mayer sont plutôt difficiles à comprendre et ses
résultats pas entièrement satisfaisants. [...] En principe, les méthodes de mécanique
statistique devraient donner une formule précise [pour les isothermes] si la loi des
forces entre les molécules est donnée. [...] Le travail de Mayer est une tentative de
résoudre le problème général de van der Waals rigoureusement du point de vue de la
statistique classique pour n’importe quelle loi de force centrale, et s’il n’a pas encore
réussi complètement, je considère que c’est un grand pas en avant.
D’autres travaux suivront rapidement 45. Lors du congrès d’Amsterdam un débat très animé pendant la session consacrée à la transition gaz-liquide eut lieu,
afin de savoir si à partir de la fonction de partition on pouvait réellement calculer (en principe) une isotherme associée au phénomène de condensation. En effet,
contrairement à la théorie de van der Waals, Mayer n’obtenait pas la partie de
l’isotherme correspondant à la phase liquide. Sommerfeld 47, figure importante de la
physique du début du XXe siècle, pensait que la fonction de partition ne pouvait
pas décrire la coexistence de plusieurs phases 48. Kramers 49, qui était le président
de séance, expliqua à cette occasion que la thermodynamique pouvait être obtenue
à partir de la fonction de partition à condition que l’on prenne la limite thermodynamique, c’est-à-dire la limite où le nombre de particules du système tend vers
l’infini 50. La discussion sur le mécanisme précis de la condensation restant confus,
Kramers proposa de voter sur la question si l’on pouvait expliquer le phénomène
de condensation uniquement à partir de la fonction de partition ! Le vote fut sans
conclusion véritable.
46
Un aspect intéressant et très important, que je laisse ici de côté, est le rôle de
l’étude de modèles simplifiés, pour lesquels on peut obtenir des résultats mathématiques . Le plus célèbre d’entre eux est le modèle d’Ising 51. En raison de la difficulté
à calculer la fonction de partition sans faire des approximations incontrôlables, les
résultats mathématiques obtenus ont joué un rôle décisif dans la compréhension
théorique des transitions de phase [Dr]. S’il ne fallait citer qu’un seul travail de ce
44. Voir aussi [BF] p.391.
45. Thèse de Kahn (1938) [K], Kahn et Uhlenbeck (1938) [KU] par exemple.
46. Concernant ce débat voir [Dr] et [BF].
47. A. Sommerfeld (1868-1951) physicien théoricien allemand.
48. Voir également à ce sujet l’introduction de [DB].
49. H.A. Kramers (1894-1952) physicien théoricien néerlandais.
50. Dans notre cas cela signifie que N → ∞ et V → ∞, mais V /N = v reste fixé ; on étudie la
pression comme fonction de v.
51. Modèle d’Ising est la terminologie usuelle. E. Ising (1900-1998), élève de W. Lenz (18881957), a résolu le modèle proposé par Lenz dans le cas unidimensionnel [Is]. Ce modèle a été
rapidement supplanté par celui d’Heisenberg (Heisenberg-Dirac dans l’ancienne littérature) qui
tient compte des effets quantiques essentiels pour expliquer le magnétisme. Le modèle d’Ising est
cependant resté comme un modèle théorique, avec plusieurs interprétations différentes : celle d’un
gaz sur réseau ou d’un alliage de deux composants. Il deviendra un modèle essentiel en physique
statistique après le travail d’Onsager [O].
14
type, c’est évidemment celui de Lars Onsager 52 [O], donnant la solution du modèle
d’Ising en dimension deux, qui vient à l’esprit. En mécanique statistique un modèle
n’est pas nécessairement étudié parce qu’il modélise une situation spécifique concrète
de la physique, mais parce qu’il permet d’approfondir la compréhension qualitative
d’une idée ou d’un phénomène physique.
