L`accès à l`eau dans le monde est un problème majeur

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L`accès à l`eau dans le monde est un problème majeur
Le problème de l’eau dans le monde,
bilan à la lumière de la conférence
de Mexico
L’accès à l’eau dans le monde est un problème majeur, non résolu dans de nombreux
pays, et souvent lié à la pauvreté. Malgré l’abondance de l’eau sur la planète, la quantité
d’eau douce disponible en représente une infime proportion. La gestion de la ressource
s’inscrit depuis une dizaine d’années dans les objectifs pour le millénaire.
1) L’eau : une ressource difficile d’accès dans de nombreuses régions
du monde
Rareté : 97.5% du volume d'eau de la planète sont des eaux salées. 70% des 2.5% de
l'eau douce restante sont gelées. L’eau douce disponible se réduit en fait à 40 000km3
soit 6700m3 par personne en moyenne exploitables dans des techniques économiques
raisonnables. Dans certaines zones (ex Afrique du Nord, Moyen Orient) le manque
d'eau et l'importante population ont fait chuter ce ratio à 1 250m3 par personne. C'est le
stress hydrique (plancher en dessous duquel le développement social et économique
n'est pas possible)
Inégale répartition : 12% de la population mondiale a moins de 2000m3 par
personne (70% des habitants du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, 25% des
habitants de, l'Afrique sub-saharienne (le Sahel par exemple), 20% des Européens
ouest et est (Belgique, Angleterre, ..), 5% des habitants de l'Asie de l'Est de l'Amérique
Latine). 6 pays reçoivent la moitié de l'eau douce disponible (Brésil, Russie, Chine,
canada, Indonésie, Etats-Unis) alors que des zones sont en stress hydrique (CalifornieMexique, Côte Ouest de l'Amérique du sud, Afrique, Proche et Moyen Orient, Asie
centrale, Iran, Pakistan, Inde de l'Ouest…)
Mauvaise qualité des eaux et pollution : 1.5 milliards de personnes sont affectées par
la dysenterie qui cause 5 millions de morts par an selon l'OMS. Les trois dernières
décennies ont été particulièrement calamiteuses pour l'eau (résurgence du choléra,
Fièvre typhoïde, Trachome…). L’eau est donc, avec la famine, une des grandes plaies
du siècle. Selon l’OMS 80% des maladies du monde en développement seraient liées à
la qualité de l'eau. Le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement est la
première cause de mortalité mondiale.
Usages de l’eau : Le premier consommateur en eau est l'agriculture qui utilise 70% des
volumes d'eau douce. Vient ensuite l'industrie (22%) et les 8% restants pour les usages
domestiques (seulement 1.5%* pour la boisson 1).
1
* cf étude PwC;
L'eau dans les villes : Le nombre de mégalopoles de plus de 10 millions d'habitants, une
vingtaine aujourd’hui, va doubler d'ici 20 ans. L’approvisionnement des villes et le
traitement des eaux usées accroissent le coût de l'eau : les infrastructures sont
importantes et les techniques plus sophistiquées dans les mégalopoles où l'eau reste
dans l'espace urbain et industriel sans être rejetée dans la nature.
L'eau source de conflit : La rareté de l'eau et son inégale répartition, mais aussi le fait
qu’il existe 215 fleuves transfrontaliers et que 32 % des frontières des Etats reposent
sur des supports hydrographiques, font de l’eau une cause de conflit majeure. L’Onu
recense 300 zones de conflits potentiels liés à l’eau (différend Israélo-palestinien , Iran
et Irak dans la région du Tigre et de l’Euphrate, hauts risques de conflit entre
l'Ouzbékistan, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan...)
L'accès à l'eau pour la population mondiale: 2.5 milliards de personnes ne
bénéficient d’aucun assainissement. 1.2 milliard de personnes vivent avec moins de
1 dollar par jour (extrême pauvreté) et le même nombre n'a pas accès à l'eau
potable. Dans les PED 2.5 milliards de personnes progressent vers la situation des
pays riches (la situation des plus avancés est comparable à celle des pays européens
dans les années 50). Seulement 2 milliards n'ont pratiquement pas de problème d'eau.
Le problème de l'eau à l'échelle mondiale est donc largement lié aux problèmes de
pauvreté et de développement. De nombreux pays ont des ressources en eau
avantageuses (ex : Indonésie, Chine) mais n'ont pas réglé le problème de l'accès à l'eau
potable pour leurs populations.