A partir du début des années 1950, les questions soulevées au congrès d’Amsterdam ne sont plus d’actualité. Il y a en gros un consensus sur les points suivants,
à l’exception du point 4 :
1) le point de transition de phase, où a lieu la condensation, correspond à une
singularité de la pression 53, et il est nécessaire de prendre la limite thermodynamique ;
2) la fonction de partition suffit pour obtenir une isotherme ; dans la limite
thermodynamique on peut obtenir les trois parties (analytiques) de l’isotherme ;
3) la théorie de van der Waals, et d’une manière générale les théories dites du
champ moyen, ne sont que des théories approximatives ; elles ne sont pas correctes
au voisinage du point critique 54 ;
4) à partir de la fonction de partition, dans la limite thermodynamique, on obtient seulement les états d’équilibre thermodynamique et non les états métastables.
Figure 9. Isothermes pour un fluide simple au point de condensation.
Les parties traitillées correspondent aux états métastables.
Le point 4) est le point où il n’y a pas consensus. Le fait que la pression a une
singularité au point de condensation (par rapport au potentiel chimique) n’exclut
pas le prolongement analytique de l’isotherme V 7→ p(V ), V ≥ VG , correspondant
au gaz, pour des valeurs V inférieures à VG . Si un tel prolongement avait lieu, en suivant Thomson, les points de ce prolongement représenteraient des états métastables.
52. L. Onsager (1903-1976) est un chimiste et physicien théoricien norvégien. Il a reçu le prix
Nobel de chimie en 1968.
53. La pression est ici considérée comme fonction du potentiel chimique. La pression est nonanalytique pour la valeur du potentiel chimique à la transition de phase. (Voir C.N. Yang, T.D.
Lee, Statistical Theory of State and Phase Transition I, Phys. Rev. 87, 404-409 (1952).)
54. La théorie des phénomènes critiques vient plus tard, au début des années 1970 avec la
notion de classe d’universalité. On sait cependant déjà que les théories de champ moyen ne décrivent
pas le voisinage du point critique correctement ; les exposants critiques de ces théories ne sont ni
ceux que l’on observe expérimentalement, ni ceux que l’on peut calculer dans le modèle d’Ising.
15
Par conséquent, dans ce cas les états métastables pourraient être obtenus à partir
de la fonction de partition par prolongement analytique. Les travaux de Mayer, et
ceux sur le modèle des gouttelettes (voir note 41) entre autres, suggèrent la conjecture suivante, que je formule ainsi pour cette leçon (voir [Fis] pour la formulation
originale) :
« Conjecture de Mayer » : la partie de l’isotherme correspondant au gaz est donnée
par la fonction analytique, V 7→ p(V ), V > VG ; en VG cette fonction ne peut pas
être prolongée analytiquement pour des valeurs de V inférieures à VG .
Fisher a formulé cette conjecture en 1962. La terminologie « conjecture de
Mayer » est de Fisher. Il a analysé cette conjecture dans [Fis]. Voir aussi [A].
6. Mécanique statistique rigoureuse
C’est dans les années 1960 qu’en physique mathématique 55 on a commencé
à étudier systématiquement les problèmes de base de la mécanique statistique en
relation avec les transitions de phase, afin d’obtenir sous une forme mathématiquement rigoureuse les principaux résultats de la mécanique statistique énoncés à la fin
du paragraphe précédent. Au départ la communauté des physiciens mathématiciens
travaillant sur ces questions était relativement petite et concentrée principalement
en Europe 56. C’est à cette époque que le travail précurseur de Peierls [P] de 1936 sur
l’existence d’une transition de phase 57 dans le modèle d’Ising a été redécouvert et a
été une source d’inspiration féconde. La monographie de Ruelle, Statistical Mechanics [Ru3], qui a eu un énorme impact sur le domaine, contient une grande partie
des résultats de cette direction nouvelle de recherche en physique mathématique
jusqu’en 1968-69. La particularité de cette démarche est avant tout de comprendre
la mécanique statistique, plutôt que de résoudre un problème particulier. Dans cette
période initiale on étudie des questions de base comme l’existence de la limite thermodynamique, on réexamine le développement du viriel, le développement de Mayer,
les équations de Kirkwood, l’existence de transition de phases dans des modèles. Un
accomplissement remarquable de cette période est la dérivation des isothermes de
la théorie de van der Waals-Maxwell à partir des principes de base de la mécanique
statistique dans la limite de Kac 58. Cette période est marquée par un foisonnement
d’idées et de diverses méthodes mathématiques et par beaucoup de créativité. Il est
tout à fait remarquable que les résultats obtenus ont eu une influence importante
dans de nombreux autres domaines 59.