2) Depuis 10 ans, le début d'une politique mondiale de l'eau
Les initiatives multilatérales – global water initiatives– sont nombreuses. Après une
prise de conscience dans les années 70 avec les initiatives de l’UNESCO 2, les
gouvernements mondiaux ont commencé à reconnaître l’eau comme une ressource
essentielle pour la santé, la prospérité et la paix mondiales 3. La première action globale
est celle de Mar del Plata où l’on déclare que l’eau est un bien public auquel
chacun a droit.
Les initiatives institutionnelles
Avec la Décennie internationale de l'approvisionnement en eau potable et de
l'assainissement (1981-1990), initiative de l’ONU, l’objectif est de donner accès à l’eau
et l’assainissement à chaque individu. Un objectif qu’on était loin de réaliser, mais les
initiatives multilatérales se sont depuis multipliées :
2
La Décennie Internationale Hydrologique, 1965-1974, a été lancée par l’ONU pour stimuler
l’échange d’informations concernant le cycle de l’eau. Reconnue comme un succès la DIH devient en
1974 un Programme International Hydrologique (PIH) de l’UNESCO.
3
Ce n’est que en 1985 que l’UNESCO a pour la première fois déclaré l’eau comme la ressource la
plus précieuse du monde. (« water, the world’s most precious resource ») UNESCO, 1985
En 1992 la déclaration de Dublin a établi 4 grands principes : L'eau douce en tant que
ressource fragile et limitée indispensable à la vie, au développement et à
l'environnement, l’importance d’une gestion participative à tous les niveaux, le rôle
primordial des femmes dans la gestion de l’eau et la valeur économique de la
ressource, ce qui confirme son coût ( à l’opposé du principe de gratuité). Ces principes
sont réaffirmés et incorporés dans l'Agenda 21 du Sommet de la Terre de Rio en 1992
avec la Déclaration sur l'Environnement et le Développement.
En 1994, au Caire, lors de la Conférence internationale des Nations Unies sur la
population et le développement on reconnaît le lien entre l’eau et la pauvreté. En
1996 est créé le Conseil Mondial de l’Eau (CME), un centre de réflexion international
dont le siège est à Marseille et qui regroupe plus que 300 organisations de 50 pays. Il
organise le 1er Forum Mondial sur l’eau à Marrakech en 1997 qui sera suivi par le
2ème forum mondial de La Haye en 2000.
En 2000 les Objectifs Millénaires pour le Développement réaffirment la priorité
donnée à la pauvreté, ainsi qu’à l’eau et l’assainissement. En 2001 la Conférence
internationale sur l'eau douce de Bonn présente l’eau comme un élément clé du
développement durable dans la lutte contre la pauvreté4. En 2002 le Sommet mondial
sur le développement durable de Johannesburg complète l’OMD 7 sur l’accès à l’eau
potable par l’accès à l’assainissement et l’ONU déclare que le droit à l’eau est un Droit
de l’homme5. Le 3ième Forum Mondial de l’eau en 2003 à Kyoto insiste sur le rôle du
secteur privé (notamment par les PPP) pour le financement des infrastructures.
Les OMDS et des réponses au problème de l’eau...
L’OMD 7 vise à « doter les Etats d’ici 2005 d’un schéma directeur de gestion intégrée de
la ressource en eau » (GIRE- global water partnership) et de « réduire de moitié d’ici
2015 le pourcentage de la population qui n’a pas accès de façon durable à l’eau et
l’assainissement. Il complète – de par la corrélation réciproque entre eau et pauvreté –
l ‘objectif n°1 de réduire la pauvreté.
Un outil pour étudier la relation entre l’eau et la pauvreté est l’indice international de
pauvreté en eau (IPE- water and poverty index) défini par le Centre d’écologie et
d’hydrologie et le CME. Il démontre notamment que ce n’est pas le volume des
ressources en eau disponibles qui détermine les niveaux de pauvreté dans un pays,
mais plutôt l’efficacité avec laquelle ces ressources sont utilisées.
Historiquement l’eau était prise en charge par l’Etat. Mais suite aux échecs de
nombreux pays on prend à la Haye la décision d’encourager les investissements privés.
Les fortes capacités d’investissement et de financement du secteur privé, tenant de son
efficacité et de ses compétences, apparaissent comme un avantage. Les attributions de
4
« l'eau est un élément capital pour la santé des populations et leur subsistance, pour la
croissance économique ainsi que pour la préservation des écosystèmes » Déclaration ministérielle
http://worldwatercouncil.org/index.php?id=708&L=1
5
"L'eau est fondamentale pour la vie et la santé. Le droit humain à l'eau est indispensable pour
permettre une vie saine dans la dignité humaine. C'est une condition préalable à la réalisation des autres
droits de l'homme."
concessions à des groupes privés (Buenos Aires, Manille par exemple..) ont conduit à
des baisses de prix importantes. Seulement 5 % des ressources en eau sont
actuellement gérées par le secteur privé. Cependant, que la gestion soit publique ou
privée, il faut être conscient que la fourniture de l’eau a un coût (investissements,
salaires, maintien des installations…)
3) Bilan et défis du forum mondial de l'eau de Mexico.
Le IVème forum mondial de l'eau s'est tenu à Mexico du 16 au 22 mars 2006 avec pour
thème central "des actions locales pour un défi global". La 2ème édition du Rapport
mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau (« L’eau, une
responsabilité partagée »), produit dans le cadre du forum de Mexico, insiste sur
l’importance de la gouvernance dans la gestion des ressources mondiales en eau et
dans la lutte contre la pauvreté; la situation s’expliquerait selon ce rapport par « les
mauvaises pratiques de gestion, la corruption, l’absence d’institutions appropriées,
l’inertie bureaucratique et la faiblesse des investissements dans les domaines des
ressources humaines et des infrastructures physiques »
Les grands thèmes abordés au Forum Mondial de Mexico
- le Droit à l'accès à l'eau nourrit une polémique car l'eau est considérée comme un
"droit de l'homme" et certains considèrent qu’elle doit être fournie gratuitement. Or
l’approvisionnement en eau potable et l'assainissement ont un coût.
- La question du financement et de la solidarité internationale. D’après le rapport du
CME sur le coût de la cible 10 sur l’eau et l’assainissement des OMD les estimations
s’étendent entre 9 et 30 milliards de dollars par an. Or les PED seuls ne peuvent
supporter ces investissements d’où la nécessité d’une solidarité internationale. La
France par exemple s'est fixée comme objectif de doubler son aide bilatérale au
développement dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. On note à ce titre le
rôle des bailleurs de fond internationaux, dont l’AFD.
- Le rôle des autorités publiques locales a été officiellement reconnu pour une gestion
de l'eau au plus près du citoyen. La coopération à tous les échelons (au niveau
international avec ces acteurs locaux, mais aussi entre eux et avec la société civile) est
essentielle pour optimiser l’échange de bonnes pratiques et des compétences de
chacun (logique de la gestion intégrée des ressources en eau, GIRE) mais aussi pour
prévenir les risques et les catastrophes naturelles liées à l’eau. La création de la banque
de données CDD Water Action and Networking Database (CDD-WAND) permettra
l’échange d’informations, de pratiques optimales et d’expériences et fera la promotion
des recommandations et accords internationaux pertinents.
- La mise en place effective d'outils de suivi et d'évaluation de l'accès à l'eau et à
l'assainissement. est importante pour évaluer et mieux comprendre l'impact des
investissements. Ce travail est déjà avancé grâce au "livre bleu" du CME qui présente
un état d'avancement vers l'OMD7 et propose des chantiers prioritaires et des plans
d'actions.
Un bilan mitigé:
Le WWF considère que l'engouement des gouvernements pour les investissements à
grande échelle (constructions de barrages en Afrique par exemple, une réponse qui a
émergé de ce forum) ne correspond pas aux besoins immédiats des populations. La
priorité devrait être de privilégier la préservation des écosystèmes d'eau douce, vitale
pour les populations et la nature. Le WWF plaide plutôt pour de nombreux petits
barrages de villages bénéficiant aux villages plus éloignés et demeure convaincu que la
solution se trouve dans une meilleure gestion des fleuves, des rivières et des zones
humides. Pour Philippe Weiler, de WWF, les ministres présents à la conférence de
Mexico n'ont pris aucun nouvel engagement. Des controverses demeurent également
sur la privatisation des services de l’eau, parfois considérée comme la violation d’un
droit de l’homme.
Bibliographie
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L’eau, enjeu mondial, géopolitique du partage de l’eau, Frédéric Lasserre
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http://instdev.concordia.ca/ForumEnvironnement/SylviePaquerot/EauPatrimoine.htm
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CICID ( ??) (2004) Groupe l’Eau et Assainissement, Note sectorielle sur l’eau,
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Un enjeu majeur pour le développement durable au XXIe siècle. Collection Les Cahiers
du Développement Durable. Accessible sur :
http://www.pwcglobal.com/fr/pwc_pdf/pwc_etude_fr-eau.pdf
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Déclaration ministérielle de la conférence de Bonn :
http://worldwatercouncil.org/index.php?id=708&L=1