55. Le domaine à la mode en physique mathématique au début des années 1960 était la théorie
quantique des champs.
56. Cette direction de recherche en physique mathématique était très présente dans le Laboratoire de Physique Théorique de l’EPFL situé alors à l’Avenue de l’Eglise Anglaise (Ch. Gruber,
H. Kunz, P.-A. Martin).
57. Au début de [P] Peierls écrit : The Ising model is therefore now only of mathematical
interest. Since, however, the problem of Ising’s model in more than one dimension has led to a
good deal of controversy ...., it may be worth while to give its solution.
58. C’est la limite où les interactions ont une portée infiniment longue et sont infiniment faibles
[vK], [KUH] et [LP].
59. En plus des domaines considérés aux paragraphes suivants, on peut citer la théorie
constructive des champs euclidiens, des problèmes d’optimisation (via l’étude des états fondamentaux en prenant la limite de la température vers zéro), le traitement d’images digitales. Récemment,
certaines idées inspirées par les théories de champ moyen ont fait leur apparition dans la théorie
des jeux. (La théorie de van der Waals est un exemple de théorie de champ moyen.)
16
Une des questions considérées pendant ces années est celle de la caractérisation mathématique des états d’équilibre dans la limite thermodynamique 60. En
mécanique statistique quantique c’est la notion d’état KMS 61 [HHW] qui a émergé
et qui est une notion importante de la théorie des algèbres d’opérateurs. Dans le
cas classique, deux notions, qui ne sont pas équivalentes, ont été proposées : d’une
part la mesure de probabilité de Gibbs par Dobrushin 62 [Do] et par Lanford 63 et
Ruelle [LR], d’autre part la mesure d’équilibre qui est caractérisée par un principe
variationnel (Ruelle [Ru2], voir section 7). La définition des mesures de Gibbs est
rapidement devenue une notion standard en théorie des probabilités ; la mécanique
statistique mathématique (dans le cas classique) est maintenant principalement développée dans le cadre de la théorie des probabilités, et en constitue un chapitre
important. C’est un aboutissement, somme toute assez naturel. Vingt ans après la
monographie de Ruelle [Ru3], la plupart des résultats obtenus pendant cette période
sont exposés dans le traité de Georgii, Gibbs Measures and Phase Transitions [G],
qui est un livre écrit par un probabiliste, pour les probabilistes. Comme le titre
l’indique, les thèmes de ce livre sont directement empruntés à la physique.
Un autre apport de l’étude mathématique de la mécanique statistique, que je
mentionne ici seulement en passant, est une nouvelle manière d’aborder la théorie
des grandes déviations 64. Lanford a montré dans son cours Entropy and Equilibrium
States in Classical Statistical Mechanics (1971) [L], qui reprend et amplifie des idées
de Ruelle [Ru1], comment les estimations des grandes déviations pour l’exemple
classique des variables aléatoires indépendantes de Bernoulli peuvent être obtenues
en considérant ces variables aléatoires comme un modèle de mécanique statistique et
en calculant l’entropie thermodynamique de ce modèle. Ces idées ont eu rapidement
une influence significative sur le sujet 65.
7. Conclusion
Revenons à l’influence de la mécanique statistique dans la théorie des systèmes
dynamiques. Une première version du théorème 1.1 est due à Ruelle [Ru4]. Le théorème 1.1 est la version pour les systèmes dynamiques du principe variationnel de
la mécanique statistique. La fonction Z(n, ε) remplace la fonction de partition et
P (T, f ) est la pression topologique, qui garde ainsi dans son appelation une trace
de l’origine de sa définition. Les limites n → ∞ et ε → 0 correspondent à la limite
60. Pour une exposition complète voir [Isr].
61. Pour les physiciens R. Kubo (1920-1995), P.C. Martin (1931) et J. Schwinger (1918-1994),
prix Nobel de physique en 1965.
62. R.L. Dobrushin (1929-1995) mathématicien russe.
63. O. Lanford (1940-2013), mathématicien américain.
64. R.A. Minlos (1931), mathématicien russe, traite dans son cours Lectures on Statistical
Physics, paru dans Russian Mathematical Surveys [Mi], les fondements de la physique statistique
du point de vue des mathématiques, et met en évidence l’importance de la théorie des grandes
déviations pour justifier l’interprétation des valeurs moyennes calculées en mécanique statistique
comme valeurs mesurées expérimentalement.
65. R.R. Bahadur, S.L. Zabel, Large deviations of the sample mean in general vector spaces
[BZ] et R. Azencott, Grandes déviations et applications [Az]. Ces travaux considèrent des variables
aléatoires indépendantes dans des espaces vectoriels topologiques. Une exposition récente de la
théorie dans le cas des variables aléatoires indépendantes est donnée dans la monographie de R.
Cerf [Ce]. Pour le cas des variables aléatoires dépendantes, traité dans l’esprit de la mécanique
statistique, voir [LPS] et [Pf].
17
thermodynamique. La fonction f dans ce théorème remplace l’interaction en physique. Le suprémum donnant la pression peut être pris sur les mesures ergodiques
seulement. Si µ 7→ hµ (T ) est semi-continue supérieurement, il y a toujours au moins
une mesure réalisant le suprémum. Une telle mesure est un état d’équilibre. Lorsqu’il
y a plusieurs mesures d’équilibre, on parle de transition de phase. En mécanique statistique les mesures d’équilibre ergodiques représentent les phases pures homogènes
(gaz, liquide). Une situation qui n’est pas décrite par une mesure ergodique est celle
dans l’expérience d’Andrews où il y a séparation des phases liquide et gazeuse en
V = V 0 (voir figures 2 et 3).
Le cas sans interaction du théorème 1.1, f ≡ 0, est intéressant (contrairement
à la situation équivalente en mécanique statistique) : la pression topologique est
alors l’entropie topologique [AKM], qui est une mesure de la complexité du système
dynamique (X, T ), et le théorème 1.1 donne la relation importante entre l’entropie
topologique et l’entropie métrique,
htop (T ) = sup hµ (T ) | µ ∈ M (X, T ) ,
qui a été établie par Dinaburg en 1968, et en toute généralité par Goodman en 1970
(voir [Wa2]). Le théorème 1.1 est une extension naturelle de ces résultats, mais la
caractérisation variationnelle de l’entropie topologique n’a pas été inspirée par la
mécanique statistique.
Un résultat du même type, obtenu en collaboration avec W. Sullivan en 2007,
concerne l’analyse multifractale des moyennes ergodiques ; il s’agit de calculer l’entropie topologique 66 des ensembles de niveau
n
o
1
Ka := x0 ∈ X : lim (Sn f )(x0 ) = a , a ∈ R .
n n
67
Sous des conditions appropriées pour le système dynamique (X, T ), l’entropie
topologique de Ka est également donnée par un principe variationnel [PS] :
Z
n
o
htop (T, Ka ) = sup hµ (T ) µ ∈ M (X, T ) et
f dµ = a .
Retour sur deux points importants laissés en suspens.
1) La « conjecture de Mayer » (voir fin de la section 5) concernant l’absence de
prolongement analytique des isothermes au point de transition de phase (voir section
5), est restée ouverte pendant de nombreuses années malgré plusieurs travaux sur ce
sujet. Ce n’est qu’en 1984 qu’une percée remarquée a été accomplie par Isakov [I],
qui a montré qu’il n’y a pas de prolongement analytique des isothermes du modèle
d’Ising au point de transition de phase à basse température. Ce travail a été considéré à l’époque comme un véritable tour de force. Ce n’est que vingt ans plus tard,
66. Voir [Bow1] ; si E ⊂ X, la définition de htop (T, E) est semblable à celle de la dimension
de Hausdorff, mais en faisant intervenir explicitement la dynamique (via la métrique définissant
les boules des recouvrements). Lorsque E = X on obtient l’entropie topologique définie par Adler,
Konheim et McAndrew dans [AKM], htop (T, X) = htop (T ).
67. Il suffit que pour chaque µ ∈ M (X, T ), htop (T, Gµ ) = hµ (T ), où Gµ est l’ensemble des
points génériques de µ. L’essentiel du travail [PS] est de caractériser les systèmes dynamiques pour
lesquels cette condition est vérifiée. Par exemple tous les β-shifts vérifient la condition htop (T, Gµ ) =
hµ (T ). Sous des hypothèses différentes ce résultat avait été obtenu d’une autre manière par Takens
et Verbitskiy [TV].
18
en 2003, que ce résultat a été considérablement étendu par Sacha Friedli dans sa
thèse de doctorat 68 [Fr]. En dépit d’importants travaux, en particulier celui de Penrose 69 et Lebowitz 70 [PL], on n’a toujours pas une compréhension théorique vraiment
satisfaisante des états métastables du point de vue de la thermodynamique 71.
Figure 10. Isothermes pour un fluide simple. Le point P est le point critique.
2) On ne sait toujours pas construire un modèle simple pour un fluide, en
donnant les interactions entre les particules, et démontrer, uniquement à partir des
principes de base de la mécanique statistique, que les isothermes sont comme ceux
de la figure 10 dans le voisinage du point critique, sans mentionner le problème de
l’existence de la phase solide !
Du point de vue de la physique mathématique, la position de Newton exprimée
dans la préface des Principia reste largement utopique. La question formulée à la fin
de la section 3 reste un défi pour la physique mathématique.
68. Friedli montre que le résultat d’Isakov est vrai en un point de la variété de coexistence
de deux phases, à basse température, pour n’importe quel modèle que l’on peut analyser par la
théorie de Pirogov-Sinai [S2]. Il étudie aussi la version du modèle d’Ising avec potentiels de Kac
de portée finie γ −1 , γ ∈ (0, γ0 ). Pour une température suffisamment basse, fixe et indépendante de
γ, il montre l’absence de prolongement analytique au point de transition de phase, quelle que soit
la portée du potentiel. De plus, on peut modifier les modèles, en excluant une classe appropriée
de configurations microscopiques, de telle sorte que 1) la pression du modèle modifié est aussi
proche que l’on veut de celle du modèle original pourvu que γ soit suffisamment petit ; 2) il y a
prolongement analytique des isothermes au point de transition des modèles modifiés.
69. O. Penrose (1929) physicien théoricien anglais.
70. J.L. Lebowitz (1930) physicien mathématicien.
71. La notion d’équilibre thermodynamique est une notion théorique, qui n’est pas facile à
définir. Dans [Fe], p.1, R. Feynman (1978-1988), physicien américain, prix Nobel de physique en
1965, introduit la notion d’équilibre thermodynamique ainsi : If a system is very weakly coupled
to a heat bath at a given “temperature,” if the coupling is indefinite or not known precisely, if the
coupling has been on for a long time, and if all the “fast” things have happened and all the “slow”
things not, the system is said to be in thermal equilibrium.
Une théorie complète des états métastables doit décrire à la fois leurs propriétés statiques
(il y a des substance dans des états métastables qui perdurent pendant des millions d’années), et
leurs propriétés dynamiques. Pour la physique des états métastables, voir [D] ; le chapitre 2 est
consacré à la description thermodynamique de ces états.
19
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